Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Linda Marshall

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Cerescorp Company

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Susheel Gupta

Date : Le 7 juillet 2011

Référence : 2011 TCDP 9

 


[1]               Il s’agit d’une décision concernant la requête présentée par la plaignante le 10 juin 2011 visant l’ajournement de la procédure en l’espèce en attendant l’issue de l’enquête menée par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) concernant l’allégation de discrimination systémique exercée par l’intimée. 

[2]               La plaignante a déposé sa plainte le 11 septembre 2006. Elle soutient qu’entre juin 2006 et le 25 août 2006, l’intimée a fait preuve à son égard de discrimination fondée sur le sexe dans le cadre de son emploi en ne l’embauchant pas au poste de contremaître, malgré le fait qu’elle possédât les mêmes compétences que les hommes qui avaient été embauchés et qu’elle eût plus d’expérience qu’eux dans le domaine. Elle soutient également que l’intimée a fait preuve de discrimination fondée sur le sexe parce qu’elle l’a défavorisée en cours d’emploi. La plaignante est une débardeuse qui travaille pour l’intimée, chargeant et déchargeant des bateaux de croisière au port de Vancouver.

[3]               Le 29 juillet 2010, en application de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), la Commission a demandé au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) d’instruire la plainte. La Commission a également demandé au Tribunal de procéder à un examen, à partir de l’enquête de la Commission, concernant l’allégation de discrimination systémique exercée par l’intimée.

[4]               Le 30 août 2010, l’intimée a déposé son avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale (dossier T‑1388‑10). L’audience de la demande de contrôle judiciaire a été tenue le 15 mars 2011.

[5]               La Cour a rendu sa décision le 15 avril 2011. Le juge Russell, dans sa décision, a conclu que la plaignante ne possédait pas toutes les qualifications exigées pour le poste de contremaître. Au paragraphe 67, le juge Russell a affirmé :

En négligeant cet aspect, l’enquêteure a commis une erreur de fait fondamentale qui rend déraisonnable sa décision de déférer la plainte au tribunal pour cause de refus d’accorder une promotion.

[6]               Par conséquent, la Cour fédérale a annulé en partie la plainte et la décision de la Commission rendue le 27 juillet 2010 qui renvoyait la plainte, sauf pour ce qui suit, et je cite le juge Russell :

2.         La décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne le 27 juillet 2010 est annulée, sous réserve de ce qui suit :

a.                   a.la question des « entraves à ses efforts en vue d’acquérir de l’expérience dans des postes mobiles » précisée aux paragraphes 102 à 107 du rapport de l’enquêteure;

b.                  la question du fait que la demanderesse « a été ciblée et a été surveillée de plus près que les employés de sexe masculin » mentionnée aux paragraphes 108 à 115 du rapport de l’enquêteure

peuvent, conformément à l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, être soumises à la présidente du Tribunal canadien des droits de la personne pour qu’elle fasse instruire la plainte sur ces deux seuls aspects;

3.         l’aspect de la décision portant sur l’éventuelle discrimination systémique contre les femmes dans le processus de promotion est déféré à la Commission pour qu’elle le fasse instruire par un autre enquêteur qui respectera l’équité procédurale, en vue d’une nouvelle décision ultérieure de la Commission;

[7]               Le 3 juin 2011, le Tribunal a écrit aux parties, leur demandant de soumettre leurs observations écrites concernant la marche à suivre dans la présente affaire.

[8]               Les parties ont présenté au Tribunal leurs observations au sujet de la requête de la plaignante en ajournement.

[9]               L’argument central invoqué par l’intimée contre la requête en ajournement est que la Cour fédérale a été claire : seules les deux questions mentionnées plus haut seront instruites alors que la plainte au sujet de la discrimination systémique sera renvoyée à la Commission pour une nouvelle enquête. De plus, les allégations restantes sont indépendantes et ne dépendent pas de la nouvelle enquête ni de la possibilité que la plainte concernant la discrimination systémique soit renvoyée au Tribunal.

[10]           L’argument central présenté par la plaignante soutient que sans la preuve de l’enquête de la Commission en ce qui concerne la discrimination systémique, un préjudice sera causé. La plaignante soutient également que les audiences séparées des « deux » plaintes iraient à l’encontre des buts du Tribunal d’instruire les plaintes concernant les droits de la personne de façon expéditive, parce que cela produirait « deux » audiences au cours desquelles il y aurait une répétition des preuves, des coûts supplémentaires causés par les deux audiences et la possibilité d’incohérences dans les résultats.

[11]           Conformément au paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’instruction des plaintes par le Tribunal doit se faire sans formalisme et, élément particulièrement pertinent quant à la présente requête, de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Cependant, comme le Tribunal est maître chez lui, il peut néanmoins ajourner une instance lorsqu’il le juge approprié, vu son pouvoir discrétionnaire (voir Léger c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1999] D.C.D.P. no 6 (TCDP), au paragraphe 4; Baltruweit c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2004 TCDP 14, au paragraphe 15). Le Tribunal doit exercer ce pouvoir discrétionnaire en respectant les principes de justice naturelle (Baltruweit, au paragraphe 17).

[12]           Il y a présentement seulement deux questions qui constituent la plainte présentée devant le Tribunal. Le fait qu’il y aura une plainte renvoyée par la Commission provenant de son enquête au sujet de la discrimination systémique n’est que conjecture pour le moment. Il est également possible que la Commission en vienne à la conclusion qu’il n’y a eu aucune pratique de discrimination systémique à l’issue de sa nouvelle enquête.

[13]           Présentement, il n’existe aucune certitude quant au déroulement de l’enquête ou quant à l’issue du processus effectué par la Commission. La Commission affirme ce qui suit dans ses observations écrites soumises le 10 juin 2011, à la page 2 :

[traduction] Je ne peux pas prédire, en ce moment, le temps nécessaire pour un nouvel enquêteur d’instruire la plainte, ou pour la Commission d’arriver à sa nouvelle décision.

[14]           Plusieurs années se sont écoulées entre la présentation initiale de la plainte, sa mise à jour la plus récente et le moment où la plainte a été présentée au Tribunal pour son instruction. Tout autre report irait à l’encontre du paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[15]           La Cour fédérale, dans sa décision, n’ordonne pas que l’instruction des parties de la plainte qu’elle a maintenues devrait être suspendue en attendant le résultat de la nouvelle enquête de la Commission. La cour a affirmé que les deux allégations présentées dans la plainte peuvent être instruites en application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[16]           Pour que la plaignante obtienne un ajournement, elle doit établir qu’elle subirait un déni de justice naturelle si l’instruction devant le Tribunal poursuivait son cours normal.

[17]           La plaignante ne m’a pas convaincu qu’elle subirait nécessairement un tel préjudice si je n’accordais pas l’ajournement.

[18]           Par conséquent, la requête de la plaignante est rejetée.

 

Signée par

Susheel Gupta

Vice-président du tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 7 juillet 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T1491/3710

Intitulé de la cause: Linda Marshall c. Cerescorp Company

Date de la décision sur requête du tribunal: Le 7 juillet 2011

 

Comparutions:

Scott Brearley, pour la plaignante

Brian Smith, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Marino Sveinson et Ryan Copeland, pour l'intimée

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