Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Leslie Palm

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

International Longshore and Warehouse Union, Section Locale 500,

Richard Wilkinson et Cliff Willicome

les intimés

Décision sur requête

Membre : Susheel Gupta

Date : Le 2 janvier 2013

Référence : 2013 TCDP 1

 



[1]               Mme Leslie Palm (la plaignante) soutient que la section locale 500 de l’International Longshore and Warehouse Union (le Syndicat) a fait preuve de discrimination et de harcèlement envers elle du fait de son sexe, au sens des articles 9, 10 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi). La plaignante soutient par ailleurs que MM. Cliff Willicome et Richard Wilkinson l’ont harcelée du fait de son sexe, ce qui contrevient à l’article 14 de la Loi (le Syndicat et MM. Willicome et Wilkinson sont appelés collectivement ci-après les « intimés »).

[2]               La décision sur requête qui suit a trait à une demande des intimés en vue d’obtenir un subpœna duces tecum de même que d’autres précisions.

I.                   Le contexte

[3]               La plaignante soutient que la conduite discriminatoire reprochée a eu une incidence sur son bien-être, et la mesure de redressement qu’elle souhaite obtenir du Tribunal comprend : 712,64 $ pour des médicaments, 56 029,15 $ pour une perte de salaire, 28 117,98 $ pour des services de consultants, ainsi que 20 000 $ pour préjudice moral. Dans la liste des documents pertinents qu’elle a présentée à l’appui de ses plaintes, la plaignante a revendiqué un privilège à l’égard des [traduction] « notes médicales » et des [traduction] « notes financières ». Par la voie d’une requête, les intimés ont demandé que la plaignante communique des documents se rapportant à ses prétentions de nature médicale et financière. À cet égard, dans une décision sur requête datée du 24 mai 2012, le Tribunal a ordonné :

[traduction] 

1. Mme Palm est tenue de remettre aux intimés une liste contenant les noms et les adresses de tous les spécialistes des soins de santé qu’elle a consultés pour des symptômes ou des traitements liés à l’anxiété, la dépression, le stress, l’insomnie ou d’autres problèmes de santé dont elle impute la responsabilité aux intimés, et ce, au plus tard dans les six semaines suivant la date de la présente décision.

2. Mme Palm est tenue d’obtenir et de remettre aux intimés tous les documents de nature médicale, y compris les notes d’étude clinique, les opinions, les rapports de consultation, les analyses, les résultats de tests, les résultats d’examens de laboratoire ainsi que les autres informations, sous forme imprimée ou électronique, qui se trouvent en la possession ou sous la garde des spécialistes des soins de santé et qui se rapportent aux symptômes ou aux traitements liés à l’anxiété, la dépression, le stress, l’insomnie ou les autres problèmes de santé que la plaignante a mentionnés et dont elle impute la responsabilité aux intimés. Ces documents doivent être remis aux intimés au plus tard dans les six semaines suivant la date de la présente décision.

3. Pour protéger le droit de Mme Palm à la confidentialité de ses dossiers médicaux, les documents doivent être communiqués aux avocates des intimés et ils ne peuvent être transmis à nulle autre personne sans en avoir obtenu l’autorisation du Tribunal et avisé Mme Palm au préalable. Il est interdit d’utiliser les documents à des fins autres que celles de la présente instruction et, à la conclusion de cette dernière, les documents doivent être restitués à la plaignante.

4. Mme Palm est tenue de remettre aux intimés tous les documents en sa possession qui ont trait aux sommes qu’elle demande pour la perte de salaire, les médicaments, les services de consultants ou le préjudice moral, et ce, au plus tard dans les six semaines suivant la date de la présente décision.

(Leslie Palm c. International Longshore and Warehouse Union, Local 500, Richard Wilkinson and Cliff Willicome, 2012 CHRT 11, paragraphe 19 [Palm])

[4]               La plaignante ne s’est pas conformée à l’ordonnance du Tribunal du 24 mai 2012.

[5]               Le Tribunal a tenu une conférence téléphonique de gestion d’instance le 24 septembre 2012 en vue de discuter de la question. La plaignante a expliqué qu’il lui avait été impossible de se conformer à l’ordonnance du Tribunal du 24 mai 2012 parce qu’elle avait été prise par d’autres faits survenus dans sa vie et que ses médecins et elle ne savaient pas très bien ce qui était exigé dans l’ordonnance. Le Tribunal a clarifié les exigences énoncées aux paragraphes 1, 2 et 4 de l’ordonnance mentionnés ci-dessus, et la plaignante a reconnu qu’elle comprenait ce que l’on exigeait d’elle. Elle a déclaré qu’elle serait en mesure de répondre et de se conformer entièrement à l’ordonnance et de fournir les documents requis directement aux avocates des intimés d’ici le 9 octobre 2012.

[6]               Le 9 octobre 2012, la plaignante a transmis des documents aux avocates des intimés conformément à l’ordonnance du Tribunal datée le 24 mai 2012. Dans sa lettre d’accompagnement, elle a écrit :

[traduction] Vous trouverez ci-joints les renseignements médicaux me concernant qu’il m’a été possible d’obtenir, ainsi que mes informations financières à jour.

Pour ce qui est des notes cliniques de mon psychologue que vous avez demandées, […] après consultation et examen de l’entente de confidentialité que j’ai signée, ces notes ne m’ont pas été fournies.

[7]               Le 11 octobre 2012, les intimés ont déposé une demande de subpœna duces tecum afin que les médecins de la plaignante comparaissent et produisent des documents devant le Tribunal. Selon les intimés, la plaignante a bel et bien fourni un certain nombre de documents médicaux, mais elle ne s’est pas conformée à l’ordonnance du Tribunal du 24 mai 2012. Ils demandent également d’autres précisions sur les frais de [traduction] « consultant » de la plaignante.

II.                Le Subpoena Duces Tecum

[8]               Selon les intimés, bien que la plaignante ait indiqué les noms et les adresses de trois médecins en rapport avec les allégations formulées dans sa plainte (les Drs Mehraein, Fung et Schultz), elle n’a produit que des documents extraits du dossier de l’un d’entre eux  (Dr Mehraein). Les intimés se disent donc qu’ils n’ont pas reçu tous les documents pertinents, conformément à l’ordonnance du Tribunal du 24 mai 2012. Ils ajoutent que le dossier du Dr Mehraein comporte une liste de [traduction] « problèmes récents » datée du 2 août 2012, dans laquelle figure la [traduction] « dépression », mais les notes du dossier qui ont été communiquées prennent fin le 3 mars 2011, ce qui donne à penser, selon les intimés, que la communication des dossiers pertinents du Dr Mehraein est incomplète. Ils indiquent aussi que, d’après les notes du Dr Mehraein, ce dernier fournira une note de retour au travail (2 avril 2009), mais aucune note de cette nature n’a été communiquée. La plaignante ne s’étant pas conformée à l’ordonnance du Tribunal du 24 mai 2012, les intimés demandent à ce dernier de délivrer un subpœna duces tecum afin que les médecins comparaissent et produisent des documents.

[9]               La plaignante est d’avis qu’elle s’est conformée à l’ordonnance du Tribunal et qu’elle a communiqué les documents médicaux requis. Comme elle l’a expliqué dans sa lettre d’accompagnement du 9 octobre 2012, les documents médicaux du Dr Schultz ne lui ont pas été fournis à cause de l’existence d’une entente de confidentialité. La plaignante ne s’oppose pas à ce que l’on délivre un subpœna à cet égard. Elle ne s’oppose pas non plus à ce que l’on procède de la même façon pour les dossiers du Dr Fung, quoiqu’elle dise avoir communiqué aux intimés tous les documents pertinents à cet égard. Quant à la note de retour au travail dont les intimés font état, elle soutient que le dossier médical qui leur a été communiqué indique que cette note ne lui a pas été fournie car il fallait obtenir des informations additionnelles.

[10]           Un subpœna duces tecum a pour but de citer un témoin à comparaître devant le Tribunal et à produire des documents qu’il a en sa possession. Aux termes de l’alinéa 50(3)a) de la Loi, le Tribunal peut, au même titre qu’une cour supérieure d’archives, contraindre des témoins à produire les pièces qu’il juge indispensables à l’examen complet de la plainte. Pour que des pièces soient indispensables à l’examen complet de la plainte, il doit y avoir un lien entre les renseignements ou les documents demandés et les questions en litige. Dans Palm, j’ai conclu que la plaignante avait mis son état de santé en cause dans la présente affaire et qu’il était nécessaire de produire des renseignements médicaux pertinents de façon à permettre aux intimés de répondre convenablement aux allégations relatives aux effets de la présumée discrimination sur le bien-être de la plaignante (voir Palm, aux paragraphes 13 et 19).

[11]           Comme la plaignante n’a pas pu obtenir du Dr Schultz les dossiers médicaux la concernant, un subpœna semble être la seule façon de contraindre à produire ces documents pertinents. Par ailleurs, comme la plaignante ne s’oppose pas à la délivrance d’un subpœna pour ce qui est des documents que détiennent les Drs Mehraein et Fung, je crois que le fait de procéder de cette manière garantira la production de tous les documents pertinents et permettra aux parties de dépasser le stade de la divulgation dans le cadre de la présente instance.

[12]           En conséquence, le Tribunal délivrera un subpœna duces tecum au Dr Mehraein, au Dr Fung et au Dr Schultz afin qu’ils comparaissent devant le Tribunal et produisent aux intimés les documents suivants :

Tous les documents médicaux concernant Mme Leslie Palm, y compris les notes d’études cliniques, opinions, rapports de consultation, analyses, résultats de tests, résultats d’examens de laboratoire et autres informations, sous forme imprimée ou électronique, qui se rapportent à tout symptôme ou à tout traitement lié à l’anxiété, à la dépression, au stress ou à l’insomnie.

[13]           Pour protéger la confidentialité des dossiers médicaux, les documents ne seront communiqués qu’à la plaignante et aux avocates des intimés et à nulle autre personne sans l’autorisation préalable du Tribunal. Il sera interdit d’utiliser les documents à des fins autres que celles de la présente instruction et, à la conclusion de cette dernière, ils devront être restitués au médecin qui les aura communiqués.

[14]           Une conférence téléphonique de gestion d’instance aura lieu pour fixer une date mutuellement acceptable à laquelle les médecins comparaîtront devant le Tribunal, ainsi que pour discuter des autres détails du subpœna.

[15]           Une fois que les subpœnas seront délivrés, il serait bon que les intimés tentent d’obtenir les documents médicaux de manière informelle, ce qui évitera d’avoir à contraindre les médecins à comparaitre devant le Tribunal. Cela permettra aux parties, au Tribunal et aux médecins d’économiser la dépense additionnelle de temps et de ressources que représente la tenue d’une audience et de permettre le déroulement de l’instance da façon expéditive.

III.             La demande d’autres précisions

[16]           Pour ce qui est du paragraphe 4 de l’ordonnance qui est cité plus tôt, les intimés soutiennent que la plaignante n’a fourni aucun document concernant ses dépenses de médicaments et, ajoutent-ils, elle a produit une feuille de demande financière à jour dans le cadre de sa communication, qui comporte maintenant une demande majorée de 35 598,06 $ au titre des [traduction] « consultants » (par opposition à la demande antérieure de 28 117,98 $). La plaignante a produit un certain nombre de factures de cabinets juridiques et de consultants, mais elle en a expurgé la description des services fournis. Selon les intimés, la plaignante n’a toujours pas précisé pourquoi elle a retenu les services des cabinets juridiques et d’autres consultants, ni le lien qu’il peut y avoir entre ces dépenses et la plainte. Ils sollicitent donc une ordonnance obligeant à fournir d’autres précisions sur la demande relative aux dépenses de [traduction] « consultant » de la plaignante.

[17]           En ce qui concerne les demandes relatives aux médicaments, la plaignante soutient qu’elle attend de recevoir un état imprimé. Pour ce qui est des dépenses relatives aux consultants, elle soutient avoir fourni les factures et les états applicables. Et, ajoute-t-elle, tous les factures et tous les états des avocats et des consultants constituent des frais directs qui résultent de sa plainte relative aux droits de la personne, comme il est indiqué dans les factures. Plus précisément, déclare-t-elle : [traduction] « Ces frais ont été engagés dans le cadre de l’instruction de la présente plainte et du processus en cours […] ». Selon elle, la demande financière à jour comprend les frais encourus à ce jour, lesquels continueront d’augmenter tout au long de l’instance.

[18]           Dans Palm, j’ai conclu que les documents que détenait la plaignante à propos de ses demandes concernant les frais de médiation et de consultation étaient pertinents et qu’il fallait les communiquer (Palm, au paragraphe 15), et une ordonnance a été rendue à cet égard (Palm, au par. 19). La plaignante n’a pas encore produit de documents concernant sa demande relative aux frais de médicaments, mais elle a indiqué qu’ils seront fournis sous peu. Vu l’engagement que la plaignante a pris, je donnerai à cette dernière jusqu’au 1er février 2013 pour se conformer à l’ordonnance antérieure du Tribunal. Je tiens toutefois à souligner que les délais que fixe le Tribunal sont impératifs (paragraphe 1(5) des Règles de procédure (03-05-04) du Tribunal) et qu’un document non divulgué et produit ne peut pas être produit en preuve à l’audience (alinéa 9(3)c) des Règles de procédure (03-05-04) du Tribunal) sans l’autorisation du Tribunal. Autrement dit, si la plaignante n’effectue pas les communications requises, elle s’expose au risque que le Tribunal n’accepte pas ces preuves à l’audience.

[19]           Pour ce qui est des dépenses relatives aux consultants, en réponse à la récente demande d’autres précisions la plaignante a expliqué pour quelle raison elle avait retenu les services des cabinets juridiques et d’autres consultants et le lien qu’il y avait entre ces dépenses et sa plainte. Cependant, elle n’a pas expliqué pourquoi certains passages des factures et des états qu’elle a communiqués avaient été expurgés. Elle n’a pas non plus revendiqué une forme quelconque de confidentialité ou de privilège en rapport avec ces documents. Je lui ordonne donc de produire des copies non expurgées des factures et des états liés à sa demande relative aux dépenses de consultants ou, subsidiairement, d’expliquer les passages expurgés. La plaignante est tenue de se conformer à la présente ordonnance d’ici le 1er février 2013.

[20]           Dans la mesure où la présente demande de communication vise peut-être à obtenir des factures d’avocats concernant des frais juridiques, je renvoie les parties à l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 [Mowat][1], dans lequel la Cour suprême du Canada déclare :

À notre avis, il appert nettement du texte de la loi, de son contexte et de son objet que le Tribunal ne possède pas le pouvoir d’adjuger des dépens […]

(Mowat, au paragraphe 64)

 

 

 

 

Signée par

Susheel Gupta

Président du tribunal par intérim

Ottawa (Ontario)

Le 2 janvier 2013

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1625/17110, T1626/17210, T1627/17310

Intitulé de la cause : Leslie Palm c. International Longshore and Warehouse Union, section locale 500, Richard Wilkinson et Cliff Willicome

Date de la décision du tribunal : Le 2 janvier 2013

Comparutions :

Leslie Palm, pour la plaignante

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Joanna Gislason et Lindsay Watson, pour les intimés



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