Tribunal canadien des droits de la personne

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DT 2/ 86 Décision rendue le 8 juillet 1986

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE: BELL CANADA, APPELANTE- Intimée, -et BRIAN VILLENEUVE, INTIMÉ- Plaignant.

DEVANT: DENIS LEMIEUX, président ALDEA LANDRY MONICA MATTE, membres

DÉCISION DU TRIBUNAL D’APPEL

COMPARUTIONS RENÉ DUVAL, Procureur de l’intimé et de la Commission canadienne des droits de la personne

LINE THIBAULT, Procureur de l’appelante

>1.- LES FAITS

Le plaignant, Brian Villeneuve, travaillait comme épisseur pour l’intimée, Bell Canada. Ce travail d’épisseur consiste à raccorder les fils téléphoniques et exige pour ce faire que l’on grimpe dans les poteaux de téléphone.

Un examen médical de M. Villeneuve permit de déceler qu’il était atteint de varicocèle. Etant donné la nature de cette maladie et de son travail, M. Villeneuve d arrêter de travailler et fut éventuellement opéré.

Il est admis par les parties qu’en raison de son état physique causé par le varicocèle, M. Villeneuve n’était plus apte à travailler comme épisseur. La décision de l’employeur Bell Canada de le retirer de ce travail d’épisseur n’est donc pas une question en litige dans le présent appel.

Suite à son arrêt de travail comme épisseur, M. Villeneuve a cherché à obtenir un transfert à un poste conciliable avec son état physique. Il a effectivement postulé différents emplois en remplissant les formules

appropriées à cet effet. Il n’a cependant pu obtenir le transfert recherché pour aucun des emplois postulés car il apparait qu’il ne possédait pas les qualifications requises pour ces différents emplois. Ces refus de trans>

2. fert ne font pas non plus l’objet du présent litige.

Par ailleurs, l’intimée, Bell Canada, a fait des démarches de concert avec le plaignant, pour lui trouver un emploi adéquat au sein de la compagnie, tant sur le plan financier que professionnel.

Selon la preuve, le plaignant a refusé certains de ces emplois pour le motif que les conditions de travail étaient trop mauvaises pour lui, considération faite de son ancien emploi de technicien, soit que l’emploi était trop mal payé ou le travail trop éloigné de sa formation.

Une préposée au centre de recrutement de la compagnie mentionna au plaignant la possibilité d’un transfert vers le poste de préposé au matériel III. Il apparaît de la preuve que des contacts furent effectivement pris avec le centre de matériel de qui relevait cet emploi. Cependant, au vu du dossier du plaignant, le directeur du centre de matériel estima que M. Villeneuve ne pouvait pas faire le travail de préposé au matériel III en raison de son état physique.

La preuve apparaît quelque peu déficiente sur le contenu de ce dossier sur le plan des rapports médicaux. Il est indéniable qu’un rapport du médecin traitant du plaignant, le Dr Guy Tremblay, y figure. Dans ce rapport, le Dr Tremblay émit comme réserve à l’emploi du plaignant qu’il ne pourrait plus grimper, dans les poteaux. Le Dr Tremblay était d’avis que pour le plaignant le fait de travailler en position debout sans marcher était un facteur de sa symptomatologie. Une autre pièce figure à ce dossier, soit un document émanant d’un médecin à l’emploi de Bell Canada, le Dr Pilon.

>3. Celui- ci précise dans ce document que le plaignant ne pourra plus grimper dans les poteaux. Il est fort possible que d’autres documents médicaux aient figuré au dossier de M. Villeneuve mais, si c’est le cas, il n’ont pas été mis en preuve.

Après cette estimation négative de la capacité de M. Villeneuve à effectuer le travail de préposé au matériel III, aucune suite ne fut donnée à cette possibilité de transfert et aucune demande formelle ne fut présentée à cet effet par M. Villeneuve.

Comme aucun autre emploi n’était disponible, M. Villeneuve fut mis à pied par l’intimée en septembre 1981.

Après avoir logé puis abandonné un grief institué en vertu de la convention collective applicable, M. Villeneuve déposa en mai 1982 une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

Dans cette plainte, le plaignant croit avoir des motifs raisonnables de

croire que Bell Canada exerce un traitement discriminatoire à mon égard par mon renvoi à cause de mon handicap physique subit au travail. Bell Canada me refuse un emploi dans d’autres départements dont je peux accomplir les tâches requises. Le tout à l’encontre des dispositions 3 et 7 de la partie 1 de La loi canadienne des lois sur les droits de la personne. Nous avons vu qu’en. dépit de la formulation très générale de la plainte, celle- ci a été, avec l’accord des parties, limitée au poste de préposé au matériel III.

>4. Après qu’il ait eu enquête et tentative de conciliation sur cette plainte, la Commission canadienne des droits de la personne nomma un tribunal pour entendre l’affaire.

Le tribunal, présidé par Me Nicole Duval Hesler, jugea que la plainte était bien fondée. Le tribunal estima que le plaignant s’était vu refuser la possibilité d’un transfert au poste de préposé au matériel III en raison de son handicap physique alors qu’il aurait pu, selon le tribunal, effectuer le travail requis par cet emploi. L’intimée fut condamnée à verser au plaignant la somme de 83 467,25 $, moins certaines déductions, ainsi qu’une indemnité additionnelle de 2 000,00 $ pour préjudice moral.

Le tribunal ordonnait également à Bell Canada d’offrir au plaignant, dès qu’il deviendra disponible, un poste de préposé au matériel III.

Bell Canada en a appelé de cette décision, d’où la présente espèce.

2.- QUESTIONS EN LITIGE

Les questions en litige que doit résoudre le présent tribunal sont essentiellement les suivantes:

>5. A- Le Tribunal de première instance a- t- il erré en déterminant que

l’intimée a refusé d’employer ou de continuer d’employer le plaignant ou l’a autrement défavorisé dans le cadre de son emploi, directement ou indirectement, en raison de son handicap physique, le tout contrevenant à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne?

B- Ce refus, exclusion ou restriction, découle- t- il d’exigences professionnelles justifiées, selon les termes de l’article 14 (a) de la loi?

Si l’on répond par la négative à ces deux questions, l’intimée a alors commis un acte discriminatoire prohibé par l’article 7 de la loi et pouvait alors faire l’objet des sanctions prévues à l’article 41 de ladite loi.

3.- L’EXTISTENCE D’UN REFUS OU TRAITEMENT DÉFAVORABLE DU A UN HANDICAP PHYSIQUE

L’intimée a toujours soutenu que M. Villeneuve ne s’est jamais vu refuser un transfert vers le poste de préposé au matériel III car il n’a jamais fait de demande officielle de transfert à ce poste. Dès lors, il ne pouvait y avoir d’acte que l’on puisse reprocher à l’intimée aux termes de

l’article 7 de la loi. >6.

Il est exact que le plaignant, selon son propre témoignage (N. S. 151) a fait quatre demandes de transfert. Aucune de ces demandes ne concerne le poste de préposé au matériel III. Lui- même indique qu’il n’a fait aucune demande de transfert à ce dernier poste.

Cependant, la directrice du centre de recrutement de l’intimée, Mme Bureau, a témoigné à l’effet que l’on avait considéré M. Villeneuve pour ce poste (N. S. 192).

Pour sa part, Mme Bernier, également employée au même centre de recrutement, a tenté d’aider le plaignant à obtenir un transfert. Elle a déclaré qu’en ce qui a trait au poste de préposé au matériel III dont elle avait parlé à M. Villeneuve, ce dernier était un petit peu réticent parce qu’il y avait une baisse de salaire mais il n’a pas mentionné qu’il ne l’accepterait pas (N. S. 199). Mme Bernier a aussi déclaré que le plaignant avait été considéré de façon non- officielle et que son nom avait été référé au service de M. Gannon, soit le centre de matériel, avec une demande de déterminer si le plaignant pouvait accomplir la tâche de préposé au matériel III (N. S. 200).

M. Gannon, a témoigné quant à lui qu’au vu du dossier du plaignant au centre de recrutement, il voyait mal comment Villeneuve pouvait accomplir la tâche (N. S. 229). M. Gannon indique qu’il a considéré, pour combler un poste vacant de préposé au matériel III, un certain M. Mantha qui avait, lui, complété une formule de transfert et M. Villeneuve (N. S. 234). Il a rejeté le plaignant suite à un examen pré>

7. liminaire du dossier (N. S. 235). M. Gannon a ajouté qu’il s’était informé sur Villeneuve au cas où ce dernier présenterait une demande officielle de transfert (N. S. 239).

Quant au motif de refuser de considérer, même à une étape préliminaire ou exploratoire, la possibilité que M. Villeneuve se voit confier la tâche de préposé au matériel III, celui- ci ne fait aucun doute.

Dans son témoignage, M. Gannon, qui parait avoir été la personne responsable pour autoriser le transfert, précise qu’il a refusé de considérer Villeneuve positivement en raison des restrictions médicales à son dossier (N. S. 230). Même s’il nie plus loin que Villeneuve ait été refusé pour ce motif, il ajoute aussitôt que s’il avait présenté une demande, celle- ci aurait été refusée parce qu’il ne pouvait remplir la tâche (N. S. 236). M. Gannon précise que la restriction de ne pas travailler debout pour des périodes prolongées était incompatible avec les exigences du poste (N. S. 237).

Dans sa décision, Me Nicole Duval Hesler a estimé que le geste posé par M. Gannon était un acte visé par l’article 7 même si Villeneuve n’avait pas présenté une demande de transfert officielle au sens de l’article 10.08 de la convention collective liant Bell Canada et ses employés.

Me Duval Hesler a indiqué qu’une autre disposition de la convention, l’article 10.07 (f) permettait à l’employeur de réaffecter des employés lorsque des mutations sont nécessaires pour des raisons

>8. de santé ou à cause d’un handicap physique.

Cependant, l’employeur n’a pas exercé ce pouvoir en l’espèce et la preuve révèle que c’est plutôt de la procédure de transfert dont il était question, tant de la part de Bell Canada que de M. Villeneuve.

Au surplus, l’article 10.07 (f) de la convention collective n’a été introduit qu’en mars 1982, alors que les faits de la présente espèce sont survenus en 1981. La convention collective de 1979, qui régissait alors les parties, ne fait nullement mention de cette procédure de mutation unilatérale pour raisons de santé.

Devant le tribunal d’appel, la procureurs de l’intimée a soutenu que la disposition de l’artiCle 10.08 était impérative et que ni l’employeur ni l’employé ne pouvait y déroger.

Nous estimons ne pas avoir à nous prononcer sur ce point car nous croyons que c’est à dessein que le législateur a utilisé les termes très généraux de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette énumération a pour but, selon nous, d’empêcher de restreindre la portée de l’interdiction en utilisant le formalisme de règlement, directive et convention collective en matière d’engagement, transfert, suspension et licenciement.

Restreindre l’article 7 au cas de décision négative officielle de l’employeur reviendrait à laisser se perpétuer des situations où l’on refuserait à certaines personnes de postuler un emploi en raison de leur sexe, âge, etc. N’ayant pas la possibilité de faire une telle demande, celle- ci ne serait jamais refusée officiellement. Une telle interprétation nous semble incompatible avec le but de la loi et les termes même utilisés Parle législateur à l’article 7.

>9. Malgré la généralité des termes de l’article 7, celui- ci vise des situations bien précises:

"Constitue un acte discriminatoire le fait a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu, ou b) de défavoriser un employé dans le cadre de son emploi, directement

ou indirectement, pour un motif de distinction illicite."

Il est admis que l’alinéa b) ne trouve pas application en l’espèce, puisque que M. Villeneuve n’était plus dans le cadre de son emploi d’épisseur. Il y a également une admission à l’effet que Bell Canada ne pouvait plus, à l’époque, continuer d’employer M. Villeneuve comme épisseur.

Il reste donc à déterminer si l’on a refusé un autre emploi à M. Villeneuve. Sur ce point, la preuve révèle que M. Villeneuve n’a jamais

sollicité le poste de préposé au matériel III, même si une employée de Bell Canada lui a mentionné ce poste et s’il y a eu exploration de cette possibilité par un autre employé de l’appelant.

De plus, M. Villeneuve ne s’est jamais vu communiquer une décision lui refusant le poste de préposé au matériel III ou, même, la possibilité de le postuler.

Après la rencontre avec Mme Bernier, il appert de la preuve que M. Villeneuve ne s’est jamais enquis de ce qu’il était survenu de cette possibilité qui lui avait été évoquée.

>10. Lorsqu’il loge un grief conformément à la convention collective, il n’est, encore une fois, nullement fait mention du poste de préposé au matériel III. Sa plainte à la Commission canadienne des droits de la personne ne l’identifie pas non plus. Ce n’est que lors de l’enquête effectuée par la Commission qu’il est question de l’emploi de préposé au matériel III.

Nous croyons qu’avant d’affirmer qu’il y a eu refus d’emploi, il convient qu’il ait une demande d’emploi. La preuve ne nous permet malheureusement pas de l’affirmer. Nous estimons donc que même si Bell Canada a considéré défavorablement le handicap physique de M. Villeneuve à un stade exploratoire, il importait que M. Villeneuve sollicite le poste de préposé au matériel III pour que l’on puisse parler de refus d’emploi.

Cette première conclusion suffirait pour disposer du présent appel. Toutefois, nous croyons important pour les parties impliquées que nous tranchions également la seconde question en litige.

4.- L’EXISTENCE D’UNE EXIGENCE PROFESIONNELLE NORMALE

L’article 14( a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit qu’un refus de considérer une personne pour un emploi en raison d’un motif tel que le handicap physique ne constitue pas un acte discriminatoire si ce refus ou traitement différentiel est justifié par des exigences professionnelles normales.

>11. Il fallait donc, comme l’a fait le tribunal de première instance, vérifier si le handicap physique de M. Villeneuve, causé par le varicocèle, l’empêchait de remplir les exigences de l’emploi.

L’emploi de préposé au matériel III a été bien décrit par trois (3) témoins, soit MM. Fournier, Simon et Bélanger. Tous trois (3) ont indiqué au tribunal quelles étaient les conditions de cet emploi.

M. Fournier a déclaré que le travail comportait une partie administrative qui se faisait assis. Une autre partie consistait dans un travail physique de manutention qui se faisait debout, en marchant (N. S. 30).

Quant à M. Bélanger, il a estimé que le poste requérait un effort physique important (N. S. 212); il a indiqué que le travail de préposé au

matériel III était plus physique que celui de préposé au matériel I où la partie administrative était plus grande (N. S. 216). Il a déclaré que 90% du travail était un travail de manutention (N. S. 219).

Ce dernier témoignage est confirmé par celui de M. Gannon (N. S. 227) pour qui il s’agit surtout d’un travail de manutention.

Toutefois, le travail de manutention s’effectue à l’aide d’appareils et il n’apparaît de la preuve que le préposé ait à soulever seul et sans assistance du matériel lourd. En revanche, il est incontestable qu’il s’agit d’un travail davantage physique qu’administratif, où l’on passe plus de temps debout qu’assis et où l’on a à se déplacer et à effectuer différentes tâches impliquant le maniement d’objets.

>12. Une fois établies les caractéristiques physiques de la tâche de préposé au matériel III, il reste à savoir si M. Villeneuve pouvait l’effectuer.

Nous avons sur ce point le témoignage de plusieurs médecins. Pour le Dr Tremblay, médecin traitant de M. Villeneuve, la varicocèle causait une douleur lorsque l’on était en station debout, cette douleur disparaissant lorsqu’on est couché (N. S. 55). La douleur s’accroit avec une station debout prolongée (N. S. 56). Si la personne atteinte de varicocèle circule, la situation s’améliorera. L’on doit surtout éviter la station debout immobile prolongée (N. S. 57 et 62). Selon de Dr Tremblay, M. Villeneuve pouvait exécuter le travail de préposé au matériel III tel que décrit par le témoin Fournier (N. S. 63). Il importait seulement que le plaignant ne reste pas debout constamment (N. S. 96). Cependant, le Dr Tremblay a admis que le varicocèle peut entraîner des douleurs même en marchant et que si l’on reste longtemps debout, la douleur peut alors augmenter (N. S. 104 à 106). Enfin, il a déclaré qu’une pression abdominale peut s’exercer dans un effort anormal comme lever des poinds, effort ressenti au niveau des veines.

On peut retenir du témoignage du Dr Tremblay qu’en principe, le genre de travail qu’effectue un préposé au matériel III n’était pas interdit pour une personne atteinte de varicocèle. Cependant, la fatigue et un effort anormal tel que lever un objet lourd pourraient entraîner une douleur.

Pour sa part, le Dr Pilon, médecin à l’emploi de Bell Canada, a indiqué que la restriction due au varicocèle est que Villeneuve ne pouvait rester debout pour une longue période (N. S. 248),

>13. en plus de ne pouvoir grimper dans les poteaux et de ne pas forcer (N. S. 249). Ces deux dernières restrictions paraissent admises par le Dr. Tremblay. Le Dr Pilon ajoute que la marche peut aggraver la douleur, de même que des efforts physiques (N. S. 276 à 278).

Enfin, un autre médecin, le Dr Coulonval, estime que le mouvement n’est pas une cause aggravante pour une personne qui a été atteinte de varicocèle. Il admet que marcher peut être un facteur, mais pas aussi important que la position debout immobile prolongée (N. S. 312).

Le Dr Coulonval estime que la marche et l’effort physique pourraient exagérer la douleur (N. S. 315). Il estime de plus que Villeneuve ne pouvait pas faire le travail tel que décrit par le témoin Bélanger (N. S. 322). Il estime également que des troubles sont possibles même après qu’une personne a été opérée de varicocèle (N. S. 325).

Le témoignage du Dr Racine comporte le même genre de nuances que les précédents.

La lecture de ces différents témoignages laisse subsister une incertitude quant à la capacité réelle d’une personne atteinte de varicocèle, tel que le plaignant, d’effectuer la tâche de préposé au matériel III.

>14. Par ailleurs, il faut conserver à l’esprit que les seuls documents médicaux mis en preuve au dossier de Villeneuve sont 1) la formule remplie par le Dr Tremblay (pièce R- 3) où le Dr Tremblay fait la remarque que le fait de travailler en position debout sans marcher est un facteur important de la symptomatologie du varicocèle et 2) le rapport du Dr Pilon (pièce R- 5) où le Dr Pilon recommande que l’on essaie de transférer Brian dans un autre travail où il ne devra plus monter de poteaux. Si d’autres pièces ont pu être consultées par M. Gannon, ceci n’apparaît pas de la preuve.

Le plaignant n’a jamais été évalué sur une base individuelle pour déterminer si, dans son cas personnel, le varicocèle était un empêchement à exercer la fonction de préposé au matériel III. Les témoignages des divers médecins démontrent bien que le varicocèle et ses séquelles peuvent présenter des dégrés de douleurs et d’inconvénients différents dépendamment des circonstances propres à chaque personne. Ceci n’a pu être déterminé dans l’état du dossier tel que présenté au Tribunal et sur lequel M. Gannon s’est fondé pour refuser, à un stage exploratoire ou préliminaire, de donner une suite positive à un éventuel transfert de M. Villeneuve.

La décision rendue par Me Sidney Lederman dans l’affaire Rodger c. Canadien National, tribunal canadien des droits de la personne, 24 juillet 1985, et les références qui y figurent, démontre bien la nécessité pour l’employeur d’une telle évaluation individuelle avant de rejeter la possibilité de considérer une personne pour un emploi en raison de son handicap physique.

>15. Dans sa décision, Me Duval Hesler estime que Villeneuve pouvait remplir la tâche de préposé au matériel III et que, dès lors, le refus de considérer la possibilité de l’employer à ce poste ne pouvait se fonder sur des exigences professionnelles normales.

Il s’agit d’une question d’appréciation de faits qui, à moins d’erreur substantielle, est normalement laissée au tribunal de première instance.

Il se peut que M. Villeneuve n’ait pas été en mesure de remplir la tâche au moment où M. Gannon a examiné son dossier. Toutefois, peut- on affirmer que Bell Canada s’est bel et bien assurée qu’il en était ainsi? Les deux rapports figurant au dossier ne contiennent pas de restrictions incompatibles

avec les exigences de préposé au matériel III telles qu’elles ont été décrites par les témoins. Si des restrictions additionnelles s’imposaient compte tenu de l’état physique de M. Villeneuve à ce moment, celles- ci ne figuraient pas parmi les pièces mises en preuve. On ne peut pas présumer l’existence de rapports plus détaillés, contenant de telles restrictions.

C’est donc à bon droit, selon nous, que le tribunal de première instance a conclu que les restrictions médicales contenues au dossier du plaignant n’empêchaient pas ce dernier d’occuper l’emploi de préposé au matériel III. le

>16. 5. CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, c’est à regret que le tribunal se voit dans l’obligation d’accueillir l’appel. Car si le plaignant n’a pas, selon la preuve, manifesté d’intérêt à postuler le poste de préposé au matériel III, l’appelante parait également avoir fait preuve d’insouciance dans l’évaluation des capacités physiques réelles du plaignant. C’est pourquoi nous recommandons à Bell Canada d’offrir à M. Villeneuve, maintenant rétabli, tout poste disponible que celui- ci serait en mesure d’occuper.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: ACCUEILLE l’appel interjeté par l’intimé, Bell Canada; INFIRME la décision rendue par le Tribunal présidé par Me Nicole Duval Hesler en date du 31 mai 1985.

DENIS LEMIEUX, président ME ALDEA LANDRY, membre MONICA MATTE, membre

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