Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

ENTRE:

SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES

PREMIÈRES NATIONS DU CANADA ET ASSEMBLÉE DES

PREMIÈRES NATIONS

les plaignantes

- et -

cOMMISSION canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (REPRÉSENTANT LE
MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN)

l'intimé

- et -

CHEFS DE L’ONTARIO

- et -

AMNISTIE INTERNATIONALE

les parties intéressées

DÉCISION

 

MEMBRE INSTRUCTEUR: Shirish P. Chotalia, c.r.

Présidente

2011 TCDP 4

2011/03/14

 

 


Table DES MATIÈRES

Page

I.             RÉSUMÉ DE DÉCISION.. 1

A.            Services. 2

B.            Comparaison. 4

II.            SUR QUOI LA PRÉSENTE PLAINTE PORTE-T-ELLE?. 9

III.           SUR QUOI LA PRÉSENTE REQUÊTE PORTE-T-ELLE?. 10

A.            La Couronne affirme que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte. 10

B.            Quelles sont les questions en litige dans le cadre de la requête?. 10

IV.          LE TRIBUNAL PEUT-IL TRANCHER LES QUESTIONS SOULEVÉES DANS LE CADRE DE LA PRÉSENTE REQUÊTE EN SE FONDANT SUR LES DOCUMENTS PRODUITS SANS TENIR D’AUDIENCE VIVA VOCE?. 10

A.            Résumé des positions des parties. 11

B.            La LCDP n’exige pas la tenue d’une audience viva voce dans tous les cas. 14

C.            Le fait de trancher une plainte en se fondant sur des faits non contestés, ou une question de droit, dans le cadre de l’instruction d’une requête est-il conforme aux principes de justice naturelle?  17

(i)            Examen de la nature de la décision à rendre et du processus – dans quelle mesure s’agit-il d’un processus judiciaire?. 18

(ii)           Examen du régime législatif et des termes de la Loi – dans quelle mesure la décision peut-elle être qualifiée de définitive?. 18

(iii)          Tenir compte de l’importance de la décision pour les personnes visées. 19

(iv)         Examen des attentes légitimes des parties – Étaient-elles en droit de s’attendre à la tenue d’une audience viva voce?. 20

(v)          Examen du choix de procédure fait par le Tribunal – La Loi confère-t-elle au président le pouvoir discrétionnaire de choisir la procédure et cette personne a-t-elle une expertise pour prendre cette décision?. 21

V.            AUTRES ARGUMENTS SOULEVÉS PAR LES PARTIES EN RÉPONSE À LA QUESTION DE SAVOIR SI L’INSTRUCTION DE LA REQUÊTE EST UN CADRE ADÉQUAT. 24

A.            La Couronne soutient que la plainte soulève une question véritable de compétence qui devrait être tranchée dans le cadre de l’instruction de la requête. 24

B.            La Couronne soutient que la plainte soulève une question d’abus de procédure qui peut être tranchée dans le cadre de l’instruction de la requête. 25

C.            Les plaignantes prétendent que le critère applicable est celui du « caractère manifeste et évident » défini par les cours de justice et que, par conséquent, la requête n’est pas la procédure appropriée   27

D.            Les plaignantes soutiennent que, selon la décision antérieure de la Cour fédérale, le Tribunal est tenu de procéder à une audience viva voce. 28

E.            La Couronne soutient que les plaignantes ont le fardeau de déposer la preuve requise. 29

VI.          EXAMEN DE LA QUESTION DES SERVICES DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION D’UNE REQUÊTE – LES FAITS PERTINENTS SONT-ILS CLAIRS, COMPLETS ET NON CONTESTÉS. 30

A.            Résumé des positions des parties. 30

B.            Que dit le droit en matière de « services »?. 32

C.            Analyse – fondée sur les faits. 34

(i)            La Couronne n’a pas démontré que les faits pertinents étaient clairs, complets et non contestés  35

1.            Ententes de financement complexes – non déposées. 37

2.            Des témoins sont requis pour clarifier le contenu de l’entente de financement déposée et de celles qui doivent l’être. 37

3.            Les modalités et conditions du MCP ne sont pas claires. 39

4.            Ententes sur l’autonomie gouvernementale non déposées – Preuve insuffisante. 40

5.            La preuve ne permet pas de préciser la façon dont fonctionne l’Entente globale de financement. 40

6.            La preuve ne précise pas le fonctionnement de l’Entente de 1965 et n’indique pas si toutes les ententes pertinentes ont été déposées. 41

7.            Impossibilité de déterminer si le MAINC exerce un contrôle sur les mesures de prévention. 42

8.            Impossibilité de déterminer si le MAINC prend des mesures de vérification qui vont plus loin que la reddition de comptes. 42

D.            Conclusion - La Couronne ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve – elle n’a pas présenté suffisamment de preuves ou d’observations pour démontrer que le programme de financement n’est pas un Service. 43

E.            Les autres arguments de la Couronne. 44

(i)            NIL/TU,O - Preuve. 44

(ii)           Justiciabilité. 45

VII.         ANALYSE DE LA PERTINENCE D’UN GROUPE DE COMPARAISON DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION D’UNE REQUÊTE – QUESTION DE DROIT. 46

A.            Résumé des positions des parties. 46

B.            L’analyse de la pertinence d’une comparaison est une pure question de droit. 48

C.            Que signifie le verbe « défavoriser » au sens de l’alinéa 5b) de la Loi? Comment cet alinéa doit-il être interprété?. 49

D.            Analyse. 51

(i)            Le traitement défavorable est une notion comparative. 51

1.            Absence de sens commun – l’anglais est clair, mais le français peut exiger une comparaison ou non. 51

2.            Le Parlement souhaitait que l’alinéa 5b) soit interprété en fonction d’une comparaison. 52

3.            Les arguments visant à appliquer la jurisprudence fondée sur la Charte ne respectent pas la teneur de la LCDP. 54

4.            Les arguments visant à appliquer la jurisprudence fondée sur d’autres lois en matière de droits de la personne ne respectent pas la teneur de la LCDP   55

5.            Conclusion. 56

(ii)           L’alinéa 5b) ne permet pas de comparer deux fournisseurs de services. 56

(iii)          Arguments des plaignantes suivant lesquels le financement versé en fonction de la race exige une exception interprétative – des faits incontestables ne constituent pas de bonnes règles de droit  57

(iv)         Les arguments des plaignantes suivant lesquels la position de la Couronne engendre une situation inacceptable ne concordent pas avec le libellé clair de la LCDP. 59

VIII.        CONCLUSION.. 61

Annexe « A ».

 



I.                   RÉSUMÉ DE DÉCISION

[1]               Affaires indiennes et du Nord Canada (le MAINC) finance les fournisseurs de services des Premières nations qui dispensent des services d’aide à l’enfance (aide à l’enfance) aux enfants des Premières Nations qui vivent dans des réserves. La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (la Société, ou la plaignante) et l’Assemblée des Premières Nations (l’APN, ou la plaignante) affirment que le MAINC ne fait pas qu’offrir du financement. Il fournirait aussi des services d’aide à l’enfance à ces enfants, directement ou indirectement. Selon les plaignantes, le financement est inadéquat si on le compare à celui que les provinces procurent aux autres enfants vivant hors réserve. Elles soutiennent que ce financement défavorise les enfants des Premières Nations, ce qui est contraire à l’alinéa 5b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP, ou la Loi).

[2]               La Couronne demande, par voie de requête, que soit rendue une décision portant que le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) n’a pas compétence pour connaître des questions découlant de la plainte. Essentiellement, elle fait valoir que le financement, ou les paiements de transfert, ne correspondent pas à la fourniture de « services » au sens de la LCDP et que le financement accordé par le MAINC ne peut être comparé, en droit, au financement versé par les provinces. Elle affirme que ces deux questions peuvent être tranchées dès maintenant et sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience complète comportant la comparution de témoins et la production d’autres éléments de preuve.

[3]               La LCDP n’oblige pas le Tribunal à tenir une audience avec témoins dans tous les cas. Dans le cadre de la présente requête, il revient à la Couronne de démontrer que c’est le cas en l’espèce. Elle doit convaincre le Tribunal que les parties ont eu la possibilité pleine et entière de présenter des observations et des éléments de preuve. Le Tribunal n’accueillera la requête visant le rejet d’une plainte que s’il est impossible de concevoir que la production d’autres éléments de preuve puisse être de quelque utilité, c’est-à-dire lorsque la Couronne a démontré que les faits sont clairs, qu’ils ont été exposés en entier et qu’ils ne sont pas contestés, ou encore, que les questions en litige sont de pures questions de droit. Si la Couronne s’acquitte de ce fardeau de preuve, le Tribunal peut statuer sur les questions de fond dans le cadre d’une requête.

[4]               Dans sa requête, la Couronne me demande de statuer sur deux questions de principe :

                     i.            Le programme de financement du MAINC est-il un « service » au sens de l’alinéa 5b) de la Loi?

                   ii.            Peut-on conclure à un traitement défavorable en comparant entre eux deux fournisseurs de services différents, et même, est-il nécessaire d’établir une comparaison?

[5]               En ce qui concerne la question relative aux services, la Couronne n’a pas réussi à démontrer que les faits sont clairs, qu’ils ont été exposés en entier et qu’ils ne sont pas contestés. Je ne peux donc pas me prononcer sur cette question. Quant à la question de la comparaison, elle s’est acquittée de son fardeau. Elle m’a convaincue que la question de la « comparaison » en est une de droit uniquement. Je peux ainsi statuer sur cette question en me fondant sur les documents déposés dans le cadre de la requête. Je conclus que la LCDP exige en effet qu’une comparaison soit établie, mais pas celle que proposent les plaignantes. On ne peut comparer entre eux deux fournisseurs de services différents. Par conséquent, même si je concluais que le MAINC est un fournisseur de services ainsi que l’affirment les plaignantes, la LCDP ne permet pas qu’en tant que fournisseur de services, il soit comparé aux provinces qui le sont aussi. La plainte ne pourrait être accueillie en dépit de la tenue d’une instruction plus approfondie au sujet de la question des services. La plainte doit donc être rejetée. Mes motifs sont résumés ci-après.

A.                 Services

[6]               Par suite de la requête de la Couronne, j’ai été saisie des éléments de preuve suivants. En l’espèce, la Couronne et les plaignantes, ainsi que deux intervenants, les Chiefs of Ontario (les Chefs) et Amnistie Internationale (Amnistie), ont déposé les documents et présenté les observations énumérés à l’annexe « A ». J’ai passé au crible les documents produits se rapportant à la requête, ce qui représente plus de 10 000 pages. Ironiquement, malgré l’abondance de documents, le tout semble bien insuffisant pour parvenir à un règlement de la présente plainte dans toute sa portée et son étendue.

[7]               Le régime de financement du MAINC est complexe. Le MAINC accorde du financement à 108 fournisseurs de services d’aide à l’enfance des Premières nations afin qu’ils dispensent des services de cet ordre à quelque 160 000 enfants et adolescents au sein d’environ 447 des 663 Premières nations. Pour la seule Directive 20-1, il existe possiblement au moins 50 à 60 ententes de financement et protocoles d’ententes (qui n’ont pas encore été produits). Entre les divers territoires et provinces, on constate des différences dans les régimes de financement et les modèles de service, par exemple entre les réserves autonomes et les autres réserves des Premières Nations. Quelles sont les modalités et conditions prévues par ces diverses ententes de financement? Quelles sont celles qui s’appliquent à chacun des divers protocoles d’ententes? Le MAINC a-t-il un droit de regard sur le type d’aide à l’enfance dispensée dans le cadre de l’une ou l’autre des modalités et conditions de financement? Ces modalités et conditions servent-elles à définir la teneur de l’aide à l’enfance? De plus, les mesures de vérification du MAINC visent‑elles simplement à s’assurer que les fonds sont utilisés et gérés de manière responsable ou vont-elles plus loin? Les mesures de vérification du MAINC sont-elles dans les faits une action démontrant que le MAINC dispense de l’aide à l’enfance? Encore une fois, même si les paiements de transfert ne sont dans l’ensemble que des paiements de transfert, y a-t-il, au sein de l’administration du programme, un volet distinct pour lequel il est possible d’affirmer que le MAINC exerce un contrôle sur la teneur de l’aide à l’enfance? La Couronne ne s’est pas acquittée de son fardeau. On ne peut affirmer que les faits pertinents sont clairs, qu’ils ont été exposés en entier et qu’ils ne sont pas contestés. Cela est en partie attribuable à la portée et à l’étendue de la présente plainte, qui va plus loin que toute plainte dont le Tribunal a été saisie à ce jour. En l’espèce, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) n’a pas enquêté sur les faits pertinents avant de renvoyer la plainte au Tribunal pour qu’il tienne une audience. Elle a plutôt écrit que les [traduction] « principaux arguments présentés sont de nature juridique et non factuelle et ne découlent d’aucun principe juridique établi ».

[8]               Indépendamment de la décision de la Commission de renvoyer la plainte, il incombe au Tribunal d’aider les parties à resserrer minutieusement les questions de faits, qui sont vastes et complexes, tout en cernant et en définissant les questions de droit évidentes que soulève la plainte. Pour atteindre cet objectif, j’ai notamment offert aux parties de prendre part à un processus de médiation avec un membre du Tribunal afin de mieux circonscrire les questions de droit et de fait. Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur les faits importants. Jusqu’à présent, elles ont choisi de ne pas déposer au Tribunal un exposé conjoint des faits. Compte tenu de l’ampleur de la plainte et du fait que ses paramètres sont insuffisamment définis, je ne puis me prononcer sur la question concernant les services à partir de la preuve produite.

B.                 Comparaison

[9]               Toutefois, je suis en mesure de trancher, sur la base de la preuve et des arguments présentés, la question relative à la comparaison. Je peux décider si l’allégation de traitement défavorable est mal fondée en droit. L’alinéa 5b) de la LCDP prévoit qu’un fournisseur de services destinés au public ne peut défavoriser un individu à l’occasion de leur fourniture. La question de savoir si ces mots employés dans la LCDP appellent une comparaison et, le cas échéant, quel est le mode d’établissement de cette comparaison, relève purement du droit. La Couronne est parvenue à démontrer qu’il s’agit d’une pure question de droit qui peut dès maintenant être tranchée. Les parties ont eu la possibilité pleine et entière de présenter des observations au sujet de cette question de droit. Il n’est d’autre preuve que les plaignantes pourraient déposer pour étayer davantage leur position.

[10]           Je tranche la question comme suit : pour conclure à l’existence d’un traitement défavorable, il faut comparer la situation des victimes présumées à celle d’une autre personne recevant ces mêmes services du même fournisseur. Comment peut-on être autrement défavorisé? Il convient de donner au terme employé dans la LCDP son sens manifeste, conformément à l’intention du législateur. Ce terme ne se trouve que dans la LCDP. La Cour d’appel fédérale, dans Singh c. Canada (Ministère des Affaires extérieures), [1989] 1 C.F. 430 (C.A.F.) (Singh), a jugé que ce terme exigeait de procéder à une analyse comparative. De plus, une telle comparaison est sollicitée dans la plainte même. L’établissement d’une comparaison entre le financement accordé par le MAINC et celui accordé par les provinces se situe en effet au cœur de la plainte.

[11]           En ce qui a trait à la question du choix d’un groupe de comparaison, les parties conviennent que le MAINC ne finance et ne réglemente pas l’aide à l’enfance à l’égard des enfants ne vivant pas dans les réserves. Pour ces derniers, la prestation de l’aide à l’enfance est une compétence exclusive des provinces tombant sous le coup de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., ch. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 5. Peut-on comparer le financement accordé par le gouvernement fédéral à celui d’un gouvernement provincial pour conclure à l’existence d’un traitement défavorisant un individu au sens de l’alinéa 5b) de la Loi? La réponse est non.

[12]           La Loi ne permet pas de procéder à une comparaison entre deux fournisseurs de services différents et deux prestataires de services différents. Le financement fédéral est destiné aux enfants des Premières nations vivant dans les réserves afin de leur offrir une aide. Le financement provincial est destiné à tous les enfants vivant hors réserve. Il s’agit de groupes distincts de fournisseurs de services et de prestataires de services. Il est impossible de comparer les deux.

[13]           Examinons le fonctionnement de la Loi. Par exemple, la Loi permet à une personne autochtone qui reçoit moins de services d’un gouvernement de déposer une plainte si une personne qui n’est pas autochtone reçoit de meilleurs services de ce même gouvernement. Toutefois, la Loi ne permet pas à une personne autochtone, ou à qui que ce soit, de prétendre qu’il y a traitement défavorable si une autre personne reçoit de meilleurs services d’un gouvernement différent.

[14]           S’il en était autrement, les répercussions profondes du raisonnement proposé se feraient sentir également dans le domaine de l’emploi. Pour prendre un autre exemple, la Loi permet à une personne autochtone que son employeur traite différemment de déposer une plainte si un employé qui n’est pas autochtone est mieux traité par ce même employeur. Toutefois, la Loi ne permet pas à un employé autochtone, ni à quelque autre employé, de prétendre qu’il y a traitement défavorable si un autre employé est mieux traité par un employeur différent.

[15]           Par ailleurs, un tel raisonnement irait jusqu’à permettre à la personne membre d’une Première nation de faire valoir que celle-ci la défavorise en établissant une comparaison entre les services qu’elle reçoit et ceux offerts par une autre Première nation à un autre membre.

[16]           Il n’y aurait pas de limites aux comparaisons pouvant être faites. De plus, en l’espèce, la comparaison demandée fait intervenir des administrations sans lien de dépendance au vu de la Constitution : d’une part, le gouvernement fédéral et de l’autre, les gouvernements des provinces et des territoires.

[17]           Sur ce point, les parties ont eu la possibilité pleine et entière de déposer des affidavits, de contre-interroger les affiants, de comparaître devant le Tribunal avec leurs avocats et de présenter des arguments. En outre, elles se sont vu accorder la possibilité de présenter des observations jusqu’au 23 août 2010 et jusqu’au 23 décembre 2010 (voir l’annexe « A »), respectivement, au sujet de trois nouvelles décisions. Il s’agit de Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau-Brunswick (Min. du Développement social), 2010 NBCA 40 (CDPNB c. PNB), publiée le 3 juin 2010, ainsi que de deux arrêts de la Cour suprême du Canada : NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45 (NIL/TU,O) et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto, 2010 CSC 46 (Native Child and Family Services of Toronto), rendus ensemble le 4 novembre 2010. Les parties ont également eu la possibilité de déposer des observations concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Résol. A.G. 61/295 (Annexe), DOAG ONU, 61e Sess., Supp. no 49, Vol. III, Doc. ONU A/61/49 (2008) 15 (la DNUDPA). Cette question de droit est suffisamment claire sans qu’il soit nécessaire de tenir une autre audience avec témoins et de présenter d’autres éléments de preuve. En réalité, la tenue d’une autre audience pourrait faire en sorte que du temps et des ressources soient engloutis dans un exercice interminable visant à établir des faits qui ne sont d’aucune pertinence par rapport à la faille identifiée sur le plan juridique. La tenue d’une autre audience serait un exercice théorique. La plainte ne peut être accueillie sur ce point de droit.


 

Considérations d’ordre culturel – membres des Premières nations du Canada – Tradition orale

[18]           L’audience relative à la requête s’est ouverte sur une prière algonquine récitée par une aînée, Bertha Commanda. Je suis parfaitement consciente de la nécessité, pour trancher la requête, de bien connaître et de respecter les préoccupations d’ordre culturel des membres des Premières nations du Canada. L’APN, la Société et la Commission soutiennent vigoureusement qu’il faut tenir une audience et statuer que la LCDP permet de conclure à l’existence d’une différence de traitement préjudiciable en comparant les actions d’un bailleur de fonds ou fournisseur de services fondés sur la race, soit en l’occurrence, le MAINC, à celles des provinces. Je reconnais l’importance de la tradition orale pour les Premières nations. Cela dit, si la présente plainte avait fait l’objet d’une audience avec témoins, une mesure inutile, cette audience aurait été longue et complexe et le litige se serait possiblement prolongé sur des années. L’audience aurait été alourdie par les coûts forcément assumés par les parties et les témoins sur les plans financier et affectif. En fait, le Tribunal a été la cible de critiques de la part de la Cour d’appel fédérale pour sa mauvaise gestion d’une audience sur l’équité salariale, qui a duré plus de dix ans et qui se poursuit (Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, au paragraphe 145 (Société canadienne des postes) (autorisation de pourvoi à la CSC accordée, dossiers nos 33668, 33669, 33670). Il n’est dans l’intérêt ni des parties ni du système judiciaire de tenir une audience viva voce au sujet d’une plainte qui ne peut être accueillie pour des raisons de droit. Cela n’aurait pas pour effet de favoriser l’accès à la justice. Ce serait contraire à l’accès à la justice.

[19]           Il faut comprendre que l’intitulé de la LCDP est trompeur. Même s’il renferme l’idée que la LCDP et le Tribunal peuvent remédier à toute une gamme de violations des droits de la personne, le mandat du Tribunal se limite à remédier à la discrimination pour les motifs précisés dans la loi et dans les domaines qui y sont visés, tels que l’emploi, les services et les moyens d’hébergement, pour n’en nommer que quelques-uns. Ainsi, il n’est pas possible d’accorder aux membres des Premières nations du Canada ou à leurs concitoyens canadiens des réparations plus étendues relevant des droits de la personne en l’absence d’un acte discriminatoire au sens de la Loi. À moins que la plainte ne porte sur un objet visé par l’un des articles de cette loi interdisant la discrimination, elle ne peut être accueillie.

[20]           Enfin, je suis consciente que les membres des Premières nations du Canada sont embourbés dans un conflit constitutionnel. Toutefois, les outils juridiques permettant de contester un financement jugé inéquitable ne se trouvent pas dans le texte actuel de l’alinéa 5b) de la LCDP. Le Tribunal n’est pas une cour de justice saisie d’une contestation constitutionnelle. Il n’est pas habilité à redéfinir le sens du terme « traitement défavorable » pour l’adapter aux circonstances. Le Tribunal doit préserver son intégrité en ne débordant pas du cadre de la loi qui l’a créé. Il se pourrait fort bien que les plaintes soient recevables dans le cadre d’une autre procédure judiciaire, d’une action politique ou de consultations en cours à l’échelle fédérale ou provinciale; il se pourrait aussi qu’elles obligent à procéder à des modifications législatives. Les arguments louables formulés par le groupe des plaignantes pourraient fort bien recueillir l’adhésion de ceux qui ont compétence pour les entendre.


 

II.                SUR QUOI LA PRÉSENTE PLAINTE PORTE-T-ELLE?

[21]           La Société et l’APN affirment que le financement des services d’aide à l’enfance est insuffisant pour des milliers d’enfants des Premières nations vivant dans les réserves. L’aide destinée aux enfants vivant hors réserve est financée par les provinces et les territoires. Les plaignantes demandent que la loi oblige le MAINC à financer l’aide à l’enfance à un niveau semblable à celui en vigueur dans les provinces et territoires. Elles prétendent que les enfants des Premières nations vivant dans une réserve reçoivent moins de services d’aide et de protection de l’enfance que les autres enfants canadiens vivant hors réserve, que ce soit à un jet de pierre d’une réserve. Selon elles, les provinces consacrent à l’aide à l’enfance beaucoup plus de fonds que le MAINC et que ce sous-financement du MAINC constitue pour les enfants autochtones vivant dans les réserves de la discrimination systémique. Les plaignantes prétendent qu’en raison de ce sous-financement, la prestation des services se fait d’une manière qui n’est pas adaptée à la réalité culturelle de ces enfants, ce qui est contraire à l’objet du programme de financement. Elles sollicitent du Tribunal une ordonnance enjoignant au MAINC de verser 109 millions de dollars additionnels annuellement afin de combler les lacunes actuelles sur le plan du financement.

[22]           Plus précisément, les plaignantes prétendent que le mode de financement prévu au chapitre 5 de la Directive 20-1 (la Directive 20-1) est contraire à l’article 5 de la Loi en ce sens que les enfants inscrits et les familles des Premières nations vivant dans des réserves reçoivent des services d’aide à l’enfance d’un niveau inéquitable en raison de leur race et de leur origine nationale ou ethnique par rapport aux enfants, autochtones ou non, qui vivent hors réserve. Les précisions et les actes de procédure déposés par le groupe de plaignantes élargissent la portée de la discrimination alléguée au Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations (le Programme des SEFPN) du MAINC, qui vise à la fois le financement de la Directive 20-1 et de l’Approche améliorée axée sur la prévention (AAAP), et les fonds que verse le MAINC à l’Ontario sous le régime du Protocole d’entente sur les programmes d’aide sociale pour les Indiens de 1965, connu sous le nom d’Entente sur le bien-être social de 1965 (l’Entente de 1965).

 

III.             SUR QUOI LA PRÉSENTE REQUÊTE PORTE-T-ELLE?

A.                 La Couronne affirme que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte

[23]           L’intimé, le Procureur général du Canada (la Couronne) a présenté une requête en vue du rejet de la plainte pour défaut de compétence; elle prétend que la plainte ne tombe pas sous le coup des dispositions de l’alinéa 5b) de la LCDP. Les autres parties affirment que la requête n’est pas fondée, qu’elle est prématurée et qu’il y a lieu de procéder immédiatement à une audience complète de l’affaire sur le fond.

B.                 Quelles sont les questions en litige dans le cadre de la requête?

                  iii.            La Loi oblige-t-elle le Tribunal à tenir une audience viva voce dans tous les cas?

                 iv.            Dans la négative, le Tribunal peut-il trancher les questions suivantes dans le cadre de la requête :

(a)                Le MAINC fournit-il un service pour l’application de l’alinéa 5b) de la Loi? La question du financement est-elle justiciable?

(b)               Est-il nécessaire de faire appel à un groupe de comparaison pour conclure à l’existence d’un traitement défavorable au sens de l’alinéa 5b) de la Loi? Sinon, est-il permis d’établir une comparaison entre deux fournisseurs de services?

IV.             LE TRIBUNAL PEUT-IL TRANCHER LES QUESTIONS SOULEVÉES DANS LE CADRE DE LA PRÉSENTE REQUÊTE EN SE FONDANT SUR LES DOCUMENTS PRODUITS SANS TENIR D’AUDIENCE VIVA VOCE?

[24]           Fondamentalement, la présente requête exige de décider s’il y a lieu ou non de tenir une audience viva voce ainsi que le demandent les plaignantes ou si le Tribunal est habilité à statuer dès maintenant sur la plainte en se fondant sur les documents dont il dispose sans tenir d’audience viva voce? Les parties ont des points de vue divergents en ce qui concerne le pouvoir du Tribunal de statuer sur les questions soulevées dans le cadre de la requête à cette étape-ci de l’instance.

A.                 Résumé des positions des parties

La Couronne

 

[25]           La position de la Couronne semble comporter plusieurs facettes. D’une part, dans certains cas, la Couronne prétend que sa requête soulève une question d’ordre juridictionnel et que le Tribunal peut déterminer les limites de sa propre compétence à tout moment de l’instruction. Les tribunaux de justice ont reconnu que le Tribunal avait le pouvoir de rejeter une plainte sans tenir d’audience viva voce en cas de poursuite abusive. Or, la Couronne affirme que le fait de présenter une plainte qui outrepasse la compétence du Tribunal est un abus de procédure dès lors susceptible de rejet sommaire. Toutefois, ailleurs dans ses observations, la Couronne déclare que sa requête concerne des questions touchant directement le « bien-fondé » de la plainte. À cet égard, elle fait valoir qu’il incombe aux plaignantes d’établir, selon la prépondérance de la preuve, une preuve prima facie de discrimination, et elle ajoute que ce fardeau demeure la responsabilité des plaignantes tout au long de l’instruction. De plus, la Couronne affirme que les questions soulevées dans le cadre de la requête sont des questions de droit que le Tribunal a le pouvoir de trancher lorsqu’il instruit et tranche les questions en litige. La Couronne dénonce le recours aux critères juridiques élaborés à partir des règles de procédure civile, notamment celui du « caractère manifeste et évident », que les tribunaux civils appliquent lorsqu’elles sont saisies de requêtes en radiation d’un acte de procédure dont on prétend qu’il ne révèle aucune cause d’action valable.

La Commission

 

[26]           La position de la Commission comporte elle aussi plusieurs facettes. Premièrement, celle-ci prétend que le Tribunal peut uniquement rejeter une plainte à l’issue d’une audience sur le fond, à moins qu’il ne soit démontré que la tenue d’une enquête constituerait un abus de procédure. Même dans un tel cas, le pouvoir de rejeter une plainte sommairement doit être exercé avec beaucoup de prudence et seulement dans les cas les plus évidents. Les exigences en matière de preuve de l’abus de procédure sont extrêmement élevées : la procédure doit être injuste au point qu’elle est contraire aux intérêts de la justice. Deuxièmement, la Commission affirme que la question dont est saisi le Tribunal dans le cadre de la requête est de savoir s’il est « manifeste et évident » que les actes de procédure des plaignantes et de la Commission ne révèlent aucune cause d’action valable ou, s’agissant de la LCDP, si l’intimée a démontré que la plainte était dépourvue de tout fondement. Pour radier une plainte, le Tribunal doit conclure, en supposant qu’il tient pour avérés et complets tous les faits allégués dans les affidavits, que la plainte n’a pas la moindre chance de réussir. De plus, la plainte ne devrait pas être radiée si elle soulève d’importantes questions de droit ou de portée générale ou si d’autres faits doivent être connus pour pouvoir se prononcer sur le fond quant aux droits des plaignantes.

La Société

 

[27]           De l’avis de la Société, la Couronne doit établir qu’il est « manifeste et évident » qu’il y a lieu de rejeter la plainte sans tenir d’audience viva voce et sans disposer d’un dossier de preuve complet, et qu’elle est contraire à une directive de la Cour fédérale concernant le contrôle judiciaire des décisions de renvoi de la Commission. La Société note que le Tribunal se montre réticent à accueillir les requêtes en rejet d’une plainte, compte tenu du libellé de la LCDP et de l’importance et des objectifs réparateurs des lois en matière de droits de la personne. Deux caractéristiques particulières de la loi militent contre le recours au rejet sommaire : (i) les dispositions d’examen préliminaire autorisant la Commission à disposer d’une plainte sans qu’elle soit instruite par le Tribunal; (ii) l’obligation du Tribunal, suivant le paragraphe 50(1) de la Loi, de donner aux parties la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des observations au sujet des questions soulevées dans le cadre de la plainte. Bien que la jurisprudence du Tribunal indique que ce dernier a le pouvoir de rejeter une plainte sur requête lorsque les questions soulevées ont été instruites devant une autre instance ou qu’il y a manquement évident aux principes de justice naturelle, la Société prétend que ce n’est pas le cas en l’espèce. Cependant, la Société affirme également que les requêtes en rejet d’une plainte à un stade préliminaire ne devraient pas être accueillies lorsque la décision sur le fond requiert une appréciation des faits et une conclusion de fait ou que la plainte soulève une question de droit difficile et importante. Enfin, selon la Société, l’affaire en cause n’est pas de l’ordre de celles qui peuvent être rejetées à un stade préliminaire. Elle met en cause un intérêt personnel important pour des milliers d’enfants. Elle soulève des questions de droit difficiles et importantes jamais examinées. Elle aura des conséquences majeures sur le plan jurisprudentiel et elle repose sur des faits qui sont nombreux et complexes et qui influenceront l’analyse relative à la compétence du Tribunal.

Les Chefs

 

[28]           Les Chefs avancent que la requête de la Couronne est prématurée et inopportune compte tenu du refus de la Cour fédérale de procéder au contrôle judiciaire du renvoi de l’affaire par la Commission pour instruction. Ils affirment que s’il n’est pas évident et manifeste que la plainte est sans le moindre fondement, la requête de la Couronne doit être rejetée. La Couronne doit établir qu’il est manifeste et évident que la plainte est vouée à l’échec même après le dépôt d’un dossier complet au Tribunal. Les Chefs font valoir que la question de compétence et les autres questions soulevées par la Couronne doivent être tranchées en fonction d’une preuve complète, et non pas à partir du dossier relativement maigre joint à la requête. Il est crucial que le Tribunal soit saisi du dossier complet, compte tenu de l’enjeu énorme qui dépend de la requête et qui consiste à décider si l’article 5 de la LCDP vise les programmes comportant un volet de financement. Si la réponse était négative, la majeure partie des programmes fédéraux relatifs aux Premières nations ne serait pas assujettie à un examen sous le régime de la LCDP. Le fait de rendre une décision préliminaire pourrait également porter atteinte aux parties en retardant l’audience sur le fond, car si l’affaire est classée pour des motifs préliminaires et que la décision est renversée par les tribunaux supérieurs, les parties devront reprendre l’affaire depuis le début, des années plus tard (même si elles sont prêtes à procéder à l’instruction sur le fond dès maintenant). Lorsque le rejet préliminaire sera renvoyé au Tribunal, les principaux témoins pourraient ne plus être disponibles. Pour des raisons d’économie des ressources judiciaires, il n’est pas souhaitable de fragmenter ainsi la procédure.


 

B.                 La LCDP n’exige pas la tenue d’une audience viva voce dans tous les cas

Les faits importants sont clairs et non contestés ou il s’agit de questions de pur droit

 

[29]           Le Tribunal a été créé par une loi et fait partie d’un régime législatif fédéral destiné à repérer les cas de discrimination et à y remédier. Par conséquent, la question du caractère opportun de la requête en rejet sommaire nécessite un examen de la Loi. En examinant tous les aspects pertinents de la loi habilitante du Tribunal, il est possible de déterminer avec précision quels types de décisions le législateur a voulu permettre au Tribunal de rendre. Toute ambiguïté de la loi habilitante doit être résolue de manière à favoriser la réalisation des objectifs de la LCDP, et non de les contrecarrer (Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36, au paragraphe 42 (Bell Canada)).

[30]           Le Tribunal est un organe indépendant établi par la Loi afin d’instruire les plaintes qui lui sont renvoyées par la Commission. La Loi prévoit que le Tribunal peut procéder à deux formes d’instructions, l’une avec audience viva voce et l’autre sans. En vertu du paragraphe 50(1) de la Loi, le membre désigné instruit la plainte et « donne » à toutes les parties la « possibilité pleine et entière » de comparaître et de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, des éléments de preuve et des observations. Le paragraphe 50(3) de la LCDP autorise le membre instructeur à assigner et à contraindre des témoins à comparaître, à faire une déposition et à produire les pièces jugées indispensables, à faire prêter serment, à recevoir des éléments de preuve et des renseignements, par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu’il estime indiqué et à trancher toute question de procédure ou de preuve. Dans la décision Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, 2004 CF 81, au paragraphe 17 (Cremasco), conf. par Commission canadienne des droits de la personne c. Société canadienne des postes, 2004 CAF 363, la Cour fédérale a précisé que l’instruction se distinguait de l’« audience » et ne correspondait pas au terme « audience » au sens où il est employé au paragraphe 50(3) de la Loi. Dans Cremasco, précitée, la Cour fédérale a statué que l’emploi, par le législateur, du mot « instruction » au paragraphe 50(1) et du mot « audience » au paragraphe 50(3) de la LCDP montrait clairement que le renvoi d’une affaire au Tribunal ne conduisait pas nécessairement à une audience dans tous les cas. Donc, s’il faut procéder à l’instruction d’une plainte avant de la rejeter, cela ne signifie pas « nécessairement » qu’une audience est requise.

[31]           Suivant le paragraphe 48.9(2) de la Loi, le Tribunal doit procéder à l’instruction sans formalisme et de la façon la plus expéditive possible. Ainsi que la Cour fédérale le déclare dans Cremasco, précitée, au paragraphe 18, « il est difficile de voir pourquoi il serait dans l’intérêt de quiconque que le Tribunal tienne une audience dans un cas où il estime qu’une telle audience équivaudrait à un abus de sa procédure ». Dans de tels cas, le paragraphe 53(1) de la Loi permet de tirer une conclusion particulièrement utile pour la question à l’étude, à savoir que le Tribunal peut rejeter la plainte « [à] l’issue de l’instruction ».

[32]           L’emploi répété de l’indicatif présent (en anglais, « shall ») dans ces dispositions tend nettement à indiquer que deux obligations sont imposées au Tribunal. D’une part, il doit procéder sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle. De l’autre, chaque fois qu’il instruit une plainte, il doit veiller à accorder aux parties la possibilité pleine et entière de prendre part à l’instruction de la manière décrite. À cet égard, la Loi fait exception en codifiant l’obligation imposée par la common law, qui consiste à adhérer aux principes de justice naturelle ainsi qu’aux principes de common law selon lesquels les tribunaux administratifs s’acquittent de leur rôle sans formalisme et avec célérité, et elle juxtapose adroitement les uns et les autres au paragraphe 48.9(1) de la Loi de façon à en faire des obligations opposées. Il appartient au Tribunal d’établir le juste équilibre dans chaque cas.

[33]           L’obligation de procéder sans formalisme et de façon expéditive qui est prévue au paragraphe 48.9(2) de la LCDP est sujette à deux limites importantes : les principes de justice naturelle et les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne en date du 3 mai 2004 (les Règles de procédure).

[34]           Mais dans quels cas une plainte peut-elle être rejetée sans la tenue d’une audience viva voce? Ici aussi, la décision Cremasco, précitée, nous éclaire. En effet, la Cour fédérale a statué que le Tribunal pouvait rejeter une affaire sans tenir d’audience si une telle audience équivaudrait à un abus de procédure. L’affaire mettait en cause une forme particulière d’abus de procédure, soit la tentative de faire rejuger une question déjà tranchée, un acte sanctionné par le principe de la chose jugée, ou de préclusion pour question déjà tranchée. Il existe d’autres formes d’abus de procédure, mais la question qui se pose immédiatement est la suivante : la décision Cremasco, précitée, énonce-t-elle la seule situation possible où le Tribunal est autorisé à rejeter une plainte sans tenir d’audience? Je ne le crois pas. Je suis d’avis que la logique qui sous-tend cette décision fondée sur le régime législatif prévu par la LCDP peut s’étendre à d’autres contextes, à la condition qu’aucune plainte ne soit rejetée avant l’issue de l’instruction. Et comme nous l’avons vu précédemment, l’obligation fondamentale à laquelle est assujetti le Tribunal sur le plan de la procédure est de donner aux parties la « possibilité pleine et entière » de présenter des éléments de preuve et des observations (suivant le paragraphe 50(1) de la Loi). Cependant, la teneur de ce qui est accordé aux parties dépendra de la nature de l’affaire en cause et des motifs pour lesquels le rejet de la plainte est demandé.

[35]           Ainsi, lorsque le rejet d’une plainte est demandé par voie de requête, il importe d’examiner attentivement tous les fondements de la requête afin de s’assurer que chacun d’eux se prête à une décision — rendue dans le cadre d’une requête— conformément au paragraphe 50(1) de la Loi.

[36]           Cette analyse emporte comme conséquence l’imposition d’un double fardeau à la partie qui présente une requête en rejet avant la tenue de l’audience

Un fardeau en matière procédurale, consistant à convaincre le Tribunal qu’il peut trancher les questions soulevées dans le cadre de la requête (par rapport à une audience viva voce) de manière régulière et dans le respect intégral de l’obligation que lui impose la Loi, soit de donner aux parties la possibilité pleine et entière de se faire entendre.

Un fardeau quant au fond, consistant à convaincre le Tribunal que les motifs de rejet sont valables.

[37]           Compte tenu du libellé de la Loi et des objectifs du régime législatif (à savoir, entre autres, de promouvoir l’égalité des chances), il convient que la partie demandant que la plainte soit tranchée sommairement justifie pourquoi il serait approprié de le faire. Concrètement, si l’on tient pour acquis que le Tribunal a donné aux parties la possibilité pleine et entière de comparaître dans le cadre de l’instruction et de présenter des observations, cela signifie que la partie requérante doit convaincre le Tribunal que l’instruction de la requête fournit un cadre où le droit de toutes les parties de présenter des éléments de preuve est protégé, en ce sens qu’aucun élément de preuve supplémentaire ne peut aider à rendre la décision visée.

[38]           Cela peut se produire dans deux cas : a) lorsque la partie requérante a démontré que les faits importants de l’affaire en cause sont clairs et ne sont pas contestés et b) lorsque les questions soulevées sont uniquement des questions de pur droit. Dès lors, il est inutile d’obtenir d’autres éléments de preuve.

C.                 Le fait de trancher une plainte en se fondant sur des faits non contestés, ou une question de droit, dans le cadre de l’instruction d’une requête est-il conforme aux principes de justice naturelle?

Le cadre d’instruction de la requête est-il conforme aux principes de justice naturelle en l’espèce?

[39]           Les parties ont droit à une audition équitable (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 22 et 28 (Baker); voir aussi Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG, 2006 CAF 398, au paragraphe 26 (Uniboard)).

[40]           Les facteurs influençant la teneur de l’obligation d’équité ont été analysés par la Cour suprême dans l’arrêt Baker, précité, aux paragraphes 22 à 27; il s’agit notamment de la nature de la décision recherchée et du processus suivi pour y parvenir, de la nature du régime législatif et des termes de la loi, de l’importance de la décision pour les personnes visées, des attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et des choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand il a une expertise et que la loi lui laisse la possibilité de choisir sa propre procédure. Il ne faut pas appliquer systématiquement chacun de ces cinq facteurs à un processus donné, mais plutôt les adapter au contexte particulier (Uniboard, précité). Le respect de l’équité procédurale exige de procéder à une analyse cas par cas (Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 49 (Ha)).

(i)                 Examen de la nature de la décision à rendre et du processus – dans quelle mesure s’agit-il d’un processus judiciaire?

[41]           Pour ce qui est du processus administratif, je remarque que celui du Tribunal s’apparente beaucoup au processus judiciaire et qu’on a dit qu’il était très semblable à celui d’une cour de justice puisque ses audiences « […] sont structurées sensiblement de la même façon qu’un procès formel devant une cour de justice » (voir Bell Canada, précité, au paragraphe 23). Toutefois, les cours de justice n’appliquent pas le « modèle du procès » pour disposer de toutes les affaires (voir les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, article 210 (requête en jugement par défaut); article 213 (requête en jugement sommaire ou en procès sommaire); article 220 (décision préliminaire sur un point de droit ou d’admissibilité); article 221 (requête en radiation d’un acte de procédure); partie 5 (demandes)). Par conséquent, toute analogie entre le processus décisionnel du Tribunal et le « processus décisionnel judiciaire » doit tenir compte du fait qu’une bonne partie des affaires tranchées de manière définitive ou potentiellement définitive dans le cadre du processus décisionnel judiciaire l’est en marge du « modèle du procès ».

(ii)               Examen du régime législatif et des termes de la Loi – dans quelle mesure la décision peut-elle être qualifiée de définitive?

[42]           La nature du régime législatif et les termes de la loi régissant le fonctionnement de l’organisme doivent être examinés à la lumière du caractère plus ou moins définitif de la décision en cause. S’il est vrai que la décision du Tribunal rejetant une plainte en vertu de la LCDP ne soit pas susceptible d’appel, elle n’est pas non plus protégée par une clause privative et peut faire l’objet d’un contrôle par la Cour fédérale sans autorisation préalable, puis d’un appel à la Cour d’appel fédérale (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 52, 64, 123 et 143; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 18, 27 et 28). Je remarque que dans Ha, précité, la Cour d’appel a statué que le contrôle judiciaire n’était pas l’équivalent d’un plein droit d’appel car la compétence du juge chargé du contrôle peut être restreinte quant au fond de l’affaire. Cela ne veut pas dire que la possibilité de demander un contrôle judiciaire n’a aucune pertinence, surtout dans un cas comme celui-ci, où aucune clause privative n’est prévue et où le contrôle judiciaire peut être obtenu sans autorisation et procède directement à la Cour fédérale. L’arrêt Ha, précité, illustre bien ce point : il repose sur l’examen du régime législatif particulier de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27, art. 72, qui prévoit qu’une autorisation est requise pour obtenir un contrôle judiciaire.

(iii)             Tenir compte de l’importance de la décision pour les personnes visées

[43]           La Cour suprême a formulé la directive suivante pour l’examen de l’importance de la décision pour les personnes visées : « Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses. » (Baker, précité, au paragraphe 25). Or, toutes les décisions sont d’une importance égale pour ceux qui sont visés par elles et il faut donc examiner comment la décision peut réellement toucher les personnes concernées. J’estime que les considérations d’ordre culturel et constitutionnel qui trouvent écho partout dans la présente affaire militent en faveur d’un degré d’équité procédurale important. Je suis également éminemment consciente de la nature quasi-constitutionnelle des litiges en matière de droits de la personnes, juxtaposée au caractère unique de la présente affaire, des importantes ramifications culturelles, sociales et politiques de la décision pour les Premières nations, ainsi que de l’histoire de tradition orale des membres des Premières nations, ce qui peut ne pas aller de pair avec le recours à la preuve par affidavit sur laquelle repose la requête.

[44]           Dans la même veine, je remarque que selon la déposition de l’affiante de la Couronne, Mme Johnston, le financement accordé par le MAINC est passé de 193 millions en 1996 à 523 millions en 2008-2009 en vertu de l’APPP offerte dans cinq provinces, et a triplé au cours de cette même période. Les plaignantes ne semblent pas contester ces chiffres. Elles affirment plutôt que l’augmentation des fonds versés est insuffisante, que le financement demeure inadéquat et qu’en outre, certaines provinces veulent avoir accès à l’APPP mais n’y parviennent pas parce que le MAINC ne la met pas à leur disposition.

(iv)              Examen des attentes légitimes des parties – Étaient-elles en droit de s’attendre à la tenue d’une audience viva voce?

[45]           Les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision peuvent également servir à déterminer la procédure que l’obligation d’équité commande de suivre dans une situation donnée. Ce facteur soulève la question de savoir si, dans le cadre de la présente requête, les plaignantes s’attendaient légitimement à ce que le Tribunal se prononce sur le fond de l’affaire exclusivement par voie d’audience viva voce tenant du procès. Sur ce point, les Règles de procédure du Tribunal sont d’une grande pertinence, l’article 3 offrant de multiples possibilités pour le dépôt de requêtes et la présentation d’éléments de preuve à l’appui des requêtes et en réponse, ainsi qu’une certaine souplesse dans le choix des solutions possibles pour trancher une affaire. Les Règles de procédure n’ont peut-être pas le statut d’un texte réglementaire, mais cela n’empêche pas qu’elles aident les parties et les membres du public à prévoir quelle procédure le Tribunal est susceptible de suivre (voir Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, aux paragraphes 55 et 56 (Thamotharem)). Le fait que les partie n’ont pas reçu de promesse ferme que toutes les questions de fond seraient traitées dans le cadre d’une audience formelle sous le régime du paragraphe 50(3) de la Loi constitue un autre facteur pouvant influencer les attentes légitimes des parties en l’espèce.

[46]           La méthode de gestion de la présente affaire adoptée par l’ancien président était peut-être moins structurée, mais il n’a pas été irrévocablement saisi de l’affaire pour l’application du paragraphe 48.2(2) de la LCDP. Dès septembre 2009, les parties devaient savoir que son mandat allait bientôt expirer. En fait, il était intérimaire depuis le 1er janvier 2009 (C.P. 2008-1886, Gaz. C. 2009.I.151.). De plus, bien qu’il ait ébauché le calendrier d’une audience viva voce relativement à la plainte, son horaire n’a pas été rigoureusement respecté au cours de son mandat. Lors d’une conférence de gestion d’instance tenue en décembre 2009, j’ai demandé aux parties si elles souhaitaient présenter des observations sur la façon dont je devrais exercer tout pouvoir discrétionnaire me permettant de prolonger le mandat de l’ancien président aux fins de la présente instruction. Les parties ont choisi de ne pas se prévaloir de cette possibilité.

[47]           Depuis le début de novembre 2009, grâce aux discussions relatives à la gestion de l’affaire, les parties savaient qu’il existait de fortes chances que le « modèle du procès » ne soit pas adopté aveuglément en l’espèce. De plus, en janvier 2010, le Tribunal a suggéré aux parties des moyens novateurs de parvenir à une entente au sujet des questions en litige, des faits et de la présentation de la preuve contestée avec l’aide d’un autre membre du Tribunal qui aurait agi comme médiateur à l’égard du processus. Enfin, les plaignantes étaient au courant que la Couronne entendait soulever ces questions dans le cadre de la présente requête en tant que questions préliminaires puisqu’elle avait déposé, en novembre 2008, une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de renvoyer l’affaire. J’examinerai les ordonnances de la protonotaire Aronovitch et la décision rendue en appel à l’égard de ces ordonnances dans un autre contexte (lesquelles n’ont été rendues que le 24 novembre 2009 et le 30 mars 2010 respectivement). Somme toute, il était raisonnable de s’attendre à ce que le processus soit abrégé si l’affaire s’y prêtait. À tout le moins, il ne s’agissait pas d’une chose impossible à prévoir.

(v)                Examen du choix de procédure fait par le Tribunal – La Loi confère-t-elle au président le pouvoir discrétionnaire de choisir la procédure et cette personne a-t-elle une expertise pour prendre cette décision?

[48]           Finalement, il faut tenir compte des choix de procédure que le Tribunal fait lui-même, particulièrement quand la Loi lui laisse la possibilité de choisir sa propre procédure et qu’il a une expertise dans le choix de la procédure appropriée dans les circonstances. En ce qui concerne ce dernier aspect, les membres du Tribunal sont nommés en raison de leurs compétences, de leur expérience et du fait qu’ils sont sensibilisés aux droits de la personne (LCDP, paragraphe 48.1(2)). De plus, pour les affaires instruites au moyen d’une audience viva voce, il est intéressant de noter que le législateur a expressément conféré aux membres le pouvoir de statuer sur toute question de procédure qu’elles soulèvent (LCDP, alinéa 50(3)e)). Pour ce qui est du premier aspect, j’ai déjà discuté de ces questions plus haut. Le législateur a donné au président du Tribunal un large pouvoir discrétionnaire lui permettant à la fois d’établir le cadre procédural applicables aux instances du Tribunal (LCDP, paragraphe 48.9(2)) et de définir d’autres aspects de la procédure applicable à l’instruction (LCDP, paragraphes 49(2) et (3)). En l’espèce, le fait d’examiner la requête de la Couronne serait une bonne illustration de la politique adoptée par le Tribunal en matière d’accès à la justice, en vue de la réalisation du double objectif de réduction des coûts (frais juridiques et coûts sur le plan émotif) assumés par les parties et de règlement accéléré – mais néanmoins compétent et équitable – des affaires.

Conclusion – il est conforme aux principes de justice naturelle d’entendre les arguments formulés par la Couronne dans le cadre de la présente requête

 

[49]           L’examen sommaire des cinq facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, précité, mène à la conclusion suivante : bien que l’obligation d’équité (et par conséquent, les principes de justice naturelle) commande de procéder à un examen des questions en jeu qui aille au delà d’une révision administrative ou d’une instruction sur dossier », les garanties procédurales n’ont pas à être identiques à celles qui ont cours dans un procès formel. En l’espèce, les parties ont pu déposer des éléments de preuve documentaire, des affidavits et les transcriptions des contre‑interrogatoires des affiants et elles ont eu la pleine possibilité de comparaître devant le Tribunal pour présenter des arguments de vive voix. Le dossier du Tribunal pour cette seule requête contient plus de 10 000 pages. Ainsi que je l’ai déjà mentionné, les parties ont sollicité d’autres permissions de déposer de la jurisprudence et des observations afférentes, permissions qui leur ont été accordées. Du point de vue du paragraphe 48.9 (1) de la Loi, je crois que la procédure sommaire relativement informelle et expéditive choisie par la Couronne en l’espèce ne contrevient pas aux règles de justice naturelle. Toutes les parties ont bénéficié de l’équité procédurale en ce qui a trait à la requête en rejet déposée par la Couronne.

[50]           Par ailleurs, le fait de régler certaines questions par voie de requête est conforme au mandat confié de longue date aux tribunaux administratifs, dont le Tribunal, lesquels doivent continuellement tendre vers un règlement expéditif, équitable et éclairé des différends (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941; Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 S.C.R. 570).

[51]           Pour répondre à craintes exprimées par les Chefs concernant la possibilité que l’audience soit fragmentée, mentionnons que les affaires faisant intervenir des questions de droit claires sont relativement rares et qu’en outre, l’argument repose sur la supposition que la décision du Tribunal sera renversée dans le cadre d’une instance judiciaire subséquente. Les avantages liés au fait de statuer clairement et rapidement sur les questions essentielles l’emportent sur les risques hypothétiques de cet ordre.

[52]           Dans l’ensemble, l’instruction de la requête de la Couronne dans le cadre de la présente affaire facilite l’accès à la justice au lieu d’y faire obstacle. Cela permet aux parties de déterminer où et comment utiliser au mieux leurs ressources et aussi si d’autres voies de recours, par exemple une contestation constitutionnelle, sont à même de mieux répondre à leur préoccupations. Cela empêche également que des attentes irréalistes se forment. L’objectif est de régler les objections fondamentales de manière appropriée avant que les parties ne consacrent d’importantes ressources aux audiences viva voce, qui peuvent durer des années. En fait, la Cour d’appel fédérale a réprimandé le Tribunal pour sa mauvaise gestion d’une audience, ce qui avait permis à une affaire complexe d’absorber une quantité exceptionnelle de temps et de ressources (Société canadienne des postes, précitée). Dans cette affaire, le juge des requêtes avait fait l’observation suivante : « Une audience sans discipline ni échéanciers retarde la justice et constitue un déni de justice ».(Société canadienne des postes, précité, au paragraphe 145.) À mon sens, compte tenu de sa large portée, la présente plainte exigeait et continue d’exiger une gestion serrée. C’est pourquoi j’ai mis à la disposition des parties un outil novateur, un processus de médiation dans le cadre duquel j’ai nommé un membre du Tribunal, en janvier 2010, pour qu’il travaille avec elles à mieux circonscrire les questions en litige. J’estime que la responsabilité incombe au Tribunal de faire une gestion dynamique de son processus d’instruction à compter de la réception de l’affaire renvoyée par la Commission, et jusqu’à ce qu’un règlement soit conclu ou qu’une décision soit rendue, en utilisant tous les outils administratifs à sa disposition. Cela peut consister à collaborer avec les avocats et les parties afin de mieux circonscrire les questions de droit et de fait qui sont véritablement en litige avant la tenue d’une audience et d’examiner et de trancher les questions qui peuvent l’être de manière efficace et équitable avant de procéder à une audience complète de vive voix. En ce sens, grâce à ce cadre législatif unique, le Tribunal dispose de moyens plus souples que les cours de justice pour gérer son processus, et j’ajouterais qu’il a aussi une responsabilité plus grande à cet égard. En tant que tribunal spécialisé, il peut repérer les questions d’accès propres à son domaine d’expertise, par exemple en ce qui a trait aux coûts et aux délais, et devrait le faire. C’est la raison d’être des tribunaux administratifs que de concevoir des solutions uniques pour améliorer l’accès à la justice, solutions dont les seules limites sont l’imagination et l’équité définie par les paramètres établis dans sa loi habilitante.

[53]           La Loi n’oblige pas le Tribunal à tenir une audience viva voce dans tous les cas. Il n’est pas nécessaire de présenter d’autres éléments de preuve lorsque les faits pertinents ne sont pas contestés et lorsque les questions à trancher sont de pur droit. Un processus de cet ordre ne porte pas atteinte à l’équité procédurale.

V.                AUTRES ARGUMENTS SOULEVÉS PAR LES PARTIES EN RÉPONSE À LA QUESTION DE SAVOIR SI L’INSTRUCTION DE LA REQUÊTE EST UN CADRE ADÉQUAT

A.                 La Couronne soutient que la plainte soulève une question véritable de compétence qui devrait être tranchée dans le cadre de l’instruction de la requête

[54]           Dans sa requête, la Couronne indique qu’elle demande le rejet de la plainte pour défaut de compétence. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Watkin, 2008 CAF 170 (Watkin), la Cour d’appel fédérale a déclaré que, indépendamment du fait que les actes reprochés sont ou non des « services », il s’agit d’une « question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité ».

[55]           Il est vrai que, depuis longtemps, la jurisprudence témoigne d’une tentative de repérer et d’isoler les questions préliminaires qui doivent être tranchées avant la tenue de l’audience viva voce, parce que ces questions déterminent la compétence d’un tribunal d’instruire une affaire (voir Bell c. Ontario (Human Rights Commission), [1971] R.C.S. 756, p. 775; Union des employés de service, local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, au paragraphe 110 (Bibeault)). Toutefois, cette tendance est renversée depuis un certain temps déjà (voir Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; Bibeault, précité, aux paragraphes 111 à 126). Ainsi que l’a précisé la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador dans Newfoundland (Human Rights Commission) c. Newfoundland (Health) (1998), 164 Nfld. & P.E.I.R. 251, 31 C.H.R.R. 405, et 13 Admin. L.R. (3d) 142 (Prior), toutes les questions de compétence ne se prêtent pas à une décision préliminaire :

[traduction]

[17] Je souscris aux propos du juge Hoyt dans New Brunswick (Board of Management) et al. v. New Brunswick Council of Hospital Unions et al. reflex, (1986), 77 N.B.R. (2d) 392; 195 A.P.R. 392; 35 D.L.R. (4th) 282 (C.A.), qui conclut, à la p. 286 : « [L]a décision d’examiner la question préliminaire de compétence au stade initial doit, à mon sens, être prise par le président dans le cadre de l’exercice régulier de son pouvoir discrétionnaire »

 

[56]           La Cour d’appel remarque ensuite, au paragraphe 21, qu’un tribunal peut choisir d’entendre une demande visant l’obtention d’une décision sur un point de droit mais qu’en général, cela se produira si les parties s’entendent sur les faits. En outre, si le Tribunal peut recevoir des affidavits et des témoignages de vive voix et en tirer des conclusions de fait, il n’est pas pratique de le faire [traduction] « [l]orsque les questions de fait et de droit sont complexes et entremêlées. Dans un tel cas, il est préférable, pour des raisons d’efficacité, d’attendre la tenue de l’audience complète avant de se prononcer sur la question "préliminaire". » (Prior, précité, au paragraphe 21, non souligné dans l’original).

[57]           Par conséquent, le fait de dire que les motifs sur lesquels se fonde la requête de la Couronne sont « d’ordre juridictionnel » ou « touchent à la compétence » n’aide pas à décider s’il y a lieu d’examiner les questions soulevées dans le cadre de la requête. En ce qui concerne les questions préliminaires relatives à la compétence, la Cour suprême du Canada a précisé qu’elle n’avait pas « […] l’idée de revenir à la théorie de la compétence ou de la condition préalable qui, dans ce domaine, a pesé sur la jurisprudence pendant de nombreuses années ». (Dunsmuir, précité, au paragraphe 59).

B.                 La Couronne soutient que la plainte soulève une question d’abus de procédure qui peut être tranchée dans le cadre de l’instruction de la requête

[58]           La question de l’abus de procédure se prête elle aussi à un traitement approprié dans le cadre d’une requête. Toutefois, je ne souscris pas à l’argument de la Couronne voulant que le fait de faire valoir une cause d’action outrepassant la compétence décisionnelle de la Cour constitue un abus de procédure. La Couronne invoque l’affaire Weider c. Beco Industries Ltd., [1976] 2 C.F. 739 (Weider) à l’appui de sa proposition. Partant, la Couronne prétend que le fait de déposer une plainte qui ne relève pas de la compétence du Tribunal constitue un abus de la procédure du Tribunal et emporte la possibilité d’un rejet sommaire. Je ne suis pas certain qu’il s’agissait d’une question soumise à la Cour fédérale dans Weider, précitée. Deuxièmement, je ne sais pas réellement de quelle façon cet énoncé tiré de la décision Weider, précitée, serait formulé de nos jours compte tenu de l’abondance de la jurisprudence subséquente s’intéressant à ce qui constitue un abus de procédure (voir Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, aux paragraphes 35 et 36). Troisièmement, les questions d’abus de procédure qui, selon ce qu’a conclu la Cour fédérale dans la décision Cremasco, précitée, pourraient faire l’objet d’une décision préliminaire ne ressemblent aucunement à l’objection soulevée par la Couronne en l’espèce, qui allègue un « abus de procédure » de nature juridictionnelle. Enfin, compte tenu que j’ai affirmé antérieurement que les questions touchant à la compétence ne se prêtaient pas automatiquement à une décision préliminaire, je ne puis accepter que la décision Weider, précitée, fait autorité en ce qui concerne l’argument voulant que la requête de la Couronne, indépendamment de son caractère technique ou complexe ou des difficulté qu’elle pose sur le plan factuel, peut néanmoins —sans autre analyse — faire l’objet d’une décision sommaire en marge d’une audience formelle.

[59]           Cela dit, le groupe des plaignantes prétend, quant à lui, que le rejet préliminaire d’une plainte est indiqué uniquement dans les cas comme celui qu’a examiné le Tribunal dans la décision Harkin c. Canada (Procureur général), 2009 TCDP 6 (Harkin). Dans cette affaire, le membre a jugé que la décision Cremasco, précitée, limitait le pouvoir du Tribunal d’entendre des requêtes en rejet sommaire à celles mettant en cause un manquement aux principes de justice naturelle, comme les retards et l’abus de procédure, ou des questions déjà examinées et réglées définitivement dans un autre forum. Dans la mesure où on prétend que Harkin, précitée, établit une liste exhaustive des scénarios où le rejet sommaire est permis, je ne puis, en toute déférence, être d’accord. Bien que le Tribunal, dans cette affaire, limite la portée de Cremasco, précitée, aux faits en cause, il s’abstient d’examiner expressément le libellé du paragraphe 48.9(1) de la Loi (« sans formalisme et de façon expéditive »). De plus, j’estime que Cremasco, précitée, ne dresse pas en soi une liste exhaustive des scénarios permettant le rejet sommaire. Au contraire, à un certain moment, la Cour fédérale traite en termes relativement généraux de la question consistant à donner suite « […] à des requêtes préliminaires afin de débroussailler la procédure » (Cremasco, précitée, au paragraphe 14). Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, je crois que l’approche la plus sensée et la plus pratique pour le Tribunal consiste simplement à examiner le dossier de la requête question par question et de s’assurer qu’il adhère aux directives données par le législateur aux paragraphes 48.9(1) et 50(1) de la Loi.

C.                 Les plaignantes prétendent que le critère applicable est celui du « caractère manifeste et évident » défini par les cours de justice et que, par conséquent, la requête n’est pas la procédure appropriée

[60]           Les plaignantes semblent accepter l’idée que le Tribunal puisse rejeter une plainte de manière préliminaire lorsqu’il est « manifeste et évident » qu’elle est vouée à l’échec. Ce critère juridique semble tirer son origine de la jurisprudence régie par les règles de procédure civile qui autorisent la radiation d’une plainte qui ne révèle aucune cause d’action valable (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959). J’adhère aux propos de la Couronne, qui avance qu’il n’est pas approprié d’importer dans le régime législatif de la LCDP des critères appliqués par les tribunaux civils, dont les fondations juridiques sont fort différentes.

[61]           J’ajouterais en passant que le Tribunal applique le critère du « caractère manifeste et évident » pour décider s’il y a lieu d’accueillir une requête en modification d’une plainte (voir Bressette c. Conseil de bande de la première nation de Kettle et Stony Point, 2004 TCDP 2, aux paragraphes 6 et 7; Warman c. Lemire, 2006 TCDP 13, au paragraphe 4). Toutefois, ce critère n’a pas été adopté par la Cour fédérale lorsqu’elle a procédé au contrôle d’une décision du Tribunal autorisant ainsi la modification d’une plainte (Canada (Procureur général) c. Parent, 2006 CF 1313).

[62]           Pour revenir au critère, j’estime qu’il signifie que s’il est possible de répondre complètement à l’objection dans le cadre d’une requête à partir du dossier afférent et sans avoir à tenir une audience complète viva voce, la requête sera tranchée ainsi. Je conclus que la Loi autorise le Tribunal à traiter des objections de la Couronne à ce stade-ci dans le cadre d’une requête en déterminant —question par question— si l’instruction de la requête constitue un cadre suffisant pour donner effet au droit des parties de présenter leurs arguments et en particulier, leurs éléments de preuve, comme le prévoit la Loi.

D.                 Les plaignantes soutiennent que, selon la décision antérieure de la Cour fédérale, le Tribunal est tenu de procéder à une audience viva voce

[63]           Les plaignantes soutiennent que la Cour fédérale a ordonné la tenue d’une audience viva voce de la plainte en cause et que cette ordonnance m’oblige à ordonner cette audience. Je ne suis pas d’accord. La Couronne a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de renvoyer l’affaire. Les plaignantes ont sollicité, par voie de requête, la radiation de la demande de contrôle judiciaire ou, à titre subsidiaire, un sursis à la demande de la Couronne jusqu’à la conclusion de l’instance devant le Tribunal. La Cour a refusé de radier la demande de la Couronne au motif qu’il s’agit d’une mesure d’exception qui n’est accordée que dans les cas les plus flagrants (David Bull Laboratories (Can) Inc. c. Pharmacie Inc., [1995] 1 C.F. 588). Concernant le sursis, la protonotaire Aronovitch a appliqué le critère à trois volets établi dans l’arrêt RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 et a fait droit à la demande de sursis des plaignantes. Sur l’existence d’une question sérieuse à trancher, elle a écrit que la plainte, étant sérieuse et complexe, ne devrait pas être jugée de façon sommaire et en l’absence du dossier factuel nécessaire à l’appréciation globale des questions en cause. Deuxièmement, après avoir soupesé la prépondérance des inconvénients, elle a écrit que le fait de permettre l’examen complet et minutieux par un Tribunal spécialisé de questions susceptibles d’influencer la capacité future des Autochtones de former des plaintes en matière de discrimination comportait un intérêt.

[64]           J’estime que ces commentaires ne dérogent pas aux directives énoncées aux paragraphes 48.9(1) et 50(1) de la Loi et ne restreignent aucunement l’obligation du Tribunal d’instruire la requête de la Couronne et de décider de la procédure indiquée dans les circonstances, à partir du dossier de preuve dont il est saisi. Le fait pour le Tribunal d’exercer à nouveau son mandat en donnant suite à une requête en rejet ne constitue pas non plus un contrôle de la décision de la Commission de renvoyer l’affaire puisque ce mandat est prévu dans la LCDP. En fait, comme nous l’avons vu précédemment, le cadre d’instruction de la requête constitue un forum légitime d’instruction dans les cas indiqués (voir Cremasco, précitée). Enfin, je note au passage que la décision de la Cour fédérale a pour effet de remettre à plus tard l’instruction de la demande de contrôle judiciaire présentée par la Couronne concernant la décision de la Commission de renvoyer l’affaire et ce, jusqu’à la conclusion de l’audience devant le Tribunal.

E.                 La Couronne soutient que les plaignantes ont le fardeau de déposer la preuve requise

[65]           Finalement, comme je l’ai déjà dit, un double fardeau de preuve est imposé à la partie requérante, la Couronne, dans le cadre de la présente requête. Dans ses observations, la Couronne avance que le fardeau incombe plutôt aux plaignantes, qui doivent établir une preuve prima facie de discrimination. Je ne suis pas d’accord. Il n’appartient pas à la Couronne de demander aux plaignantes, à ce stade-ci, de « […] sortir un atout sinon [elles] risque[nt] de perdre » (Goudie c. Ottawa (Ville), 2003 CSC 14, au paragraphe 32), et je note que la Couronne elle-même est d’avis que la jurisprudence en matière de jugement sommaire est aussi inapplicable dans le cadre de la présente motion que celle portant sur les requêtes en radiation pour cause d’action inexistante. Autrement dit, les plaignantes n’ont pas à révéler en entier leur dossier de preuve en réponse à une requête par crainte de provoquer le rejet de cette plainte pour manque de preuve. Lorsqu’un plaignant se voit imposer le fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination, cela survient dans le cadre d’une audience formelle de la nature du procès et non lors de l’instruction d’une requête présentée par la personne accusée de discrimination. Dans ses observations sur la procédure, les plaignantes sont libres d’expliquer pourquoi la procédure d’instruction de la requête n’a pas donné aux parties la « possibilité pleine et entière », notamment, de présenter des éléments de preuve. Si la partie requérante ne s’acquitte pas de son fardeau en matière de procédure et si le Tribunal accepte les arguments des plaignantes selon lesquels le cadre d’instruction de la requête ne peut répondre à leurs besoins en matière de preuve, on ne peut s’attendre à ce qu’elles puissent présenter une preuve prima facie de discrimination. Cela serait impossible à réaliser, sur le plan logistique ou procédural, à l’intérieur du cadre d’instruction de la requête. Dans ce contexte, il appartient à la partie requérante qui fait valoir un recours particulier auprès du Tribunal (c’est-à-dire, l’ordonnance de rejet sommaire) de convaincre le Tribunal qu’elle y a droit. Pour ces motifs, j’estime qu’il serait contraire aux prescriptions de la Loi et à l’équité procédurale de procéder au renversement du fardeau de la preuve.

VI.             EXAMEN DE LA QUESTION DES SERVICES DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION D’UNE REQUÊTE – LES FAITS PERTINENTS SONT-ILS CLAIRS, COMPLETS ET NON CONTESTÉS

A.                 Résumé des positions des parties

[66]           J’examinerai maintenant l’argument de la Couronne selon lequel le Tribunal devrait rejeter la plainte sommairement au motif que le versement de fonds par l’entremise du Programme des SEFPN ne constitue pas un service. La Couronne affirme que la plainte ne traite pas adéquatement de la relation entre le MAINC, les entités qui reçoivent du financement en vertu du Programme des SEFPN et la responsabilité qu’elles ont d’assurer la prestation de l’aide à l’enfance aux enfants inscrits des Premières nations qui vivent habituellement dans des réserves; par conséquent, il ne s’agit pas d’une plainte de discrimination reconnue par la loi. Pour résumer, elle prétend que les fournisseurs de services en l’espèce sont les bénéficiaires du financement accordé dans le cadre du programme : personnes morales diverses, bandes, conseils tribaux et gouvernements. Ce sont ces organisations qui offrent de l’aide à l’enfance aux enfants et aux familles des Premières nations vivant dans les réserves; le MAINC ne fournit pas d’aide à l’enfance à qui que ce soit.

[67]           La Couronne prétend aussi que les décisions en matière de financement ne relèvent pas de la compétence des tribunaux et que la politique du MAINC dans ce domaine est le reflet d’une politique relevant purement du pouvoir exécutif qui ne peut être invalidée en vertu de la LCDP. En revanche, la Couronne concède que les tribunaux ont jugé que le financement public était un service lorsque le rôle du gouvernement dépassait le simple versement de fonds pour inclure des obligations importantes se rapportant spécifiquement à la prestation du service même (arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, p. 712, paragraphe 66).

[68]           La décision rendue récemment par la Cour suprême dans le cadre de l’arrêt NIL/TU,O, précité, confirme la position de la Couronne voulant que l’aide à l’enfance relève de la compétence législative des provinces. La Couronne fait valoir que l’aide à l’enfance n’est pas une « question » tombant sous le coup de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais qu’elle relève entièrement de l’article 92. De plus, la Couronne prétend que les activités habituelles des organisations d’aide à l’enfance ne sont pas reliées aux questions de droits et de statut des Indiens figurant au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. En faisant une analogie avec les questions de relations de travail examinées dans NIL/TU,O, précité, la Couronne étaye sa position selon laquelle l’aide à l’enfance est une question provinciale. Il s’agit d’une position adoptée tant par la majorité que par la minorité dans NIL/TU,O, précité. Le financement des services d’aide à l’enfance aux Indiens dans les réserves est une question entièrement liée au régime provincial et ne peut servir de fondement à une plainte devant le Tribunal des droits de la personne.

[69]           Toutefois, les plaignantes réfutent cette position en soumettant que, par ses actes, le MAINC démontre qu’il exerce à tous le moins un certain contrôle sur l’aide à l’enfance, notamment en finançant les salaires et le fonctionnement des organisations, en procédant à des vérifications de la conformité et en passant en revue les dossiers des enfants placés. En réponse à la Couronne, qui prétend que ces actes ne sont que des mesures de vérification, les plaignantes font valoir qu’il faut plutôt considérer ces mesures dans leur contexte et sous un angle global compte tenu de l’ensemble des autres éléments de preuve produits dans le cadre de l’audience viva voce. Elles ajoutent que le programme de financement démontre qu’en définitive, c’est le MAINC qui décide du type et du niveau d’aide à l’enfance. Selon elles, il est impossible de traiter de la relation entre le MAINC et les bénéficiaires finaux de l’aide à l’enfance, les enfants et familles des Premières nations, en l’absence des autres éléments de preuve révélés dans le cadre d’une audience viva voce. Elles affirment que le MAINC est de facto fournisseur de services d’aide à l’enfance, ou fournisseur conjoint de ces services. Les Chefs soutiennent que selon l’Entente de 1965, le gouvernement fédéral est responsable de la prestation de l’aide à l’enfance et qu’à cet égard, le MAINC n’est pas un « spectateur » (Arguments des Chefs de l’Ontario, p. 4, paragraphe 9).

[70]           Concernant l’arrêt NIL/TU,O, précité, les plaignantes répondent que la décision ne s’applique pas et qu’il faut établir une distinction entre elle et les circonstances en cause ici. Elles affirment que la décision traite exclusivement de la question de compétence dans les relations de travail et qu’elle n’aborde pas les questions des services et de la pertinence d’un groupe de comparaison. Les plaignantes prétendent que la participation du MAINC aux services d’aide à l’enfance dans les réserves correspond à un exercice, sur le plan administratif, du pouvoir fédéral visé au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, ou sinon, du pouvoir fédéral de dépenser. Pour cette raison, les plaignantes affirment que c’est le Canada, et non les provinces, qui décident quels services d’aide à l’enfance sont offerts aux enfants des Premières nations vivant dans des réserves.

B.                 Que dit le droit en matière de « services »?

[71]           Pour l’application de l’alinéa 5b) de la Loi, la première étape consiste à déterminer si les mesures visées par la plainte sont des « services » (voir Gould c. Yukon Order of Pioneers, [1996] 1 R.C.S. 571, le juge La Forest, au paragraphe 60 (Gould); et, Watkin, précité). La notion de « services » fait référence à quelque chose d’avantageux qui est « offert » ou « mis à la disposition » du public. Par conséquent, les mesures d’exécution de la loi ne sont pas des services parce qu’elles ne sont pas « mises à la disposition » ou « offertes » au public et qu’elles ne s’inscrivent pas « dans le cadre d’une relation publique » (Watkin, précité, au paragraphe 31; et Gould, précité, aux paragraphes 16, 55 et 60). La mesure prise dans l’intérêt public ne devient pas un « service » pour cette seule raison (Watkin, précité, au paragraphe 22). Les services n’ont pas à être mis à la disposition de l’ensemble des membres du grand public pour être « destinés au public » (Watkin, précité; Canada (Procureur général) c. Rosin, 1991 1 C.F. 391 (Rosin); et, Université de la Colombie-Britannique c. Berg, [1993] 2 R.C.S. 353 (Berg)).

[72]           La plupart des services offerts par les gouvernements sont accessibles au public. En fait, on pourrait très bien affirmer que pratiquement tout ce que fait le gouvernement est destiné au public, mis à la disposition du public et accessible au public (Rosin, précitée, aux paragraphes 8 et 11). Le Tribunal a conclu que le MAINC fournissait un service en intercédant en faveur des occupants d’une terre de réserve pour négocier un bail avec d’éventuels locataires (Louie and Beattie c. Affaires indiennes et du Nord Canada, 2011 TCDP 2, aux paragraphes 44 à 49, en attente de contrôle judiciaire, dossier no T-325-11).

[73]           Il incombe au Tribunal de déterminer si les actes visés par la plainte peuvent être considérés comme un service : à savoir, si les actions du gouvernement qui ne sont pas des « services » au sens où on l’entend habituellement peuvent néanmoins être considérés comme des « services » pour l’application de l’article 5 de la Loi (Watkin, précité, au paragraphe 25). Dans Watkin, précité, il a été jugé que les mesures d’exécution de la loi n’étaient pas des « services ».

[74]           La question de savoir si le financement accordé par le gouvernement constitue un « service » au sens de la LCDP n’est pas réglée. On trouve certains principes utiles dans la jurisprudence d’autres territoires dont les lois relatives aux droits de la personne traitent elles aussi de discrimination dans la prestation d’un « service » ou de plusieurs « services ». Par exemple, il a été jugé que la relation ou les relations entre le fournisseur de services présumé et le bénéficiaire des services doit être examinée pour déterminer si des modalités ou conditions sont ou non imposées en échange du financement, comme le pouvoir d’exercer un contrôle sur la teneur du service (voir Bitonti c. British Columbia, [1999] B.C.H.R.T.D. No 60, aux paragraphes 314 et 315 (Bitonti), et Donna Martyn c. Laidlaw Transit Ltd. o/a Yellow Cab Ltd., Alberta Co-op taxi Line LTD., Edmonton taxi commission, City of Edmonton, Alberta transportation (2005), 55 C.H.R.R. D/235 (Alta. H.R.P.), aux paragraphes 356 à 369 (Martyn)). Par exemple, dans HMTQ c. Moore et al, 2001 BCSC 336, aux paragraphes 19 à 26 (Moore), le ministre pouvait, en marge du versement des fonds, prendre des arrêtés : a) régissant la prestation des programmes éducatifs; b) fixer les exigences générales d’obtention d’un diplôme; c) définir la teneur générale des programmes d’éducation dispensés dans les écoles; et d) élaborer un processus d’évaluation de l’efficacité des programmes éducatifs. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé que l’objet des allégations de discrimination contre le ministère ne devait pas être limité à un usage à bon ou mauvais escient de son pouvoir de financement.

[75]           Les attributions du gouvernement qui accorde du financement sont pertinentes (Moore, précitée). Dans la décision Moore, le ministère en cause disposait du pouvoir de dire aux conseils scolaires de consacrer certaines sommes à la prestation de programmes aux élèves ayant des besoins particuliers (voir le paragraphe 22). En revanche, le fait qu’un gouvernement provincial, par exemple, (i) n’exerce pas de surveillance sur le système de services, (ii) ne soit pas tenu par la loi de réglementer ce domaine et (iii) ait délégué son pouvoir de réglementation dans le domaine à une municipalité, peuvent constituer des indices que ce gouvernement n’est pas un fournisseur de services (Martyn, supra).

C.                 Analyse – fondée sur les faits

[76]           La preuve produite dans le cadre de la présente requête n’est pas constituée de faits clairs, complets et non contestés. Le dossier de la requête ne me permet pas de décider si le régime complexe de financement du MAINC peut être considéré comme un « service » pour l’application de l’alinéa 5b) de la LCDP. Il est fait état de quelques-unes des lacunes de la preuve dans les paragraphes qui suivent.

Les fournisseurs de services des Premières nations reçoivent des fonds mais ne sont pas les bénéficiaires de l’aide à l’enfance

[77]           En l’espèce, nul ne conteste que les fonds versé par le MAINC sont « offerts » ou « mis à la disposition » du public. L’un des aspects importants du différend s’articule plutôt autour des points de vue divergents des parties au sujet de ce qu’il faut entendre par « public ». En tant que bénéficiaires directs des fonds versés par le MAINC, les fournisseurs de services des Premières nations sont-ils ce « public »? Ou s’agit-il plutôt des enfants des Premières nations? La Couronne fait valoir que les bénéficiaires ultimes de l’aide à l’enfance ne sont pas les fournisseurs de services. Elle ajoute qu’il y a un chaînon manquant en ce sens que le MAINC ne peut être tenu responsable des enfants des Premières nations, qui sont les bénéficiaires de l’aide à l’enfance. Pour les raisons mentionnées, je ne puis accepter que cet argument puisse être déterminant pour la question en litige. Il n’est pas inconcevable que la LCDP puisse permettre de lever le voile derrière lequel se cache le fournisseur de services afin de comprendre la nature réelle de la relation entre le MAINC et les enfants et familles des Premières nations.

[78]           Cependant, le nœud du différend porte plutôt sur le fait de savoir si le MAINC a le pouvoir de donner aux fournisseurs de services des Premières nations des directives quant à la manière de fournir les services d’aide à l’enfance et s’il le fait au moyen de modalités et de conditions rattachées aux programmes de financement. En revanche, si le MAINC n’a aucun rôle de surveillance relativement à l’aide à l’enfance et que ce rôle est exercé exclusivement par les provinces, on ne peut considérer que le MAINC fournit un « service ».

[79]           Le pouvoir de faire des lois relativement aux « Indiens » et aux terres réservées pour les « Indiens » appartient au Parlement. Le pouvoir de faire des lois en matière d’aide à l’enfance pour l’ensemble des enfants d’une province appartient à la législature de la province. La preuve produite dans le cadre de la requête n’indique pas de manière suffisamment précise :

1.       les modalités et conditions dont est assorti le financement dans le cadre du régime de financement complexe du MAINC ni si le MAINC exerce un contrôle et (ou) assure la prestation de l’aide à l’enfance dans quelque domaine distinct au moyen de ces modalités et conditions;

2.       si le MAINC définit la teneur de l’aide à l’enfance, par exemple, s’il dicte le genre d’interventions offertes aux enfants et aux familles en matière d’aide à l’enfance, à l’exception de l’entretien;

3.       si le MAINC exerce un rôle de surveillance sur l’aide à l’enfance et s’il procède à des évaluations des services d’aide à l’enfance au moyen de mesures telles que la vérification et les examens de nature administrative.

(i)                 La Couronne n’a pas démontré que les faits pertinents étaient clairs, complets et non contestés

[80]           Même si la Couronne a présenté une requête en vue d’obtenir une décision portant que le financement n’est pas un service, elle n’a pas produit la preuve dont j’ai besoin pour trancher la question.

[81]           De plus, bien que les parties aient produit quelques éléments de preuve, elles ne s’entendent pas sur les faits pertinents ni sur les conclusions que ces faits permettent de tirer.

[82]           Dans la décision qu’elle a rendu relativement au renvoi de la plainte au Tribunal pour instruction conformément à l’article 49 de la Loi, la Commission déclare que [traduction] « compte tenu de l’ensemble des circonstances, il est manifeste qu’une instruction est nécessaire et qu’une enquête ne serait vraisemblablement pas un moyen efficace ou efficient, sur le plan administratif, d’examiner les allégations de violation des droits de la personne et de tirer des conclusions car les principaux arguments présentés sont de nature juridique et non factuelle et ne découlent d’aucun principe juridique établi » [(First Nations Child and Family Caring Society of Canada and Assembly of First Nations c. Indian and Northern Affairs Canada, décision 20061060 de la Commission canadienne des droits de la personne, 30 septembre 2008). Je note que les arguments soumis par la Commission dans le cadre de la requête ne sont pas les mêmes que ceux mentionnés dans sa décision relative au renvoi. Comme je l’ai déjà dit, le Tribunal a invité les parties à déposer un exposé conjoint des faits pour pouvoir procéder rapidement à l’audience. Le président du Tribunal a désigné un autre membre du Tribunal afin de les aider à s’entendre sur les faits importants, et ce, même si elles ont déclaré au Tribunal qu’elles faisaient circuler un exposé conjoint des faits en décembre 2009 et qu’elles avaient continué à y travailler avec l’aide du médiateur. En mars 2010, plusieurs parties ont subitement choisi de cesser le travail entrepris à l’égard de l’exposé conjoint des faits jusqu’au prononcé de la présente décision. Or, l’exposé conjoint des faits m’aurait été utile pour comprendre le fondement factuel de l’affaire et pour statuer sur la question soulevée dans le cadre de la requête.

[83]           La Couronne a déposé un affidavit de huit pages et son dossier de requête, qui comporte quelque 690 pages. L’unique affiante de la Couronne, Mme Johnston, n’a pas pris directement et personnellement part à la prestation de l’aide à l’enfance offerte par le fournisseur de services d’une Première nation. Je remarque que la liste des témoins proposés par la Couronne comprend des personnes qui semblent être en mesure de livrer un témoignage utile dans le cadre d’une audience viva voce complète : des membres du personnel du MAINC, y compris des conseillers principaux en matière de politiques pour ce qui est de l’acheminement des fonds aux bénéficiaires, des gestionnaires pour ce qui est des ententes ou des dispositions particulières applicables dans certaines provinces et des protocoles d’entente et des calculs des taux d’entretien et des remboursements, des directeurs régionaux intérimaires pour des modèles provinciaux particuliers, et des spécialistes des opérations. La Couronne devrait déposer un tableau du financement (rapport du processus de médiation no 2, 30 juin 2010, au paragraphe 2). Toutefois, elle ne l’a pas fait aux fins de la présente requête.

1.                   Ententes de financement complexes – non déposées

[84]           Le MAINC accorde du financement à 108 fournisseurs de services des Premières nations afin qu’ils dispensent des services de cet ordre à quelque 160 000 enfants et adolescents au sein d’environ 447 des 663 Premières nations (contre-interrogatoire de Mme Cindy Blackstock, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 7, aux pages 337 et 338). Toutefois, le financement prend diverses formes d’une province à l’autre et au Yukon. Par exemple, au Yukon, le MAINC verse des fonds au gouvernement yukonais afin qu’il dispense de l’aide à l’enfance à tous les enfants indiens vivant dans les réserves et hors réserve. La Couronne n’a pas déposé chaque entente pertinente. Une seule entente de financement intervenue avec un organisme de financement a été déposée dans le cadre de la requête. Comme je l’ai signalé, la portée et l’étendue de la présente plainte vont au delà de toute plainte dont le Tribunal a été saisie à ce jour et porte sur le financement accordé par le MAINC dans l’ensemble du Canada, ce qui vise, au minimum, entre 50 à 60 ententes de financement sous le régime de la seule Directive 20-1.

2.                   Des témoins sont requis pour clarifier le contenu de l’entente de financement déposée et de celles qui doivent l’être

[85]           Les plaignantes ont déposé le Manuel national du Programme (MNP) qui renferme la Directive 20-1. Cette directive décrit les régimes de financement applicables en Colombie‑Britannique, au Manitoba, à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick et au Yukon. Le MNP est truffé de dispositions qui ne sont pas claires à première vue pour le Tribunal et que le reste du dossier ne permet pas de clarifier : la partie des Renseignements généraux renvoie au principal objectif du programme, qui est d’offrir des services à l’enfance et à la famille « adaptés à la culture » aux enfants indiens et à leurs familles qui vivent ordinairement dans une réserve, dans « l’intérêt de l’enfant », conformément aux lois et aux normes provinciales (Manuel national du Programme, Renseignements généraux, clause 1.3.2, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 3B). La politique constitue une étape intérimaire en attendant que les Premières nations « parviennent à l’autonomie gouvernementale » (Manuel national du Programme, Renseignements généraux, clause 1.3.3, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 3B). Les services à l’enfance et à la famille offerts par les fournisseurs de services des Premières nations dans les réserves doivent être « adaptés à la culture et être comparables » mais pas « nécessairement identiques » à ceux offerts par les provinces à l’extérieur des réserves dans des « conditions semblables » (Manuel national du Programme, Renseignements généraux, clause 1.3.5, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 3B). La preuve et les observations de la Couronne ne précisent pas le contenu des obligations prévues dans les diverses lois provinciales, notamment en ce qui concerne les services « adaptés à la culture » des enfants des Premières nations. Il est donc prématuré de trancher les questions du contrôle et de la teneur des services à l’enfance et à la famille.

[86]           La structure de financement relative à la seule Directive 20-1 est complexe et fait intervenir un bon nombre d’ententes de financement et de protocoles d’ententes. La seule entente produite dans le cadre de la requête en lien avec la Directive 20-1 est un modèle d’entente globale de financement utilisée au Manitoba et intervenue entre le MAINC et la Southeast Child and Family Services Inc. (l’Entente globale de financement); elle a été déposée par les plaignantes. Le MAINC verse près de dix-sept millions de dollars à cet organisme pour la prestation d’aide à l’enfance à dix Premières nations du Manitoba, y compris celles de Bloodvein et de Buffalo Point.

[87]           Dans l’affidavit qu’elle a souscrit pour le compte de la Couronne, Mme Johnston indique qui assure la prestation de l’aide à l’enfance dans chacune des quatre provinces et dans l’unique territoire concernés par la Directive 20-1 (Affidavit de Mme Odette Johnston, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 2, au paragraphe 15). D’après cette déposition, on peut conclure qu’à Terre-Neuve, le financement pourrait faire intervenir deux ententes du MAINC et trois ententes du gouvernement provincial; au Nouveau-Brunswick, deux ententes du MAINC et quatorze ententes du gouvernement provincial; au Manitoba, quatorze ententes du MAINC; en Colombie-Britannique, vingt et une ententes du MAINC et des ententes sur l’autonomie gouvernementale; au Yukon, une seule entente. De même, je remarque que, d’après l’affidavit de Mme Johnston, en Saskatchewan, même si le financement est essentiellement régi par une AAAP, deux organismes sont encore parties à une entente régie par la Directive 20-1. Le sigle AAAP désigne l’Approche améliorée axée sur la prévention que le MAINC a substituée à la Directive 20-1 et dont la mise en œuvre a d’abord été approuvée pour l’Alberta en 2007. Depuis sa mise en œuvre, quatre autres provinces ont aussi accepté de passer de la Directive 20-1 à l’AAAP. Or, l’AAAP et les ententes afférentes n’ont pas été produites. En Ontario, l’Entente de 1965 a été modifié à quatre reprises. Ainsi, l’examen du dossier révèle que possiblement 60 ententes se rapportant à la Directive 20-1 pourraient être concernées. Ce nombre est plus élevé pour l’AAAP. La Couronne ne les a pas déposées.

3.                   Les modalités et conditions du MCP ne sont pas claires

[88]           L’existence de modalités et de conditions et leur teneur sont loin d’être claires. Le MNP renferme uniquement quelques-unes des modalités et conditions de financement; d’autres ont été stipulées verbalement (Contre-interrogatoire de Mme Odette Johnston, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 6, pages 210 et 211). À un moment donné du contre-interrogatoire, Mme Johnston a indiqué que les modalités et conditions ne figurent pas dans le MNP; il se peut qu’elles soient énoncées dans la présentation du MAINC au Conseil du Trésor et communiquées verbalement aux organismes des Premières nations. Ni le contre-interrogatoire de Mme Johnston, ni son affidavit, ne permettent de connaître avec certitude la teneur de ces modalités et conditions, leur mode de mise en œuvre, le responsable de la mise en œuvre et leur incidence sur la prestation de l’aide à l’enfance. Les arguments écrits de la Couronne comportent également des lacunes au sujet des modalités et conditions. La Couronne écrit : [traduction] « Le MAINC conclut avec les bénéficiaires des ententes de financement et des protocoles d’entente prévoyant des modalités et des conditions explicites » (arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, page 705, paragraphe 45). Or, la Couronne omet de les décrire et d’expliquer l’interaction entre les modalités et conditions non écrites du Programme des SEFPN et les modalités et conditions écrites figurant dans les ententes de financement.

4.                   Ententes sur l’autonomie gouvernementale non déposées – Preuve insuffisante

[89]           De plus, la transcription comporte des allusions à des ententes d’autonomie gouvernementale, ententes qui n’ont pas été déposées dans la présente requête. Par exemple, voir la référence à la Première nation Spallumcheen en C.-B. (Contre-interrogatoire de Mme Cindy Blackstock, D. Ph., arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 7, page 329). Le dossier ne permet pas de déterminer quels arguments les parties tentent de soulever à ce sujet.

5.                   La preuve ne permet pas de préciser la façon dont fonctionne l’Entente globale de financement

[90]           Les plaignantes ont déposé l’Entente globale de financement intervenue entre le Manitoba et la Southeast Child and Family Services Inc. Cette entente stipule que le MAINC verse de l’argent (soit quelque 17 millions de dollars dans un cas) à l’organisme à la condition que les fonds soient utilisés pour l’aide à l’enfance conformément aux modalités et conditions de l’entente (Entente globale de financement, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 4A, clause 2.1). Or, l’entente prévoit expressément que le MAINC peut réduire le financement si le ministre modifie la formule. Elle prévoit que, malgré les autres dispositions de l’entente, en cas de modification de la formule établie par le ministre, le MAINC peut réduire le niveau du financement accordé à l’organisme des Premières nations qui assure la prestation des services (Entente globale de financement, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 4A, alinéa 2.5.2e)). L’entente ne semble pas préciser quand et comment ces modifications peuvent être apportées. Or, les conditions d’exercice de ce pouvoir discrétionnaire du ministre, le cas échéant, sont déterminantes pour ce qui est de trancher la question du contrôle que peut exercer le MAINC sur l’aide à l’enfance. La Couronne n’a pas donné de précisions sur l’entente et sur la façon dont fonctionnent les services d’aide à l’enfance des Premières nations au Manitoba aux termes de cette entente. À ce stade-ci, je ne peux pas dire, à partir du dossier de preuve, si la capacité de modifier la formule constitue un indice que le MAINC exerce un contrôle sur l’aide à l’enfance ou si elle permet de conclure que le MAINC décide de la teneur des services d’aide à l’enfance.

[91]           Au Manitoba, il existe quatre autorités responsables de surveiller, de superviser et de soutenir les organismes qui fournissent directement de l’aide à l’enfance dans les réserves et hors réserve. Il semble y avoir quatorze fournisseurs de services des Premières nations au Manitoba, et dix des ententes de financement sont administrées par la Southern Authority (Affidavit de Mme Odette Johnston, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 2; et affidavit de Mme Elsie Flette, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 4). Les quatre ententes restantes sont peut-être administrées par les trois autres autorités. Bref, pour le Manitoba uniquement, il existe au moins treize autres ententes de financement du genre que la Couronne n’a pas déposées.

6.                   La preuve ne précise pas le fonctionnement de l’Entente de 1965 et n’indique pas si toutes les ententes pertinentes ont été déposées

[92]           Aux termes de l’Entente de 1965, l’Ontario finance des sociétés sans but lucratif d’aide à l’enfance et le MAINC lui rembourse une fraction de ses dépenses relativement aux enfants vivant dans les réserves. Or, l’Entente de 1965 est entrée en vigueur le 1er décembre 1965 et elle peut être résiliée par l’une ou l’autre partie moyennant un préavis écrit de 12 mois (Entente sur le bien-être social de 1965, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 8A, clause 8(1)). Il serait nécessaire d’entendre des témoins au sujet de cette clause, parce que son existence (et la possibilité qu’elle soit invoquée par les gouvernements parties) pourrait jeter un éclairage sur l’étendue du rôle de supervision joué par le MAINC dans la prestation des services visés. Au nombre des autres documents du dossier nécessitant plus d’explications, mentionnons une série d’instruments censés modifier l’Entente de 1965 par voie de protocoles datés de 1971, 1972, 1981 et 1998. La preuve ne précise pas le statut des divers services décrits dans l’Entente de 1965, celui des lois habilitantes qui y sont mentionnées ou des diverses modifications et de leurs conséquences. En Ontario, il existe des ententes de services particulières entre la province et des organisations autorisées et non autorisées de services à l’Enfance et à la famille relevant des Premières nations ou de sociétés d’aide à l’enfance (Contre-interrogatoire de Tom Goff, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 8, page 456). Dans ce cas aussi, la Couronne n’a pas déposé les ententes et n’en a pas expliqué le fonctionnement en regard du financement accordé par le MAINC.

7.                   Impossibilité de déterminer si le MAINC exerce un contrôle sur les mesures de prévention

[93]           Le groupe de plaignantes a souligné que le plus récent régime de financement du MAINC, l’AAAP, comporte toujours des lacunes en ce qui a trait au financement de parties des programmes d’aide à l’enfance tels que les mesures de prévention (programmes visant à réduire le risque qu’un enfant soit retiré de sa famille). Le financement du MAINC continue d’être subordonné au respect des normes provinciales par les fournisseurs de services des Premières nations. La Directive 20-1 et l’AAAP sont toutes deux censées permettre le financement de ces types de services (Affidavit de Mme Odette Johnston, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 2). Il aurait été utile que la Couronne indique si les diverses lois provinciales prévoient des dispositions concernant la prise de mesures de prévention.

8.                   Impossibilité de déterminer si le MAINC prend des mesures de vérification qui vont plus loin que la reddition de comptes

[94]           Le MAINC effectue des vérifications et des examens sur la gestion et la conformité auprès des fournisseurs de services des Premières nations. Dans le cadre de ces examens, le MAINC passe en revue les dossiers des enfants placés, les procès-verbaux du conseil des gouverneurs, et les organismes du Manitoba procèdent à la vérification du casier judiciaire des employés (Contre-interrogatoire de Mme Elsie Flette, arguments écrits du Procureur général du Canada à l’appui de la requête en rejet de la plainte, onglet 9). Le MAINC examine les règlements administratifs des fournisseurs de services et leurs modifications et délivre des lettres signalant les lacunes. Bien que la position de la Couronne voulant que le MAINC ne procède qu’à une vérification des comptes puisse être un argument valable, la Couronne n’a déposé que des éléments de preuve superficiels concernant les procédures de vérification et d’examen. La preuve ne dresse pas un portrait complet des procédures de vérification en lien avec les diverses ententes de financement.

D.                 Conclusion - La Couronne ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve – elle n’a pas présenté suffisamment de preuves ou d’observations pour démontrer que le programme de financement n’est pas un Service

[95]           En conclusion, la Couronne n’a pas démontré que le cadre d’instruction de la requête offre une possibilité pleine et entière d’examiner la question des « services ». Le fait qu’elle ait omis ou ait été incapable de déposer les documents requis dans le cadre de la requête illustre par le fait même la complexité de la question et la nécessité de tenir l’audience viva voce sollicitée par les plaignantes. La véritable nature du programme de financement et ses conséquences pour les bénéficiaires des fonds demeurent obscures, malgré les documents, les affidavits et les transcriptions produits.

[96]           Toutefois, les commentaires que j’ai fait au sujet de cette question des « services » ne visent aucunement à nier la nécessité de gérer la présentation de la preuve sur ce point avec célérité si la question devait être entendue dans le cadre d’une audience viva voce.

[97]           Ainsi que je l’ai observé précédemment, la magnitude et la portée de la présente plainte est sans précédent dans l’histoire du Tribunal. La plainte est une contestation globale du financement accordé par le MAINC dans l’ensemble du Canada, dans toutes les provinces et dans un territoire, auprès de tous les bénéficiaires du financement et des Premières nations, réunis dans un seul dossier. En l’espèce, on demande au Tribunal d’examiner la relation entre le gouvernement fédéral, dix provinces et un territoire et 108 fournisseurs de services des Premières nations. Les fondements factuels de la plainte vont jusqu’au cœur des politiques, des lignes directrices, des ententes de financement d’un ministère fédéral, soit le MAINC, ainsi que des lois, des pratiques, des politiques et des lignes directrices des provinces et territoires, en matière d’aide à l’enfance, sans compter les ententes intergouvernementales sur l’aide à l’enfance. Il pourrait ne pas être possible de trancher la question des « services » sur une base aussi générale, à l’égard de l’ensemble des organismes de services d’aide à l’enfance. Lors de l’audience sur le fond, les plaignantes devront être en mesure de démontrer que le gouvernement fédéral intervient dans la prestation des services d’aide à l’enfance pour chacun de ces organismes d’aide à l’enfance. Ultimement, l’instruction de la question des services sera axée sur les faits. La nature et l’étendue précises du processus décisionnel du MAINC doivent être évaluées à travers une myriade de dispositions et d’ententes subordonnées, afin d’établir avec précision l’impact des décisions prises sur les services reçus, dans les réserves, par les enfants et les familles des Premières nations. Il ressort clairement du dossier de la Couronne que la requête n’était pas l’instrument indiqué pour ce volet de l’instruction.

E.                 Les autres arguments de la Couronne

(i)                 NIL/TU,O - Preuve

[98]           Le Tribunal a autorisé les parties à présenter des observations concernant un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, NIL/TU,O, précité. Bien que cet arrêt ne soit pas déterminant pour la question des « services », l’analyse faite par la Cour suprême dans cette affaire fournit au Tribunal un aperçu du type d’information dont il a besoin pour rendre, en l’espèce, une décision appropriée au sujet des « services ». Dans l’arrêt NIL/TU,O, précité, la Cour suprême du Canada a examiné certains des facteurs suivants pour se prononcer sur la question de la compétence constitutionnelle concernant les relations de travail de la NIL/TU,O Child and Family Services Society : l’entente de délégation tripartite intervenue entre la province de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et la NIL/TU,O Child and Family Services Society; la relation entre cette entente et la British Columbia Child, Family and Community Service Act; une « matrice de délégation » jointe à l’entente de délégation tripartite; les normes et les indicateurs de pratique et de fonctionnement autochtones; la Directive 20-1; et les activités particulières de la NIL/TU,O Child and Family Services Society. Le même type d’information a aussi été utilisé pour établir la compétence de la Native Child and Family Services of Toronto en matière de relations de travail, dans l’arrêt Native Child and Family Services of Toronto, précité. Dans NIL/TU,O, précité, comme dans Native Child and Family Services of Toronto, précité, la compétence en matière de relations de travail a été déterminée à l’égard d’un seul organisme d’aide à l’enfance.

(ii)               Justiciabilité

[99]           Finalement, les arguments présentés par la Couronne pour faire valoir que la politique de financement du MAINC est le reflet d’une politique relevant purement du pouvoir exécutif qui ne peut être invalidé en vertu de la LCDP ne sont d’aucune utilité. Ils passent à côté de l’analyse des services requis. Le principe de la justiciabilité se préoccupe essentiellement des limites appropriées des fonctions et pouvoirs de la Cour par rapport aux autres institutions du gouvernement. Ainsi, on peut lire l’observation suivante dans le Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada, [1991] 2 R.C.S. 525 :

Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de décider s’il convient de répondre à une question qui, allègue-t-on, ne relève pas de la compétence des tribunaux, la Cour doit veiller surtout à conserver le rôle qui lui revient dans le cadre constitutionnel de notre forme démocratique de gouvernement. [Non souligné dans l’original.]

[100]       De la même façon, dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, au paragraphe 26, la question de la justiciabilité est définie en fonction du fait pour la Cour, en répondant à la question, d’outrepasser ce qu’elle estime être le rôle qui lui revient dans le cadre constitutionnel de notre forme démocratique de gouvernement ou de ne pas donner une réponse relevant de son champ d’expertise : l’interprétation du droit. Enfin, dans Bruker c. Marcovitz, 2007 CSC 54, au paragraphe 41, la majorité de la Cour suprême s’est fondée sur l’ouvrage de Dean Sossin, Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada (Toronto : Carswell, 1999)— un texte sur lequel se fonde également la Couronne dans le cadre de la requête dont je suis saisie — pour définir la « justiciabilité » comme un ensemble de règles, de normes et de principes jurisprudentiels délimitant la portée de l’intervention judiciaire dans la vie sociale, politique et économique. Pour trancher une plainte présentée sous le régime de la LCDP, ce sont les dispositions de la LCDP même qui doivent être appliquées et non des « règles jurisprudentielles ». Toute exception à l’application de ses dispositions doit être énoncée clairement (Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, au paragraphe 81 (Vaid)).

[101]       La Couronne prétend que le transfert de fonds par le fédéral n’a pas engagé sa responsabilité en droit dans le cadre d’allégations de négligence et de manquement à l’obligation de fiduciaire parce qu’il n’y a pas de proximité suffisante entre le bailleur de fonds et les personnes qui assurent la prestation des services (Aksidan c. Canada (Attorney General), 2008 BCCA 43, aux paragraphes 13 à 15, et Renvoi relatif à Broome c. Île-du-Prince-Édouard, 2010 CSC 11, au paragraphe 45). D’abord, par principe, je note que ces affaires appliquent le droit tel qu’il évolue dans des domaines qui ne peuvent venir en aide au Tribunal (Robichaud c. Canada (Conseil du trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, et Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268). De plus, dans la mesure où ces décisions sont éclairées, elles confirment la nécessité d’examiner dans quelle mesure la Couronne exerce un contrôle sur le financement et sa proximité par rapport au dernier bénéficiaire des services, et ce, au moyen d’un examen approfondi de la relation entre le MAINC et les enfants et familles des Premières nations.

VII.          ANALYSE DE LA PERTINENCE D’UN GROUPE DE COMPARAISON DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION D’UNE REQUÊTE – QUESTION DE DROIT

A.                 Résumé des positions des parties

La Couronne

 

[102]       La Couronne fait valoir qu’il est nécessaire, pour l’application de l’alinéa 5b) de la Loi, de procéder à une comparaison afin de déterminer qu’il y a eu un traitement défavorable. Elle soutient en outre qu’il doit y avoir une différence dans la fourniture de services à l’intention de deux individus ou bénéficiaires différents. L’alinéa ne permet pas de comparer deux fournisseurs de services destinés à deux « publics » différents. Il ne permet pas non plus de comparer le gouvernement fédéral et les provinces. La Couronne reconnaît l’importance des principes sous‑tendant la législation en matière de droits de la personne mais ne considère pas que la plainte relève du mandat énoncé dans la Loi. Même si elle convient qu’elle a une obligation de fiduciaire envers les peuples des Premières nations, elle estime que cette obligation et ses autres engagements internationaux n’étendent pas la portée de l’alinéa 5b) de la LCDP.

Les plaignantes

 

[103]       Selon les plaignantes, l’alinéa 5b) de la LCDP doit être interprété dans son sens large et libéral, compte tenu de la nature quasi constitutionnelle de la Loi. Les plaignantes soutiennent que l’objet même de la Loi consiste à remédier à des actes discriminatoires, y compris la discrimination systémique. L’interprétation fondée sur l’objet de l’alinéa 5b) de la LCDP ne nécessite aucune comparaison. Elles estiment que l’impossibilité de trouver un groupe de comparaison approprié ne fait pas échec à la plainte; ils donnent à cette fin l’exemple des personnes déficientes, qui ne sont pas tenues de prouver qu’elles ont été défavorisées pour avoir gain de cause dans une plainte de discrimination. Les plaignantes affirment que l’analyse devrait viser essentiellement à déterminer si un service répond aux besoins de ceux qui sont défavorisés en raison d’une caractéristique personnelle immuable.

[104]       Subsidiairement, les plaignantes font valoir que l’alinéa 5b) de la Loi peut être interprété de manière à permettre la comparaison entre deux différents fournisseurs de services et qu’il peut s’agir du MAINC et des provinces. Les plaignantes allèguent que la Couronne n’a pas expliqué pourquoi il n’est pas approprié de faire une comparaison avec un autre fournisseur, c’est-à-dire une province, et qu’elle n’a jamais refusé auparavant de recourir à des groupes de comparaison appartenant à des ressorts différents. Par ailleurs, dans le contexte d’une audience de vive voix, l’utilité de cette comparaison sera manifeste.

[105]       En outre, l’APN estime que les enfants des Premières nations vivant dans une réserve qui bénéficient d’une aide à l’enfance par l’intermédiaire du MAINC peuvent être comparés aux enfants des Premières nations habitant dans une réserve qui reçoivent une aide à l’enfance par l’intermédiaire du système provincial.

[106]       En dernier lieu, les plaignantes soutiennent que le MAINC est le seul fournisseur d’aide à l’enfance fondée sur la race dont bénéficient en fin de compte les enfants des Premières nations habitant dans une réserve. C’est là une conséquence du partage constitutionnel des compétences, qui investit le gouvernement fédéral de la compétence sur cette question au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette réalité constitutionnelle empêche l’application rigide du critère habituel fondé sur l’alinéa 5b) qui est énoncé dans Singh, précitée, et fait en sorte que la Loi ne peut protéger tout ce groupe d’enfants canadiens. Il est impossible que le Parlement ait eu l’intention d’obliger, dans une situation comme en l’espèce, la tenue d’une analyse comparative. Une telle obligation ne concorde pas non plus avec la jurisprudence attribuant une nature quasi constitutionnelle à la législation en matière de droits de la personne, ce qui commande une interprétation large et libérale. C’est particulièrement le cas en raison des obligations fiduciaires de la Couronne envers les Premières nations et de l’adhésion du Canada à la DNUDPA. Cet obstacle légal n’existe dans aucune autre affaire où l’analyse fondée sur l’alinéa 5b) de la LCDP a été élaborée et appliquée. Si je décidais qu’une comparaison n’est pas nécessaire ou qu’aucune analyse de la discrimination impliquant deux fournisseurs de services ne doit être effectuée, je me retrouverais à confirmer une notion à caractère racial de discrimination suivant laquelle les enfants des Premières nations habitant dans une réserve sont privés d’une aide à l’enfance équivalente ou similaire à celle dont bénéficient tous les autres enfants canadiens.

B.                 L’analyse de la pertinence d’une comparaison est une pure question de droit

[107]       Les plaignantes ont-elles eu la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des observations comme l’exige la Loi au sujet de la question relative au groupe de comparaison? Il s’agit d’une pure question de droit. De fait, comme je l’ai précisé, le renvoi de la plainte par la Commission caractérisait les points soulevés par les plaignantes comme étant des questions de droit et non de fait. Les parties ont eu amplement la possibilité de présenter leurs observations et même des observations supplémentaires. Sur cette question, les parties ont eu la possibilité pleine et entière de déposer des affidavits, de contre-interroger les auteurs des affidavits, de comparaître devant le Tribunal avec l’aide de leurs avocats et de présenter leurs arguments et des éléments de preuve (voir l’annexe A). En outre, elles ont eu jusqu’au 23 août et au 23 décembre 2010, respectivement, pour déposer des observations sur trois nouveaux jugements, soit CDPNB c. PNB, précité, publié le 3 juin 2010, et deux arrêts de la Cour suprême du Canada, NIL/TU,O, précité, et Native Child and Family Services of Toronto, précité, rendus en même temps le 4 novembre 2010, de même que sur la DNUDPA. Aucun autre élément de preuve présenté dans le cadre d’une audience de vive voix ne pourra rendre ce point juridique plus clair.

C.                 Que signifie le verbe « défavoriser » au sens de l’alinéa 5b) de la Loi? Comment cet alinéa doit-il être interprété?

[108]       L’article 5 dispose ce qui suit :

Refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement

 

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

 

a) d’en priver un individu;

 

 

 

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture

 

                                   

 

 

1976-77, ch. 33, art. 5.

Denial of good, service, facility or accommodation

 

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

 

 

 

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

 

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

1976-77, c. 33, s. 5.

 

[109]       La Cour suprême du Canada a élaboré une démarche précise à suivre pour l’interprétation des lois bilingues (R. c. Daoust, 2004 CSC 6, au paragraphe 27 (Daoust)). La première étape consiste donc ici à déterminer s’il y a divergence entre les versions française et anglaise de l’alinéa 5b) et, dans l’affirmative, s’il est possible de trouver un sens commun (voir R. c. S.A.C., 2008 CSC 47, au paragraphe15 (S.A.C.), Daoust, précité, au paragraphe 27). Si l’alinéa 5b) de la LCDP peut avoir des significations différentes, le Tribunal doit déterminer le genre de divergence dont il s’agit. Dans son ouvrage Interprétation des lois, 3e éd. (Scarborough, Ontario, Carswell, 2000), P.-A. Côté évoque trois possibilités. Premièrement, les versions française et anglaise peuvent être inconciliables. En pareil cas, il est impossible de trouver un sens commun et, par conséquent, les règles d’interprétation ordinaires s’appliquent (S.A.C., précité, au paragraphe 15; Daoust, précité, au paragraphe 27; Côté, précité, à la page 327). Deuxièmement, une version peut être ambiguë alors que l’autre est claire et non équivoque. Le sens commun est alors celui de la version claire et non équivoque (S.A.C., précité, au paragraphe 15; Daoust, précité, au paragraphe 28; Côté, précité, à la page 327). Troisièmement, une version peut avoir un sens plus large que l’autre. Le cas échéant, le sens commun aux deux favorise le sens le plus restreint ou limité (S.A.C., précité, au paragraphe 15; Daoust, précité, au paragraphe 29; Côté, précité, à la page 327). À la deuxième étape, il faut déterminer si le sens commun concorde avec l’intention du législateur (S.A.C., précité, au paragraphe 16; Daoust, précité, au paragraphe 30; Côté, précité, à la page 328).

[110]       Dans l’arrêt Vaid, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé que, pour interpréter correctement les lois, « [traduction] […] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (au paragraphe 80).

[111]       Ces principes d’interprétation s’appliquent avec une rigueur particulière dans le cadre de l’application des lois relatives aux droits de la personne (Vaid, précitée, aux paragraphes 80 et 81). S’il est reconnu que les lois en matière de droits de la personne doivent être interprétées de façon « large et libérale », il est aussi vrai que les termes d’une loi doivent être en mesure de recevoir l’interprétation qu’on leur prête (Gould, précitée, au paragraphe 13). Cette approche trouve un appui à l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, qui énonce que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Dans la décision Berg, précitée, l’ancien juge en chef Lamer s’est exprimé comme suit au sujet de l’interprétation « large, libérale et fondée sur l’objet visé » de la loi de la Colombie-Britannique sur les droits de la personne :

Cette méthode d’interprétation ne permet pas à une commission ou à une cour de justice de faire abstraction des termes de la Loi pour empêcher les pratiques discriminatoires où que ce soit. Bien que ce puisse être là un but louable, la législature a affirmé, au moyen des termes restrictifs de l’art. 3, que certaines relations ne seront pas sujettes à un examen fondé sur la loi en matière de droits de la personne. Il incombe aux commissions et aux cours de justice de donner à l’art. 3 une interprétation libérale et fondée sur l’objet visé, sans faire abstraction des termes restrictifs de la Loi ni autrement contourner l’intention de la législature. [Non souligné dans l’original.]

 

(à la page 371)

[112]       Tout au long de cette analyse, l’intention du Parlement doit être respectée. La LCDP est une création du législateur découlant de l’autorité législative du Parlement. Toute exception à l’application de ses dispositions doit être énoncée clairement (Vaid, précitée, au paragraphe 81). Les pactes internationaux comme la DNUDPA peuvent être pris en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois (voir Baker, précitée). Cependant, « les normes internationales qui ne sont pas incorporées au droit canadien et qui sont incompatibles avec les dispositions claires d’une loi ne peuvent avoir d’effet au Canada » (Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, au paragraphe 36). Par conséquent, toute analyse doit commencer d’abord par un examen rigoureux de la disposition précise en cause.

D.                 Analyse

(i)                 Le traitement défavorable est une notion comparative

1.                   Absence de sens commun – l’anglais est clair, mais le français peut exiger une comparaison ou non

[113]       Dans la version anglaise, le sens ordinaire des termes « differentiate adversely » fait en sorte qu’il est nécessaire de comparer deux groupes. Le mot anglais « adverse » dans un contexte juridique a le sens d’« opposé » ou de « contraire » (Black’s Law Dictionary, 6e éd., sous « Adverse ») et « differentiates » dans un contexte ordinaire signifie « reconnaître ou désigner comme étant différent, distinguer » (The Oxford English Dictionary, 2e éd., sous « Differentiates »). Le sens ordinaire de l’expression anglaise exige une comparaison à cause du terme « differentiate ». Le verbe « differentiate » évoque en effet une différence par rapport à quelque chose ou quelqu’un d’autre. Il suppose le fait de distinguer, d’établir une distinction. Afin de déterminer s’il y a une différence de traitement préjudiciable fondée sur un motif de distinction illicite, par définition, il est nécessaire de comparer la situation du plaignant avec celle d’une autre personne.

[114]       En français, le sens ordinaire du verbe « défavoriser » employé à l’alinéa 5b) de la Loi ne requiert pas nécessairement de groupe de comparaison. La définition peut inclure un concept comparatif : « priver d’un avantage » ou « priver d’un avantage (consenti à un autre ou qu’on aurait pu lui consentir) » impliquent une comparaison, ce qui n’est pas le cas, toutefois, de « desservir », « frustrer, handicaper » (Le Petit Robert, 2006, sous « défavoriser »). Le premier groupe de mots comprend la possibilité de faire une comparaison, mais pas le deuxième. Il y a ambiguïté, car le même terme peut avoir deux significations. Par conséquent, les règles normales d’interprétation des lois doivent être appliquées pour qu’on puisse savoir qu’elle est l’intention du législateur.

2.                   Le Parlement souhaitait que l’alinéa 5b) soit interprété en fonction d’une comparaison

[115]       La Loi est une créature unique du Parlement et l’alinéa 5b) est une disposition aussi unique répondant aux aspirations du législateur quand il a édicté la LCDP. La genèse de l’article 5 de la Loi est étroitement liée à l’interdiction de la discrimination en matière emploi et des pratiques préjudiciables en cours d’emploi. La Loi provient d’un ensemble disparate de dispositions législatives visant principalement à interdire la discrimination en matière d’emploi, mais aussi à sanctionner les actes discriminatoires commis contre certaines personnes dans la fourniture de services au public (voir W.S. Tarnopolsky, J., Discrimination and the Law, rév. par W. Pentney (Toronto, Carswell, 1993) (supplément permanent), aux pages 2-3 et 2-4). Ces origines sont importantes, puisque le terme « défavoriser » se retrouve aux alinéas 6b) et 7b) de la Loi également. L’analyse utilisée au regard de l’alinéa 5b) de la LCDP est donc tout aussi applicable dans les domaines de l’emploi qu’en ce qui concerne les locaux commerciaux. L’interprétation de l’alinéa 5b) doit être cohérente et appropriée également pour les alinéas 6b) et 7b) de la Loi.

[116]       Le régime instauré par la Loi et son objet peuvent se déduire de l’article 2, qui énonce l’objet de la loi et donne effet au principe, dans la version anglaise, « that all individuals should have and opportunity equal with other individuals [...] ». La version française mentionne quant à elle le droit « à l’égalité des chances d’épanouissement ». La disposition énonçant l’objet de la Loi confirme que celle-ci est fondée sur la notion de comparaison : dans les deux versions, le concept d’égalité dénote une comparaison. « Equal » en droit suppose non pas l’identité mais la dualité et l’utilisation d’une chose pour en mesurer une autre (Black’s Law Dictionary, 6e éd., sous « Equal »). « Equal » dans son sens général signifie [traduction] « de même quantité, qualité, taille, degré, rang, niveau, etc. » (The Concise Oxford Dictionary, 9e éd. sous « Equal »). En français, l’« égalité » vient de l’adjectif « égal », signifiant « [q]ui est de même quantité, dimension, nature, qualité ou valeur » (le Petit Robert, 2006, sous « égal »). Les définitions dans les deux langues impliquent une comparaison.

[117]       De fait, au paragraphe 17 de l’arrêt Singh, précité, la Cour d’appel fédérale a reformulé l’alinéa 5b) au moyen de termes empruntés à l’algèbre : il est discriminatoire que A, quand il fournit des services à B, traite celui-ci différemment de C pour un motif de distinction illicite.
La Cour a illustré ce principe au moyen d’un exemple concret : il serait ainsi discriminatoire qu’un policier, chargé de fournir des services de contrôle de la circulation destinés au public, traite une personne en contravention plus durement qu’une autre en raison de son origine nationale ou raciale.

[118]       La jurisprudence plus récente confirme encore la nécessité de recourir à une comparaison. La juge Mactavish s’est exprimée comme suit dans Canada (Procureur général) c. Walden, 2010 CF 490 (Walden) :

L’égalité est une notion éminemment relative. Pour savoir s’il y a eu différence préjudiciable de traitement à raison d’un motif illicite, il est donc nécessaire de comparer la situation du groupe de plaignantes avec celle d’un autre groupe. (Au paragraphe 78)

[119]       Dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154, bien que le juge Evans n’ait pas statué directement sur la question du groupe de comparaison, il a implicitement reconnu la nécessité des preuves comparatives pour déterminer si la preuve prima facie de discrimination avait été suffisamment établie :

En outre, comme l’avocate de la Commission l’a signalé, il est maintenant reconnu que la preuve comparative de discrimination revêt des formes beaucoup plus nombreuses que la discrimination particulière identifiée dans la décision Shakes. (Au paragraphe 28)

[120]       Reportons-nous également à Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. M.R.N., 2003 CF 1280 (Wignall), où le juge O’Reilly a déclaré ce qui suit :

Une cour ou un tribunal ne peut décider si une personne a été victime de discrimination sans établir des comparaisons avec le traitement accordé aux autres personnes. Les comparaisons sont inévitables. (Au paragraphe 22)

3.                   Les arguments visant à appliquer la jurisprudence fondée sur la Charte ne respectent pas la teneur de la LCDP

[121]       Il est important maintenant d’établir une distinction avec la jurisprudence fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte). Le libellé précis de l’alinéa 5b) de la LCDP, où figure le terme « défavoriser », doit être respecté. La jurisprudence appliquant la Charte peut être utile pour cette analyse. Cependant, elle ne peut être transposée telle quelle dans les instances du TCDP sans qu’on ait cerné l’intention exacte du législateur. Dans la décision Wignall, précitée, la Cour fédérale a conclu que le Tribunal avait commis une erreur quand il a affirmé qu’il y avait convergence des démarches suivies à la lumière des lois sur les droits de la personne et du paragraphe 15(1) de la Charte. Elle a jugé que le Tribunal avait a commis une erreur lorsqu’il a analysé la plainte au regard de toutes les modalités énoncées dans la décision Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 (Law). Plus particulièrement, elle a déclaré que la « […] définition du terme ‘discrimination’ au sens du paragraphe 15(1) de la Charte, dont il est d’ailleurs question dans l’arrêt Law, ne s’applique pas à la législation sur les droits de la personne » (Wignall, précitée, au paragraphe 8). Elle a ensuite expliqué que Law, précitée, ne portait que sur le sens à donner à la norme constitutionnelle d’égalité énoncée dans la Charte et que la Cour suprême n’a pas laissé entendre que sa démarche devrait être appliquée plus largement aux codes et aux lois sur les droits de la personne qu’on retrouve dans les législations provinciale ou fédérale.

[122]       Pour les mêmes raisons, je ne crois pas que l’arrêt Cunningham c. Alberta (Aboriginal Affairs and Northern Development), 2009 ABCA 239, soit utile pour trancher l’espèce. En effet, cette décision concernait une demande visant à faire déclarer que l’article 75 et l’alinéa 90(1)a) de la Métis Settlements Act, R.S.A. 2000, ch. M-14, violaient l’alinéa 2d), l’article 7 et le paragraphe 15(1) de la Charte. La Cour d’appel de l’Alberta a centré son analyse exclusivement sur la troisième étape de l’analyse décrite dans la décision Law, précitée, où il s’agit de déterminer si la différence de traitement constituait de la discrimination.

[123]       J’ajouterais en dernier lieu sur ce point qu’aucune des plaignantes n’a contesté la validité constitutionnelle de l’alinéa 5b) de la LCDP.

4.                   Les arguments visant à appliquer la jurisprudence fondée sur d’autres lois en matière de droits de la personne ne respectent pas la teneur de la LCDP

[124]       La Société fait valoir que l’omission de trouver un groupe de comparaison approprié ne devrait pas faire échec à la plainte de discrimination puisqu’il n’est pas clair qu’une comparaison soit requise dans une analyse effectuée en matière de droits de la personne. La Société cite la décision Lane c. ADGA Group Consultants Inc. (2008), 295 D.L.R. (4th) 425, 91 O.R. (3d) 649 (C. S. J. Ont. (C. div.)) (ADGA). Cette affaire concernant une cessation d’emploi se fondait sur le Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. H-19. Dans ADGA, précitée, la Cour supérieure énonce clairement au paragraphe 94 que [traduction] « lorsque la déficience entre en jeu dans le contexte d’une cessation d’emploi, il n’est ni nécessaire ni approprié d’établir un groupe de comparaison ». Les affaires où il est question d’une déficience reposent sur des situations particulières et individuelles. Une fois qu’il est établi que le congédiement était en partie ou en totalité attribuable à une déficience, le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. Par conséquent, la non-pertinence de la comparaison dans la décision ADGA, précitée, découlait en grande partie du fait qu’il s’agissait du congédiement d’un employé atteint d’une déficience – ce qui n’est pas le cas ici.

[125]       En outre, l’issue de l’affaire ADGA, précitée, n’est pas surprenante quand on considère que le Parlement a éliminé la nécessité d’effectuer une comparaison dans les plaintes relatives à une cessation d’emploi fondées sur la LCDP (voir l’alinéa 7a)) et qu’il ne l’exige pas non plus quand il y a refus de services (voir l’alinéa 5a)), refus d’occupation de locaux (voir l’alinéa 6a)) ou refus de fournir des logements (voir l’alinéa 6a)). Cependant, l’intention du législateur peut être très différente entre les paragraphes d’un même article de la Loi. Ainsi, contrairement aux dispositions précitées, les alinéas 5b), 6b) et 7b) de la Loi mentionnent expressément l’action de « défavoriser », et une analyse comparative est alors indiquée. La décision ADGA, précitée, ne peut être invoquée pour justifier le non-respect des choix législatifs clairement énoncés par le Parlement.

[126]       Pour les mêmes raisons, je ne considère pas que les commentaires formulés dans l’arrêt CDPNB c. PNB, précité, soient vraiment utiles pour le Tribunal dans l’interprétation du libellé précis de la LCDP. La loi du Nouveau-Brunswick en matière de droits de la personne mentionne en effet le refus de fournir des services et sanctionne la discrimination dans la prestation de services. Elle ne dit rien au sujet de la différence de traitement préjudiciable, contrairement à la LCDP.

5.                   Conclusion

[127]       Par conséquent, l’alinéa 5b) de la Loi nécessite une comparaison. Voilà l’interprétation qui, d’après moi, concorde le plus avec le libellé de la Loi, le régime qu’elle instaure et son objet ainsi qu’avec l’intention du législateur.

(ii)               L’alinéa 5b) ne permet pas de comparer deux fournisseurs de services

[128]       Ni la version anglaise ni la version française de l’alinéa 5b) de la Loi ne disposent expressément qu’il faut tenir compte d’un seul fournisseur de services pour conclure à l’existence d’une distinction préjudiciable. Toutefois, à mon avis, le sens grammatical et ordinaire des termes employés à cet alinéa permettent d’envisager qu’un seul fournisseur puisse être tenu responsable d’avoir défavorisé quelqu’un dans la prestation de services à deux personnes différentes. Cette conclusion est cohérente avec l’analyse effectuée dans Singh, précitée.

[129]       Qui plus est, l’analyse en fonction de plus d’un fournisseur de services élargit la portée de cette disposition de façon absurde. Tout élargissement de l’alinéa 5b) nécessite que soit étendue aussi la portée des alinéas 6b) et 7b) de la Loi. En acceptant qu’un fournisseur de services puisse être comparé à un autre, et que plus d’un employeur puisse être comparé à un autre également, nous ouvririons la porte toute grande à une avalanche de nouveaux genres de plaintes visant non seulement la fourniture de services mais aussi le domaine de l’emploi. Par exemple, une employée pourrait invoquer un traitement différent qui lui est préjudiciable par rapport à l’employé d’un autre employeur (l’employé de la banque A pourrait se plaindre de toucher des avantages différents de l’employé de la banque B; l’employé d’une Première nation en Ontario pourrait se plaindre des politiques d’emploi différentes auxquelles il est assujetti, alors que l’employé d’une Première nation de la Colombie-Britannique ne l’est pas). Dans le seul domaine des services, le client du restaurant A pourrait se plaindre d’avoir reçu des services différents de celui qu’a reçus le client du restaurant B en raison de sa race. Le membre d’une Première nation au Québec pourrait se plaindre du financement différent qui lui est versé comparativement au membre d’une Première nation différente en Alberta, en faisant valoir que la race est entrée en jeu, puisque les Premières nations ne fournissent des services qu’aux membres des Premières nations.

[130]       En dernier lieu, le partage constitutionnel des compétences vient compliquer les choses et rend la comparaison encore plus illogique. Comment et quand pourrait-on comparer les employeurs qui font partie des ministères fédéraux et les employeurs qui font partie du gouvernement provincial ou bien les ministères fédéraux bailleurs de fonds et les ministères provinciaux qui versent aussi des fonds?

[131]       L’interprétation de l’alinéa 5b) de la Loi prônée par le groupe des plaignantes a un effet d’élargissement tel et possède des ramifications à ce point vastes qu’elle ne peut, en toute déférence, avoir été souhaitée par le législateur. Un bouleversement de cette envergure du cadre d’analyse nécessiterait, à mon sens, une directive claire du législateur.

(iii)             Arguments des plaignantes suivant lesquels le financement versé en fonction de la race exige une exception interprétative – des faits incontestables ne constituent pas de bonnes règles de droit

[132]       Les plaignantes m’exhortent à conclure qu’aucune comparaison n’est nécessaire dans le cas où les services sont fournis à une seule race ou à un seul peuple. Après avoir longuement réfléchi à la position des plaignantes, je constate que l’interprétation proposée par les plaignantes aurait des répercussions peut-être incongrues et illogiques sur les Premières nations elles-mêmes.

[133]       La Couronne n’est pas le seul fournisseur de services réservés aux membres d’un groupe racial. Comme je l’ai indiqué plus tôt, à mon avis, si les considérations raciales peuvent être jugées fort pertinentes compte tenu du libellé actuel de la Loi, de manière à imputer une responsabilité au MAINC, l’analyse s’appliquerait aussi carrément, dans d’autres cas, à la responsabilité des Premières nations. Celles-ci, tout comme le MAINC, fournissent des services fondés sur la race à leurs membres. Elles s’occupent de l’éducation, du logement et des services sociaux de même que de tous les autres services destinés à leurs membres. Selon l’analyse qui est avancée, une Première nation pourrait être comparée à une autre quant au niveau de financement et de services qu’elle assure à ses membres. Chaque Première nation pourrait être comparée aux provinces et à des tiers au chapitre des services fournis. Cette analyse pourrait viser chaque Première nation et l’obliger peut-être à fournir un niveau de financement et de services comparable aux autres Premières nations et aux provinces.

[134]       Les plaignantes citent CN c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, qu’elles considèrent comme un arrêt original et novateur pour l’époque montrant que le Tribunal peut et devrait étendre l’application traditionnelle de la Loi à de nouveaux domaines où il pourrait y avoir discrimination. Dans cette affaire, Action Travail des Femmes alléguait que le CN avait eu recours à des pratiques discriminatoires dans l’embauche et les promotions en refusant aux femmes l’accès à certains postes de cols bleus non spécialisés. Le Tribunal a conclu que les politiques de recrutement, d’embauche et de promotion du CN empêchaient et décourageaient les femmes d’occuper des postes de cols bleus. En vertu de l’alinéa 41(2)a) de la Loi (devenu l’alinéa 53(2)a)), le Tribunal a ordonné la création d’un programme d’équité en matière d’emploi au CN pour éliminer la discrimination systémique dans l’embauche et la promotion des femmes. La Cour suprême devait déterminer si le Tribunal avait le pouvoir d’imposer cette mesure en vertu de l’alinéa 41(2)a) de la Loi. Elle a confirmé la création du programme ordonnée par le Tribunal parce que l’ordonnance du Tribunal entrait dans la portée du paragraphe 41(2) ou en respectait les exigences. Bien que cette réparation ait été inédite, elle s’appuyait sur un fondement législatif clair. En outre, le Tribunal dans cette affaire n’avait pas envisagé d’établir un nouveau domaine de discrimination; il a plutôt exploré la portée de ses pouvoirs de réparation. Par conséquent, il y a une distinction à faire entre ce jugement et la présente affaire.

[135]       Les plaignantes se sont également reportées à l’arrêt Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbs, [1996] 3 R.C.S 566 (Gibbs), en vue d’étayer leurs arguments. Dans cette affaire, une société d’assurance de la Saskatchewan avait agi de façon discriminatoire envers des personnes assurées atteintes d’une déficience mentale comparativement à des assurés atteints d’une déficience physique. Il n’y avait qu’un seul fournisseur de services et ce dernier ne pouvait traiter différemment deux bénéficiaires de services pour ces motifs en restreignant les paramètres applicables. Les plaignantes font valoir que la seule différence entre les bénéficiaires de services dans la présente affaire, soit les enfants des Premières nations habitant dans les réserves, est le fait qu’ils ne reçoivent pas tous la même aide à l’enfance. Sinon, ils ont le même âge et ont besoin d’aide à l’enfance ainsi que d’un traitement similaire. Il n’y a rien dans Gibbs, précité, qui évoque deux fournisseurs de services différents.

(iv)              Les arguments des plaignantes suivant lesquels la position de la Couronne engendre une situation inacceptable ne concordent pas avec le libellé clair de la LCDP

[136]       La Société affirme que l’omission de tenir une audience et le fait de statuer en bout de ligne que la LCDP ne peut offrir de réparation aux enfants des Premières nations en l’espèce entraînent des conséquences inacceptables. Les enfants des Premières nations se trouvent ainsi privés de la protection de la Loi, ce qui revient à approuver une notion de discrimination raciale fondée sur le principe « distinct mais égal » semblable à celle qui existait aux États-Unis et avait mené à la décision Brown et al. v. Board of Education of Topeka et al., 347 U.S. 483, 74 S. Ct. 686, 98 L. Ed. 873 (U.S. Sup. Ct.1954). Les Chefs relèvent l’abrogation, par le gouvernement, de l’article 67 de la LCDP qui interdisait auparavant au Tribunal de connaître des plaintes présentées sous le régime de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. Ils soulignent que, en dépit de l’abrogation de cet article, le MAINC serait plus ou moins soustrait à l’application de la LCDP. Les plaignantes font valoir que le Parlement a délibérément abrogé l’article 67 de la Loi afin d’appliquer le principe « diviser pour régner » au sein des Premières nations.

[137]       Pour ce qui est de cet argument, je signalerai que, pour statuer sur la présente requête, je n’ai pas à analyser comme telle l’intention qui animait le Parlement quand il a abrogé l’article 67 de la Loi. L’abrogation de cet article impose aux Premières nations, à l’endroit de leurs membres, l’obligation quasi judiciaire ou judiciaire de respecter la Loi. En pratique, cette modification aura pour effet d’encourager la dissension entre les dirigeants de la Première nation et ses membres. Dans une perspective contextuelle, en ce qui a trait à la présente affaire, je signalerai que l’abrogation de cette disposition, à première vue, oblige le gouvernement fédéral et les Premières nations, tout comme d’autres fournisseurs de services et employeurs des secteurs public et privé réglementés par le fédéral, à se conformer à la LCDP. Il y a alors deux conséquences : les ministères fédéraux ne peuvent pratiquer la discrimination envers des membres des Premières nations pour des motifs illicites quand ils fournissent des services aux Autochtones. Par exemple, le gouvernement ne peut offrir des services aux membres des Premières nations et faire preuve de discrimination contre les membres des Premières nations qui ont une déficience ou qui sont de sexe féminin. En même temps, les Premières nations ne peuvent faire preuve de discrimination envers des membres des Premières nations quand ils fournissent des services aux membres de leur propre Première nation. Par exemple, les Premières nations ne peuvent offrir de services à leurs membres et traiter différemment des autres ceux qui ont une déficience ou qui sont de sexe féminin. Au lieu de soustraire les Premières nations ou le gouvernement, dont le MAINC, à toute responsabilité au regard de la LCDP, l’abrogation de l’article 67 impute une responsabilité à ces deux parties qui pourraient être mises en cause.

[138]       Je conviens que l’abrogation de l’article 67 de la LCDP fait en sorte que de nouveaux genres de plaintes peuvent désormais être instruites par le Tribunal. Ces affaires seront probablement complexes et auront de graves conséquences pour des collectivités entières de Canadiens appartenant à une Première nation. Elles exigeront du Tribunal qu’il fasse preuve d’énormément d’imagination pour pouvoir les gérer d’une manière appropriée et adaptée à la culture autochtone. Chacune d’entre elles devra être tranchée sur le fond au cas par cas. Le fait qu’il ne puisse y avoir réparation dans la présente instance ne signifie pas que d’autres plaignants seront déboutés. Il est probable qu’une plainte de discrimination ne puisse, en l’espèce, être accueillie contre le MAINC et que ce résultat soit sans doute déconcertant pour les communautés des Premières nations, mais la LCDP ne peut être interprétée en fonction des résultats. Ce sont les termes de la Loi qui doivent régir la portée de la plainte et de la réparation. Malheureusement, si la LCDP n’offre aucune voie de redressement ici, c’est qu’un autre recours peut vraisemblablement être exercé ailleurs (p. ex. une contestation de la Loi fondée sur la Charte ou une réparation d’ordre politique).

[139]       Tout en ayant conscience des répercussions de l’analyse qui précède sur les enfants des Premières nations qui habitent dans une réserve, pour les motifs énoncés plus haut, j’estime que non seulement est-il illogique d’étendre l’analyse fondée sur un groupe de comparaison, mais que cet élargissement risque en plus de s’avérer destructeur pour les Premières nations elles-mêmes. En outre, l’APN a proposé que le Tribunal compare les enfants des Premières nations habitant dans une réserve qui bénéficient d’une aide à l’enfance par l’intermédiaire du régime fédéral et les enfants des Premières nations qui reçoivent une aide à l’enfance au sein du système provincial. Cependant, à la lumière de l’alinéa 5b) de la Loi, un traitement différent sera jugé discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Cet argument subsidiaire ne parvient pas à cerner un tel motif de distinction illicite. Encore une fois, il repose sur la comparaison entre deux fournisseurs différents.

[140]       Vu la conclusion que j’ai tirée au sujet du groupe de comparaison, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur l’argument de la Couronne relatif à la résidence. Il n’y a pas lieu non plus de m’attarder à la question de la réparation conformément au Principe de Jordan.

VIII.       CONCLUSION

[141]       Même si je ne peux trancher la question concernant les services à la lumière de la preuve au dossier réunie jusqu’à maintenant, je peux statuer sur le point de droit relatif à la comparaison. Pour les motifs énoncés plus haut, la requête de la Couronne est accueillie sur la question relative au groupe de comparaison. Je suis d’avis que la plainte ne respecte pas les dispositions de l’alinéa 5b) de la Loi. Par conséquent, la plainte est rejetée.

«Signée par»

Shirish P. Chotalia, c.r.

Présidente

OTTAWA (Ontario)
Le 14 mars 2011

 

 


TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1340/7008

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des

Premières Nations du Canada et Assemblée des

Premières Nations c. Procureur Général du

Canada (représentant le Ministre des Affaires

indiennes et du Nord canadien)

DATES ET LIEU DE L’AUDIENCE :

Le 2 et 3 juin 2010

Ottawa (Ontario)

ONT COMPARU :

 

Paul Champ

Anne Lévesque

Cindy Blackstock

Pour la plaignante, Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

David Nahwegahbow

Joanne St. Lewis

Valerie Richer

Pour la plaignante, Assemblée des Premières

Nations

Daniel Poulin

Samar Musallam

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Jonathan Tarlton

Edward Bumburs

Heather Wilson

Natalia Stelkova

Pour l'intimé

Michael Sherry

Pour les Chefs de l’Ontario

Patricia Latimer

Pour Amnistie Internationale

 

Annexe « A »

 

Documents déposés

Légende :

La Société :                                        La Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

APN :                                                   L'Assemblée des Premières Nations

La Commission :                              La Commission canadienne des droits de la personne

Canada/AINC/Couronne :            Le Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)

Les Chefs :                                          Les Chefs de l'Ontario

Amnistie :                                          Amnistie Internationale

 

Numéro du document

Titre

Date du dépôt

1

Plainte

Le 3 novembre 2008

2

Liste des documents divulgués de la Commission

Le 30 avril 2009

3

Exposé des précisions de la Commission

Le 1 juin 2009

4

Exposé des précisions de la Société et de l’APN

Le 5 juin 2009

5

Exposé des précisions du Canada

Le 22 juillet 2009

6

Sommaires des dépositions de quatre témoins du Canada (témoins ordinaires)

Le 14 août 2009

7

Sommaires des dépositions d’autres témoins du Canada (témoins ordinaires)

Le 19 août 2009

8

Liste des témoins des Chefs

Le 18 septembre 2009

9

Liste supplémentaire des documents divulgués de la Commission

Le 21 septembre 2009

10

Liste des témoins experts des Chefs

Le 25 septembre 2009

11

Exposé des précisions modifié de la Commission

Le 28 septembre 2009

12

Exposé des précisions des Chefs

Le 14 octobre 2009

13

Divulgation des Chefs

Le 14 octobre 2009

14

Rapport du témoin expert de la Commission, Margo Greenwood, D. Ph.

Le 14 octobre 2009

15

Rapport du témoin expert de la Commission, le pr John Milloy

Le 14 octobre 2009

16

Rapport du témoin expert de la Commission, Nicolas Trocme, D. Ph.

Le 14 octobre 2009

17

Rapport corrigé du témoin expert de la Commission, M. Trocme

Le 20 octobre 2009

18

Liste complémentaire des documents du Canada

Le 22 octobre 2009

19

Divulgation supplémentaire de la Commission

Le 28 octobre 2009

20

Liste complémentaire des témoins possibles du Canada

Le 28 octobre 2009

21

Exposé des précisions du Canada en réponse à l’exposé des précisions des Chefs

 

Le 28 octobre 2009

22

Exposé des précisions du Canada en réponse à l’exposé des précisions de la Commission

Le 28 octobre 2009

23

Rapport du témoin expert de la Commission, Frederick Wien, D. Ph.

Le 30 octobre 2009

24

Rapport du témoin expert des Chefs, July Finlay, D. Ph.

Le 30 octobre 2009

25

Résumé des arguments d’Amnistie

Le 30 octobre 2009

26

Sommaires des dépositions des témoins ordinaires de la Commission

Le 4 décembre 2009

27

Exposé des précisions modifié du Canada

Le 10 décembre 2009

28

Exposé des précisions modifié du Canada

Le 16 décembre 2009

29

Divulgation supplémentaire de la Commission

Le 17 décembre 2009

30

Avis de requête du Canada en vue du rejet de la plainte

Le 21 décembre 2009

31

Affidavit du témoin du Canada, Odette Johnston

Le 21 décembre 2009

32

Cahier de preuve documentaire de la Commission

Le 22 décembre 2009

33

Liste générale des témoins et sommaires des dépositions du Canada

Le 12 janvier 2010

34

Liste générale modifiée des témoins et sommaires des dépositions complémentaires du Canada

Le 1 février 2010

35

Affidavit du témoin de la Société, Elsie Flette

Le 12 février 2010

36

Pièce « A » jointe à l’affidavit du témoin de la Société, Elsie Flette : entente globale de financement entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et la Southeast Child and Family Services Inc., en date de mars 2007

Le 12 février 2010

37

Pièce « B » jointe à l’affidavit du témoin de la Société, Elsie Flette : lettres de représentants d’Affaires indiennes et du Nord Canada à divers organismes dispensant des services de protection de l’enfance dans les réserves concernant une vérification de la conformité; dates diverses.

 

Le 12 février 2010

38

Pièce « C » jointe à l’affidavit du témoin de la Société, Elsie Flette : lettres de représentants d’Affaires indiennes et du Nord Canada à divers organismes dispensant des services de protection de l’enfance dans les réserves, envoyées par suite de la vérification de la conformité; dates diverses.

Le 12 février 2010

39

Pièce « D » jointe à l’affidavit du témoin de la Société, Elsie Flette : lettre d’Affaires indiennes et du Nord Canada à Peguis Child and Family Services Inc. concernant la vérification de la conformité, en date du 9 décembre 2009.

Le 12 février 2010

40

Affidavit du témoin des Chefs, Tom Goff

Le 12 février 2010

41

Affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock

Le 12 février 2010

42

Pièce « A » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Journaux de la Chambre des communes, no 157, en date du vendredi 18 mai 2007

 

Le 12 février 2010

43

Pièce « B » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Rapport final de l’examen national mixte, en date de juin 2000

Le 12 février 2010

44

Pièce « C » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Bridging Econometrics and First Nations Child and Family Service Agency Funding: Phase One Report, en date de décembre 2004

Le 12 février 2010

45

Pièce « D » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour, en date de 2005

Le 12 février 2010

46

Pièce « E » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Wen:de : Nous poursuivons notre route, en date de 2005

Le 12 février 2010

47

Pièce « F » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Rapport de 2008 de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes 2008, chapitre 4, Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations – Affaires indiennes et du Nord Canada, en date de mai 2008

Le 12 février 2010

48

Pièce « G » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Fiche de renseignements sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations, en date d’octobre 2006

Le 12 février 2010

49

Pièce « H » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Notes d’allocution : Comité chargé des affaires intérieures, en date du 13 décembre 2004

Le 12 février 2010

50

Pièce « I » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Manuel national du Programme des services à l’enfance et à la famille des premières nations, en date de mai 2005

Le 12 février 2010

51

Pièce « J » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Q et R sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations (SEFPN), non daté

Le 12 février 2010

52

Pièce « K » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Établissement des coûts du nouveau mode de partenariat pour les SEFPN, en date des 25/26 juillet 2007

Le 12 février 2010

53

Pièce « L » jointe à l’affidavit du témoin de la Commission, Cindy Blackstock : Rapport du Comité permanent des comptes publics, en date de mars 2009

Le 12 février 2010

54

Dossier de requête et cahier de la jurisprudence du Canada

Le 5 mai 2010

55

Onglet 1 du dossier de requête du Canada : avis de requête en vue de l’obtention d’une ordonnance rejetant la plainte, en date du 21 décembre 2009

Le 5 mai 2010

56

Onglet 2 du dossier de requête du Canada : affidavit d’Odette Johnston, souscrit sous serment le 20 décembre 2009

Le 5 mai 2010

57

Onglet 3 du dossier de requête du Canada : affidavit de Cindy Blackstock, souscrit sous serment le 11 février 2010

Le 5 mai 2010

58

Onglet 3A du dossier de requête du Canada : pièce A – Journaux de la Chambre des communes, no 157, en date du vendredi 18 mai 2007

Le 5 mai 2010

59

Onglet 3B du dossier de requête du Canada : pièce I - Manuel national du Programme des services à l’enfance et à la famille des premières nations, en date de mai 2005

Le 5 mai 2010

60

Onglet 4 du dossier de requête du Canada : affidavit d’Elsie Flette, souscrit sous serment le 11 février 2010

Le 5 mai 2010

61

Onglet 4A du dossier de requête du Canada : pièce A - entente globale de financement entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et la Southeast Child and Family Services Inc., en date de mars 2007

Le 5 mai 2010

62

Onglet 5 du dossier de requête du Canada : affidavit de Tom Goff, souscrit sous serment le 12 février 2010

Le 5 mai 2010

63

Onglet 6 du dossier de requête du Canada : contre-interrogatoire d’Odette Johnston, en date du 26 février 2010

 

Le 5 mai 2010

64

Onglet 7 du dossier de requête du Canada : contre-interrogatoire de Cindy Blackstock, en date du 23 février 2010

Le 5 mai 2010

65

Onglet 7A du dossier de requête du Canada : pièce 2 – lettre de Richard Tardif à M. Michael Wernick, non datée, avec en pièce jointe le formulaire de plainte de la Commission des droits de la personne

Le 5 mai 2010

66

Onglet 8 du dossier de requête du Canada : contre‑interrogatoire de Tom Goff, en date du 25 février 2010

Le 5 mai 2010

67

Onglet 8A du dossier de requête du Canada : pièce 1 – Entente de 1965 sur le bien-être social

Le 5 mai 2010

68

Onglet 9 du dossier de requête du Canada : contre‑interrogatoire d’Elsie Flette, en date du 3 mars 2010

Le 5 mai 2010

69

Onglet 10 du dossier de requête du Canada : rapport d’évaluation de la Commission canadienne des droits de la personne, en date du 26 juin 2008

Le 5 mai 2010

70

Onglet 11 du dossier de requête du Canada : décision de la Commission canadienne des droits de la personne, en date du 30 septembre 2008

Le 5 mai 2010

71

Onglet 12 du dossier de requête du Canada : arguments écrits du Procureur général du Canada

Le 5 mai 2010

72

Dossier de requête de la Commission

Le 14 mai 2010

73

Onglet A du dossier de requête de la Commission : arguments de la Commission

Le 14 mai 2010

74

Arguments écrits de la Société

Le 14 mai 2010

75

Arguments écrits de l’APN

Le 14 mai 2010

76

Dossier de requête et cahier de la jurisprudence des plaignantes, la Société et l’APN

Le 14 mai 2010

77

Onglet 1 du dossier de requête de la plaignante : Canada (Procureur général) c. Société de soutien à l’enfance et à la famille et l’Assemblée des premières nations, non publié, 29 novembre 2009, T-1753-08

 

 

Le 14 mai 2010

78

Onglet 2 du dossier de requête de la plaignante : Canada (Procureur général) c. Société de soutien à l’enfance et à la famille et l’Assemblée des premières nations, 2010 CF 343

Le 14 mai 2010

79

Onglet 3 du dossier de requête de la plaignante : pièce « B » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Rapport final de l’examen national mixte, en date de juin 2000

Le 14 mai 2010

80

Onglet 4 du dossier de requête de la plaignante : pièce « C » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Bridging Econometrics and First Nations Child and Family Service Agency Funding: Phase One Report, en date de décembre 2004

Le 14 mai 2010

81

Onglet 5 du dossier de requête de la plaignante : pièce « D » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour, en date de 2005

 

 

Le 14 mai 2010

82

Onglet 6 du dossier de requête de la plaignante : pièce « E » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Wen:de : Nous poursuivons notre route, en date de 2005

Le 14 mai 2010

83

Onglet 7 du dossier de requête de la plaignante : pièce « F » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Rapport de 2008 de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes 2008, chapitre 4, Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations – Affaires indiennes et du Nord Canada, en date de mai 2008

Le 14 mai 2010

84

Onglet 8 du dossier de requête de la plaignante : pièce « G » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Fiche de renseignements sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations, en date d’octobre 2006

Le 14 mai 2010

85

Onglet 9 du dossier de requête de la plaignante : pièce « H » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Notes d’allocution : Comité chargé des affaires intérieures, en date du 13 décembre 2004

Le 14 mai 2010

86

Onglet 10 du dossier de requête de la plaignante : pièce « J » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock: Q et R sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations (SEFPN), non daté

Le 14 mai 2010

87

Onglet 11 du dossier de requête de la plaignante : pièce « K » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock: Établissement des coûts du nouveau mode de partenariat pour les SEFPN, en date des 25/26 juillet 2007

Le 14 mai 2010

88

Onglet 12 du dossier de requête de la plaignante : pièce « L » jointe à l’affidavit de Cindy Blackstock : Rapport du Comité permanent des comptes publics, en date de mars 2009

Le 14 mai 2010

89

Onglet 13 du dossier de requête de la plaignante : pièce « B » jointe à l’affidavit d’Elsie Flette : lettres de représentants d’Affaires indiennes et du Nord Canada à divers organismes dispensant des services de protection de l’enfance dans les réserves concernant une vérification de la conformité; dates diverses.

Le 14 mai 2010

90

Onglet 14 du dossier de requête des plaignantes : pièce « C » jointe à l’affidavit d’Elsie Flette : lettres de représentants d’Affaires indiennes et du Nord Canada à divers organismes dispensant des services de protection de l’enfance dans les réserves, envoyées par suite de la vérification de la conformité; dates diverses.

Le 14 mai 2010

91

Onglet 15 du dossier de requête des plaignantes : pièce « D » jointe à l’affidavit d’Elsie Flette : lettre d’Affaires indiennes et du Nord Canada à Peguis Child and Family Services Inc. concernant la vérification de la conformité, en date du 9 décembre 2009.

Le 14 mai 2010

92

Onglet 16 du dossier de requête des plaignantes : pièce 1 jointe au contre-interrogatoire de Cindy Blackstock, D. Ph., – lettre de Mary Polak et George Abbott à Chuck Strahl, en date du 17 novembre 2009, et lettre du ministre Strahl aux ministres Polak et Abbot, en date du 21 janvier 2010

Le 14 mai 2010

93

Dossier de requête et cahier de la jurisprudence des Chefs

Le 14 mai 2010

94

Onglet 1 du dossier de requête des Chefs : arguments écrits

Le 14 mai 2010

95

Onglet 2 du dossier de requête des Chefs : affidavit de Tom Goff, souscrit sous serment le 12 février 2010

 

Le 14 mai 2010

96

Onglet 3 du dossier de requête des Chefs : protocole d’entente sur les programmes d’aide sociale pour les Indiens de 1965.  

Le 14 mai 2010

97

Onglet 4 du dossier de requête des Chefs : contre‑interrogatoire de Tom Goff, en date du 25 février 2010

Le 14 mai 2010

98

 Onglet 5 du dossier de requête des Chefs : affidavit de Cindy Blackstock, D. Ph., souscrit sous serment le 11 février 2010

Le 14 mai 2010

99

Exposé des faits et du droit et cahier de la jurisprudence d’Amnistie

Le 14 mai 2010

100

Observations en réplique et cahier de la jurisprudence du Canada

Le 25 mai 2010

101

Document supplémentaire d’Amnistie : discours du Trône de 2010, en date du 3 mars 2010

Le 3 juin 2010

102

Documents supplémentaires de la Société : lettre de Paul Champ à Nicole Bacon, fonctionnaire du greffe, en date du 30 décembre 2009, et lettre de Guy Grégoire, directeur, Activités du greffe, aux parties nommées au dossier, en date du 21 janvier 2010

Le 3 juin 2010

103

Arguments supplémentaires du Canada concernant la requête en rejet de la plainte et l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau‑Brunswick (Min. du Développement social), 2010 NBCA 40

Le 16 août 2010

104

Arguments de la Société en réponse à la requête en rejet de la plainte concernant l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau‑Brunswick (Min. du Développement social)

Le 23 août 2010

105

Arguments de la Commission en réponse à la requête en rejet de la plainte concernant l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau‑Brunswick (Min. du Développement social) et jurisprudence

Le 23 août 2010

106

Arguments de l’APN en réponse à la requête en rejet de la plainte concernant l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau‑Brunswick (Min. du Développement social) et jurisprudence

Le 23 août 2010

107

Courriel des Chefs à l’appui des arguments de la Société et de la Commission concernant la requête en rejet de la plainte et l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau‑Brunswick c. Province du Nouveau-Brunswick (Min. du Développement social)

Le 23 août 2010

108

Courriel d’Amnistie à l’appui des arguments de la Société et de la Commission concernant la requête en rejet de la plainte et l’affaire Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick c. Province du Nouveau-Brunswick (Min. du Développement social)

Le 24 août 2010

109

Rapport du témoin expert du Canada établi par KPMG

Le 15 septembre 2010

110

Arguments supplémentaires du Canada concernant la requête en rejet de la plainte et les affaires NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto, 2010 CSC 46 et jurisprudence

Le 9 décembre 2010

111

Arguments supplémentaires de l’APN concernant l’appui du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et cahier de la jurisprudence

Le 9 décembre 2010

112

Arguments du Canada en réponse aux arguments supplémentaires de l’APN concernant l’appui du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et jurisprudence

Le 17 décembre 2010

113

Arguments de l’APN en réponse aux arguments supplémentaires du Canada concernant la requête en rejet de la plainte et les affaires NIL/TU,O Child and Family Services Société c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto, 2010 CSC 46 et jurisprudence

Le 17 décembre 2010

114

Arguments de la Société en réponse aux arguments présentés par le Canada et l’APN concernant les arrêts NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto et l’appui du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Le 17 décembre 2010

115

Arguments de la Commission en réponse aux arguments présentés par le Canada et l’APN concernant les arrêts NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto et l’appui du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Le 17 décembre 2010

116

Courriel des Chefs à l'appui des arguments de l'APN concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que des arguments de la Société et de la Commission concernant les arrêts NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees' Union et Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto

Le 17 décembre 2010

117

Observations du Canada en réplique concernant les arrêts NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto et jurisprudence

Le 23 décembre 2010

118

Observations de l’APN en réplique aux arguments du Canada concernant l’appui du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Le 23 décembre 2010

 

 

 

 

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