Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Canadian Human Rights Tribunal

Entre :

Ken Kelsh

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Chemin de fer Canadien Pacifique

l’intimée

Décision sur requête

 

 

Numéro du dossier : T1956/3613

Membre : Olga Luftig

Date : Le 15 décembre 2015

Référence : 2014 TCDP 36

 



I.                   Contexte – La plainte

[1]               Le 12 août 2013, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé que le président intérimaire du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) instruise la plainte déposée par M. Ken Kelsh (le plaignant) contre la société Chemin de fer Canadien Pacifique (l’intimée).

[2]               La plainte concerne une allégation de discrimination en cours d’emploi fondée sur la déficience, la différence de traitement défavorable et un manquement à l’obligation d’adaptation, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) et sur les représailles, en contravention de l’article 14.1 de la Loi. La plainte a été modifiée le 1er juin 2012 pour inclure l’allégation de discrimination systémique dans les pratiques et procédures de l’intimée en matière d’administration de tests et de postulation, en contravention de l’article 10 de la Loi.

[3]               Le plaignant est membre d’une section du syndicat des Teamsters (le syndicat). Son emploi est régi par une convention collective (la convention collective) conclue entre le syndicat et l’intimée.

[4]               Bien que la Commission ne participe pas à l’audience, elle a déposé un exposé des précisions et une réponse à la requête qui fait l’objet de la présente décision.

[5]               Les observations orales concernant la requête ont été entendues par téléconférence le 19 septembre 2014.

II.                Requête de l’intimée visant à faire rejeter la plainte

[6]               L’intimée a présenté une requête en vue de faire rejeter la plainte pour les motifs exposés ci‑après.

          Le plaignant n’a pas épuisé les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont ouverts en vertu de la convention collective, en contravention du paragraphe 41(1) de la Loi.

 

          Le paragraphe 50(2) de la Loi donne au Tribunal le pouvoir de trancher toutes les questions de droit et toutes les questions de fait dans les affaires dont il est saisi, y compris celles concernant sa propre compétence.

[7]               Outre ses observations dans l’avis de requête, l’intimée a présenté la preuve documentaire suivante à l’appui de la requête :

          l’affidavit de Brianne Sly, souscrit le 10 février 2014 (l’affidavit de Mme Sly);

 

          la plainte;

 

          le rapport et la décision de la Commission, datés du 17 avril 2012, concernant l’application des articles 40 et 41;

 

          la lettre du 20 octobre 2011 de Me David Brown, un avocat du syndicat, adressée à Caroline Audet, l’agente du règlement anticipé de la Commission (la lettre de Me Brown).

III.             Contexte de la requête en rejet

[8]               Le contexte de la requête décrit ci‑dessous n’est pas contesté par les parties.

          Le 24 août 2011 : le plaignant a déposé la plainte auprès de la Commission;

 

          Le 21 octobre 2011 : le syndicat a envoyé à la Commission la lettre de Me Brown. Essentiellement, cette lettre explique que le syndicat a refusé de déposer un grief pour le compte du plaignant parce que, selon la connaissance du syndicat, le fait que le plaignant n’ait pas de certification particulière (la carte D) alors qu’il occupait un poste équivalent sans perte de salaire ferait en sorte qu’il ne pourrait pas avoir gain de cause à l’étape du grief ou de l’arbitrage;

 

          Dans la lettre de Me Brown, on mentionne aussi que les questions du plaignant concernant les droits de la personne devraient être adressées à la Commission;

 

          La Commission est convaincue que le défaut de présenter un grief n’était pas imputable au plaignant et, le 27 juin 2012, elle a décidé qu’il fallait donner suite à la plainte, parce qu’aucun autre mécanisme de recours n’était normalement ouvert au plaignant, conformément au rapport et à la décision de la Commission, datés du 17 avril 2012, concernant l’application des articles 40 et 41;

 

          L’intimée n’a pas présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission du 27 juin 2012;

 

          Le 12 août 2013 : la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction.

 

[9]               En ce qui concerne les griefs déposés pour le compte du plaignant, les étapes principales sont décrites de la manière suivante :

          Le 21 juin 2013 : M. Wade Phillips, un employé syndiqué qui assumait à titre intérimaire la fonction d’assistant du directeur du syndicat, a déposé un grief (le grief no 1) pour le compte du plaignant, qui comprenait une demande de mesures d’adaptation en vertu de la Loi. C’était l’« étape 1 » de la procédure de règlement des griefs;

          L’intimée a rejeté le grief n1;

          Le 17 septembre 2013 : M. Phillips a déposé un grief à l’étape 1 pour le compte du plaignant (le grief n2), qui comprenait aussi une demande de mesures d’adaptation en vertu de la Loi;

          L’intimée a rejeté le grief no 2;

 

          Le syndicat a fait passer les griefs à l’étape suivante (l’étape 2) de la procédure de règlement des griefs;

 

          L’intimée a rejeté les deux griefs à l’étape 2;

 

          L’étape suivante de la procédure de règlement des griefs est l’arbitrage;

 

          En février 2014, l’intimée a signifié et déposé un avis de requête;

 

          Peu de temps après, le syndicat a retiré les griefs sous réserve de tout droit;

 

          Dans le contexte de la réponse du plaignant à cette requête, M. Phillips a souscrit un affidavit le 17 avril 2014 (l’affidavit de M. Phillips) dans lequel il déclarait essentiellement ce qui suit :

(i) il a déposé les deux griefs du plaignant parce qu’il n’était pas au courant de la lettre de Me Brown (au paragraphe 3);

(ii) lorsqu’il a appris l’existence de la lettre de Me Brown le 18 février 2013 [sic], il a retiré les griefs sous réserve de tout droit (au paragraphe 4). [Ma note : compte tenu des dates figurant dans tous les documents concernant la présente affaire, je suppose qu’au paragraphe 4, M. Phillips voulait dire le 18 février 2014 et non 2013.]

[10]           L’intimée n’a pas contre‑interrogé M. Phillips concernant son affidavit.

A.                Les observations de l’intimée à l’appui de la requête en rejet

[11]           La thèse de l’intimée est présentée ci‑dessous.

          La procédure de règlement des griefs est encore normalement ouverte au plaignant, mais il a choisi de ne pas y recourir;

          Les griefs portent essentiellement sur les mêmes faits que ceux qui sont en cause dans la plainte. Les griefs étaient passés jusqu’à la fin du processus de l’étape 2;

          Le syndicat n’a retiré la plainte qu’à la demande de l’avocat du plaignant;

          En outre, le retrait des griefs a été fait [traduction] « sous réserve de tout droit et sans que cela crée de précédent », et les griefs peuvent donc être relancés. Les griefs et la plainte sont essentiellement de même nature. En fait, le plaignant peut épuiser la procédure de règlement des griefs au moyen d’un dépôt de griefs sur [traduction] « […] exactement les mêmes faits et les mêmes questions concernant les droits de la personne dont le Tribunal est saisi dans cette affaire, en tout temps » (au paragraphe 6 de la réplique de l’intimée à la réponse que le plaignant a faite à la requête);

 

          Le Bureau d’Arbitrage et de Médiation des Chemins de fer du Canada (le BAMCFC) est la tribune la plus appropriée pour traiter la plainte, parce que les arbitres du BAMCFC connaissent mieux le milieu de travail spécialisé de l’intimée;

 

          Les arbitres en droit du travail ont la compétence pour se pencher sur les questions de la législation sur les droits de la personne et l’obligation de le faire;

 

          Si le Tribunal permet à la plainte de suivre son cours, cela serait contraire aux objectifs de l’alinéa 41(1)a) de la Loi, que l’intimée estime être les suivants :

 

a)      éviter les dédoublements inutiles des instances, en particulier lorsqu’un grief susceptible d’arbitrage et une plainte relative aux droits de la personne [traduction] « […] découlent du même contexte factuel »;

 

b)      favoriser un règlement rapide des conflits en milieu de travail par des « experts qui connaissent bien le milieu de travail », comme cela a été énoncé dans l’arrêt Parry Sound (District) Social Services Administration Board c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42 (« Parry Sound »).

 

          Au lieu de recourir à la procédure relative aux droits de la personne lorsque le syndicat a refusé de le représenter, le plaignant aurait dû invoquer l’article 37 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), c. L‑2). [Ma note : l’article 37 prévoit essentiellement qu’il est interdit à un représentant syndical d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard d’employés dans l’exercice des droits qui sont reconnus à ceux‑ci par la convention collective.]

B.                 La thèse du plaignant

[12]           La thèse du plaignant est exposée ci‑dessous.

          Les griefs ont été déposés par erreur par M. Phillips, l’assistant temporaire du directeur du syndicat, parce qu’il n’était pas au courant de la lettre de Me Brown;

          La présente affaire n’en est pas une où l’on recherche le tribunal le plus favorable – l’avocat du plaignant n’a été au courant des griefs que lorsqu’il a reçu la requête en question;

          Le plaignant ne pouvait pas comprendre les conséquences possibles que le dépôt des griefs pouvait avoir sur sa plainte. Il n’a fait ces démarches que pour comprendre pourquoi on lui refusait un poste;

          Lorsque l’avocat du plaignant et l’avocat du syndicat, Me Brown, ont communiqué par téléphone en présence du directeur du syndicat William Brehl en octobre 2013, l’avocat du syndicat a, d’une manière très directe, persistante et non équivoque, confirmé que le syndicat n’appuyait pas le dépôt d’un grief pour le compte du plaignant. Par conséquent, aucune procédure d’appel ou de règlement des griefs n’est normalement ouverte au plaignant;

          Le Tribunal devrait rejeter la requête de l’intimée.

C.                La thèse de la Commission

[13]           La thèse de la Commission est exposée ci‑dessous.

          Le tribunal n’a pas compétence pour rejeter une plainte à un stade préliminaire : c’est la Commission qui a compétence pour ce faire (Harkin c. (Canada) Procureur général), 2009 TCDP 6 (Harkin), au paragraphe 20;

 

          Le Tribunal a été créé par une loi – la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette loi habilitante ne donne pas au Tribunal le pouvoir d’effectuer ce que l’on pourrait considérer comme une deuxième fonction d’examen préalable lorsque la Commission renvoie une plainte pour instruction. Si telle avait été l’intention du législateur, celui‑ci aurait explicitement accordé ce pouvoir au Tribunal dans sa loi habilitante;

 

          Lorsque la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction, elle était convaincue que le plaignant ne pouvait se prévaloir d’aucune procédure de règlement des griefs au titre de l’alinéa 41(1)a) de la Loi, parce que l’avocat du syndicat, Me Brown, avait déclaré dans sa lettre que le syndicat ne déposerait pas de grief à l’égard de la plainte du plaignant. Par conséquent, aucune autre procédure d’appel ou de règlement de griefs n’était normalement ouverte au plaignant;

 

          Le Tribunal ne devrait rejeter une plainte à un stade préliminaire que dans des circonstances exceptionnelles – par exemple, si une instruction constitue un abus de procédure du Tribunal ou si une instruction porterait atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice.

IV.             Questions soulevées

[14]           En l’espèce, les questions soulevées dans la requête sont les suivantes :

A.    Le Tribunal peut‑il statuer sur sa propre compétence?

B.     Le Tribunal peut‑il rejeter une plainte à une étape préliminaire, avant la tenue d’une audience?

C.     Le Tribunal a‑t‑il le pouvoir de rejeter la présente plainte compte tenu du fait qu’une procédure d’appel ou de règlement des griefs est par ailleurs normalement ouverte au plaignant, comme l’énonce l’alinéa 41(1)a) de la Loi?

V.                 Analyse

A.                Le Tribunal peut-il statuer sur sa propre compétence?

[15]           Le paragraphe 50(2) de la Loi est ainsi libellé :

50(2) Il [le membre instructeur du Tribunal] tranche les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi en vertu de la présente partie.

[16]           Je conclus que l’utilisation de l’expression « les questions de droit et les questions de fait » donne au libellé du paragraphe 50(2) de la Loi une portée suffisante pour que le Tribunal puisse statuer sur des questions touchant à sa propre compétence.

B.                 Le Tribunal peut‑il rejeter une plainte à une étape préliminaire, avant la tenue d’une audience?

[17]           Je conclus également que, dans des circonstances très limitées, le Tribunal a compétence pour rejeter une plainte à une étape préliminaire, avant la tenue d’une audience. Ces circonstances limitées sont les suivantes :

(i)                 Lorsqu’une instruction est susceptible de constituer un abus de procédure, comme dans la décision Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, 2004 CF 81 (Cremasco), conf. par l’arrêt Commission canadienne des droits de la personne c. Société canadienne des postes, 2004 CAF 363;

(ii)               Lorsqu’une instruction équivaudrait à la réouverture d’une affaire, ce qui, sans qu’il y ait préclusion découlant d’une question déjà tranchée, porterait « […] atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice » (Toronto (Ville) c. Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 79, [2003] A.C.S. n64, au paragraphe 37).

C.                Le Tribunal a‑t‑il le pouvoir de rejeter la présente plainte compte tenu du fait qu’une procédure d’appel ou de règlement des griefs est par ailleurs normalement ouverte au plaignant, comme l’énonce l’alinéa 41(1)a) de la Loi?

(i)     Abus de procédure et réouverture de l’affaire

[18]           L’intimée n’allègue pas qu’il y aurait abus de procédure si l’instruction de la plainte devait être poursuivie.

[19]           L’intimée prétend plutôt essentiellement que la procédure de règlement des griefs est le recours approprié pour régler les questions soulevées dans la plainte parce que : a) les deux arbitres du BAMCFC connaissent mieux le milieu de travail spécialisé dont il est question en l’espèce et ont la capacité, l’autorisation et l’obligation de se pencher sur les allégations relatives aux droits de la personne soulevées dans la présente plainte; b) l’alinéa 41(1)a) de la Loi renferme l’intention du législateur d’éviter que des plaintes qui devraient être réglées au moyen du processus de règlement des griefs soient tranchées au moyen du processus administratif concernant les droits de la personne.

[20]           Même si l’intimée avait invoqué un abus de procédure, j’estime qu’en l’espèce, il n’y a pas abus de procédure. Il n’y a pas eu de retard excessif dans l’affaire du plaignant. Aucune question concernant la réouverture de l’affaire ne se pose en l’espèce, parce qu’aucune décision arbitrale n’a été rendue – les griefs aux étapes 1 et 2 consistaient en des observations écrites et des réponses écrites. Aucune audience n’a été tenue et aucune décision arbitrale n’a été rendue, ce qui aurait constitué une décision définitive.

[21]           La poursuite de l’instruction ne porterait pas atteinte à l’économie, à la cohérence, au caractère définitif des instances ni à l’intégrité de l’administration de la justice.

(ii)   Le Tribunal devrait‑il rejeter la plainte au motif que l’alinéa 41(1)a) de la Loi s’applique?

[22]           Bien que le Tribunal possède le pouvoir, dans des circonstances très limitées, de rejeter une plainte à une étape préliminaire avant la tenue d’une audience, il subsiste la question de savoir si ce pouvoir s’étend aux circonstances envisagées à l’alinéa 41(1)a) de la Loi.

[23]           L’alinéa 41(1)a) de la Loi est ainsi libellé :

41(1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

[24]           En incluant l’alinéa 41(1)a) dans la Loi, le législateur a reconnu qu’il y avait des procédures parallèles qui coexistaient.

[25]           Le paragraphe 41(1) de la Loi oblige la Commission à statuer sur toute plainte dont elle est saisie à moins que la Commission estime que des circonstances comme celles qui sont énumérées à l’alinéa 41(1)a) s’appliquent.

[26]           Par conséquent, le législateur a expressément conféré à la Commission le pouvoir et la responsabilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour « statue[r] sur toute plainte dont elle est saisie », sous réserve des alinéas 41(1)a) et suivants de la Loi.

[27]           Le législateur n’a pas accordé ce pouvoir au Tribunal – autrement, ce pouvoir lui serait confié dans la Loi, comme l’énonce la décision Harkin, précitée, aux paragraphes 21 et 22.

[28]           En outre, le législateur n’a pas donné au Tribunal le pouvoir d’effectuer une deuxième fonction d’examen préalable – tel n’est pas l’esprit de la Loi.

[29]           Si une partie n’est pas satisfaite de la manière dont la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi, elle dispose d’un recours auprès de la Cour fédérale, qu’elle exerce en présentant une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission. L’intimée n’a pas exercé ce recours après la décision de la Commission du 12 juin 2012 d’aller de l’avant avec la plainte.

[30]           Les observations de l’intimée selon lesquelles M. Phillips, en tant que représentant syndical, a retiré les griefs uniquement parce que l’avocat du plaignant lui avait demandé de le faire sont contraires à ce qui est énoncé au paragraphe 4 de l’affidavit de M. Phillips, dans lequel il déclare que [traduction] « [L]orsque j’ai été mis au courant de la lettre de MBrown le 18 février 2013 [sic] ou vers cette date […] J’ai retiré les griefs […] »

[31]            S’ils sont interprétés ensemble, les paragraphes 3 et 4 de l’affidavit M. Phillips établissent que M. Phillips a retiré les griefs lorsqu’il a été mis au courant de la lettre de Me Brown. Les renseignements que l’avocat du plaignant a communiqués à M. Phillips concernant la situation n’ont servi qu’à aviser M. Phillips qu’il avait présenté les griefs par inadvertance, contrairement à l’avis de son syndicat.

[32]           Autrement dit, je conclus que M. Phillips n’a pas reçu les instructions de retirer les griefs de l’avocat du plaignant, mais plutôt de l’avocat du syndicat, dont les instructions et l’avis étaient exprimés dans la lettre de Me Brown.

[33]           Au cours de l’audience de la requête tenue le 19 septembre 2014 par voie de conférence téléphonique, l’avocat du plaignant a confirmé ce qu’il disait dans sa réponse à la requête, à savoir que lorsque l’avocat du plaignant avait eu un entretien téléphonique en octobre 2013 avec l’avocat du syndicat, MBrown, et en présence aussi du directeur du syndicat, William Brehl, Me Brown avait encore une fois confirmé que le syndicat ne présenterait pas de grief pour le compte du plaignant en raison de la question liée à la carte D.

[34]           En outre, l’affidavit de M. Phillips a été souscrit en avril 2014, après le retrait des griefs. J’estime que le fait que les griefs aient été retirés [traduction] « sous réserve de tout droit » n’est pas pertinent quant à la véritable thèse du syndicat, qui n’avait pas et n’a toujours pas changé depuis la lettre de Me Brown. Selon cette thèse, tant qu’un éventuel grief porte sur le manque d’une carte D, et qu’il est formulé par un plaignant éventuel dont le salaire n’est pas touché par le fait qu’il n’ait pas la carte D, le syndicat ne déposera pas de grief, parce qu’à sa connaissance, ces griefs ne sont jamais accueillis.

[35]           Le plaignant serait dépourvu de recours quant à une procédure de règlement des griefs ou à toute autre procédure visant à régler sa plainte relative aux droits de la personne.

[36]           La Loi est claire, tout comme la jurisprudence – le Tribunal n’a pas compétence pour rejeter une plainte à une étape préliminaire de sa procédure au titre de l’alinéa 41(1)a) de la Loi. Cette compétence appartient à la Commission.

[37]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’intimée n’a pas établi que le Tribunal devait rejeter la plainte conformément à la présente requête.

VI.             Décision

[38]           La requête de l’intimée est rejetée.

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 15 décembre 2014

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