Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Diane Kuhlmann

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Westcan Bulk Transport Ltd.

l'intimé

Décision

Membre : Athanasios D. Hadjis

Date : Le 29 octobre 2007

Référence : 2007 TCDP 50

[1] Je voulais examiner toute la preuve et j’ai écrit ma décision concernant les questions que vous avez soulevées à l’audience ce matin, si vous m’accordez un instant.

[2] Le 5 septembre 2007, l’intimé a déposé une requête demandant le rejet de la présente plainte, principalement au motif que la plaignante, Mme Kuhlmann, ne s’est pas acquittée de ses obligations de divulgation. L’intimé a réitéré sa demande aujourd’hui, à l’ouverture de l’audience sur la plainte. En réponse, Mme Kuhlmann a demandé l’autorisation de produire sa preuve, indépendamment de son omission de la divulguer, ou à titre subsidiaire, que l’audience soit ajournée pour lui permettre de procéder à la divulgation de sa preuve.

[3] Mme Kuhlmann a déposé sa plainte le 1er août 2003. La Commission canadienne des droits de la personne a renvoyé la plainte au Tribunal le 20 juillet 2006. Le 25 avril 2007, la Commission a informé le Tribunal et les parties qu’elle ne comparaîtrait pas à l’audience sur la plainte et qu’elle n’y produirait aucune preuve. Lors de la téléconférence de gestion de cas menée par le Tribunal le 10 mai 2007, il a été établi que la présente plainte serait entendue du 17 au 21 septembre 2007.

[4] Les parties ont été informées au cours de la conférence téléphonique de la date avant laquelle chacune devait avoir divulgué sa preuve, conformément à l’article 6 des Règles de procédure du Tribunal. Une lettre subséquente du Tribunal a exposé clairement les renseignements que les parties devaient échanger dans le cadre de la divulgation, ce qui comprenait l’exposé des précisions, les redressements recherchés, les listes de documents ainsi que les listes de témoins et le résumé de leur témoignage, y compris celui des experts. Mme Kuhlmann devait divulguer ces renseignements au plus tard le 21 juin 2007 et l’intimé, au plus tard le 5 juillet 2007.

[5] Le 19 juin 2007, Mme Kuhlmann a envoyé un courrier électronique demandant au Tribunal des renseignements sur la façon d’obtenir et de signifier une assignation à témoigner ainsi que sur la façon de demander à l’autre partie de divulguer plus de renseignements. Le greffe du Tribunal lui a fourni les renseignements demandés dans un courrier électronique qui a été envoyé le même jour.

[6] Le 25 juin 2007, Mme Kuhlmann a envoyé un courrier électronique au Tribunal dans lequel elle demandait une prorogation du délai pour divulguer ses documents, son exposé des précisions et sa liste de témoins. Elle prétendait avoir de la difficulté à retrouver un de ses témoins potentiels. Elle y affirmait également qu’elle faisait [Traduction] réviser ses documents et qu’elle avait été informée qu’elle aurait à produire de la jurisprudence. Elle ne savait pas comment chercher de la jurisprudence. Elle a donc demandé que son délai soit reporté au 16 juillet 2007. Le Tribunal lui a répondu qu’il lui accordait une prorogation de délai, mais seulement jusqu’au 6 juillet 2007. 

[7] Le 10 juillet 2007, le greffe du Tribunal a envoyé un courrier électronique à Mme Kuhlmann pour lui signaler que le délai prorogé était expiré depuis quatre jours et qu’elle n’avait toujours pas déposé auprès du Tribunal les documents qu’elle devait divulguer. Le message lui faisait savoir qu’aucune autre prorogation n’avait été accordée et que la [Traduction] responsabilité d’envoyer ces documents au Tribunal et à l’intimé lui incomb[ait] .

[8] Le 16 juillet 2007, le greffe du Tribunal a envoyé une lettre, ou plutôt un courrier électronique, à Mme Kuhlmann pour lui signaler qu’elle n’avait toujours pas déposé les documents qu’elle devait divulguer. Le Tribunal a demandé qu’elle réponde et qu’elle soumette ses documents immédiatement. Le Tribunal a répété ce qu’il lui avait affirmé lorsque le délai pour la divulgation avait été prorogé, à savoir que les dates d’audience ne seraient pas changées en raison de la prorogation du délai. La plainte serait quand même entendue le 17 septembre 2007.

[9] Le 17 juillet 2007, Mme Kuhlmann a fait savoir au Tribunal par courrier électronique qu’elle avait communiqué avec la Commission [Traduction] pour obtenir des conseils , mais qu’elle n’avait pas encore reçu de réponse. Elle a joint à son courrier électronique la lettre qu’elle avait envoyée à la Commission, dans laquelle elle se disait déçue de la décision de la Commission de ne pas comparaître à l’audience.

[10] Le lendemain, le 18 juillet 2007, le greffe du Tribunal a répondu à Mme Kuhlmann par courrier électronique pour lui faire valoir que la Commission était une entité distincte du Tribunal et que ce dernier ne pouvait commenter les questions qu’elle avait soulevées au sujet de la Commission. Le Tribunal lui a rappelé qu’elle n’avait toujours pas divulgué sa preuve et a inclus dans son courrier électronique une copie des Règles de procédure du Tribunal où avaient été soulignées les dispositions pertinentes. Le Tribunal a répété que les dates d’audition de la plainte ne seraient pas changées à la suite de la prorogation du délai jusqu’au 6 juillet. Le Tribunal a également attiré son attention sur le paragraphe 9(3) des Règles, lequel prévoit qu’une partie qui ne se conforme pas au paragraphe 6(1) des Règles relativement à la divulgation ne peut ni soulever de question, ni faire témoigner un témoin, ni produire une preuve, ni demander de redressement à l’audience.

[11] Ce matin, à l’ouverture de l’audience et lorsqu’il a été discuté des présentes questions, Mme Kuhlmann a affirmé avoir téléphoné et parlé à M. Guy Grégoire, le gestionnaire des activités du greffe du Tribunal, le 30 juillet 2007. Elle a confirmé qu’il l’avait informée qu’elle devait fournir au Tribunal tous les documents à sa disposition à ce moment et demander que le Tribunal accepte que le dépôt de ces documents constitue sa divulgation. Néanmoins, Mme Kuhlmann n’a par la suite fourni aucun document, ni au Tribunal, ni à l’intimé.

[12] Le 27 août 2007, le Tribunal a envoyé des courriers électroniques à toutes les parties pour s’enquérir de leur disponibilité quant à la tenue de la conférence téléphonique où il serait discuté de la procédure à l’audience. Mme Kuhlmann n’a pas répondu à ce message. Le 5 septembre 2007, le Tribunal a tenté de téléphoner à Mme Kuhlmann. Personne n’a répondu, alors un message a été laissé sur son répondeur ou dans sa boîte vocale, lequel message lui demandait de rappeler. Si j’ai bien compris, Mme Kuhlmann n’a jamais rappelé et la conférence téléphonique n’a pas eu lieu. Je soulignerais ici qu’il s’agit de renseignements que je viens tout juste d’obtenir en examinant le dossier du Tribunal. Mais, d’après ce que j’ai compris, un message a été laissé à cette date.

[13] Le vendredi 14 septembre 2007, à 14 h 30, soit il y a trois jours, Mme Kuhlmann a envoyé un courrier électronique au Tribunal où elle déclarait avoir, à son retour de vacances, [Traduction] finalement lu les nombreux courriers électroniques concernant la présente affaire . Elle a ajouté qu’elle n’avait pu trouver dans les courriers électroniques de renseignements concernant l’heure et le lieu où se tiendrait l’audience et a demandé que ces renseignements lui soient communiqués. Le Tribunal lui a envoyé ces renseignements dans les cinq minutes suivantes, bien que je constate à la lecture du dossier que le Tribunal avait avisé toutes les parties du lieu de l’audience par courrier électronique le 10 août 2007.

[14] Dans les observations qu’elle a formulées aujourd’hui sur les questions en litige, Mme Kuhlmann a déclaré s’être absentée de sa maison à plusieurs reprises pendant un certain nombre de semaines en août et au début de septembre. Elle a prétendu qu’elle n’avait pas eu accès à un ordinateur pendant ce temps et qu’elle n’avait pas vérifié ses messages téléphoniques. Cependant, rien n’indique qu’elle ait informé le Tribunal de son absence ou qu’elle ait laissé une adresse où elle pouvait être jointe.

[15] Fait plus important, elle semblait disponible durant le mois de juillet et elle a bel et bien reçu le courrier que lui a envoyé le Tribunal. Elle a elle-même communiqué avec le Tribunal en un certain nombre d’occasions. Bien sûr, il ne fait aucun doute qu’elle savait qu’elle devait divulguer sa preuve au plus tard le 6 juillet 2007. Pourtant, malgré les avis répétés du Tribunal selon lesquels elle ne se conformait pas aux directives, elle ne s’est pas acquittée de ses obligations de divulgation.

[16] Dans la correspondance du Tribunal avec Mme Kuhlmann, il était explicitement mentionné quelles étaient les conséquences de ne pas procéder à la divulgation, telles qu’elles sont prévues au paragraphe 9(3) des Règles. Ces conséquences sont également exposées dans une brochure intitulée Comment s’y retrouver? Guide de la procédure du Tribunal , que le Tribunal envoie à toutes les parties et que Mme Kuhlmann reconnaît avoir reçu en l’espèce. À la page 18 de ce guide, la paragraphe à ce sujet est écrit en caractère gras et est précédé dans la marge d’un symbole, une loupe, signifiant qu’il s’agit d’un point à ne pas oublier . Le paragraphe en question est rédigé ainsi :

Si vous omettez de divulguer un document, vous ne serez peut‑être pas autorisé à le présenter en preuve à l’audience. Par ailleurs, vous ne serez peut‑être pas autorisé à interroger des témoins, à soulever des questions de droit ou à demander des redressements qui n’ont pas été mentionnés dans le cadre de la divulgation. Il faut vraiment des circonstances exceptionnelles pour que le Tribunal autorise une partie à se fonder sur des preuves non divulguées avant l’audience.

[17] Le paragraphe aborde ensuite la question de l’obligation permanente de divulguer.

[18] Mme Kuhlmann arrive aujourd’hui à l’audience sans avoir divulgué le moindre document et sans s’être conformée à aucune de ses obligations de divulgation. Existe‑t‑il des circonstances exceptionnelles en l’espèce qui justifieraient de lui permettre de présenter sa cause sans s’être acquittée de ses obligations de divulgation? Je n’en vois aucune. Au contraire, comme le souligne l’intimé, ce dernier se trouve dans [Traduction] une situation tout à fait indéfendable . Il doit retenir les services d’experts et dépenser du temps et de l’argent pour bien se préparer à l’audience, sans savoir ce qu’il doit réfuter. En fait, il n’a pas pu se préparer pour l’audience aujourd’hui. En outre, rien ne prouve que l’intimé a omis de s’acquitter de ses obligations dans le cadre de la présente procédure. Par exemple, compte tenu de l’omission de la plaignante de divulguer sa preuve, l’intimé a demandé au Tribunal l’autorisation d’être exemptée de divulguer sa preuve à la date où il était prévu qu’il le fasse.

[19] La seule explication que Mme Kuhlmann semble apporter pour justifier son omission de s’acquitter de ses obligations de divulgation est son incapacité à obtenir une réponse satisfaisante de la Commission relativement aux questions qu’elle lui a posées. Il ne s’agit pas d’un facteur pertinent en l’espèce. Mme Kuhlmann sait au moins depuis avril 2007 que la Commission ne comparaîtra pas. Si elle voulait quand même faire entendre sa plainte, il lui incombait de concentrer ses efforts sur la procédure devant le Tribunal. Elle ne l’a pas fait. Par conséquent, je ne vois aucune raison de la décharger se ses obligations de divulgation. En vertu du paragraphe 9(3) des Règles, et compte tenu de son omission totale de divulguer sa preuve, il est interdit à Mme Kuhlmann de produire des preuves à l’appui de sa plainte, de soulever des questions de droit qui en découle, d’assigner des témoins à comparaître ou de demander tout redressement.

[20] Je ne vois pas non plus de raison d’ajourner la présente affaire pour permettre à Mme Kuhlmann de se conformer à ses obligations de divulgation. Elle a eu amplement l’occasion de s’y conformer au cours des deux derniers mois. Il lui a été rappelé à de nombreuses reprises qu’elle devait satisfaire à ces exigences et elle a choisi de ne pas le faire. Les Règles de procédure ont été mises en place pour assurer une exécution juste et diligente de la procédure applicable aux audiences devant le Tribunal. On ne peut les négliger ni les mettre cavalièrement de côté simplement parce qu’une partie a choisi de ne pas s’y conformer. Toutes les parties sont tenues de respecter les Règles et les directives du Tribunal, qu’elles soient la partie intimée ou plaignante.

[21] J’ajouterais également que, à mon sens, il serait injuste pour l’intimé que la présente affaire soit reportée, laquelle affaire date d’août 2003, car elle serait sûrement reportée de nombreux mois, ce qui nous amènerait probablement à un certain moment en 2008.

[22] La requête d’ajournement de Mme Kuhlmann est donc rejetée.

[23] Par conséquent, étant donné qu’il est interdit à la plaignante de produire une preuve ou de soulever des questions devant moi à l’appui de sa plainte, comme je l’ai mentionné plus tôt, j’estime que sa plainte n’est pas étayée et elle est donc rejetée. Merci. Je ne crois pas avoir autre chose à ajouter, alors merci beaucoup.

Je certifie par la présente déclaration que ce qui précède est une représentation conforme et exacte de la décision que j’ai prononcée devant les parties le 17 septembre 2007.

Signée par

Athanasios D. Hadjis
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 29 octobre 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1155/3706

Intitulé de la cause : Diane Kuhlmann c. Westcan Bulk Transport Ltd.

Date de la décision du tribunal : Le 29 octobre 2007
(Décision orale donnée aux parties
Date et lieu de l’audience : Le 17 septembre 2007
Edmonton (Alberta)

Comparutions :

Diane Kuhlmann, pour elle même

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Wendy Bridges, pour l'intimé

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