Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

MICHELINE MONTREUIL

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

FORCES CANADIENNES

l'intimée

DÉCISION

2005 TCDP 45
2005/11/28

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien
des droits de la personne

[1] Les Forces canadiennes ont présenté une requête visant à obliger la communication de certains dossiers médicaux se rapportant à la plaignante, Mme Micheline Montreuil.

[2] Mme Montreuil a déposé une plainte contre les Forces canadiennes le 17 décembre 2002, alléguant que celles-ci avaient fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son sexe et d'une perception de déficience lorsqu'elles ont refusé de lui permettre de s'enrôler à nouveau dans les Forces canadiennes. Les Forces ont invoqué, comme motif de leur refus, que Mme Montreuil n'avait pas satisfait aux exigences médicales.

[3] Mme Montreuil estime qu'elle est une transgendériste. Elle était de sexe masculin lorsqu'elle est née. Toutefois, à un certain moment, elle a entamé le processus médical visant à la transformer en femme. Elle n'a pas terminé ce processus.

[4] Mme Montreuil a consulté trois médecins dans le but de changer son identité sexuelle. Ces médecins sont : le Dr Serge Côté, psychiatre, le Dr Roland Tremblay, endocrinologue, et le Dr Martine Lehoux, dermatologue. Les Forces canadiennes veulent maintenant que Mme Montreuil communique les dossiers médicaux montés par ces trois médecins ainsi que les noms et les dossiers des autres médecins qui auraient pu avoir participé au processus de changement de sexe.

[5] Mme Montreuil refuse de communiquer les dossiers des trois médecins parce que, selon elle, ils ne sont pas pertinents. Elle prétend que les Forces canadiennes tentent de faire une question d'ordre médical d'une question essentiellement sociologique de fait et d'attitude concernant les personnes transgendéristes. Elle prétend que le processus médical suivi pour changer son identité sexuelle n'est pas en litige en l'espèce.

[6] Toutefois, il convient de souligner que l'alinéa 6(1)d) des Règles de procédure du Tribunal exigent le dépôt de l'ensemble des documents qui sont pertinents à un fait, une question, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d'autres parties.

[7] Les Forces canadiennes prétendent que Mme Montreuil souffrent de troubles médicaux liés au processus de changement de sexe ainsi qu'à son identité sexuelle et que ces troubles l'empêchent de satisfaire aux normes médicales applicables à l'enrôlement. Bien que Mme Montreuil ne croie peut-être pas qu'il existe, en l'espèce, des questions médicales liées à son identité sexuelle et au processus de changement de sexe, les Forces canadiennes croient qu'il en existe.

[8] Comme le Tribunal l'a déclaré dans Beaudry c. Procureur général du Canada [2002] D.C.D.P. no 32, paragraphe 7 (Q.L.), l'intimé ne doit pas être privé de son droit d'accès à tous les renseignements pertinents dont il a besoin pour présenter une défense pleine et entière à l'encontre de la plainte. Les Forces canadiennes ont fait part de leur intention de faire témoigner un expert quant à l'état de santé de Mme Montreuil. Les dossiers médicaux se rapportant au processus de changement de sexe aideront l'expert de l'intimée à évaluer l'état de santé de Mme Montreuil.

[9] Mme Montreuil a également contesté la portée de la demande de communication, prétendant qu'elle équivaut à une expédition de pêche. Toutefois, selon moi, la portée de la demande de communication a été limitée comme il se devait; seuls les dossiers médicaux qui ont trait au processus de changement de sexe et à l'identité sexuelle de Mme Montreuil doivent être communiqués. Selon les documents déposés dans le cadre de la présente requête, les consultations que Mme Montreuil a eues avec les Drs Côté, Tremblay et Lehoux ont été limitées au processus de changement de sexe. Par conséquent, la communication des dossiers de ces médecins quant au cas de Mme Montreuil n'occasionnera vraisemblablement pas la communication de renseignements qui ne sont pas pertinents aux questions en litige dans la présente plainte.

[10] On doit apporter une certaine précision ici. Les Forces canadiennes ont demandé la délivrance d'un subpoena duces tecum quant aux dossiers médicaux des médecins. Un subpoena duces tecum est une ordonnance sommant une personne de comparaître pour être interrogée sous serment et la sommant d'apporter avec elle certains documents. À l'étape de la communication du processus du Tribunal, cela n'est pas nécessaire. Tout ce dont on a besoin à cette étape, c'est tout simplement d'une ordonnance de la part du Tribunal indiquant que les documents doivent être communiqués.

[11] Par conséquent, j'ordonne que les dossiers médicaux se rapportant à Micheline Montreuil (ou Pierre Montreuil, comme elle s'appelait autrefois), dans leur intégralité, y compris les notes d'études cliniques, les rapports de consultation, les résultats de test sanguin et tout autre résultat de laboratoire ou résultat de test, soient communiqués par les médecins suivants :

  1. Le Dr Serge Côté, M.D., psychiatre, CSPQ, FRCP (C), Hôtel-Dieu du Sacré-Cur de Jésus de Québec, avenue du Sacré-Cur, Québec (Québec) G1N 2W1;
  2. Le Dr Roland R. Tremblay, D.Sc., M.D., Ph.D., endocrinologue, Centre hospitalier universitaire de Québec, 2705, boulevard Laurier, Sainte-Foy (Québec) G1V 4G2;
  3. Le Dr Martine Lehoux, M.D., Centre Dermatologique du Québec Métropolitain, 2880, chemin des Quatre-Bourgeois, suite 101, Sainte-Foy (Québec) G1V 4X7.

[12] Afin de protéger le droit de Mme Montreuil à la confidentialité, les documents devraient être transmis à l'avocat des Forces canadiennes et ne devraient être transmis à aucune autre personne sans que le Tribunal n'y ait d'abord consenti et sans que Mme Montreuil n'en soit avisée. Les documents peuvent être consultés par des experts médicaux dont les services sont retenus par les Forces canadiennes, et ce, uniquement aux fins du présent litige et ne doivent pas être utilisés à des fins qui ne concernent pas le présent litige. Les documents doivent être retournés lorsque le dossier de l'affaire sera clos.

[13] Dans sa réponse à la requête, Mme Montreuil a déclaré qu'elle n'avait consulté aucun autre spécialiste, avant 1997, concernant sa transition du sexe masculin au sexe féminin. Par conséquent, il ne semble pas qu'une communication de documents médicaux concernant le processus de changement de sexe, autre que la communication des dossiers médicaux des médecins susmentionnés, ne soit exigée. Toutefois, on rappelle à Mme Montreuil qu'elle demeure tenue de communiquer tous les documents existants concernant le processus de changement de sexe, que ceux-ci soient antérieurs ou postérieurs à 1997.

[14] En réponse à la requête de communication, Mme Montreuil a mentionné que, entre l'âge de 13 et 43 ans, elle a vécu de différentes façons comme travesti. Les Forces canadiennes, en réponse, ont déclaré que le travestisme de Mme Montreuil est pertinent à la question de savoir si elle éprouvait et éprouve toujours un problème d'identité sexuelle. Par conséquent, les Forces ont demandé la communication de tous les dossiers médicaux se rapportant au travestisme de Mme Montreuil.

[15] On pourrait discuter plus longuement de la présente question. Par conséquent, je vais donner aux parties l'occasion, le cas échéant, de discuter de la communication de ces documents ainsi que des autres questions non réglées lors de la prochaine conférence téléphonique portant sur la gestion de l'instance. Je rendrai, au besoin, une décision à ce moment là. On communiquera avec les parties dans la semaine qui suivra la date de la présente décision afin de fixer la date de cette conférence téléphonique.

Karen A. Jensen

Ottawa (Ontario)

Le 28 novembre 2005

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1047/2805

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Micheline Montreuil c. Forces canadiennes

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 28 novembre 2005

ONT COMPARU :

Micheline Montreuil

En son propre nom

François Lumbu

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Claude Morissette

Pour l'intimée

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