Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

SANDRA GRAHAM

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

l'intimée

DÉCISION

2007 TCDP 40
2007/10/02

MEMBRE INSTRUCTEUR : J. Grant Sinclair

I. LE CONTEXTE

II. LES ALLÉGATIONS DE DISCRIMINATION DE MME GRAHAM

III. LA DÉCISION

IV. IV LES FAITS

(i) Le projet Annexe AA

(ii) Mme Graham et le projet Annexe AA - du 4 juin 2001 à février 2002

(iii) Mme Graham et la phase 2 du projet Annexe AA - de février 2002 au 21 mai 2002

(iv) L'absence du travail de Mme Graham et les communications Sylvester/Graham - juin 2002

(v) Communications Sylvester/Graham - juillet 2002

(vi) Communications Sylvester/Graham - août 2002

(vii) Tentatives de Mme Graham de résoudre sa situation d'emploi - octobre 2002 à janvier 2003

V. MOTIFS DE LA DÉCISION

(i) Mme Graham a-t-elle établi une preuve prima facie de discrimination?

(ii) Mme Graham avait-elle une déficience à l'époque en question?

(iii) Les allégations de discrimination de Mme Graham

a) Défaut de prendre des mesures d'accommodement pour sa déficience

b) Traitement défavorable

c) Cause de la déficience temporaire

d) Fin de son affectation au poste de surveillant général par intérim

VI. Conclusion

I. LE CONTEXTE

[1] Sandra Graham, la plaignante en l'espèce, travaille pour la Société canadienne de postes (SCP) depuis 1977 et a occupé divers postes au centre de traitement du courrier de Winnipeg (CTCW). Le 4 juin 2001, elle a obtenu le poste de surveillant général par intérim dans les services de transport urbain (UTS). Son poste d'attache à l'époque était celui de superviseure dans l'UTS. Mme Graham a accepté ce poste afin que le surveillant général, Dave Smook, puisse temporairement quitter son poste afin de représenter les gestionnaires dans une initiative conjointe de la SCP et du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) qui portait le nom de projet [traduction] Annexe AA.

[2] Lorsque Mme Graham a accepté le poste de surveillant général, le CTCW se préparait à lancer le projet Annexe AA, lequel nécessitait la mise en uvre d'importants changements au service de livraison et de ramassage de colis de la SCP. À titre de surveillante générale par intérim dans l'UTS, elle avait une très grande responsabilité quant à la mise en application du projet.

[3] Le 21 mai 2002, Mme Graham ne s'est pas présentée au travail, et elle est restée absente jusqu'en novembre 2005, auquel moment elle a repris le travail à plein temps. Elle a soutenu qu'elle était entièrement dévouée au projet et qu'elle était déterminée à le voir mené à terme avec succès. Cependant, elle a déclaré que le stress, les longues heures de travail et le manque de soutien en matière de gestion lui ont causé un épuisement professionnel. Elle est tombée malade et ne pouvait plus travailler.

[4] Le 12 septembre 2003, pendant qu'elle était en congé, Mme Graham a présenté une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne. Elle a déposé sa plainte quelques mois après avoir demandé à un collègue à la SCP d'intervenir en son nom auprès des cadres supérieurs de la SCP afin de tenter de résoudre les difficultés qui se posaient entre elle et son gestionnaire en raison de son absence.

II. LES ALLÉGATIONS DE DISCRIMINATION DE MME GRAHAM

[5] Dans sa plainte, Mme Graham soutient que :

  1. La SCP a agi de façon discriminatoire à son égard en ne prenant pas de mesures d'accommodement pour sa déficience temporaire;
  2. la SCP l'a défavorisée en ne prenant pas de mesures d'accommodement pour sa déficience; allégations qui relèvent toutes deux de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP),
  3. la SCP l'a rétrogradée de son poste de surveillant général par intérim en raison de sa déficience; cependant, elle n'a pas précisé quel article de la LCDP avait été violé;
  4. dans son exposé des précisions présenté pour l'audience devant le Tribunal, Mme Graham a ajouté une autre allégation, soit que sa déficience et son incapacité à travailler avaient été causées par le fait que la SCP ne lui avait pas donné suffisamment d'employés et de soutien pour qu'elle puisse effectuer son travail.

[6] En guise de question préliminaire, le Tribunal a aussi examiné si on lui avait présenté des preuves lui permettant de raisonnablement conclure que Mme Graham souffrait bien d'une déficience pendant la période pertinente.

[7] Mme Graham a refusé d'inclure dans sa divulgation avant l'audience des documents médicaux qui décrivaient la nature de sa déficience et elle a choisi de ne pas présenter de telles preuves médicales à l'audience. Depuis le début, elle est d'avis qu'il s'agit de renseignements confidentiels qui ne devraient pas être communiqués à la SCP. En l'absence de preuves médicales, le Tribunal devait déterminer si Mme Graham avait bien souffert d'une maladie qui l'avait empêchée de travailler pendant la période en question et si cette maladie constituait une déficience au sens de la LCDP.

[8] Le dernier argument de Mme Graham était très vaste et il n'y avait aucune précision ni en ce qui a trait à ce qu'elle qualifiait d'actes discriminatoires de la part de la SCP, ni en ce qui a trait à la preuve à l'appui. Son dernier argument n'a guère aidé le Tribunal à prendre une décision au sujet de sa plainte. Par conséquent, la décision du Tribunal traite chacune des quatre allégations de discrimination présentées dans sa plainte et dans son exposé des précisions.

III. LA DÉCISION

[9] Pour les motifs qui suivent, j'ai conclu que la preuve permettait d'affirmer que Mme Graham avait souffert d'une déficience pendant la période au cours de laquelle elle s'était absentée du travail.

[10] En ce qui a trait aux allégations de Mme Graham selon lesquelles la SCP n'a pas pris de mesures d'accommodement pour sa déficience temporaire, l'a défavorisée et ne lui a pas donné suffisamment d'employés de soutien, ce qui a causé sa déficience, j'ai conclu que Mme Graham n'a pas établi une preuve prima facie de discrimination. Quant à son allégation selon laquelle la SCP a mis fin à son emploi à titre de surveillante générale en raison de sa déficience, je conclus que Mme Graham a établi une preuve prima facie de discrimination. Cependant, la SCP a été incapable de s'acquitter de son obligation d'accommodement envers Mme Graham parce que cette dernière n'a pas facilité le processus d'accommodement. Par conséquent, le bien-fondé de la plainte de discrimination déposée par Mme Graham contre la SCP n'a pas été prouvé et la plainte est rejetée.

IV. LES FAITS

(i) Le projet Annexe AA

[11] En mai 2001, M. Dave Smook, le surveillant général de l'UTS, a demandé à Ken Gordon et à Mme Graham, qui étaient tous deux superviseurs dans l'UTS, si l'un d'eux était prêt à prendre le poste de surveillant général de façon intérimaire pendant qu'il travaillait comme représentant des gestionnaires au projet conjoint de la SCP et du STTP, le projet Annexe AA. M. Gordon n'était pas intéressé. Il croyait que la charge de travail serait beaucoup plus importante que celle qu'il avait à titre de superviseur. Il disait avoir une vie à l'extérieur du travail. Mme Graham croyait qu'il s'agissait d'une excellente occasion et elle a accepté le poste avec bonne volonté.

[12] Mme Graham est entrée en poste à titre de surveillante générale par intérim le 4 juin 2001. Avant de quitter l'UTS, M. Smook a tenté de montrer à Mme Graham les responsabilités du poste de surveillant général. Cependant, comme il devait se concentrer sur des questions plus pressantes, Mme Graham n'a pu qu'observer ce qu'il faisait et a eu peu de temps pour mettre ces observations en pratique avant que M. Smook quitte son poste.

[13] Mme Graham a déclaré qu'au moment où elle a accepté le poste de surveillant général par intérim, le projet n'avait pas encore été mis en uvre. Même si elle ne savait pas quelles seraient les responsabilités précises de son poste, elle était prête à y travailler et à mener à bien le projet. Elle a accepté le poste en sachant qu'elle devrait travailler beaucoup plus que dans le poste de superviseur qu'elle occupait auparavant. Mme Graham a aussi accepté le poste de surveillant général par intérim parce qu'elle croyait que cela l'aiderait à atteindre son objectif de carrière, soit d'obtenir un poste de surveillant général permanent.

[14] L'objet du projet pilote Annexe AA était de déterminer la faisabilité de la récupération à l'UTS de la livraison des colis accélérés en milieu urbain ainsi que du ramassage pour les petits et moyens clients et l'élimination de la partie des services de livraison qui était assurée par des entrepreneurs de l'extérieur.

[15] Le STTP appuyait ce changement parce que cela signifiait qu'il y aurait plus de travail pour ses membres au CTCW. La SCP voulait mettre en uvre ce changement parce qu'elle espérait que cela aiderait son service de livraison de colis à correspondre aux normes de l'industrie et la rendrait plus concurrentielle par rapport aux autres compagnies de livraison de colis.

[16] En plus d'attribuer à l'interne l'exploitation du système de livraison des colis, le projet Annexe AA apportait d'autres changements importants, y compris le transfert d'un système axé sur les articles à un système axé sur les arrêts et l'introduction d'une journée de travail dynamique plutôt que des quarts de travail fixes. Les activités de la SCP passaient aussi de six jours à sept jours.

[17] La journée de travail dynamique signifiait que les livreurs de service postal, c'est-à-dire les chauffeurs qui ramassaient et livraient les colis, n'avaient plus de quarts de travail fixes. Par exemple, un chauffeur pourrait effectuer des livraisons le matin et n'en avoir d'autres à faire qu'en fin d'après-midi ou en début de soirée. Ce n'était plus la rapidité d'exécution du travail des chauffeurs qui comptait, leur journée de travail était maintenant rentabilisée au maximum. En fonction du volume, un chauffeur pouvait travailler plus longtemps le lundi, moins longtemps le mardi, etc.

[18] Un autre changement apporté par le projet Annexe AA était l'étiquetage, la saisie et le classement des colis, le tout fait par ordinateur. Les chauffeurs n'avaient donc plus à s'occuper de l'organisation de leurs itinéraires. Dans la nouvelle section, les commis aux postes s'occupaient désormais du triage des colis et du chargement des camions de livraison.

[19] La mise en uvre de la phase 1 du projet Annexe AA a débuté en octobre 2001 et touchait la zone du centre-ville, qui représente environ la moitié de la ville de Winnipeg. La mise en application de la phase 1 a créé beaucoup de stress à l'UTS parce que le projet était tout nouveau, les critères opérationnels étaient en cours d'élaboration et étaient révisés à mesure que le projet évoluait.

[20] Au départ, il y a eu une résistance considérable de la part des chauffeurs. Ils étaient mécontents du sectionnement de leur journée de travail. De plus, ils ne connaissaient pas les nouvelles procédures. L'attribution à l'interne des tâches a causé une augmentation importante du volume de travail qui, ajouté aux volumes normalement plus élevés de la période précédant Noël, a créé pour les chauffeurs encore plus de stress et de mécontentement.

[21] Les chauffeurs étaient aussi mécontents parce qu'ils perdaient ainsi une grande partie du contrôle qu'ils avaient sur leur travail. Avant l'entrée en vigueur du projet Annexe AA, les chauffeurs choisissaient la séquence de leurs livraisons. Un système de séquençage automatisé devait désormais se charger de ce processus décisionnel, que les chauffeurs avaient donc perdu. De plus, de nombreux chauffeurs livraient des colis aux mêmes entreprises depuis des années et avaient établi des relations avec elles. Après la mise en uvre du projet, ils ne livraient plus nécessairement des colis à ces clients.

[22] Selon Ken Gordon et Thomas Zarzycki, qui étaient tous deux des superviseurs à l'UTS, la période d'octobre 2001 jusqu'au début de la mise en uvre de la phase 2 en février 2002 a été particulièrement stressante tant pour les superviseurs que pour les chauffeurs.

[23] Comme les chauffeurs ne connaissaient pas la nouvelle procédure, ils appelaient les superviseurs, ce qui signifie que ces derniers passaient beaucoup de temps au téléphone à gérer les problèmes des chauffeurs. Ils ne pouvaient donc pas toujours terminer leurs autres tâches pendant leurs heures habituelles. Les superviseurs devaient aussi composer avec les appels de plus en plus nombreux de la part de clients, parce que ceux-ci ne connaissaient pas la nouvelle procédure. Cette tâche occupait plus d'heures dans l'horaire des superviseurs qu'avant la mise en uvre du projet.

[24] La phase 2 du projet Annexe AA, qui touchait le reste de la ville, a débuté en février 2002. M. Gordon et M. Sylvester ont témoigné qu'il y avait alors moins de pression et moins de stress au sein de l'UTS. À cette date, les chauffeurs, les clients et les superviseurs avaient appris à se familiariser avec le nouveau système et le connaissaient mieux, la charge de travail, élevée en raison de Noël, était revenue à la normale et les erreurs dans le système avaient été réglées.

(ii) Mme Graham et le projet Annexe AA - du 4 juin 2001 à février 2002

[25] Lorsque Mme Graham a été promue au poste de surveillant général par intérim, elle tenait à trouver une façon de garantir que les chauffeurs aiment leur travail et de permettre aux superviseurs de quitter à la fin de leur journée de travail de huit heures avec la satisfaction de savoir que leur travail était bien fait. À titre de surveillante générale par intérim, elle était responsable des superviseurs et elle devait s'assurer qu'ils effectuent leurs tâches tous les jours. Elle n'était pas directement responsable des chauffeurs; les superviseurs avaient cette tâche.

[26] Au début, Mme Graham ne connaissait pas bien toutes les tâches et les responsabilités liées à son poste. Cependant, elle a expliqué qu'elle s'était graduellement sentie confortable à son poste. Elle était quelque peu stressée, mais elle était confiante que la mise en uvre de la phase 1 serait couronnée de succès.

[27] Cependant, alors que la mise en uvre de la phase 1 avançait, Mme Graham a senti plus de pression en raison de l'échéancier serré pour la mise en application de cette phase et parce qu'elle croyait que les ressources étaient insuffisantes. Après la période très agitée de Noël, elle a commencé à ressentir les symptômes physiques de la grippe et elle n'arrivait pas à se sentir mieux. Elle avait travaillé de longues heures, sept jours sur sept, et elle était très fatiguée.

[28] En raison de ses longues heures de travail, elle a commencé à avoir de la difficulté à classer ses tâches quotidiennes par ordre de priorité. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur une chose à la fois et même les tâches les plus simples lui semblaient écrasantes. À certains moments, elle se sentait comme une ratée. Elle ne donnait plus son soutien aux personnes dont elle était responsable.

(iii) Mme Graham et la phase 2 du projet Annexe AA - de février 2002 au 21 mai 2002

[29] Dan Sylvester a pris le poste de gestionnaire des opérations en janvier 2002. Il travaillait pour la SCP depuis 20 ans et avait déjà été gestionnaire à l'UTS. Lorsqu'il a pris le poste, la phase 1 était presque terminée et l'UTS se préparait à mettre en uvre la phase 2 au début février 2002.

[30] M. Sylvester a rencontré Mme Graham le 5 février 2002 pour discuter du plan d'activités d'opérations de Winnipeg, du plan d'amélioration du rendement de Mme Graham et de l'examen des compétences annuel. Le plan d'amélioration du rendement porte sur des objectifs détaillés liés à des critères précis qui nécessitent une amélioration et sur des objectifs de rendements qui comprennent des objectifs de perfectionnement personnel. L'examen des compétences annuel vise à cibler les besoins en matière de formation pour des compétences précises.

[31] Mme Graham a témoigné qu'au cours de cette rencontre, elle a dit à M. Sylvester qu'elle était surchargée et stressée et qu'elle se sentait malade. Mme Graham ne se souvient pas que pendant cette rencontre, elle ait fait part de ses inquiétudes au sujet de sa surcharge de travail et du fait qu'elle était malade. Elle a aussi témoigné qu'au cours de cette rencontre, elle était toujours d'avis que plus d'heures de supervision seraient nécessaire pour la phase 2.

[32] Le 28 février 2002, Mme Graham a envoyé une lettre à M. Sylvester et lui a demandé de la retourner à son poste d'attache à titre de superviseure au sein de l'UTS. Elle a expliqué que comme surveillante générale par intérim, elle avait donné tout ce qu'elle avait et fait tout ce qu'elle pouvait pour que le projet soit un succès, mais qu'elle était insultée de la cote qu'on lui avait donnée dans son évaluation de rendement de 2001. La SCP semblait avoir conclu que les meilleurs efforts de Mme Graham n'étaient pas suffisants. Elle était d'avis que les attentes de la SCP n'étaient pas réalistes compte tenu de l'état de la dotation en personnel lors de la mise en uvre du projet Annexe AA.

[33] M. Sylvester a confirmé qu'elle pouvait reprendre son poste d'attache et il a expliqué qu'il afficherait l'ouverture du poste de surveillant général par intérim sur le réseau des carrières de la SCP. Cependant, Mme Graham était d'avis qu'il faudrait au moins un à deux mois pour trouver un remplacement et que cette personne ne connaîtrait probablement pas le fonctionnement de l'UTS. Elle croyait que si une nouvelle personne prenait le poste à cette étape, cela pourrait avoir un effet négatif pour le projet Annexe AA. Elle voulait continuer à travailler sur le projet, même si elle était épuisée. Elle avait à cur le succès du projet et l'UTS. Deux jours plus tard, Mme Graham a téléphoné à M. Sylvester et lui a annoncé qu'elle resterait au poste de surveillant général par intérim.

[34] M. Sylvester a expliqué que l'une des choses dont il avait discuté avec Mme Graham était la délégation de certaines de ses tâches aux superviseurs, ce qu'elle pouvait faire à titre de surveillante générale. Cependant, Mme Graham a seulement demandé à retourner à son ancien poste de superviseur et elle n'a pas demandé d'autres mesures d'accommodement.

[35] En mars 2002, Mme Graham a donné une présentation Powerpoint lors d'une réunion des superviseurs et des gestionnaires de l'UTS. L'une de ses propositions était l'ajout de superviseurs à l'UTS. M. Sylvester s'est souvenu de cette présentation et de cette demande. Il en a discuté avec son directeur, Fred Pollard, qui a mis en doute la nécessité d'un tel ajout et a conclu qu'aucun nouveau poste de superviseur ne serait ouvert.

[36] Avant janvier 2002, il n'y avait qu'un seul surveillant général et quatre superviseurs dans l'UTS. D'après la preuve documentaire, en février 2002 le nombre de superviseurs à l'UTS était passé à six. Ces superviseurs étaient : T. Zarzycki, L. Macario, K. Gordon, B. Friesen, N. MacLean et P. Hamel.

[37] M. Sylvester a de nouveau rencontré Mme Graham le 26 avril 2002. À titre de gestionnaire, M. Sylvester pouvait rencontrer tous les trimestres les personnes qu'il supervisait. Il le faisait afin de prendre du temps pour donner de l'encadrement individualisé et cela lui permettait de partager les succès de l'UTS avec les employés.

[38] M. Sylvester savait que Mme Graham travaillait de longues heures, mais il n'avait pas de compte exact. Il laissait beaucoup de souplesse et comme elle était surveillante générale, elle pouvait organiser son propre horaire. M. Sylvester a témoigné qu'à cette réunion, Mme Graham n'a pas mentionné qu'elle était malade et n'a pas demandé de mesure d'accommodement.

(iv) L'absence du travail de Mme Graham et les communications Sylvester/Graham - juin 2002

[39] Le 21 mai 2002, Mme Graham a pris un congé de maladie. Diana Quilty, une bonne amie de Mme Graham qui travaillait aussi au CTCW, a témoigné que Mme Graham était très engagée envers le projet Annexe AA et qu'elle voulait s'assurer qu'il serait mis en uvre avec succès. Après le lancement de la phase 2, Mme Quilty a remarqué que Mme Graham devenait de plus en plus stressée et à bout de nerf. Elle avait tenté de convaincre Mme Graham de prendre un congé, mais Mme Graham avait continué à se rendre au travail régulièrement.

[40] Ce jour-là, Mme Graham a téléphoné à Mme Quilty et lui a demandé de passer chez elle parce qu'elle était très malade et avait besoin d'aide. Mme Quilty a trouvé Mme Graham couchée sur le plancher; elle n'arrivait plus à se lever. Elle ne pouvait pas aller travailler.

[41] M. Sylvester a appris que Mme Graham ne s'était pas présentée au travail lorsque M. Tom Zarzycki lui a téléphoné pour l'aviser que Mme Graham n'était pas au travail et qu'elle ne s'était pas présentée depuis quelques jours. M. Zarzycki a demandé à M. Sylvester si elle lui avait téléphoné. M. Sylvester lui a répondu qu'elle ne l'avait pas fait et qu'il essaierait de la rejoindre parce qu'elle n'avait pas l'habitude de s'absenter du travail sans avertir quelqu'un à l'UTS.

[42] Il a tenté de rejoindre Mme Graham sur son téléphone cellulaire, sans succès. Il lui a alors envoyé un courriel dans lequel il lui demandait de lui téléphoner. Il s'inquiétait à son sujet et il voulait savoir comment elle allait. Il lui a expliqué qu'il posait la question non seulement parce qu'il était son employeur, mais parce qu'il était son ami. Peu après, M. Sylvester a reçu sur sa boîte vocale un message de Mme Graham, qui lui expliquait qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle serait absente pour le reste de la semaine, ainsi que pendant la semaine suivante.

[43] Lorsque M. Sylvester a appris que Mme Graham serait absente pour le reste de la semaine et la semaine suivante, il s'est inquiété parce qu'il a pensé que c'était peut-être quelque chose de grave. Il a supposé qu'elle irait voir son médecin. Il a envoyé à Mme Graham une lettre de suivi le 27 mai 2002 dans laquelle il mentionnait qu'il avait été avisé qu'elle serait absente du travail pendant un certain temps. Il a joint une évaluation de l'aptitude physique au travail (EAPT) et lui a demandé de faire remplir l'évaluation par son médecin et de la renvoyer au plus tard le 3 juin 2002. Il a joint le formulaire EAPT afin de comprendre les restrictions et les limites de travail de Mme Graham et de lui offrir un accommodement s'il était nécessaire.

[44] Mme Graham a pris un rendez-vous avec son médecin, le Dr Ibbitt, qui a effectué certains examens. Ceux-ci ont démontré que Mme Graham n'avait aucun problème physique et le Dr Ibbitt a conclu que du repos l'aiderait et que ses symptômes disparaîtraient.

[45] Le Dr Ibbitt a rempli l'EAPT le 30 mai 2002. Il n'y a inscrit aucun détail au sujet de la maladie de Mme Graham et n'a précisé aucune restriction ou limite de travail. Il a mentionné que Mme Graham retournerait au travail sept jours plus tard. Les services de santé au travail (SST) de la SCP ont reçu l'EAPT le 3 juin 2002.

[46] M. Sylvester s'attendait à ce que Mme Graham retourne au travail le 6 juin 2002. Lorsqu'elle ne s'est pas présentée, il lui a écrit le jour-même et a mentionné que son médecin avait précisé qu'elle serait absente pendant sept jours. Il n'avait aucun détail au sujet de son absence ou d'un quelconque congé qu'elle aurait demandé. Il a aussi expliqué qu'il avait essayé de nombreuses fois de la rejoindre par téléphone et par courriel, mais qu'elle n'avait pas communiqué avec lui directement. La seule façon qu'il avait de communiquer avec elle et de garantir qu'elle recevait les lettres était de les lui envoyer par Xpresspost.

[47] Dans sa lettre, il a aussi expliqué à Mme Graham qu'il lui retirait le poste de surveillant général par intérim et qu'il l'a réaffectait au poste d'assistance aux superviseurs en attendant la prochaine ouverture de poste ou en attendant son retour à son ancien poste de superviseur. Il a expliqué qu'il faisait cela parce c'était le mieux pour sa maladie et pour le projet Annexe AA. Elle a été remplacée par Tom Zarzycki en juin 2002.

[48] Mme Graham a témoigné qu'elle avait laissé un message sur la boîte vocale de l'UTS dans lequel elle précisait que le Dr Ibbitt réévaluerait son état le 6 juin 2002. Elle a aussi témoigné que lorsqu'il y avait des changements dans son état, elle laissait un message sur la boîte vocale de M. Sylvester ou sur la boîte vocale de l'UTS. Elle ne communiquait pas directement avec lui pour diverses raisons. Ses habitudes de sommeil étaient chamboulées. Sa capacité à réagir de façon rationnelle était déstabilisée. Elle n'osait pas parler directement à M. Sylvester parce qu'elle ne croyait pas qu'il ferait preuve de soutien envers elle.

[49] Conformément à la politique de la SCP, lorsqu'un employé s'absente du travail, il doit téléphoner à son superviseur, ou à une autre personne si ce dernier n'est pas rejoignable, et doit mentionner la date à laquelle il compte revenir au travail. À son retour, il présente habituellement une note médicale s'il s'est absenté plus de quelques jours. Si l'employé ne sait pas pendant combien de temps il sera absent, les SST demandent que son médecin remplisse une EAPT afin que la SCP ait une idée de la nature de la maladie ou de la blessure, de la date prévue de retour au travail, des limites de travail et des mesures d'accommodement nécessaires, le cas échéant. Ces renseignements sont envoyés aux SST.

[50] Lorsque le Dr Ibbitt a réexaminé Mme Graham le 6 juin 2002, il a rempli un certificat pour absence médicale dans lequel il expliquait qu'il s'occupait de Mme Graham depuis le 6 juin 2002, qu'elle était absente pour des raisons médicales et qu'elle serait en mesure de retourner au travail le 10 juin 2002. Mme Graham a déclaré qu'elle avait envoyé ce certificat soit à M. Sylvester directement, soit aux SST.

[51] Lorsqu'il a écrit sa lettre le 6 juin 2002, M. Sylvester n'avait pas encore reçu le certificat médical du Dr Ibbitt qui précisait que Mme Graham serait absente jusqu'au 10 juin 2002. Mme Graham a convenu qu'à partir du 6 juin 2002, si elle avait été à la place de M. Sylvester et qu'elle avait eu les mêmes renseignements que lui, elle aurait alors supposé que l'employé était absent sans permission (ASP). Cependant, à la réception du certificat médical du Dr Ibbitt, il aurait eu les documents nécessaires pour déterminer que l'absence de Mme Graham avait été prolongée jusqu'au 10 juin. Elle a ajouté qu'elle avait laissé un message sur les boîtes vocales des numéros que M. Sylvester avait précisés dans sa lettre et sur la boîte vocale de l'UTS au sujet de son état de santé à ce moment.

[52] Mme Graham n'a pas été capable de retourner au travail le 10 juin. Elle a écrit à M. Sylvester et a demandé un congé annuel parce qu'elle avait des rendez-vous médicaux qu'elle ne pouvait pas déplacer. M. Sylvester a répondu le 11 juin et a confirmé l'état de ses congés : congé de maladie jusqu'au 7 juin 2002 et congé annuel du 10 au 14 juin. Il a réécrit à Mme Graham le 13 juin pour lui demander de se présenter au travail à 19 h le 16 juin au poste de superviseur de nuit à l'UTS.

[53] M. Sylvester lui a ensuite envoyé une lettre le 17 juin 2002. Il y mentionnait qu'il avait reçu le message qu'elle avait laissé sur sa boîte vocale, dans lequel elle expliquait qu'elle allait obtenir un rendez-vous médical et qu'elle serait absente pour le reste de la semaine. Il lui a demandé de faire remplir une autre EAPT par son médecin au plus tard le 19 juin pour qu'il puisse comprendre ses restrictions ou ses limites de travail. Il lui a aussi demandé d'aviser son médecin que la SCP pouvait offrir des tâches modifiées ou des tâches de remplacement.

[54] Mme Graham a été examinée et traitée au service des urgences de l'hôpital général St-Boniface le 19 juin 2002. Le médecin traitant lui a donné une note médicale dans laquelle il précisait qu'elle aurait besoin de deux à quatre semaines de congé parce qu'elle était malade. Les deux à quatre semaines correspondaient au temps nécessaire prévu pour qu'elle obtienne un rendez-vous avec un spécialiste.

[55] Le 21 juin, M. Sylvester a écrit à Mme Graham pour lui dire qu'il avait reçu le certificat du médecin de l'hôpital St-Boniface au sujet des deux à quatre semaines de congé dont elle aurait besoin parce qu'elle était malade. Il lui a de nouveau demandé de présenter l'EAPT qu'il lui avait envoyée le 17 juin, au plus tard le 24 juin. Il a répété que l'EAPT était nécessaire pour qu'il puisse comprendre ses restrictions et ses limites de travail et qu'elle devrait mentionner à son médecin que la SCP offrait des tâches modifiées et des tâches de remplacement.

[56] À ce moment, Mme Graham n'était toujours pas retournée au travail. M. Sylvester ne connaissait toujours pas la nature de sa maladie et ne savait pas si elle avait besoin de tâches modifiées ou de remplacement. Il a expliqué que Mme Graham ne communiquait avec lui que par messages laissés sur une boîte vocale à des heures étranges, comme vers 2 h ou 3 h du matin. Bien qu'il eût inscrit dans ses lettres trois numéros auxquels Mme Graham pouvait lui téléphoner, elle ne les a jamais utilisés.

(v) Communications Sylvester/Graham - juillet 2002

[57] Mme Graham n'a pas renvoyé l'EAPT que M. Sylvester lui avait fait parvenir le 17 juin. Il a de nouveau écrit à Mme Graham le 3 juillet 2002. Il lui a alors demandé que son médecin remplisse et renvoie l'EAPT au plus tard le 5 juillet. Il lui a aussi répété qu'elle devait mentionner à son médecin que la SCP offrait des tâches modifiées et des tâches de remplacement. Il a précisé que s'il ne recevait pas l'EAPT le 5 juillet, il n'aurait d'autre choix que de la considérer comme ASP.

[58] Le 10 juillet 2002, M. Sylvester a écrit une lettre à Mme Graham et y a joint son évaluation de la mi-année. M. Sylvester a expliqué qu'en temps normal, il l'aurait rencontré en personne pour discuter de l'évaluation, mais comme Mme Graham était en congé, il ne pouvait pas le faire. Il lui a précisé que lorsqu'elle reviendrait au travail, il serait heureux de la rencontrer pour en discuter.

[59] M. Sylvester a continué à écrire à Mme Graham et, le 19 juillet 2002, il lui a écrit que la note qu'il avait reçue de l'hôpital mentionnait qu'elle serait absente de deux à quatre semaines. Par conséquent, elle aurait dû se présenter au travail le 18 ou le 19 juillet. Comme elle ne l'avait pas fait et qu'elle n'avait pas téléphoné pour dire qu'elle serait absente, il allait lui attribuer le statut d'ASP et elle ne serait pas payée pour ces deux journées.

[60] Mme Graham a répondu que M. Sylvester était déjà au courant de sa situation parce qu'elle avait laissé des messages sur sa boîte vocale. En fait, dans la lettre qu'il lui a envoyée le 23 juillet 2002, il a reconnu que Mme Graham avait laissé deux messages sur sa boîte vocale, un à 23 h 46 et l'autre à 2 h 20, dans lesquels elle expliquait qu'elle avait un rendez-vous avec un spécialiste le 25 juillet et qu'elle ferait remplir l'EAPT à ce moment-là.

[61] Dans sa lettre, il s'est excusé du fait que Mme Graham se sentait incommodée et harcelée par ses demandes de renseignements, mais il a expliqué qu'il n'avait pas d'autre choix que de lui envoyer des lettres par Xpresspost. Il lui a demandé de présenter l'EAPT au plus tard le 25 juillet. Entre temps, elle resterait ASP sans solde à partir du 18 juillet.

[62] En juillet 2002, dans le cadre de son traitement médical, Mme Graham a consulté Shannon McGunigal, une thérapeute et travailleuse sociale de l'hôpital St-Boniface, et lui a demandé de préparer une note au sujet de son état de santé. Mme McGunigal a écrit une note le 30 juillet 2002 dans laquelle elle expliquait que Mme Graham recevait des soins psychiatriques au service de consultation externe de l'hôpital St-Boniface et qu'elle ne pouvait pas retourner au travail pour le moment. Elle avait un rendez-vous prévu pour le 12 août avec la Dre Calhoun et que cette dernière enverrait à la SCP les documents et les évaluations appropriés par la suite.

[63] Mme Graham était consciente que la SCP n'accepterait peut-être pas cette note parce que Mme McGunigal n'était pas médecin. Cependant, elle croyait qu'il était important qu'elle présente quelque chose avant son prochain rendez-vous sinon elle perdrait son emploi. Elle a demandé à Mme Quilty de donner la note à Neil Spiring, un employé de la SCP et le vice-président de l'Association des officiers des postes du Canada (AOPC) pour la division, qu'elle connaissait bien et en qui elle avait confiance. Mme Graham était soucieuse de s'assurer que tous les renseignements au sujet de son état de santé restent confidentiels et elle s'attendait à ce que M. Spiring téléphone à M. Sylvester pour l'aviser que Mme Graham avait un rendez-vous et qu'il ne devait pas la considérer comme ASP. M. Spiring a bien avisé M. Sylvester et lui a aussi envoyé la note de Mme McGunigal par télécopieur au bureau de l'UTS le 2 août. Mme Graham était très bouleversée à ce sujet, en particulier parce que le télécopieur du bureau de l'UTS est habituellement facile d'accès.

[64] Mme Quilty a aussi parlé à M. Sylvester et lui a dit qu'elle était une bonne amie de Mme Graham et qu'elle s'occupait d'elle. Elle a aussi demandé à M. Sylvester de ne plus envoyer de lettres parce qu'elles avaient un effet négatif. Elle a dit à M. Sylvester que Mme Graham avait besoin de temps pour récupérer et qu'elle avait besoin d'un congé. Elle a témoigné que M. Sylvester a répondu que cela n'avait rien à voir avec elle. Il voulait parler à Mme Graham.

[65] M. Sylvester a témoigné qu'il avait discuté avec Dave Smook, le président de l'AOPC, et avec Neil Spiring quant aux démarches qu'il prenait au sujet de Mme Graham. Il a expliqué qu'à leur avis, il n'y avait rien d'autre qu'il puisse faire.

(vi) Communications Sylvester/Graham - août 2002

[66] Le 1er août, M. Sylvester a écrit à Mme Graham pour lui dire qu'il n'avait pas reçu d'autres renseignements médicaux par écrit et qu'elle était toujours ASP sans solde. Il lui a demandé de présenter des renseignements médicaux au plus tard le 2 août et lui a affirmé qu'il s'attendait à ce qu'elle se présente au travail la même date. Si elle ne le faisait pas, il n'aurait d'autre choix que de continuer à prendre les mesures disciplinaires nécessaires, qui pouvaient aller jusqu'au renvoi de la SCP.

[67] Le 2 août, lorsque M. Sylvester a reçu la note de Mme McGunigal, il a demandé aux SST de confirmer s'il s'agissait de renseignements médicaux suffisants. Les SST ont répondu que ce n'était pas le cas puisque la note ne venait pas d'un médecin. Les SST ont décidé que M. Sylvester devait écrire à Mme Graham et lui demander de faire remplir une Saisie de renseignements médicaux (SRM) par son médecin. Il lui a écrit cette lettre le 8 août 2002 et il a demandé que le médecin retourne la SRM au plus tard le 26 août.

[68] Les SST ont aussi écrit à la Dre Laura Calhoun le 8 août pour lui demander de remplir la SRM pour Mme Graham afin qu'ils puissent examiner ses capacités fonctionnelles. La Dre Calhoun était la spécialiste de l'hôpital St-Boniface avec qui Mme Graham avait un rendez-vous le 12 août. Dans leur lettre, les SST ont précisé qu'il était possible d'offrir à Mme Graham des tâches modifiées si elle avait besoin d'un tel accommodement.

[69] Le 12 août 2002, la Dre Calhoun a écrit à M. Sylvester que Mme Graham avait été en congé de maladie à partir du 18 juin pour des raisons médicales et elle lui a précisé qu'un rapport médical détaillé lui serait envoyé. La Dre Calhoun a rempli la SRM et a préparé un rapport médical détaillé le 12 août et les SST ont reçu ces documents le 15 août.

[70] Le 22 août 2002, la Dre Lori Koz des SST a envoyé un rapport local à M. Sylvester au sujet de Mme Graham. Le rapport indiquait l'aptitude de Mme Graham à travailler, mais ne révèlait pas son état de santé, contrairement à la pratique habituelle des SST. Le rapport était fondé sur l'évaluation médicale de la Dre Calhoun et précisait que Mme Graham était temporairement inapte au travail et que son retour possible au travail se ferait dans environ six mois.

[71] Lorsqu'il a reçu le rapport, M. Sylvester a cessé de communiquer avec Mme Graham, en raison du rapport des SST. Le statut ASP sans solde de Mme Graham a été modifié par rapport à l'évaluation que la Dre Calhoun avait faite dans sa lettre du 12 août 2002, selon laquelle Mme Graham était absente du travail depuis le 18 juin pour des raisons médicales.

(vii) Tentatives de Mme Graham de résoudre sa situation d'emploi - octobre 2002 à janvier 2003

[72] Le 31 octobre 2002, Mme Graham a écrit une lettre [traduction] à qui de droit dans laquelle elle expliquait que Ron Kohut, une de ses sources de soutien et un bon ami avec qui elle avait travaillé à la SCP, avait offert d'agir à titre de représentant pour elle. M. Kohut était superviseur au Dépôt B, poste de facteurs.

[73] Le 22 octobre 2002, il a écrit une lettre à Mary Traversy, vice-présidente des ressources humaines à la SCP. Il y décrivait les détails des antécédents de travail de Mme Graham à la SCP, ses problèmes médicaux et ses sentiments au sujet de la façon dont M. Sylvester la traitait dans ses tentatives de communication avec elle, qui à son avis lui causait plus de détresse. Il a demandé à Mme Traversy d'intervenir afin qu'elle aide à régler la situation et que Mme Graham reçoive la réparation à laquelle elle avait droit.

[74] Mme Traversy a répondu à Mme Graham le 28 novembre 2002 et lui a expliqué qu'elle avait demandé à Roy Nias, directeur général des opérations postales dans la région des Prairies, d'examiner la question. Mme Traversy a répondu à Mme Graham le 21 janvier 2003. Dans sa lettre, elle mentionnait le Programme de gestion des présences et précisait les inquiétudes de Mme Graham au sujet du nombre de lettres que M. Sylvester lui avait envoyées et dans lesquelles il lui demandait des renseignements au sujet de son état de santé. Elle a aussi indiqué que bien que M. Sylvester ait envoyé un nombre plutôt excessif de lettres, son absence avait bien été gérée conformément aux lignes directrices de ce programme.

[75] Quant à la décision de M. Sylvester de retourner Mme Graham à son poste d'attache et de lui retirer le poste de surveillant général par intérim, Mme Traversy a expliqué qu'elle avait été prise conformément à la politique actuelle de la SCP et qu'elle visait à garantir la continuité de l'exploitation de la SCP.

V. MOTIFS DE LA DÉCISION

(i) Mme Graham a-t-elle établi une preuve prima facie de discrimination?

[76] Dans une affaire portant sur les droits de la personne présentée au Tribunal, le plaignant doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. La réponse de l'intimé ne devrait pas être prise en compte dans la décision à savoir si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. (Voir Ontario (Commission des droits de la personne) et O'Malley c. Simpson Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204; Dhanjal c. Air Canada, (1997) 139 F.T.R. 37, au paragraphe 6).

[77] Comme je l'ai noté plus tôt, les allégations de discrimination que Mme Graham a présentées contre la SCP sont les suivantes :

  1. la SCP n'a pas pris de mesures d'accommodement pour sa déficience temporaire;
  2. la SCP l'a défavorisée en ne prenant pas de mesures d'accommodement pour sa déficience;
  3. la SCP a causé sa déficience et son incapacité à travailler parce qu'elle ne lui a pas donné une équipe suffisante et n'a pas fait preuve d'un soutien adéquat envers elle afin qu'elle puisse effectuer ses tâches;
  4. la SCP lui a retiré le poste de surveillant général par intérim en raison de sa déficience.

(ii) Mme Graham avait-elle une déficience à l'époque en question?

[78] Une allégation de discrimination au sens de la LCDP doit être fondée sur un motif de distinction illicite. Par conséquent, il faut déterminer s'il existait une preuve prima facie que Mme Graham souffrait d'une déficience pendant son absence du travail, absence qui a débuté le 21 mai 2002.

[79] La preuve pertinente en l'espèce comprend les faits suivants :

Mme Quilty a témoigné que, le 21 mai 2002, Mme Graham lui a téléphoné et lui a demandé de se rendre chez elle parce qu'elle était très malade et avait besoin d'aide.

M. Sylvester a déclaré qu'il était inhabituel pour Mme Graham de ne pas communiquer avec quelqu'un à l'UTS pour mentionner qu'elle s'absenterait du travail.

Mme Graham a laissé un message sur la boîte vocale de M. Sylvester pour lui expliquer qu'elle était malade et qu'elle s'absenterait du travail pendant une ou deux semaines.

Le Dr Ibbitt a inscrit sur l'EAPT du 30 mai 2002 que Mme Graham était malade depuis le 21 mai et qu'elle ne pourrait retourner travailler que le 6 juin.

Le 6 juin 2002, le Dr Ibbitt a préparé un certificat d'absence médicale dans lequel il a précisé que, [traduction] pour des raisons médicales, Mme Graham ne pouvait retourner au travail que le 10 juin.

Une employée de l'hôpital St-Boniface a écrit une note le 19 juin 2002 dans laquelle elle mentionnait que Mme Graham avait été examinée et traitée au service des urgences de l'hôpital général St-Boniface et qu'elle serait absente du travail de deux à quatre semaines parce qu'elle était malade.

Le 30 juillet 2002, Mme McGunigal a écrit une note dans laquelle elle précisait que Mme Graham avait été référée à la clinique externe de l'hôpital St-Boniface pour qu'elle y reçoive des soins psychiatriques et qu'elle ne pourrait pas retourner au travail pour le moment.

La Dre Calhoun a écrit une lettre à M. Sylvester le 12 août 2002 dans laquelle elle l'avisait que Mme Graham était absente du travail depuis le 18 juin pour des raisons médicales.

Le rapport d'enquête des SST du 22 août 2002 expliquait que Mme Graham était temporairement inapte au travail et qu'elle ne reprendrait pas le travail pendant environ six mois.

[80] Déficience, au sens juridique, consiste en un handicap physique ou mental, qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associé à la perception d'un handicap. Une maladie chronique ou débilitante qui rend périodiquement une personne invalide de façon significative et qui interfère avec la capacité de cette personne à faire son travail est une déficience au sens de la LCDP (voir Desormeaux c. Ottawa, 2005 CAF 111, aux paragraphes 13 et 15).

[81] Cette preuve étaye solidement la conclusion selon laquelle Mme Graham était atteinte d'une incapacité médicale qui l'empêchait de travailler. Je conclus de prime abord qu'elle souffrait d'une déficience pendant son absence qui a débuté en mai 2002.

(iii) Les allégations de discrimination de Mme Graham

a) Défaut de prendre des mesures d'accommodement pour sa déficience

[82] En ce qui a trait à la plainte de Mme Graham selon laquelle la SCP a fait preuve de discrimination envers elle en ne prenant pas de mesures d'accommodement pour sa déficience, je ne saurais trop insister sur le fait que le défaut de prendre des mesures d'accommodement n'est ni un motif de distinction illicite, ni une pratique discriminatoire au sens de la LCDP. La LCDP ne prévoit aucun droit distinct à l'accommodement.

[83] L'obligation d'accommodement n'existe que dans le contexte du paragraphe 15(2) de la LCDP et seulement lorsque l'intimé présente une justification de bonne foi à titre de défense à une allégation de discrimination. Pour que Mme Graham établisse une preuve prima facie, elle doit se fonder sur autre chose que le défaut de la SCP de prendre des mesures d'accommodement à son sujet.

b) Traitement défavorable

[84] En ce qui à trait à l'allégation de Mme Graham selon laquelle la SCP l'a traitée de façon défavorable en raison de sa déficience, elle n'a mis en évidence aucune preuve qui démontrait qu'il y avait eu un traitement défavorable envers elle. Le Tribunal n'a pas le devoir d'éplucher la preuve pour démontrer le bien-fondé de l'allégation à la place de Mme Graham.

[85] Pour ces deux allégations, Mme Graham n'a pas établi de preuve prima facie de discrimination.

c) Cause de la déficience temporaire

[86] Mme Graham a soutenu qu'alors qu'elle occupait toujours le poste intérimaire, la SCP ne lui a pas fourni suffisamment de ressources humaines pour lui permettre de mettre en oeuvre le projet Annexe AA. Le stress consécutif à la gestion d'un projet sans le personnel nécessaire a causé sa déficience temporaire.

[87] Il n'est pas clair si la LCDP prévoit qu'il est discriminatoire de la part d'un employeur d'être la cause d'une déficience chez un employé. Si l'on écarte cette question, cependant, l'allégation de Mme Graham suppose qu'elle avait une déficience avant de s'absenter du travail. Malheureusement, elle n'a présenté aucune preuve donnant à penser qu'avant de prendre son congé de maladie, elle avait une déficience au sens de la LCDP ou, si elle en avait bien une, que le défaut de la SCP de donner suite à sa demande avait causé sa déficience temporaire. Par conséquent, son allégation selon laquelle la SCP était la cause de sa déficience doit être rejetée.

d) Fin de son affectation au poste de surveillant général par intérim

[88] Finalement, il faut examiner si le fait que la SCP ait mis fin à l'affectation intérimaire de Mme Graham au poste par intérim contrevient à l'alinéa 7a) de la LCDP, c'est à dire si cette décision constituait un refus de continuer à l'employer. Bien que la fin de son affectation intérimaire au poste ne rompait pas les liens d'emploi, il s'agissait tout de même d'une perte d'un poste temporaire et d'un renvoi à son poste précédent qui lui était moins avantageux.

[89] La perte de son poste par intérim était liée directement ou indirectement à sa déficience. La décision de la SCP de mettre fin à son affectation intérimaire au poste était fondée sur son absentéisme, qui était causé par sa déficience. Par conséquent, elle a établi une preuve prima facie de discrimination.

[90] La SCP a donc l'obligation de démontrer qu'elle a pris des mesures d'accommodement pour Mme Graham jusqu'à la contrainte excessive. Dans une analyse des mesures d'accommodement, le plaignant a aussi une obligation. La Cour suprême du Canada a déclaré dans l'arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, aux pages 16 et 17, que la recherche de mesures d'accommodement fait intervenir plusieurs parties. Le plaignant doit aider l'employeur à trouver une mesure d'accommodement appropriée. C'est-à-dire que, pour faciliter la recherche d'une mesure d'accommodement, le plaignant doit aussi faire sa part. Il faut aussi tenir compte du comportement du plaignant lors de l'examen visant à déterminer si l'obligation d'accommodement a été respectée.

[91] En l'espèce, M. Sylvester, dans ses lettres à Mme Graham, a demandé à plusieurs reprises si elle avait des limites ou des restrictions de travail et il lui a mentionné que la SCP pouvait offrir des tâches de remplacement ou des tâches modifiées aux employés qui étaient incapables d'exercer leurs tâches habituelles. Il lui a aussi demandé d'aviser son médecin, lorsqu'il remplirait l'EAPT, de l'existence de la politique en matière de mesures d'accommodement de la SCP.

[92] Mme Graham n'a pas coopéré. Bien qu'elle ait laissé de temps en temps des messages sur la boîte vocale au sujet de son état et qu'elle ait bien fourni des évaluations médicales, ni elle ni son médecin n'ont répondu à la demande de renseignements de M. Sylvester quant à ses limites ou à ses restrictions de travail. Ce n'est que le 15 août 2002, lorsque les SST ont reçu la SRM de la Dre Calhoun, que la SCP a appris que Mme Graham était temporairement incapable de travailler et qu'elle ne pourrait retourner au travail qu'environ six mois plus tard.

[93] Compte tenu des circonstances et du manque de renseignements, il était impossible pour la SCP de mettre en place des mesures d'accommodement appropriées pour Mme Graham. De plus, le poste de Mme Graham à titre de surveillante générale par intérim était essentiel à la bonne mise en oeuvre du projet Annexe AA. Il était impossible d'attendre son retour au travail à une date indéterminée. La SCP n'avait d'autre choix que de trouver un autre surveillant général par intérim.

VI. CONCLUSION

[94] Je conclus que la plainte de discrimination de Mme Graham contre la SCP n'a pas été justifiée, pour les motifs susmentionnés. Par conséquent, sa plainte est rejetée.

J. Grant Sinclair

OTTAWA (Ontario)
Le 2 octobre 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1093/7405

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Sandra Graham v. Canada Post Corporation

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

September 25 to 29, 2006

Winnipeg, Manitoba

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 2 octobre 2007

ONT COMPARU :

Sandra Graham

Pour elle-même

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Zygmunt Machelak

Pour l'intimée

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