Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

George Vilven

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Association des pilotes d’Air Canada

Fly Past 60 Coalition

les parties intéressées

Et entre :

Robert Neil Kelly

le plaignant

- et –

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et –

Air Canada

Association des pilotes d’Air Canada

les intimées

Décision

Membre : Wallace G. Craig

Date : Le 8 juillet 2011

Référence : 2011 TCDP 10

 



I.                   Introduction

[1]               Il s’agit de la troisième décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) découlant de l’instruction des plaintes des pilotes George Vilven et Robert Kelly, présentées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), selon lesquelles ils avaient été victimes d’une pratique discriminatoire, soit l’obligation de prendre leur retraite à l’âge de 60 ans, conformément aux dispositions de la convention collective signée par l’Association des pilotes d’Air Canada (l’APAC) et Air Canada.

[2]               À la date de son départ à la retraite, le 1er septembre 2003, à l’âge de 60 ans, M. Vilven était premier officier d’Airbus 340. M. Kelly a pris sa retraite le 30 avril 2005, le jour de son soixantième anniversaire. Au moment de son départ à la retraite, M. Kelly était pilote commandant de bord d’un Airbus 340.

[3]               La première décision du Tribunal a été rendue en août 2007 et elle rejetait les plaintes en matière de droits de la personne. En contrôle judiciaire, la première décision a été annulée en partie et l’affaire a été renvoyée au Tribunal pour qu’il rende une nouvelle décision au sujet de la question portant sur la Charte et, si nécessaire, au sujet de la question de savoir si les dispositions sur la retraite obligatoire constituaient une exigence opérationnelle justifiée au sens de l’alinéa 15(1)a) de la LCDP.

[4]               La deuxième décision du Tribunal a été rendue le 28 août 2009 (2009 TCDP 24). Le contrôle judiciaire de cette décision par la Cour fédérale s’est soldé par un jugement rendu par la juge Mactavish, le 3 février 2011, dans lequel elle ordonnait, entre autres :

3. La demande de contrôle judiciaire d’Air Canada est accordée en partie, en rapport avec la conclusion du Tribunal selon laquelle Air Canada n’a pas établi que l’âge était une exigence professionnelle justifiée pour ses pilotes.

4. La question de savoir si l’âge était une exigence professionnelle justifiée pour les pilotes d’Air Canada après le mois de novembre 2006 est renvoyée aux mêmes membres instructeurs du Tribunal, s’ils sont disponibles, pour rendre une nouvelle décision conforme aux présents motifs, sur le fondement du dossier existant.

[5]               Comme les mêmes membres instructeurs du Tribunal n’étaient pas disponibles pour rendre la nouvelle décision telle qu’ordonnée, on m’a demandé de réexaminer la question de savoir si l’âge était une exigence opérationnelle justifiée pour les pilotes d’Air Canada après novembre 2006, conformément aux motifs du jugement de la juge Mactavish et en fonction du dossier existant. Dans le cadre de mon réexamen, j’ai lu les motifs du jugement de Mme Mactavish, dont j’ai tenu compte, et j’ai examiné et considéré, dans sa forme intégrale, le témoignage du capitaine Steven Christopher Duke (le capitaine Duke), qui a témoigné pour Air Canada au sujet de l’accommodement.

[6]               En ce qui a trait au témoignage du capitaine Duke, la juge Mactavish a fait le commentaire suivant au paragraphe 429 de ses motifs :

Comme il a été signalé plus tôt, Air Canada fait valoir que le Tribunal a mal compris et mal décrit le témoignage du capitaine Duke à l’appui de son argument relatif à la contrainte excessive. Air Canada soutient également que le Tribunal a fait abstraction d’éléments importants du témoignage du capitaine Duke au sujet des difficultés de nature opérationnelle et de production d’horaires de vol qui surviendraient si Air Canada était tenue de prendre des mesures d’accommodement à l’endroit des pilotes âgés de plus de 60 ans.

Et au paragraphe 384 :

Je conviens aussi avec Air Canada que, compte tenu de la nature systémique des plaintes relatives aux droits de la personne de MM. Vilven et Kelly, ainsi que du fait que l’invalidation possible des dispositions en matière de retraite obligatoire du régime de retraite d’Air Canada et de la convention collective conclue entre ce transporteur et l’APAC aurait une incidence sur d’autres pilotes d’Air Canada, il était valable aussi pour le Tribunal d’examiner de façon prospective la question de la contrainte excessive, en tenant compte des changements apportés par la suite aux normes de l’OACI [...]

II.                Le droit applicable

A.                Dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne

3.(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les réaffectations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

15.(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[7]               Dans ses motifs de jugement, la juge Mactavish résume les principes légaux qui gouvernent les exigences opérationnelles justifiées (aux paragraphes 353 à 358) :

Le critère à appliquer pour décider si un employeur a établi l’existence d’une exigence professionnelle justifiée est celui qu’a formulé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Meiorin [Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, (1999) 3 R.C.S. 3]

C’est-à-dire qu’un employeur doit établir selon la prépondérance des probabilités :

(1)               qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2)               qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3)               que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

Les premier et deuxième volets du critère énoncé dans l’arrêt Meiorin exigent que l’on évalue la légitimité de l’objet général de la norme, ainsi que l’intention qu’avait l’employeur au moment de l’adopter. Cela a pour but de garantir que la norme, considérée sur le plan aussi bien objectif que subjectif, ne comporte pas de fondement discriminatoire. Le troisième élément du critère consiste à déterminer si la norme est exigée pour réaliser un but légitime, et si l’employeur peut composer avec la plainte sans subir une contrainte excessive : Centre universitaire de santé McGill c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, [2007] 1 R.C.S. 161, au paragraphe 14.

Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, [2008] 2 R.C.S. 561, l’emploi du mot « impossible » en rapport avec le troisième élément du critère énoncé dans l’arrêt Meiorin suscite une certaine confusion. La Cour suprême a précisé que ce qui est exigé « n’est pas la démonstration de l’impossibilité d’intégrer un employé qui ne respecte pas une norme, mais bien la preuve d’une contrainte excessive qui, elle, peut prendre autant de formes qu’il y a de circonstances » : au paragraphe 12.

Quant à la portée de l’obligation d’accommodement, la Cour suprême a déclaré que « [l]’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail » : Hydro-Québec, au paragraphe 16.

[8]               De plus, la juge Mactavish a déterminé que le paragraphe 15(2) de la LCDP devrait être interprété comme limitant à la santé, à la sécurité et au coût les facteurs dont on doit tenir compte dans une analyse d’accommodement. Cependant, elle a précisé sa conclusion en formulant l’observation suivante :

Cela ne veut pas dire que des questions telles que le moral et la mobilité des employés, l’ingérence dans les droits d’autres employés et la rupture d’une convention collective ne seront jamais pertinentes dans le cadre d’une demande présentée sous le régime de la LCDP. La manière dont j’interprète la loi signifie simplement que ces questions, pour être prises en compte dans le cadre d’une analyse de l’accommodement, doivent être suffisamment graves pour avoir un effet démontrable sur les activités d’un employeur, et ce, d’une manière qui est liée aux coûts, à la santé ou à la sécurité.

III.             La preuve

[9]               Pour mon réexamen, il est important de tenir compte du changement du 23 novembre 2006 aux règles de l’Organisation de l’aviation civile internationale (l’OACI), une organisation des Nations Unies chargée de la sécurité en matière d’aviation civile – dont le Canada est membre – un changement qui rend obligatoire, pour les capitaines ou les pilotes commandants dont l’âge est de 60 à 65 ans et qui souhaitent continuer de piloter des vols internationaux, que l’un des autres pilotes dans un équipage à plusieurs pilotes ait moins de 60 ans.

[10]           Les normes de l’OACI ne s’appliquent qu’aux vols internationaux. La grande majorité des vols d’Air Canada ont un aspect international, 86 % ont soit une destination internationale ou passent par un espace aérien étranger (principalement aux États‑Unis) pour se rendre à une destination canadienne. De 20 à 25 % des 14 % des vols restants d’Air Canada ont un aéroport aux États‑Unis comme aéroport de secours où les avions doivent atterrir si, par exemple, des intempéries les empêchent d’atterrir à l’aéroport canadien habituel.

[11]           Le capitaine Duke a témoigné au nom d’Air Canada quant à l’incapacité probable de la compagnie d’accommoder les pilotes de plus de 60 ans si l’exigence de l’OACI [traduction] « un pilote de plus de 60 ans/un pilote de moins de 60 ans » (la règle plus de 60/moins de 60) s’applique aux horaires des pilotes de la compagnie.

[12]           Dans la période pertinente à l’affaire en l’espèce, le capitaine Duke était employé par Air Canada dans un poste de gestion des opérations en vol. Parmi ses qualifications, le capitaine Duke détient la certification Six Sigma Black Belt en gestion des opérations. Il a témoigné que Six Sigma est un procédé d’amélioration des opérations qui a vu le jour à la fin des années 1980 dans les sociétés Motorola et General Electric, et qu’Air Canada a adopté. Le titre de « Black Belt » (ceinture noire) du capitaine Duke reconnaît l’expertise de ce dernier à l’égard de ce processus.

[13]           Le capitaine Duke a commencé son témoignage en soulignant plusieurs conséquences négatives, y compris l’augmentation inévitable du nombre de pilotes et des coûts d’opérations de vol, ce qui serait un fardeau pour Air Canada si l’obligation de retraite des pilotes à l’âge de 60 ans était éliminée : a) l’incapacité d’accommoder les capitaines de plus de 65 ans pour les vols internationaux et domestiques; b) la capacité très limitée d’accommoder les capitaines ou les premiers officiers qui ont plus de 60 ans; c) la perte de capacité de prévoir à l’avance de façon juste les besoins d’embauche et de formation et l’effet que ces conséquences auront sur Air Canada.

[14]           Le capitaine Duke a témoigné que les pilotes d’Air Canada, qui étaient environ 3200 en décembre 2006, sont regroupés en fonction de l’aéronef qu’ils pilotent :

(1)               les gros aéronefs, qui ont surtout des vols internationaux, les Airbus‑345‑500, A‑340‑300 et A‑330 (qui sont généralement appelés les A‑340);

(2)               les Boeing 767, 777 sur certains vols internationaux;

(3)               les A-320 et les A-319;

(4)               les Embraer 190 et 175.

[15]           Le capitaine Duke a expliqué que les A‑340 et les Boeing 767 nécessitent trois pilotes dans la cabine, dont l’un est un pilote de relève.

[traduction]

Donc nos 3200 pilotes se divisent en 16 […] groupes qui ne sont pas interchangeables, qui sont alors divisés de façon géographique en 42 postes uniques. « Poste » est un terme de la convention collective qui est défini comme étant la combinaison unique d’équipement, de statut et de base. Par exemple : le capitaine de Boeing triple‑7 à Toronto est un poste; à Montréal, le capitaine, il n’y en a que 35. Si nous poursuivons plus loin dans la liste, l’autre extrême du poste le plus achalandé serait celui de capitaine d’A‑320 à Toronto, où il y en a 363. Donc, à n’importe quel moment, ces groupes ne sont pas interchangeables. Nous ne pouvons pas déplacer un pilote d’un poste à un autre – ils sont pris dans leur affectation.

Ils peuvent se déplacer un peu entre les bases, par exemple si on a un capitaine d’A‑320 à Montréal qui pilote un vol vers Toronto, on peut le déplacer à Toronto pour ce vol, mais on ne peut pas placer un capitaine d’A‑320 sur un vol de 767 ou un premier officier d’A‑320 dans un poste de capitaine d’A‑320.

[16]           Dans son témoignage, le capitaine Duke a expliqué les choix disponibles pour un pilote qui a, hypothétiquement, le numéro d’ancienneté 1100 : il ou elle peut choisir d’être un capitaine d’A‑320 au milieu de l’échelle qui pilote des vols selon des horaires du milieu de l’échelle, ou peut gagner plus d’argent à titre de capitaine de 767 sans d’ancienneté et subir l’horaire d’un capitaine sans ancienneté. Le capitaine Duke a noté qu’avec l’augmentation de l’ancienneté, c’est le pilote seul qui choisit s’il souhaite devenir un capitaine d’A‑320 avec beaucoup d’ancienneté ou un capitaine de 767 avec peu d’ancienneté.

[17]           Le capitaine Duke a décrit un cheminement de carrière typique pour les pilotes d’Air Canada : ils débutent soit comme pilote de relève ou comme premier officier d’un avion à fuselage étroit, puis deviennent premier officier de gros porteur, retournent à un avion à fuselage étroit à titre de capitaine et retournent enfin dans un gros porteur à titre de capitaine, passant de cinq à sept ans dans chaque bloc, pour terminer leur carrière à l’âge de 60 ans. Le capitaine Duke a noté que dans chaque bloc, les pilotes peuvent changer de poste.

[18]           Le capitaine Duke a témoigné au sujet de la corrélation entre le service de marketing et le service des opérations en vol d’Air Canada :

[traduction]

Nous sommes une compagnie axée sur le marketing et notre service de marketing produit une longue liste de vols que la compagnie souhaite voir le service des opérations en vol effectuer dans les mois à venir. Nous avons des gens que nous appelons des analystes de jumelage et l’un de ces analystes est affecté à chaque type d’équipage. Donc il y a un analyste pour les 340, un analyste pour les 767. Ce qu’ils font, c’est prendre l’énorme liste de vols qui doivent être effectués et la diviser en des parties plus petites et plus faciles à utiliser qui sont constituées d’une série de vols qui seront combinés pour couvrir une période d’une journée ou une période allant jusqu’à quatre jours.

[19]           Le capitaine Duke a ensuite décrit un jumelage typique dans le groupe d’A‑320 de Toronto : le vol 700 quittant Toronto à 6 h 30, arrivant à New York juste avant 8 h. Quarante minutes plus tard, il devient le vol 705, de New York à Toronto, arrivant à 10 h 10. Les pilotes ont ensuite deux heures et 40 minutes avant le départ de leur prochain vol de Toronto, le vol 177 pour Edmonton, arrivant à 15 h, heure normale des Rocheuses. Après avoir passé la nuit à Edmonton, les pilotes quittent le lendemain à 7 h et retournent à Toronto :

[traduction]

Il s’agit d’un jumelage de vol typique et réel pour deux jours pour les pilotes de 320 de Toronto. Ce qu’il faut noter au sujet de ce jumelage, c’est que c’est une combinaison de vols internationaux et domestiques.

[20]           Le capitaine Duke a expliqué que l’objectif de l’analyste de jumelage est de jumeler des vols afin de prévoir une période raisonnable entre les vols, les deux heures et quarante minutes susmentionnées se trouvant au niveau supérieur du temps d’attente pour les pilotes, et il a noté qu’il y a d’autres garanties dans la convention collective qui poussent la compagnie à maximiser la productivité des heures des pilotes lorsqu’ils travaillent.

[21]           Duke a ensuite décrit le processus suivi par les opérations en vol après que le service de marketing ait précisé ses besoins en matière de vols. Lorsque la directrice générale des ressources du poste de pilotage reçoit la liste de vols du service de marketing [traduction] « elle passera de deux semaines à un mois à ajuster le nombre de postes qu’elle doit couvrir ». Après cela, le comité directeur de composition des équipages (le CMSC), un comité patronal‑syndical, approuve le plan tel que présenté ou modifié, lançant ainsi la période de deux semaines qu’ont les pilotes pour mettre à jour leur choix préférentiel permanent en fonction des occasions qui leur sont présentées dans l’horaire des vols prévus, et de poser leur candidature pour un poste. Selon le témoignage du capitaine Duke, je déduis que l’ancienneté est absolument essentielle afin de permettre aux pilotes de prendre l’initiative du contrôle de leur carrière au sein d’Air Canada.

[22]           Le capitaine Duke a décrit la relation de travail entre le service des opérations en vol et le service de marketing du point de vue du CMSC, qui effectue un examen deux fois par année conformément à la convention collective :

[traduction]

Ce qu’il faut noter, c’est que nous établissons un plan de formation pour les 12 mois à venir, et que six mois plus tard, nous recommençons […] nous travaillons à achever ce plan, mais nous n’y arrivons jamais. Nous nous rendons à la moitié, puis nous recommençons. C’est un environnement très dynamique dans lequel notre service de marketing tente d’être très sensible à ce que les consommateurs acceptent pour notre produit et, par conséquent, le service de marketing change ses plans constamment. C’est un côté de l’équation. De l’autre côté se trouvent les opérations en vol qui ont besoin de beaucoup de temps pour répondre aux changements. […] Notre façon de répondre à leurs besoins est de modifier notre liste de postes à tous les six mois […] ce qui nous donne l’assurance […] de savoir ce que nous faisons pour les six prochains mois avant que l’examen du CMSC recommence. Il s’agit d’un compromis entre les deux différents services de la compagnie.

[23]           Le capitaine Duke a présenté un témoignage exhaustif au sujet des difficultés prévues au niveau des horaires et des coûts qu’Air Canada subirait probablement si la retraite obligatoire à l’âge de 60 ans était abolie. Il a témoigné qu’Air Canada devrait embaucher plus de pilotes pour garantir le respect absolu de la règle plus de 60/moins de 60 pour tous les vols internationaux et partiellement internationaux.

[24]           Le capitaine Duke a témoigné qu’il avait effectué des simulations électroniques en fonction de l’hypothèse selon laquelle Air Canada n’avait plus la certitude qu’apportait la retraite obligatoire des pilotes à 60 ans. Dans l’une des simulations, le capitaine Duke a tenté de prévoir des vols pour des pilotes qui ont plus de 60 ans et qui seraient visés par la règle plus de 60/moins de 60, et a conclu qu’à mesure que le nombre de pilotes de plus de 60 ans augmente, l’établissement d’horaires devient impraticable.

[traduction]

Le membre président : « Parce que …? »

Le capitaine Duke : « Parce que notre logiciel ne peut pas résoudre le problème : il n’y a pas assez de pilotes non restreints pour piloter avec les autres pilotes restreints. »

[25]           Le capitaine Duke a ensuite présenté un graphique qu’il a identifié comme étant les capitaines d’A‑340 de Vancouver d’Air Canada, les plaçant en ordre d’ancienneté, qui montrait que 85 % des capitaines de Vancouver ont 55 ans ou plus. Il a expliqué que si la retraite obligatoire à 60 ans était abolie, alors au cours des cinq prochaines années, 85 % de ces capitaines seraient probablement dans le groupe d’âge visé par la restriction, c’est‑à‑dire qu’ils auraient plus de 60 ans, mais pas encore 65 ans, et que, par conséquent, ils seraient visés par la règle de plus de 60/moins de 60 qui les empêche de piloter des vols internationaux, à moins que le pilote les accompagnant ait moins de 60 ans.

[26]           Le capitaine Duke a décrit un problème semblable auquel font face les premiers officiers d’A‑340 à Vancouver :

[traduction]

[…] Par exemple le pilote qui est représenté par le point le plus à gauche a 57 ans. S’il reste […] cinq ans jusqu’à l’âge de 62 ans […] il sera restreint et ne pourra pas piloter avec d’autres capitaines […]

Lorsque la mise en candidature pour l’horaire mensuel débute, ils peuvent choisir exactement ce qu’ils veulent. Ils ont de l’ancienneté, ils ont le premier choix pour tout. Bien, pas nécessairement, parce que nous classons l’horaire des capitaines en premier et si tous les vols que vous voulez ont déjà un autre pilote possiblement restreint, vous ne pouvez pas piloter avec cette personne. Donc vos droits d’ancienneté sont affectés par la restriction possible d’avoir à piloter avec des capitaines sur les vols qui vous intéressent.

[27]           Les pilotes d’A‑340 d’Air Canada à Toronto ont été analysés de la même façon. Soixante‑dix‑huit pour cent d’entre eux ont 55 ans ou plus. D’ici cinq ans, ils auront aussi l’âge de restriction. Le capitaine Duke a trouvé que les mêmes chiffres s’appliquaient aux pilotes de Vancouver et de Toronto dans le groupe des Boeing 767.

[28]           Le capitaine Duke a poursuivi son analyse, supposant que 10 % des capitaines et des premiers officiers étaient restreints par la règle de plus de 60/moins de 60. Il est important de noter que l’horaire simulé résultant ne tenait pas compte de l’ancienneté de nombreux premiers officiers et leur a attribué le statut de réserviste. Il a témoigné qu’à titre de réservistes, ils ne pourraient pas remplacer un premier officier malade affecté à un vol avec un capitaine de plus de 60 ans.

[traduction]

Lorsque nous traitons d’une petite base comme celle des A-340 de Vancouver, le nombre est effroyablement petit. Avec 20 % des capitaines restreints et 11 % des premiers officiers restreints […] nous ne pouvons pas générer un horaire.

Le membre Jensen : « À moins que vous embauchiez un pilote supplémentaire. »

Le capitaine Duke : « C’est la réponse évidente […] d’introduire d’une certaine façon plus de pilotes qui ne sont pas restreints […] Bien entendu, notre système actuel est fondé sur l’ancienneté, alors cela retournerait […] à l’examen du CMSC. […] Disons que nous ouvrons deux postes de plus, […] l’examen du CMSC est effectué […], si ces deux nouveaux pilotes ont 62 ans, nous n’avons rien gagné, parce que nous n’avons pas le droit de restreindre des pilotes en fonction de l’âge et de les empêcher d’obtenir ces postes […] Nous ne pouvons pas garantir, selon toute méthode prévue dans notre convention collective, qu’il y aurait moins de 11 % des premiers officiers qui seraient restreints. »

[…]

Le membre Tremblay : « Qu’est‑ce que cela fait au moral des pilotes si vous ne tenez pas compte de la liste d’ancienneté afin de surmonter ou de minimiser […] une partie de ces problèmes? »

Le capitaine Duke : « L’ancienneté est l’un des concepts les plus importants de l’APAC et on nous l’a répété de nombreuses fois à la table de négociations. En fonction de la restriction que nous imposerions, la réaction serait négative ou très négative. Si nous suggérions d’embaucher directement une personne à un poste aussi élevé que celui de premier officier d’A‑340 de Vancouver, cela paralyserait Air Canada. Nous aurions des réactions extrêmes comme nous n’en avons jamais vues auparavant. […] nous ne tenterions jamais de présenter une telle suggestion. »

[…]

Le membre Tremblay : « Est‑ce qu’Air Canada a subi des réactions extrêmes ou des problèmes de ce genre en raison de préoccupations au niveau du moral des pilotes quant à l’ancienneté auparavant? »

Le capitaine Duke : « Lors de la fusion, ça ne c’est pas bien passé en ce qui a trait aux pilotes, parce qu’il y a eu des divergences d’opinion entre les pilotes [de Canadian Airline] et les pilotes d’Air Canada quant à savoir de quelle façon les deux listes d’ancienneté seraient fusionnées. Nous avons eu diverses versions de congés de maladie en bloc associées aux diverses décisions de la Commission des relations de travail à ce sujet […] nous avons eu un aperçu de l’effet des modifications à l’ancienneté et de la façon dont ces modifications affectent le moral des pilotes. »

[29]           Le capitaine Duke a témoigné que la retraite obligatoire des pilotes à l’âge de 60 ans procure à Air Canada une stabilité et une prévisibilité en ce qui a trait aux besoins en matière d’embauche et de formation et qu’il y a un risque opérationnel associé avec le changement de l’âge de la retraite :

[traduction] Nous nous fondons sur le fait que les pilotes prennent leur retraite à l’âge de 60 ans et les examens du CMSC sont fondés sur ce fait; nous formons les pilotes en fonction de ce fait […] Donc, si nous déplaçons l’âge de la retraite à une limite plus élevée, ou si nous enlevons la limite, nous allons probablement nous retrouver avec des retraites imprévues parce que rien dans la convention collective n’oblige nos pilotes à donner un préavis du moment auquel ils prendront leur retraite. Cela aura un effet négatif sur les opérations d’Air Canada et entraînera des coûts plus élevés.

[30]           Lorsque le membre Jensen lui a demandé si Air Canada pouvait imposer une obligation d’avis de retraite à ses pilotes, le capitaine Duke a répondu qu’Air Canada n’a pas le pouvoir d’imposer unilatéralement quoi que ce soit aux pilotes, que tout devait être négocié avec l’APAC, et qu’il [traduction] « faudrait beaucoup de capital de négociation de la part de la compagnie, recommençant à zéro, pour négocier une telle chose. »

[31]           Le membre Jensen a aussi demandé une clarification du témoignage du capitaine Duke au sujet du besoin de prévisibilité quant à la retraite :

[traduction]

Le membre Jensen : « Je veux m’assurer d’avoir bien compris, lorsque vous dites que c’est l’un de vos plus gros problèmes, ce que vous voulez dire, c’est que la prévisibilité de la retraite est l’un des plus gros problèmes du fait de ne pas avoir une date de retraite obligatoire. C’est ça? »

[32]           Duke a confirmé que c’était le cas et, utilisant le groupe d’A‑340 de Vancouver à titre d’exemple, il a expliqué qu’Air Canada a :

[traduction]

[…] du travail pour six personnes à Vancouver qui nous permet d’absorber les chocs externes dans nos opérations. Lorsque nous dépassons ce nombre – toutes nos prévisions devenant réalité quant à la maladie, au nombre de personnes en formation, au nombre de superviseurs que nous avons sur place, au nombre d’employés que nous avons – six est le chiffre magique que nous pouvons utiliser pour absorber les chocs externes tels que la retraite anticipée. Dépassons ce nombre et nous devons annuler des vols. Donc, pour répondre à votre question directement, le problème est la planification du nombre d’employés dont nous avons besoin; et pour les postes qui demandent le plus d’ancienneté, nous bénéficions actuellement d’une constante en matière de retraite pour notre planification, nous savons à quel moment les pilotes vont prendre leur retraite et ils le font généralement au moment prévu. Si nous perdions cela parce que le Tribunal ordonnait un changement à la retraite obligatoire et que nous ne pouvions pas régler la question auprès de l’APAC, nous aurions à obtenir une autre forme d’assurance en ayant des pilotes supplémentaires pour ces postes.

[33]           Le capitaine Duke a témoigné que, compte tenu des restrictions de la règle plus de 60/moins de 60 de l’OACI, et en l’absence d’une retraite obligatoire à l’âge de 60 ans, les opérations en vol d’Air Canada verraient une importante augmentation des coûts liés aux pilotes et des complications dans l’établissement des horaires.

[34]           Traitant de la possibilité d’établir un horaire de vols domestiques pour les pilotes de plus de 65 ans, le capitaine Duke a témoigné que c’était impossible, parce que 86 % de ces vols survolent habituellement une partie des États‑Unis :

[traduction]

Donc si nous devions déplacer les vols domestiques qui, normalement, survoleraient les États‑Unis, afin de les garder uniquement dans l’espace aérien canadien, […] cela […] augmenterait le temps de vol, ce qui augmenterait les coûts et retarderait aussi le prochain vol de la journée, ce que nous refusons fermement de faire.

Dans les cas extrêmes, (par exemple) un vol de Vancouver à Toronto, pour un A‑320 qui compte parmi les plus longs vols domestiques, si nous devons mettre plus d’essence à bord, nous pourrions devoir retirer des passagers parce que l’avion serait à sa limite maximale quant au poids.

[35]           Le capitaine Duke a donné des renseignements précis au sujet des coûts de carburant supplémentaire, citant 62 vols de Toronto à Halifax, chaque vol coûtant 1 695 $ de plus, ce qui équivaudrait à 5,5 millions de dollars par année.

[36]           En ce qui a trait à l’une des simulations qu’il a effectuée, pour illustrer l’un des pires scénarios, afin de déterminer les conséquences du fait d’accommoder les pilotes qui ont plus de 65 ans en les utilisant exclusivement pour les vols domestiques, le capitaine Duke a témoigné que [traduction] « […] cela pose les mêmes problèmes que ceux que nous avons vus pour Toronto/Halifax […] il faut 1 700 heures de jumelage additionnel pour suivre exactement le même horaire. » Il a expliqué que lorsque les analystes de jumelage doivent diviser l’horaire de vol en deux groupes pour accommoder les capitaines restreints par l’OACI, cela annule l’optimisation, qui vise à minimiser les coûts inhérents en générant des jumelages efficaces. Le capitaine Duke a témoigné que le fait d’avoir deux groupes de pilotes pour couvrir le même horaire, dont un groupe est restreint par la règle de plus de 60/moins de 60, crée une situation qui nécessite l’emploi de 42 pilotes supplémentaires et que ces pilotes supplémentaires nécessiteraient eux‑mêmes des pilotes de réserve en fonction d’un facteur de 34 %, ce qui augmenterait le nombre de pilotes de réserve à 56, chaque pilote coûtant 11 500 $ par mois, ce qui équivaudrait à 7,7 millions de dollars par année.

IV.             Nouvelle décision

[37]           Les paramètres de la nouvelle décision ont été établis par la juge Mactavish aux paragraphes 469, 470 et 471 de ses motifs de jugement :

469 J’ai déjà tranché que la conclusion du Tribunal au sujet de la question de l’exigence professionnelle justifiée, en rapport avec la période antérieure au mois de novembre 2006, était raisonnable. Par conséquent, toute erreur de la part du Tribunal au sujet des deux premières conditions du critère énoncé dans l’arrêt Meiorin n’est pas pertinente si elle se rapporte à cette époque.

470 Cependant, j’ai conclu que l’analyse du Tribunal au sujet de l’exigence professionnelle justifiée, relativement à la période postérieure au mois de novembre 2006, comporte un certain nombre d’erreurs qui font que cet aspect de la décision du Tribunal est déraisonnable.

471 De ce fait, je renverrai la question de savoir si le fait d’être âgé de moins de 60 ans était une exigence professionnelle justifiée pour les pilotes d’Air Canada après le mois de novembre 2006 aux mêmes membres instructeurs du Tribunal, en prescrivant que la question soit examinée à la lumière des trois conditions du critère énoncé dans l’arrêt Meiorin.

[38]           Par conséquent, la nouvelle décision est limitée à la période suivant novembre 2006.

[39]           Rien dans le dossier des instances précédentes ne laisse entendre que le Tribunal, ou le juge en contrôle judiciaire, a relevé un manque de crédibilité chez le capitaine Duke. Compte tenu de mon examen de son témoignage, je suis convaincu qu’il était un témoin crédible. De plus, je suis d’avis que son témoignage est cohérent et fort.

[40]           Le témoignage du capitaine Duke a établi, selon la prépondérance de la preuve, que l’élimination de la retraite obligatoire à l’âge de 60 ans pour les pilotes, que ce soit dans le cadre d’une décision finale en l’espèce, ou par la révision de la convention collective, entraînerait un lourd fardeau afin de respecter la règle de plus de 60/moins de 60 de l’OACI.

[41]           Il est fort probable que l’établissement d’horaires pour les pilotes de plus de 60 ans deviendrait moins efficace et plus coûteux par rapport à la certitude que la compagnie a connue grâce à l’obligation de retraite obligatoire qui est en place depuis 1957. J’accepte l’évaluation succincte du capitaine Duke au sujet de la règle plus de 60/moins de 60 : [traduction] « C’est le caractère conditionnel de la restriction qui cause les problèmes ».

[42]           La description du capitaine Duke du fonctionnement des opérations en vol d’Air Canada révèle un équilibre pratique et efficace entre les exigences de vol du service de marketing et la capacité du service des opérations en vol d’affecter des pilotes à ces vols. Il a témoigné que l’élimination de la disposition portant sur l’obligation de retraite dans la convention collective, combinée aux restrictions de la règle plus de 60/moins de 60, exigerait l’emploi de plus de pilotes, qui entraînerait des coûts supplémentaires, afin de garantir que tous les vols seront pilotés conformément à la règle de plus de 60/moins de 60 de l’OACI.

[43]           Selon le témoignage du capitaine Duke, il est inconcevable qu’Air Canada et l’APAC acceptent volontairement, toutes les deux, le manque de souplesse et les coûts associés au fait de jumeler [traduction] « un pilote de plus de 60 ans avec un pilote de moins de 60 ans » dans toutes les cabines des aéronefs d’Air Canada.

[44]           Je tiens compte de l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, et de la clarification de la Cour suprême du Canada au sujet de la norme de preuve dans les affaires civiles : rien de plus, rien de moins que la prépondérance de la preuve.

[45]           Bien que l’obligation de retraite d’Air Canada pour les pilotes à l’âge de 60 ans soit, à première vue, discriminatoire, il ne s’agit pas d’une pratique discriminatoire si Air Canada établit, selon la prépondérance de la preuve, que la limite est fondée sur une exigence professionnelle justifiée. Le critère à appliquer est celui qui a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Meiorin, qui est un processus à trois étapes.

[46]           La première et la deuxième étape nécessitent une évaluation du caractère légitime de l’objectif général de la norme (de travail) et de l’intention de l’employeur lorsqu’il l’a adoptée. L’évaluation doit être objective et subjective afin de garantir que la norme n’a pas un fondement discriminatoire.

[47]           Le témoignage de Duke montre clairement que, pendant des décennies, Air Canada a participé à un processus de négociation légitime et important avec le syndicat des pilotes qui s’est conclu par une convention collective durable qui consacre l’ancienneté et qui prévoit la retraite obligatoire à l’âge de 60 ans avec une pension raisonnable. Par conséquent, Air Canada a été capable d’équilibrer de façon efficace l’introduction de nouveaux pilotes afin de remplacer un nombre prévisible de pilotes prenant leur retraite. Ayant évalué cette situation tant de façon subjective que de façon objective, je conclus selon la prépondérance de la preuve que la norme de travail n’a pas de fondement discriminatoire.

[48]           La troisième étape de l’arrêt Meiorin exige un examen à savoir si la norme a été établie afin d’accomplir un objectif légitime. Une fois de plus, persuadé par le témoignage du capitaine Duke, je conclus selon la prépondérance de la preuve que la norme de travail de l’obligation de retraite dans la convention collective signée par Air Canada et l’APAC visait à accomplir l’objectif légitime de la fusion des besoins de la compagnie avec les droits et les besoins collectifs de ses pilotes.

[49]           La troisième étape oblige aussi Air Canada à prouver qu’elle subirait une contrainte excessive si elle accommodait les plaignants. Compte tenu des restrictions de la règle plus de 60/moins de 60 de l’OACI, je suis convaincu que l’accommodement des besoins des plaignants dans la période suivant novembre 2006, par l’abolition de la retraite obligatoire, entraînerait des conséquences négatives pour Air Canada : l’augmentation importante des coûts opérationnels, l’inefficacité dans l’établissement d’horaires pour les pilotes et, dans une moindre mesure, des répercussions négatives sur le régime de pension des pilotes et sur la convention collective, en particulier dans le maintien d’une règle efficace quant à l’ancienneté. Je conclus selon la prépondérance de la preuve qu’Air Canada subirait une contrainte excessive si elle devait accommoder les besoins des plaignants.

V.                Conclusion

[50]           En ce qui a trait à la question de savoir si le fait d’avoir moins de 60 ans est une exigence opérationnelle justifiée pour les pilotes d’Air Canada après novembre 2006, je suis convaincu selon la prépondérance de la preuve que :

(1)               La retraite obligatoire des pilotes à l’âge de 60 ans est fondée uniquement sur une exigence professionnelle justifiée, et que par conséquent il ne s’agit pas d’une pratique discriminatoire;

(2)               L’accommodement des besoins des plaignants après novembre 2006 imposerait une contrainte excessive à Air Canada au niveau de la santé, de la sécurité et des coûts.

VI.             Décision

[51]           Les plaignants George Vilven et Robert Kelly n’ont pas prouvé leur allégation de pratique de réduction de la part d’Air Canada pour la période après novembre 2006. Par conséquent, leurs plaintes sont rejetées.

 

Signée par

Wallace G. Craig

Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 8 juillet 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1176/5806, T1177/5906 & T1079/6005

Intitulé de la cause :  Robert Neil Kelly c. Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada et George Vilven c. Air Canada

Date de la décision du tribunal : Le 8 juillet 2011

 

Comparutions :

Raymond D. Hall et David Baker, pour les plaignants

Daniel Poulin, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Maryse Tremblay, pour l'intimé, Air Canada

Bruce Laughton, c.r., pour l'intimée, l’Association des pilotes d’Air Canada

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