Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

Daniel Maillet

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

Procureur Général du Canada

(Représentant la Gendarmerie Royale du Canada)

l'intimé

DÉCISION

2005 TCDP 48
2005/12/21

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

I. LA PLAINTE

II. QUE DOIT ÉTABLIR LE PLAIGNANT POUR PROUVER LE BIEN-FONDÉ DE SA PLAINTE?

III. LE PLAIGNANT A ÉTABLI UNE PREUVE PRIMA FACIE À L'ÉGARD DES PORTIONS DE SA PLAINTE SE RAPPORTANT AUX ARTICLES 7 ET 10

IV. LA RÉPONSE DE LA GRC À LA PLAINTE SUIVANT L'ARTICLE 7 - POURQUOI LE PLAIGNANT N'A-T-IL PAS ÉTÉ ENGAGÉ?

A. Incohérences et divergences à l'égard de la consommation de drogues par le plaignant

B. Incohérences et divergences à l'égard du départ du plaignant du service de police de Dieppe

C. L'omission du plaignant d'avoir divulgué le dossier criminel de son frère

V. LES EXPLICATIONS DE LA GRC À L'ÉGARD DE LA PLAINTE FONDÉE SUR L'ARTICLE 7 SONT-ELLES RAISONNABLES OU SONT-ELLES SIMPLEMENT UN PRÉTEXTE POUR EXERCER DE LA DISCRIMINATION?

A. La GRC a-t-elle fait une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant?

B. Les preuves de M. Desaulniers et de M. McGraw peuvent-elles être conciliées?

C. Quelle est la théorie du plaignant quant aux raisons du rejet de sa demande?

VI. LA RÉPONSE DE LA GRC À LA PORTION DE LA PLAINTE FONDÉE SUR L'ARTICLE 10 : LES LIGNES DE CONDUITE ALLÉGUÉES N'EXISTENT PAS

VII. CONCLUSION - LA PLAINTE EST REJETÉE

I. LA PLAINTE

[1] En 2001, le plaignant a présenté une demande en vue de devenir membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), mais selon sa plainte en matière des droits de la personne, sa demande a été refusée pour des motifs discriminatoires, à savoir son orientation sexuelle perçue et sa situation de famille (ses liens avec son frère). Il a prétendu que ce refus contrevenait à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le plaignant a prétendu de plus que la GRC a mené au sujet de son emploi éventuel une enquête qui suggérait l'existence d'une restriction, d'une condition ou d'une préférence fondée sur son orientation sexuelle perçue, en contravention de l'article 8 de la Loi. De plus, le plaignant a prétendu que la GRC a appliqué, afin de déterminer son orientation sexuelle, des lignes de conduite susceptibles d'annihiler ses chances d'emploi, en contravention de l'article 10 de la Loi.

[2] Des avocats représentaient le plaignant et l'intimée lors de l'audience. La Commission canadienne des droits de la personne a choisi de ne pas comparaître lors de l'audience.

II. QUE DOIT ÉTABLIR LE PLAIGNANT POUR PROUVER LE BIEN-FONDÉ DE SA PLAINTE?

[3] Un plaignant a le fardeau initial d'établir une preuve prima facie de discrimination. L'arrêt de la Cour suprême du Canada Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (O'Malley), fournit les règles de base concernant l'établissement d'une preuve prima facie. La Cour déclare qu'une preuve prima facie est une preuve qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict favorable au plaignant, en l'absence de réplique de l'intimée.

[4] Une fois que la preuve prima facie est établie, il incombe alors à l'intimée de fournir une explication raisonnable démontrant que la discrimination alléguée ne s'est pas produite comme cela était allégué ou que la conduite était d'une manière ou d'une autre non discriminatoire. Si une explication raisonnable est fournie, il appartient au plaignant de démontrer que l'explication constitue un simple prétexte pour exercer de la discrimination (Basi c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (no 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029, au paragraphe 38474 (TCDP)).

[5] Il suffit, pour prouver le bien-fondé de la plainte, que la discrimination soit seulement l'un des facteurs de la décision de l'employeur (Holden c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.)). La norme de preuve dans les affaires de discrimination est la norme de la prépondérance des probabilités utilisée en matière civile.

[6] La discrimination n'est pas une pratique qu'on devrait s'attendre à voir ouvertement. Un tribunal devrait par conséquent examiner toutes les circonstances lorsqu'il établit l'existence de ce qui a été décrit comme une subtile odeur de discrimination. Dans des affaires comportant de la preuve circonstancielle, une inférence de discrimination peut être tirée lorsque la preuve présentée au soutien de l'allégation de discrimination rend une telle inférence plus probable que le font les autres inférences ou hypothèses possibles (Basi, précitée, aux paragraphes 38486-7; voir également la décision Chopra c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (2001), 40 C.H.R.R. D/396 (TCDP)).

[7] Conformément aux principes précédemment exposés, et après avoir examiné en détail toute la preuve et toutes les observations présentées en l'espèce, j'ai conclu que le plaignant a établi une preuve prima facie à l'égard des portions de sa plainte se rapportant aux articles 7 et 10. Toutefois, la GRC a fourni des explications qui sont raisonnables et qui ne sont pas un prétexte. Je rejette par conséquent ces portions de la plainte.

[8] Le plaignant n'a avancé aucun argument à l'égard de la portion de la plainte se rapportant à l'article 8 au cours de l'exposé initial ou au cours des observations finales. Le plaignant n'a indiqué au Tribunal aucun élément de preuve appuyant son allégation à l'égard de l'article 8 ou s'y rapportant. Je ne peux que tenir pour acquis que le plaignant a choisi de ne pas donner suite à cet aspect de la plainte. De toute façon, le Tribunal commettrait lui-même un manquement à l'équité et à la justice naturelle s'il essayait de formuler des arguments au soutien de cet aspect de la plainte et s'il tentait ensuite d'en tirer des conclusions. La portion de la plainte se rapportant à l'article 8 doit par conséquent être rejetée.

III. LE PLAIGNANT A ÉTABLI UNE PREUVE PRIMA FACIE À L'ÉGARD DES PORTIONS DE SA PLAINTE SE RAPPORTANT AUX ARTICLES 7 ET 10

[9] Le plaignant est natif du Nouveau-Brunswick. En novembre 1989, il a obtenu un diplôme en techniques policières de l'Atlantic Police Academy au Holland College à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. En 1990, il a amorcé sa carrière en travaillant à temps partiel en tant que policier pour le service de police municipale de Shediac et Tracadie-Sheila, au Nouveau-Brunswick. En juin de la même année, il a été engagé par le service de police de la ville de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, où il a travaillé jusqu'en 1993. Il s'est par la suite joint de nouveau au service de police municipale de Tracadie-Sheila et, en 1997, il s'est joint au service de police de la ville avoisinante de Caraquet, dans la péninsule acadienne.

[10] Dans les années 1990, en application de la politique du gouvernement provincial visant l'établissement et la mise en uvre de normes de police uniformes dans tout le Nouveau-Brunswick, de nombreux services de police municipale ont été intégrés à la GRC suivant une entente spéciale. En décembre 2000, la municipalité de Caraquet a approuvé l'intégration de son service de police à la GRC, l'intégration devant prendre effet le 1er novembre 2001.

[11] Selon le plan d'intégration, la GRC a contracté l'obligation d'engager dans la mesure du possible les policiers à temps plein qui travaillaient pour le service de police de Caraquet et qui possédaient les compétences professionnelles nécessaires. Pour pouvoir être engagés par la GRC, les policiers de Caraquet devaient subir une entrevue et des examens médicaux et psychométriques. De plus, ils devaient réussir une vérification de sécurité et de fiabilité qui serait faite à leur endroit. Contrairement aux nouvelles recrues, ils ne devaient pas suivre une formation au centre de formation de la GRC à Regina et ils n'étaient pas tenus de réussir des tests d'évaluation de la condition physique ou de faire des examens écrits.

[12] Le plaignant était sûr que la GRC l'engagerait. On s'attendait depuis plusieurs années à l'intégration; le plaignant et la plupart de ses collègues policiers de Caraquet avaient donc déjà subi et réussi leurs examens médicaux avant l'an 2000. Bien qu'on lui ait demandé à un certain moment de refaire son examen psychométrique, on ne l'a pas informé qu'il y avait des problèmes quant aux résultats définitifs. Tout se passait comme prévu lorsque le 2 mars 2001 il a déposé sa demande officielle en vue de devenir membre de la GRC.

[13] De nombreux collègues et superviseurs des services de police de Caraquet et d'autres municipalités où il avait travaillé ont témoigné qu'il était un policier très compétent. Il était honnête, fiable, poli, jovial et très apprécié. Encore aujourd'hui, ils le recommanderaient sans réserve pour un emploi dans toute organisation de police, y compris dans la GRC. En fait, un bon nombre de ces témoins s'étaient joints à la GRC après l'intégration de leur service de police municipale respectif et ils ont affirmé que le plaignant pouvait exercer sans problèmes les fonctions qu'exerce un membre de la GRC. La décision de la GRC de finalement refuser d'engager le plaignant a été une surprise autant pour eux que pour le plaignant.

[14] Le 14 mars 2001, le plaignant a eu une entrevue avec un membre de la GRC, le gend. Jean-Paul St-Laurent. À ce moment, le gend. St-Laurent travaillait au service des ressources humaines de la GRC à Fredericton, en tant que coordonnateur du recrutement et de la sécurité. Il était chargé de coordonner l'enquête de sécurité et de fiabilité pour tous les postulants à un emploi dans la GRC, qu'ils soient de nouvelles recrues ou des policiers travaillant déjà pour les services de police qui étaient intégrés à la GRC.

[15] Les questions du gend. St-Laurent au cours de l'entrevue étaient variées, allant de la situation financière et des passe-temps du plaignant à ses amis et sa famille, à l'étendue de sa consommation d'alcool le cas échéant. La rencontre s'est terminée sans que le plaignant ait eu l'impression qu'il y avait quelque préoccupation que ce soit quant à sa demande. Le gend. St-Laurent lui a dit que dans la prochaine étape du processus, ses réponses aux questions posées lors de l'entrevue seraient vérifiées dans le contexte de l'enquête de sécurité et de fiabilité.

[16] Plusieurs semaines plus tard, la GRC a nommé Joseph Yves Desaulniers pour mener certaines des enquêtes sur le terrain quant à la sécurité et la fiabilité des policiers de Caraquet qui avaient présenté une demande en vue de devenir membre de la GRC. M. Desaulniers était un membre retraité de la GRC dont les services étaient régulièrement retenus à forfait pour mener ces types d'enquêtes. À la demande de la GRC, le plaignant avait fourni les noms de plusieurs connaissances et collègues comme références. M. Desaulniers a rencontré nombre de ces individus, y compris Rodrigue McGraw.

[17] M. McGraw était un policier expérimenté du service de police de Caraquet et il avait travaillé avec le plaignant pendant environ trois ans. M. McGraw n'avait pas réussi l'examen médical que lui et les autres policiers de Caraquet avaient subi avant l'intégration. Sachant que par conséquent la GRC ne l'engagerait pas, il avait sollicité et obtenu un emploi auprès de la fonction publique provinciale avant l'intégration. Lorsque M. Desaulniers a pris contact avec lui, il occupait déjà son nouvel emploi et il ne travaillait plus avec le plaignant.

[18] M. Desaulniers a eu une entrevue avec M. McGraw au bureau de ce dernier à Bathurst. Ils ont eu une courte conversation d'au plus vingt minutes. M. McGraw a témoigné que l'interrogation initiale était une interrogation ouverte et se rapportait au type de personne que le plaignant était de façon générale. M. Desaulniers a alors demandé si le plaignant était homosexuel. M. McGraw était décontenancé et visiblement troublé par cette question. M. Desaulniers a expliqué que la question avait été soulevée plus tôt dans son enquête. Il ne disait pas nécessairement que le plaignant était homosexuel, il ne faisait que poser la question. M. McGraw a dit à l'enquêteur qu'il serait surpris si le plaignant était homosexuel.

[19] M. McGraw prétend qu'il était si troublé par l'interrogation, qu'il en a discuté avec un collègue à son nouveau lieu de travail immédiatement après la rencontre. Il prétend qu'il a de plus soulevé l'incident à Aubin Albert, qui était le chef du service de police de Caraquet à ce moment. M. Albert n'a toutefois pas mentionné une telle conversation dans son témoignage. M. McGraw n'a réussi à parler de l'interrogation au plaignant que vers le 17 avril 2001.

[20] M. Desaulniers a également eu une entrevue avec Denis McLaughlin, qui était l'une des autres personnes désignées par le plaignant comme références morales. Le plaignant et lui avaient travaillé ensemble au service de police de Tracadie-Sheila. M. McLauglin avait été muté à la GRC après l'intégration du service de police de Tracadie-Sheila en 1997.

[21] M. McLaughlin a témoigné qu'il avait eu une entrevue avec M. Desaulniers relativement au plaignant. Il a dit à M. Desaulniers que, à son avis, le plaignant pouvait exercer les fonctions de policier de la GRC aussi bien que tout autre membre. Cependant, il a également témoigné qu'au cours de l'entrevue M. Desaulniers lui a posé une question à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant même s'il ne pouvait pas se rappeler exactement la façon selon laquelle la question était formulée. M. McLaughlin était surpris d'entendre la question et il a témoigné que sa seule réponse avait été qu'il ne savait pas si le plaignant était homosexuel et que cela ne l'intéressait pas.

[22] Le 8 mai 2001, le gend. St-Laurent a convoqué le plaignant à une rencontre au bureau de la GRC à Caraquet. Le gend. St-Laurent a dit sur-le-champ au plaignant qu'il avait une mauvaise nouvelle, à savoir que sa demande présentée à la GRC était rejetée. Le plaignant a demandé la raison du rejet. Le gend. St-Laurent a expliqué que son dossier avait été examiné par des officiers de haut rang au quartier général à Fredericton et qu'il avait été conclu que, en raison de plusieurs éléments mineurs, il ne [traduction] correspondait pas à l'image d'un policier de la GRC. Le plaignant a demandé des raisons précises. On lui a dit que son frère, qui vivait en Colombie-Britannique, avait un dossier criminel pour agression sexuelle, et que cela avait été un facteur de la décision. Le fait que le plaignant ait auparavant présenté, à la fin des années 1980, une demande en vue de devenir membre de la GRC et que cette demande ait été refusée, était également un facteur de la décision. Sa déclaration selon laquelle il avait déjà consommé de la marijuana et du haschisch avait également été un facteur.

[23] Au cours de la rencontre, le plaignant a mentionné qu'il avait entendu dire que la GRC avait posé des questions à savoir s'il était homosexuel. Selon le plaignant, le gend. St-Laurent a répondu que ce sujet n'est jamais venu sur la table.

[24] Malgré la dénégation du gend. St-Laurent, et compte tenu des renseignements fournis par M. McGraw à l'égard des questions que lui avait posées M. Desaulniers, le plaignant soupçonnait que son orientation sexuelle perçue avait pu être un facteur de la décision de ne pas l'engager. Il a par conséquent demandé à M. McGraw de signer une déclaration exposant ce qui s'était passé au cours de la rencontre de ce dernier avec M. Desaulniers. Le plaignant a préparé un questionnaire sous une forme typique de questions et réponses, avec des blancs pour que M. McGraw y inscrive ses réponses. M. McGraw a rempli et signé le document le 19 mai 2001.

[25] M. McGraw a joint au questionnaire une feuille sur laquelle il avait inscrit sous forme de récit ce dont il se souvenait de la conversation. J'ai inclus les extraits suivants du récit, comme ils étaient écrits. M. McGraw y mentionne Denis Albert et Serge Losier, qui sont tous deux des personnes que le plaignant avait désignées comme références morales dans sa demande à la GRC. M. Desaulniers les avait déjà tous deux rencontrés avant sa rencontre avec M. McGraw :

Le ou vers le 28 mars 2001, j'ai reçu un appel téléphonique de Jean Yves Desaulniers me demandant si il était possible de me rencontrer personnellement. [...] La rencontre a eu lieu entre onze heures et midi à mon bureau. Il m'a dit : connais-tu bien personnellement Daniel Maillet de la Police de Ville de Caraquet. J'ai répondu : je crois, oui.

Q [M. Desaulniers] : Quelle sorte de gars qu'il [le plaignant] est?

R [M. McGraw] : Un gars solitaire. Il vit dans une maison construit dans le bois à Caraquet. C'est un gars qui se mêle de ses affaires, travaillant et poli.

Q : À l'ouvrage, comment était-il?

R : Il est aimé de tout le monde. Nous aimons beaucoup le taquiner. On dirait que si on le taquine pas, il se sent pas aimé.

Q : Est-ce vrai qu'il est homosexuel?

R : Quoi... Quoi-cé que tu dis là? Mais où que ça sort cette histoire là?

Q : Denis Albert, qu'est-ce qu'il a affaire avec Daniel?

R : C'est un ami.

Q : Pourquoi on les appellent Daniel et Denise?

R : C'est un joke ça. Denis est bien trop macho pour être un fif.

Q : Il a une boucle d'oreille ou un pin dans l'oreille, quelque chose de même?

R : J'ai pas fait attention. Aie, mais c'est fort une accusation de même.

Q : Je ne dit pas qu'il en est un. C'est ça que j'ai su sur mon enquête. Ils sont souvent ensemble. Ils ont presque un pareil Jeep. Il y a aussi un autre gars de Tracadie, par là, qui est assez souvent avec. Ça serait t'y ben un homo, celui là?

R : Je ne le connais pas. Je ne jurerais pas que Daniel Maillet n'est pas un homo mais je serais le plus surpris du monde.

Q : Pourquoi presque tous ses sorties sont par Tracadie et non en ville et qu'il est soit avec Denis Albert ou le Losier de Tracadie?

R : Daniel Maillet quelques années passées est tombé follement amoureux de la fille [...] de Tracadie. Je ne me rappelle pas son nom. Il a sorti plus de deux ans avec. Il l'aime toujours même si il essaye de le cacher et ça se voit. C'est pour ça qu'il est par là. Peut-être dans l'espoir de recommencer avec.

Q : Qu'il soit homosexuel ou non, ça change rien. Il n'aura qu'à l'admettre pis c'est correct.

[...]

[26] Le plaignant s'attendait à recevoir une lettre de refus de la GRC après sa deuxième rencontre avec le gend. St-Laurent, mais les semaines ont passé et il n'a reçu aucune lettre. À part M. McGraw, qui selon ce qui a été précédemment mentionné n'était pas qualifié pour des raisons médicales, tous les collègues policiers du plaignant à Caraquet qui ont présenté une demande en vue de devenir membre de la GRC ont été admis dans la GRC. Alors que la date du transfert à la GRC du service de police de Caraquet approchait (le 1er novembre 2001), le plaignant a décidé d'informer les médias de ce qu'il percevait comme un refus discriminatoire de la GRC de l'employer. Son affaire a été rapportée à la télévision et à la radio de même que dans la presse écrite.

[27] Le 31 octobre 2001, le journal local, l'Acadie Nouvelle, a publié un article. La journaliste Sylvie Paulin-Grondin, aux fins de son article, a fait une entrevue avec le plaignant et plusieurs autres personnes, y compris avec le sous-officier chargé des opérations du détachement de la GRC à Caraquet, le sergent Michel Pagé. Avant l'intégration du service de police municipale, la GRC avait déjà un détachement à Caraquet qui desservait la région avoisinante. Le sergent Pagé connaissait par conséquent les membres du service de police de Caraquet, y compris le plaignant, et avait participé au processus d'intégration.

[28] Mme Paulin-Grondin a témoigné que, pour obtenir une entrevue avec le sergent Pagé, elle lui avait laissé un message à son bureau. Il l'a rappelée et elle a mené l'entrevue au téléphone. Elle prétend qu'elle a cité textuellement le sergent Pagé dans son article. Le sergent Pagé n'a pas témoigné lors de l'audience. Le sergent Pagé a été cité comme ayant initialement déclaré qu'il ne pouvait pas faire de commentaires à l'égard de l'affaire du plaignant ou de celle de tout autre individu. Il a néanmoins ensuite affirmé que la candidature du plaignant ne satisfaisait pas aux critères de la GRC. Il a ajouté que tous les candidats étaient traités de la même façon, à savoir que leur état de santé, leur réputation, leur moralité et leur situation financière étaient examinés. Toutefois, il a de plus fait la déclaration suivante à l'égard de l'orientation sexuelle des candidats :

Mais je peux vous dire que l'orientation sexuelle n'est pas un critère. La GRC ne discrimine pas quelqu'un qui est gai, absolument pas! Ca pourrait cependant créer des problèmes si l'employeur n'était pas au courant de ça.

Admettons qu'une personne est gaie et que l'employeur ne le sait pas. Cela peut constituer un risque au niveau de la sécurité. Si un membre de la GRC a une orientation quelconque et ne veut pas que son employeur le sache, il peut faire l'objet de chantage, se faire extorquer, se faire soutirer des renseignements. On parle ici en général et non d'un cas particulier. Mais on doit respecter la Charte des droits. C'est très important.

[29] Après la publication de ces commentaires, ni le sergent Pagé ni la GRC n'ont pris contact avec Mme Paulin-Grondin pour avancer l'idée qu'elle avait mal compris ou mal interprété les déclarations du sergent Pagé.

[30] Le jour même de la publication de l'article, la GRC a envoyé au plaignant une lettre l'informant officiellement que sa demande était rejetée. La lettre était signée par le sergent d'état-major Rogers, le sous-officier chargé du recrutement (gestionnaire supérieur de carrières) de la division J (Nouveau-Brunswick). Il mentionnait que dans le cas du plaignant, la GRC avait jugé que son [traduction] comportement évasif au cours de l'entrevue et le fait qu'il ait fourni des renseignements qui avaient par la suite été jugés incohérents soulevaient des questions à l'égard de son intégrité et de son honnêteté.

[31] Le lendemain, le 1er novembre 2001, le plaignant a répondu par écrit au sergent d'état-major Rogers en se plaignant du fait qu'on ne lui avait jamais dit avant qu'il avait été évasif au cours de l'entrevue ni qu'il avait fourni des renseignements erronés. Il était bouleversé par ces nouvelles allégations et il demandait qu'on lui fournisse plus de détails. Le 22 novembre 2001, le sergent d'état-major Rogers a répondu par écrit au plaignant pour l'informer que la décision de la GRC n'avait pas changé et qu'elle était définitive. Son dossier avait déjà fait l'objet d'une révision et une évaluation complète avait été effectuée.

[32] Le 21 décembre 2001, le plaignant a déposé la présente plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

[33] En somme, le plaignant a présenté de la preuve selon laquelle la GRC, avant de refuser de l'employer, a mené des enquêtes à l'égard de son orientation sexuelle. Les commentaires du sergent Pagé selon lesquels l'orientation sexuelle cachée d'un candidat est un fait qui intéresse la GRC corroborent la prétention du plaignant selon laquelle son orientation sexuelle perçue était un facteur de la décision de la GRC. De plus, le plaignant a présenté de la preuve selon laquelle on lui a dit catégoriquement que le dossier criminel de son frère était également un facteur de la décision de ne pas l'engager. Je suis convaincu, en l'absence d'une réponse de la part de l'intimée, que cette preuve, si on lui ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion selon laquelle il y a eu, suivant l'article 7 de la Loi, de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle perçue du plaignant et sur sa situation de famille. Une preuve prima facie a été établie.

[34] De la même façon, si l'on ajoute foi à la preuve, une preuve prima facie a été établie à l'égard de la portion de la plainte se rapportant à l'article 10. Les questions de M. Desaulniers se rapportant à l'orientation sexuelle du plaignant, ajoutées aux commentaires du sergent Pagé, et le rejet définitif de la candidature du plaignant donnent à penser, en l'absence d'une explication qui est raisonnable et qui n'est pas un prétexte, qu'il existait une ligne de conduite visant une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant susceptible d'annihiler les chances d'emploi du plaignant.

IV. LA RÉPONSE DE LA GRC À LA PLAINTE SUIVANT L'ARTICLE 7 - POURQUOI LE PLAIGNANT N'A-T-IL PAS ÉTÉ ENGAGÉ?

[35] La GRC prétend que l'orientation sexuelle perçue du plaignant et ses liens avec son frère n'étaient d'aucune façon des facteurs de sa décision de rejeter sa demande d'emploi. Sa demande a été rejetée pour de nombreux autres motifs, principalement liés à ce qui était perçu comme un manque de franchise et d'honnêteté au cours de son entrevue avec le gend. St-Laurent. J'ai conclu que cette explication était raisonnable. En outre, le plaignant n'a pas démontré que l'explication était un prétexte à l'égard d'une conduite par ailleurs discriminatoire.

[36] L'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité est d'une grande importance pour la GRC qui doit s'assurer que l'intégrité d'un membre est indiscutable. La personne qui mène l'entrevue a un formulaire sur lequel les questions à poser aux candidats sont exposées et les réponses sont consignées. Le formulaire est utilisé seulement par la personne qui mène l'entrevue; les candidats n'en prennent pas connaissance. Le formulaire utilisé par le gend. St-Laurent au cours de l'entrevue du plaignant a été déposé en preuve comme pièce lors de l'audience.

[37] Conformément aux instructions contenues sur le formulaire, le gend. St-Laurent a dès le début dit au plaignant que la GRC mènerait par la suite une enquête sur le terrain pour vérifier tout ce qu'il affirmait au cours de l'entrevue. Il a par conséquent conseillé au plaignant d'être honnête, direct et complet dans ses réponses. Toute tentative délibérée de mentir ou d'omettre des renseignements priverait le candidat de la possibilité que sa candidature continue à être examinée aux fins d'un emploi.

[38] La GRC prétend qu'il a été démontré, après vérification, que de nombreuses réponses du plaignant étaient fausses ou incomplètes, ce qui avait mis en doute son intégrité et ses compétences en tant que policier.

[39] Le gend. St-Laurent n'a pas été impressionné par le rendement et le comportement d'ensemble du plaignant au cours de l'entrevue. Il a décrit le plaignant comme un individu très silencieux et réticent à fournir les renseignements demandés. La plupart des candidats sont au départ nerveux, mais ils finissent par s'ouvrir et ils s'engagent librement dans une discussion avec la personne qui mène l'entrevue. Ce n'était pas le cas avec le plaignant. Il n'était pas bavard et il fallait souvent que le gend. St-Laurent le pousse à répondre et le questionne. Il fallait que les questions soient fréquemment répétées afin de lui soutirer une réponse.

[40] Il y a à la fin du formulaire d'entrevue une section dans laquelle la personne qui mène l'entrevue écrit son impression générale de la personne reçue en entrevue. Le gend. St-Laurent a écrit que le plaignant semblait très nerveux et qu'il était difficile d'obtenir des [traduction] réponses directes à de nombreuses questions; le plaignant ne pouvait pas se souvenir ou n'était pas certain.

[41] Le gend. St-Laurent a témoigné que ces préoccupations à l'égard des réponses du plaignant, associées à plusieurs contradictions qui sont ressorties au cours des vérifications subséquentes (ci-après exposées), l'ont amené à conclure qu'il ne pouvait pas recommander la candidature du plaignant. Le gend. St-Laurent a énoncé par écrit ces conclusions dans une note de service datée du 25 avril 2001 qu'il a présentée au sergent d'état-major Rogers, le gestionnaire supérieur de carrières.

A. Incohérences et divergences à l'égard de la consommation de drogues par le plaignant

[42] Le formulaire utilisé pour l'entrevue à l'égard de la sécurité et de la fiabilité contient une série de questions se rapportant à la consommation de drogues. On demande aux candidats s'ils ont déjà été exposés à des drogues et s'ils ont consommé des drogues. Dans l'affirmative, ils doivent expliquer le type de drogue consommée, la fréquence de consommation, les dates de la première et de la dernière consommations, et les circonstances ou les raisons qui ont entraîné la consommation.

[43] Le plaignant a dit au gend. St-Laurent qu'il avait consommé du cannabis et du haschisch. Le gend. St-Laurent a consigné sur le formulaire que chaque drogue avait été consommée à deux reprises, les circonstances étant [traduction] l'expérience et dans un contexte social. Quant aux dates de consommation, la réponse inscrite était [traduction] ne sais pas, c'était il y a longtemps. Le plaignant a témoigné que le gend. St-Laurent a insisté pour qu'il soit plus précis, mais le stress de cette série de questions lui a causé un trouble de mémoire et il a été incapable de donner des détails.

[44] Le gend. St-Laurent a en outre demandé au plaignant de lui fournir les noms et les adresses des membres de sa famille, comme le formulaire d'entrevue l'exige. Un grand nombre des membres de sa famille vivent aux États-Unis et il n'a par conséquent pas été capable de donner au cours de l'entrevue les détails demandés. Le plaignant a expliqué qu'il pourrait obtenir ces renseignements après l'entrevue. Le gend. St-Laurent a consenti à ce que le plaignant lui envoie ces détails par télécopieur après la rencontre.

[45] À son retour à son bureau au poste de police municipale de Caraquet plus tard ce jour-là, le plaignant a téléphoné à sa mère et il a obtenu les coordonnées des membres de sa famille. Il a ensuite écrit à la main une lettre de deux pages qu'il a envoyée par télécopieur au gend. St-Laurent. Dans cette lettre, il a exposé ces détails, mais il a également ajouté, sous le titre Section sur les drogues, deux paragraphes précisant les deux occasions au cours desquelles il avait consommé des drogues. La première occasion mentionnée était l'hiver 1994, à l'extérieur de l'entrée d'une école secondaire, avant d'entrer pour assister à une soirée dansante qui avait lieu à cet endroit. La deuxième occasion mentionnée est le printemps ou l'été 1995, à l'extérieur d'une boîte de nuit nommée Cosmo, à Moncton. Il déclare qu'à chaque occasion il a consommé de la marijuana et du haschisch.

[46] Le plaignant a expliqué lors de l'audience qu'il avait en fait consommé des drogues en 1984 et 1985, et non en 1994 et 1995. Il n'a constaté l'erreur dans sa lettre envoyée par télécopieur que quelques jours avant sa deuxième rencontre avec le gend. St-Laurent le 8 mai 2001. Le plaignant n'a pas tenté avant cette rencontre d'informer le gend. St-Laurent de son erreur. Il a signalé l'erreur au gend. St-Laurent au cours de la rencontre, mais le gend. St-Laurent a dit qu'il était trop tard; la décision de ne pas recommander sa candidature avait déjà été prise.

[47] Le gend. St-Laurent a témoigné qu'il avait effectivement dit au plaignant de lui envoyer par télécopieur les adresses de ses parents américains. Il était concevable que le plaignant ne se rappelle pas facilement ces détails au cours de l'entrevue. Toutefois, le gend. St-Laurent n'était pas impressionné par le fait que le plaignant en ait profité pour compléter certaines de ses autres réponses d'entrevue ou pour ajouter des renseignements. Le gend. St-Laurent a témoigné que le but de l'entrevue est de tester la fiabilité et l'honnêteté des candidats, en vérifiant l'exactitude de leurs réponses. On s'attend donc à ce que les candidats répondent de façon complète à toutes les questions qui sont posées au cours de l'entrevue, sauf peut-être à des questions exigeant des réponses détaillées, comme l'adresse et le numéro de téléphone d'un parent.

[48] En outre, le gend. St-Laurent était étonné de voir le plaignant déclarer avoir consommé des drogues si récemment, alors qu'il avait déjà amorcé sa carrière de policier. Il était de plus décontenancé par l'âge que le plaignant aurait eu au moment de la consommation de drogues déclarée, au point où il a inscrit sur son exemplaire du document télécopié le commentaire suivant : [traduction] 30 ans. Le gend. St-Laurent n'a pas interprété cette consommation illégale de drogues comme une simple expérience de jeunesse. Le gend. St-Laurent a témoigné que la GRC n'écartera généralement pas des candidats simplement parce qu'ils ont pu essayer certaines drogues moins dures alors qu'ils étaient étudiants à l'école secondaire. Cependant, une consommation plus récente, même à titre d'expérience, notamment alors que la personne exerce déjà la profession de policier, est beaucoup plus préoccupante. Le gend. St-Laurent se demandait également pourquoi le plaignant était soudainement capable de se rappeler les années exactes de sa consommation de drogues, après avoir eu tant de difficultés à s'en souvenir au cours de l'entrevue.

[49] Une autre question posée au plaignant au cours de l'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité était celle de savoir si un service de police, y compris la GRC, avait déjà refusé de l'employer. Le plaignant a répondu qu'il avait présenté une demande en vue de devenir membre de la GRC au milieu des années 1980, mais que sa demande avait été rejetée à l'étape de l'entrevue parce qu'il avait admis avoir essayé des drogues quelques années auparavant.

[50] Le gend. St-Laurent a témoigné qu'il a tenu compte de tous les renseignements fournis par le plaignant, comme ils avaient été fournis. Le refus fondé sur la consommation de drogues au cours des années 1980, associé à la déclaration transmise par télécopieur selon laquelle il avait consommé des drogues en 1994 et 1995, supposait qu'il s'agissait de plus qu'une simple expérience.

[51] Dans le contexte du processus de vérification, le gend. St-Laurent a pris contact avec le sergent d'état-major Jacques Ouellette, l'agent de dotation de la GRC qui avait eu une entrevue avec le plaignant au milieu des années 1980. Le sergent d'état-major Ouellette ne se souvenait pas précisément du plaignant. Cependant, il a ajouté que s'il avait rejeté une demande en raison d'une consommation de drogues déclarée, cette consommation avait dû avoir lieu à au moins trois ou quatre reprises.

[52] Le gend. St-Laurent a par conséquent commencé à être généralement inquiet quant au nombre des divergences qui ressortaient à l'égard de la consommation de drogues du plaignant. Ce qui au départ était une admission de consommation de drogues à trois ou quatre reprises à titre d'expérience, qui avait eu lieu il y a si longtemps que le plaignant était incapable de se rappeler les circonstances réelles, s'était maintenant transformé en au moins sept ou huit occasions de consommation qui avaient eu lieu aussi récemment qu'en 1995, alors que le plaignant exerçait la profession de policier.

B. Incohérences et divergences à l'égard du départ du plaignant du service de police de Dieppe

[53] Les réponses du plaignant à l'égard de son emploi auprès du service de police de Dieppe préoccupaient également le gend. St-Laurent. L'enquête menée par la GRC afin de vérifier les réponses données par le plaignant lors de l'entrevue a révélé de nombreuses divergences.

[54] Les candidats doivent, avant l'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité, remplir un questionnaire pour l'obtention de l'autorisation de sécurité qui comporte une série de questions se rapportant aux emplois antérieurs. Les candidats doivent donner, dans le cas où ils auraient déjà été congédiés, le nom de leur superviseur et une brève explication quant aux motifs de congédiement. Le plaignant a mentionné dans son questionnaire qu'il avait été congédié du service de police de Dieppe en 1993, après trois ans de service. Il a expliqué qu'il avait été suspendu et congédié pour de supposés erreurs dans mon travail, qu'il a par la suite soumis son cas à l'arbitrage et qu'il a résigné pour de l'argent.

[55] Le plaignant a donné des détails quant à cet incident au cours de son entrevue avec le gend. St-Laurent. La suspension se rapportait à une affaire de conduite avec facultés affaiblies dans laquelle il devait témoigner. Malheureusement, il était grippé le jour du procès et, alors qu'il attendait pour témoigner, il a dû sortir de la salle d'audience et se rendre aux toilettes publiques. Il semble que le procureur n'a pas pu trouver le plaignant lorsque le temps est venu pour lui de témoigner. Pour une raison ou pour une autre, la Couronne a décidé de retirer les accusations plutôt que de demander un ajournement.

[56] Le chef de police de Dieppe, Terry Rouse, a par la suite informé le plaignant qu'il serait suspendu pendant sept jours. Le plaignant a déposé un grief, mais peu de temps après il a carrément été congédié du service de police. Il a également déposé un grief à l'égard du congédiement. Le jour de l'audition de l'arbitrage, l'employeur était réticent à procéder. Il a donc offert au plaignant, à titre de règlement définitif pour les deux griefs, la somme de 40 000 $ pour qu'il quitte le service de police. Le plaignant a accepté l'offre. Il a préféré cette solution à celle qui consistait à retourner sur un lieu de travail où ses activités seraient constamment examinées minutieusement.

[57] Le plaignant a témoigné qu'il était bien connu, au sein de la collectivité de maintien de l'ordre du Nouveau-Brunswick, que Rouse était très strict dans ses relations avec les policiers. Il prétend qu'il a discuté de ce fait avec le gend. St-Laurent, qui connaissait la réputation du chef et qui a reconnu que cela expliquerait probablement les événements qui ont conduit au congédiement du plaignant.

[58] Le plaignant avait apporté à l'entrevue des documents se rapportant au congédiement et a offert de les montrer au gend. St-Laurent. L'offre a été refusée. Le plaignant a témoigné qu'il a même offert, si on le lui demandait, de se soumettre au détecteur de mensonges à l'égard de son explication quant au congédiement de Dieppe. Le gend. St-Laurent ne se souvient pas de cette offre.

[59] Après l'entrevue, le gend. St-Laurent a écrit certains commentaires personnels sur le formulaire d'entrevue. Il a mentionné que le congédiement du plaignant du service de police de Dieppe et que ses autres dossiers d'emploi devraient être examinés en détail. Il a ajouté qu'il y avait peut-être [traduction] une question de rendement qui devait être clarifiée et examinée.

[60] Le gend. St-Laurent a demandé à Dale Mitton, un sergent d'état-major retraité de la GRC, d'examiner les antécédents d'emploi du plaignant au service de police de Dieppe. Le service de police de cette ville avait à ce moment été intégré à la GRC, dans le contexte du processus de fusion provinciale. Puisque le chef Rouse, qui avait congédié le plaignant, était décédé plusieurs années plus tôt, M. Mitton a rencontré l'ancien chef de police adjoint, Alan Parker, qui était maintenant un membre de la GRC en poste à Moncton. Dans son questionnaire, le plaignant avait désigné M. Parker comme un de ses superviseurs à Dieppe avec lequel on pouvait prendre contact pour des renseignements additionnels.

[61] M. Parker a dit à M. Mitton que le plaignant, alors qu'il travaillait pour le service de police de Dieppe, avait eu un [traduction] mauvais rendement et qu'il ne s'était pas conformé aux normes minimales auxquelles devait se conformer un policier débutant. Il n'achevait pas son travail à temps et il ne respectait jamais les dates d'agenda. Il était [traduction] peu sérieux dans son travail. M. Parker a également dit à M. Mitton que le plaignant avait été suspendu et par la suite congédié en raison de son mauvais rendement et en raison du fait qu'il ne respectait pas les exigences minimales. M. Parker a confirmé que le plaignant avait accepté un [traduction] dédommagement et qu'il avait démissionné du service de police. M. Parker a en outre mentionné qu'un ancien policier municipal de Moncton, Paul Desroches, lui avait déjà dit que le plaignant avait été vu dans la boîte de nuit Cosmo à Moncton, buvant à l'excès et fréquentant des [traduction] gens de réputation douteuse. Il avait même pu être [traduction] sous l'effet de drogues.

[62] M. Mitton a rencontré M. Desroches pour faire un suivi à l'égard de ces renseignements. M. Desroches se rappelait avoir reçu un appel d'un [traduction] citoyen préoccupé qui alléguait que le plaignant avait été vu dans une boîte de nuit du centre-ville en compagnie de [traduction] femmes de mauvaise réputation, s'adonnant à la conduite en état d'ébriété et consommant des drogues. M. Desroches a signalé qu'il n'avait pas pu confirmer l'exactitude des renseignements, le citoyen n'ayant pas révélé son nom. M. Desroches a simplement transmis les renseignements à M. Parker.

[63] Ni M. Desroches ni M. Parker n'ont témoigné lors de l'audience devant le Tribunal. M. Mitton a témoigné et a présenté en preuve un rapport d'enquête qu'il avait préparé et remis au gend. St-Laurent à la fin de mars 2001, dans lequel ces détails à l'égard des conversations qu'il avait eues avec M. Desroches et M. Parker étaient exposés.

[64] Dans le contexte de son enquête, M. Mitton s'est en outre rendu à l'hôtel de ville de Dieppe. Il a obtenu des photocopies des procès-verbaux des réunions du conseil municipal se rapportant à la suspension, au congédiement et aux griefs du plaignant, photocopies qu'il a également transmises au gend. St-Laurent.

[65] Le procès-verbal du 25 mai 1993 traitait longuement de la suspension du plaignant. Le chef Rouse a informé le conseil que le plaignant avait été suspendu avec salaire [traduction] en raison de difficultés de rendement dans son travail depuis la fin de sa période d'essai de six mois. Le chef a déclaré que le plaignant ne respectait pas ses [traduction] exigences de travail, en renvoyant à trois ou quatre incidents, un desquels se rapportait au procès de conduite en état d'ébriété, au cours duquel, selon ce que le chef a prétendu, le plaignant [traduction] s'était effondré à la barre après l'interrogatoire principal. Le chef a ajouté que le plaignant avait des [traduction] problèmes à répondre aux appels graves comportant des contacts physiques. Après une certaine interrogation de suivi, le conseil a décidé de soutenir la décision du chef Rouse de suspendre le plaignant.

[66] Le procès-verbal de la réunion du conseil daté du 25 avril 1994 se rapporte à l'entente qui avait été négociée avec le plaignant, en règlement de ses griefs en matière de travail. Certaines des conditions de l'entente sont exposées, notamment l'engagement du plaignant à retirer ses griefs et à démissionner du service de police, en échange d'une somme d'argent. On y mentionne que le chef Rouse a assuré le conseil que la ville avait un [traduction] cas solide, mais que les frais juridiques pour poursuivre l'affaire seraient plus élevés que s'il y avait un règlement suivant une entente négociée.

[67] M. Mitton a en outre obtenu de l'hôtel de ville de Dieppe des photocopies des relevés d'emploi et de rémunération du plaignant. La ville avait fourni au plaignant deux relevés d'emploi afin de lui permettre de présenter des demandes de prestations d'assurance-emploi. Le premier relevé a été rempli après sa suspension et son congédiement et le deuxième après le règlement des griefs. Les deux formulaires contiennent un commentaire selon lequel on ne s'attendait pas à ce que l'employé reprenne son travail parce qu'il [traduction] n'avait pas respecté [les] exigences minimales du service de police.

[68] Un des superviseurs du plaignant au service de police de Dieppe était Robert Bastarache, qui s'est par la suite joint à la GRC dans le contexte de l'intégration. Au moment de l'enquête sur le terrain, M. Bastarache était en poste au détachement de la GRC de Bouctouche. Le gend. St-Laurent a demandé à Pierre Quinn, un enquêteur retraité de la GRC, de rencontrer M. Bastarache pour une entrevue. Selon M. Quinn, M. Bastarache a déclaré qu'il avait eu vent [traduction] de nombreuses rumeurs se rapportant au plaignant, mais qu'il s'agissait [traduction] simplement de rumeurs. M. Bastarache ne voulait pas donner de détails. Cependant, il a signalé que lorsqu'il avait agi en tant que superviseur du plaignant, il avait estimé qu'il manquait d'expérience et de maturité.

[69] M. Bastarache a confirmé à M. Quinn qu'il n'avait jamais vu le plaignant prendre des drogues, se présenter au travail avec la gueule de bois ou afficher tout autre signe d'abus de drogues ou d'alcool. Il a terminé sa conversation avec M. Quinn en déclarant que même si le plaignant était [traduction] fier de porter l'uniforme, il [traduction] oubliait [la] responsabilité qui s'y rattachait. M. Bastarache estimait que le manque de maturité du plaignant était la cause de son manque de responsabilité.

[70] Les résultats des enquêtes sur le terrain menées par M. Quinn et M. Mitton causaient des préoccupations au gend. St-Laurent. Les renseignements recueillis donnaient à penser que le plaignant avait eu un mauvais rendement alors qu'il travaillait pour le service de police de Dieppe et qu'il ne s'était pas conformé aux normes minimales auxquelles un policier devait se conformer. Cela constituait en soi une préoccupation, mais le gend. St-Laurent était de plus préoccupé du fait que le plaignant n'avait pas mentionné au cours de son entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité que le mauvais rendement avait été un facteur de sa suspension. Le gend. St-Laurent a commencé à percevoir une divergence importante entre la description faite par le plaignant à l'égard des incidents qui avaient conduit à son départ du service de police de Dieppe et le portrait dépeint par l'enquête de la GRC.

[71] Même le comportement qu'avait le plaignant en dehors de son travail était mis en doute. Le gend. St-Laurent a reconnu que certains des renseignements étaient fondés sur des ouï-dire et des rumeurs. La fiabilité des renseignements reçus du citoyen préoccupé anonyme n'avait de toute évidence pas été établie. Cependant, selon lui, le fait que la boîte de nuit en cause, le Cosmo Club, était l'endroit où le plaignant avait également admis avoir consommé des drogues dans le passé corroborait [traduction] dans une certaine mesure ces renseignements.

C. L'omission du plaignant d'avoir divulgué le dossier criminel de son frère

[72] Dans le contexte de l'enquête de sécurité et de fiabilité, le gend. St-Laurent était tenu de demander au plaignant si un membre de sa famille immédiate ou un ami intime avait déjà participé à des activités criminelles. Selon le gend. St-Laurent, le plaignant a mentionné deux personnes qu'il avait désignées comme références morales. Le plaignant a témoigné lors de l'audience que ces deux amis avaient déjà été surpris en train de pêcher hors-saison, ce qui constitue une infraction en vertu de la loi, et qu'une amende leur avait été imposée à cet égard. En outre, un de ces hommes avait été mêlé à une altercation avec un voisin, ce qui avait entraîné une accusation de voies de fait. Il a par la suite été totalement acquitté par la cour.

[73] Après l'entrevue, dans le contexte du processus normal de vérification, le gend. St-Laurent a vérifié si quelque activité criminelle avait été inscrite à l'égard de l'un ou l'autre des amis ou membres de la famille du plaignant ou de quelque individu désigné par le plaignant comme référence morale. Le gend. St-Laurent a effectué sa recherche dans la banque de données informatisée nationale dont disposent tous les services de police, banque connue sous le nom du CPIC.

[74] La recherche a donné un résultat étonnant. Un des frères du plaignant, âgé d'environ un an et demi de moins que le plaignant, apparaissait dans le Fichier judiciaire nominatif (FJN) qui énumère apparemment les noms des individus contre lesquels des accusations ont été portées et dont les empreintes digitales ont été prises dans le passé. Le rapport du FJN pour le frère du plaignant établissait que ses dossiers se rapportaient à de [traduction] la violence, des vols et du sexe. Le rapport faisait toutefois une mise en garde selon laquelle l'entrée au nom du frère du plaignant ne comportait pas de dossier criminel. Le gend. St-Laurent a par conséquent cherché plus à fond dans la banque de données et a appris que le frère du plaignant avait été reconnu coupable en 1986 d'un vol de moins de 1 000 $, aux termes du Code criminel. Il y avait de plus une indication que le frère du plaignant avait été accusé d'agression sexuelle en 1987, et de voies de fait en 1998. Ces deux accusations avaient été portées en Colombie-Britannique, mais avaient par la suite fait l'objet d'un sursis.

[75] Une fois de plus, le gend. St-Laurent a eu des doutes et des préoccupations quant à la franchise et l'honnêteté du plaignant. Pourquoi n'avait-il pas mentionné son frère lorsqu'on lui a demandé d'énumérer les noms des membres de sa famille immédiate ayant participé à une activité criminelle?

[76] Le plaignant a témoigné qu'au moment de l'entrevue, il ne savait absolument rien de ces accusations et de cette déclaration de culpabilité. Il n'avait plus de contact avec son frère depuis de nombreuses années et il savait très peu de choses quant à ses activités. Il était au courant que son frère, alors qu'il était adolescent et qu'il vivait encore à la maison au Nouveau-Brunswick, avait déjà été interrogé par les policiers relativement à une allégation d'agression sexuelle. Cependant, aucune accusation n'avait été portée contre lui. Le plaignant se rappelle avoir mentionné ce dernier incident au gend. St-Laurent, mais il ne pouvait pas affirmer avec certitude quand il l'avait fait.

[77] Le gend. St-Laurent, d'autre part, ne se rappelle pas que le plaignant ait déjà fourni des renseignements à l'égard de quelque activité criminelle de son frère, y compris l'interrogatoire de la police à l'égard de l'agression sexuelle au Nouveau-Brunswick. Aucune mention à cet égard n'est consignée où que ce soit sur le formulaire que le gend. St-Laurent remplissait au cours de l'entrevue. Les noms des deux amis du plaignant qui ont commis des infractions liées à la pêche sont, cependant, clairement mentionnés dans la section du formulaire prévue pour l'énumération des connaissances ayant participé à des activités criminelles.

[78] Le gend. St-Laurent a reconnu avoir fait, lors de la rencontre du 8 mai 2001, un commentaire selon lequel l'omission du plaignant d'avoir mentionné les activités criminelles de son frère était un facteur de la décision de ne pas recommander son admission dans la GRC. Le gend. St-Laurent a rappelé au plaignant qu'il avait été informé au début de l'entrevue du 14 mars de l'importance de ne pas cacher des renseignements que l'enquêteur tentait d'obtenir.

[79] Le gend. St-Laurent a témoigné que la GRC n'a pas une ligne de conduite visant à refuser l'admission de candidats en raison des activités criminelles de leurs amis ou parents. Effectivement, la GRC n'a pas contesté l'affirmation du plaignant selon laquelle certains des policiers engagés au cours du processus d'intégration avaient des parents immédiats qui avaient des dossiers criminels beaucoup plus graves que celui du frère du plaignant. Le gend. St-Laurent a expliqué que si un ami ou un parent qui est très près d'un candidat participe à des activités criminelles, la GRC examine la question plus étroitement afin d'établir l'étendue de toute influence que cette personne peut avoir sur le candidat. Cependant, ce facteur n'est pas un empêchement automatique à l'admission.

[80] De toute façon, le gend. St-Laurent a témoigné que l'activité criminelle réelle du frère du plaignant n'était pas la question en litige relativement au plaignant. La préoccupation était le fait qu'il avait omis ou caché des renseignements importants au cours de l'entrevue, tout comme il l'avait fait à l'égard de son expérience de travail auprès du service de police de Dieppe et, dans une certaine mesure, à l'égard de sa consommation de drogues. Il importe de souligner que dans sa note de service au sergent d'état-major Rogers, le gend. St-Laurent ne met pas beaucoup d'accent sur le fait que le frère du plaignant se livrait à des activités criminelles, mais plutôt sur le fait que le plaignant avait [traduction] omis de divulguer que le FJN comportait une inscription au nom du frère du plaignant pour violence, vol et sexe. Selon le gend. St-Laurent, ce fait constituait une autre divergence qui était ressortie au cours du processus de vérification.

V. LES EXPLICATIONS DE LA GRC À L'ÉGARD DE LA PLAINTE FONDÉE SUR L'ARTICLE 7 SONT-ELLES RAISONNABLES OU SONT-ELLES SIMPLEMENT UN PRÉTEXTE POUR EXERCER DE LA DISCRIMINATION?

[81] J'estime que les explications de l'intimée à l'égard de la portion de la plainte fondée sur l'article 7 sont raisonnables et ne sont pas un prétexte.

[82] Il est regrettable que le plaignant, lorsqu'il a déposé sa plainte, n'ait pas eu en sa possession la note de service du gend. St-Laurent datée du 25 avril 2001, adressée à son supérieur le sergent d'état-major Rogers, qui expliquait les raisons pour lesquelles il ne recommandait pas la candidature du plaignant comme une candidature acceptable pour un emploi dans la GRC. Il ressort de façon évidente de la note de service que la décision du gend. St-Laurent était motivée par les divergences qui étaient ressorties de la vérification des réponses données par le plaignant lors de l'entrevue de sécurité et de fiabilité. Le sergent d'état-major Rogers a témoigné qu'après avoir lu la note de service, il a rencontré le gend. St-Laurent pour discuter des conclusions. Le sergent d'état-major Rogers était satisfait des conclusions du gend. St-Laurent et il y a souscrit. Le sergent d'état-major Rogers a répété dans son témoignage l'importance pour un candidat de faire preuve d'une [traduction] honnêteté brutale au cours de l'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité. Tous les candidats reçoivent des consignes à cet égard.

[83] Selon la GRC, son enquête sur le terrain avait révélé que le plaignant n'avait pas fait preuve d'une [traduction] honnêteté brutale. Toutefois, le plaignant prétend que ses réponses au cours de l'entrevue étaient conformes à la vérité et il soutient que les renseignements recueillis par la suite par les enquêteurs étaient incomplets et trompeurs, voire complètement erronés. Par exemple, le plaignant soutient avec insistance que son départ du service de police de Dieppe était totalement volontaire et que sa seule intention en quittant son emploi était d'éviter toute autre interaction avec le chef Rouse, avec lequel lui et un bon nombre de ses collègues policiers ne pouvaient pas s'entendre. Plusieurs témoins étaient d'accord avec le plaignant quant à son évaluation du chef et de l'attitude de ce dernier envers son personnel. Le plaignant conteste de plus le fait que certains des renseignements recueillis à Dieppe étaient fondés sur des rumeurs et des ouï-dire. Il nie la véracité de toutes ces allégations.

[84] Cependant, il demeure que les renseignements et les documents transmis au gend. St-Laurent par les deux enquêteurs nommés quant à cet aspect de l'enquête donnaient à penser le contraire. Ils indiquaient que le plaignant avait eu un mauvais rendement et que son congédiement motivé aurait en fin de compte était justifié devant un arbitre du travail si la ville n'avait pas réglé à l'avance les griefs. Quant aux rumeurs, le gend. St-Laurent a reconnu qu'elles avaient une valeur probante minime, mais il disposait tout de même des renseignements.

[85] Le gend. St-Laurent ne pouvait d'aucune façon savoir que le plaignant était en brouille avec son frère. Toutefois, il demeure que sa recherche dans la banque de données du CPIC a révélé des renseignements qu'il se serait attendu à voir divulguer par le plaignant. Je suis convaincu que le gend. St-Laurent a commencé à être véritablement préoccupé quant à l'honnêteté du plaignant à cet égard. Cette explication est raisonnable et il n'y a aucun élément de preuve donnant à penser qu'elle était un prétexte pour exercer de la discrimination fondée sur la situation de famille du plaignant.

[86] Quant à la consommation de drogues, c'est en raison des omissions et erreurs du plaignant lui-même que le gend. St-Laurent a été amené à croire que la consommation s'était prolongée jusqu'en 1995 alors que le plaignant exerçait déjà la profession de policier. Ce fait constituait une préoccupation évidente pour la GRC. Le plaignant prétend que la GRC aurait dû approfondir davantage la question. Elle aurait dû d'une façon ou d'une autre constater que le plaignant avait fourni des dates erronées. Il prétend que cela n'avait pas de sens qu'un homme âgé de 30 ans ait fumé du haschisch et du cannabis à l'extérieur d'une école secondaire où avait lieu une soirée dansante. Le gend. St-Laurent aurait dû se rendre compte de cela et rappeler le plaignant pour lui demander la date exacte.

[87] À mon avis, une telle affirmation est contraire à la raison. C'était le plaignant qui présentait une demande en vue de devenir membre de la GRC et il était tenu de s'assurer que les réponses et les renseignements qu'il fournissait au gend. St-Laurent étaient exacts et complets. Il ne peut pas blâmer la GRC pour s'être fiée à ce qu'il déclarait quant aux dates de sa consommation de drogues déclarée. Ce détail n'avait pas été fourni de vive voix lors de l'entrevue, alors qu'il était concevable qu'une déclaration inexacte puisse se produire. Plutôt, la déclaration était incluse dans un document préparé par le plaignant de sa propre main après l'entrevue et envoyé par lui à la GRC au moyen de l'appareil de télécopie de son bureau du poste de police de Caraquet.

[88] Le plaignant a prétendu qu'en fait certaines divergences n'existent pas. Il prétend que toutes ses réponses n'ont pas été consignées avec exactitude par le gend. St-Laurent au cours de l'entrevue. Par exemple, il nie avoir déclaré que la quantité et la fréquence de sa consommation hebdomadaire d'alcool étaient celles consignées par le gend. St-Laurent sur le formulaire. Le gend. St-Laurent a témoigné qu'il a écrit les réponses données et que de toute façon la quantité d'alcool consommé qui était inscrite était acceptable et ne constituait aucun obstacle à la candidature du plaignant.

[89] Le plaignant a reconnu qu'un bon nombre des autres parties du questionnaire reflétaient exactement ses réponses. Les notes du gend. St-Laurent à l'égard du service de police de Dieppe correspondent aux explications que le plaignant a témoigné avoir données au cours de l'entrevue. Cependant, l'enquête sur le terrain présentait un récit différent de celui rendu par le plaignant. De la même façon, quant à la consommation de drogues, la divergence ne se trouvait pas tellement entre les réponses données par le plaignant lors de l'entrevue et les entrées sur le questionnaire, mais plutôt entre ses réponses données lors de l'entrevue et le document contenant des erreurs qui a par la suite été envoyé par télécopieur.

[90] Finalement, cela n'aurait pas eu beaucoup de sens que le gend. St-Laurent omette d'écrire le nom du frère du plaignant comme une connaissance se livrant à une activité criminelle si le plaignant avait effectivement divulgué ce qu'il savait relativement à l'interrogatoire qu'avaient tenu les policiers quant à son frère alors que ce dernier vivait encore à la maison au Nouveau-Brunswick. J'estime qu'il est peu vraisemblable que le gend. St-Laurent ait consigné les noms de deux amis qui avaient illégalement fait de la pêche et non le nom d'un frère qui avait fait l'objet d'un interrogatoire quant à une agression sexuelle. Le plaignant a prétendu que cette omission et que les autres prétendues omissions avaient été faites délibérément et qu'elles faisaient partie d'une plus grande machination organisée pour l'empêcher de devenir membre de la GRC. Comme je l'explique par la suite dans la présente décision, la preuve n'appuie pas cette prétention.

[91] L'avocat du plaignant a prétendu vigoureusement que tout le témoignage du gend. St-Laurent n'était pas digne de foi parce qu'il a initialement témoigné que lors de la deuxième rencontre avec le plaignant, la décision de refuser sa mutation n'avait pas encore été prise. Pourtant, par la suite lors du contre-interrogatoire du gend. St-Laurent, il a été dévoilé que son rapport au sergent d'état-major Rogers avait été présenté et accepté par un comité de la haute direction en date du 27 avril 2001, presque deux semaines avant la deuxième rencontre (8 mai 2001).

[92] Le gend. St-Laurent a expliqué qu'il n'y avait pas de contradictions à cet égard. La division J de la haute direction de la GRC a tenu une rencontre le 27 avril 2001. Le procès-verbal de la rencontre énonce que les conclusions d'enquête du gend. St-Laurent et sa recommandation avaient été produites et que le commandant divisionnaire [traduction] souscrivait à cette recommandation. Le gend. St-Laurent prétend que la décision de rejeter la mutation du plaignant n'avait pas encore été officiellement prise. Même si le commandant divisionnaire souscrivait à la recommandation, la demande du plaignant pouvait encore en théorie être acceptée. Ce scénario semble invraisemblable, mais à mon avis la soi-disant contradiction dans le témoignage du gend. St-Laurent, comme l'énonce le plaignant, n'a pas de conséquences sur la fiabilité de cet élément de preuve.

[93] Indépendamment de la question de savoir si la décision définitive avait ou non déjà été prise lorsque le gend. St-Laurent a rencontré le plaignant le 8 mai 2001, la preuve documentaire démontre que la recommandation de ne pas accepter la candidature du plaignant était fondée sur les divergences qui étaient ressorties au cours de sa vérification de sécurité et de fiabilité. Ces divergences soulevaient des questions à l'égard de l'honnêteté, de l'intégrité et du rendement du plaignant. La GRC a conclu que le plaignant n'avait pas été honnête lors de son entrevue, comme le démontrait son omission d'avoir mentionné quelque activité criminelle de son frère ainsi que sa divulgation seulement partielle de renseignements à l'égard de ses antécédents au service de police de Dieppe et à l'égard de sa consommation de drogues. La GRC a en outre commencé à avoir certaines préoccupations générales à l'égard de ses compétences en tant que policier en raison des renseignements recueillis qui donnaient à penser qu'il avait eu un mauvais rendement au cours de la période de son emploi à Dieppe et de son apparente admission subséquente de consommation de drogues à un âge relativement mûr, bien après qu'il eut amorcé sa carrière dans la police.

[94] Ces explications sont raisonnables.

A. La GRC a-t-elle fait une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant?

[95] Le plaignant prétend que les explications de la GRC sont simplement un prétexte pour exercer de la discrimination à son endroit. J'ai déjà traité de la question se rapportant à son frère. J'estime que les explications de la GRC sont raisonnables et ne sont pas un prétexte.

[96] À l'égard de la prétention du plaignant quant à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, la conversation qui a eu lieu entre M. Desaulniers et M. McGraw est de façon évidente une conversation essentielle. Il est admis entre les parties que l'orientation sexuelle du plaignant a été soulevée au cours de cette conversation. M. Desaulniers a facilement reconnu que le sujet a été discuté, mais il nie qu'il ait soulevé la question de la manière exposée par M. McGraw.

[97] Le gend. St-Laurent avait pris contact avec M. Desaulniers au téléphone à la fin de mars 2001 pour lui demander de mener des enquêtes sur le terrain à l'égard de tous les policiers de Caraquet qui sollicitaient leur admission dans la GRC, et non à l'égard du plaignant seulement. Il a rencontré plus de 100 personnes dans la région de Caraquet/Tracadie-Sheila au cours d'une semaine, principalement des personnes désignées comme références morales des candidats, de même que des voisins et des employeurs. Il n'a pas réussi à mener des entrevues à l'égard du plaignant avant la fin de la journée le mercredi de cette semaine-là.

[98] Au cours de leur conversation téléphonique initiale, le gend. St-Laurent a dit à M. Desaulniers qu'il avait certaines préoccupations à l'égard de la candidature du plaignant, préoccupations qui résultaient des réponses données au cours de l'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité. M. Desaulniers a consigné ces préoccupations dans son carnet de notes, qui a été déposé en preuve, y compris la consommation de drogues du plaignant, de même que son possible congédiement motivé du service de police de Dieppe.

[99] Avant de rencontrer M. McGraw, M. Desaulniers a eu des entrevues avec plusieurs des amis et collègues de travail du plaignant. Chacun d'eux a fait des commentaires positifs à l'égard du plaignant, déclarant qu'il était un policier honnête et travaillant et une bonne personne dans l'ensemble. Un des amis avec lequel M. Desaulniers a eu une entrevue était Denis Albert, un ambulancier qui avait rencontré le plaignant environ cinq ans plus tôt, lorsque ce dernier travaillait pour le service de police de Tracadie. Selon les notes de M. Desaulniers, M. Albert a dit qu'il considérait le plaignant comme un frère aîné. Ils faisaient régulièrement ensemble de la plongée sous-marine, de la chasse au petit gibier et des randonnées hors route dans leurs jeeps. M. Albert a dit à M. Desaulniers qu'il croyait que le plaignant était un bon policier qui ferait également un bon policier dans la GRC.

[100] M. Desaulniers a remarqué que M. Albert avait la tête rasée et quil portait un tatouage au bras. Il a témoigné que M. Albert lui avait laissé une impression. Dans les notes qu'il a consignées au cours de l'entrevue, M. Desaulniers a écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Tête rasée/tatouage

Mode de vie différent????

Franc, mais quelque chose????

[101] M. Albert a témoigné lors de l'audience qu'il se rasait effectivement la tête à l'époque et qu'il avait un tatouage au bras qui reflétait le niveau qu'il a atteint dans l'art martial jiu-jitsu. Il portait également une épingle à l'oreille. Il avait eu l'impression au cours de l'entrevue que M. Desaulniers l'examinait visuellement de la tête aux pieds, mais il a reconnu qu'un bon nombre de gens le regardaient habituellement différemment à cause de son apparence, qu'il décrivait comme militaire. Les gens étaient souvent réticents à lui parler à cause de son apparence.

[102] M. Desaulniers a témoigné qu'en utilisant l'expression [traduction] mode de vie différent, il voulait dire quelqu'un qui est différent des autres et qui est hors des normes de la société, quelqu'un comme M. Albert, qui avait la tête rasée et portait des tatouages et une épingle à l'oreille. M. Desaulniers estimait que M. Albert était un individu [traduction] curieux, mais il a en outre souligné que ses notes à cet égard étaient des notes personnelles. Aucun de ces renseignements n'a été transmis au gend. St-Laurent. Dans le rapport définitif de M. Desaulniers transmis au gend. St-Laurent, qui a été produit lors de l'audience, il expose seulement les activités sportives que M. Albert faisait avec le plaignant, de même que sa recommandation positive. M. Desaulniers a écrit que M. Albert [traduction] répondait du plaignant.

[103] À la suite de l'entrevue avec M. Albert, M. Desaulniers a rencontré M. McGraw. Contrairement au questionnaire que M. McGraw avait rempli pour le plaignant, dans lequel il déclarait que la rencontre a eu lieu le 28 mars 2001, il est énoncé dans le carnet de notes de M. Desaulniers que la rencontre a eu lieu le 6 avril 2001. M. Desaulniers a témoigné qu'il a suivi la même méthodologie qu'il suit pour toutes ses entrevues. Il a simplement demandé à M. McGraw ce qu'il pensait du plaignant. M. McGraw a dit qu'il était un individu honnête et bon. M. Desaulniers a dit à M. McGraw qu'il avait déjà parlé à plusieurs autres personnes désignées comme références morales, y compris à l'ami du plaignant, Denis Albert. M. Desaulniers a ajouté qu'on ne pouvait pas facilement oublier M. Albert compte tenu de sa tête rasée, de ses tatouages et de son épingle à l'oreille.

[104] À ce moment, selon M. Desaulniers, M. McGraw a dit : Oh, tu parles de Denise pis Daniel. M. Desaulniers n'a pas compris ce commentaire et a demandé ce qu'il signifiait. M. McGraw a expliqué que certaines personnes non identifiées, qui selon ce que M. Desaulniers a tenu pour acquis étaient des collègues policiers de Caraquet, avaient l'habitude de parler du plaignant et de M. Albert en utilisant cette expression. M. Desaulniers a demandé pourquoi. Denis Albert était-il le chum du plaignant? M. Desaulniers se rappelle que M. McGraw a dit : Oh non, c'est pas un gars de même, et a ensuite continué à parler pendant environ une minute de la copine du plaignant. M. Desaulniers a coupé la parole à M. McGraw et lui a dit qu'il n'était pas intéressé à savoir si le plaignant était homosexuel.

[105] Il a ensuite demandé à M. McGraw, en tant qu'ancien superviseur du plaignant, de donner une opinion à l'égard du rendement du plaignant au sein du service de police de Caraquet. M. McGraw a dit de nouveau que le plaignant travaillait bien et qu'il avait un bon rendement. Ils ont ensuite discuté de ce que M. Desaulniers avait perçu, au cours de la visite qu'il avait lui-même effectuée, à la résidence isolée du plaignant. M. McGraw a déclaré que le plaignant vivait une vie assez solitaire. Ce point avait également été mentionné par le chef Aubin au cours de son entrevue.

[106] Les questions ont par la suite porté sur les circonstances entourant le départ du plaignant du service de police de Dieppe. M. McGraw ne savait rien de l'incident et, selon M. Desaulniers, cette question semblait le secouer plus que la discussion à l'égard de M. Albert. Sur un autre point, M. McGraw a mentionné au cours de l'entrevue que le plaignant avait eu certaines difficultés concevables à accepter la mort subite de son père quelques années plus tôt. C'était l'étendue de leur conversation qui, selon M. Desaulniers, a duré environ quinze minutes.

[107] M. Desaulniers a témoigné que, tout comme il l'avait fait après chacune des entrevues menées à Caraquet, dès qu'il est retourné à son véhicule, il a consigné dans son ordinateur portable un résumé de l'entrevue. L'entrée à l'égard de M. McGraw comportait onze lignes. Il n'y a pas de mention de l'orientation sexuelle. La dernière phrase précise que M. McGraw n'a fait aucune remarque désobligeante à l'endroit du plaignant et qu'il répondait de lui. Les mêmes notes ont été copiées textuellement dans le rapport que M. Desaulniers a envoyé par la suite au gend. St-Laurent.

[108] L'orientation sexuelle du plaignant n'est mentionnée nulle part dans le rapport qui résume toutes les entrevues de M. Desaulniers relativement aux enquêtes sur le terrain menées à l'égard du plaignant. Tous les commentaires notés sont positifs et ils déclarent de façon générale que le plaignant est un bon policier et une bonne personne dans l'ensemble.

[109] M. Desaulniers a déposé lors de l'audience un document additionnel intitulé [traduction] Commentaires de l'enquêteur à l'endroit du plaignant, commentaires qui avaient également été inscrits dans son ordinateur. M. Desaulniers a soutenu avec insistance dans son témoignage qu'il n'avait jamais envoyé cette note au gend. St-Laurent et qu'il ne lui avait pas non plus communiqué le contenu de cette note de quelque façon. Il s'agissait simplement d'une note qu'il avait consignée à son dossier. La note énonce que même si aucun élément négatif n'était ressorti au cours de l'enquête sur le terrain, aucune des personnes avec lesquelles il avait eu des entrevues n'avait offert ce qu'il décrivait comme un [traduction] soutien solide. Il a expliqué que la note était son interprétation des commentaires des personnes désignées comme références quant à la moralité, qui tendaient tous à dire que le plaignant était un individu bon et honnête, de même qu'un bon travailleur. Cependant, personne n'a décrit le plaignant dans des termes que M. Desaulniers qualifierait d'extraordinaires.

[110] M. Desaulniers a en outre souligné dans la note que le plaignant était un [traduction] célibataire vivant dans une maison de type chalet assez isolée dans les bois. Il terminait sa note en déclarant que tous ces commentaires étaient simplement des observations notées [traduction] aux fins du dossier. Il a expliqué dans son témoignage qu'il avait initialement prévu inclure ces observations dans son rapport au gend. St-Laurent, mais en préparant la version définitive du rapport, il a décidé que ces commentaires n'étaient pas nécessaires et il ne les a donc pas joints au rapport. Le fichier électronique contenant le texte est simplement resté dans son ordinateur.

B. Les preuves de M. Desaulniers et de M. McGraw peuvent-elles être conciliées?

[111] À mon avis, M. McGraw et M. Desaulniers semblaient tous deux honnêtes et francs à l'égard de leur preuve. Je suis conscient que M. McGraw est une connaissance du plaignant et que, pour des raisons de santé, il ne se qualifiait pas pour devenir membre de la GRC avec ses autres collègues du service de police de Caraquet. L'avocate de l'intimée a avancé qu'il pouvait par conséquent être partial envers la GRC. Je suis également conscient que M. Desaulniers est un ancien agent de la GRC. Il a confirmé dans son témoignage que les lignes de conduite de la GRC lui interdisaient de mener des enquêtes quant à l'orientation sexuelle d'un candidat et a reconnu que tout mandat d'enquête sur le terrain qu'il pourrait à l'avenir obtenir de la GRC peut être compromis s'il était établi qu'il avait fait une telle enquête dans la présente affaire.

[112] En gardant cela en tête, leurs preuves peuvent-elles être conciliées? Je crois que c'est possible. D'une part, ce dont se souvenait M. McGraw était fondé en grande partie sur le questionnaire qu'il avait rempli à la demande du plaignant, plus d'un mois après l'entrevue. En raison de l'écoulement du temps, il peut se produire des erreurs à l'égard de ce dont une personne se souvient quant aux événements. Ainsi, par exemple, M. McGraw a inscrit sur le questionnaire que la date de sa rencontre était le 28 mars 2001. Toutefois, je suis convaincu, compte tenu de plusieurs documents présentés en preuve, que la rencontre a eu lieu le 6 avril 2001. D'autre part, M. Desaulniers a inscrit dans son ordinateur, quelques minutes seulement après la fin de l'entrevue, ce dont il se souvenait à l'égard de la rencontre. Il n'y a dans ces notes aucune mention de questions posées à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. Évidemment, on ne s'attendrait normalement pas à ce que quelqu'un qui a sciemment posé des questions discriminatoires reconnaisse dans ses notes avoir eu une telle conduite répréhensible.

[113] Mais de toute façon, je n'estime pas qu'il y ait une grande disparité entre ce dont se souviennent les deux hommes quant à leur conversation. Les deux hommes ont témoigné qu'ils avaient discuté de l'orientation sexuelle du plaignant. M. McGraw a écrit dans son questionnaire que M. Desaulniers avait entamé la discussion en demandant si le plaignant était homosexuel et avait ensuite demandé pourquoi les gens appelaient le plaignant et son ami Daniel et Denise. Dans la séquence des événements que M. McGraw présente, cette question est survenue de façon plutôt inattendue et semble être totalement hors contexte. Bien que ce dont se souvient M. Desaulniers quant à la séquence des événements n'ait pas été officiellement présenté à M. McGraw afin qu'il y réagisse, il est significatif que lors du contre-interrogatoire, M. McGraw a admis que son questionnaire ne constituait pas une déclaration textuelle de la conversation. Il a reconnu que les questions et réponses avaient pu être dans un ordre différent. Le questionnaire était un souvenir général de ce qui s'était dit lors de la rencontre.

[114] À mon avis, la version des événements faite par M. Desaulniers a beaucoup plus de sens et est compatible avec les circonstances entourant l'enquête sur le terrain. M. McGraw était le dernier à avoir une entrevue avec M. Desaulniers cette semaine-là. M. Desaulniers a mentionné le nom de l'une des personnes qu'il venait juste de rencontrer, M. Albert. M. McGraw a alors mentionné le surnom que l'on donnait au plaignant et à M. Albert, Daniel et Denise. M. Desaulniers a témoigné qu'on ne lui avait pas parlé de cette expression auparavant. Effectivement, aucune des autres personnes désignées comme références morales avec lesquelles il avait eu des entrevues, et qui ont toutes été appelées comme témoins lors de l'audience, n'a déclaré avoir discuté de cette expression avec M. Desaulniers.

[115] M. Desaulniers reconnaît avoir demandé en réponse si M. Albert était le conjoint ou le petit ami du plaignant. Il s'agit d'une question qui se rapporte de façon évidente à l'orientation sexuelle du plaignant, mais je ne crois pas qu'il s'agissait d'une question calculée au sujet de l'orientation sexuelle du plaignant. Il convient de noter que M. Desaulniers a eu une entrevue avec M. McGraw non seulement relativement au plaignant, mais également relativement à un autre candidat du service de police de Caraquet. M. McGraw a reconnu dans son témoignage que M. Desaulniers n'a posé aucune question à l'égard de l'orientation sexuelle de l'autre candidat. Je suis convaincu, dans toutes les circonstances, que le commentaire de M. McGraw à l'égard du surnom Daniel et Denise a incité M. Desaulniers à poser sa question d'une manière spontanée, peut-être plus par curiosité normale qu'en raison de quelque obligation de sa part de poser des questions à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant aux fins de son enquête.

[116] En fin de compte, indépendamment de la manière selon laquelle le sujet a été soulevé, les deux témoins conviennent que le dernier commentaire de M. Desaulniers a été que l'orientation sexuelle du plaignant ne faisait aucune différence à l'égard de sa demande présentée en vue de devenir membre de la GRC.

[117] De façon plus importante, il n'y a aucune preuve que ce soit qui indique ou même qui donne à penser que M. Desaulniers ait déjà transmis de quelque façon au gend. St-Laurent des renseignements à l'égard de l'orientation sexuelle, présumée ou réelle, du plaignant. Effectivement, M. Desaulniers et le gend. St-Laurent ont témoigné tous deux qu'encore maintenant, ils n'ont aucune idée de l'orientation sexuelle du plaignant. En fait, la réponse de M. McGraw à M. Desaulniers, dans un langage assez grossier (il est trop macho pour être un fif), aurait indiqué à M. Desaulniers que le plaignant n'était pas homosexuel.

[118] M. McGraw, évidemment, n'était pas le seul témoin à prétendre qu'on lui avait posé des questions à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. M. McLaughlin a témoigné qu'on lui a également posé une question à cet égard. M. Desaulniers, dans sa preuve, a déclaré catégoriquement qu'il ne se rappelait aucunement avoir posé une telle question à M. McLaughlin. Il se rappelait clairement les circonstances de l'entrevue qui avait été tenue dans le sous-sol de la maison de M. McLaughlin. Le fils de M. McLaughlin était présent au cours de leurs discussions. De plus, M. Desaulniers a pris de nombreuses notes manuscrites au cours de l'entrevue. Les notes reflètent les mêmes renseignements que M. McLaughlin a dit avoir fournis, à savoir que le plaignant était un bon employé qui faisait du bon travail et qu'il n'avait pas de commentaires désobligeants à faire. Les notes indiquaient même exactement le nombre d'années pendant lesquelles M. McLaughlin avait travaillé en tant que policier. Les notes ne comportent aucune mention de quelque discussion à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. Comme dans le cas des commentaires de M. McGraw, la recommandation positive de M. McLaughlin à l'égard de la candidature du plaignant était reportée dans le rapport qui a par la suite été envoyé au gend. St-Laurent.

[119] Il semblerait par conséquent y avoir une contradiction claire entre le témoignage de M. Desaulniers et celui de M. McLaughlin. Compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, je ne suis pas d'avis que le récit de la conversation fait par M. McLaughlin est convaincant. Premièrement, il a fait son affirmation pour la toute première fois vers la fin de son témoignage lors de l'audience. Les parties à des audiences devant le Tribunal sont tenues par les Règles de procédure du Tribunal de déposer avant l'audience un Exposé des précisions énonçant, entre autres, les noms des divers témoins qu'elles ont l'intention de citer ainsi qu'un résumé du témoignage prévu de chacun d'eux, communément appelé le résumé de témoignage.

[120] Le résumé de témoignage de M. McLaughlin mentionnait seulement qu'il témoignerait qu'il avait travaillé avec le plaignant en tant que policier et que le plaignant avait les compétences et la moralité nécessaires pour être membre de la GRC. En fait, le résumé de témoignage de M. McLaughlin n'était pas différent de celui d'au moins dix autres témoins, qui ont fondamentalement témoigné que le plaignant avait une bonne moralité et qu'il serait un bon agent de la GRC. Le résumé de témoignage de M. McGraw, par contre, était assez explicite puisqu'il prévoyait qu'il témoignerait que M. Desaulniers lui avait posé des questions à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. Cet énoncé s'est révélé une représentation exacte de son témoignage.

[121] Lors de l'audience, le plaignant a déposé en preuve le rapport d'enquête de la Commission. Bien que le rapport expose de façon détaillée les affirmations de M. McGraw, il n'y a aucune mention que ce soit d'affirmations similaires de la part de M. McLaughlin. En fait, l'enquêteuse de la Commission a écrit que des dix individus avec lesquels M. Desaulniers a eu des entrevues, qui ont accepté de lui parler à l'égard de l'affaire, tous sauf M. McGraw ont déclaré qu'on ne leur avait pas posé de questions à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. L'enquêteuse de la Commission n'a pas précisé les noms de toutes les personnes à qui elle avait parlé, mais le rapport de M. Desaulniers présenté au gend. St-Laurent mentionnait qu'il avait eu des entrevues avec huit amis et collègues, de même qu'avec trois voisins. Il est par conséquent très probable que M. McLaughlin soit l'une des dix personnes avec lesquelles elle a pris contact.

[122] Il semble que même l'avocat du plaignant ne connaissait pas avant l'audience l'allégation que ferait M. McLaughlin. L'avocat du plaignant a informé le Tribunal au cours des observations finales qu'il n'avait eu ce renseignement que lors de l'audience. En outre, bien que la plainte en matière des droits de la personne présentée par le plaignant consacre un paragraphe de cinq lignes aux allégations de M. McGraw, elle ne comporte aucune mention que ce soit quant aux allégations de M. McLaughlin.

[123] J'estime qu'il est frappant que cette affirmation, qui pourrait être considérée comme une preuve aussi importante pour la cause du plaignant que celle de M. McGraw, ait été soulevée pour la première fois lors de l'audience. Ce fait à lui seul soulève la question de la crédibilité de cette preuve, notamment lorsqu'elle est juxtaposée à une dénégation digne de foi de M. Desaulniers qui est appuyée par des notes détaillées et contemporaines et par un souvenir clair de l'entrevue.

[124] De toute façon, comme je l'ai déjà déclaré, il n'y a en fin de compte aucune preuve que ce soit démontrant que M. Desaulniers ait donné quelque indication ou ait fait quelque commentaire au gend. St-Laurent à l'égard de l'orientation sexuelle, perçue ou réelle, du plaignant ou que la question ait déjà été discutée entre eux. Je n'ai trouvé aucun élément de preuve, même circonstanciel, suggérant le contraire. M. Desaulniers a témoigné que sa seule discussion verbale avec le gend. St-Laurent à l'égard du plaignant a eu lieu au cours de leur conversation téléphonique initiale. Par la suite, on lui a remis une enveloppe contenant des photocopies des questionnaires de tous les candidats de Caraquet qui détaillaient les noms des membres de la famille, des amis et des collègues de travail avec lesquels il devait prendre contact au cours de l'enquête sur le terrain.

[125] M. Desaulniers a témoigné qu'il a parlé au sergent Pagé au cours de l'enquête sur le terrain menée à Caraquet, mais seulement à l'égard d'un autre candidat, et non à l'égard du plaignant. Après avoir achevé son enquête, il a simplement déposé ses rapports au bureau de la GRC à Fredericton. Il n'a pas eu d'autres communications avec le gend. St-Laurent à l'égard du plaignant jusqu'à plusieurs mois plus tard, lorsque le gend. St-Laurent a téléphoné pour lui dire que le plaignant avait déposé une plainte en matière des droits de la personne. M. Desaulniers était même surpris d'apprendre que le plaignant n'avait pas été engagé par la GRC. Il avait simplement tenu pour acquis que la demande présentée par le plaignant avait été acceptée.

C. Quelle est la théorie du plaignant quant aux raisons du rejet de sa demande?

[126] Dans ses observations finales, l'avocat du plaignant a présenté une théorie sur la question de savoir comment et pourquoi, selon lui, le plaignant a fait l'objet de discrimination dans la présente affaire.

[127] L'histoire commencerait avec le sergent Pagé. Ses commentaires lors de l'entrevue pour le journal révélaient qu'il ne voulait pas avoir dans son détachement de la GRC des membres homosexuels, compte tenu du risque de chantage auquel des malfaiteurs pourraient les soumettre. Le sergent Pagé a fait connaître son opinion au gend. St-Laurent avant que la vérification de sécurité et de fiabilité ait commencé. Le gend. St-Laurent, en raison de la demande du sergent Pagé, a par la suite délibérément posé des gestes pour s'assurer que le résultat de la vérification de sécurité et de fiabilité du plaignant soit si défavorable que le sergent d'état-major Rogers n'ait d'autre choix que de rejeter sa candidature. Le gend. St-Laurent a par conséquent consigné inexactement certaines des réponses du questionnaire d'enquête de sécurité et de fiabilité du plaignant. Aux mêmes fins, le gend. St-Laurent a en outre refusé de regarder le dossier du plaignant en provenance de Dieppe qu'il avait apporté avec lui à la rencontre.

[128] À la suite de la rencontre, en application de la demande du sergent Pagé, le gend. St-Laurent a délibérément omis de rappeler le plaignant pour lui demander si les dates qu'il avait fournies à l'égard de sa consommation de drogues étaient incorrectes. De plus, en donnant des instructions aux enquêteurs sur le terrain nommés pour procéder à l'examen des antécédents d'emploi du plaignant à Dieppe, le gend. St-Laurent leur a dit de chercher seulement les fausses déclarations et les renseignements défavorables. Le plaignant a prétendu que le gend. St-Laurent a en outre dit à M. Desaulniers de faire une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant, toujours en vue du même objectif, à savoir empêcher que le plaignant devienne membre de la GRC.

[129] Les déclarations et les renseignements soi-disant faux recueillis par les enquêteurs permettaient au gend. St-Laurent de répondre à la demande du sergent Pagé et empêchaient que le plaignant devienne membre de la GRC.

[130] Après avoir examiné ce qui précède, j'ai conclu que les faits n'appuient pas la théorie du plaignant. Il n'existe aucune preuve que ce soit démontrant que le sergent Pagé ait déjà parlé au gend. St-Laurent du plaignant. Il ne ressort pas non plus, du reste, de façon évidente de l'article de journal que le sergent Pagé s'oppose à ce que des homosexuels deviennent membres de la GRC. Aucune des parties n'a appelé le sergent Pagé comme témoin.

[131] Il y a certaines failles évidentes de logique dans la théorie. Par exemple, si le sergent Pagé croyait déjà que le plaignant était homosexuel et ne voulait pas qu'il devienne membre de la GRC, pourquoi M. Desaulniers aurait-il reçu des instructions de poser à M. McGraw une question à l'égard de son orientation sexuelle? Et si une telle question était nécessaire, pourquoi la question avait-elle été posée à M. McGraw (et soi-disant à M. McLaughlin), et non à aucune des autres personnes désignées comme références quant à la moralité avec lesquelles il avait eu des entrevues (au moins neuf autres personnes)?

[132] J'ai déjà souligné que l'affirmation du plaignant selon laquelle le gend. St-Laurent a délibérément omis de consigner quelque réponse sur le questionnaire n'est pas fondée et qu'il n'est pas logique pour le plaignant de blâmer qui que ce soit autre que lui pour l'inscription de dates erronées quant à sa consommation de drogues. Les divergences n'étaient pas tellement entre les notes du gend. St-Laurent et les réponses alléguées du plaignant qu'entre les réponses et les enquêtes sur le terrain. Je suis d'avis que tous les enquêteurs sur le terrain ont agi de bonne foi. Ils ont simplement fait un rapport de ce qu'ils avaient entendu et leurs témoignages étaient tous, du reste, dignes de foi. Ils étaient à certains moments étayés par de la preuve documentaire indépendante et ils contenaient souvent des récits positifs. En fait, relativement à M. Desaulniers, celui qui a soi-disant fait une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant, son rapport fait au gend. St-Laurent était le plus favorable de tous les rapports d'enquête sur le terrain.

[133] Il n'est pas nécessaire de traiter plus à fond de la théorie du plaignant. Elle n'est pas appuyée par la preuve et elle est par conséquent rejetée.

[134] Pour tous les motifs précédemment énoncés, je conclus que les explications de l'intimée sont raisonnables et ne sont pas un prétexte pour exercer de la discrimination. La portion de la plainte fondée sur l'article 7 est par conséquent rejetée.

VI. LA RÉPONSE DE LA GRC À LA PORTION DE LA PLAINTE FONDÉE SUR L'ARTICLE 10 : LES LIGNES DE CONDUITE ALLÉGUÉES N'EXISTENT PAS

[135] À l'égard de l'article 10, le plaignant a prétendu dans son formulaire de plainte que la GRC appliquait des lignes de conduite fondées sur un motif illicite (son orientation sexuelle) qui étaient susceptibles d'annihiler ses chances d'emploi. La preuve établissant prima facie la discrimination à l'égard de cette portion de la plainte consistait principalement dans les commentaires faits par le sergent Pagé à la journaliste et dans le récit de M. McGraw à l'égard de ce que M. Desaulniers a demandé au cours de l'entrevue du 6 avril 2001.

[136] J'ai déjà établi précédemment dans la présente décision que l'échange qui a eu lieu au cours de l'entrevue n'avait pas suivi exactement la séquence présentée par M. McGraw dans sa preuve. J'ai conclu que les questions posées par M. Desaulniers étaient posées plus par hasard que parce qu'il menait une enquête planifiée et orchestrée, et que c'était le fait que M. McGraw avait mentionné le surnom qui avait déclenché la discussion à l'égard de l'orientation sexuelle. En outre, selon la preuve, M. Desaulniers n'a jamais transmis au gend. St-Laurent, ou à qui que ce soit de la GRC, quelque renseignement se rapportant à l'orientation sexuelle du plaignant. Je ne suis par conséquent pas d'avis que cette preuve appuie la prétention du plaignant selon laquelle il existait des lignes de conduite prévoyant une enquête à l'égard de son orientation sexuelle susceptibles d'annihiler ses chances d'emploi pour un motif illicite.

[137] Le Tribunal a entendu le témoignage de Normand Goulet, un inspecteur auprès de la GRC chargé des ressources humaines de la GRC au bureau de Fredericton. Il a déclaré que la GRC n'est pas intéressée à connaître l'orientation sexuelle d'un candidat. Les enquêteurs sur le terrain reçoivent des instructions expresses, lors de leur formation à l'académie de la GRC à Regina, de ne pas poser de questions à l'égard de l'orientation sexuelle des candidats.

[138] Le plaignant prétend que s'il n'y a pas de lignes de conduite à cet égard, pourquoi le sergent Pagé, lorsqu'il a parlé à la journaliste, a-t-il défendu ces lignes de conduite soient-disantes non-existantes? En traitant de cette prétention, il est important de noter expressément ce que le sergent Pagé est censé avoir dit. Il a dit que l'orientation sexuelle d'un candidat n'est pas un facteur lorsqu'il s'agit d'établir si une personne peut devenir membre de la GRC. Cependant, si un membre de la GRC voulait garder secrète son orientation sexuelle, cela pourrait l'exposer à du chantage ou à de l'extorsion. La sécurité de l'agent et l'intérêt supérieur de la GRC peuvent en ce cas être mis en danger. L'importance que la GRC accorde à ce qu'un candidat soit, comme le sergent d'état-major Rogers a dit, d'une [traduction] honnêteté brutale au cours de l'entrevue à l'égard de l'enquête de sécurité et de fiabilité était implicite dans la déclaration du sergent Pagé.

[139] Par conséquent, s'il existe effectivement des lignes de conduite, elles consistent à demander aux membres éventuels de la GRC s'ils se sont livrés à des activités cachées de la connaissance publique qui pourraient les exposer à du chantage ou à de l'extorsion. En fait, il y a une question à cet égard dans le formulaire d'entrevue de sécurité et de fiabilité utilisé par le gend. St-Laurent lors de l'entrevue initiale du plaignant.

[140] Le plaignant n'a présenté aucun argument aux différentes étapes de sa cause à l'égard de la question de savoir si l'intérêt de la GRC de vérifier de façon générale des renseignements cachés peut avoir des conséquences défavorables pour un candidat ou une catégorie de candidats, sur le fondement de leur orientation sexuelle ou d'un autre motif illicite. Le plaignant n'a simplement pas fait de cette question une question en litige de l'affaire.

[141] Effectivement, le plaignant n'a presque pas présenté d'arguments à l'égard de la portion de la plainte se rapportant à l'article 10. Ce n'est qu'après que le Tribunal eût posé des questions directes que l'avocat du plaignant a formulé dans une certaine mesure l'allégation suivant l'article 10. Il a défini l'étendue de l'acte discriminatoire allégué comme la mise en place par la GRC de lignes de conduite visant à poser des questions à l'égard de l'orientation sexuelle d'un candidat, en particulier à l'égard du plaignant (pages 1841 et 1842 de la transcription officielle). L'avocat du plaignant a expressément exclu de la définition tout renvoi à une catégorie de candidats et il n'a renvoyé à aucune ligne de conduite exigeant que des candidats divulguent de façon générale à la GRC des activités qu'ils ont dissimulées en public.

[142] Dans ces circonstances, il serait inapproprié que le Tribunal analyse la question de savoir si cette ligne de conduite visant la divulgation plus générale a eu des conséquences défavorables pour un individu ou une catégorie d'individus sur le fondement d'un motif illicite. Le fait de faire cette analyse mènerait le Tribunal à traiter d'un sujet non discuté qui n'a simplement jamais été en litige entre les parties dans la présente affaire. Cela serait injuste pour les parties et cela pourrait donner lieu à un manquement à la justice naturelle. Le Tribunal ne peut pas traiter de questions qui ne lui ont jamais été soumises et qui n'ont pas fait l'objet d'un débat entre les parties (voir les décisions Bergeron c. Télébec Ltée, 2005 CF 879, au paragraphe 63, et Beauregard c. Postes Canada, 2005 CF 1384, aux paragraphes 26 et 27).

[143] Comme je l'ai déjà déclaré, je suis convaincu que l'explication de l'intimée selon laquelle la courte discussion en litige qui a eu lieu entre M. McGraw et M. Desaulniers ne révèle pas qu'il y a eu application par M. Desaulniers de lignes de conduite visant à mener une enquête à l'égard de l'orientation sexuelle du plaignant. La manière selon laquelle cette question a été soulevée n'appuie pas la prétention selon laquelle cette question a été posée en application de lignes de conduite et il n'y a pas non plus de preuve, du reste, que les questions annihilaient les chances d'emploi du plaignant. Étant donné que les commentaires du sergent Pagé peuvent au plus servir seulement à donner à entendre qu'il existe une ligne de conduite distincte et très différente, dont la légalité ne m'a pas été soumise, il n'y a dans la présente affaire aucun autre élément de preuve pour appuyer la prétention du plaignant.

[144] La portion de la plainte se rapportant à l'article 10 est par conséquent rejetée.

VII. CONCLUSION - LA PLAINTE EST REJETÉE

[145] Le plaignant a témoigné qu'il travaille encore comme policier pour un petit service de police municipale au Nouveau-Brunswick. Il est possible que l'évaluation que la GRC a faite à l'égard du plaignant ait été déficiente ou incomplète et que si sa candidature avait été acceptée, il aurait exécuté ses fonctions et devoirs de membre de la GRC de façon compétente.

[146] Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le rôle du Tribunal de se prononcer sur le bien-fondé des décisions de recrutement d'un employeur; son rôle consiste plutôt à établir si la discrimination fondée sur un motif illicite aux termes de la Loi a été un facteur de ces décisions. J'ai conclu que l'orientation sexuelle du plaignant et sa situation de famille n'étaient pas des facteurs de la décision de rejeter sa candidature. De plus, il n'y avait pas de lignes de conduite fixées ou appliquées susceptibles d'annihiler les chances d'emploi du plaignant. Sa plainte est par conséquent rejetée.

Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)

Le 21 décembre 2005

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T935/5504
INTITULÉ DE LA CAUSE : Daniel Maillet c. Procureur général du Canada (représentant la Gendarmerie royale du Canada)
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 10 au 14 janvier 2005
Les 24 au 28 janvier 2005

Bathurst (Nouveau-Brunswick)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 21 décembre 2005
ONT COMPARU :
Charles LeBlanc Pour le plaignant
Dominique Gallant Stacey Gerrard Pour l'intimé
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