Tribunal canadien des droits de la personne

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ENTRE :

GRAND CHEF STAN LOUTTIT en sa qualité de représentant des Premières Nations du CONSEIL MUSHKEGOWUK et GRAND CHEF STAN LOUTTIT en sa qualité personnelle

Plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Intimé

 

 

 

 

DÉCISION SUR REQUÊTE

 

MEMBRE :  Sophie Marchildon

  Juge administrative

2013 TCDP 3

2013/01/16

 


  • [1] Le 5 avril 2011, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé à la présidente du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal), en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), d’instruire la plainte que le grand chef Stan Louttit avait déposée en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant des Premières Nations du Conseil Mushkegowuk (les plaignants). Les plaignants soutiennent qu’ils ont reçu et continuent à recevoir des services de maintien de l’ordre de qualité inférieure aux services qui sont fournis aux collectivités non autochtones du Canada. Selon les plaignants, le procureur général du Canada (l’intimé) commet ainsi un acte discriminatoire fondé sur l’origine ethnique, au sens de l’article 5 de la Loi.

  • [2] La présente décision sur requête porte sur une requête en divulgation présentée par les plaignants relativement à la plainte susmentionnée.

 

 

  1. LE CONTEXTE

 

[3]  En application du paragraphe 6(1) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les Règles), chaque partie doit signifier et déposer un exposé des précisions indiquant notamment les divers documents qu’elle a en sa possession et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence. Le 2 mars 2012, l’intimé a déposé un exposé des précisions, une liste de documents (la première liste de documents) et un dossier de divulgation (le premier CD de divulgation).

 

[4]  Les plaignants ont demandé que l’intimé divulgue des documents supplémentaires. Après avoir obtenu une prorogation du délai pour le faire, l’intimé a déposé une autre liste de documents (la deuxième liste de documents) et un dossier de divulgation supplémentaire (le deuxième CD de divulgation).

 

[5]  Malgré les divulgations supplémentaires, les plaignants affirment que l’intimé n’a pas fourni une liste exhaustive des documents nécessaires et qu’il n’a pas fourni des copies intégrales de plusieurs documents figurant sur ses listes de documents.

 

[6]  Après une téléconférence de gestion de l’instance tenue le 8 août 2012, les parties ont convenu de chercher à régler la question des divulgations de manière informelle. Ces efforts ayant échoué, les plaignants ont déposé la requête en cause le 1er octobre 2012 afin d’obtenir une ordonnance obligeant l’intimé à faire des divulgations supplémentaires.

 

[7]  La présentation des observations au sujet de la requête a pris fin le 16 novembre 2012. La Commission n’a pas pris position à l’égard de la requête.

 

[8]  Le 21 décembre 2012, le Tribunal a rendu l’ordonnance suivante au sujet de la requête en cause :

[traduction]

 

1. L’intimé doit divulguer tous les documents demandés par les plaignants dans le tableau A de leur dossier de requête daté du 1er octobre 2012, ou confirmer que les documents demandés n’existent pas.

 

a. Pour ce qui est des documents demandés à l’alinéa 5a) du tableau A du dossier de requête des plaignants daté du 1er octobre 2012, l’intimé doit divulguer tous les documents qui décrivent le processus d’établissement des niveaux de dotation et de financement dans les collectivités éloignées ou isolées qui reçoivent les services de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Cette obligation vaut pour les documents de politique générale de la GRC; les niveaux de dotation et de financement pour chaque collectivité éloignée ou isolée n’ont pas à être divulgués.

 

b. Pour ce qui est des documents demandés à l’alinéa 5b) du tableau A du dossier de requête des plaignants daté du 1er octobre 2012, l’intimé doit divulguer tous les documents qui décrivent le processus d’établissement des niveaux de dotation et de financement dans les collectivités éloignées ou isolées qui font appel à des services de police des Premières Nations qui relèvent de la Politique sur la police des Premières Nations du gouvernement fédéral. Cette obligation vaut pour les documents de politique générale relatifs à la Politique sur la police des Premières Nations; les niveaux de dotation et de financement de chaque service de police des Premières Nations n’ont pas à être divulgués.

 

c. Pour ce qui est des documents demandés à l’alinéa 11 du tableau A du dossier de requête des plaignants daté du 1er octobre 2012, l’intimé doit divulguer tous les documents décrivant les normes adoptées par la GRC en matière de niveaux de service, d’installations, d’équipement, de salaires, d’avantages sociaux et d’indemnités d’éloignement, ainsi que toute norme en matière de maintien de l’ordre dans les collectivités éloignées ou isolées. Cette obligation vaut pour les documents de politique générale de la GRC; les normes s’appliquant à des collectivités des Premières Nations ou d’autres collectivités précises n’ont pas à être divulguées.

 

2. L’intimé doit divulguer tous les documents en sa possession qui ont trait, pour la période allant de 2007 à aujourd’hui, à un fait, à une question ou à une forme de redressement demandée en l’espèce, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties, ou encore confirmer que les documents demandés n’existent pas.

 

3. En application de l’alinéa 6(1)d) et du paragraphe 6(5) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les Règles), l’intimé doit transmettre aux autres parties une liste globale des documents qui sont en sa possession et pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué. Cette liste globale doit inclure tous les documents pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué qui ont déjà été divulgués et tous les documents pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué qui seront divulgués conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’ordonnance.

 

4. En application du paragraphe 6(4) des Règles, l’intimé doit fournir aux autres parties une copie de chaque document énuméré dans la liste globale décrite au paragraphe 3 de l’ordonnance. Chaque document fourni devra porter un titre ou une indication renvoyant clairement à la liste globale de documents, afin que les plaignants puissent facilement identifier et consulter le document.

 

5. Les documents fournis conformément au paragraphe 4 de l’ordonnance ne doivent pas être caviardés. Si certains documents ne peuvent pas être fournis dans leur version intégrale, l’intimé devra expliquer pourquoi.

 

6. En application de l’alinéa 6(1)e) et du paragraphe 6(5) des Règles, l’intimé doit transmettre aux autres parties une liste globale des documents qui sont en sa possession et pour lesquels un privilège de non-divulgation est invoqué. L’intimé doit fournir une explication pour chaque privilège qui est invoqué. Cette liste globale doit inclure tous les documents pour lesquels un privilège de non‑divulgation est invoqué qui ont déjà été divulgués et tous les documents pour lesquels un privilège de non-divulgation est invoqué qui seront divulgués conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’ordonnance.

 

7. L’intimé doit se conformer aux paragraphes 1 à 6 de l’ordonnance au plus tard le 15 février 2013.

 

[9]  La présente décision sur requête constitue les motifs de l’ordonnance rendue par le Tribunal le 21 décembre 2012.

 

  1. LA DÉCISION SUR REQUÊTE

 

[10]  Conformément aux principes de justice naturelle et au paragraphe 50(1) de la Loi, les parties à une instance du Tribunal doivent avoir la possibilité pleine et entière de faire valoir leur position. Cela exige la divulgation de tous les éléments de preuve pertinents aux yeux des parties. S’il existe un lien rationnel entre un document demandé et les faits, les questions ou les formes de redressement recherchés par les parties, ce document doit être divulgué conformément aux alinéas 6(1)d) et e) des Règles (voir les décisions Guay c. Canada (Gendarmerie royale), 2004 TCDP 34, au paragraphe 42 et Association des employé(e)s de télécommunication du Manitoba inc. c. Manitoba Telecom Services, 2007 TCDP 28, au paragraphe 4). À cet égard, je rappelle l’objet des Règles, énoncé au paragraphe 1(1), c’est-à-dire de permettre :

 

  • a) que toutes les parties à une instruction aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre;

 

  • b) que l’argumentation et la preuve soient présentées en temps opportun et de façon efficace;

 

  • c) que toutes les affaires dont le Tribunal est saisi soient instruites de la façon la moins formaliste et la plus rapide possible.

 

  • [11] Gardant à l’esprit ces principes, j’exposerai ci‑après les moyens invoqués par les plaignants à l’appui de leur requête et la décision du Tribunal à ce sujet.

 

  1. Le premier CD de divulgation est incomplet et insuffisant

 

  • [12] Les plaignants soutiennent que le premier CD de divulgation est incomplet et insuffisant parce que de nombreux documents qui figuraient sur la première liste de documents n’ont pas été inclus sur le CD et que les documents gravés sur le CD ne correspondent pas à la numérotation de la première liste de documents. Selon les plaignants, le CD contient principalement des fichiers PDF de grande taille, sans table des matières et qui semblent chacun contenir un bon nombre de documents non classés. Les plaignants affirment que l’absence d’organisation des documents du premier CD de divulgation rend leur examen difficile. Ils soutiennent que l’obligation de fournir des documents que prévoit le paragraphe 6(4) des Règles inclut vraisemblablement l’obligation de le faire sous une forme qui permet à la partie qui reçoit les documents de trouver et d’identifier les documents divulgués. Par conséquent, les plaignants demandent que l’intimé leur fournisse un CD de divulgation ou un classeur qui soit organisé de manière cohérente et qui inclue tous les documents énumérés dans la première liste de documents.

  • [13] L’intimé affirme avoir divulgué des documents aux plaignants le 2 mars et le 5 juillet 2012. Il soutient ne pas être tenu de réorganiser les documents qui ont déjà été fournis aux plaignants.

 

 

  • [14] Bien que les Règles ne précisent pas la manière ou la forme que doit prendre la divulgation, l’objet des règles et, plus généralement, les principes d’équité exigent que la divulgation et la production de documents soient suffisantes pour que chaque partie ait la possibilité pleine et entière de se faire entendre. La production d’un CD dont le contenu n’est pas structuré, qui n’a pas de table des matières et qui renferme des documents non classés nuit à la capacité des plaignants d’invoquer des éléments de preuve que l’intimé estime pertinents en l’espèce ou de répondre à ceux-ci. De plus, en l’espèce, la désorganisation du premier CD de divulgation a fait que l’argumentation et la preuve n’ont pas pu être présentées en temps opportun et de façon efficace. Les parties en sont encore à l’étape des divulgations, et ce, depuis mars 2012. Certes, le premier CD de divulgations désorganisé n’est peut-être pas la seule cause de ce retard, mais il s’agit d’un facteur. D’ailleurs, l’intimé a souligné que certains documents exigés au moyen de la requête en cause ont déjà été fournis aux plaignants. Peut-être que si les documents avaient été produits plus efficacement dès le départ, la requête en cause – ou au moins certains de ses éléments – n’aurait peut-être pas été nécessaire et l’instance aurait peut-être progressé plus rapidement.

  • [15] Par conséquent, par souci d’équité et d’efficacité, et compte tenu des divulgations supplémentaires ordonnées ci-dessous, j’estime que la façon la plus simple de régler la question du premier CD de divulgation désorganisé est d’exiger que l’intimé produise une liste globale de documents en application des alinéas 6(1)d) et e) des Règles. Cette liste globale devra inclure tous les documents divulgués à ce jour et tous les documents dont la divulgation est ordonnée dans la présente décision sur requête. Chaque document fourni aux plaignants conformément au paragraphe 6(4) des Règles devra porter un titre ou une indication renvoyant clairement à la liste globale de documents afin que les plaignants puissent facilement identifier et consulter le document.

 

 

  1. Les documents divulgués sont caviardés

 

  • [16] Les plaignants affirment que de nombreux documents fournis dans les premier et deuxième CD de divulgation sont caviardés et que l’intimé n’a fourni aucune justification pour le caviardage des documents. Les plaignants demandent donc au Tribunal d’ordonner à l’intimé de produire des versions intégrales des documents caviardés.

  • [17] L’intimé reconnaît que certains des documents fournis aux plaignants sont caviardés. L’intimé a accepté d’examiner les documents caviardés afin de vérifier s’il en existe des versions intégrales et, dans l’affirmative, s’ils peuvent être fournis aux plaignants.

 

 

[18]  Bien que l’intimé ait accepté d’examiner les documents pour vérifier s’il en existe des versions intégrales, les plaignants soulignent que l’intimé ne s’est pas engagé à fournir les versions intégrales des documents. Par conséquent, si le Tribunal ne rendait pas d’ordonnance, l’intimé pourrait simplement aviser les plaignants qu’il ne fournira pas de documents intégraux, ce qui exigerait la présentation de nouvelles observations et entraînerait d’autres retards. Les plaignants affirment qu’une ordonnance est donc nécessaire.

 

  • [19] Bien que l’intimé ait accepté d’examiner les documents fournis pour vérifier s’il en existe des versions intégrales et, dans l’affirmative, s’il est possible de les fournir aux plaignants, j’estime qu’il est nécessaire de rendre une ordonnance à cet égard. Les Règles du Tribunal font une distinction entre les documents protégés par un privilège de non-divulgation (alinéa 6(1)e)) et ceux qui ne le sont pas (alinéa 6(1)d)). Seuls les documents pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué doivent être fournis aux autres parties (paragraphe 6(4) des Règles). Cela découle du fait que les seuls éléments que le Tribunal ne peut pas admettre en preuve sont ceux qui, dans le droit de la preuve, sont confidentiels devant les tribunaux judiciaires (voir le paragraphe 50(4) de la Loi). Dans les autres cas, sous réserve du paragraphe 50(5) de la Loi, le Tribunal peut recevoir tout élément de preuve ou renseignement qu’il juge indiqué (voir l’alinéa 50(3)c) de la Loi). Bien que, dans certaines circonstances, le Tribunal puisse prendre des mesures pour protéger la confidentialité de renseignements divulgués – habituellement à la demande d’une des parties –, en l’espèce, l’intimé n’a demandé aucune mesure de protection de la confidentialité à l’égard des documents qu’il a fournis aux plaignants. De plus, l’intimé n’a pas expliqué pourquoi certains des documents fournis sont caviardés.

  • [20] Le Tribunal ordonne donc à l’intimé de fournir des versions intégrales de tous les documents fournis aux plaignants. Si certains documents ne peuvent pas être fournis dans leur version intégrale, l’intimé devra expliquer pourquoi.

 

 

  1. Demande de divulgations supplémentaires

 

  • [21] Les plaignants avancent que les deux listes de documents fournies par l’intimé semblent ne pas comporter certains documents pertinents qui existent vraisemblablement. Selon les plaignants, le gouvernement fédéral négocie des accords sur les services de police relativement au maintien de l’ordre dans les collectivités du Conseil Mushkegowuk, il évalue les services de police des Premières Nations, il a des responsabilités importantes en matière de surveillance et il administre la GRC. Les plaignants soutiennent que, par l’exercice de ces rôles et de certains autres rôles, l’intimé a accès à un nombre considérable d’autres documents pertinents. Plus précisément, les plaignants affirment que les documents suivants sont en la possession de l’intimé et ne figuraient pas sur les listes de documents qu’il a fournis :

 

1.  Affaires indiennes et du Nord Canada, Rapport du maintien de l’ordre dans les réserves indiennes (janvier 1990);

 

  1. Don Clairmont, Efficacité et viabilité des services de police des Premières nations (2001);

 

  1. Mémoire au cabinet, « Services de police des Premières Nations pour les collectivités indiennes et inuites »;

 

  1. Rapport de décision, « Services de police des Premières Nations pour les collectivités indiennes et inuites »;

 

5.  les documents décrivant le processus d’établissement des niveaux de dotation et de financement pour les collectivités éloignées ou isolées qui reçoivent les services de :

 

a.  la GRC,

b.  un service de police des Premières Nations – par exemple le service de police de Nishnawbe-Aski – qui est assujetti à la Politique sur la police des Premières Nations du gouvernement fédéral;

 

6.  les documents ayant trait à la négociation des accords « tripartis » du service de police de Nishnawbe-Aski, par exemple :

 

a.  les demandes de ressources supplémentaires et les réponses à de telles demandes,

b.  les documents justifiant les budgets proposés ou le refus d’accorder des ressources supplémentaires,

c.  les documents internes du gouvernement fédéral où les besoins en matière de services de police sont évalués;

 

  1. les évaluations, rapports, comptes rendus d’inspection ou photographies se rapportant aux logements des agents de police dans les collectivités des Premières Nations du Conseil Mushkegowuk;

 

  1. les documents relatifs à la Politique sur la police des Premières Nations et au Programme des services de police des Premières nations, notamment la version la plus récente de la politique, les modalités du programme et les lignes directrices et directives relatives au programme;

 

  1. les documents produits lors de l’examen approfondi du Programme des services de police des Premières nations mené par le gouvernement fédéral, y compris les options stratégiques élaborées par suite de l’examen;

 

  1. les documents du Conseil du Trésor portant sur la qualité des services de police fournis aux Premières Nations du Conseil Mushkegowuk ou aux Premières Nations en général;

 

  1. les documents décrivant les normes régissant la GRC, notamment en matière de :

 

a.  niveaux de service,

b.  installations (c.-à-d. postes de police et logements),

c.  équipement,

d.  salaires, avantages sociaux et « indemnités d’éloignement »,

e.  toute norme en matière de maintien de l’ordre dans les collectivités éloignées ou isolées.

 

Documents visés aux points 1 et 2

 

  • [22] Selon les plaignants, les documents visés aux points 1 et 2 comportent des évaluations du Programme des services de police des Premières Nations du gouvernement fédéral, et ces documents sont pertinents à l’égard de l’affirmation des plaignants selon laquelle le programme est déficient et entraîne un traitement discriminatoire. L’intimé ne remet pas en cause la pertinence de ces documents; en fait, il affirme qu’ils ont déjà été fournis aux plaignants. Par conséquent, je conclus que les documents visés aux points 1 et 2 pourraient être pertinents à l’égard de l’instance et que l’intimé doit les fournir aux plaignants dans sa liste globale de documents dont la production a été ordonnée ci-dessus.

 

Documents visés aux points 3, 4 et 10

 

  • [23] Les plaignants soutiennent que les documents visés aux points 3 et 4 comportent des détails sur l’objet, la structure, les critères, les politiques et les modalités du Programme des services de police des Premières nations du gouvernement fédéral. Là encore, les plaignants affirment que ces documents sont pertinents à l’égard de leur affirmation selon laquelle le programme est déficient et entraîne un traitement discriminatoire. De même, les plaignants disent que les documents décrits au point 10 contiennent des évaluations de la qualité des services de police fournis aux collectivités des Premières Nations, ce qui, selon les plaignants, est pertinent pour comparer les services offerts aux collectivités des Premières Nations avec ceux qui sont offerts aux autres collectivités. L’intimé soutient que les documents visés aux points 3, 4 et 10 semblent être des documents confidentiels du Cabinet et que, à ce titre, ils seraient protégés par l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Les plaignants répliquent que l’article 39 de la Loi de la preuve au Canada ne s’applique pas à ces documents, que le greffier du Conseil privé n’a pas attesté par écrit qu’il s’agit de documents confidentiels du Cabinet, que les documents ont déjà été transmis à un tiers lors de l’examen du Programme des services de police des Premières nations et que les documents semblent avoir été créés il y a plus de 20 ans, ce qui les soustrait à la protection de la confidentialité des documents du Cabinet, en application de l’alinéa 39(4)a) de la Loi sur la preuve au Canada.

  • [24] Encore une fois, l’intimé ne conteste pas la pertinence possible des documents visés aux points 3, 4 et 10. Je suis d’accord avec les plaignants pour dire que ces documents ont un lien rationnel avec l’instance et qu’ils doivent donc être divulgués. Si les documentsvisés aux points 3, 4 et 10 sont bel et bien des documents confidentiels du Cabinet, une attestation écrite de ce fait par un ministre ou par le greffier du Conseil privé devra être fournie au Tribunal conformément au paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada.

 

 

Documents visés aux points 5a) et 5b)

 

  • [25] Les plaignants affirment que les documentsvisés aux points 5a) et 5b) sont pertinents quant à la question de savoir si des niveaux de service différents sont appliqués aux collectivités des Premières Nations et aux autres collectivités. L’intimé soutient que, lorsque les plaignants auront défini les collectivités qu’ils jugent pertinentes à des fins de comparaison, il pourra répondre à la demande portant sur les documentsvisés aux points 5a) et 5b). Les plaignants répondent qu’ils ont déjà défini plusieurs groupes de comparaison valides et que, contrairement à ce que l’intimé avance, ils ne sont pas obligés de s’en tenir à un nombre précis de collectivités comparables. Les plaignants ajoutent qu’en pratique, ces documents peuvent être fournis sans qu’il soit nécessaire de définir des collectivités de comparaison précises.

 

[26]  Je ne vois pas en quoi il est nécessaire que des collectivités de comparaison précises soient définies pour que l’intimé puisse fournir les documents visés aux points 5a) et 5b). Je crois comprendre que les documents demandés par les plaignants au point 5a) sont des documents de politique générale de la GRC. La demande des plaignants ne vise pas les niveaux de dotation et de financement précis pour chaque collectivité éloignée ou isolée qui reçoit les services de la GRC. Je crois aussi comprendre que les documents demandés par les plaignants au point 5b) sont les documents de politique générale ayant trait à la Politique sur la police des Premières Nations. Là encore, la demande des plaignants ne vise pas les niveaux de dotation et de financement précis pour chaque service de police des Premières Nations. Ces deux demandes sont déjà suffisamment précises et il n’est pas nécessaire que les plaignants donnent plus de détails à cet égard. L’intimé ne met pas en doute la pertinence possible de ces documents, et je reconnais qu’ils ont un lien rationnel avec l’instance. Par conséquent, les documents visés aux points 5a) et 5b) doivent être divulgués.

 

Documents visés aux points 6, 7, 8 et 9

 

  • [27] L’intimé soutient que les documents visés aux points 6, 7, 8 et 9 ont déjà été fournis aux plaignants et il dit que, si des documents supplémentaires sont trouvés, ils seront aussi fournis. Les plaignants rétorquent en demandant au Tribunal d’ordonner à l’intimé de fournir tout document supplémentaire ou de confirmer qu’aucun document supplémentaire n’existe.

  • [28] Les parties conviennent que ces documents pourraient être pertinents. J’accepte donc les motifs avancés par les plaignants au tableau A de leur dossier de requête pour expliquer leur demande. Par conséquent, s’il existe des documents appartenant aux catégories décrites aux points 6, 7, 8 et 9, l’intimé doit les fournir aux plaignants et, dans le cas contraire, l’intimé doit confirmer qu’aucun document supplémentaire n’existe.

 

 

Documents visés au point 11

 

  • [29] Finalement, au point 11, les plaignants demandent les documents décrivant les normes régissant la GRC afin de pouvoir les comparer aux normes qui s’appliquent aux services de police des Premières Nations. L’intimé affirme que cette demande a une portée excessive et que les plaignants doivent fournir plus de détails au sujet des collectivités précises qu’ils considèrent comme comparables aux fins de l’analyse portant sur la discrimination. Les plaignants répliquent qu’il n’est pas nécessaire de choisir des collectivités de comparaison précises pour que l’intimé puisse fournir les normes de la GRC demandées.

  • [30] Là encore, je ne vois pas en quoi il est nécessaire que des collectivités de comparaison précises soient définies pour que l’intimé puisse fournir les documents visés au point 11. Je crois comprendre que les documents demandés par les plaignants sont des documents de politique générale de la GRC. La demande ne vise pas les normes qui s’appliquent à des collectivités précises, qu’il s’agisse de collectivités des Premières Nations ou non. Cette demande n’a pas une portée excessive, car les plaignants ont décrit les sources et les types de documents demandés. Il n’est pas nécessaire que les plaignants précisent davantage leur demande. L’intimé ne met pas en doute la pertinence possible de ces documents, et je reconnais qu’ils ont un lien rationnel avec l’instance. Les documents visés au point 11 doivent donc être divulgués.

 

 

D.  Documents postérieurs à 2007

 

  • [31] Selon les plaignants, la deuxième liste de divulgation ne comporte aucun document datant de la période allant de 2007 à aujourd’hui. Les plaignants veulent obtenir les documents produits pendant cette période ou une explication de l’absence de documents datant de cette période.

  • [32] L’intimé soutient qu’il a demandé des documents postérieurs à 2007, mais qu’aucun document ne lui a encore été fourni. L’intimé dit qu’il fera un suivi quant à sa demande visant à obtenir des documents postérieurs à 2007 et qu’il fournira les documents pertinents ou expliquera pourquoi aucun document semblable n’existe.

 

 

[33]  Puisque l’intimé ne s’oppose pas à la demande des plaignants au sujet des documents postérieurs à 2007 et puisque j’ai conclu que l’intimé doit faire des divulgations supplémentaires relativement aux documents décrits ci-dessus, je précise que tout document postérieur à 2007 doit être inclus dans toute divulgation supplémentaire.

 

  1. Délai pour faire les divulgations supplémentaires

 

  • [34] Dans sa réponse à la requête en cause, l’intimé a dit qu’il fournirait tout document supplémentaire, y compris des versions intégrales de documents déjà fournis, au plus tard le 14 janvier 2013.

  • [35] Les plaignants sont préoccupés par le retard que causerait la proposition de l’intimé de fournir tout document supplémentaire d’ici le 14 janvier 2013. Il y aurait alors plus d’un an que le délai initial qui était imparti à l’intimé pour divulguer les documents aurait expiré. Toutefois, les plaignants sont prêts à accepter la date proposée par l’intimé, à condition que le Tribunal rende une ordonnance au sujet des documents qui, à son avis, doivent être divulgués et que les parties puissent ainsi clore l’étape de la divulgation.

 

 

[36]  Puisque l’intimé a proposé la date du 14 janvier 2013 malgré son opposition à plusieurs volets de la requête des plaignants qui est en cause et puisque le Tribunal a ordonné la divulgation de documents supplémentaires et d’autres mesures corrélatives, j’accorde jusqu’au 15 février 2013 à l’intimé pour se conformer à la présente décision sur requête.

 

 

 

 

 

 

Signé par

Sophie Marchildon

Juge administrative

 

OTTAWA (Ontario)

Le 16 janvier 2013

 


TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

PARTIES INSCRITES AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL :

TT1683/3811 et T1684/3911

INTITULÉ :

Grand chef Stan Loutitt en sa qualité de représentant des Premières Nations du Conseil Mushkegowuk et Grand chef Stan Loutitt en sa qualité personnelle c. Procureur général du Canada

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

 

Le 16 janvier 2013

COMPARUTIONS :

 

Kent Elson

Pour les plaignants

Daniel Poulin et

Samar Musallam

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sean Gaudet

Pour l’intimé

 

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