Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Micheline Montreuil

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Forces canadiennes

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Pierre Deschamps

Date : Le 25 octobre 2007

Référence : 2007 TCDP 46

[1] Le 17 octobre 2007, en matinée, dans le cours de l’interrogatoire du Dr. Christiane Dufour, le Président du Tribunal a pu observer, vers 10.35 heures, que Me Montreuil, la plaignante, semblait dormir dans son fauteuil.  Par un geste de la main, le Président du Tribunal a indiqué au procureur de l’intimée d’interrompre son interrogatoire du Dr. Dufour.  Le Président du Tribunal a pu alors observer pendant 20 minutes Me Montreuil dormir, la tête inclinée sur sa poitrine.  Durant cette période de 20 minutes, aucune des personnes présentes dans la salle d’audience, soit le Président du Tribunal, le greffier, les deux procureurs de l’intimée, la procureure de la Commission et le témoin n’ont fait le moindre bruit, observant un silence complet.  Ce n’est que vers 10.55 heures que Me Montreuil est finalement sortie de son sommeil.

[2] [2] Le Président du Tribunal a alors fait savoir à Me Montreuil qu’elle avait dormi pendant une période de 20 minutes et que durant tout ce temps, le Président du Tribunal ainsi que les autres personnes présentes dans la salle d’audience avaient pu observer ce fait.  Du reste, l’enregistrement audio qui ne fut pas arrêté durant cette période de 20 minutes démontre qu’aucune parole ne fut prononcée durant cette période de temps dans la salle d’audience.  Le Président du Tribunal a, par ailleurs, indiqué à Me Montreuil qu’elle ne serait pas autorisée à contre-interroger le Dr. Dufour, son absence mentale durant l’interrogatoire de celle-ci ne lui permettant pas de suivre adéquatement le témoignage de cette dernière et de mener un contre-interrogatoire efficace.  Le Tribunal a alors indiqué aux parties qu’il motiverait sa décision.

[3] Quelques vingt minutes après la reprise de l’audience, le Président du Tribunal a noté que Me Montreuil somnolait.  Le Président du Tribunal a de nouveau interrompu le témoignage du Dr. Dufour pour signifier à Me Montreuil qu’elle avait un comportement inacceptable.  Me Montreuil a alors expliqué son état de torpeur par le fait qu’elle n’avait pas dormi depuis près de 28 heures, ayant à préparer des documents pour la présente instance, des examens pour ses étudiants, etc.  En outre, Me Montreuil a précisé que la voix excessivement douce du témoin avait sur elle un effet soporiphique.

[4] Le Président du Tribunal a alors rappelé à Me Montreuil que la salle d’audience n’était pas un dortoir et qu’il était inacceptable pour un procureur de ne pas être attentif aux débats qui ont cours dans une salle d’audience et à l’interrogatoire d’un témoin qu’elle est appelée à contre-interroger.  Le Président du Tribunal a alors exigé de Me Montreuil qu’elle choisisse entre être totalement présente devant le Tribunal ou s’excuser pour aller se reposer à l’extérieur de la salle d’audience.  Me Montreuil a alors décidé de quitter la salle d’audience.

[5] Dans l’après-midi du 17 octobre, le Tribunal a pu observer que Me Montreuil n’était pas présente à la reprise de l’audience pour la poursuite de l’interrogatoire du Dr. Dufour.  Me Montreuil était toutefois présente lors de la reprise de l’audience après la pause de l’après-midi.

[6] Il va sans dire que, dans le cadre d’une audience, tant la présence physique que la présence en esprit d’un procureur, est requise si celui-ci est appelé à procéder au contre-interrogatoire d’un témoin.  Le fait pour un procureur, qui est également une partie, de dormir en cours d’audience est une conduite irrespectueuse tant en ce qui concerne le Tribunal qu’en ce qui concerne le témoin, les confrères, leur client et l’administration de la justice.  Il est, en fait, inacceptable qu’un membre du Barreau ait un comportement aussi désobligeant et irrespectueux que celui qu’a eu Me Montreuil.

[7] En tant que membre du Barreau, Me Montreuil doit connaître le décorum qu’il importe de maintenir devant un Tribunal, quel qu’il soit.  Les raisons formulées ex post facto par Me Montreuil pour expliquer sa conduite ne tiennent pas la route.  Ses multiples activités professionnelles ne peuvent d’aucune façon justifier une conduite aussi irrévérencieuse et irrespectueuse que celle qu’elle a eue devant le Tribunal.  La conduite qu’elle a eue, dans la matinée du 17 octobre 2007, a, de l’avis du Tribunal, compromis son habileté à exercer ses fonctions d’avocat, du moins en ce qui a trait au contre-interrogatoire du Dr. Dufour.

[8] En conséquence, considérant que Me Montreuil n’a pas démontré que lors de l’audience du 17 octobre 2007 en matinée, elle suivait de façon attentive le témoignage du Dr. Dufour, témoin de l’intimée, de manière à pouvoir, en temps opportun, mener un contre-interrogatoire pertinent et efficace mais qu’au contraire, elle était dans un état qui l’empêchait, à toute fin utile, de suivre le témoignage du Dr. Dufour et d’en saisir la teneur, le Tribunal retire à Me Montreuil son droit de contre-interroger le Dr. Dufour.  Seule la procureure de la Commission est autorisée à contre-interroger le Dr. Dufour.

Signée par

Pierre Deschamps
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 25 octobre 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1047/2805

Intitulé de la cause : Micheline Montreuil c. Les Forces canadiennes

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 25 octobre 2007

Comparutions :

Micheline Montreuil, pour elle même

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Guy Lamb et Claude Morissette, pour l'intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.