Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Guy Willoughby

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Société canadienne des postes

l'intimée

Décision

Membre : Julie C. Lloyd

Date : Le 26 octobre 2007

Référence : 2007 TCDP 45

Table des matières

I. Introduction

II. Les questions en litige

III. La preuve

A. La preuve du plaignant

B. La preuve de l’intimée

IV. Analyse

A. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie que la SCP a commis un acte discriminatoire fondé sur sa déficience?

(i) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la première allégation : le fait d’avoir continué l’affectation de M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30 en mars 2002?

(ii) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la deuxième allégation : la décision de la SCP, en avril 2002, de ne pas continuer d’employer M. Willoughby?

(iii) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la deuxième allégation : la décision de la SCP, en février 2003, de ne pas continuer d’employer M. Willoughby?

B. La SCP peut-elle justifier les actes discriminatoires qui ont été établis prima facie?

(i)La SCP est-elle capable de justifier sa décision de continuer à affecter M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30 en mars 2002.

(ii) La SCP est-elle capable de justifier sa décision de ne pas continuer employer M. Willoughby en avril 2002?

(a) La SCP était-elle sensible aux habiletés, aux capacités et aux contributions possibles de M. Willoughby?

(b) La SCP a-t-elle examiné attentivement d’autres approches en matière d’adaptation aux besoins de M. Willoughby?

(c) La SCP a-t-elle cherché de façon adéquate un emploi de substitution?

(d) La SCP a-t-elle été suffisamment souple et créative?

(e) La SCP a-t-elle démontré que le fait d’offrir un accommodement à M. Willoughby aurait constitué une contrainte excessive?

(iii) La SCP a-t-elle démontré que sa décision de refuser de continuer à employer M. Willoughby en février 2003 était justifiée?

(iv) La conclusion au sujet des actes discriminatoires

V. Redressements

A. Indemnité pour pertes de salaire

B. Indemnité pour préjudice moral

C. Indemnité spéciale

D. Frais juridiques

E. Intérêts

F. Déclaration de compétence

I. Introduction

[1] Le plaignant, Guy Willoughby, soutient que son employeur, la Société canadienne des postes (SCP), a fait preuve de discrimination à son égard en raison de ses déficiences, tant physiques que mentales, en contravention avec l’alinéa 7a) et/ou 7b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Il soutient que la SCP a commis des actes discriminatoires, d’abord en l’affectant à un quart de travail de 3 h 30 à 11 h 30 vers le 12 mars 2002, malgré la directive médicale selon laquelle il devait travailler pendant un quart régulier de jour. Il ajoute que la SCP a commis un autre acte discriminatoire en refusant de continuer à l’employer vers le 12 avril 2002 et vers le 14 février 2003 en raison de ses déficiences.

[2] L’audience a duré 5 jours en mai 2007. Tant le plaignant que l’intimée ont participé à l’audience et étaient représentés par des conseillers juridiques. La Commission canadienne des droits de la personne n’a pas participé.

II. Les questions en litige

[3] Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes :

  1. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie que la SCP a commis un acte discriminatoire en l’obligeant à respecter le quart de travail de 3 h 30 à 11 h 30 qui lui avait été assigné, malgré le fait qu’une des mises en garde médicales énumérées par son médecin portait sur le fait qu’il ne devait travailler que pendant un quart de travail régulier de jour?
  2. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie que la SCP a commis un acte discriminatoire en refusant de continuer à l’employer vers le 12 avril 2002 en raison de ses déficiences?
  3. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie que la SCP a commis un acte discriminatoire en refusant de continuer à l’employer vers le 14 février 2003 en raison de ses déficiences?
  4. Si le plaignant a établi une preuve prima facie au sujet de la discrimination pour l’une ou pour la totalité des allégations précédentes, l’intimée a-t-elle démontré que la ou les décisions découlaient d’une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 15 de la LCDP?
  5. S’il est conclu qu’une ou plus d’une des plaintes étaient bien des actes discriminatoires qui contreviennent à la LCDP, quelles sont les mesures de redressement appropriées?

III. La preuve

A. La preuve du plaignant

[4] M. Willoughby a commencé son emploi au sein de la SCP en avril 1977. Il était livreur de service postal pendant environ 13 ans et, en 1990, il a été promu au poste de surveillant des facteurs. Il a cessé de travailler à la SCP le 15 avril 2002.

[5] À l’automne 1997, M. Willoughby travaillait comme surveillant des facteurs au dépôt 11 et on l’a affecté au quart de travail qui débutait à 3 h 30 et se terminait à 11 h 30. Il a commencé à avoir de la difficulté à effectuer son travail et il est allé voir son médecin pour obtenir une évaluation médicale. Le médecin de M. Willoughby a avisé la SCP que son patient souffrait d’une blessure aux genoux et que, pour cette raison, M. Willoughby ne devait pas marcher, se tenir debout ou soulever des choses de façon excessive. Le médecin a aussi avisé que M. Willoughby souffrait d’un trouble du sommeil et qu’il devait travailler de façon régulière pendant la journée et ne devait pas être affecté au quart de travail de 3 h 30.

[6] Après quelques semaines, la SCP a respecté les restrictions médicales de M. Willoughby. On lui a donné un quart de travail de jour à titre de surveillant d’équipe dans le Centre de réexpédition du courrier (CRC). Plusieurs témoins de la SCP ont décrit le CRC comme une unité de réhabilitation puisque tous les employés qui y travaillaient avaient des restrictions de travail permanentes et avaient besoin de mesures d’accommodement. Les employés de l’unité traitaient et triaient le courrier qui devait être réacheminé pour les clients qui avaient envoyé un avis de changement d’adresse. Les emplois au CRC étaient principalement sédentaires, ce qui convenait aux employés à mobilité réduite. Le poste de M. Willoughby dans cette unité était considéré comme permanent.

[7] Au printemps 2000, le CRC a été dissolu. Les employés de l’unité qui n’avaient pas des postes de surveillant ont été réaffectés aux dépôts et ont poursuivi leurs tâches dans ces dépôts plutôt que dans un lieu central. Comme ces employés relevaient des surveillants qui travaillaient déjà dans les dépôts, le poste de surveillant de M. Willoughby est devenu excédentaire.

[8] Après la dissolution du CRC, M. Willoughby a été affecté à un projet administratif pendant quelques semaines, pour lequel il travaillait de jour. À la fin de ce projet, il a été réaffecté au bureau de la formation, toujours pendant un quart de travail de jour. Ses tâches au bureau de la formation consistaient à affecter des employés aux postes à doter. À l’époque, les postes à doter étaient affichés dans les différents dépôts de la SCP et tout employé qui souhaitait obtenir un poste particulier présentait sa candidature. Les postes étaient dotés en fonction de l’ancienneté et M. Willoughby avait pour tâche de doter les postes en y affectant le candidat qui avait le plus d’ancienneté.

[9] M. Willoughby a témoigné qu’on ne l’avait pas consulté avant de lui donner ce poste. Il a expliqué qu’il trouvait le travail difficile et qu’il ne convenait ni à son expérience ni à ses capacités. Il a reconnu qu’il avait fait de nombreuses erreurs. Il a témoigné que sa charge de travail était extrêmement lourde et qu’il devait travailler de longues heures. M. Willoughby a ajouté qu’il avait avisé ses supérieurs qu’il croyait que son piètre rendement de travail était causé par de la dyslexie. Un grand nombre de ses erreurs découlait du fait qu’il transposait les chiffres des dates d’entrée en fonction, dates qui définissaient l’ancienneté des employés. M. Willoughby n’a jamais fait l’objet d’un diagnostic de dyslexie, mais le trouble était commun chez les membres de sa famille. La dyslexie est un trouble d’apprentissage qui se manifeste habituellement, chez des personnes qui ont une intelligence au moins moyenne, par des difficultés à lire et à écrire.

[10] Le superviseur du bureau de la formation a rendu une évaluation négative au sujet du rendement de travail de M. Willoughby en avril 2001. On a demandé à M. Willoughby de subir une évaluation médicale. Il a consulté le Dr Dodd, son médecin de famille généraliste. Dans une lettre datée du 7 avril 2001, le Dr Dodd a déclaré que M. Willoughby souffrait peut-être de dyslexie et a recommandé qu’il soit examiné à l’hôpital Glenrose à Edmonton (Alberta).

[11] Le Dr Dodd a écrit une autre lettre à la SCP le 19 juillet 2001. Le docteur déclarait que M. Willoughby n’avait pas été examiné à l’hôpital Glenrose, en partie en raison des coûts d’un tel examen et en partie parce que M. Willoughby lui avait dit que ses problèmes de rendement étaient résolus. Il lui avait aussi expliqué que ces problèmes avaient été causés par le stress et la fatigue découlant de l’apprentissage d’une nouvelle fonction, et non par la dyslexie.

[12] En juillet ou en août 2001, on a retiré M. Willoughby de son poste au bureau de la formation et il a été réaffecté à son poste de surveillant au dépôt 11. Il a été affecté au quart de travail de 3 h 30 à 11 h 30, soit le quart de travail qu’il avait avant que la directive médicale soit rendue en 1997, selon laquelle ce quart de travail ne convenait pas à son état de santé. M. Willoughby a témoigné que, même s’il savait que ce poste ne respectait pas ses restrictions médicales, il croyait que s’il n’acceptait pas ce poste, il perdrait son travail.

[13] Presque immédiatement à son retour au poste au dépôt 11, le rendement de travail de M. Willoughby est devenu très faible. Il a témoigné que les exigences physiques de son poste et que le retour au quart de travail de nuit avaient causé une détérioration rapide de sa santé, tant mentale que physique, et que par conséquent, son rendement de travail en avait souffert. Il a ajouté qu’il avait eu une réunion avec sa superviseure, Mme Sample, en janvier 2002. Mme Sample avait sollicité la rencontre afin de discuter de ses inquiétudes au sujet du rendement de M. Willoughby. Il a témoigné qu’il avait alors expliqué à sa superviseure qu’il consultait un psychologue et qu’il avait fait l’objet d’un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Il croyait que ce syndrome pouvait causer des problèmes en ce qui a trait à son rendement. La SCP a demandé à M. Willoughby d’obtenir un nouveau rapport médical.

[14] La psychologue de M. Willoughby, Mme Aprile Flickenger, a écrit à la SCP en janvier 2002. Elle a confirmé que M. Willoughby souffrait du SSPT et a déclaré qu’il faisait des progrès grâce aux traitements qu’il suivait auprès d’elle. La psychologue a soutenu que les symptômes dont M. Willoughby souffrait rendaient difficile sa routine quotidienne. En particulier, M. Willoughby souffrait de cauchemars et d’autres troubles du sommeil. Il avait aussi des flashbacks au sujet d’événements traumatisants qu’il avait vécus. La psychologue a expliqué que M. Willoughby souffrait aussi, entre autres, de sentiments d’isolement, d’une faible estime de lui-même et parfois, de paranoïa. Mme Flickenger a précisé que ces symptômes étaient aggravés par le quart de travail auquel il avait été affecté, soit le quart de travail de 3 h 30, et a déclaré qu’il devait être affecté à un quart de travail de jour.

[15] Le Dr Dodd a aussi écrit à la SCP en janvier 2002. Il a confirmé que M. Willoughby consultait une psychologue agréée pour le traitement de son SSPT et a aussi expliqué que, pour sa part, il n’imposait pas de restrictions médicales au sujet de M. Willhoughby.

[16] M. Willoughby est resté affecté au quart de travail de 3 h 30 après que la SCP a reçu les renseignements de la psychologue.

[17] Le Dr Dodd a écrit une autre lettre à la SCP le 5 mars 2002, en réponse à une lettre de la SCP qui l’avisait que sa lettre de janvier 2002 semblait contredire une lettre reçue le même mois de la part de Mme Flickenger. La SCP écrivait que Mme Flickenger avait précisé que M. Willoughby avait des restrictions médicales, alors que la lettre du Dr Dodd donnait à penser qu’il n’y avait aucune restriction. La SCP a demandé des précisions au Dr Dodd. Dans sa lettre du 5 mars, le Dr Dodd a confirmé qu’il appuyait le diagnostic et les restrictions médicales que la psychologue imposait.

[18] Le Dr Esmail, du service de santé au travail de la SCP, a écrit une note le 12 mars 2002, dans laquelle il expliquait qu’à la lumière de la dernière lettre du Dr Dodd, l’exigence au sujet du quart de travail de jour semblait être raisonnable compte tenu des circonstances. Le Dr Esmail a suggéré que la SCP fasse un suivi auprès de la psychologue après un mois pour déterminer si les restrictions étaient toujours nécessaires.

[19] Le 19 mars 2002, après avoir reçu la note du Dr Esmail, Bill Stevenson, le chef de zone de la SCP, a avisé le Dr Esmail que M. Willoughby resterait affecté au quart de travail de 3 h 30.

[20] Dans une lettre datée du 11 avril 2002, le Dr Dodd a de nouveau avisé la SCP que M. Willoughby devait travailler de jour seulement.

[21] Vers le 15 avril 2002, M. Willoughby a rencontré Tom Duncan, un agent des relations du travail de la SCP. M. Willoughby a témoigné que M. Duncan lui avait dit qu’il n’y avait aucun poste à la SCP qui satisfaisait à ses restrictions médicales et qu’il devrait prendre un congé d’invalidité. M. Willoughby a pris un congé d’invalidité de 95 jours, jusqu’à ce que ses crédits de congés de maladie soient épuisés. Il a alors présenté une demande de prestations d’invalidité à la Sun Life Financial (Sun Life), le fournisseur de prestations médicales et de prestations d’invalidité de la SCP, et a commencé à recevoir des prestations. Dans sa demande de prestations d’invalidité, M. Willoughby a répondu de la façon suivante à la question lui demandant pourquoi il ne pouvait pas retourner au travail : [Traduction] J’aurais continué à travailler. Mon docteur et le docteur de la Société canadienne des postes soutiennent que je dois travailler pendant un quart de travail normal de jour, mais la Société canadienne des postes dit qu’il n’y a aucun poste, pendant le quart de travail de jour, qui convient à mes limites physiques.

[22] M. Willoughby a témoigné qu’en avril 2002, de nombreux postes à la SCP auraient convenu à ses restrictions et qu’il aurait été en mesure d’y faire un bon travail. Il soutient que s’il avait été affecté à un quart de travail de jour dans un des plus grands dépôts de la SCP, certaines des tâches administratives sédentaires auraient pu être regroupées pour constituer un poste productif qu’on aurait pu lui offrir. Il ajoute que les postes de surveillants pendant le quart de jour sont déjà plus sédentaires puisque les facteurs quittent l’immeuble relativement tôt pendant ce quart de travail. Ainsi, les tâches qui exigent que le surveillant marche beaucoup, comme la supervision de la livraison, le traitement du courrier et la surveillance de la présence et du travail des employés, se terminent tôt dans le quart de travail.

[23] M. Willoughby a aussi témoigné qu’il aurait pu faire le même travail que les anciens employés du CRC qui avaient été réaffectés aux différents dépôts. Ces tâches étaient effectuées par des membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Le syndicat de M. Willoughby était l’Association des officiers des postes du Canada (AOPC). Il a ajouté que certains postes étaient occupés par des employés de l’unité de négociation de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC); ces employés s’occupaient principalement des tâches administratives. Il a soutenu qu’on aurait pu lui donner un poste au sein de cette unité de négociation.

[24] M. Willoughby a témoigné que lorsqu’il a appris que la SCP était d’avis qu’elle ne pouvait adapter de poste à ses besoins, il a été atterré. Il s’est senti abandonné par la SCP. Il s’est senti trahi lorsqu’il a su qu’après 24 ans de service au sein de la compagnie, celle-ci ne trouvait pas de moyen de continuer à l’employer et de s’adapter à ses restrictions. M. Willoughby a soutenu qu’il est devenu extrêmement déprimé et que ses symptômes psychologiques décrits auparavant par la psychologue, qui étaient causés par le SSPT, se sont aggravés. Il était incapable de dormir, mangeait peu et quittait rarement la maison. Il se sentait méprisable, n’avait aucune estime de lui-même et s’inquiétait de sa capacité à répondre à ses futurs besoins financiers. Il a continué son traitement auprès de sa psychologue.

[25] En octobre ou en novembre 2002, M. Willoughby a rencontré Sun Life pour discuter d’un plan de retour au travail graduel. M. Willoughby témoigne qu’il avait hâte de retourner au travail. Sun Life avait recueilli des renseignements médicaux à jour auprès du médecin et de la psychologue de M. Willoughby avant de préparer le plan de retour au travail. Sa psychologue, Mme Flickenger, avait déclaré que son état s’améliorait et que son pronostic était bon. Elle a précisé qu’il devait tout de même travailler de jour et qu’il ne devrait pas être affecté à un poste de supervision pour le moment. Le médecin de famille de M. Willoughby, le Dr Dodd, a confirmé qu’il ne devait travailler que pendant des quarts de travail de jour réguliers et qu’il ne devait pas marcher ou se tenir debout trop longtemps, ni soulever des charges de façon répétitive. Le plan que Sun Life a préparé et fait parvenir à la SCP en novembre 2002 était le suivant :

[Traduction]

• M. Willoughby doit reprendre le travail par une affectation à des quarts de travail de quatre heures par jour, cinq jours par semaine;

• Il doit avoir un quart de travail de jour;

• Il doit être affecté à un poste ne comportant pas de tâches de supervision, du moins pour le moment;

• Il doit éviter de marcher, de se tenir debout et de soulever des choses de façon excessive.

[26] M. Willoughby a soutenu que ni Sun Life, ni la SCP n’ont communiqué avec lui en réponse à cette proposition. Il a téléphoné à la SCP et a demandé la tenue d’une réunion pour qu’ils puissent discuter du plan de retour au travail. Une réunion a eu lieu le 14 février 2003. M. Willoughby, M. Duncan, un employé du service de la rémunération de la SCP, un représentant  du service de santé au travail de la SCP et un représentant de Sun Life étaient présents à la réunion. M. Willoughby a témoigné que M. Duncan lui a annoncé lors de la réunion qu’il n’y avait aucun poste qui convenait à ses restrictions médicales. M. Willoughby n’a jamais repris le travail à la SCP.

[27] M. Willoughby a obtenu un emploi chez un concessionnaire automobile en juillet 2004 et a démissionné de la SCP. Il soutient qu’il a d’abord été incapable de chercher un travail en raison du trouble émotionnel et psychologique dont il souffrait, trouble causé par le comportement de la SCP. Il ajoute que lorsqu’il a été en mesure de chercher un emploi, il a été incapable d’en trouver un. M. Willoughby utilisait une canne à cette époque et il croit que cela a causé une réticence chez les employeurs potentiels.

B. La preuve de l’intimée

[28] Au moment où l’audience a été tenue, M. Duncan était agent des relations de travail pour la SCP depuis environ 10 ans. Il a confirmé que la SCP avait affecté M. Willoughby à l’unité du CRC au poste de surveillant pendant le quart de jour en 1997 pour respecter ses restrictions physiques et la directive médicale selon laquelle il ne devait travailler que pendant un quart de travail régulier de jour.

[29] M. Duncan a aussi confirmé que lorsque le CRC a été dissolu, la SCP a continué à respecter les besoins de M. Willoughby en l’affectant d’abord à un projet administratif à court terme et ensuite au bureau de la formation.

[30] M. Duncan ne savait pas pourquoi M. Willoughby avait été réaffecté au dépôt 11 et au quart de travail de 3 h 30 en juillet ou en août 2001. Il a soutenu que la décision a été prise par le chef de zone, M. Bill Stevenson. Il n’a jamais discuté de la question avec M. Stevenson. Ce dernier est décédé vers 2003. M. Duncan a expliqué aussi que M. Stevenson avait gardé un dossier au sujet de M. Willoughby qui détaillait les mesures que la SCP avait prises pour s’adapter à ses besoins depuis 1997. M. Duncan ne l’a jamais lu et le dossier a été perdu avant que l’audience ne débute. M. Duncan a cependant supposé que le quart de travail de 3 h 30 au dépôt 11 était le seul poste à combler à cette époque.

[31] La SCP n’a présenté aucune autre preuve expliquant pourquoi M. Willoughby avait été affecté au quart de travail de 3 h 30 et n’a présenté aucune preuve justifiant le fait qu’il n’avait pas été réaffecté à un quart de travail de jour après qu’elle a reçu les renseignements médicaux en janvier et en mars 2002.

[32] M. Duncan a témoigné que vers le 15 avril 2002, il a rencontré M. Willoughby et que lors de cette réunion, M. Willoughby lui avait expliqué qu’il se sentait incapable d’occuper un emploi, quel qu’il soit, au sein de la SCP. Il avait demandé à M. Duncan de l’aider à obtenir des prestations d’invalidité. M. Duncan a nié avoir avisé M. Willoughby qu’il n’y avait aucun poste qui convenait à ses besoins et qu’il devait donc prendre un congé d’invalidité, comme M. Willoughby l’a soutenu.

[33] M. Duncan a aussi témoigné que même si M. Willoughby avait souhaité continuer à travailler pour la SCP, il n’y avait aucun poste convenable en avril 2002. Il a soutenu qu’en ce qui a trait aux postes à doter dans son unité de négociation, l’AOPC, l’employé devait soit marcher ou rester debout pendant de longues périodes, ce que M. Willoughby ne pouvait pas faire, soit porter une grande attention aux détails et/ou posséder des compétences en informatique. M. Duncan a expliqué qu’il était convaincu que M. Willoughby ne pouvait pas exécuter ces tâches plus sédentaires en partie parce que, à sa connaissance, M. Willoughby avait démontré, depuis sa promotion au poste de surveillant en 1990, qu’il était incapable d’effectuer des tâches administratives et d’autres tâches plus sédentaires et qu’il ne possédait pas de compétences informatiques adéquates. De plus, M. Duncan a soutenu que le piètre rendement de travail de M. Willoughby au bureau de la formation démontrait également qu’il était incapable d’effectuer des tâches administratives de façon acceptable.

[34] M. Duncan a témoigné qu’il a été surpris d’apprendre en 1990 que M. Willoughby avait été promu au poste de surveillant des facteurs. Il avait travaillé avec M. Willoughby avant 1990 comme facteur et il était d’avis que la compétence de M. Willoughby pour le poste était discutable. En 1993 ou en 1994, M. Duncan et M. Willoughby travaillaient ensemble dans le même dépôt. M. Duncan était le directeur et le supérieur de M. Willoughby, qui était surveillant. M. Duncan a soutenu que M. Willoughby était incapable de comprendre les concepts les plus simples, qu’il était négligent dans ses tâches, qu’il était incapable d’entretenir les relations nécessaires avec les employés sous sa responsabilité et qu’il commettait de nombreuses erreurs administratives. Par exemple, il avait fait de nombreuses erreurs dans le calendrier des vacances et il avait souvent omis d’offrir des heures supplémentaires aux employés dans l’ordre prévu par la convention collective. En vertu de la convention collective, si un employé ne se fait pas offrir des heures supplémentaires lorsque son tour arrive, la SCP doit tout de même payer l’employé. M. Duncan a expliqué qu’il avait pris le contrôle de certaines tâches administratives qui revenaient à M. Willoughby en raison des nombreuses erreurs qu’il avait commises.

[35] M. Duncan a aussi témoigné que M. Willoughby était [TRADUCTION] tristement célèbre pour avoir endommagé et effacé d’importants logiciels informatiques en tentant de les modifier ou de les améliorer. Il a raconté que lorsque M. Willoughby et lui travaillaient dans des dépôts voisins, M. Willoughby entrait souvent dans son bureau en grande détresse parce qu’il avait effacé un système ou un logiciel important. M. Duncan a expliqué qu’il devait constamment avoir recours à de l’aide technique afin de réparer des ordinateurs endommagés par M. Willoughby. Il a soutenu que M. Willoughby était [TRADUCTION] irrésistiblement attiré par les ordinateurs. Il a décrit un incident qui a eu lieu en 1993 ou en 1994, alors qu’il était le directeur de M. Willoughby. M. Duncan avait reçu un nouvel ordinateur portable de la SCP pour son usage au travail. M. Duncan a soutenu qu’il avait un jour [TRADUCTION] supplié M Willoughby de ne pas toucher à son ordinateur, avant de quitter le dépôt. Il a déclaré que lorsqu’il est revenu, [TRADUCTION] l’ordinateur était noir et n’a plus jamais fonctionné : [TRADUCTION] À ce jour, il est toujours noir .

[36] M. Duncan a témoigné qu’il savait aussi que M. Willoughby avait eu un piètre rendement de travail au bureau de la formation en 2001. Il a soutenu que M. Willoughby venait souvent le voir dans son bureau pour lui expliquer qu’il était de plus en plus angoissé et inquiet du fait qu’il n’arrivait pas à effectuer ses tâches adéquatement au bureau de la formation.

[37] Mme Gavin, une des chefs d’équipe du bureau de la formation à la SPC, a aussi témoigné des difficultés de rendement de M. Willoughby au bureau de la formation. Elle a soutenu que M. Willoughby était facilement distrait et qu’il avait fait de nombreuses erreurs alors qu’il était en poste au bureau. Mme Gavin a expliqué qu’elle-même et Mme Acton, la gestionnaire du bureau de formation de la SCP, avaient rencontré M. Willoughby au début du mois d’avril 2001 afin de discuter avec lui de leurs inquiétudes quant à son rendement. Mme Acton a aussi témoigné à l’audience. Elle a soutenu que pendant cette rencontre, M. Willoughby avait reconnu que son rendement laissait à désirer, mais qu’il était incapable de donner une raison adéquate pour expliquer ses nombreuses erreurs. M. Willoughby a expliqué qu’il souffrait de problèmes personnels depuis longtemps, mais il n’a pas expliqué plus en détail la nature de ces problèmes. Mme Gavin et Mme Acton n’ont aucun souvenir d’un moment où M. Willoughby leur aurait dit qu’il croyait souffrir de dyslexie.

[38] Mme Gavin a témoigné qu’après cette rencontre, Mme Acton et elle ont décidé que M. Willoughby devait subir un examen médical et elles ont appris par la suite que la SCP avait reçu des renseignements selon lesquels les difficultés à l’origine du piètre rendement de M. Willoughby avaient été résolues. À son avis, elle n’avait d’autre choix que de demander le transfert de M. Willoughby, puisqu’il n’y avait aucune explication médicale pour son piètre rendement.

[39] M. Duncan a soutenu qu’il savait que M. Willoughby avait un piètre rendement, longtemps après son retour au dépôt 11, au quart de travail de 3 h 30, à l’été 2001. M. Willoughby a continué à passer le voir à son bureau régulièrement et il lui a dit qu’il était incapable de satisfaire aux exigences du poste.

[40] Mme Sample, la directrice du dépôt 11 lorsque M. Willoughby y a été réaffecté en juillet ou en août 2001, a aussi témoigné au sujet des problèmes de rendement de M. Willoughby au dépôt. Elle a soutenu que son rendement était beaucoup plus faible que la norme requise, presque aussitôt après son affectation au dépôt. Mme Sample a déclaré que M. Willoughby était presque entièrement incapable de marcher et que, par conséquent, il était incapable de superviser adéquatement les employés et il n’arrivait pas à superviser adéquatement la livraison et le traitement du courrier. De plus, il continuait de commettre de nombreuses erreurs dans les tâches administratives du poste.

[41] M. Duncan a soutenu qu’en raison du piètre rendement de travail de M. Willoughby et de ses restrictions médicales, il n’y avait aucun poste à la SCP pouvant répondre à ses besoins. M. Duncan a examiné de nombreux postes à la SCP, mais n’en a trouvé aucun pour lequel M. Willoughby aurait eu un rendement adéquat. Il ne pouvait pas continuer comme surveillant des facteurs parce que le poste exigeait qu’il marche dans le dépôt pendant environ 90 p. 100 du quart de travail de huit heures. M. Duncan a aussi témoigné qu’il était impossible de regrouper les tâches administratives des autres surveillants afin de créer un poste adapté pour M. Willoughby puisque les surveillants effectuaient peu de tâches administratives. Ces tâches regroupées n’auraient pas suffi à occuper une pleine journée de travail.

[42] M. Duncan a soutenu que les postes au bureau des ventes de la SCP exigeaient aussi que l’employé marche beaucoup. Il a ajouté que les postes d’adjoint dans les dépôts, postes qu’il a d’abord décrits comme des mesures d’accommodement pour les employés blessés ou âgés, ne conviendraient pas à M. Willoughby puisqu’il aurait eu à marcher beaucoup et à soulever de nombreuses choses : [TRADUCTION] Ils [les adjoints dans les dépôts] travaillent plus que vous et moi ensemble. Il a déclaré que les employés de l’AOPC qui effectuent de l’entrée de données et d’autres fonctions administratives, telles que les tâches effectuées dans les bureaux de gestion des routes et de contrôle des codes postaux, sont hautement qualifiés et occupent des postes qui nécessitent une très grande attention aux détails. M. Duncan et d’autres personnes ont soutenu que M. Willoughby a démontré qu’il était incapable de porter une attention adéquate aux détails et qu’il ne pouvait pas effectuer ces tâches administratives correctement.

[43] M. Duncan a témoigné que la SCP n’avait pas officiellement examiné tous les postes qui auraient pu être ouverts dans les autres unités de négociation. Certains des postes à la SCP étaient occupés par des employés qui étaient membres de l’unité de négociation du STTP. Par exemple, l’unité de triage des longues et des courtes lettres était décrite comme un poste sédentaire auquel les employés blessés étaient assignés. M. Duncan a expliqué que la SCP n’avait pas examiné la possibilité d’affecter M. Willoughby à l’un des postes du STTP puisqu’il y aurait eu de graves conséquences pour les membres du STTP si M. Willoughby avait été parachuté dans l’un de ces postes. M. Duncan a soutenu que si M. Willoughby avait été placé dans un poste qui ne relevait pas de sa convention collective, quelqu’un d’autre aurait été [TRADUCTION] mis à la rue , s’il n’y avait pas eu d’autres postes à doter dans la même unité. Si le nombre d’employés de l’unité était complet, la seule solution aurait été de créer un poste pour M. Willoughby et M. Duncan a fait valoir que cela dépasse toute obligation d’un employeur de s’adapter aux besoins d’un employé. Il ne savait pas s’il y avait, à l’époque, des postes à doter dans l’unité du STTP qui aurait convenu à M. Willoughby. Il n’avait pas vérifié.

[44] M. Duncan a aussi témoigné qu’à l’époque, il y avait cinq employés en surplus dans l’unité de négociation de l’AFPC. Les membres de cette unité occupaient principalement des fonctions administratives, dont un grand nombre étaient sédentaires. Les postes qui étaient alors occupés par les employés en surplus sont devenus excédentaires lorsque la SCP s’est mise à informatiser de plus en plus ses opérations. En vertu de la convention collective, la SCP avait accepté de garder ces employés sur sa liste de paye. M. Duncan a expliqué que ces employés travaillaient alors à des [TRADUCTION] projets visant à les garder occupés , comme l’entrée de données. Ces employés servaient aussi à doter des postes lorsqu’un poste se libérait. M. Kordoban a témoigné que la SCP avait déjà annulé un contrat avec une compagnie de sécurité afin de donner ces tâches à des employés de l’AFPC qui étaient en surplus. M. Duncan a soutenu que, comme il y avait encore des employés en surplus à la SCP, il était évident qu’il n’y avait aucun poste à doter au sein de l’unité de négociation de l’AFPC.

[45] M. Duncan a témoigné qu’en avril 2002, lorsqu’il a conclu qu’il était impossible de répondre aux besoins de M. Willoughby, il n’a pas examiné les renseignements médicaux qui se trouvaient dans son dossier d’emploi. Son estimation des restrictions médicales de M. Willoughby découlait de ses observations et de ses conversations avec M. Willoughby. M. Duncan a déduit de ces observations et conversations que la seule restriction médicale de M. Willoughby était qu’il ne pouvait pas marcher ou se tenir debout longtemps. Il ne savait pas que M. Willoughby souffrait d’un trouble du sommeil, qu’il avait ensuite fait l’objet d’un diagnostic de SSPT, ni que son médecin lui avait dit de ne travailler que pendant un quart de jour régulier.

[46] M. Duncan a témoigné qu’avant sa rencontre avec M. Willoughby en février 2003, dix mois après qu’ils se sont vus pour la dernière fois, il n’avait pas examiné le dossier d’emploi de M. Willoughby, ni les rapports médicaux à son sujet. Il ne savait pas que Sun Life avait envoyé une lettre à la SCP en novembre 2002 qui résumait les restrictions médicales de M. Willoughby et qui présentait une proposition pour le retour au travail de M. Willoughby. Il a soutenu qu’il croyait qu’il n’y avait aucun changement dans les restrictions de M. Willoughby en raison des commentaires que l’infirmière de la SCP avait formulés lors de la rencontre.

[47] M. Duncan a aussi témoigné qu’il n’avait pas fait de recherches précises, ni avant, ni après la réunion de février 2003, au sujet d’ouvertures de poste à la SCP qui pouvaient répondre aux besoins de M. Willoughby. Il a soutenu que, d’après ce qu’il a compris des commentaires de l’infirmière de la SCP selon lesquels les restrictions de M. Willoughby n’avaient pas changé, le point de vue de la SCP n’avait pas changé : il n’y avait aucun poste pour M. Willoughby.

IV. Analyse

[48] L’alinéa 7a) de la LCDP prévoit que le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. L’alinéa 7b) prévoit que le fait de défavoriser en cours d’emploi un employé, par des moyens directs ou indirects, constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. La déficience est un motif de distinction illicite au sens de l’article 3 et l’article 25 prévoit que la discrimination fondée sur la déficience physique ou mentale est illicite.

[49] Le plaignant a d’abord le fardeau d’établir la preuve prima facie qu’il y a eu discrimination.

A. Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie que la SCP a commis un acte discriminatoire fondé sur sa déficience?

[50] Une preuve prima facie de discrimination est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. Le décideur n’a pas à tenir compte de la réponse de l’intimé lorsqu’il détermine si le plaignant a établi une preuve prima facie (O’Malley c. Simpson-Sears Ltd., [1985], 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28; voir aussi Dhanjal c. Air Canada, (1997) 139 F.T.R. 37, au paragraphe 6, et Moore c. Société canadienne des postes et Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2007 TCDP 31, au paragraphe 85). Un plaignant n’a pas à prouver que la discrimination était le seul facteur qui a influencé le comportement qui fait l’objet de la plainte. Il suffit que le plaignant établisse une preuve prima facie que la discrimination est l’un de ces facteurs. (Voir Basi c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029.)

[51] Les allégations de M. Willoughby au sujet de la discrimination sont les suivantes : premièrement, vers le 12 mars 2002, la SCP a continué son affectation au quart de travail de 3 h 30 après qu’elle a reçu une lettre de son médecin dans laquelle il était expliqué qu’il devait travailler de jour, et deuxièmement, la SCP a refusé de continuer son emploi en avril 2002 et en février 2003 en raison de ses déficiences.

(i) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la première allégation : le fait d’avoir continué l’affectation de M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30 en mars 2002?

[52] M. Willoughby a soutenu que lorsque la SCP a reçu la lettre du Dr Dodd en mars 2002, dans laquelle il était prescrit qu’il devait travailler de jour, la décision de la SCP de continuer son affectation au quart de travail de 3 h 30 constituait un acte discriminatoire. Cette allégation met en cause l’alinéa 7b) de la LCDP, qui prévoit que le fait de défavoriser en cours d’emploi un employé, par des moyens directs ou indirects, constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite.

[53] Dans l’arrêt Hutchinson c. Canada (Ministre de l’Environnement), [2003] A.C.F. no 439 (C.A.F.), le juge Pelletier, qui écrivait pour le collège de trois membres de la Cour, explique que lorsqu’il est question d’une plainte de discrimination qui découle d’une ligne de conduite entre un employeur et un employé, plutôt que d’une politique d’emploi distincte et cohérente, la question la plus pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si un plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination au sens de l’alinéa 7b) consiste à savoir si les rapports entre les parties, considérés dans leur ensemble, entraînent un traitement préjudiciable fondé sur un motif de distinction illicite (voir paragraphes 75 et 76). Il n’y a aucun critère ou analyse précis qui s’appliquent à l’examen visant à déterminer si une preuve prima facie a été établie en vertu de l’alinéa 7b). Le Tribunal doit être souple et ne doit pas être légaliste lorsqu’il vise à appliquer l’un des objectifs généraux de la LCDP, soit l’élimination de la discrimination au travail (Morris c. Les Forces armées canadiennes, [2005] C.A.F. 154, aux paragraphes 27 à 30). Les analyses portant sur l’alinéa 7b) doivent être faites au cas par cas et de façon adaptée au contexte factuel.

[54] Je conclus que M. Willoughby a établi une preuve prima facie de discrimination. La SCP s’était adaptée à ses restrictions médicales de façon continue depuis 1997, y compris l’obligation de travailler de jour. Puis, subitement, à l’été 2001, la SCP a réaffecté M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30. En mars 2002, lorsque la SCP a reçu les renseignements médicaux qui précisaient que M. Willoughby ne pouvait travailler que pendant les quarts de jour, la SCP a continué son affectation au quart de travail de 3 h 30. Il ne fait aucun doute que la ligne de conduite de la SCP a eu un effet défavorable pour M. Willoughby par rapport à sa déficience : la décision de la SCP était tout à fait contraire à la directive du médecin de M. Willoughby et elle a aggravé son état de santé. Je conclus aussi que M. Willoughby a établi une preuve prima facie qu’il a non seulement fait l’objet d’un traitement défavorable, mais aussi d’un traitement différent en raison de sa déficience. Comme le Tribunal l’a récemment remarqué dans Moore c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 31 (paragraphe 86), la LCDP ne prévoit aucun droit distinct à l’accommodement. Cependant, je conclus que le témoignage de M. Willoughby selon lequel son employeur avait reçu une directive médicale qui mentionnait une restriction de travail, et que cette restriction n’avait pas été respectée, établit une preuve prima facie qu’il y a eu une différence de traitement. Je conclus que M. Willoughby a établi une preuve prima facie qu’il a été traité de façon défavorable et différente par la SCP en raison de ses déficiences.

(ii) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la deuxième allégation : la décision de la SCP, en avril 2002, de ne pas continuer d’employer M. Willoughby?

[55] M. Willoughby a témoigné qu’en avril 2002, M. Duncan l’a avisé qu’il n’y avait pas de poste à doter adapté à ses besoins et qu’il devrait présenter une demande de prestations d’invalidité.

[56] Je conclus qu’une preuve prima facie a été établie au sujet de cette deuxième allégation. Le témoignage de M. Willoughby, s’il est retenu, prouverait que le refus de la SCP de continuer à l’employer le 12 avril 2002 découlait, du moins en partie, de ses déficiences, en contravention avec l’alinéa 7a) de la LCPD, en l’absence de réplique de la SCP.

(iii) Une preuve prima facie a-t-elle été établie au sujet de la deuxième allégation : la décision de la SCP, en février 2003, de ne pas continuer d’employer M. Willoughby?

[57] Sun Life a écrit à la SCP en novembre 2002 pour l’aviser que M. Willoughby était prêt à retourner au travail et pour proposer un plan de retour au travail graduel qui comprenait une liste distincte de restrictions de travail. M. Willoughby a soutenu qu’en février 2003, on l’a avisé qu’il n’y avait aucun poste à doter à la SCP qui pouvait être adapté à ses restrictions.

[58] Je conclus qu’une preuve prima facie a été établie. Le témoignage de M. Willoughby, s’il est retenu, prouverait que le refus de la SCP de continuer à l’employer le 14 février 2003 découlait de ses déficiences, en contravention avec l’alinéa 7a) de la LCDP, en l’absence de réplique de la  SCP.

B. La SCP peut-elle justifier les actes discriminatoires qui ont été établis prima facie?

[59] Le paragraphe 15(1) de la LCDP prévoit que lorsque la décision ou la ligne de conduite d’un employeur découle d’une exigence professionnelle justifiée, la décision ne constitue pas un acte de discrimination.

[60] Le paragraphe 15(2) de la LCDP précise que, pour qu’une ligne de conduite ou une décision soit considérée comme une exigence professionnelle justifiée, l’employeur doit démontrer que les mesures destinées à répondre aux besoins de l’employé constituent pour lui une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[61] L’arrêt Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, (plainte Meiorin) [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), de la Cour suprême du Canada expose l’analyse qui permet d’évaluer si l’exigence professionnelle est justifiée.

[62] Pour établir que sa conduite était justifiée, ou que la conduite découlait d’une exigence professionnelle justifiée, l’employeur doit prouver :

  • que la norme a été adoptée ou qu’une décision a été prise dans un but raisonnablement lié aux exigences objectives légitimes du travail (Meiorin, précité, au paragraphe 58);
  • que la norme a été adoptée ou qu’une décision a été prise en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire à la réalisation des exigences objectives (Meiorin, précité, au paragraphe 60);
  • que la norme a été adoptée ou qu’une décision a été prise parce qu’elle est raisonnablement nécessaire pour que l’employeur puisse atteindre l’objet visé (Meiorin, précité, au paragraphe 62).

(i) La SCP est-elle capable de justifier sa décision de continuer à affecter M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30 en mars 2002.

[63] La SCP n’a pas présenté de preuve directe qui explique pourquoi M. Stevenson a décidé de continuer l’affectation de M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30 après que la SCP a reçu des renseignements médicaux selon lesquels il devait travailler de jour. M. Stevenson est décédé avant la tenue de l’audience et le dossier d’employé qu’il avait gardé au sujet de M. Willoughby n’a pas pu être retracé. M. Duncan a supposé que le quart de travail de 3 h 30 était le seul poste disponible à la SCP.

[64] Lorsqu’un plaignant s’est acquitté de son fardeau de la preuve, l’employeur doit alors s’acquitter du sien : l’employeur doit présenter des preuves qui répondent, selon la prépondérance des probabilités, à chaque étape de l’analyse Meiorin. La SCP est incapable de s’acquitter de son fardeau de la preuve pour chacun des trois volets du critère Meiorin. Dans son témoignage, M. Duncan a présenté des suppositions quant aux raisons qui auraient pu motiver la décision de M. Stevenson de continuer à affecter M. Willoughby au quart de travail de 3 h 30. Un employeur ne peut pas s’acquitter du fardeau de la preuve prévu dans Meiorin en présentant des suppositions (Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] A.C.S. no 73, au paragraphe 41). Je conclus que la SCP ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve au sujet de cette allégation.

(ii) La SCP est-elle capable de justifier sa décision de ne pas continuer à employer M. Willoughby en avril 2002?

[65] La preuve de la SCP au sujet de cette allégation donne lieu à un examen préliminaire à l’évaluation visant à déterminer si la conduite était justifiée, comme le prévoit le critère Meiorin. M. Duncan a témoigné que M. Willoughby avait demandé un congé d’invalidité et que M. Duncan avait simplement facilité cette demande en aidant M. Willoughby à préparer sa demande de prestations. Par conséquent, il n’y a eu aucun refus de continuer à employer M. Willoughby. Bien entendu, le témoignage de M. Duncan contredit celui de M. Willoughby, qui soutient qu’on lui a dit qu’il n’y avait pas de poste disponible à la SCP et que son seul recours était de présenter une demande de prestations d’invalidité. Je conclus que le témoignage de M. Willoughby est plus crédible et je le préfère à celui de M. Duncan. En tirant cette conclusion, je note que, dans le formulaire de demande de prestations d’invalidité, M. Willoughby a écrit : [TRADUCTION] J’aurais continué à travailler. Mon médecin et le médecin de la Société canadienne des postes soutiennent que je dois travailler pendant un quart normal de jour, mais la Société canadienne des postes dit qu’il n’y a aucun poste, pendant le quart de travail de jour, qui convient à mes limites physiques. De plus, une conversation par courriel a été présentée en preuve à l’audience. La SCP a demandé à M. Duncan en 2003 de résumer la façon dont l’adaptation aux besoins de M. Willoughby avait été traitée. Dans sa réponse, M. Duncan n’a pas mentionné que M. Willoughby avait demandé un congé d’invalidité. On s’attendrait à ce que, si M. Willoughby avait demandé un congé d’invalidité ou, à tout le moins, si M. Duncan avait interprété leur discussion de cette façon, ces renseignements soient mentionnés dans le rapport de M. Duncan en 2003. Ce n’était pas le cas.

[66] Comme j’ai conclu que M. Willoughby n’a pas demandé de congé d’invalidité, j’examinerai la preuve subsidiaire présentée par la SCP, soit qu’il n’y avait aucun poste disponible à la SCP qui aurait été adapté aux besoins de M. Willoughby.

[67] En ce qui a trait au premier volet du critère énoncé dans Meiorin, la SCP a-t-elle établi que sa décision a été prise dans un but raisonnablement lié aux exigences objectives du travail?  La SCP a témoigné que la combinaison des restrictions médicales de M. Willoughby et de ses difficultés en matière de rendement de travail l’ont portée à conclure qu’il n’y avait aucun poste qui lui convenait dans sa propre unité de négociation. De plus, elle a soutenu qu’affecter M. Willoughby à un poste dans une autre unité de négociation constituerait une contrainte excessive puisqu’elle aurait à créer un poste pour lui. Il semble que le but de la SCP était de maintenir l’efficacité de ses opérations. Je conclus que la décision de la SCP a été prise dans un but raisonnablement lié aux exigences objectives du travail.

[68] En ce qui a trait au deuxième volet de l’analyse, la SCP a-t-elle établi qu’elle a pris sa décision en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire à la réalisation des exigences objectives? Je suis d’avis que la SCP n’a pas satisfait à ce deuxième volet du critère. Je conclus que la SCP savait ou aurait dû savoir qu’elle n’avait pas examiné correctement la question de savoir si sa décision était raisonnablement nécessaire compte tenu des circonstances.

[69] M. Duncan a pris la décision finale quant au refus de la SCP de continuer à employer M. Willoughby. M. Duncan était un agent des relations de travail expérimenté au sein de la SCP. Il a témoigné qu’il avait beaucoup d’expérience en ce qui a trait aux questions d’accommodement, à l’interaction avec les employés et à la représentation de la compagnie dans le cadre d’arbitrages. Je conclus que M. Duncan avait ou aurait dû avoir une compréhension considérable des critères applicables à la question de savoir si une décision de refuser l’emploi était raisonnablement nécessaire, comme la Cour suprême du Canada l’a examiné dans Meiorin, et qu’il avait une compréhension considérable des exigences en matière de procédure imposées aux employeurs lorsqu’ils examinent s’ils peuvent répondre aux besoins d’un employé. Je traiterai des éléments portant sur la procédure et sur le fond du troisième volet du critère Meiorin sous peu, mais je noterai en tirant une conclusion à ce sujet que M. Duncan a précisé qu’avant de conclure que la SCP ne pouvait pas accommoder M. Willoughby, il n’avait même pas examiné son dossier ni les rapports médicaux qui avaient été préparés. Si M. Duncan avait examiné le dossier, il aurait remarqué que M. Willoughby avait été affecté à un quart de travail qui ne respectait pas ses exigences médicales. Il se serait alors rendu compte que les difficultés en matière de rendement de travail de M. Willoughby au dépôt 11 découlaient peut-être, du moins en partie, de cette affectation. Comme je l’examinerai plus en détail sous peu, la première étape essentielle pour un employeur, lorsqu’il examine les besoins d’un employé auxquels il doit s’adapter, est d’évaluer l’employé de façon individuelle. Un agent des relations de travail expérimenté ne pouvait pas, à mon avis, croire sincèrement qu’il respectait les critères nécessaires d’une analyse visant à déterminer si le refus de continuer à employer une personne était raisonnablement nécessaire, alors qu’il n’avait pas entrepris l’enquête préliminaire fondamentale.

[70] Le troisième volet du critère Meiorin demande si l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa décision était raisonnablement nécessaire pour qu’il puisse atteindre l’objet qu’elle vise. La décision sera considérée comme raisonnablement nécessaire si l’employeur est capable de démontrer qu’il ne pouvait pas satisfaire aux besoins de l’employé sans subir de contrainte excessive (Meiorin, précité, au paragraphe 62; voir aussi Grismer, précité, au paragraphe 20, et Hutchinson, précité, au paragraphe 70).

[71] La SCP a conclu qu’elle ne pouvait pas offrir de poste à M. Willoughby en avril 2002. Cette décision était-elle raisonnablement nécessaire au sens de l’arrêt Meiorin? Je conclus que ce n’est pas le cas.

[72] Pour le troisième volet du critère, je dois d’abord examiner le processus ou la procédure que l’employeur a adopté afin d’évaluer la question de l’accommodement et je dois ensuite examiner le fond de la décision qui a été prise (Meiorin, précité, au paragraphe 66).

[73] Un employeur doit démontrer que le processus ou la procédure qui a été adopté pour évaluer la question de l’accommodement était approprié. Un employeur doit être sensible et respectueux envers les habiletés, les capacités et les contributions possibles d’un employé qui a besoin d’accommodement (Meiorin, précité, au paragraphe 64), il doit examiner d’autres approches qui seraient moins discriminatoires et doit démontrer que toutes les autres approches examinées ont été rejetées seulement pour des raisons appropriées (Meiorin, précité, au paragraphe 65). Un employeur doit innover et agir de façon pratique lorsqu’il examine des questions d’accommodement.

(a) La SCP était-elle sensible aux habiletés, aux capacités et aux contributions possibles de M. Willoughby?

[74] Je conclus que la SCP n’a pas été sensible ni respectueuse envers les habiletés, les capacités et les contributions possibles de M. Willoughby. Il ne peut être satisfait  à cette exigence procédurale que si l’employeur peut établir qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’il a examiné de façon équitable et appropriée les habiletés, les capacités et les contributions possibles de l’employé. La SCP n’a présenté aucune preuve permettant d’établir qu’elle a effectué une telle analyse avant d’examiner les besoins de M. Willoughby en matière d’accommodement.

[75] La SCP a présenté des preuves au sujet des difficultés de rendement de M. Willoughby. Je conclus cependant que la preuve de la SCP au sujet de ces difficultés était exagérée. Un comportement tel que M. Duncan a décrit serait certainement examiné en profondeur par l’employeur. La SCP n’a présenté aucune autre évaluation de rendement négative que celle de 2001, alors que M. Willoughby travaillait au bureau de la formation. La SCP a aussi témoigné qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prise contre M. Willoughby. Si M. Willoughby ruinait constamment, à l’encontre d’ordres précis, des ordinateurs et des logiciels importants de la SCP, s’il était complètement négligent et incompétent par rapport à ses tâches de surveillant, cela aurait certainement été mentionné dans une évaluation de rendement. Il est aussi difficile de croire qu’aucune mesure disciplinaire n’ait été prise si la mauvaise conduite de M. Willoughby était aussi grave et inlassable qu’on le prétend.

[76] De plus, bien que la SCP ait eu en sa possession des rapports médicaux au sujet de M. Willoughby, M. Duncan ne les a pas examinés avant de prendre sa décision. Certainement, le fait de prendre les mesures nécessaires afin d’examiner équitablement et correctement les limites d’un employé est un élément essentiel du devoir de l’employeur de se montrer respectueux et sensible aux capacités et aux circonstances uniques de chaque employé et un élément essentiel de l’exigence procédurale.

[77] La décision de ne pas continuer à employer M. Willoughby en avril 2002 était fondée sur l’idée que s’était formée M. Duncan de l’état de M. Willoughby à la suite de leurs rencontres. L’impression de M. Duncan était incomplète. Il n’était pas au courant du diagnostic de SSPT ni du besoin de M. Willoughby de travailler pendant un quart de travail régulier de jour. Sans renseignements préliminaires exacts, un employeur ne peut pas raisonnablement réussir à répondre aux besoins d’un employé. Cette étape de cueillette de renseignements est cruciale au processus d’accommodement et la SCP n’en a pas tenu compte.

(b) La SCP a-t-elle examiné attentivement d’autres approches en matière d’adaptation aux besoins de M. Willoughby?

[78] La SCP a présenté de nombreuses preuves au sujet de la nature des autres postes disponibles qui auraient pu convenir à M. Willoughby au sein de l’unité de négociation de l’AOPC. Je conclus que la SCP a exagéré la rigueur d’au moins quelques-uns de ces postes. Je conclus que M. Duncan n’était pas un témoin très crédible pour ce qui est de décrire justement les exigences d’au moins certains des différents postes qui auraient pu être offerts à M. Willoughby. Son témoignage au sujet des rigueurs des postes d’adjoint dans les dépôts, après qu’il les eut décrits comme des postes servant à accommoder les employés âgés ou atteints d’incapacités, était moins que crédible. De plus, son témoignage a été parfois contredit par d’autres employés. Par exemple, M. Kordoban, gestionnaire au service de la production, du contrôle et des déclarations de la SCP, a aussi témoigné à l’audience. Son service était chargé, entre autres, de la dotation et du budget. M. Kordoban a expliqué que les postes dans les bureaux de gestion des routes et de contrôle des codes postaux servaient souvent à accommoder de façon temporaire les employés blessés et qu’il n’était pas nécessaire que ces employés soient hautement qualifiés; ils apprenaient sur place.

(c) La SCP a-t-elle cherché de façon adéquate un emploi de substitution?

[79] Je conclus que la SCP n’a pas démontré qu’elle avait examiné attentivement d’autres approches à l’accommodement pour M. Willoughby avant de décider en avril 2002 qu’elle ne pouvait pas lui offrir de poste adapté à ses besoins. La SCP a présenté des preuves selon lesquelles M. Willoughby aurait été incapable de faire le travail requis pour les postes disponibles dans l’unité de négociation de l’AOPC. Le poste de surveillant des facteurs exigeait que M. Willoughby marche trop. D’autres postes au sein de l’AOPC, par exemple l’entrée de données au bureau de gestion des routes ou de contrôle des codes postaux, nécessitaient une attention extrême aux détails. J’ai conclu plus tôt que la SCP avait exagéré les rigueurs de nombreux postes qui auraient pu être offerts à M. Willoughby dans sa propre unité de négociation. J’ai aussi conclu que la SCP avait exagéré les lacunes de M. Willoughby dans son poste de surveillant. Je conclus que la SCP n’a pas démontré qu’il n’y avait aucun poste au sein de l’unité de négociation de l’AOPC qui aurait pu convenir à M. Willoughby.

[80] De plus, la SCP n’a pas démontré qu’elle avait fait les recherches nécessaires en ce qui a trait aux postes qui auraient pu être disponibles dans d’autres unités de négociation. Premièrement, la SCP, par l’entremise de son agent des relations de travail, a témoigné qu’elle n’avait pas entrepris de recherches attentives quant à savoir s’il y avait des postes à doter au sein de l’unité de négociation du STTP. Il semble que M. Duncan ait présumé que, si M. Willoughby obtenait un poste dans cette unité, un employé du STTP serait mis à la rue . Cette preuve, qui relève de l’impression, ne satisfait tout simplement pas à l’obligation procédurale de l’employeur en ce qui a trait à l’accommodement. M. Duncan a aussi témoigné que, comme il y avait des employés en surplus dans l’unité de négociation de l’AFPC, il était impossible qu’il y ait des postes à doter. Ce n’est pas une enquête adéquate. La simple existence d’employés en surplus au sein de l’unité de négociation de l’AFPC n’amène pas forcément à conclure qu’aucun poste ne pouvait être offert à M. Willoughby. Il y avait peut-être un poste, ou des postes, auquel les employés en surplus ne pouvaient pas être affectés, mais qui aurait convenu à M. Willoughby. La SCP ne s’est pas renseignée à ce sujet.

[81] De plus, les syndicats ont un rôle à jouer lorsqu’un employeur cherche à répondre aux besoins d’un employé. Un syndicat a l’obligation de prendre part aux questions d’accommodement lorsque c’est nécessaire pour rendre l’accommodement possible, s’il n’y a aucune autre solution raisonnable possible pour l’employeur (Renaud c. Central Okanagan School District no 23 (1992), 95 D.L.R. 4th 577 (C.S.C.)). Bien que l’arrêt Renaud traite de l’obligation d’un syndicat de coopérer avec un employeur au sujet d’un de ses membres, je ne vois pas de raison de principe pour laquelle, lorsque l’exploitation d’un employeur comprend plus d’un syndicat, l’obligation de coopération ne s’étendrait pas aux autres unités de négociation si une telle coopération est le seul moyen d’offrir une mesure d’accommodement à un employé. Si la SCP avait trouvé un poste qui convenait à M. Willoughby, elle aurait pu demander au syndicat de coopérer. Je conclus que la SCP aurait dû examiner les postes au sein du STTP et de l’AFPC afin de chercher attentivement un poste répondant aux besoins de M. Willoughby, ce qu’elle n’a pas fait.

(d) La SCP a-t-elle été suffisamment souple et créative?

[82] Les employeurs doivent faire preuve d’innovation lorsqu’ils cherchent à accommoder un employé. Ils doivent être souples et créatifs. La SCP n’a pas fait preuve d’innovation, de souplesse ni de créativité. La SCP a rejeté d’emblée toute possibilité de fusion de différentes tâches pour créer un poste adapté aux besoins de M. Willoughby. Elle a présenté des preuves selon lesquelles les surveillants d’un dépôt n’avaient pas suffisamment de tâches administratives pour créer un poste complet pour M. Willoughby. Cependant, elle n’a présenté aucune preuve démontrant qu’elle avait examiné son exploitation de façon plus générale afin de déterminer si d’autres tâches pouvaient être fusionnées afin de créer un poste adapté pour M. Willoughby.

[83] Je trouve intéressante la décision Saunders c. Kentville (Town), [2004] N.S.H.R.B.I.D. no 9. Dans cette décision, une commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a examiné une plainte d’une policière qui soutenait que son détachement de police n’avait pas pris de mesures d’accommodement à son égard en raison de son sexe et du fait qu’elle était enceinte. Le commissaire Deveau a effectué une analyse fondée sur le critère Meiorin dans le contexte d’un petit service de police en Nouvelle‑Écosse. Il a conclu que, même dans ce petit service constitué de 12 à 14 policiers, même si l’accommodement aurait été incommode et inconvénient, l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation d’accommodement puisqu’il avait fait peu d’efforts pour réunir des tâches et des fonctions, de façon temporaire, afin d’adapter un poste aux besoins de la plaignante. Il a conclu que l’employeur avait l’obligation d’examiner en profondeur les possibilités de service réduit dans la mesure où cela n'imposait aucune contrainte excessive. L’employeur n’avait pas prouvé qu’il l’avait fait.

[84] La SCP est une exploitation beaucoup plus vaste qui a des centaines d’employés à Edmonton qui effectuent un large éventail de tâches. Je conclus que la SCP, si elle avait raisonnablement fait preuve d’innovation et de souplesse, aurait pu tenter de créer, de modifier ou de réorganiser une ou plusieurs de ces tâches afin d’offrir un poste adapté à M. Willoughby. La SCP n’a présenté aucune preuve démontrant qu’elle avait fait de telles recherches.

(e) La SCP a-t-elle démontré que le fait d’offrir un accommodement à M. Willoughby aurait constitué une contrainte excessive?

[85] Laissant là le processus de la SCP lors de son examen de l’accommodement pour M. Willoughby, j’examinerai maintenant le fond de sa décision. Je conclus qu’il est clair que la SCP n’a pas prouvé que ses décisions étaient justifiées de la manière prévue dans l’arrêt Meiorin. La SCP n’a présenté aucune preuve qui donne à penser que répondre aux besoins de M. Willoughby lui aurait causé une contrainte excessive.

[86] La SCP était d’avis que la seule mesure d’accommodement pour M. Willoughby aurait été de créer un poste pour lui et que la création d’un poste constitue toujours une contrainte excessive. Premièrement, j’ai conclu que la SCP n’a pas démontré que la création d’un poste était la seule mesure d’accommodement pour M. Willoughby. Cependant, même si c’était le cas, une telle nécessité ne constituerait pas automatiquement une contrainte excessive pour l’employeur.

[87] La LCDP prévoit, au paragraphe 15(2), que la contrainte est considérée excessive en fonction de la santé, de la sécurité et des coûts. Cette disposition ne prévoit pas qu’il y a contrainte excessive si l’employeur doit créer un poste adapté pour un employé et, à mon avis, ce paragraphe ne devrait pas être interprété de la sorte. Il faut déterminer au cas par cas si une action qui pouvait être nécessaire afin d’accommoder un employé créerait une contrainte excessive en matière de coûts. La SCP n’a présenté aucune preuve selon laquelle, compte tenu de sa situation financière, la création d’un poste créerait pour elle une contrainte excessive en raison des coûts qui seraient entraînés.

[88] Je conclus que la SCP ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve par rapport à l’alinéa 15(1)a) : elle n’a pas démontré qu’il lui serait impossible de s’adapter aux restrictions de M. Willoughby sans subir de contrainte excessive.

(iii) La SCP a-t-elle démontré que sa décision de refuser de continuer à employer M. Willoughby en février 2003 était justifiée?

[89] En février 2003, M. Willoughby s’est présenté à la SCP pour une réunion pendant laquelle ils ont discuté de son retour au travail. Après avoir rencontré M. Willoughby, son médecin et sa psychologue, Sun Life a préparé une proposition de retour au travail. Cette proposition mentionnait quatre restrictions. La SCP a décidé qu’elle ne pouvait pas prendre de mesures d’accommodement pour M. Willoughby. Les raisons de la SCP étaient les mêmes qui l’avaient portée à décider qu’elle ne pouvait pas accommoder M. Willoughby par le passé.

[90] En ce qui a trait au premier volet du critère Meiorin, je conclus de nouveau que la décision de la SCP était fondée sur l’efficacité, que ce fondement découlait d’exigences objectives légitimes du travail et que la décision était rationnellement liée à ces exigences.

[91] Quant au deuxième volet du critère Meiorin, je conclus que la SCP ne croyait pas sincèrement que sa décision était raisonnablement nécessaire. Quand la réunion a eu lieu en février 2003, M. Willoughby était sans travail depuis plusieurs mois. M. Duncan a témoigné qu’il n’avait pas examiné les renseignements médicaux au sujet de M. Willoughby avant la tenue de la réunion. Il ne savait pas qu’un plan de retour au travail avait été préparé afin de faciliter le retour de M. Willoughby. Il n’avait pas officiellement fait de recherche parmi les postes à doter afin de déterminer si l’un d’eux convenait à M. Willoughby. Il a témoigné qu’il avait compris que les restrictions de M. Willoughby n’avaient pas changé et que, par conséquent, l’avis de la SCP n’avait pas changé. Il n’y avait aucun poste pour M. Willoughby. La démarche que M. Duncan a entreprise avant de décider que la SCP cesserait d’employer M. Willoughby n’était pas du tout adéquate. Compte tenu des circonstances, je conclus que la SCP ne croyait pas sincèrement que sa décision était raisonnablement nécessaire.

[92] En ce qui a trait au troisième volet du critère Meiorin, la SCP a présenté pour cette partie de l’analyse la même preuve pour la décision de février 2003 que pour la décision d’avril 2002. Par conséquent, mon analyse quant à savoir si la décision était raisonnablement nécessaire est la même pour les deux décisions. Je répète l’analyse que j’ai effectuée au sujet de la décision d’avril 2002 et je conclus que la SCP n’a pas démontré que sa décision de cesser d’employer M. Willoughby en février 2003 était raisonnablement nécessaire.

(iv) La conclusion au sujet des actes discriminatoires

[93] Pour tous ces motifs, je conclus par conséquent que la plainte de M. Willoughby selon laquelle il a fait l’objet d’actes discriminatoires fondés sur ses déficiences, en contravention avec les alinéas 7a) et 7b) de la LCDP, est fondée.

V. Redressements

A. Indemnité pour pertes de salaire

[94] M. Willoughby a demandé une indemnité pour pertes de salaire en vertu de l’alinéa 53(2)c) de la LCDP. Cet alinéa donne au Tribunal qui juge la plainte fondée le pouvoir d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire entraînées par l’acte discriminatoire.

[95] La Cour d’appel fédérale a récemment examiné l’analyse appropriée quant au calcul des indemnités pour pertes de salaire. Dans l’arrêt Chopra c. Canada (Procureur général), [2007] A.C.F. no 1134, le juge Pelletier, s’exprimant au nom de la Cour, précise que la principale chose à examiner dans un tel cas est la question de savoir s’il existe un lien de causalité entre les pertes de salaire et les actes de discrimination. Les principes qui limitent le recouvrement de dommages‑intérêts dans les procès civils, comme l’éloignement ou la prévisibilité, ne s’appliquent pas. On peut exiger de l’auteur du préjudice qu’il indemnise sa victime pour les pertes que sa conduite a causées, même si ces pertes avaient pu être prévues. L’alinéa 53(2)c) confère un pouvoir discrétionnaire au Tribunal. Il prévoit qu’un Tribunal peut ordonner une indemnisation de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire entraînées par l’acte discriminatoire. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit obéir à des principes (Chopra, précité, au paragraphe 37). De plus, bien qu’un Tribunal puisse examiner si la victime a pris des mesures pour limiter ses pertes, il n’est pas obligatoire de tenir compte d’une telle limitation. Le Tribunal peut tenir compte de la limitation s’il détermine que c’est approprié compte tenu des circonstances.

[96] M. Willoughby n’a été capable de se trouver un emploi qu’en juillet 2004. Il a témoigné qu’il était d’abord émotionnellement atterré par le comportement de la SCP et qu’il a eu par la suite de la difficulté à se trouver un emploi en raison de ses déficiences. Je conclus que M. Willoughby a raisonnablement tenté de limiter ses pertes en se cherchant un autre emploi. Je conclus aussi que les actes discriminatoires de la SCP étaient la cause de la période pendant laquelle M. Willoughby a été sans emploi. Si la SCP n’avait pas refusé de continuer à l’employer, M. Willoughby aurait toujours eu un emploi. M. Willoughby a témoigné qu’il s’est trouvé un nouvel emploi en juillet 2004. Je crois qu’une indemnité pour les pertes de salaire à partir du moment où il a cessé de travailler pour la SCP en avril 2002 jusqu’au moment où il a commencé à travailler chez Mill Woods Suzuki en juillet 2004 est appropriée.

[97] Conformément à l’alinéa 53(2)c) de la LCDP, j’ordonne à la SCP d’indemniser M. Willoughby pour le salaire qu’il a perdu en raison de sa perte d’emploi, le 15 avril 2002, jusqu’à la date à laquelle il a recommencé à travailler en juillet 2004. Toute prestation d’invalidité ou autre prestation et tout revenu d’emploi qu’il a reçu pendant cette période seront déduits de l’indemnité ou seront remboursés à l’émetteur. De plus, la SCP paiera à M. Willoughby tout avantage relié à l’emploi qu’il aurait dû recevoir pendant cette période, y compris le montant que la SCP aurait versé au régime de pension de M. Willoughby, le cas échéant.

[98] M. Willoughby a demandé une indemnité pour les 95 jours de prestation de maladie qu’il a perdus. On ne m’a présenté aucune preuve selon laquelle les employés de la SCP ont droit, lorsqu’ils quittent leur emploi au sein de la SCP, à une compensation financière pour les jours de congé de maladie qu’ils n’ont pas utilisés et, par conséquent, je ne rendrai pas une telle ordonnance.

B. Indemnité pour préjudice moral

[99] M. Willoughby a témoigné que le refus de la SCP de l’affecter à un quart de travail de jour en mars 2002, après qu’elle a reçu une lettre de son médecin qui précisait cette restriction, a eu un effet tel que son état de santé, tant mental que physique, a continué de se détériorer.

[100] M. Willoughby a aussi témoigné des répercussions émotionnelles qu’il a subies lorsque la SCP a refusé de continuer à l’employer, d’abord en avril 2002 et de nouveau en février 2003. Il a affirmé qu’il s’était senti atterré, trahi par son employeur, qu’il s’était cru sans valeur et qu’il était déprimé. Il a soutenu que ses symptômes psychologiques s’étaient aggravés. Les tribunaux ont reconnu que l’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité de la personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel (Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, à la page 368). Je conclus que le comportement de la SCP a causé un préjudice moral important à M. Willoughby.

[101] J’ordonne à la SCP de payer à M. Willoughby une indemnité de 10 000 $ pour son préjudice moral.

C. Indemnité spéciale

[102] Le plaignant demande une indemnité spéciale. En vertu de la LCDP, le Tribunal a le pouvoir d’ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré (paragraphe 53(3)). J’ai conclu que la SCP savait ou aurait dû savoir qu’elle n’avait pas traité la question de l’accommodement de M. Willoughby de la façon prescrite par le principe établi dans Meiorin. Le comportement de la SCP était soit délibéré, soit inconsidéré. Je conclus qu’une indemnité spéciale est justifiée et j’accorde 10 000 $.

D. Frais juridiques

[103] Le plaignant me demande d’ordonner à l’intimée de payer les frais juridiques qu’il a engagés au cours de la procédure. Les alinéas 53(2)c) et 53(2)d) donnent tous les deux au Tribunal le pouvoir d’ordonner, entre autres, l’indemnisation de la victime de la totalité […] des dépenses entraînées par l’acte , s’il juge la plainte fondée.

[104] Le membre Sinclair a récemment examiné attentivement la jurisprudence de la Cour fédérale à ce sujet (Mowat c. Forces armées canadiennes, 2006 TCDP 49). Il a conclu qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour fédérale, que le Tribunal a le pouvoir d'adjuger des frais juridiques en vertu du paragraphe 53(2). 

[105] Je souscris à cette conclusion et je suis de plus persuadé que le Tribunal a le pouvoir d’adjuger des frais juridiques, pour les motifs énoncés par la présidente Mactavish (maintenant juge à la Cour fédérale) dans la décision Nkwazi c. Canada (Services correctionnels), [2001] T.C.D.P. no 29. La présidente Mactavish a noté que, compte tenu de son statut fondamental et quasi-constitutionnel, il faut donner à la législation sur les droits de la personne une interprétation libérale conforme à son but, non seulement en ce qui a trait aux droits protégés en vertu de cette législation, mais aussi en ce qui a trait aux pouvoirs qu’elle accorde en matière de redressement (Nkwazi, au paragraphe 13; voir aussi Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada [1987] 1 R.C.S. 1114, à la page 1136; Robichaud c. La Reine, [1987] 2 R.C.S. 84).

[106] La décision de la Cour d’appel fédérale dans Chopra ne traite pas expressément de la question des frais juridiques. Cependant, la décision examine l’interprétation appropriée de l’alinéa 53(2)c), qui est l’une des parties de la LCDP qui donne au Tribunal le pouvoir d’adjuger des frais juridiques. Le juge Pelletier précise que la principale question à examiner dans le cadre de cet alinéa est celle de savoir s’il existe un lien de causalité entre les dépenses engagées et l’acte discriminatoire. Les questions telles que l’éloignement ou la prévisibilité ne s’appliquent pas. On peut examiner la question de la limitation, le cas échéant, mais il ne s’agit pas d’un élément obligatoire de l’analyse.

[107] En l’espèce, j’ai conclu que chacune des trois allégations était fondée. Je conclus que les actes discriminatoires de la SCP ont entraîné des frais juridiques pour M. Willoughby pour la poursuite de sa plainte. Je conclus que, compte tenu des circonstances, il convient de rembourser les frais juridiques raisonnables de M. Willoughby liés à sa plainte et je rends une ordonnance en ce sens.

E. Intérêts

[108] L’intérêt est payable sur toutes les adjudications de la présente décision, sauf en ce qui a trait aux frais juridiques, conformément au paragraphe 53(4) de la LCDP. Je n’accorde pas d’intérêts sur les frais juridiques parce que je conclus, en me fondant sur la décision du membre Sinclair, que l’intérêt n’est pas une dépense au sens du paragraphe 53(2) de la LCDP. Aucune preuve ne m’a été présentée selon laquelle M. Willoughby avait payé des intérêts pour ses frais juridiques et, par conséquent, je ne rendrai pas d’ordonnance au sujet du paiement d’intérêts pour ces dépenses.

[109] En ce qui a trait aux autres ordonnances, l’intérêt à payer sera calculé à taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle), conformément au paragraphe 9(12) des Règles de procédure du Tribunal. En ce qui a trait à l’indemnité pour préjudice moral, ainsi qu’à l’indemnité spéciale, l’intérêt courra à partir de la date de la plainte.

F. Déclaration de compétence

[110] Le Tribunal demeure saisi de l'affaire pour recevoir de la preuve, entendre des observations additionnelles et rendre d'autres ordonnances, dans l'éventualité où les parties n'arriveraient pas à conclure une entente à l'égard de toute question résultant des redressements ordonnés dans la présente décision. Dans l'éventualité où les parties auraient besoin de directives quant à quelque question se rapportant au redressement, elles peuvent en demander au plus tard 60 jours après la date de la présente décision.

Signée par

Julie C. Lloyd
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 26 octobre 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1076/5705

Intitulé de la cause : Guy Willoughby c. Société canadienne des postes

Date de la décision du tribunal : Le 26 octobre 2007

Date et lieu de l’audience : Les 7 au 11 mai 2007
Edmonton (Alberta)

Comparutions :

Ronald T. Smith, pour le plaignant

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Zygmunt Machelak, Renu Srai et Tom Duncan, pour l'intimée

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