Tribunal canadien des droits de la personne

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TD 9/ 88 Décision rendue le 20 mai 1988

Décision du tribunal en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne

DANS L’AFFAIRE d’une plainte déposée en vertu de l’alinéa 7b) et de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

ENTRE: Gail O’Connell, Anne Chirka, Patricia Oxendale, plaignantes, ET: La Société Radio- Canada, mise en cause.

DECISION DU TRIBUNAL DEVANT: John McLaren, Président

ONT COMPARU: Avocats des plaignantes et de la Commission des droits de la personne Me René Duval Me Esther Savard

Avocat de la mise en cause, la Société Radio- Canada Me Barbara MacIsaac

Entendue dans la ville de Calgary, les 18 et 19 ao t, 14, 15 et 16 octobre, et 19 novembre 1987.

TRADUCTION >

1 A. La nature de la plainte Ce tribunal a été constitué conformément à l’article 39 (1.1) de la Loi canadienne sur les droite de la personne pour examiner la plainte de Gail O’Connell datée du 20 janvier 1984 et modifiée le 4 janvier 1987, celle de Anne Chirka, datée du 6 janvier 1984 et modifiée le 22 février 1985 et celle de Patricia Oxendale, datée du 28 décembre 1983. Les plaintes ont été réunies en vertu de l’article 32( 4) de la Loi.

Le libellé des plaintes est identique et s’énonce comme suit:

(TRADUCTION)

"Je suis employée à titre de technicienne par la Société Radio- Canada à Calgary, Alberta. J’ai été privée de l’opportunité d’être affectée aux cars de reportage ainsi qu’à diverses autres tâches en studios et hors studios. Les affectations précitées permettent d’élargir les connaisances techniques et l’expérience, et assurent une rémunération substantielle en temps supplémentaire; par conséquent, du fait du refus de m’affecter à ces tâches, je n’ai pu bénéficier que de chances d’emploi ou d’avancement restreintes. Je crois posséder toutes les qualifications requises pour ces tâches, et j’allègue que je fais l’objet d’une distinction fondée sur mon sexe (féminin), ce qui est discriminatoire et contraire au paragraphe 7( b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En outre, j’allègue que les faits relatés ci- haut relèvent d’un acte discriminatoire de la part de mon employeur, ce qui est contraire à l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne."

Voici le texte de l’article 7( b) de la Loi canadienne sur les droite de la personne:

"Constitue un acte discriminatoire le fait, (...) b) de défavoriser un employé, dans le cadre de son emploi, directement ou indirectement, pour un motif de distinction illicite."

Voici le texte de l’article 10:

"Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur,

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite, ou b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation,

> 2 l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel pour un motif de distinction illicite, d’une manière susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus."

L’article 3 de la Loi définit l’expression motif de distinction illicite qui apparait aux articles 7 et 10. La définition inclut la distinction sur le motif du sexe. Madame Chirka a inclus dans sa plainte une allégation relative à une distinction sur le motif de la situation de famille, car le traitement discriminatoire dont elle fait l’objet reflète son statut de personne mariée dont l’époux travaille également pour Radio- Canada à Calgary. La distinction fondée sur la situation de famille est également un motif illicite en vertu de l’article 3 de la Loi.

B. Lignes de conduite en matière d’emploi de la Société Radio- Canada. 1. La convention de la NABET et les descriptions de tâche Avant d’examiner ces plaintes de manière approfondie, il importe de dégager le contexte en matière d’emploi dans lequel elles ont pris naissance. Chacune - des plaignantes était, et demeure, technicienne à la station de Radio- Canada à Calgary (CBRT). Peu de temps après avoir été engagée, Madame

O’Connell a travaillé comme Technicien en magnétoscopie (ce qui correspond à la classe de technicien du groupe IV). De 1980 au début de 1984, Madame Chirka a également travaillé comme Technicien en magnétoscopie (ce qui correspond également à la classe de technicien du groupe IV). Depuis 1984 , elle travaille au Service de journalisme électronique (JE). En ao t 1985, elle est devenue monteur, journalisme électronique, et est actuellemt classée technicien du groupe VI. Madame Oxendale a été engagée, en 1982 en tant que Technicien de régie vidéo aux studios de CBRT, et occupe toujours ce poste. Elle est également classée technicien du groupe IV.

M. Robert Service, qui occupe depuis 1986 le poste de Chef de l’Exploitation TV, a décrit dans sa déposition la nature et la pertinence des postes et des classes, ainsi que le caractère général des conditions de travail du personnel technique de Radio- Canada. M. Service assume la responsabilité à l’échelon national des relations industrielles au sein de la Société, notamment celles avec la NABET (la National Association of Broadcast Employees and Technicians), l’unité syndicale dont font partie les trois plaignantes.

> 3 En vertu de la convention collective entre Radio- Canda et la NABET, l’ancienneté du personnel est évaluée à partir de la date où chaque individu a été engagé par la Société. La description de tâche pour la classe de technicien du groupe IV (désignation de poste 6433) (produite sous la cote R- 4) définit la fonction générale des employés de cette classe, ainsi que douze tâches communes requises de la part de tout employé appartenant à cette catégorie, quelles que soient ses fonctions plus spécialisées. Les responsabilités spécifiques au Technicien de magnétoscopie ou monteur, travail effectué par Madame O’Connell et par Madame Chirka, sont les suivantes:

(TRADUCTION)

"1. Prépare, installe, charge et fait fonctionner les magnétoscopes pour l’enregistrement, le playback, l’assemblage et le montage des bandes magnétoscopiques.

2. S’assure que les bandes magnétoscopiques sont disponibles et que toutes les bobines débitrices sont en place et réglées tel que requis pour l’enregistrement, le playback et le montage.

3. Evalue les bandes magnétoscopiques et enévalue la qualité technique.

4. Procède à l’essai et à la maintenance élémentaire de l’équipement de magnétoscopie.

5. Exécute, au besoin, d’autres tâches reliées à celles mentionnées ci- haut."

Pour le travail de Technicien de régie vidéo effectué par Mme Oxendale, la description mentionne les fonctions spécifiques suivantes:

(TRADUCTION)

"1. Prépare, installe, met en place et fait fonctionner l’équipement de magnétoscopie et règle la( les) caméra( s).

2. Manipule les installations de régie vidéo d’une ou de plusieurs caméras durant la répétition et les productions, en maintenant la qualité et le niveau de transmission désirées.

3. Peut procéder à l’évaluation technique des films ou des diapositives et préparer des rapports sur leur qualité.

> 4 4. Exécute, au besoin, d’autres tâches reliées à celles mentionnées ci- haut."

2. Droits de la direction et des employés en vertu de la convention de la NABET.

Dans sa déposition relative à la convention collective entre Radio- Canada et la NABET (produite sous la cote C- 5), M. Service note que, en vertu de l’article 3 (Droits de la Direction), la direction assume la responsabilité de (TRADUCTION) l’établissement des horaires de travail (3.2). Contrairement à la convention collective conclue avec le SCFP en ce qui concerne le personnel de production (produite sous la cote R- 6), il n’existe pas de clause dans la convention de la NABET qui oblige la Société à prendre en considération les souhaits d’un employé, à faire de son mieux pour offrir aux employés au sein d’un groupe les mêmes chances de travailler à des quarts de travail spécifiques, ou à faire de son mieux pour donner autant d’opportunités de faire des heures de travail supplémentaire aux employés du groupe effectuant d’ordinaire une telle activité (se reporter à la convention Radio- Canada/ SCFP, articles 23.1.3. et 30.7). M. Service a expliqué que la différence entre les deux conventions reflète le fait que de nombreux postes concernés par la convention de la SCFP, à la différence des postes de la NABET, sont interchangeables, ce qui rend possible l’égalisation des chances. L’article 5 définit la durée hebdomadaire du travail normale des employés de la NABET comme étant de 38 h 45 min, et prévoit deux jours de repos consécutifs. M. Service a expliqué que les jours de repos peuvent varier d’un employé à l’autre, du fait de la nécessité d’assurer une permanence à la station sept jours par semaine. En vertu de l’article 8 (Tour de service), la durée normale d’une journé de travail est de 7 h 45 min. L’article 7 (Heures supplémentaires et heures imprévues) définit les heures supplémentaires comme étant les heures qui excèdent la journée de travail minimale de 7 h 45 min. Ces heures supplémentaires sont rémunérées à raison d’une fois et demie le salaire horaire de base. En vertu de l’article 16 (Travail effectué un jour de repos hebdomadaire), le travail effectué un jour de repos hebdomadaire est rémunéré à raison d’une fois et demie à deux fois et demie le salaire horaire de base, selon le nombre de jours et d’heures travaillées. M. Service a précisé que les techniciens travaillant pour Radio- Canada peuvent s’attendre à ce qu’on leur demande de faire des heures supplémentaires.

L’article 72 de la convention collective de la NABET traite de la formation. En vertu de cet article, deux catégories de formation sont envisagées. La première permet la mise à jour des connaissances et de l’expérience d’un employé d’une catégorie particulière d’emploi, par exemple lors de la mise en service de nouveaux équipements. Dans de tels cas, la Société est tenue

> 5 d’assurer la formation. La seconde catégorie a trait à l’évolution de la carrière des employés. Dans ce cas, l’initiative doit être prise par

l’employé. La Société, tout en encourageant de telles initiatives, a le pouvoir d’accorder ou de retirer son approbation selon ses intérêts et ses priorités. En vertu de l’article 40 (Non discrimination):

(TRADUCTION)

"La Société ne doit pas établir de distinction fondée sur le sexe, la couleur, l’âge (...), la religion, la croyance, la race, l’origine nationale ou ethnique, la situation familiale."

3. Rôle et pouvoirs des réalisateurs de la Société Radio- Canada M. Service a également traité de la convention entre Radio- Canada et l’Association canadienne des réalisateurs de télévision (produite sous la cote R- 7). Il a notamment attiré l’attention sur l’article 9.3 de cette convention, dont le texte suit:

(TRADUCTION)

"Le réalisateur a le droit de faire connaître ses préférences aux services de production quant à la constitution de l’équipe de réalisation, étant entendu que les services de production s’efforceront de satisfaire à ces préférences. Dans les cas où ses souhaits ne peuvent être comblés, le réalisateur peut demander et recevra une explication écrite. L’équipe de réalisation, une fois constituée, relève directement du réalisateur, et aucun changement ne peut être apporté sans consultation préalable de ce dernier, sauf lorsque des circonstances à caractère particulier ou urgent rendent cette consultation peu commode."

Le rapport entre la direction, les réalisateurs et les équipes de production a également été abordé par M. Lawrence Kimber, actuellement employé par Radio- Canada en tant que réalisateur- coordonnateur de l’émission Sportsweekend. M. Kimber a remis sa déposition sous forme d’un affidavit le 3 septembre 1987, et a subi un contre- interrogatoire mené par M. Duval, représentant la Commission des droits de la personne, le 14 septembre 1987. M. Kimber a occupé plusieurs postes importants en réalisation depuis 1977, et se décrit lui- même comme (TRADUCTION) connaissant parfaitement les procédures de préparation et de diffusion de tous les types d’émissions télévisées (produit sous la cote R- 2, page 1).

En ce qui a trait aux exigences requises des réalisateurs pour la planification des productions du réseau, M. Kimber a souligné le caractère créatif du processus de réalisation et la nécessité d’engager les individus disponibles les mieux qualifiés dans chacune des catégories d’emploi au sein de l’équipe. Selon lui,

> 6 il s’agit des individus qui ont acquis une bonne réputation quant au travail qu’ils accomplissent, et qui, par le passé, ont démontré leur aptitude à travailler au sein d’une équipe. Les membres d’une équipe peuvent provenir, ce qui est souvent le cas, de plusieurs stations de Radio- Canada, notamment pour les émissions internationales ou nationales. De plus, le profil d’une équipe et l’expérience collective qu’elle représente varient obligatoirement selon le type d’évènement devant être diffusé, qu’il s’agisse d’un évènement sportif, d’un congrès politique, d’une émission de variétés ou d’une émission dramatique. Lors du contre- interrogatoire, M. Kimber a indiqué que les réalisateurs à l’échelon du réseau connaissent d’habitude l’identité et le dossier des techniciens à l’échelon local, et utilisent ces renseignements pour faire leur choix. Dans certains cas (il a cité l’exemple des retransmissions télévisées des matches de la Ligue canadienne de football),

les réalisateurs du réseau se rendent dans les différentes villes et constituent les équipes de réalisation pour la saison, après consultation des réalisateurs locaux. M. Kimber a admis que dans certains cas les réalisateurs du réseau doivent se fier aux recommandations émises par les réalisateurs locaux, notamment les directeurs techniques, en particulier lorsque l’on a recours à un personnel majoritairement local ou lorsque des substitutions doivent être effectuées; toutefois, il a ajouté que le réalisateur a le pouvoir de rejeter une recommandation.

M. Kimber a admis que, du fait de l’importance accordée aux- antécédents, les employés qui manquent d’expérience peuvent ne pas être choisis; il a toutefois donné des exemples où certains techniciens inconnus et sans expérience ont eu une opportunité, ont impressionné favorablement les réalisateurs, se forgeant ainsi une bonne réputation. En dépit de ce problème, il était convaincu, et avec lui d’autres réalisateurs tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de Radio- Canada (TRADUCTION) qu’un réalisateur est responsable de l’aspect créatif de toute émission qui lui est confiée. D’après lui, personne ne peut être assuré d’acquérir gloire et fortune en travaillant à Radio- Canada. Bien qu’il ne l’ait pas mentionné expressément dans sa déposition, il était implicite qu’il existe un rapport important, dans l’esprit des réalisateurs et des techniciens, entre l’évolution de la carrière et la satisfaction procurée par l’emploi d’une part, et l’affectation aux émissions du réseau réalisées à bord de cars de reportage d’autre part.

4. L’organisation du travail technique à Radio- Canada à Calgary L’organisation et la répartition du travail technique à la station de Radio- Canada à Calgary ont été abordées dans la déposition de M. Marty Raine, qui a occupé le poste de Chef, Services techniques TV, du mois d’avril 1980 au mois d’ao t 1986. M. Raine a indiqué que la station de Calgary doit

> 7 équilibrer les exigences importantes de la programmation locale, en particulier celles des bulletins quotidiens de nouvelles, avec les demandes du réseau en ce qui concerne ses émissions, qu’il s’agisse d’évènements sportifs, de spectacles de variétés exceptionnels, de congrès politiques, de congrès internationaux ou nationaux, etc. Deux directeurs techniques relevant du Chef, Services techniques TV, assurent la supervision quotidienne du personnel technique et sont responsables respectivement des studios et des cars de reportage. Depuis 1977, la station de Calgary exploite un super- car de reportage; il s’agit d’une remorque de 40 pieds de long qui comporte un studio, et permet à une équipe de réalisation de diffuser en direct sur le terrain. Le super- car de reportage requiert une équipe de neuf (9) personnes, incluant un technicien de magnétoscopie. Ce dernier, déclare M. Raine, peut être l’un des quatre employés de la station appartenant à cette classe. Cette installation, tout en étant utilisée pour la programmation locale, constitue un élément important pour la diffusion en réseau de reportages. Jusqu’en 1985, la station disposait également d’un autre car de reportage appelé mini- car de reportage; il s’agissait d’une remorque beaucoup plus petite où opéraient deux techniciens. Cette installation. était parfois rattachée au super- car de reportage, notamment pour la diffusion des matches de hockey, afin d’offrir des moyens accrus. Cette installation a été abandonnée en 1985, car elle était obsolète et peu fiable sur le plan technique.

L’établissement officiel des horaires hebdomadaires des affectations du

personnel technique est effectué par un agent de répartition des tâches au Centre d’exploitation TV. Toutefois, le contenu de cet horaire est le fruit d’une collaboration entre les deux directeurs techniques, lesquels consultent les responsables du contenu des émissions afin de déterminer les exigences en matière de programmation. Ce processus d’établissement des horaires tient compte des demandes du réseau concernant l’assistance requise pour ses productions. M. Raine a expliqué de manière assez longue le système régissant l’affectation du personnel technique. Il existe certains services, par exemple celui des metteurs en onde de la station, dont le type de travail est prévisible, et dont les employés travaillent sur le principe des rotations; l’horaire est donc simple et varie peu d’une semaine à l’autre. Pour les techniciens de l’exploitation, l’horaire est plus compliqué, car les individus affectés aux cars de reportage proviennent de ce groupe. M. Raine a suggéré que, bien que le principe des horaires rotatifs soit utilisé dans une certaine mesure pour les opérateurs en magnétoscopie, ce système ne convenait pas toujours car l’un des quatre techniciens pouvait être affecté au car de reportage. Il a également souligné que, même si ce type de travail n’accaparait pas totalement le technicien, certains d’entre eux étaient plus en demande que d’autres, notamment pour les productions du réseau. Du fait que le mini- car de reportage était une installation dont

> 8 l’exploitation était très spécialisée, deux techniciens y avaient été affectés de manière permanente. Marty Raine a indiqué que, en tant que Chef, Services Techniques TV à Calgary, il avait tenté de promouvoir le recours à des techniciens de Calgary pour les productions du réseau. Toutefois, il a rejeté l’assertion contenue dans la déposition de M. Raminder Singh, Enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne, selon laquelle les préférences des employés constituent l’un des critères pour l’affectation des tâches. Si la Société tient volontiers compte de ce facteur dans des cas particuliers, il ne s’agit toutefois pas d’une règle générale. Lors de son contre- interrogatoire, M. Raine a exprimé une. certaine réticence à admettre la possibilité de l’existence d’un lien entre l’évolution de la carrière et l’affectation aux cars de reportage, en particulier à ceux du réseau.

D’après les relevés de rémunération pour heures supplémentaires préparés par Radio- Canada et produits à titre d’éléments de preuve, il est clair que les techniciens d’exploitation peuvent faire un nombre important d’heures supplémentaires. Ces opportunités ne dépendent pas toutes des affectations aux cars de reportage. Il est également souvent possible d’effectuer des heures supplémentaires en studio, en particulier lorsque les techniciens sont appelés à travailler. lors de leurs jours de repos ou en dehors des heures normales. Ceci dit, toutefois, les chiffres suggèrent que les affectations aux cars de reportage constituent une source importante d’heures supplémentaires pour ceux qui en bénéficient régulièrement, en particulier lorsqu’ils se déplacent à l’extérieur de la ville. Les affectations aux cars de reportage comportent d’ordinaire des heures de mise en place et de démontage et, si elles ont lieu à l’extérieur de la ville, des heures de déplacement.

Lors du contre- interrogatoire mené par M. Duval, M. Raine a souligné que, jusqu’à récemment, il n’existait pas de système officiel d’évaluation des employés de la NABET par la Société. Les échanges relatifs aux performances des employés s effectuaient officieusement lors de discussions entre le Chef, Services techniques TV et les deux directeurs techniques.

En guise de résumé, je suis convaincu que la position de Radio- Canada à l’égard de l’affectation des postes des techniciens de la NABET prend en considération le fait qu’ils font partie de groupes spécialisés qui n’ont aucun droit à l’égalité des chances en matière d’horaire ou d’heures supplémentaires et qui, tout en étant incités à chercher des moyens de faire progresser leur carrière, sont soumis aux impératifs quant au contenu et aux préférences des réalisateurs, en particulier lorsqu’il s’agit des affectations du réseau.

C. Les plaintes individuelles Bien que les plaintes de cette cause aient été réunies, elles > 9 diffèrent quelque peu quant au contexte, à la durée de la discrimination alléguée et aux conséquences préjudiciables que les plaignantes prétendent avoir subi . Il importe dès lors de présenter de manière détaillée les éléments de preuve des trois techniciennes.

1. Gail O’Connell Mme O’Connell a été engagée par Radio- Canada à Calgary en avril 1980. Après avoir travaillé pendant une brève période à la régie centrale, elle est devenue Technicien de magnétoscopie, ce qui correspond à la classe de technicien du groupe IV. Au cours de l’année 1986, elle a passé environ six (6) mois à la production; au cours de cette période, elle faisait partie de l’unité de négociation du SCFP. A la mi- octobre de la même année, elle a réintégré son poste de Technicien de magnétoscopie qu’elle occupe encore actuellement. Elle a indiqué dans sa déposition que, dès 1981, elle avait commencé à s’inquiéter du fait qu’on l’affectait peu souvent aux cars de reportage. Comme ses collègues, elle consultait les horaires hebdomadaires, et avait réalisé que certains techniciens du sexe masculin se voyaient continuellement confier ces tâches. En particulier, elle avait remarqué que Don Nesbitt, engagé peu de temps après elle et qui était lui aussi Technicien de magnétoscopie, bénéficiait d’un plus grand nombre d’affectations qu’elle. Cette situation l’inquiétait, car on ne lui avait pas fait de remarque négative relativement à son travail; de plus, elle était désireuse de faire progresser sa carrière, et surtout d’acquérir l’expérience de l’utilisation des nouveaux équipements utilisés dans les cars de reportage. En outre, elle avait fait part de son désir de participer à l’occasion à de telles activités au Directeur technique des cars de reportage, M. Ron Petrescue; elle lui avait également exprimé sa frustration de ne pas en recevoir sa juste part. Il s’agissait de rencontres officieuses, et elle avait l’impression que M . Petrescue ne la prenait pas au sérieux. Lors de son interrogatoire principal, elle a déclaré que, selon ses souvenirs, elle n’avait pas été affectée aux cars de reportage en 1981, l’avait été deux fois en 1982, et environ quatre fois en 1983. Le nombre d’affectations a augmenté après qu’elle ait déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, à savoir six en 1984, dix à quinze en 1985, et plus encore en 1986. Même au cours de cette dernière période, elle estime avoir été affectée moins souvent que M. Nesbitt aux cars de reportage; en 1986, la répartition des affectations entre elle et M. Nesbitt lui a toutefois semblé satisfaisante.

Jusqu’en 1983, elle avait fait part de son inquiétude aux directeurs techniques. Elle pensait que son désir d’être affectée aux cars de reportage était reconnu. Elle a fait part officiellement à la direction de la station

de son sentiment d’être l’objet d’une discrimination par l’intermédiaire d’une

> 10 lettre datée du 12 ao t 1983, envoyée par le président de la section locale de la NABET, M. Harry Johnson (produite sous la cote C- 143), et adressée à M. Andrew Simon, Directeur, TV) et à M. Leo Rebert, Chef du contrôle de la production. La lettre déclarait que Mme O’Connell et ses deux collègues (TRADUCTION) n’étaient pas traitées de manière juste ou équitable par rapport aux hommes ayant des qualifications similaires et appartenant à la même classe technique. Plus spécifiquement, M. Johnson alléguait que:

(TRADUCTION)

"1. Il existe une inégalité flagrante en ce qui a trait aux heures supplémentaires.

2. Elles sont généralement ignorées pour les affectations aux cars de reportage ou hors studios; lorsqu’elles y sont affectées, c’est souvent pour accomplir des tâches peu valorisantes.

3. Ces employée sont peu l’occasion d’apprendre ou de faire la preuve de leur expertise en dehors du cadre élémentaire de leurs fonctions.

4. Les chances d’emploi ou d’avancement ne sont pas offertes’ aux femmes qui ont démontré leur intérêt, mais sont offertes aux hommes ayant une ancienneté et une expertise moindres."

Suite à la réception de cette lettre par la direction de Radio- Canada, Mme O’Connell se souvient avoir assisté à une réunion à la fin du mois d’ao t 1983 avec les autres plaignantes, réunion à laquelle assistaient également MM. Raine et Johnson, ainsi que Mme Bev Kelly, Chef des Ressources humaines à CBRT. Lors de cette rencontre, il a été question de la discrimination envers techniciens du sexe féminin. Selon elle, la direction de Radio- Canada a réagi en déclarant (TRADUCTION) qu’il n’y avait aucun problème (...) que c’était normal (page 172). Sa prochaine étape a été de déposer une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne au début de 1984. Au cours du printemps, elle a à nouveau soulevé la question des affectations, cette fois- ci auprès de Marty Raine. Cet été là, elle a commencé à être sollicitée plus souvent.

Lors de son interrogatoire principal, Mme O’Connell a indiqué que, lorsqu’elle a commencé à être affectée aux cars de reportage, elle a nettement ressenti que, du fait qu’elle était une femme, ses collègues masculins s’attendaient à ce qu’elle fasse ses preuves. Les commentaires formulés alors lui ont fait

> 11 comprendre qu’elle devrait apprendre par elle- même et ne devrait pas s’attendre à recevoir l’aide de ses collègues.

2. Mme Anne Chirka Mme Anne Chirka est entrée à Radio- Canada à Winnipeg en 1977 et, jusqu’à ce qu’elle parte pour Calgary à la fin de 1979, a effectué différentes tâches

incluant la manipulation de matériel vidéo. En 1979, elle est partie pour Calgary avec son mari, Larry Chirka, qui y avait trouvé un emploi de technicien à la station de Radio- Canada. Elle a été engagée par CBRT en janvier 1980 en tant que Technicien de magnétoscopie, ce qui correspond à la classe technicien du groupe IV. En décembre 1981, elle a pris un congé de maternité de douze mois. Mme Chirka ne se plaint pas de la manière dont elle a été traitée par Radio- Canada en 1980 et 1981. Elle estime avoir reçu une juste part des affectations aux cars de reportage offertes aux techniciens de magnétoscopie. En fait, elle se souvient avoir eu autant d’affectations qu’un des techniciens du sexe masculin, M. Mike Weir, qui avait approximativement quatre ans d’ancienneté de plus qu’elle.

Pendant qu’Anne Chirka était en congé de maternité, son mari, M. Larry Chirka, a commencé à s’inquiéter de sa situation à Radio- Canada à Calgary. Comme sa femme, M. Chirka travaillait à Radio- Canada à Winnipeg avant de déménager à Calgary. Il occupant un poste de technicien dans l’équipe de télévision, un poste du groupe I. En ao t 1979, il a accepté d’être transféré à Calgary en tant que technicien de magnétoscopie. Après avoir exercé pendant un certain temps cette fonction ainsi que celle de preneur de son, journalisme électronique, il est devenu technicien d’éclairage en mai 1981. Il s’agissait d’un type de travail similaire à celui qu’il effectuait à Winnipeg. Il a témoigné de l’inquiétude qu’il a ressentie lorsque, au cours du printemps 1982, un certain M. Howard Becker ne provenant pas de Radio- Canada et technicien d’éclairage lui aussi, a été engagé; on a attribué à ce dernier les tâches qui incombaient auparavant à M. Chirka. Selon lui, s’il s’agissait d’un nouveau poste, on aurait d lui en confier la responsabilité. A son avis, il a été rétrogradé. Après avoir abordé ce problème avec les directeurs techniques sans résultat apparent, il a rencontré M. Raine en septembre 1982. Il se souvient du fait que M. Raine a répondu à ses questions concernant sa situation en prétendant que la station avait simplement comblé un poste vacant (TRADUCTION) par quelqu’un qui était selon eux plus approprié ou mieux pour ce poste (page 109). Au cours de la conversation, M. Chirka a demandé à Marty Raine si sa relation avec Anne constituait un problème. Il se souvient que M. Raine a affirmé être gêné par le salaire cumulatif du couple, et a ajouté que (TRADUCTION) certains membres du personnel désapprouvent le fait que nous

> 12 travaillions tous les deux en magnétoscopie (...) (page 110). Selon M. Chirka, sa situation ne s’est pas sensiblement modifiée par la suite, jusqu’en 1986. Depuis l’automne 1982, il a effectué le travail de cameraman et de technicien d’éclairage, au niveau du groupe IV.

Anne Chirka est rentrée de son congé de maternité en janvier 1983. Peu de temps après, elle a commencé à s’inquiéter du fait qu’elle ’n’était pas affectée aux cars de reportage. Sa consultation des horaires hebdomadaires lui a permis d’établir qu’un technicien de magnétoscopie du sexe masculin ayant environ quatre ans d’expérience de moins qu’elle, M. Don Nesbitt, effectuait fréquemment ce type de travail. Par conséquent, la proportion des rémunérations pour heures supplémentaires par rapport au salaire a été considérablement moindre que celle de sa précédente période de travail. Comme Mme O’Connell, elle n’avait jamais entendu de commentaire désobligeant sur la qualité de son travail. Bien qu’elle ait indiqué que les affectations à l’extérieur de la ville lui poseraient des difficultés du fait de ses obligations familiales, il lui semblait avoir clairement signifié sa disponibilité pour les affectations aux cars de reportage à Calgary même. Mme Chirka a déclaré avoir demandé pourquoi elle était traitée différemment

depuis son retour de congé de maternité lors d’une rencontre en avril 1983 entre elle, son mari et Andrew Simon, Directeur, TV. Le principal objet de cette rencontre était de soulever auprès du directeur les problèmes d’horaire auxquels elle et son mari étaient confrontés pour équilibrer leurs responsabilités professionnelles et familiales. Lors de la discussion, elle a mentionné l’absence d’affectations à l’extérieur. Selon elle, M. Simon a répondu en affirmant qu’il n’était pas normal qu’un mari et sa femme travaillent ensemble dans lé même service ou au même endroit, et qu’ils devraient consulter un conseiller conjugal, car (TRADUCTION) il est évident qu’il y a un problème entre nous si nous désirons travailler ensemble (page 32).

Mme Chirka a témoigné du fait qu’au cours de l’été 1983, elle a passé un certain temps en formation au Service de journalisme électronique (JE). Il s’agissait du remplacement temporaire durant l’été (juin et juillet) d’un technicien parti en vacances. Lors du contre- interrogatoire mené par Mme MacIsaac, Mme Chirka a indiqué qu’elle avait abordé avec Marty Raine l’éventualité de travailler régulièrement pendant la journée afin de résoudre les problèmes d’horaire. Elle a également déclaré, en réponse à une question de Mme MacIsaac, qu’elle avait pose sa candidature au poste de monteur, journalisme électronique en automne 1983, mais qu’elle avait par la suite retiré sa demande, car elle estimait qu’elle devrait pour ce poste s’engager à faire des heures supplémentaires avec un préavis très bref.

> 13 Mme Chirka a indiqué que, durant l’année 1983, elle n’a été affectée qu’à quelques reprises aux cars de reportage. De janvier 1983 jusqu’au moment du dépôt de sa plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne le 6 janvier 1984, elle estime qu’il y a eu cinquante affectations de ce type, dont quatorze étaient à l’extérieur de la ville. Elle a témoigné du fait que, selon elle, les affectations au super- car de reportage étaient souhaitables car elles donnent l’occasion (TRADUCTION) d’apprendre des choses nouvelles, de sortir de l’édifice, de rencontrer des techniciens, des réalisateurs et des employés de production provenant d’autres secteurs (page 23). Ces affectations permettent également d’augmenter sa rémunération pour heures supplémentaires. Elle a été très choquée de la manière dont elle a été traitée en 1983 et a conclu qu’elle était l’objet d’une discrimination. Par conséquent, elle a déposé une plainte auprès de la Commission. Elle estime que sa situation s’est considérablement améliorée depuis le dépôt de sa plainte. On lui a proposé des affectations plus intéressantes. Elle a effectué plus de travail en journalisme électronique et, en 1985, a accepté un poste de monteur, journalisme électronique, correspondant à une classe de technicien du groupe VI. Lors du contre- interrogatoire, elle a admis que sa carrière avait pris un nouvel essor depuis le début de 1984.

3. Mme Patricia Oxendale Mme Patricia Oxendale a été engagée sur une base temporaire par la station CBRT en juin 1979 en tant que technicien du groupe V. Après avoir occupé ce poste pendant six mois, elle a été transférée à Radio- Canada à Edmonton, où elle a travaillé comme Technicien de magnétoscopie, un poste du groupe IV. Elle a indiqué dans son témoignage que son poste à Edmonton comportait de nombreux défis, car les programmes étaient diffusés en anglais et en français, et que le studio était plus important que celui de Calgary. Elle a apprécié son expérience à Calgary, et n’a jamais entendu de commentaire négatif à son égard. En janvier 1982, elle a été transférée à nouveau à la station de Calgary, en tant que technicien du groupe IV travaillant à la

régie vidéo et à la génération de caractères. Il s’agissait d’un poste en studio qui avait été libéré du fait que son prédécesseur, M. Lloyd Jessup, avait été nommé l’un des deux techniciens du mini- car de reportage.

A son retour à Calgary, elle n’a pas trouvé les conditions de travail particulièrement passionnantes. Dans son témoignage lors de son interrogatoire principal, elle a révélé avoir entendu des commentaires désobligeants de la part du Chef, Services techniques et du directeur technique. Elle a déclaré:

(TRADUCTION)

"on m’a dit que je me plaignais tout le temps, que j’étais incompétente, que je n’avais aucun talent, que

> 14 personne ne m’appréciait et que je n’avais pas d’ami" (page 121).

Elle a également trouvé que ses rapports avec ses collègues étaient désagréables. Elle estime qu’elle n’était pas traitée comme les autres. Elle a indiqué que, par exemple, on l’épiait et que lorsqu’elle se rendait aux toilettes, elle s’attirait des remarques désobligeantes. Elle a donné quelques exemples.

(TRADUCTION)

"Q. Je vois. Vous rappelez- vous d’autres incidents?

R. Oui. Certains collègues tentaient de m’humilier. Q. Je vois. Est- ce qu’on vous injuriait? R. Oui, on m’injuriait souvent. Q. Pouvez- vous être plus explicite? R. A une époque, très souvent, lorsque j’entrais dans la salle de régie j’entendais faites sortir cette garce.

Q. De la part de vos collègues? R. De mes collègues, et également des réalisateurs. Il y avait un réalisateur...

Q. Lequel? R. Un réalisateur nommé Robert Groves qui appelait par l’intercom et disait est- ce que cette garce est prête, et qui faisait aussi des plaisanteries en disant est- ce que cette salope est prête car il trouvait cela drôle (page 121- 122)."

Elle a indiqué qu’elle s’était plainte de ce traitement auprès de Mme Bev Kelly, Agent des Ressources humaines, selon ses souvenirs en avril 1983. La réaction de celle- ci avait été la suivante:

(TRADUCTION)

"elle m’a dit que si les gens m’injuriaient, je devrais peut- être me regarder dans une glace, car ils m’injuriaient certainement pour une bonne raison" (page 123).

Comme ses deux collègues, elle consultait les horaires chaque semaine, et a conclu qu’elle était en fait exclue des affectations qu’elle considérait intéressantes car elles offraient des chances d’avancement. Elle a remarqué que M. Lloyd Jessup, qui travaillait également à la régie vidéo et qui avait à peu près le même nombre d’années d’expérience qu’elle, était régulièrement affecté à de telles tâches. Comme les deux autres

> 15 plaignantes, elle avait fait savoir qu’elle était disponible pour les affectations aux cars de reportage, et ses désirs à ce sujet étaient connus. La seule réserve qu’elle avait exprimée concernait les affectations au mini- car de reportage, qu’elle n’appréciait pas beaucoup, estimant qu’il s’agissait d’une installation obsolète et peu fiable.

La situation Mme Oxendale l’a préoccupée au point qu’elle a écrit une lettre à Marty Raine datée du 22 avril 1983 (produite sous la cote C- 27); dans cette lettre, elle allègue une pratique déloyale de travail, affirmant qu’une fois encore, M. Lloyd Jessup lui a été préféré pour une émission spéciale. Selon elle, cette situation était typique de ce qui se passait depuis son retour à Calgary. Elle déclare également que Robert Groves lui était hostile, bien qu’il ne lui ait jamais personnellement fait part de son mécontentement vis- à- vis de la qualité de son travail. Elle conclut en soulignant qu’elle n’a reçu aucune affectation aux cars de reportage depuis septembre 1982, et allègue être l’objet d’une distinction et d’une pratique déloyale de travail. Dans son témoignage elle a affirmé que, suite à l’envoi de cette lettre, elle avait rencontré Marty Raine; elle se souvient que celui- ci lui avait promis de lui accorder un plus grand nombre d’affectations spéciales et de lui donner l’occasion d’acquérir une formation dans d’autres secteurs. Ses engagements étant restés lettre morte, elle a à nouveau soulevé la question et a fait part au syndicat de ses problèmes. Elle a également pris l’initiative de téléphoner au Bureau de l’égalité des chances de Radio- Canada à Ottawa, et a parlé à Mme Helen McVey. Elle a estimé que la situation s’était quelque peu améliorée après cette conversation téléphonique. Elle a effectué un stage de formation en tant que preneur de son, journalisme électronique à bord du mini- car de reportage, quoiqu’elle n’y était affectée qu’à titre de remplaçante lorsque les autres techniciens étaient malades. Au cours de cet été, Mme Oxendale a déposé un second grief lorsque l’on n’a pas fait appel à ses services pour le rodéo. Elle a également témoigné au sujet de la rencontre qu’ont eu les plaignantes avec la direction de Radio- Canada ainsi qu’avec Harry Johnson, le président de la NABET. Elle a estimé que cette rencontre avait été (TRADUCTION) une perte de temps, car aucune amélioration concrète n’en avait découlé. Lors d’une rencontre ultérieure sans les autres plaignantes, on lui avait fait à nouveau des promesses, lesquelles ne donnèrent encore une fois aucun résultat. C’est à ce moment là qu’elle a déposé une plainte devant la Commission des droits de la personne en décembre 1983.

Lors du contre- interrogatoire mené par Mme MacIsaac, Mme Oxendale a admis avoir été engagée à titre de technicien de studio. Selon elle, M. Raine, qui l’avait engagée, avait laissé entendre qu’elle pouvait espérer recevoir des affectations à l’extérieur après une année de service. Bien qu’elle ait eut des affectations spéciales en 1983 à bord du super- car de reportage, ce n’était

> 16 qu’à titre de remplaçante ou d’Assistant (TV); cette fonction consiste à s’assurer que le cameraman ne se prenne pas les pieds dans les câbles. Lorsque Mme MacIsaac lui a demandé quelle était pour elle la principale conséquence de ne pas recevoir d’affectations intéressantes, elle a répondu:

(TRADUCTION)

"J’ai l’impression de ne pas avoir de carrière. J’ai un emploi, mais je n’ai pas de carrière, et si je voulais poser ma candidature auprès d’une autre station en ce moment, avec le C. V. que j’ai, je n’aurais vraiment rien d’intéressant à proposer."

Elle a insisté sur le fait que, lorsqu’elle a effectué des stages de formation, c’était pour effectuer des tâches devenues obsolètes du fait de l’évolution de la technologie, notamment lorsqu’elle a été preneur de son, journalisme électronique à bord du mini- car de reportage. Lorsqu’elle a été interrogée par M. Duval, elle a établi à nouveau la stagnation de sa carrière, déclarant que, du fait de son manque d’expérience au niveau du réseau, son C. V. de 1987 ne présentait aucune différence par rapport à celui de 1982. En conséquence elle s’est sentie humiliée, abandonnée, et a commencé à perdre confiance en elle.

D. L’enquête de la Commission Les plaintes ont fait l’objet d’une enquête menée par M. Raminder Singh, Enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne à Edmonton. La Société Radio- Canada, ayant mené sa propre enquête, a conclu que les allégations de distinction sur le motif du sexe ne reposaient sur aucun fondement. Durant son enquête, M. Singh a apprécié la collaboration de la direction de Radio- Canada à Calgary. Ainsi, il a pu interviewer quelque vingt- quatre membres de la direction et du personnel de la station de Calgary. En particulier lors de ses discussions avec M. Raine, il a eu l’occasion de se familiariser avec les rouages internes de la station, ainsi qu’avec les pratiques en matière d’allocation et d’affectation du travail. Selon les souvenirs de M. Singh, M. Raine avait mentionné trois critères pris en considération pour l’affectation du personnel technique de la station: 1) les exigences de l’émission; 2) les aptitudes et les qualifications des employés, et 3) les préférences des employés. D’après l’enquête qu’il a lui- même menée et ses discussions avec le personnel, il n’existe en fait aucun processus cohérent régissant la répartition du personnel. Les réalisateurs ont le droit de refuser ou d’accepter un employé, et les employés sont dans certains cas affectés ou retirés sans rapport évident avec l’ancienneté ou l’expérience. Il n’existe aucun système officiel d’évaluation des performances de ces employés, ni de moyen établi de les informer. Il a également trouvé qu’il n’existe aucun système officiel permettant de

> 17 considérer les préférences des techniciens, bien que les directeurs techniques lui aient déclaré qu’ils essayaient de les prendre en considération.

M. Singh a témoigné du fait qu’il a effectué une étude comparative de la rémunération pour heures supplémentaires de dix- huit techniciens, incluant les plaignantes, à partir des fiches informatisées d’heures supplémentaires mises à sa disposition par la station. La première période examinée va de septembre 1982 à octobre 1983. Cette étude lui a permis de conclure que Patricia Oxendale se classait quatorzième sur dix- huit, Gail O’Connell seizième, et Anne Chirka dix- huitième; cette dernière, toutefois, n’a pas travaillé pendant la totalité de la période examinée. Pour la période allant de novembre 1983 à juin 1984, les positions relatives étaient: Gail O’Connell douzième, Patricia Oxendale seizième et Anne Chirka dix- huitième. Pour ces deux périodes, M. Singh a également effectué une étude comparative

des rémunérations pour heures supplémentaires des trois plaignantes et des employés ayant la même description de tâche (produite sous les cotes C- 49, 50, 51). Il a comparé les rémunérations de Gail O’Connell et d’Anne Chirka avec celles de M. Mike Weir et de M. Don Nesbitt ( tous étant techniciens de magnétoscopie ), et celles de Patricia Oxendale avec celles de M. Lloyd Jessup et de deux autres techniciens du sexe masculin ayant moins d’ancienneté que Mme Oxendale. M. Jessup et Mme Oxendale sont tous deux techniciens de régie vidéo. Les deux autres sont respectivement preneur de son et cameraman. Les documents montrent que les revenus des femmes ont été moindres que ceux des hommes, et d’une manière générale nettement inférieurs.

Technicien Ancienneté Heures Heures supplémentaires supplémentaires Octobre 1982 - Octobre 1983 - Octobre 1983 Juillet 1984

Weir 8 13 677 $ 13 092 $ Nesbitt 3 5 647,5 $ 8 618 $ O’Connell 3 2 903,7 $ 7 224 $ Chirka 6 1 694 $ 4 373 $

Jessup 4 7 062 $ 8 271 $ Technicien A 2 8 624 $ 13 088 $ Technicien B 1 --- 9 019 $ Oxendale 3 4 420 $ 5 653 $

Au cours du contre- interrogatoire mené par Mme MacIsaac, M. Singh a admis que le calcul des heures supplémentaires ne tenait pas compte du fait que les tarifs horaires peuvent varier d’un employé à l’autre du fait de leur différence d’ancienneté. Il a également indiqué avoir appris, suite à ses discussions avec la

> 18 direction de Radio- Canada, qu’une proportion importante des rémunérations pour heures supplémentaires provient des affectations aux cars de reportage ou aux émissions locales importantes. En réponse aux questions additionnelles de Mme MacIsaac, il a indiqué supposer que ce terme se rapportait à des émissions telles Reach for the Top.

M. Singh a reconnu avoir eu une conversation téléphonique avec M. Andrew Simon, Directeur, Services TV à Radio- Canada à Calgary, au sujet de sa conversation avec les époux Chirka en avril 1983. Selon lui, celui- ci avait indiqué que, lors de sa conversation avec le couple, il avait insisté sur les difficultés que pose l’organisation de l’horaire de deux époux travaillant dans le même service, et affirmé qu’il pensait que des employés dans une telle situation ne devraient pas travailler dans le même édifice.

En réponse à une question de Mme MacIsaac, M. Singh a affirmé avoir conclu de son enquête qu’il n’y avait pas eu de discrimination flagrante ou même voilée de la part de la station CBRT vis- à- vis des trois plaignantes. A titre de précision suite à une question de M. Duval, il a réaffirmé ses propos et a ajouté:

(TRADUCTION)

"mais il me semble que, en raison de la situation là- bas, les techniciens du sexe féminin ont subi des répercussions ou une distinction préjudiciable" (page 277).

D. La réponse de la Société Radio- Canada il l’affaire et aux plaintes

M. Marty Raine a témoigné au sujet des affectations de Larry Chirka. Il s’est également rappelé sa rencontre avec M. Chirka en septembre 1982, lors de laquelle ce dernier avait évoqué son inquiétude au sujet de la nomination de M. Howard Becker et de son affectation au poste de technicien d’éclairage. M. Chirka s’est vu offrir un poste de technicien d’éclairage au début de 1981, suite à la promotion d’un technicien d’éclairage. La nomination subséquente de M. Becker en 1982 était liée à la nécessité de remplacer un autre technicien qui avait quitté la station après la grève de la NABET en 1981. Il ne s’agissait pas d’un nouveau poste, ni d’un poste de grade supérieur à celui qu’occupait Larry Chirka. En réponse aux questions de M. Chirka au sujet des affectations de M. Becker à l’extérieur, tâches qu’il assumait jusqu’alors, M. Raine a indiqué que cette décision avait été prise afin de permettre à la direction d’évaluer M. Becker pendant sa période de probation. Il a ensuite soutenu que, en réponse à la question de M. Chirka concernant ce qu’il pensait du fait que les époux Chirka travaillent dans le même service, il avait déclaré:

(TRADUCTION)

"J’ai dit que cela ne me dérangeait pas mais, lorsque nous en avons parlé, je lui ai fait remarquer que j’avais reçu une plainte ou

> 19 avais entendu dire par les gens du Service technique qu’ils étaient mécontents du fait que Anne et Larry Chirka travaillent à la station dans le même secteur" (page 427).

Lorsque Mme MacIsaac lui a demandé d’élaborer sur cette question, M. Raine a expliqué que la plainte avait trait à l’avantage que présente le fait pour un couple de travailler sur des quarts consécutifs, en ce sens qu’ils pouvaient ainsi s’arranger pour se relayer, par exemple vers la fin d’un quart, et s’aménager ainsi une pause à laquelle n’avaient pas droit les autres employés. Lors du contre- interrogatoire mené par M. Duval, M. Raine a indiqué que les plaintes remontent au début de 1981, durant la période où les époux Chirka travaillaient tous deux en magnétoscopie. Il n’avait reçu de plainte qu’à une occasion, émanant probablement d’un des techniciens superviseurs. Il a de plus indiqué qu’il n’avait pas cherché à savoir qui avait formulé la plainte. Il avait déclaré aux techniciens superviseurs qu’il ne voulait plus entendre de plainte de ce genre, et q% l’ils devaient avertir les plaignants du fait que (TRADUCTION) ça ne les regarde absolument pas. Il a ajouté:

(TRADUCTION)

"Oui. Je n’ai pas fait d’enquête car, franchement, je ne voulais pas le savoir et montrer du doigt un individu ou un groupe d’individus. J’espérais que la plainte ne provenait pas des gens du studio, et je ne voulais pas apprendre qu’elle provenait de leurs collègues de la régie vidéo, car je pensais que cela aurait été déplorable, donc je ne voulais pas le savoir" (page 489).

En réponse à une autre question de M. Duval, M. Raine a indiqué qu’il n’avait pas estimé nécessaire de communiquer avec les auteurs de la plainte. Cela incombait aux techniciens superviseurs. Il avait considéré qu’il suffisait de leur indiquer la mesure à prendre. Comme il n’avait rien entendu d’autre par la suite, il avait supposé que celle- ci avait été prise.

M. Andrew Simon, ancien Directeur, Services TV à Radio- Canada à Calgary, a relaté sa rencontre avec les époux Chirka en avril 1983, au cours de laquelle

ils avaient discuté de leur difficulté à établir un horaire satisfaisant. M. Simon se rappelle avoir souligné qu’il était parfois extrêmement difficile de faire concorder les horaires de couples mariés travaillant tous les deux dans un petit service. Toutefois, il a nié avoir déclaré que les couples mariés ne devraient pas travailler pour la Société dans le même local ou dans le même édifice. De plus, il ne se souvient pas avoir fait référence à un conseiller conjugal. Il aurait suggéré, compte tenu des problèmes d’horaire soulevés par les époux Chirka, que l’un des deux envisage de changer de

> 20 service. D’après ses souvenirs, Mme Chirka avait indiqué qu’elle envisageait la possibilité de poser sa candidature à un emploi à la production. M. Simon a également témoigné du fait que, suite au mécontentement de Larry Chirka face à situation au travail, il avait pris des dispositions, par l’intermédiaire de Marty Raine, pour lui proposer une formation approfondie en techniques d’éclairage. Cet engagement a été tenu, et il pensait que Larry Chirka avait été très satisfait de cette initiative et de ses résultats. Marty Raine a confirmé cela dans sa déposition, et a indiqué qu’il avait élaboré un programme de formation pour Chirka avec John Davies, le Directeur technique (Studio).

Pour ce qui est de Anne Chirka, M. Raine a affirmé que sa participation au travail de journalisme électronique durant l’été 1983 résultait de l’évolution de la technologie à la station, et notamment de l’utilisation du vidéo plutôt que du film comme support d’enregistrement pour les bulletins de nouvelles. On avait jugé utile d’assurer une formation double aux employés de magnétoscopie en montage, journalisme électronique, car les supports utilisés sont identiques. On estimait que cela améliorerait les aptitudes des individus formés aux deux techniques, tout en permettant à la station de disposer de services de réserve de meilleure qualité.

En ce qui concerne les plaintes des trois techniciens du sexe féminin, M. Raine a affirmé que la première fois qu’on lui a signalé un problème remonte au 22 avril, date à laquelle il a reçu la note de service de Patricia Oxendale alléguant des pratiques déloyales de travail (produite sous la cote C- 27). Il avait discuté de cette affaire avec Mme Oxendale et avait demandé à John Davies qu’elle soit plus souvent affectée aux cars de reportage. Il a témoigné du fait qu’il avait donné suite à cette promesse et avait parlé à M. Davies et à M. Ron Petrescue, le Directeur technique des cars de reportage. Lorsque Mme Oxendale lui a demandé quatre ou cinq jours plus tard ce qui avait été fait, il a décrit les démarches qu’il avait entreprises, mais lui a dit de ne pas s’attendre à des résultats immédiats. En réponse aux questions relatives à sa nomination en 1982, M. Raine a insisté sur le fait qu’elle avait engagée pour effectuer un travail en studio, mais a ajouté qu’il lui avait bien précisé que, dans quelque temps, elle pourrait espérer être affectée à l’occasion aux cars de reportage.

Mme Bev Kelly, auparavant Agent des Ressources humaines à Radio- Canada à Calgary, a déclaré avoir été informée du problème des trois plaignantes après la réception par Marty Raine de la note de service de Patricia Oxendale datée du 22 avril (produite sous la cote C- 27). Alors qu’au début elle n’était pas directement concernée par cette affaire, elle avait demandé à Patricia Oxendale, dont elle savait qu’elle avait l’intention de contacter le Bureau de l’égalité des chances à Ottawa, si elle pouvait l’aider. Elles avaient parlé de la plainte et des

>-

21 inquiétudes de Patricia du fait que, en dépit des promesses que lui avait faites Marty Raine en réponse à sa plainte, il ne se passait rien. Mme Kelly a indiqué qu’elle lui avait suggéré d’accorder plus de temps à M. Raine pour qu’il puisse donner suite à son engagement. Au cours de discussions ultérieures relatives aux préoccupations de Mme Oxendale concernant ses conditions de travail et le mauvais traitement dont elle était l’objet de la part des réalisateurs et de ses collègues, Mme Kelly se souvient des faits suivants:

(TRADUCTION)

"Donc, nous avons parlé de ses relations avec l’équipe, et du fait que, si elle ne s’entendait pas bien avec l’un de ses membres ou avec d’autres employés du service technique, elle devrait peut- être s’adresser à eux, leur demander ce qu’ils attendent d’elle, et tenter de résoudre le problème de cette manière. Peut- être également de faire une autocritique" (page 363).

Mme Kelly se souvient avoir eu des discussions avec Anne Chirka au cours du printemps au du début de l’été 1983, relativement à la possibilité d’un transfert dans un autre service à cause des problèmes d’horaire; cette éventualité était, d’après elle, demeurée sans suite.

Le deuxième moment où Mme Kelly a été mise en cause remonte au moment où la station a reçu la lettre datée du 12 ao t 1983 dans laquelle M. Harry Johnson, le président de la section locale de la NABET, alléguait que les trois plaignantes faisaient l’objet d’une discrimination (produite sous la cote C- 143). Marty Raine étant en vacances lorsque la lettre est arrivée, M. Leo Herbert, Chef du contrôle de la production à la station, avait pris l’initiative d’organiser des rencontres séparées avec chacune des trois plaignantes, rencontres auxquelles assistaient Mme Kelly et M. Johnson. Dans son esprit, il s’agissait de rencontres préliminaires. Elle estimait que les trois femmes s’inquiétaient de ne pas être affectées aux cars de reportage. Alors que Mme O’Connell et Mme Chirka déploraient le peu d’opportunités de faire des heures supplémentaires, le principal souci de Mme Oxendale semblait être l’absence de chances d’avancement de sa carrière. En réponse à une question de M. Duval, Mme Kelly a indiqué que, lors de la rencontre avec Mme O’Connell, elle avait déconseillé à cette dernière d’ébruiter cette affaire à l’extérieur de la station. Suite à ces rencontres, a- t- elle témoigné, elle a entrepris une étude comparative des horaires, des affectations et du nombre d’heures supplémentaires au cours des dix- huit derniers mois. Cette étude a révélé que les trois femmes figuraient parmi les employés qui gagnaient le moins en heures supplémentaires. Toutefois, a affirmé Mme Kelly, elle n’a pu trouver de motif de discrimination. Lorsque Mme MacIsaac lui a

> 22 demandé d’élaborer à ce sujet, elle a déclaré:

(TRADUCTION)

"Il y avait un groupe d’individus qui étaient principalement affectés aux cars de reportage. Nous avons étudié les horaires des quarts et des affectations afin de vérifier que tout le monde avait été affecté aux cars ou aux tâches ordinaires sans trop d’exceptions. Nous avons également examiné les cas où il était possible que les trois femmes n’aient jamais été affectées aux cars de reportage ou aux reportages

hors studio (ce qui ne veut pas dire que c’est vrai), mais avons trouvé qu’elles y étaient affectées de temps en temps. Mais nous avons également examiné les cas où il aurait été possible de leur offrir des opportunités d’avancement de carrière en dehors de tâches normales et il se trouvait très peu de cas où cela aurait été possible" (page 366).

Au cours du contre- interrogatoire mené par M. Duval, Mme Kelly a indiqué que les disparités existant dans le nombre des affectations et des heures supplémentaires, en particulier entre Mme Oxendale et M. Jessup, pouvaient être expliquées par les différences en terme d’expérience et de carrière de ces employés. Elle a attribué l’absence d’affectations hors studio pour Mme Chirka au début de 1983 au fait qu’elle était rentrée de son congé de maternité en janvier, moment auquel toutes les équipes des cars de reportage avaient déjà été établies pour la saison.

Par la suite, des rencontres ont eu lieu avec les trois plaignantes en octobre 1983, auxquelles elle a assisté en compagnie de M. Raine et de Harry Johnson. M. Raine a indiqué aux trois femmes qu’il n’avait pas trouvé de motif pour l’accusation de discrimination, mais qu’il était disposé à élaborer un plan d’avancement de carrière pour chacune d’elles, et qu’il veillerait à ce qu’elles soient affectées aux secteurs dans lesquels elles souhaitent travailler. Par la suite, Mme Kelly n’a pas été mise en cause dans cette affaire, jusqu’à ce que les plaintes soient déposées devant la Commission canadienne des droits de la personne. Elle a confirmé qu’Anne Chirka avait posé sa candidature à un poste en journalisme électronique en automne 1983, candidature qu’elle avait retiré à cause de l’obligation de faire des heures supplémentaires avec un court préavis.

Dans la déposition de M. Raine concernant les évènements survenus après son retour de vacances à la mi- septembre, il a indiqué

> 23 avoir reçu un rapport complet de M. Hebert et de Mme Kelly relatant les faits et décrivant l’enquête qu’ils avaient menée. Après avoir pris connaissance de l’enquête réalisée par Mme Kelly relativement aux affectations et aux heures supplémentaires, il a conclu qu’il n’existait pas de preuve de discrimination envers les trois techniciens du sexe féminin. En réponse à une question de Mme MacIsaac à ce sujet, il a affirmé que les différences découlaient de facteurs qui ne pouvaient être contrôlés par la station, notamment les disparités en matière de descriptions de tâches et de fonctions des groupes de travail, les exigences des réalisateurs, les distinctions en terme de talent et de notoriété vis- à- vis des réalisateurs du réseau, etc.

Suite à l’enquête menée par la station, il a écrit une note de service datée du 20 octobre 1983 à M. Johnson (produite sous la cote R- 18). Dans cette note de service, il explique les étapes suivies pour l’examen des plaintes, et dresse ensuite les conclusions auxquelles est parvenue la direction. Il insiste tout d’abord sur le fait que les lignes de conduite de la station en matière d’affectations (TRADUCTION) sont fondées sur les exigences de l’émission, les aptitudes, l’expérience, l’expertise et les qualifications. En ce qui concerne les super- cars de reportage, ces exigences se matérialisent par le maintien d’une équipe centrale affectée à cette installation (TRADUCTION) afin d’assurer la cohérence et de faire en sorte que l’on dispose en permanence des connaissances relatives à la maintenance courante d’une installation complexe. Il souligne que l’affectation aux émissions sportives du réseau est décidée au début de la saison, et que les

équipes choisies demeurent en place durant toute la saison. L’affectation aux cars de reportage du réseau est réservée à (TRADUCTION) ceux ayant la plus grande expérience et les meilleures qualifications. Le mini- car de reportage requiert également une équipe permanente, laquelle est encore une fois (TRADUCTION) choisie en fonction des qualifications. Il ajoute qu’une équipe de studio normale est constituée au début de chaque saison pour l’émission la plus importante de la station, The Calgary Newshour. La lettre continue ainsi:

(TRADUCTION)

"Notre recherche a révélé l’absence de preuve de discrimination, plus spécifiquement de discrimination sur le motif du sexe. Par exemple: (...)

A) Les employés ont des tâches spécifiques déterminées en fonction de la procédure décrite ci- haut, et non pas en fonction du sexe.

> 24 B) les critères mentionnés ci- haut relatifs aux affectations ont pour conséquence que certains employés travaillent plus souvent hors studios et d’autres moins souvent, quel que soit leur sexe."

Dans sa note de service, il déclare ensuite que les recherches et les discussions ayant fait suite à la lettre de Johnson ont été utiles, en ce qu’elles avaient servi à révéler les aspirations des autres employés techniques qui (TRADUCTION) sans cela, n’auraient sans doute pas fait part de leurs intérêts particuliers (...) pour les différents types d’affectation. On avait demandé aux trois plaignantes de faire état de leurs préférences et de leurs aspirations, et on se proposait de poser la même question aux autres techniciens. M. Raine conclut en affirmant que (TRADUCTION) nous continuerons à répartir les affectations des employés de la manière décrite ci- haut et, dans la mesure du possible, nous prendrons en considération les préférences exprimées par les techniciens.

En réponse aux questions de Mme MacIsaac relativement aux mesures prises pour mettre en application le contenu de la lettre vis- à- vis des trois techniciens du sexe féminin, M. Raine a répondu qu’il leur avait proposé de leur donner une chance d’élargir leurs horizons. En discutant avec elles, il est apparu que certains, postes et certaines fonctions ne les intéressaient pas. En conséquence, il avait proposé de mettre sur pied un plan de formation pour l’ensemble du Service technique, afin d’identifier les aspirations de tous les employés quant à leur carrière. Il a justifié cette stratégie globale dans les termes suivants:

(TRADUCTION)

"J’ai proposé cela parce que, pour parler franchement, je ne voulais pas que les autres employés de la station réagissent de manière hostile en s’étonnant que nous ne nous occupions que maintenant des problèmes graves. J’aurais pu prendre seulement trois personnes en considération, et ne pas tenir compte des répercussions qu’auraient sur les autres employés la mise en oeuvre d’une solution quelconque. Donc, ce que je voulais faire, c’était de proposer rapidement un programme général de formation qui aurait, je l’espère, satisfait leurs besoins" (page 467).

M. Raine a ensuite souligné qu’il n’avait pas été facile de faire accepter cette proposition, du fait de l’opposition de Harry Johnson, le président de la NABET. Ce dernier, selon Marty Raine, a affirmé résolument que le

programme de formation suggéré ne constituait pas une solution. De plus, il lui a demandé de ne pas avoir d’autres discussions avec les trois plaignantes à ce sujet. Il l’a alors menacé en disant, selon M. Raine, que

> 25 (TRADUCTION) si je continuais, il appellerait leur avocat et engagerait une poursuite contre moi, et que cette histoire se rendrait rapidement devant un autre tribunal (page 467). En dépit de cette mise en garde, M. Raine déclare avoir conseillé aux deux directeurs techniques, après une (TRADUCTION) période d’apaisement, de mettre ce programme en oeuvre (TRADUCTION) avec discrétion. Il a ajouté que cette affaire lui avait pris beaucoup de temps, mais que les mesures nécessaires avaient fini par être appliquées.

Durant le contre- interrogatoire mené par M. Duval, Andrew Simon a indiqué avoir été informé des plaintes des trois techniciens du sexe féminin ainsi que de l’évolution des évènements. Il ne se souvient pas avoir pris connaissance de l’étude comparative des affectations et des heures supplémentaires, mais savait que certaines disparités avaient été décelées. Il se souvient également d’avoir entendu parler des projets de Marty Raine relatifs aux plans de carrière des trois femmes.

E. Les relevés des rémunérations pour heures supplémentaires et l’horaire des affectations

Afin de déterminer s’il y a eu disparité de traitement dans cette cause, il importe de prendre en considération les informations fournies par les relevés, en procédant à une comparaison des rémunérations pour heures supplémentaires et de l’horaire des affectations. J’ai déjà fait remarquer que M. Singh, au cours de son enquête, a examiné la rémunération pour heures supplémentaires des plaignantes et l’a comparée à celle d’autres techniciens. Ces chiffres couvrent la période allant de l’automne 1982 à l’été 1984. Ils ont été calculés à partir des fiches informatisées mises à la disposition de M. Singh par la Société Radio- Canada. Les chiffres comparatifs ont été mis en rapport avec l’ancienneté des techniciens en question. Toutefois, ils n’ont pas été mis en rapport avec le niveau salarial horaire réel de chacun d’eux. M. Duval a soumis, à titre d’éléments de preuve, différents relevés ayant trait au salaire annuel et à la rémunération pour heures supplémentaires de chacune des plaignantes. Ces documents comprennent les états de compte de Radio- Canada, les relevés T- 4, ainsi que les notes faites par les trois techniciennes. Le contenu des documents et la durée de la période couverte par l’étude se sont révélés insuffisants pour comparer de manière satisfaisante le salaire annuel et la rémunération pour heures supplémentaire des trois plaignantes et des autres techniciens appartenant à la même classe et ayant les mêmes descriptions de tâche. Les tableaux des rémunérations pour heures supplémentaires par rapport à l’échelon salarial des plaignantes et des autres techniciens de leur groupe, préparés par Radio- Canada, ont été produits par Mme MacIsaac, représentant la Société, et par M. Duval, représentant les plaignantes. (Produits sous les cotes C- 142, R- 21/ 22.) Ces relevés couvrent la période allant de 1981 à 1984 inclusivement,

> 26 et comprennent des données provenant d’une même source, les calculs ayant été

effectués selon un système d’évaluation standard. Par conséquent, ils constituent un instrument de comparaison plus fiable, en ce qui concerne les rémunérations pour heures supplémentaires, que les autres chiffres soumis à titre d’éléments de preuve.

Les chiffres que j’ai représentés ci- dessous requièrent quelques explications. Les montants en dollars correspondant aux rémunérations pour heures supplémentaires incluent tous les salaires additionnels gagnés, c’est- à- dire non seulement les heures supplémentaires normalement prévues et la rémunération du travail effectué un premier jour de repos à un taux de une fois et demie le salaire horaire de base, mais également les heures supplémentaires additionnelles et la rémunération du travail effectué un deuxième jour de repos (deux fois le salaire horaire de base), les heures supplémentaires imprévues (une demie fois le salaire horaire de base) et les autres montants, par exemple les indemnités de travail de nuit et les primes pour avancement temporaire. Par contre, le nombre d’heures supplémentaires tient compte seulement des heures rémunérées à raison d’une fois et demie le salaire horaire de base. Il s’agit sans conteste de l’élément le plus significatif pour évaluer les heures suplémentaires prévues ou. le travail effectué les jours de congé. Les salaires horaires de base changent en général au moins une fois par année civile, ce qui explique la présence dans chaque cas de deux montants, l’un étant plus élevé que l’autre.

> 27 Comparaison des rémunérations pour heures supplémentaires des techniciens de magnétoscopiez 1981- 1984

Nom Weir Nesbitt O’Connell A. Chirka Ancienneté 30 avril 16 juin 21 avril 5 janvier NABET 1975 1980 1980 1977

H/ S 1981 5341,48 $ 2587,84 $ 1945,98 $ 3419,82$ Salaire (9,712 $ - (7,375 $ - (7,824 $ - (8,271 $ horaire 11,965 $) 9,638 $) 10,191 $) (10,191 $) Nombre H/ S 243,25 144,75 100,50 190,25

H/ S 1982 10 476,72 $ 5 945,31 $ 2 776,22 $ Congé de Salaire (11,965 $ - (9,368 $ - (10,191 $ - maternité horaire 13,365 $) 11,363 $) 11,979 $) Nombre H/ S 341,75 248,00 65,50* --

H/ S 1983 16 035,63 $ 8 126,13 $ 5 760,29 $ 4 069,85 $ Salaire (13,675 $ - (11,365 $ (11,979 $ (12,569 $ horaire 14,495 $) 12,698 $) 13,352 $) 13,352 $) Nombre H/ S 436,46 292,75 208,75 149,50

H/ S 1984 14 363,56 $ 8 534,09 $ 9365,52 $ 5 511,97 $ Salaire (14,495 $ - (12,698 $ (13,352 $ (14,495 $ horaire 15,220 $) 14,019 $) 15,220 $) 15,220 $) Nombre H/ S 396,00 259,75 276,75 145,00

* Ce chiffre reflète le fait que, pour la période du 5 avril au 17 octobre 1982, Mme O’Connell a travaillé à la production et était liée par un contrat du SCFP. Seules les heures supplémentaires travaillées lorsqu’elle était liée à contrat de la NABET sont prises en compte, bien que les rémunérations pour heures supplémentaires représentent les rémunérations additionnels totales pour l’année en question.

> 28 Comparaison des rémunérations pour heures supplémentaires des techniciens de magnétoscopiez 1982- 1984

Nom Jessup Oxendale Ancienneté 17 avril 7 janvier NABET 1979 1980

H/ S 1982 8 530,50 $ 3 262,95 $* Salaire (10,743 $ - (10,191 $ horaire 12,569 $) 11,979 $) Nombre H/ S 293,75 138,50

H/ S 1983 11 503,84 $ 5 234,89 $ Salaire (12,596 $ (11,979 $ horaire 14,495 $) 13,352 $) Nombre H/ S 361,75 172,00

H/ S 1984 6 776,08 $ 4 534,41 $ Salaire (14,495 $ (13,352 $ horaire 15,220 $) 15,220 $) Nombre H/ S 189,25 129,00

* Mme Oxendale n’a pas commencé à travailler à temps plein pour la Société Radio- Canada à Calgary avant le 8 février 1982.

M. Duval a soumis à titre d’élément de preuve les horaires des techniciens de la NABET de la station CBRT à Calgary pour la plupart des semaines de 1983 et 1984 (produits sous les cotes C- 45 à C- 141). Ces horaires sont publiés toutes les semaines, environ deux semaines avant la semaine concernée par l’horaire, et sont préparés par les agents à l’affectation en collaboration avec les deux directeurs techniques. Ces horaires concernent les affectations hors studios et en studio. Les chiffres représentés ci- dessous rendent compte des affectations au super- car de reportage ou à d’autres activités hors studios en 1983 et en 1984. Un technicien d’une station de Radio- Canada donnée peut parfois être appelé à travailler avec l’équipe d’une autre station. Cette situation se produit notamment dans le cas des émissions sportives du réseau. En outre, un technicien donné peut être choisi pour couvrir un évènement sportif international, par exemple les Jeux olympiques et les Jeux universitaires. Dans le tableau ci- dessous, le premier chiffre mentionné pour chaque technicien représente le nombre de jours travaillés à bord du super- car de reportage ou hors studios. Le chiffre entre parenthèses représente le nombre d’évènements couverts. La couverture de certains évènements nécessitant la présence des employés pendant plus d’une journée, le deuxième chiffre est naturellement plus petit.

> 29 Affectations au super- car de reportage et hors studio - Techniciens de magnétoscopiez 1983- 1984

Année Weir Nesbitt O’Connell A. Chirka 1983 87 36 11 1

(31) (19) (5) (1) 1984 95 35 27 6

(28) (17) (9) (2) En 1983, il y a eu au total 34 affectations au super- car de reportage ou hors studio auxquelles ont participé les techniciens de magnétoscopie. Parmi celles- ci, 23 étaient des évènements sportifs du réseau, dont 15 matches de la Ligue nationale de hockey, deux matches de la Ligue canadienne de football (incluant la Coupe Grey), 2 matches de curling, 2 compétitions de natation, une rencontre d’athlétisme et les Jeux universitaires à Edmonton. M. Weir a couvert tous ces évènements, à l’exception de deux (2). Il a été le seul technicien de magnétoscopie de Calgary à être présent aux Jeux universitaires et à la Coupe Grey, qui a eu lieu cette année là à Vancouver. M. Nesbitt a été affecté à 13 émissions sportives, Mme O’Connell à deux (2) et Mme Chirka à une (1). Les 11 autres affectations étaient constituées d’émissions diverses du réseau et de quelques productions Locales hors studios, dont la Conférence du Conseil oecuménique des églises, à laquelle ont participé MM. Weir et Nesbitt.

En 1984, il y a eu 40 affectations au super- car de reportage et hors studio. Parmi celles- ci, 25 étaient des évènements sportifs (dont 22 productions du réseau). Citons notamment 11 matches de la Ligue nationale de hockey, 6 matches de la Ligue canadienne de football, 3 rodéos, 2 compétitions de natation, 1 compéttion de ski, et un match de basket- ball, ainsi que les Jeux olympiques de Los Angeles. M. Weir a participé à 22 d’entre elles, y compris les Jeux olympiques, les compétitions de descente de la Coupe du monde de ski à Whistler, et la Coupe Grey à Edmonton. K. Nesbit a couvert 10 évènements en partie ou totalement, Mme O’Connell 5, et Mme Chirka 2. Comme précédemment, les autres affectations étaient constituées d’évènements divers, dont des émissions du réseau comme Take 30 et une émission locale pour enfants.

Affectations au super- car de reportage et hors studio - Techniciens de régie vidéo, 1983- 1984

Année Jessup Oxendale 1983 48 6

(18) (5) 1984 49 37

(21) (15) > 30 En 1983, il y a eu 24 affectations hors studios couvertes par les deux techniciens de régie vidéo de Calgary considérés. Douze (12) d’entre elles étaient des évènements sportifs (toutes étaient des productions du réseau). M. Jessup a couvert tous les évènements à l’exception de trois (3), incluant la Coupe Grey.

En 1984, les deux techniciens ont bénéficié de 33 affectations hors studios. Parmi celles- ci, 17 concernaient des évènements sportifs (toutes sauf une étaient des productions du réseau). Dix (10) d’entre elles ont été couvertes par M. Jessup et six (6) par Mme Oxendale. Ces six derniers évènements ont tous eu lieu après le 25 juin de cette année. Mme Oxendale semble être devenue le Technicien de régie vidéo consacré pour les matches de la saison

1984 de la Ligue canadienne de football ayant lieu à Calgary. F. La Société Radio- Canada a- t- elle établi une discrimination contre les plaignantes?

1. La législation applicable L’alinéa 7b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne déclare: Constitue un acte discriminatoire le fait (...) de défavoriser un employé dans le cadre de son emploi (...), pour un motif de distinction illicite. En vertu de l’article 10, constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite (...) pour un motif de distinction illicite, d’une manière susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus. Le terme discrimination n’est pas défini dans la Loi. Toutefois, depuis la promulgation de celle- ci, les cours de justice et les tribunaux des droits de la personne ont donné une signification au terme dans une série de cas et d’audiences. Le premier point à remarquer est que la législation doit être interprétée au sens large et de manière pertinente. Dans la décision unanime rendue récemment par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Action Travail des Femmes c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1987) 1 R. C. S. 1114, le Juge en chef Dickson, évoquant la question de l’interprétation de la législation des droits de la personne, souligne l’objet de la Loi en citant l’article 2, et en particulier l’alinéa a), lequel s’énonce comme suit:

"( T) ous ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’état matrimonial, ou l’état de personne grâciée, ou, en matière d’emploi, de leurs handicaps physiques."

> 31 Le Juge en chef affirme ensuite que la législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser (...) l’essor des droits individuels d’importance vitale. Tout en reconnaissant que, pour interpéter les dispositions d’une telle législation, il fallait donner aux mots leur vraie signification, il insiste sur l’importance de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. Il précise que on ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet (page 1134).

En dépit de décisions antérieures allant dans le sens contraire, la Cour suprême a, dans deux causes récentes, établi qu’il n’est pas essentiel de conclure à une discrimination pour qu’il y ait intention de discriminer. Dans l’affaire Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpson Sears Ltd., (1985) 2 R. C. S. 536, qui mettait en cause l’interprétation du concept de discrimination dans le contexte du Code ontarien des droits de la personne, le Juge McIntyre, parlant au nom de la Cour, reconnaît qu’une ligne de conduite ou une pratique en matière d’emploi ayant des (TRADUCTION) conséquences préjudiciables pour un employé en particulier (dans ce cas à cause de ses croyances religieuses), peut représenter une discrimination, même s’il n’y a pas eu d’intention d’établir une discrimination contre cet individu.

"Le code vise la suppression de la discrimination. C’est là l’évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder cons i s te non pas à punir

l’auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination. C’est le résultat ou l’effet de la mesure dont on se plaint qui importe. Si elle crée effectivement de la discrimination, si elle a pour effet d’imposer à une personne ou à un groupe de personnes des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres membres de la société, elle est discriminatoire."

Il justifie cette conclusion dans les termes suivants:

"Adopter un point de vue plus étroit pour conclure que l’intention constitue un élément nécessaire de la discrimination en vertu du Code serait, me semble- t- il, élever une barrière pratiquement insurmontable pour le plaignant qui demande réparation. Il serait extrêmement difficile dans la plupart des cas de prouver le mobile et il serait facile de camoufler ce mobile en formulant des règles qui, tout en imposant des normes d’égalité,

> 32 créeraient, (...) des injustices et de la discrimination en traitant également ceux qui sont inégaux (...). De plus, (...) nous avons ici affaire aux conséquences d’une conduite plutôt qu’à la punition d’une mauvaise conduite. En d’autres termes, nous sommes saisis essentiellement de voies de recours civiles. La preuve de l’intention, une exigence nécessaire dans notre façon d’aborder une loi criminelle et punitive, ne devrait pas être un facteur déterminant dans l’interprétation d’une loi sur les droits de la personne qui vise à éliminer la discrimination."

L’opinion du Juge McIntyre a été confirmée par la décision subséquente de la Cour dans l’affaire K. S. Bhinder et la Commission canadienne des droits de la personne c. Companie des chemins de fer nationaux du Canada, (1985) 2 R. C. S. 561. En dépit du fait que la Cour a été divisée sur la question de décider s’il y avait eu discrimination dans les faits de cette affaire, le Juge McIntyre pour la majorité et le Juge en chef Dickson pour la minorité se sont. entendus pour estimer que l’existence de (TRADUCTION) conséquences préjudiciables suffit pour conclure à une dicrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La conséquence de ces décisions est qu’une ligne de conduite ou une règle peut être jugée discriminatoire, qu’elle comporte ce que le Juge McIntyre décrit dans l’affaire O’Malley comme une discrimination directe (une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé), ou une discrimination par suite d’un effet préjudiciable (une règle ou une norme qui est neutre a première vue et qui s’applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d’employés) (page 551). La distinction a été décrite par W. Tarnopolsky et W. Pentney dans Discrimination and the Law (1985) en des termes quelque peu différents, situant ce concept entre la discrimination ayant un motif malveillant ou se traduisant par un traitement distinctif d’une part, et les conséquences préjudiciables d’autre part (pages 4 à 29).

Dans l’affaire O’Malley, en plus de reconnaître le concept de conséquences préjudiciables, le Juge McIntyre traite également de la responsabilité relative de la preuve incombant à chacune des parties.

"(...) et donc que, dans ces affaires comme dans toute instance civile, il doit y avoir reconnaissance et attribution claires et nettes du fardeau de la preuve. A qui doit- il

> 33 incomber? Suivant la règle bien établie en matière civile, ce fardeau incombe au demandeur. Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Donc, selon la règle énoncée dans l’arrêt Etobicoke quant au fardeau de la preuve, savoir faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire de l’existence d’un cas de discrimination, je ne vois aucune raison pour laquelle cela ne devrait pas s’appliquer dans les cas de discrimination par suite, d’un effet préjudiciable."

Dans l’affaire Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, 1 R. C. S. 202, la Cour, selon le juge McIntyre, a établi que le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire dans le cas d’une cause comprenant une discrimination apparente (un règlement d’une convention collective déclarant la mise à la retraite obligatoire à l’âge de 60 ans). En rapport avec le bien- fondé apparent d’une plainte, dans le contexte d’une distinction indirecte, le Juge McIntyre a déclaré dans l’affaire O’Malley que la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé (page 558). Dans plusieurs décisions récentes en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les tribunaux ont affirmé que la norme civile de preuve, c’est- à- dire la prépondérance des probabilités en faveur de la preuve, est applicable (se reporter à Balbir Basi v. C. N. R. (Décision du CHRT TD 2/ 88, 16 février 1988); Corrigan v. Pacific Western Airlines (Décision du CHRT TD 6/ 88, 29 avril 1988)). B. Viskelety, dans son livre intitulé Proving dicrimination in Canada (1987), souligne que, dans les cas de discrimination où la preuve directe est inexistante, on peut établir la discrimination par déduction en ayant recours à la preuve indirecte. Elle affirme que ce dernier type de preuve, qui peut être comparé à un puzzle, dépend d’ordinaire d’une série de faits, dont chacun d’entre eux seul serait insuffisant pour permettre une déduction, mais qui peuvent la justifier lorsqu’ils sont combinés l’un à l’autre (pages 140 et 141).

En dépit du fait que la disparité de traitement d’un plaignant puisse s’expliquer par une ou plusieurs raisons indépendantes et non discriminatoires s’ajoutant au motif de distinction illicite, il est néanmoins possible d’établir la discrimination si celle basée sur un motif illicite constitue une raison voisine de la disparité de traitement. Ainsi, dans l’affaire Rendry v. Liquor Control Board of Ontario (1980), 1 CHRR D/ 160 (Commission d’enquête de l’Ontario), le Président D. A. Soberman précise que, dans une cause de discrimination de la part de l’employeur, le fait que la plaignante ait été (TRADUCTION) difficile à

> 34 supporter au travail ne constituait pas de motif justifiant son licenciement de son poste d’employée à temps partiel du mis en cause; en effet, il avait également été prouvé qu’elle travaillait avec assiduité, qu’elle montrait certains traits de caractère qui auraient pu être tolérés chez un employé du sexe masculin, et que le traitement qu’elle subissait traduisait la gêne

qu’éprouvaient les hommes en sa présence dans un secteur qui leur était jusqu’alors réservé.

Pour établir qu’une pratique, qu’une ligne de conduite ou qu’une règle est discriminatoire, on ne peut objecter de manière valable que le défendeur est tenu d’agir dans ce sens par une convention collective. Dans l’affaire Re Attorney General for Alberta and Gares (1976), 67 DLR (3d) 635 (Alta SCTD), le Juge McDonald devait examiner une plainte déposée en vertu de la loi Individual Rights Protection Act par un groupe d’infirmières auxiliaires alléguant recevoir une rémunération inférieure à celle de leurs collègues masculins exécutant des tâches et des fonctions similaires. Il était indiscutable qu’elles étaient moins bien rémunérées. Le juge McDonald a rejeté l’argument du conseil d’administration de l’hôpital défendeur, selon lequel ce traitement distinctif était justifié car il découlait de l’existence de deux conventions collectives conclues avec deux syndicats différents.

Lorsqu’un plaignant a établi une cause apparente de discrimination directe ou indirecte, le fardeau de la preuve incombe alors au mis en cause, lequel doit justifier la pratique ou la règle discriminatoire. L’article 14 énonce une série d’exceptions à l’application de la Loi fédérale dans le contexte de l’emploi. La plus importante de ces exceptions est décrite dans l’alinéa 14a); il s’agit de ce que l’on appelle les exigences professionnelles justifiées. Un exemple évident est une exigence pouvant établir une distinction à l’égard d’un individu ou d’une catégorie d’individus, mais qui est conçue dans l’optique de la sécurité des travailleurs ou du public. Dans l’affaire Etobicoke, le juge McIntyre insiste sur le fait que la charge d’établir la preuve des exigences professionnelles justifiées incombe au plaignant. Dans l’affaire Bhinder, les exigences professionnelles justifiées ont été appliquées aux faits d’une plainte alléguant une discrimination indirecte.

L’autre type de justification se résume par la notion d’adaptation raisonnable. Dans le cas de l’établissement d’une discrimination apparente, il y a, comme l’affirme le juge McIntyre dans l’affaire O’Malley, un souci de protéger non seulement le droit de l’employé, mais également celui de l’employeur. Il déclare (...) le code n’a pas pour objet de conférer des droits à l’un en excluant les droits de l’autre (page 553). Le concept, emprunté par la Cour suprême à la jurisprudence des Etats- Unis et destiné à équilibrer les droits des parties dans les cas de discrimination sur des motifs

> 35 religieux, est celui de l’obligation d’accomodement de la part de l’employeur des besoins de l’employé, sans lorsque que cela lui impose une (TRADUCTION) contrainte excessive. Dans les cas de discrimination indirecte, il semble ne pas être nécessaire d’invoquer une justification (TRADUCTION) car la règle, si elle a un lien rationnel avec l’emploi, ne nécessite aucune justification. La question limite est de savoir si la pratique ou la règle a trait à la (TRADUCTION) logique de l’entreprise ou aux (TRADUCTION) impératifs de l’entreprise. Si c’est le cas, l’employeur est contraint de prendre des mesures d’adaptation visant à satisfaire les besoins spécifiques de l’employé victime des conséquences de la pratique ou de la règle discriminatoire. Cependant, il n’est pas requis d’aller au- delà de ce qui constitue dans les circonstances un accomodement raisonnable. Il n’est pas tenu de mettre en danger sa propre entreprise, ni d’engager des dépenses excessives pour arriver à un compromis avec l’employé. Si

l’accomodement raisonnable ne parvient pas à protéger les droits de l’employé, celui- ci peut alors devoir choisir entre son emploi et ses principes religieux. La question de l accomodement raisonnable a été débattue dans l’affaire O’Malley (pages 552 à 560). Le juge McIntyre a clairement établi qu’il incombait au défendeur de soulever la question et d’établir les preuves.

2. Y- a- t- il eu discrimination envers les plaignantes? La jurisprudence relative à la discrimination de la part d’un employeur sur le motif du sexe s’applique difficilement à cette cause. Celle- ci ne comporte pas de plainte concernant des lignes de conduite discriminatoires à première vue, c’est- à- dire où la distinction est ouverte ou s’effectue par le biais de conséquences nécessaires. Le seul fait que la plainte concerne trois employés du sexe féminin de Radio- Canada prouve que ni la Société ni les stations qui la constituent n’établissent de distinction à l’égard des femmes dans le sens où celle- ci leur interdirait l’accès à un emploi. En outre, rien dans cette cause ne suggère que les plaignantes ont été victimes de lignes de conduites qui les ont rendues plus vulnérables au congédiement ou à une résiliation de contrat du fait qu’elles sont des femmes, ou qu’on leur a refusé des chances de promotion. On ne peut pas affirmer que cette cause relève de la discrimination indirecte. Rien n’indique que Radio- Canada ou sa station de Calgary aient appliqué des pratiques, des normes ou des règles, neutres en elles- mêmes, par exemple des exigences en matière de taille ou de poids, qui pourraient jouer en défaveur des femmes.

Telle que je la saisis, il s’agit d’une plainte dans laquelle les trois personnes en question, qui avaient l’expérience et les qualifications nécessaires, ont été privées, lors du processus d’établissement des horaires, des affectations qu’elles considéraient comme souhaitables en termes d’environnement de

> 36 travail et d’avancement de carrière; en conséquence, elles ont également été privées des avantages financiers supplémentaires que procurent ces affectations, alors que les employés du sexe masculin appartenant à la même catégorie et à la même classe d’emploi et ayant une ancienneté et une expérience identiques ou comparables ont bénéficié de ces affectations et des avantages qui en découlent, bien que les plaignantes aient clairement fait connaître leur intérêt et leur disponibilité pour ces tâches. La preuve donne- t- elle raison aux plaignantes? Les plaignantes ont- elles établi une discrimination apparente de la part de l’employeur, ou qu’elles ont été victimes de lignes de conduite susceptibles d’annihiler leurs chances d’emploi ou d’avancement sur le motif de leur sexe, ou (dans le cas de Mme Chirka) sur le motif supplémentaire de la situation de famille?

La Commission a affirmé que la preuve établit nettement le caractère discriminatoire de la cause. En premier lieu, selon la Commission, les disparités en terme d’heures supplémentaires indiquées ci- haut indiquent que les femmes ont été défavorisées par rapport à leurs collègues masculins, en particulier ceux qui ont une ancienneté et une expérience égales ou similaires. Bien que l’on ait examiné le nombre d’heures supplémentaires de M. Weir comme si celui- ci était membre du groupe de régie vidéo pour fins de comparaison, M. Duval était peu enclin à admettre qu’il ne devait pas bénéficier d’un traitement particulier, du fait qu’il avait plus d’expérience et avait fait la preuve de ses qualifications. Deuxièmement, affirme la Commission, bien que le montant de la rémunération pour heures

supplémentaires ne reflète pas nécessairement le nombre plus ou moins important des affectations aux cars de reportage ou hors studio, l’analyse des horaires des années 1983 et 1984 montre indiscutablement que les femmes ont été victimes d’une discrimination au plan des affectations. Selon M. Duval, les témoignages ont révélé que, en dépit des promesses qui avaient été faites par la direction de Radio- Canada à Calgary au moment où les premières plaintes ont été formulées contre la Société, aucune mesure concrète n’avait été prise pour remédier à la situation, jusqu’à ce que les plaintes soient déposées par les trois femmes devant la Commission des droits de la personne. A cet égard, il a cité spécifiquement les expériences de Mme Oxendale après que celle- ci ait déposé la plainte écrite devant M. Raine en avril 1983, l’aveu par M. Raine de sa peur des répercussions s’il agissait trop rapidement pour accéder à la demande des femmes après le dépôt d’une plainte par le syndicat en leur nom, et ses réticences apparentes à accepter que les couples mariés puissent travailler ensemble. M. Duval a eu du mal à prendre au sérieux la direction de la Société lorsque ses représentants ont déclaré que leur pouvoir d’intervention en matière d’affectations aux cars de reportage et hors studio était restreint, alors qu’il a par la suite été possible d’affecter plus souvent les femmes à l’extérieur, après le dépôt des plaintes devant la Commission des droits de la personne. Bien que la direction de Radio- Canada

> 37 affirme que d’autres techniciens étaient plus qualifiés pour être affectés aux cars de reportage et hors studio, lorsque les plaignantes ont finalement été affectées à des missions de ce type, il semble que personne ne se soit plaint d’un manque de compétence.

Lorsqu’il a fallu attribuer un caractère discriminatoire à la situation, M. Duval a suggéré que, alors que la discrimination était inconsciente à l’origine et résultait, comme l’a suggéré M. Singh, de l’absence d’un système régissant les affectations à Radio- Canada à Calgary, elle a par la suite pris le caractère d’une discrimination voilée lorsque la direction, en la personne de M. Raine, a fait preuve de peu d’empressement, tout en connaissant le désir des trois plaignantes d’être affectées plus souvent aux cars de reportage ou hors studio et leur disponibilité pour ce type de travail. En outre, il a insinué que, lorsque Radio- Canada prétend que les décisions relatives aux affectations aux cars de reportage dépendent principalement des préférences exprimées par les réalisateurs, il s’agit d’une piètre tentative pour invoquer des exigences professionnelles normales.

Dans cette cause, la Société Radio- Canada estime que les preuve à invoquées par la Commission ne corroborent pas l’assertion selon laquelle il y avait une discrimination presque systématique à l’égard des plaignantes, mais qu’elles démontrent plutôt que la Commission et les plaignantes avaient une perception peu claire du processus d’établissement des horaires et des critères de sélection des techniciens aux affectations aux cars de reportage ou hors studios, en particulier pour celles du réseau. Mme MacIsaac a affirmé qu’aucune preuve n’a laissé entendre que quiconque à Radio- Canada à Calgary ait dit ou fait quoi que ce soit montrant un préjugé contre les femmes en général, ou contre les trois techniciens du sexe féminin en particulier. Ni la disparité des rémunérations pour heures supplémentaires, ni le nombre relatif des affectations aux cars de reportage ou hors studio dans les horaires hebdomadaires ne soutient la thèse d’une discrimination. Aucune corrélation n’a pu être établie entre les disparités en terme d’heures supplémentaires et les affectations aux cars de reportage et hors studio. Mme MacIsaac a notamment remarqué qu’en 1984, tandis que Mme O’Connell a été

affectée aux cars de reportage moins souvent que M. Nesbitt sa rémunération pour heures supplémentaires a été plus élevée. De plus, selon elle, seuls des éléments de preuve flous et généraux ont été produits pour établir que lés affectations aux cars de reportage et hors studios sont souhaitables, et qu’ils n’ont traduit que le point de vue subjectif des trois plaignantes. Le témoignage de la direction de Radio- Canada relativement à l’établissement des horaires a clairement montré qu’il s’agit d’un processus complexe soumis à des exigences diverses. Mme McIsaac a souligné l’importance attachée à l’opinion des producteurs pour la sélection d’es équipes des cars de reportage, leur désir de

> 38 travailler avec des techniciens qui ont fait les preuves de leur expérience et de leurs capacités, ainsi que le fait que les équipes de certaines émissions sportives du réseau sont déterminées avant le début de chaque saison. Elle a ensuite affirmé que la Société n’est pas tenue d’offrir à ses techniciens des possibilités d’affectation aux cars de reportage, et que nul individu de cette catégorie, homme ou femme, ne peut revendiquer le droit aux heures supplémentaires. A cet égard, Mme MacIsaac a fait référence à la différence entre les conventions collectives du SCFP et de la NABET sur la question de l’égalité des chances en terme d’heures supplémentaires. En vertu de la convention collective de la NABET, la préférence de l’employé ne constitue pas un critère pour l’assignation des heures supplémentaires. Mme MacIsaac affirme être quelque peu perplexe lorsque M. Duval soutient que la discrimination était à l’origine inconsciente. Elle suppose qu’il a voulu dire qu’il s’agissait d’une forme de discrimination (TRADUCTION) flagrante et inconsciente. Elle insiste également sur le fait qu’elle n’a produit aucun élément de preuve visant à invoquer des exigences professionnelles justifiables. Au contraire, elle a voulu démontrer qu’il n’y a absolument pas eu discrimination dans cette cause.

En ce qui concerne l’hypothèse d’une discrimination indirecte, Mme MacIsaac affirme qu’il existe des explications raisonnables au fait que les plaignantes aient été affectées moins souvent hors studios. Dans le cas de Mme Chirka, celle- ci a été traitée, pour citer ses propres termes, de manière équitable avant de partir en congé de maternité. Elle a réintégré son emploi en 1983, au milieu d’une saison de la Ligue nationale de hockey, alors que les équipes avaient été constituées depuis longtemps. De plus, elle avait fait part de sa préférence pour un horaire normal et des affectations à Calgary. En outre, elle a passé un mois cette année là en formation dans le Service de journalisme électronique, ce qui excluait qu’elle soit affectée à des tâches hors studio ou en studio. Mme MacIsaac a souligné que Mme Chirka, dans son témoignage, s’est estimée satisfaite de sa situation en 1984 et au cours des années qui ont suivi. Au sujet de l’allégation de discrimination sur le motif de la situation de famille, elle a souligné que M. Simon avait nié avoir suggéré que le fait que les Chirka soient mariés constituait un problème. On nia pu prouver que le nombre d’affectations ou que la carrière des époux Chirka avaient subi des conséquences préjudiciables. En l’occurrence, les témoignages ont révélé que M. Simon avait demandé à M. Raine de mettre au point un programme de formation pour Larry Chirka. Ce dernier prétendait avoir été rétrogradé lors de la nomination de M. Becker, ce qui, au sens de Mme MacIsaac, constitue une allégation non corroborée.

Pour Mme O’Connell, qui avait allégué avoir été l’objet d’une discrimination dès 1981, la disparité en terme de nombre d’heures avez M. Nesbitt n’est pas significative pour cette année là; elle

> 39 se chiffre à quarante- quatre (44) heures. Les comparaisons n’ont pas pu être faites pour 1982, car Mme O’Connell a de sa propre initiative travaillé pendant six mois à la production. Pour l’année 1983, la disparité en terme d’heures supplémentaires entre elle et M. Nesbitt s’explique par le fait que ce dernier a été affecté à l’équipe de la Ligue nationale de hockey durant la fin de l’hiver et le début du printemps de cette année là, ce qui avait été décidé avant que Mme O’Connell ne réintègre son emploi en magnétos- copie. Au cours de l’année 1984, cette dernière a perçu une rémunération pour heures supplémentaires supérieure à celle de M. Nesbitt.

Mme MacIsaac précise que Patricia Oxendale a été spécifiquement engagée pour la régie vidéo en studio afin de remplacer M. Jessup, qui était devenu l’un des deux membres de l’équipe travaillant à bord du mini- car de reportage. Elle souligne également qu’à l’occasion, ce dernier était affecté au super- car de reportage pour les émissions hors studio. Un autre technicien de régie vidéo ayant plus d’expérience que Mme Oxendale, M. Ryans, était le technicien de régie vidéo normal du super- car de reportage. Mme MacIsaac soutient que la disparité des rémunérations pour heures supplémentaires entre Mme Oxendale et M. Jessup n’a rien de mystérieux ou de monstrueux. Un cas semblable de disparité s’était déjà produit, avant que Mme Oxendale ne quitte la station d’Edmonton, lorsqu’un certain M. Trudel avait été affecté aux équipements de magnétoscopie du super- car de reportage, tandis que M. Jessup était affecté aux tâches en studio. Les chiffres qui ont été fournis comme éléments de preuve (produits sous la cote R- 19) montrent le même profil entre 1979 et 1981, à savoir que M. Jessup a perçu une rémunération pour heures supplémentaires inférieure à celle de M. Trudel. Mme MacIsaac souligne que Mme Oxendale avait déclaré préférer ne pas être affectée au super- car de reportage, alors que ce type de tâche a fourni la majeure partie des heures supplémentaires de M. Jessup. En outre, les témoignages ont montré que Mme Oxendale avait un caractère difficile qui n’avait pas été apprécié par un des réalisateurs de la station de Calgary, M. Groves, ni par ses collègues. Elle a également souligné que, même si Mme Oxendale et M. Jessup avaient été engagés par Radio- Canada à peu près à la même date, M. Jessup avait suivi trois ans de cours dans un collège communautaire en travail technique de télévision.

Mme MacIsaac affirme, en conclusion, que la Commission n’a pas établi qu’il y a eu discrimination sur le motif du sexe. Les actes que M. Duval attribue à une distinction illégitime ont des explications tout à fait rationnelles. La Société Radio- Canada nia pas prétendu que les trois plaignantes étaient moins qualifiées ou qu’elles avaient moins de compétences que les hommes auxquels elles ont été comparées.

En l’occurrence, lorsque les trois femmes avaient fait connaître > 40 leur désir d’être affectées plus souvent aux cars de reportage ou hors studio, la Société avait accédé à leur demande. Les délais évoqués n’émanaient pas d’un désir de se dérober, mais de la nécessité de traiter le problème de manière à ne pas affecter le moral de l’ensemble du personnel.

Les éléments de preuve invoqués par Radio- Canada montrent, à mon sens, que les trois plaignantes ont été traitées différemment des techniciens masculins

appartenant à la même classe d’emploi et ayant la même description de tâche, et ce au cours des années 1983 et 1984 (notamment par rapport à MM. Nesbitt et Jessup). Dans le cas de Mme O’Connell, celle- ci a été défavorisée par rapport à M. Nesbitt en terme de rémunération pour heures supplémentaires en 1983, bien que cela n’ait pas été le cas en 1984. Pendant ces deux années, mais particulièrement en 1983, elle a été moins souvent que lui affectée aux cars de reportage ou hors studios. Pour Mme Chirka, le nombre d’heures supplémentaires et la rémunération qui s’y rapporte ont été substantiellement moins élevés que dans le cas de M. Nesbitt, pour ces deux années. En outre, pour la même période, elle s’est située loin derrière lui en terme d’affectations aux cars de reportage ou hors studio. La situation de Mme Oxendale se compare très mal à celle de M. Jessup en 1983 et en 1984, en ce qui a trait à la rémunération pour temps supplémentaire et aux affectations hors studios. En particulier, une corrélation des disparités en terme de nombre d’heures supplémentaires et de nombre d’affectations, semble indiquer qu’elle a été lésée.

Dans sa plaidoirie, Mme McIsaac insinue que la principale plainte des trois techniciennes a trait au fait que leur rémunération pour heures supplémentaires a été insuffisante, ce qui sous- entendrait que leur motivation était avant tout intéressée. Mon interprétation des éléments de preuve est quelque peu différente. Chacune de ces femmes a témoigné de son désir d’améliorer ses conditions de travail, de contribuer à l’avancement de sa carrière, d’élargir ses qualifications, de rencontrer les employés et les réalisateurs du réseau, et de travailler sur les différents types d’équipements lors des affectations aux cars de reportage ou hors studio. Tandis que Mme Oxendale s’est montrée particulièrement claire à ce sujet (point souligné dans le témoignage de Mme Bev Kelly, Agent des Ressources humaines), toutes trois étaient, à mon sens, au moins aussi motivées par la satisfaction de leur travail que par les avantages financiers. A cet égard, il importe de noter que Mme O’Connell, qui a commencé à faire autant sinon plus d’heures supplémentaire que Don Nesbitt en 1984, s’est néanmoins plainte du fait qu’au cours de cette année et de 1985, elle a continué à être affectée moins souvent que lui aux cars de reportage et hors studio. En outre, d’après le témoignage de Mme Chirka, bien que celle- ci ait continué à toucher une rémunération pour heures supplémentaires inférieure à celle de ses collègues masculins ou féminins depuis 1983, elle a bénéficié en 1984 de nouvelles

> 41 chances d’avancement de carrière en Journalisme électronique et a ainsi été reclassée en 1985, ce qui a fait plus que compenser tout manque à gagner.

Selon moi, les seules années au cours desquelles il est possible de noter une certaine distinction sont 1983 et 1984. M. Duval et Mme Savard représentant la Commission ont tenté d’insinuer que la période pendant laquelle s’est exercée la discrimination était plus longue dans le cas de Mme O’Connell, alors qu’elle aurait commencé dès 1981, et de Mme Oxendale, pour laquelle elle se serait prolongée en 1985 et 1986. Il est impossible d’établir des comparaisons valables quant à la durée relative de ces périodes, car il n’existe aucun fondement cohérent ou satisfaisant permettant de procéder à une évaluation comparative. Pour 1981, les chiffres comparatifs relatifs aux heures supplémentaires ont été produits à titre d’éliment de preuve pour Mme O’Connell et M. Nesbitt, mais aucun détail n’a été fourni quant aux affectations hors studios. M. Duval a produit pour M. Jessup des chiffres fournis par Radio- Canada (produits sous la cote C- 52) ayant trait à la rémunération nette en temps supplémentaire en 1985 et 1986. Les chiffres

comparatifs de Mme Oxendale présentés par M. Duval n’ont pas été fournis par Radio- Canada, mais proviennent des calculs qu’elle a effectués en additionnant ses relevés de paie et en soustrayant ce qui apparaissait comme revenu dans ses relevés T- 4 (produits sous la cote C- 47). Les chiffres relatifs aux heures supplémentaires des années antérieures à 1985 provenant de cette source ne concordent pas avec ceux figurant dans les documents de Radio- Canada. De plus, aucune donnée n’a été produite au sujet du nombre relatif et de la nature des affectations aux cars de reportage ou hors studio dont ont bénéficié M. Jessup et Mme Oxendale au cours de la période 1985- 1986.

Le fait que ces deux sources de preuve semblent montrer un traitement défavorable ne signifie pas nécessairement qu’il y a eu discrimination envers les plaignantes. Des raisons valables peuvent expliquer les disparités en termes de rémunérations pour heures supplémentaires et d’affectations existant entre elles et leurs collègues. Quoiqu’il en soit, la distinction doit avoir un motif illicite de discrimination, dans ce cas, le sexe. Comme je l’ai déjà mentionné, Mme MacIsaac a affirmé que les disparités en termes d’heures supplémentaires et d’affectations hors studio ne peuvent pas être qualifiées objectivement. Ces différences sont neutres en elles- mêmes, et ne revêtent un caractère discriminatoire qu’à un plan purement subjectif. Mme MacIsaac a fait remarquer que les affectations aux cars de reportage et hors studio n’étaient souhaitables que parce que les plaignantes en jugeaient ainsi. Elle a également soutenu que, étant donné la nature créative de la production d’émissions télévisées et le rôle primordial des réalisateurs dans ce processus, situation d’ailleurs reconnue dans la convention collective entre la NABET et Radio- Canada, il est tout a fait compréhensible qu’il y ait

> 42 des disparités entre les techniciens, femmes ou hommes, en ce qui concerne les opportunités d’émissions hors studios. L’important dans ce contexte, si l’on se réfère à ce qui se dit généralement, est de tenir compte des désirs et des impératifs du réalisateur qui doit jouir d’une pleine liberté de création, ainsi que de l’opportunité que pourrait se voir offrir un technicien d’être affecté à une production du réseau; il peut ainsi être remarqué par le réalisateur et être sollicité à nouveau, ce qui lui permet de consolider son expérience pour les affectations à venir. S’il y a distinction, celle- ci découle naturellement du système et s’applique autant aux hommes qu’aux femmes.

Il est évident que les éléments de preuve examinés ci- haut doivent être considérés dans leur contexte. La seule distinction entre des individus en terme de nombre d’heures, de rémunération pour temps supplémentaire et d’affectation à certaines tâches ne constitue pas dans tous les cas un motif de discrimination apparent, même si ces individus ont la même description de tâche ainsi qu’une expérience et une ancienneté comparables. Il peut exister certaines différences au plan des qualifications, de l’attitude, des initiatives, des go ts, de la disponibilité et de la flexibilité, lesquelles peuvent justifier le recours à certains employés plutôt qu’à d’autres. En outre, plus l’aspect créatif de l’entreprise en question est grand, plus ces distinctions sont susceptibles de jouer un rôle important. Toutefois, le fait que certains motifs de distinction soient acceptables ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autres raisons moins valables de distinction entre certains employés.

Il me semble difficile d’aprouver Mme McIsaac lorsque celle- ci déclare qu’il

existe un doute quant à l’intérêt des affectations aux cars de reportage au sein de Radio- Canada, en particulier pour les productions du réseau. Le témoignage de M. Kimber, Réalisateur- coordonnateur de l’émission Sportsweekend, m’a convaincu du fait que, pour certains employés, il s’agit d’une fonction extrêmement convoitée. Pour ceux qui parviennent à y être affectés, ce travail apporte une stimulation, un prestige et une satisfaction non négligeables. En l’occurrence, si les plaignantes doutaient encore des nombreux avantages professionnels de ces affectations, leurs doutes ont certainement été levés par la présence de M. Mike Weir à la station CBRT de Calgary. Cet employé s’est forgé une excellente réputation en magnétoscopie, ce qui lui a valu une carrière qui l’a amené à participer à tous les évènements sportifs ou d’intérêt public, nationaux et internationaux. Il est probablement vrai que certains techniciens au sein de Radio- Canada dont les priorités sont différentes peuvent ne pas se sentir attirés par ce type de travail. Toutefois, les témoignages suggèrent que, dans l’ensemble, l’expérience acquise lors des reportages hors studios était et est considérée comme souhaitable pour le développement professionnel ainsi que pour la source de motivation et les avantages financiers qu’elle procure.

> 43 Il est tentant d’admettre que, dans un environnement créatif comme celui de la réalisation d’émissions télévisées, l’affectation à des tâches particulières ne reflète que les désirs du réalisateur et les compétences de l’employé; en effet, cet argument associe les notions de liberté artistique et de création aux exigences de la méritocracie. De fait, il serait difficile de contester la légitimité de ces facteurs, dans le contexte où la mise en application des qualifications est liée à exécution d’une tâche, sous la direction ou dans l’intérêt d’une autre personne qui commande’, en particulier lorsqu’il faut s’intégrer à un groupe travaillant en étroite collaboration. Le fait que ces critères soient importants, ou plutôt primordiaux, ne signifie pas que les autres facteurs soient hors de propos, particulièrement dans le cas d’une société d’état qui est tenue, en vertu notamment de la législation sur les droits de la personne, de porter une attention particulière à l’équité en matière d’emploi, et d’empêcher tout acte discriminatoires dans ce domaine. Comme je l’ai suggéré précédemment, la plainte dans cette cause ne réside pas dans le fait que les trois techniciennes étaient en droit d’être traitées de manière rigoureusement équitable en terme d’affectation à des tâches, revendication à laquelle il serait difficile de faire droit face à un jugement d’exigences professionnelles justifiables fondé sur le fait qu’elles n’avaient pas autant d’aptitudes et de qualifications que leurs collègues; la plainte repose sur l’inéquité des chances dont elles ont pu bénéficier pour faire leurs preuves et, partant, sur l’impossibilité d’accroître leur expérience et de contribuer à l’avancement de leur carrière. Mes conclusions sont que, en prenant en considération tous les éléments de preuve, les plaignantes ont réussi à prouver qu’elles ont été victimes d’une discrimination indirecte et de lignes de conduite qui les ont privées ou ont eu tendance à les priver de chances d’avancement ou de carrière sur le motif du sexe.

Il ne s’agît pas ici de trois personnes qui espèrent un changement et attendent sans bouger que quelque chose se passe. Selon le témoignage non réfuté de deux des trois plaignantes, elles ont averti soit les directeurs techniques, leurs supérieurs immédiats au niveau de la direction, soit la haute direction de leur désir d’être affectées aux cars de reportage. Mme O’Connell a déclaré avoir spécifiquement soulevé la question à plusieurs occasions, dès 1981 devant Ron Petrescue, le Directeur technique des cars de reportage, et l’avoir informé de sa frustration d’être constamment délaissée.

Patricia Oxendale a indiqué avoir clairement fait savoir à M. Raine, aux environs du mois d’avril 1983, qu’elle souhaitait acquérir de l’expérience dans les reportages hors studios. En réponse à une question de M. Duval, Anne Chirka a affirmé n’avoir formulé aucune demande particulière après son retour de congé de maternité, car elle avait supposé qu’elle

> 44 continuerait à être traitée comme auparavant. Toutefois, elle a indiqué avoir mentionné cette question à Andrew Simon lors de l’entretien qu’elle et son mari avaient eu avec lui en avril 1983. Mme O’Connell et Mme Oxendale ont de plus affirmé que les intérêts qu’elles ont exprimés ont d’ordinaire été ignorés. Gail O’Connell a indiqué dans sa déposition que, lorsqu’elle en avait parlé à Ron Petrescue, elle avait eu le sentiment qu’il ne la prenait pas au sérieux. Selon Patricia Oxendale, la seule initiative de la direction a été de lui permettre de faire des remplacements pour les tâches hors studio lorsque l’un des autres employés était malade, et de l’affecter à des stages de formation sur des équipements obsolets, notamment le mini- car de reportage. Elle a fait part de son amertume croissante tandis qu’elle se voyait ignorée pour les reportages spéciaux, sentiment qui l’a menée à déposer une plainte pour pratique déloyale de travail en avril 1983. Anne Chirka a déclaré avoir été déçue d’être ignorée pour les affectations aux cars de reportage et avoir perçu que les autres éprouvaient un certain ressentiment de la voir reprendre son travail, situation qui, selon elle, s’est traduite par une propension à ne pas l’affecter à des tâches supplémentaires, soit en studio soit hors studios.

Hormis les critiques concernant l’attitude et la personnalité de Mme Oxendale, lesquelles, selon ses souvenirs, émanaient du Chef des Services techniques et du Directeur technique, rien ne laissait croire que les plaignantes étaient incapables d’exécuter leurs tâches normales ou de participer aux activités hors studios. Cela a accru leur perplexité et leur déception d’être laissées pour compte. Selon Radio- Candada, il existe une explication simple et rationnelle au fait que les plaignantes n’étaient pas affectées de manière régulière aux reportages hors studio. Mme O’Connell et Mme Chirka n’avaient que récemment réintégré le groupe de magnétoscopie, et Mme Oxendale avait été embauchée pour effectuer un travail en studio. Ces arguments pourraient être convaincants si l’on ne tenait pas compte du fait que les horaires établissent qu’il aurait été possible de leur donner l’occasion de mettre à l’épreuve leurs compétences au début de 1983; toutefois, jusqu’à l’été 1984, on n’a pas fait d’efforts pour intégrer systématiquement les femmes (en particulier Gail O’Connell et Patricia Oxendale) aux activités hors studios ou aux cars de reportage.

De janvier à mai 1983, aucune des trois femmes n’a été affectée à un travail hors studios ou aux cars de reportage, en dépit du fait qu’il y a eu des évènements sportifs isolés, notamment deux championnats de curling différents, une compétition de natation, des compétitions de ski, et des évènements d’autre nature, notamment un super- spectacle de variétés, une émission musicale locale, une émission du réseau français sur les Rocheuses et la diffusion d’un concert symphonique, pour lesquels on aurait pu faire appel à leurs services. Durant les quatre premiers mois et demi de l’année, les techniciens du sexe masculin, c’est- à- dire

> 45

MM. Weir, Nesbitt et Jessup, ont eu le monopole des reportages hors studios. A partir de mai, la situation ne s’est améliorée que légèrement, bien qu’à ce moment là, la direction de Radio- Canada à Calgary ait été au courant du mécontentement de Mme Oxendale d’être exclue de ces activités. Au cours de la deuxième semaine de mai, Mme O’Connell a été désignée pour l’émission religieuse du réseau Meeting Place, à Médecine Hat. La raison de cette affectation semble évidente. M. Weir et M. Nesbitt étaient retenus par un match des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey à Edmonton. En juin, Mme Oxendale a eu sa première affectation au car de reportage depuis septembre 1982, et ce en tant que substitut M. Ryans, le Technicien principal de régie vidéo pour une rencontre d’athlétisme. M. Jessup était en congé annuel à ce moment- là et, selon la déposition de Mme Oxendale, un certain remaniement avait eu lieu eu sein du personnel, car un autre technicien était parti à Ottawa pour le Congrès du parti conservateur.

En dépit du fait que les griefs des trois plaignantes aient été déposés par. Harry Johnson devant la direction de Radio- Canada en ao t 1983, les trois femmes n’ont reçu aucune autre affectation aux cars de reportage avant octobre. A cette époque et au cours de la même semaine (du 10 au 16 octobre), Anne Chirka a été affectée au car de reportage pour la première fois de l’année, à l’occasion d’un match de la Ligue nationale de hockey, et Pat Oxendale pour un match de la Ligue canadienne de football. La désignation des deux techniciennes s’explique par le fait que la station devait couvrir un match de la Ligue nationale de hockey et un match de la Ligue canadienne de football coup sur coup. Anne Chirka et Don Nesbitt avaient tous deux des jours de congé durant cette période, et les affectations semblent avoir été réparties entre eux. Lloyd Jessup et Patricia Oxendale avaient un jour de congé le jour du match clé la Ligue canadienne de football, mais M. Jessup avait couvert le match de la Ligue nationale de hockey, la veille. Patricia Oxendale a été choisie après l’affichage de l’horaire. La semaine suivante (du 17 au 23 octobre), Gail O’Connell a été désignée pour une émission de Meeting Place. Les activités de MM. Weir et Nesbitt à ce moment- là n’ont pas été rapportées. Au cours de la première semaine de novembre, Mme O’Connell a été affectée à un match de la Ligue nationale de hockey à Calgary. Assignée au départ au travail en magnétoscopie, elle a en fait exécuté le travail d’un assistant (TV). Mike Weir était en magnétoscopie lors du match et Don Nesbitt passait une semaine au Service de journalisme électronique en tant que monteur. Patricia Oxendale a été affectée durant la même semaine à un match de la Ligue canadienne de football lors duquel elle a effectué les tâches d’un assistant (TV). Au cours de la semaine du 28 novembre au 4 décembre, Mme Oxendale a couvert un spectacle du service français. C’est cette même semaine que M. Jessup est rentré de la Coupe Grey à Vancouver, et il disposait d’un jour de congé. La semaine suivante, Gail O’Connell a participé en tant que

> 46 Technicien de magnétoscopie à la retransmission de la compétition de saut à ski à Thunder Bay, cette fois en tant que remplaçante d’Anne Chirka. Mike Weir était en jour de congé supplémentaire, et Don Nesbitt travaillait comme preneur de son au Service de journalisme électronique. Il s’agissait de la première affectation au car de reportage de l’année pour lequel il semble que l’une des deux techniciennes en magnétoscopie ait eu le droit de préemption.

D’après la répartition des affectations aux activités hors studios ou aux cars de reportage pour 1983, il me semble que l’on n’a pas donné suite à l’intérêt manifesté par les trois plaignantes pour ce type de travail. Il semble que les quelques efforts visant à tenir compte des intérêts et à

mettre à l’épreuve les compétences des femmes dans le cadre des activités hors studios ont été faits à contrecoeur. La direction n’a ’fait appel à leurs services qu’à titre de substituts lorsque les techniciens du sexe masculin n’étaient pas disponibles pour une raison ou pour une autre, et ce en dépit du fait que les affectations aux cars de reportage constituent indiscutablement une importante facette du travail technique dans une station comme celle de Calgary; en dépit du fait également que Radio- Canada a déclaré qu’au moins un technicien de magnétocopie aurait pu être affecté au car de reportage, et que Mme Oxendale, qui avait été assignée au travail en studio, avait été avertie par M. Raine qu’elle pouvait s’attendre à être envoyée de temps en temps hors studio. A mon avis, une personne sensée se mettant à la place de l’une des trois techniciennes pourrait conclure, à la lumière de l’apparente indifférence manifestée par la direction à différents échelons, qu’elle a été l’objet d’une discrimination.

La situation ne s’améliore que légèrement pour les trois femmes en 1984. On se souviendra que les plaintes ont été déposées devant la Commission des droits de la personne en décembre 1983 et en janvier 1984. Au cours des trois premiers mois de l’année, hormis une émission locale réalisée hors studio, à savoir le Basketball Classic de l’Université de Calgary au début de janvier, couvert par Gail O’Connell, ni celle- ci ni Anne Chirka n’ont été envoyées hors studios. Mike Weir et Don Nesbitt ont couvert toutes les activités de ce type, notamment un spectacle de variétés, une émission religieuse, une émission pour enfants et un championnat de plongeon, sans compter les matches de la Ligue nationale de hockey. Patricia Oxendale a été affectée à trois reprises au super- car de reportage, pour couvrir deux émissions locales de spectacles pour enfants et un spectacle de variétés. Dans chacun des cas, Lloyd Jessup était en congé. Au cours du mois d’avril, Anne Chirka a été désignée pour couvrir un match de la Ligue nationale de hockey et la compétition de natation Canada Cup durant la semaine du 2 au 8 avril. Le fait que ces deux évènements sportifs aient eu lieu dans la même semaine semble avoir imposé la présence de trois des quatre

> 47 techniciens en magnétoscopie à bord du super- car de reportage. Au cours du même mois, Patricia Oxendale a été affectée deux fois à Switchback, l’émission locale pour enfants, ainsi qu’à l’émission du réseau Meeting Place, à deux reprises. Dans le cas des deux émissions locales, Lloyd Jessup agissait à titre de cameraman ou était en congé. Pour Meeting Place, Mme Oxendale remplaçait M. Ryans, le Technicien principal de régie vidéo.

Du mois d’avril à la fin de l’année, Mme Chirka n’a plus été affectée hors studios. Bien que l’examen des horaires n’en fournisse pas l’explication, sa participation accrue au travail en journalisme électronique pourrait en être la raison. On se souviendra qu’elle s’est déclarée généralement satisfaite de sa situation en 1984. Mme O’Connell était relativement occupée au cours des mois de juin et juillet 1984 par deux rodéos et le Stampede, soit avec Mike Weir soit avec Don Nesbitt. En juillet et ao t, pendant que M. Weir était aux Jeux olympiques de Los Angeles, Gail O’Connell a couvert deux matches de la Ligue canadienne de football. Pour le premier de ces matches, elle remplaçait Don Nesbitt. Au cours du reste de l’année, elle a été affectée à deux reprises au car de reportage, une fois pour l’émission Reach for the Top et l’autre pour une émission non spécifiée. Les autres activités hors studio, sportives ou non, ont été attribuées à Mike Weir et à Don Nesbitt. Entre le début du mois de mai et la fin du mois de juillet, Patricia Oxendale a été affectée une fois au car de reportage à l’occasion

d’un match de la Ligue canadienne de football à Edmonton à la fin du mois de juin. Elle a été désignée pour travailler avec M. Ryans après l’affichage de l’horaire. Lloyd Jessup était à ce moment- là en congé annuel. Au cours de la semaine du 23 au 29 juillet , Mme Oxendale a été ignorée pour un match de la Ligue canadienne de football à Calgary. C’est ce qui est à l’origine de l’incident souligné par M. Duval dans le contre- interrogatoire de M. Raine, selon lequel Mme Oxendale aurait hurlé en évoquant le mauvais traitement qu’on lui faisait subir. Cette attitude semble avoir eu un certain effet, puisqu’elle a remplacé M. Jessup à. ce match, et qu’elle a participé, en tant que Technicien de régie vidéo, aux matches de la Ligue canadienne de football diffusés de Calgary pour le reste de la saison 1984.

Ainsi, en 1984, la situation s’est améliorée, bien que la direction n’ait manifestement pas changé d’attitude de son plein gré. Globalement, la situation des femmes (en particulier Mme O’Connell et Mme Oxendale) n’a pas changé, et elles ont continué à remplacer les techniciens du sexe masculin. Ce n’est que lorsque Mme Oxendale a protesté de manière violente que la direction a pris des mesures un peu plus concrètes pour remédier à la situation. Cet incident, il convient de le remarquer, s’est produit au moins dix- huit mois après que Mme O’Connell ait commencé à faire part de ses inquiétudes aux directeurs techniques et quelque quinze mois après que Mme Oxendale ait

> 48 invoqué une pratique déloyale de travail devant la direction de Radio- Canada à Calgary, presque un an après la remise de la lettre de grief de M. Johnson au nom des trois plaignantes, et environ six mois après le dépôt de leur plainte devant la Commission des droits de la personne. Vu la diversité des affectations hors studio et la longueur de la période considérée, l’argument selon lequel tout peut être expliqué par la constitution des équipes pour les saisons de hockey de 1982 à 1983 perd sa pertinence.

Le second argument de Radio- Canada est plus solide: si elles ont été l’objet d’une discrimination indirecte, celle- ci n’est pas fondée sur le motif du sexe. Vu l’importance accordée au pouvoir discrétionnaire du réalisateur, et vu le désir des réalisateurs, tant au palier local qu’à celui du réseau, de travailler avec des équipes ayant fait leurs preuves, certains techniciens, de sexe masculin ou féminin, n’ont que rarement l’opportunité de participer aux émissions hors studios ou à bord des cars de reportage. Il me semble que Radio- Canada a accordé à ces critères une importance excessive. Je ne nie pas que les réalisateurs estiment devoir bénéficier d’un degré de contrôle important vis- à- vis du personnel technique. En l’occurrence, ce pouvoir est officiellement reconnu dans la convention entre Radio- Canada et l’Association canadienne des réalisateurs de télévision (produite sous la cote R- 7). Toutefois, je doute fortement que le système soit aussi rigide que ne l’affirment les témoins de Radio- Canada, ni qu’il accorde une telle importance aux précédents. Les dépositions verbales et les documents montrent clairement que des substitutions sont faites et que, si les circonstances l’exigent, des arrangements peuvent être trouvés pour inclure ceux qui veulent effectuer ce type de travail. Dans sa déposition, M. Raine a indiqué qu’il avait été soucieux de faire des pressions visant à inclure un plus grand nombre de techniciens de Calgary dans les productions du réseau. En outre, comme l’a fait remarquer M. Duval, le Chef des Services techniques semble avoir été en mesure d’apporter certaines modifications afin d’accéder aux demandes de Mme Oxendale au cours de l’été 1984. De plus, le bon sens aurait tendance à réfuter un système qui ne favorise pas l’auto- perfectionnement et qui prive l’organisation de l’opportunité de

découvrir de nouveaux talents. En suivant logiquement l’argument de Radio- Canada, si les effectifs d’une équipe affectée au car de reportage restent stables pendant plusieurs années, personne d’autre, peu importe ses qualifications, n’aurait la possibilité d’effectuer ce type de travail. Il convient également de se souvenir que le pouvoir discrétionnaire en matière de création artistique est soumis aux obligations de la Société en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne interdisant toute discrimination. L’argument des pouvoirs dicrétionnaires relatifs à la création artistique ne peut justifier un type de comportement ayant pour conséquence d’annihiler les chances d’avancement ou de carrière d’un individu ou d’une catégorie

> 49 d’individus sur un motif de discrimination illicite. Compte tenu de la lenteur de la direction de la station CBRT à répondre aux demandes des plaignantes, et du peu de vraisemblance de l’argument fondé sur la rigidité du système régissant le choix des équipes techniques, il reste à savoir pourquoi la direction de Radio- Canada n’a pas accédé à la requête des techniciennes en leur donnant une chance de faire leurs preuves dans le cadre des affectations aux cars de reportage et hors studios. Comme c’est souvent le cas dans de telles causes, il n’existe aucune preuve directe de discrimination ouverte envers les plaignantes. Toutefois, les preuves indirectes portent à croire qu’elles ont été victimes d’une distinction indirecte et de lignes de conduite susceptibles d’annihiler leurs chances d’avancement ou de carrière du fait de leur sexe. A mon sens, le problème réside dans le fait que la direction de Radio- Canada à Calgary n’a pas su répondre de manière non équivoque aux attentes d’un petit groupe de femmes employées dans un domaine technique spécialisé, mécontentes de la stagnation de leur carrière et désireuses d’y remédier, situation qui se présentait pour la première fois. Mme MacIsaac a remarqué qu’avant qu’Anne Chirka parte en congé de maternité, elle était régulièrement affectée aux cars de reportage et estimait être traitée équitablement. Ce point, selon elle, réfute tout argument selon lequel la station exerçait une discrimination vis- à- vis des fermes. Il convient de remarquer que, à cette époque, Mme Chirka occupait son poste avant que Don Nesbitt et Gail O’Connell ne soient engagés par la station. En outre, elle avait trois ans d’ancienneté de plus qu’eux. Il me semble que la direction de la station, qui a accepté d’affecter un employé du sexe féminin au travail de magnétoscopie, n’a pas su et n’a pas voulu faire de même lorsque le problème s’est posé pour deux autres techniciennes.

Lors de son témoignage, M. Raine m’a donné l’impression de ne pas vouloir créer de remous. A l’instar de nombreuses organisations, la station de Radio- Canada à Calgary a instauré un système de gestion qui accorde un important degré d’autonomie aux responsables de la production, en l’occurence les réalisateurs, lesquels sont bien entendu soumis aux restrictions globales des lignes de conduite de la Société et de la station, ainsi qu’aux contraintes plus spécifiques des conventions collectives. Les directeurs généraux comme M. Raine et les réalisateurs- coordonnateurs comme M. Simon ne participent pas directement au déroulement quotidien du travail de production, et n’interviennent d’ordinaire que lorsqu’une difficulté ou une dispute de présente et doit être résolue. Dans une organisation comme celle- ci, les aptitudes de la haute direction à prévoir les problèmes en matière de ressources humaines et à les régler efficacement dépendent de leurs capacités de perception, de l’attention qu’ils portent aux employés, et du désir de traiter avec fermeté et équité les motifs des griefs, qu’ils soient réels ou sur le point d’éclater. Lors de sa déposition, M. Raine a

> 50 nettement donné l’impression de préférer déléguer ces tâches aux réalisateurs et aux techniciens en chef, en espérant que les problèmes puissent être résolus sans qu’il doive intervenir personnellement. C’est ce qui se passait effectivement, bien que certains problèmes laissent croire que la situation n’a pas toujours été idéale à l’ étage des studios. Lors de sa déposition, M. Raine a déclaré que, lorsque les techniciens ont commencé à exprimer leur mécontentement vis- à- vis des soi- disant avantages dont bénéficiaient les époux Chirka en travaillant ensemble en 1981, il avait délégué cette affaire aux techniciens superviseurs, ajoutant qu’il (TRADUCTION) ne voulait pas savoir de qui émanaient les plaintes. Patricia Oxendale a évoqué les problèmes qu’elle a éprouvés à travailler avec un réalisateur et avec ses collègues du personnel technique ainsi que son sentiment d’être (TRADUCTION) traitée différemment des autres lorsqu’il s’agissait d’évaluer la qualité de son travail. Il est surpremant de constater, à la lumière du caractère aigri des relations que laisse supposer ce témoignage, que la haute direction ne soit pas intervenue pour enquêter sur la situation et résoudre le problème. Dans sa déposition, Gail O’Connell a affirmé que lorsqu’elle a été affectée à l’occasion aux cars de reportage, elle a eu l’impression que ses collègues du sexe masculin attendaient qu’elle fasse ses preuves et qu’elle ne devait pas compter sur eux pour l’aider.

Patricia Oxendale a également fait part de sa déception relativement au caractère limité de la réponse qu’apporta M. Raine à sa plainte pour pratique déloyale de travail; sur examen des données des horaires, cette déception semble tout a fait justifiée. Le dépôt de la plainte des techniciennes par M. Harry Johnson en ao t 1983 met en lumière l’attitude indécise de M. Raine.

Celui- ci savait que le niveau de la rémunération pour heures supplémentaires des trois plaignantes était peu élevé et qu’elles étaient pratiquement exclues des affectations hors studios; il devait réfuter les accusations dé discrimination tout en s’efforçant de donner suite à leurs plaintes. Cette initiative devait toutefois prendre la forme d’un programme général visant à recueillir les souhaits des techniciens en ce qui a trait à leur carrière. Selon ses propos, le choix d’une telle stratégie reposant sur la mise en place d’un programme global de chance d’avancement ou de carrière pour les techniciens se fondait sur le fait qu’il (TRADUCTION) ( ... ) ne voulait pas qu’il y ait de réaction négative de la part des autres employés de la station, lesquels auraient pu croire que nous réagissions tout d’un coup aux problèmes (...) de seulement trois employés, sans pour autant prendre en compte l’effet qu’aurait sur les autres la mise en vigueur d’une proposition, quelle qu’en soit la nature. Il a soutenu que l’application de cette stratégie s’est d’ailleurs avérée délicate en raison de l’attitude menaçante de Harry Johnson.

Le coeur du problème des plaignants dans cette cause réside, > 51 selon moi, dans les témoignages se rapportant à une éventuelle réaction négative. La direction de la station CBRT, et en particulier M. Raine, tout en n’étant pas forcément opposée aux critiques des techniciennes à l’égard de ce qu’elles considéraient être une situation leur étant défavorable, ne s’est pas sentie capable ou désireuse de s’attaquer sérieusement à ces problèmes.

On ne peut que spéculer quant aux motifs de cette réticence. Selon moi, il semble toutefois possible de déduire des éléments de preuve soumis que le problème résidait partiellement dans la crainte qu’une action concrète en faveur des femmes ne contrarie certains de leurs collègues masculins. Bien qu’elle ne constitue pas un élément de preuve parfaitement adéquat, car elle indique seulement le nom des techniciens employés par la station CBRT à un moment donné, la liste du personnel technique produite par la Commission (pièce C- 53) souligne le fait que la plupart des employés des services techniques de CBRT en 1985 étaient du sexe masculin. Selon les témoignages de Mme O’Connell et de Mme Oxendale, elles ont, à plusieurs occasions, ressenti de la méfiance sinon de l’hostilité de la part de leurs collègues masculins en rapport avec leur présence dans le cadre de certains mandats. Selon la Société Radio- Canada, la situation de Mme Oxendale relevait d’un problème de personnalité. Cette assertion me semble douteuse compte tenu du fait qu’elle avait de bons antécédents à la station de Edmonton et que, malgré sa personnalité, elle a conservé son travail et s’est bien acquitté de ses tâches à la station de Calgary. Son témoignage me donne l’impression qu’il s’agit d’une personne qui est fermement convaincue du droit des femmes à bénéficier de l’opportunité d’améliorer leurs compétences dans le secteur de leur choix; de plus, elle ne craint pas de faire part de son opinion. Ses confrères ont pu trouver cette attitude agressive, et ont pu en être irrités. Toutefois, comme le souligne le Président Soberman dans la cause Rendry v. Liquor Control Board of Ontario (1980), 1 CHRR D/ 160 (Commission d’enquête de l’Ontario), le fait qu’une femme donne l’impression d’être agressive et autoritaire ne justifie pas que l’on fasse preuve de discrimination à son égard au travail, dans la mesure où elle s’acquitte de ses tâches de manière satisfaisante. De plus, comme le professeur Soberman en a convenu lorsque cet argument a été soulevé par les avocats de la OHRC et de la plaignante, ces traits de caractère, qui peuvent provoquer la consternation lorsqu’il s’agit d’une femme, peuvent être parfaitement tolérables chez un employé du sexe masculin.

Pour une raison quelconque, la direction de la Société Radio- Canada à Calgary semble avoir cru que certains employés du sexe masculin de la station voyaient d’un mauvais oeil l’accès de ces femmes à des tâches et à des rôles assumés jusque là par des hommes. En conséquence, la direction s’est montrée insensible aux aspirations légitimes des plaignantes, qui souhaitaient avoir la possibilité d’accroître leurs compétences en assumant certaines responsabilités d’un technicien en magnétoscopie, qui n’étaient ni spéciales ni uniques, mais faisaient plutôt partie des

> 52 fonctions normales de la station où elles travaillaient. Au tout début, les directeurs techniques les ont ignorées. Plus tard, après que la haute direction a été clairement mise au courant de leurs plaintes, on a tenté de combler leurs aspirations par des initiatives de principe. Cette indifférence ne pouvait être justifiée ni par la discrétion du réalisateur en matière d’expérience ou d’affinité ni par l’esprit de la convention collective liant la NABET et la Société Radio- Canada. En outre, une employée ainsi brimée ne devrait pas avoir d prendre une mesure extrême pour imposer un changement d’attitude de ses supérieurs, comme l’a fait Patricia Oxendale. Ainsi que l’ont démontré les évènements subséquents, il s’est avéré possible pour la Société Radio- Canada de poser certains gestes pour répondre aux souhaits et aux préférences de ces techniciennes; cette situation nous porte à croire que de tels gestes auraient pu être posés beaucoup plus tôt, si l’on avait fait preuve du même désir de compromis et d’un même engagement. La signification de l’équité en matière d’emploi dans notre société a été

exprimée avec beaucoup d’éloquence par le Juge Abella dans le Rapport d’une Commission royale, Egalité en matière d’emploi (1984) (pages 2- 3):

"L’égalité en matière d’emploi signifie que nul ne doit se voir refuser un débouché pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa compétence. Elle signifie le libre accès sans barrières arbitraires. La discrimination fait qu’un obstacle arbitraire vient souvent s’interposer entre la compétence d’une personne et sa possibilité d’en faire la preuve. Si quiconque désirant se réaliser a véritablement la possibilité d’accéder à l’emploi qui l’intéresse, on atteint alors une certaine égalité, c’est à dire le droit à l’égalité sans aucune discrimination."

(...) La recherche de l’égalité en matière d’emploi ne signifie pas nécessairement appliquer les mêmes mesures pour tout le monde. Elle doit servir à déterminer et à éliminer, un par un, les obstacles discriminatoires. Ce que l’égalité en matière d’emploi préconise, c’est l’accès à une gamme de possibilités pour permettre à chacun et chacune de réaliser pleinement son potentiel."

Cette conception de l’équité en matière d’emploi ne signifie pas seulement qu’il faut éviter les lignes de conduite qui comportent des mesures concrètes discriminatoires. Elle s’étend également

> 53 aux omissions et, comme dans le présent cas, aux situations où l’on ne parvient pas à instaurer des conditions permettant l’équité en matière d’emploi, en raison du fait que certaines attitudes traditionnelles tendent à restreindre les possibilités de travail des femmes. Il incombe à l’employeur d’instaurer un milieu de travail au sein duquel les aspirations légitimes des femmes quant à l’égalité d’accès à l’ensemble des possibilités de carrière de leur champ professionnel peuvent être comblées. Dans le cas présent, cela signifie que la direction doit admettre le droit des employés du sexe féminin à ce que l’on examine leur candidature avec soin, au même titre que celle des employés du sexe masculin, pour une tâche donnée et ce, lorsque leur séniorité et leur expérience est supérieure ou égale à celle des hommes. L’expression considérer avec soin signifie évidemment la possibilité de faire ses preuves pendant une période de temps appropriée et pour une gamme raisonnable de mandats distincts. Ce n’est qu’après cela, à mon sens, que la direction peut légitimement prétendre avoir fait preuve de bonne foi pour établir les mérites relatifs. Si, sur la foi de telles expériences, les employés du sexe masculin et féminin démontrent un même intérêt et des capacités comparables au travail , l’employeur doit alors prendre les mesures qui s’imposent pour les satisfaire tous. La conséquence inévitable pour la Société Radio- Canada est que les réalisateurs disposeront d’une latitude moindre en ce sens que, lors de la constitution de leurs équipes, ils devront mettre un nombre accru de candidats à l’essai et qu’ils pourront se voir imposer un bassin de candidats plus important. Cependant, leur aptitude à juger avec équité les candidats qui souhaitent accomplir les tâches concernées demeurera inchangée (en fait, elle sera plutôt accrue); par ailleurs, il ne leur sera pas interdit de choisir les candidats qui, par leur ancienneté, leur expérience et leurs antécédents, auront fait la preuve de leur compétence.

En conclusion donc, il m’apparait que les plaignantes ont fait la preuve d’un

comportement discriminatoire à leur égard sur le motif du sexe, ce qui est contraire à l’alinéa 7b) et à l’article 10.

Il convient de se rappeler que Anne Chirka a invoqué un autre motif de discrimination, soit la situation de famille. Il ne m’a pas été possible de trouver de preuves permettant de corroborer une telle assertion. Les deux époux Chirka pensaient visiblement que leur présence à la même station de la Société Radio- Canada suscitait une certaine opposition à leur encontre, tant de la part de leurs compagnons de travail que de la part de la direction. Bien que l’on puisse chercher les motifs pour lesquels M. Raine, lors de sa rencontre avec Larry Chirka en septembre 1982, a fait part d’une plainte de ses compagnons de travail faisant référence à une époque où les deux époux travaillaient en magnétoscopie et à laquelle M. Raine n’avait pas donné suite, les éléments de preuve ne me permettent pas d’établir que l’un ou

> 54 l’autre ni que les deux époux ont été défavorisés du fait de leur état matrimonial. J’accepte les représentations de M. Simon selon lequel, lors de sa réunion avec les époux Chirka en avril 1983, son propos avait simplement été de signaler les difficultés du point de vue des compromis relatifs aux horaires lorsque des couples mariés travaillent au sein d’un petit groupe; il a également prétendu ne pas avoir émis de réserves quant à leur présence à la même station, ni avoir suggéré aux époux Chirka de consulter un conseiller conjugal. J’ai tendance à croire que les époux Chirka, aux prises avec une situation délicate du point de vue de leur couple, ont attribué aux propos de Andrew Simon une signification erronée. Par ailleurs, malgré l’opinion plutôt pessimiste qu’a Larry Chirka de sa situation, il me semble clair que la direction de la station CBRT a posé des gestes concrets pour lui permettre d’acquérir de nouvelles connaissances dans le domaine de l’éclairage. Pour les raisons précitées, j’ai conclu que Anne Chirka avait été victime de discrimination sur le motif du sexe. Je ne trouve aucun fondement évident me permettant de conclure que la Société Radio- Canada a fait preuve de discrimination à son égard sur le motif de sa situation de famille.

G. Redressement Le redressement que réclame la Commission au nom des plaignantes est le versement de dommages- intérêts. En particulier, les dommages- intérêts sont réclamés en vertu des alinéas 41( 2) c) et 41( 3) b). L’alinéa 41( 2) c) s’énonce comme suit:

(2) "A l’issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, (...), ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire (...)

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;"

L’alinéa 41( 3) b) s’énonce comme suit: Outre les pouvoirs que lui confire le paragraphe (2), le tribunal, ayant conclu (...)

b) que la victime a souffert un préjudice moral par suite de l’acte discriminatoire, peut ordonner à la personne de payer à la victime une indemnité maximale de 5 000 $."

La Commission demande que soient versés des dommages- intérêts > 55 pour la disparité de rémunération pour heures supplémentaires entre Mme O’Connell et Mme Chirka d’une part, et M. Nesbitt de l’autre, et entre Mme Oxendale et M. Jessup. Au nom de la Commission, Mme Savard a soutenu que ces dommages- intérêts devaient être équivalents à la moitié de la différence entre la somme des revenus de Mme O’Connell et Mme Chirka et ceux de M. Nesbitt. Il a été suggéré d’adopter la même méthode de calcul pour évaluer l’indemnité de Mme Oxendale par rapport aux revenus de M. Jessup. La Commission a également demandé l’attribution de dommages- intérêts de 5 000 $ à chacune des plaignantes pour palier les opportunités manquées suite au nombre limité d’affectations aux cars de reportage ou hors studios dont elles ont pu bénéficier. Enfin, Mme Savard a noté que, en vertu du paragraphe 41( 3), on pouvait accorder une indemnité pour préjudice moral. A cet égard, elle a suggéré que l’on accorde une somme variant entre 1 500 $ et 2 000 $ à chacune des plaignantes.

Mme MacIsaac a soutenu avec beaucoup de justesse que la norme permettant d’évaluer les dommages- intérêts de Mme O’Connell et de Mme Chirka devait être reliée à la somme totale des rémunérations pour heures supplémentaires perçues par elles- mêmes et par M. Nesbitt. En bref, parmi les techniciens de magnétoscopie autres que M. Weir, tous trois étaient en concurrence pour un nombre fini d’opportunités de temps supplémentaire et pour les revenus qui y sont associés. La somme totale ayant été perçue devait donc être partagée en trois. Pour calculer le manque à gagner de Mme O’Connell et de Mme Chirka, on déduirait donc leurs revenus de ce nombre.

L’évaluation de la perte de revenus des plaignantes présente certaines difficultés. J’ai déjà fait remarquer que l’on ne disposait d’aucune base adéquate pour comparer la situation des trois plaignantes et celle des hommes dont l’ancienneté et l’expérience à un poste de la même classe étaient comparables, et ce pour toutes les années autres que 1983 et 1984. Cependant, même pour ces années- là, il n’est pas facile d’établir un lien direct entre les revenus de temps supplémentaire et les affectations aux cars de reportage et hors studios. Comme l’a fait remarquer Mme MacIsaac, bien que Mme O’Connell ait effectué moins de reportages hors studios que M. Nesbitt en 1984, ses revenus de temps supplémentaire ont été plus élevés. Bien que les relevés d’heures supplémentaires produits à titre d’élément de preuve fournissent une répartition des revenus et des heures sur une base mensuelle, on ne peut établir un rapprochement satisfaisant entre une somme ou un n’ombre d’heures donné et les affectations en cars de reportage et hors studios plutôt qu’avec les heures supplémentaires en studio. Même si je devais passer outre ces difficultés et prendre les sommes annuelles comme base de calcul, il n’en demeure pas moins que le fait de combler les aspirations légitimes des trois techniciennes ne se serait pas nécessairement traduit par une équivalence précise de leurs

> 56 revenus de temps supplémentaire. Au début de 1983, il aurait pu s’avérer délicat de séparer les membres de l’équipe technique affectée à la couverture des parties de la L. N. H. Il est probable que Anne Chirka, en raison du problème que lui posaient les affectations hors studios à l’extérieur de la

ville, aurait eu moins de possibilités que dans des circonstances normales. Le fait que M. Jessup ait été spécialement affecté au mini- car de reportage et que Mme Oxendale ait travaillé en studio aurait sans doute justifié qu’il soit plus souvent affecté au super- car de reportage lorsque le mini- car y était attaché, comme c’est apparemment le cas lors des retransmissions des matches de la L. N. H. Dans le cas de Anne Chirka, on doit également considérer le fait que, bien que ses revenus pour heures supplémentaires de 1984 aient été bien inférieurs à ceux de ses collègues, elle s’est estimée satisfaite de commencer à avoir l’occasion de travailler dans un autre domaine, ce qui compensait l’absence d’affectations aux cars de reportage ou hors studios. Qui plus est, au cours de la seconde moitié de l’année 1984, le nombre d’affectations hors studios de Patricia Oxendale a été comparable à celui de Lloyd Jessup.

Malgré ces difficultés, il me semble que, dans une certaine mesure, les plaignantes ont eu des revenus pour heures supplémentaires moindres, suite à la manière dont elles ont été traitées par la Société Radio- Canada. Compte tenu des éléments impondérables, toutefois, j’en viens à la conclusion qu’il ne serait pas équitable de procéder à un simple partage de la somme attribuée au temps supplémentaire et de déduire les revenus actuels des plaignantes de cette somme. Comme il parait probable que les revenus de temps supplémentaire des employés du sexe féminin n’auraient pas été équivalents à ceux de leurs confrères du sexe masculin, même si le nombre d’affectations aux cars de reportage avait été plus élevé, j’ai choisi de diviser par deux tout manque à gagner établi selon le calcul précité. Ainsi, en 1983, l’ensemble des revenus de temps supplémentaire de M. Nesbitt, de Mme O’Connell, et de Mme Chirka se chiffre à 17 956,00 $. Si l’on divise cette somme par trois, on obtient 5 985,00 $ ,somme qui aurait d être attribuée à chacun des employés. Les revenus de temps supplémentaire de Mme O’Connell se chiffrant à 5 760,00 $ cette année là, il subsiste une différence de 225,00 $. La moitié du manque à gagner s’établit donc à 112,50 $. Les revenus de Mme Chirka s’établissent à 4 069,00 $; cette somme soustraite de 5 985,00 $ laisse une différence de 1 915,00 $. La moitié de cette somme représente 957,50 $. Je n’ai pas effectué de calcul analogue pour l’année 1984 ni dans le cas de Mme O’Connell ni dans celui de Mme Chirka. Les revenus de temps supplémentaire de la première sont en effet supérieurs à ceux de M. Nesbitt. Dans sa déposition, Mme Chirka a indiqué qu’en 1984 sa situation professionnelle avait pris un nouvel essor et qu’elle n’avait aucune raison de se plaindre de son état.

La somme totale des revenus de temps supplémentaire de M. Jessup > 57 et de Mme Oxendale s’établit à 16 738,00 $ en 1983. La moitié de cette somme représente 8 369,00 $. Comme Mme Oxendale a en fait gagné 5 234,00 $, le manque à gagner est de 3 135,00 $. La moitié de ce nombre représente 1 562,50 $. En 1984, leurs revenus conjoints s’établissent à 11 310,00 $; la moitié de cette somme représente 5 655,00 $. Comme Mme. Oxendale a gagné 4 534,00 $, il subsiste une différence de 1 121,00 $. La moitié de cette somme représente 560,50 $. Le manque à gagner de Patricia Oxendale pour l’ensemble des deux années s’établit donc, selon mes calculs, à 2 123,00 $.

Dans mon esprit, les dommages- intérêts accordés pour absence d’opportunités sont plus importants que ceux que l’on associe à la perte de revenus. Comme je l’ai mentionné plus haut, les conséquences les plus fâcheuses pour les plaignantes résident dans le fait qu’on leur a dénié la possibilité de faire progresser leur carrière. Chacune des plaignantes a fait part de sa

frustration de ne pas être affectée aux tâches hors studios, - de ne pas pouvoir faire usage des appareils les plus modernes, de ne pas avoir l’occasion de rencontrer les réalisateurs du réseau, ni de profiter du milieu plus enrichissant offert par ce type de travail. Mme Savard a prétendu qu’une somme de 5 000,00 $ semblait appropriée dans chacun des cas. J’en viens à la conclusion que l’on doit accorder une telle somme à Mme O’Connell ainsi qu’à Mme Oxendale, et que l’on doit accorder 2 500,00 $ à Mme Chirka. Les témoignages semblent démontrer que la direction de CBRT a agi avec beaucoup moins d’empressement face aux plaintes de Gail O’Connell et de Patricia Oxendale qu’à celles de Anne Chirka; par conséquent, elles n’ont pu être affectées aux cars de reportage qu’au cours de l’année 1984. A cette époque, Mme Chirka exerçait de nouvelles fonctions en journalisme électronique.

Enfin, il me semble que les ennuis subis par les trois employés du sexe féminin et que l’indifférence de la Société Radio- Canada à leur égard leur ont causé un préjudice moral. On notera encore une fois que les plaignantes ont manifesté leur profonde déception relativement au traitement que leur réservait leur employeur, déception corroborée par les témoignages. Pour ce motif, je conclus que la Société Radio- Canada doit verser une somme additionnelle de 1 500,00 $ à Gail O’Connell et à Anne Chirka, ainsi qu’une somme de 2 000,00 $ à Patricia Oxendale. Cette dernière somme plus élevée se justifie selon moi par le fait qu’elle a été la première à mettre en doute les pratiques de la station de Calgary en matière d’affectation aux cars de reportage et qu’elle a d recourir à des mesures inhabituelles pour que la direction prenne ses protestations au sérieux. Enfin, c’est elle qui a perçu avec le plus de lucidité le fait que la Société Radio- Canada l’empêchait de poursuivre sa carrière.

> 58 B. Règlement Pour les raisons précitées, le tribunal

1. DECLARE que les plaintes de Mme Gail O’Connell, de Mme Anne Chirka et de Mme Patricia Oxendale sont fondées;

2. DECLARE que la mise en cause a commis des actes discriminatoires, en ce sens qu’elle les a défavorisées en tant qu’employées et a adopté des lignes de conduite susceptibles d’annihiler leurs chances d’avancement ou de carrière sur un motif illicite de discrimination;

3. CONDAMNE la mise en cause à verser à la plaignante Gail O’Connell la somme de six mille six cent treize dollars (6 613,00 $), à la plaignante Anne Chirka la somme de quatre mille neuf cent cinquante- huit dollars (4 958,00 $), et à la plaignante Patricia Oxendale la somme de neuf mille vingt- trois dollars (9 023,00 $).

Victoria (Colombie- Britannique), le 16 mai 1988 Le Président, (signature) John P. S. McLaren

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