Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

MICHELINE MONTREUIL

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

FORCES CANADIENNES

l'intimée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 41
2007/10/16

MEMBRE INSTRUCTEUR : Pierre Deschamps

[1] L'intimée demande que le Dr. Christiane Dufour soit reconnue par le Tribunal comme expert en psychologie et en sexologie. La plaignante s'objecte à ce que le Dr. Dufour soit ainsi qualifiée au motif qu'elle n'a pas les qualités requises pour être reconnue comme expert en psychologie et sexologie. En ce qui concerne la Commission, celle-ci s'objecte également à la qualification du Dr. Dufour comme expert et soutient qu'elle devrait être considérée uniquement comme un témoin de fait en rapport avec son implication dans l'évaluation de la plaignante en mai 2006.

[2] Le Tribunal a entendu le Dr. Dufour en ce qui a trait à sa qualification à titre d'expert. Il ressort du témoignage du Dr. Dufour que celle-ci possède un doctorat en psychologie, obtenu en 2002 de l'Université de Montréal et qu'elle est membre de l'Ordre des psychologues du Québec. Le Dr. Dufour ne possède aucune formation postdoctorale, si ce n'est la présence à quelques activités scientifiques - un congrès et un cours de perfectionnement. Elle ne possède aucune publication scientifique à son actif en matière de psychologie ou de sexologie, non plus que de présentations scientifiques dans ces domaines dans le cadre de congrès scientifiques. Elle ne possède aucune affiliation professionnelle autre que son inscription à l'Ordre des psychologues du Québec.

[3] Par ailleurs, le Dr. Dufour est psychologue clinicienne en pratique privée. Elle a témoigné, lors de la procédure de qualification, qu'elle a reçu en consultation, depuis 1998, d'abord en tant que psychothérapeute sexologue, puis en tant que psychologue sexologue, plusieurs personnes présentant des troubles de dysphorie du genre. Elle a également témoigné qu'elle travaille depuis plus de 10 ans, à titre bénévole à raison d'une demi-journée par semaine, à la Clinique de sexualité humaine de l'Hôpital général de Montréal, dirigée par le Dr. Pierre Assalian.

[4] Selon le Dr. Dufour, ces consultations représentent environ 60% de sa pratique professionnelle. À cet égard, le Dr. Dufour affirme qu'elle reçoit en thérapie de groupe à toutes les deux semaines entre 30 et 40 personnes souffrant de dysphorie du genre. Ces personnes proviennent du programme mis sur pied par la Clinique de sexualite humaine de l'Hôpital général de Montréal, dirigée par le Dr. Pierre Assalian. En outre, elle dit recevoir à toutes les semaines en thérapie individuelle de 10 à 15 personnes souffrant de troubles de l'identité sexuelle. Dans le cours de sa pratique, le Dr. Dufour aurait ainsi reçu en consultation entre 400 et 500 personnes présentant des troubles de l'identité du genre.

[5] Pour être reconnu expert, une personne doit démontrer qu'elle a une expertise particulière dans un champ donné d'activités. Cette expertise doit s'appuyer sur non seulement une solide pratique professionnelle mais également sur un savoir scientifique qui démontre que le professionnel est en mesure d'avoir une pensée critique et réfléchie par rapport aux différents points de vue qui peuvent prévaloir dans un champ donné d'activités.

[6] En l'espèce, le Tribunal ne considère pas que le Dr. Dufour a le cursus académique et le profil professionnel pour être reconnu comme expert dans le domaine de la sexualité humaine ou de la sexologie, disciplines qui, du reste, ne font l'objet d'aucun encadrement professionnel précis, aucun organisme n'étant appelé à régir ce champ d'activité professionnelle. Toutefois, le Tribunal reconnaît que le Dr. Dufour a une vaste expérience en ce qui a trait au traitement des personnes qui souffrent de dysphorie du genre ou présentent des troubles de l'identité sexuelle. À cet égard, le Tribunal reconnaît au Dr. Dufour une connaissance particulière de la clientèle qui la consulte par rapport à ces problèmes.

[7] Le Tribunal est d'opinion que le Dr. Dufour a les qualités requises pour témoigner non seulement en rapport avec l'évaluation qu'elle a faite de la plaignante en mai 2006 mais également pour faire part au Tribunal de son expérience clinique en matière de dysphorie du genre ou de troubles de l'identité sexuelle et pour commenter son évaluation de la plaignante à la lumière de cette expérience. Le Dr. Dufour n'est toutefois pas autorisé à émettre des opinions sur le sujet ou de commenter la littérature sur la dysphorie du genre, le transsexualisme, le transgendérisme, le travestisme et autres troubles reliés à l'identité sexuelle d'une personne.

[8] Le Tribunal reconnaît donc le Dr. Dufour comme une psychologue - sexologue ayant une connaissance particulière de par sa pratique des personnes souffrant de dysphorie du genre ou présentant des troubles de l'identité sexuelle, tels que les transsexuels et les travestis, et lui permet de faire état dans son témoignage non seulement de son implication dans le dossier de la plaignante mais également de son expérience dans le traitement des personnes qui se présentent à elle en consultation pour des problèmes d'identité sexuelle ou de dysphorie du genre. Elle ne pourra pas, toutefois, n'étant pas reconnue comme experte par le Tribunal, émettre d'opinions en rapport avec la littérature scientifique et les hypothèses de nature scientifique reliées à la dysphorie du genre ou aux troubles de l'identité sexuelle.

Signée par

Pierre Deschamps

QUÉBEC (Québec)

Le 16 octobre 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1047/2805

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Micheline Montreuil c. Forces canadiennes

DATE DE LA DÉCISION
SUR REQUÊTE:

Le 16 octobre 2007

ONT COMPARU :

Micheline Montreuil

Pour elle-même

Ikram Warsame

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Guy Lamb / Claude Morissette

Pour l'intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.