Tribunal canadien des droits de la personne

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D. T. 2/ 88

Décision rendue le 16 février 1988

Décision du tribunal en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne

ENTRE:

BALBIR BASI, PLAIGNANT

ET:

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA,

MIS EN CAUSE

DEVANT: RICHARD I. HORNUNG, c. r. - PRÉSIDENT

ONT COMPARU: RENÉ DUVAL - pour la Commission canadienne des droits de la personne, représentant M. BALBIR BASI DONALD KRUK - pour la Compagnie des chemins de fer Nationaux du Canada

DATES DE L’AUDIENCE: Les 15 et 16 juin 1987 REGINA (Saskatchewan) Le 21 ao t 1987 WINNIPEG (Manitoba)

TRADUCTION: ORIGINAL EN ANGLAIS

DÉCISION

  1. Le 25 mai 1984, M. Balbir Basi, un homme d’ascendance indo- pakistanaise, a porté plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), allèguent qu’il avait été privé d’un emploi à la Compagnie des chemins de fer Nationaux du Canada (le CN) en raison de sa race, de sa couleur et de son origine nationale et ethnique, en violation de l’article 7( a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  2. En février 1984, le CN annonçait qu’il était à la recherche de deux mécaniciens de machinerie lourde qualifiés pour son atelier de Saskatoon; les candidats intéressés étaient invités à se présenter en personne au bureau de M. Fred Symenuk, à l’atelier du matériel roulant de Saskatoon (pièce C- 3). Deux vacances avaient d’abord été annoncées, mais plus tard, le CN se ravisa en choisissant de n’engager qu’une seule personne.

M. Basi, domicilié à Régina, fut informé du poste à pouvoir par Mme Loretta Trowsdale, conseillère en emploi au Centre d’emploi du Canada de l’endroit. Après avoir examiné les antécédents professionnels de M. Basi, Mme Trowsdale appela le CN à Saskatoon et fit le nécessaire pour qu’il puisse poser sa candidature.

J’ai la conviction que M. Basi avait, à tout le moins, les qualités nécessaires pour obtenir le poste annonce.

M. Basi a reçu une subvention de mobilité, qu’il a utilisée pour assister à Saskatoon à une entrevue fixée au 23 février 1984. A son arrivée à Saskatoon, le poste n’avait pas encore été comblé, selon lui; les candidats au poste étaient nombreux. M. Basi fut alors prié de remplir une formule de demande d’emploi avant d’être reçu en entrevue par M. Symenuk.

C’est à la suite de cette entrevue que M. Basi a porté plainte pour motif de discrimination. Dans son témoignage, il a déclaré que l’entrevue avait été superficielle, que M. Symenuk ne paraissait pas intéressé et qu’il a même accepté de prendre un appel téléphonique au beau milieu de l’entrevue. Il a en outre été choqué de voir que M. Symenuk, d’après lui, ne l’a pas interrogé sur ses qualifications, dont il semble très fier d’ailleurs. Selon M. Basi, l’entrevue a duré en tout et pour tout de dix à quinze minutes seulement.

M. Symenuk, pour sa part, se souvient d’avoir reçu un appel d’une employée du Centre d’emploi du Canada de Regina (Mme Trowsdale, de toute évidence), qui lui dit qu’ils avaient quelqu’un de qualifié pour le poste annoncé. Il lui fit remarquer que le CN avait déjà reçu plus d’une vingtaine de candidatures mais que s’ils désiraient envoyer M. Basi, il n’avait rien contre.

Il se rappelle l’entrevue qu’il a eue avec M. Basi, mais il nie avoir été grossier ou expéditif. Il a déclaré qu’il a passé du temps avec lui à revoir brièvement ses antécédents de travail. M. Symenuk reconnaît que l’entrevue n’a duré qu’une dizaine ou une quinzaine de minutes, mais il soutient qu’il en a été de même pour tous les candidats qu’il a rencontrés.

Après l’entrevue, M. Basi est retourné à Regina. Il a déclaré qu’environ deux jours plus tard, il appela le CN pour savoir si sa candidature avait été retenue: quelqu’un lui a répondu que le poste avait été attribué. Ce témoignage de M. Basi n’a pu être réfuté par le CN puisque M. Basi ne se rappelait pas à qui il avait parlé. En conséquence, même si je joins cet événement au scénario des faits, il reste que cette partie du témoignage n’a eu aucun poids sur la décision que j’allais rendre ultérieurement en regard de la présente cause. La date limite de réception des candidatures était le 27 février, après quoi M. Symenuk a mis en branle le processus de sélection, dont il sera question en détail plus loin.

Au total, 44 candidatures ont été reçues, dont bon nombre, d’après M. Symenuk, répondaient aux exigences minimales, mais aucune ne sortait véritablement du rang.

Le 9 mars 1984, le CN avisait M. Basi que le poste à Saskatoon avait été pourvu d’un titulaire (pièce R- 8).

III. MODE DE SÉLECTION

Compte tenu de la nature de la plainte, la méthode employée par le CN pour choisir l’heureux candidat revêt une importance primordiale.

A ce propos, M. Symenuk a déclaré qu’une fois reçues toutes les candidatures, son superviseur, M. Newfield, lui a demandé de sélectionner cinq candidats en vue d’une autre entrevue et de prendre rendez- vous avec eux.

M. Symenuk a témoigné qu’il a dressé la liste choisie" des cinq aspirants au poste de la manière suivante:

(traduction)

Q. Qui a sélectionné les cinq candidats qui allaient être convoqués à une seconde entrevue?

R. C’est moi.

Q. Comment avez- vous procédé? Je veux dire après avoir reçu les 44 candidatures. Mettiez- vous les demandes dans un ordre particulier?

R. Oui, je les mettais dans l’ordre de leur réception au service; je les ai donc passées en revue plusieurs fois dans l’ordre chronologique de leur arrivée, jusqu’à ce que j’en trouve cinq qui, selon moi, répondaient à nos exigences.

Q. Je vous arrête tout de suite. Vous dites que les demandes étaient mises dans l’ordre chronologique de leur arrivée?

R. C’est bien ça.

Q. Tel jour par exemple, vous arrivait- il d’en recevoir plus d’une?

R. Oui, certains jours, on pouvait même en recevoir plusieurs.

Q. Alors, vous vous trouviez à les empiler en quelque sorte, n’est- ce pas?

R. C’est exact. C’est moi qui avait le dossier; dès qu’une demande arrivait, je l’ajoutais aux autres.

Q. Procédiez- vous de la même façon pour tout le monde? Autrement dit, la personne intéressée venait remplir sa formule de demande, vous la parcouriez avec elle puis vous la versiez au dossier. Est- ce bien cela?

R. Oui, c’est exact.

Q. Une fois reçues les 44 demandes, vous avez commencé à sélectionner les cinq; comment vous y êtes- vous pris?

R. Comme je viens de le dire, je les ai prises dans l’ordre chronologique de leur arrivée. J’ai Commencé par la toute première à entrer, en les passant en revue encore une fois, jusqu’à ce que j’en sélectionne cinq. (C’est moi qui souligne.)

Q. D’accord. Vous avez donc dit au début que vous avez passé toutes les demandes en revue encore une fois?

R. Oui, j’ai d’abord parcouru toutes les demandes, c’est exact.

Q. Et pourquoi?

R. Je voulais voir s’il y avait un candidat qui se distinguait vraiment des autres, mais je n’en ai pas trouvé.

Q. Vous avez donc commencé par la première demande reçue et vous les avez toutes parcourues jusqu’à ce que vous sélectionniez les cinq qui, à votre avis, ...

R. C’est bien cela.

Q. Vous rappelez- vous combien de demandes vous avez examinées avant de trouver ou de sélectionner les cinq?

R. En gros, je dirais à peu près 15 ou 16. (pp. 191- 193) Il a été de nouveau question de son mode de sélection lors du contre- interrogatoire. En voici un extrait:

(traduction)

Q. Quand avez- vous examiné les demandes pour la première fois?

R. Quand les candidats remplissaient leur formule de demande.

Q. En d’autres termes, vous alliez jusqu’au 27, si la date de demande était le 27?

R. Non, j’examinais chaque demande au fur et à mesure qu’elle était établie, c’est- à- dire le jour même où le candidat la remplissait.

Q. Vous avez dit que vous avez d les passer en revue par deux fois avant de sélectionner les cinq candidats. Est- ce exact?

R. J’ai dit que j’ai examiné les demandes des 44 candidats et qu’ensuite j’ai commencé par la toute première reçue jusqu’à ce que j’en sélectionne cinq.

(p. 217)

D’après ce mode de sélection, M. Symenuk a examiné 15 ou 16 demandes avant de trouver les cinq premiers finalistes" qui avaient les qualités requises. La demande de M. Basi ne faisait pas partie de la quinzaine de demandes. Aux dires de M. Symenuk, quand M. Newfield était présent à Regina, il a lui aussi examiné les 44 candidatures puis entériné le ’choix de M. Symenuk à propos des cinq candidats sélectionnés. M. Newfield a par ailleurs déclaré qu’il était d’accord avec les cinq finalistes choisis par M. Symenuk sans avoir passé en revue la liste complète des candidatures.

Quoi qu’il en soit, après que les cinq ont été passés en entrevue, l’un d’eux a obtenu le poste; les quatre candidats malheureux, de même que M. Basi (pièce R- 8) ont reçu une lettre les avisant que le poste avait été comblé.

Pourquoi M. Basi, l’un des 39 candidats écartés, a reçu une lettre au. même titre que les quatre finalistes malheureux demeure encore un mystère aujourd’hui. M. Symenuk prétend que même s’il a signé la pièce R- 8, il ne sait pas pourquoi la lettre avait été préparée: il suppose que c’est parce que M. Basi l’aurait demandé. M. Basi dit l’avoir reçue par le retour du courrier sans l’avoir sollicitée.

IV. Je suis convaincu qu’à la première entrevue, M. Basi a été traité ni mieux ni pire que les 44 autres candidats.

A première vue, selon toutes les apparences extérieures et compte tenu du processus de sélection appliqué, il ressort que le CN n’a pas commis d’acte discriminatoire à l’encontre de M. Basi au moment où celui- ci a posé sa candidature.

Mais au cours de l’audience, plusieurs incidents ayant trait à la conduite du CN après l’entrevue ont été portés à la connaissance du tribunal; après y avoir longuement réfléchi, j’en suis venu à douter de cette première conclusion:

(i) LETTRE DU 9 MARS 1984 La lettre du 9 mars 1984 (pièce R- 8) fut envoyée à M. Basi pour l’aviser que le poste avait été rempli, alors qu’aucun autre à part les quatre finalistes de la liste choisie" n’en a reçu. Dans la première lettre envoyée à la Commission, le CN faisait remarquer qu’il n’y avait rien en dossier prouvant qu’une telle lettre avait été envoyée à M. Basi. En fait, comme je l’ai dit plus haut, aucune explication n’a été donnée, même au moment de l’audience, sur le motif pour lequel la lettre a été envoyée au plaignant.

Le CN a été avisé de la plainte de M. Basi par une lettre de la Commission datée du 26 juin 1984 (pièce R- 10) et adressée à M. Al Cormack; la Commission demandait entre autres les renseignements suivants:

" (...) pour régler l’affaire au plus tôt, auriez- vous l’obligeance de lui fournir les renseignements suivants: (...)

4. Une copie de la lettre signifiant au plaignant que le poste a été comblé.

5. Tout autre renseignement ou précision concernant cette plainte."

Le 13 ao t 1984, M. Cormack répondait à la lettre de la Commission (pièce R- 9). En réponse aux renseignements demandés, il écrivait:

"(...) Voici les renseignements que vous avez demandés. 4. M. Basi ne faisait pas partie de la liste des cinq candidats considérés comme les mieux qualifiés pour l’emploi; aussi n’a- t- il pas eu droit à une entrevue en règle. Nous avons une copie des lettres envoyées aux quatre candidats malheureux qui ont été convoqués en entrevue, mais nous n’avons aucune trace en dossier d’une lettre qui aurait été envoyée à M. Basi." (C’est moi qui souligne.)

Pourtant, la preuve a démontré que M. Basi a bel et bien reçu une lettre et, chose assez étonnante, une copie de cette lettre a été extraite du dossier du CN durant le contre- interrogatoire.

(ii) RÉFÉRENCES La lettre de M. Cormack datée du 13 ao t 1984 (pièce R- 9) constituait la première réaction officielle à la plainte formulée par M. Basi. Elle explique ainsi pourquoi la candidature de M. Basi n’a pas été retenue:

"5. M. Basi n’a pas été choisi pour occuper le poste parce que nous n’avons pas été impressionnés par ses qualifications au regard de nos exigences. Son expérience repose surtout sur l’entretien d’autobus et, dans une moindre mesure, sur la réparation de locomotives. Fait plus important encore, nous avons communiqué avec deux de ses anciens employeurs (Red Head Equipment et Kramer Tractor) qui nous ont révélé que M. Basi avait été renvoyé pour manque de ponctualité et pour absentéisme." (C’est moi qui souligne.)

Laissons de côté pour le moment la question des qualifications. La preuve a clairement établi que le CN a pris contact avec les ex- employeurs de M. Basi uniquement après avoir reçu la lettre de la Commission datée du 26 juin 1984 (pièce R- 10).

Contrairement aux allégations de M. Cormack dans la pièce R- 9, les références de M. Basi n’avaient donc absolument rien à voir avec le fait qu’il n’a pas obtenu le poste.

(iii) Lettre du 26 novembre 1984 Le problème soulevé en (ii) ci- dessus est aggravé par le fait que dans une lettre du 15 octobre, 1984 (pièce R- 11) adressée à M. Cormack, la Commission lui posait, entre autres choses, deux autres questions, à savoir:

"6. (a) Veuillez nous communiquer les nom et numéro de téléphone des représentants de Red Head Equipment et de Cramer (sic) Tractor qui vous ont dit que le plaignant avait été congédié pour manque de ponctualité et pour absentéisme.

(b) Qui a communiqué avec les ex- employeurs du plaignant? (c) Ces contacts ont- ils été pris avant ou après la candidature du plaignant?

7. Pourquoi avez- vous vérifié les références du plaignant si ses qualifications ne correspondaient pas aux exigences du poste?

Dans sa réponse à la lettre de la Commission du 26 novembre 1984 (pièce R- 12), M. Cormack nous incite à croire encore davantage que les références ont été vérifiées après l’entrevue de M. Basi avec M. Symenuk, mais avant que le poste n’ait été rempli:

"Voici les renseignements que vous nous avez demandés: 6. (a) Le représentant de Red Head Equipment avec lequel nous avons communiqué est M. Wade Sandoff, directeur des services, Regina (tél.: 545- 3690). Cnez Kramer Tractor, c’est Clarence Sick, Regina (tél.: 545- 3311).

(b) Bruce Hunter, commis à l’administration, commis au matériel de travaux, Saskatoon.

(c) Après l’entrevue avec le contremaître Symenuk. 7. M. Symenuk n’était pas satisfait de certaines réponses aux questions qu’il avait posées à M. Basi en entrevue. Il estimait nécessaire de faire un examen plus approfondi parce que M. Basi avait été recommandé par le Centre d’emploi du Canada qui s’attend normalement à ce genre d’examen." (C’est moi qui souligne.)

Tel qu’indiqué plus haut, il a été clairement démontré à l’audience que la vérification des références de M. Basi n’a été faite qu’après le dépôt de la plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et après que M. Newfield en ait fait la demande expresse à la suite de la plainte. M. Newfield, le surintendant des ateliers du CN à Winnipeg, a déclaré que l’agent des relations syndicales du CN lui avait demandé de vérifier les références de M. Basi après que le CN eut reçu une plainte de la Commission; c’est pourquoi il aurait chargé Bruce Hunter de faire une enquête pour le compte du CN.

( iv) RAPPORT HUNTER

Le rapport de M. Hunter à M. Newfield, qui a servi de base à la réponse initiale du CN à la Commission, se trouve dans un mémo qui constitue la pièce C- 21. Le rapport se termine par ces deux paragraphes, qui se passent de commentaires:

"Nous avons reçu la candidature de 23 personnes qui possédaient les titres de compétence nécessaires en mécanique. De ce nombre, cinq ont été convoqués en entrevue. M. Basi ne s’est pas rendu à l’étape de l’entrevue car il n’avait pas d’expérience comme soudeur, qui est presque une nécessité pour cet emploi. Même parmi les candidats qui n’ont pas été convoqués en entrevue, il se trouvait des mécaniciens plus qualifiés que lui.

Quand le bureau de la, Commission d’assurance- chômage de Regina a appelé pour savoir s’il pouvait venir à Saskatoon pour faire sa demande, nous avons répondu qu’il y avait déjà un grand nombre de demandes. J’ai l’impression qu’il est venu ici uniquement parce que la CAC payait ses dépenses." (C’est moi qui souligne.)

(v) QUALIFICATIONS

A propos des qualifications de M. Basi, M. Symenuk a déclaré, pendant l’interrogatoire principal:

"Je trouvais qu’il n’avait pas assez d’expérience dans ce domaine pour occuper le poste.

Q. Quand vous dites qu’il n’avait pas assez d’expérience, vous voulez dire qu’il n’en avait pas assez par rapport aux autres candidats?

R. Aux autres candidats et aux tâches connexes au poste." (pp. 188- 189)

Cette déclaration de M. Symenuk est importante dans la mesure où en contre- interrogatoire il a reconnu avoir conclu que M. Basi n’avait pas les qualités requises seulement après que la Commission des droits de la personne a commencé à examiner la plainte de M. Basi.

Lorsqu’on lui a demandé en contre- interrogatoire quand il avait pris sa décision à propos des qualifications du plaignant, il a répondu:

R. Je crois après que la Commission des droits de la personne m’a interrogé sur cette question.

LE PRÉSIDENT: Q. Ce n’est pas une décision que vous avez prise durant l’entrevue que

vous avez eue avec lui.

R. Non.

(pp. 233- 234) (C’est moi qui souligne.)

Néanmoins, le CN a constamment maintenu depuis le début que M. Basi n’avait pas été engagé à cause de son manque de qualifications.

Pas plus tard que le 24 mars 1986 (pièce C- 20), M. Cormack écrivait à la Commission en vue de lui fournir certaines observations supplémentaires pour (sa) gouverne. Dans sa lettre, il prend la peine de décrire les qualifications que le CN recherchait pour le poste de mécanicien, et il ajoute:

"M. Basi ne faisait pas partie des cinq candidats sélectionnés pour une seconde entrevue. Le CN estime que les cinq finalistes justifiaient de qualités supérieures à celles des autres candidats, dont M. Basi, compte tenu des critères susmentionnés."

Le scénario mis en place par le CN pour expliquer dans différentes lettres (pièces R- 9 à R- 12 et C- 20) pourquoi M. Basi n’a pas été embauché est tout à fait en contradiction avec l’explication simple et, semble- t- il, directe donnée par M. Symenuk au sujet de sa méthode de sélection; il contredit directement le témoignage de ce dernier, qui a déclaré n’avoir comparé les qualifications de M. Basi à celles des cinq finalistes qu’après que le CN a été informé de la plainte déposée auprès de la Commission des droits de la personne.

V. Le fardeau et l’ordre de la preuve dans les causes de discrimination pour refus d’embaucher sont des mécanismes d’ores et déjà bien établis dans toutes les provinces canadiennes: le plaignant doit d’abord établir que l’acte reproché a toutes les apparences d’un acte discriminatoire; après quoi, il incombe au mis en cause de fournir une explication raisonnable de l’acte qui lui est reproché. En supposant que l’employeur ait fourni une explication, il revient alors au plaignant de démontrer que celle- ci ne constitue qu’un prétexte" et que le comportement de l’employeur était effectivement empreint de discrimination.

Dans la présente cause, il incombe donc au plaignant d’établir d’abord que sa plainte parait fondée à première vue:

- "Dans une plainte relative à un emploi, la Commission établit habituellement qu’il s’agit d’une preuve suffisante à première vue, en prouvant:

a) que le plaignant avait les qualififications pour l’emploi en cause;

b) que le plaignant n’a pas été embauché; et c) qu’une personne pas mieux qualifiée mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte auprès de la Commission des droits de la personne a obtenu le poste.

Si la Commission réussit à prouver ce qui précède, il incombe alors au mis- en cause de fournir une explication des événements qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n’est pas la bonne explication aux événements survenus."

Florence Shakes c. Rex Pak Limited (1982) 3 CHRR D/ 1001 à D/ 1002 Julius Israeli c. la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la fonction publique (1983) 4 CHRR D/ 1616

Il est incontestable que M. Basi est de descendance indo- pakistanais. e et qu’il n’a pas été embauché. De même, à la lumière du témoignage de M. Symenuk, je constate qu’une personne pas mieux qualifiée" a obtenu le poste. Aussi, j’estime que la Commission a répondu à chacune des trois conditions susmentionnées auxquelles elle doit d’abord se soumettre.

Il revient par conséquent au mis en cause de fournir une explication raisonnable quant aux raisons pour lesquelles M. Basi n’a pas été engagé pour le poste en cause. L’explication fournie par M. Symenuk tient essentiellement à ceci: il a passé en revue toutes les demandes et conclu que plusieurs candidats semblaient avoir les mêmes qualifications pour occuper le poste; il a examiné les candidatures dans l’ordre chronologique de leur réception jusqu’à ce qu’il trouve cinq personnes qui lui paraissaient suffisamment qualifiées; il a arrêté son choix sur cinq finalistes après avoir examiné 15 ou 16 demandes; et M. Basi ne faisait pas partie de la liste choisie" des candidats sélectionnés.

Il y a bien s r d’autres questions qui ont surgi à propos des qualifications de M. Basi; j’y reviendrai plus loin. Retenons toutefois pour l’instant crue le témoignage qui précède constitue en gros l’explication de l’employeur.

En soi, l’explication fournie semble répondre au critère du fardeau de présentation d’une explication raisonnable qui concourt à établir que la discrimination pour des motifs prohibés par le Code n’est pas la bonne explication aux événements survenus.

La réponse de l’employeur connue, il incombe en dernier lieu au plaignant de démontrer que l’explication fournie ne constitue qu’un prétexte et que les actes de l’employeur ont réellement été motivés par des considérations discriminatoires.

Pour faire cette démonstration, le plaignant serait confronté à une tâche herculéenne s'il devait prouver, à l'aide de preuves directes, que la discrimination est l'élément qui a motivé la décision de l’employeur. La discrimination n’est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement, comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu’on puisse prouver par des preuves directes qu’un acte discriminatoire a été commis intentionnellement.

Comme le plaignant dispose rarement de preuves directes dans des causes comme celle- ci, il appartient alors au tribunal d’établir si le plaignant a été ou non en mesure de prouver que l’explication est un prétexte en faisant des déductions à partir de ce qui, le plus souvent, constitue des preuves circonstancielles.

"La discrimination fondée sur la race ou la couleur se pratique souvent de manière subtile. Rares sont les cas de discrimination pratiqués ouvertement. Dans les cas où il n’existe pas de preuves directes, il revient alors à la Commission de conclure à la discrimination à partir de la conduite présumée discriminatoire de la ou des personnes en cause. Ce n’est pas toujours une tâche facile. Il faut analyser soigneusement la conduite présumée discriminatoire dans le contexte dans lequel elle a pris naissance."

Kennedy c. Mohawk College (1973) Ontario Board of Inquiry (professeur Borons)

Bien souvent, les tribunaux ont établi que si l’on conclut à la discrimination à partir de preuves circonstancielles à l’appui du plaignant, la conclusion:

"doit être en accord avec l’allégation de discrimination et en contradiction avec toute autre explication rationnelle".

Kennedy c. Mohawk (supra) Un test de cette nature me parait trop sévère, surtout dans les circonstances présentes. Personne pour ainsi dire ne conteste que la discrimination doit généralement être établie selon le degré de preuve civile, c’est à dire suivant la prépondérance de la preuve.

Julius Israel c. la CCDP (supra) Bhinder c. CN (1981) 2 CHRR D/ 546; (aff. (1985) 2 S. C. R. 561) Il s’ensuit donc que pour établir la preuve circonstancielle, le plaignant ne devrait pas être soumis à une épreuve plus difficile qu’en temps normal où il aurait à prouver le bien- fondé de sa demande. Si l’on exigeait que le plaignant s’en tienne rigoureusement à l’exercice énoncé dans la cause Mohawk College (supra), il faudrait essentiellement qu’il satisfasse à un degré de preuve criminelle en établissant la preuve circonstancielle, alors qu’en réalité le fardeau de persuasion tout au long de la cause ne repose que sur la prépondérance de la preuve.

Je suis convaincu de la logique de B. Vizkelety dans son livre paru en 1987 chez Carswell et intitulé Proving Discrimination in Canada. A la page 142, elle écrit:

(traduction)

"On estime que la norme Kennedy (c. Mohawk College) reflète un degré de preuve criminelle par opposition à un degré de preuve civile et que, en tant que telle, elle est trop rigide. Tout le monde pratiquement s’entend pour dire qu’en général, dans les causes de discrimination, c’est le degré de preuve civile qui prédomine. Le test à retenir dans les questions faisant intervenir des preuves circonstancielles, qui devraient être en accord avec cette norme, peut être donc formulé de la manière suivante: on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l’appui rend cette conclusion plus probable que n’importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible."

A mon avis donc, le test le plus juste permettant de conclure à un cas de discrimination dans les causes comme celle- ci est le test formulé ci- dessus.

VII. A l’audience, le CN a fourni toutes sortes de motifs pour expliquer son refus d’embaucher M. Basi, comme l’indique la Partie IV de ma décision. Encore une fois, ces motifs contredisent les motifs invoqués par M. Symenuk pour sélectionner les cinq finalistes.

M. Kruk a adroitement prétendu que les diverses contradictions sont des considérations qui en soi ne devraient pas influencer ma décision, dans la mesure où elles n’avaient rien à voir avec le mode de sélection employé par M. Symenuk.

Je ne suis pas d’accord. Les arguments de M. Kruk sont peut- être convaincants, mais ils ne sont pas contraignants. La conduite du mis en cause, avant comme après l’acte discriminatoire présumé, ne peut certainement pas être isolée du fait lui- même. Il serait pratiquement impossible au plaignant de prouver que l’explication fournie par M. Symenuk constituait un prétexte, à moins d’être capable de se baser sur des conclusions tirées des actions de l’employeur au moment de l’embauchage comme après. Dans des causes comme celle- ci, beaucoup dépend de la capacité du tribunal de tirer des conclusions (raisonnables quand elles ne sont pas contraignantes) à partir de la conduite de l’employeur. Une fois ces conclusions tirées, il appartient à l’employeur d’expliquer quels étaient ses motifs au- delà des apparences. J’estime donc que la conduite des parties, jusqu’au jour de l’audience, sont des facteurs à prendre en compte.

Le mis en cause ne se trouve pas réfuter de manière suffisante une conclusion de discrimination du seul fait de pouvoir proposer une explication rationnelle; il doit fournir une explication qui soit crédible tout au long de la preuve; voir Fuller c. Candur Plastics Ltd. (1981) 2 CHRR D/ 419.

J’estime que le CN n’a pas réussi à fournir une explication suffisamment crédible quant à savoir pourquoi le témoignage de M. Symenuk concernant son mode de sélection est contredit de façon si évidente par les raisons invoquées dans les pièces R- 9 à R- 12 et C- 20. Pas plus d’ailleurs à propos de l’une ou l’autre des autres questions soulevées à la Partie IV de ma décision. VIII La manière dont le CN a tenté de justifier ses actes à l’égard de M. Basi auprès de la Commission des droits de la personne comporte franchement de subtiles odeurs de discrimination. Je ne peux que conclure que la raison de ne pas embaucher M. Basi, comme l’a expliqué M. Symenuk, n’était pas aussi transparente, directe ou raisonnable qu’il l’avait d’abord laissé entendre. D’après les explications fournies à la Commission et les renseignements contenus dans les dossiers du CN, j’ai l’impression que le mis en cause tentait de justifier les actions de M. Symenuk. Les contradictions constatées me portent à conclure, de manière non seulement hautement probable irais aussi contraignante, que les explications de M. Symenuk sur son mode de sélection et les explications ultérieures concernant les qualifications. entre autres, sont des prétextes.

Je n’ai d’autre choix que de conclure que le plaignant a suffisamment réfuté l’explication de l’employeur en démontrant, à partir des circonstances décrites plus haut, que l’explication n’était pas le motif véritable de la décision de M. Symenuk de ne pas embaucher M. Basi, mais qu’il s’agissait plutôt d’un prétexte.

En conséquence, la plainte déposée par M. Balbir Basi auprès de la Commission (pièce C- 8) est bien fondée et j’estime que la discrimination dont fait état sa plainte était l’une des raisons pour lesquelles le CN ne lui a pas offert le poste en cause.

IX. J’ai conclu que le CN a fait preuve de discrimination à l’égard de M. Basi, mais je ne suis pas en mesure de dire si la discrimination était la seule raison pour laquelle le plaignant n’a pas été embauché; je ne peux pas dire non plus s’il aurait obtenu le poste, n’e t été la discrimination.

Il suffit toutefois de parvenir à la conclusion que la discrimination était l’un des motifs pour lesquels l’employeur a refusé l’emploi à M. Basi; il ne m’appartient pas de décider s’il s’agissait de la seule raison ou de la raison principale qui a motivé la décision:

"(...) il suffit qu’un plaignant établisse que le motif de discrimination prohibé constitue un seul facteur parmi plusieurs autres à avoir entraîné les décisions que le plaignant met en cause ...

Même si la raison prohibée qui a motivé la décision a pu avoir une incidence ou une influence sur ladite décisions elle n’a pas besoin d’être la seule et unique cause à infléchir la décision. En effet, comme on peut le voir dans Bushnell, il n’est pas nécessaire que le motif prohibé soit la principale raison qui a motivés la décision en cause."

Almeida c. Chubb Fire Security Division of Chubb Industries Ltd. (1984) 5 CHRR D/ 2104 à 2105

Je ne peux pas affirmer catégoriquement que M. Basi aurait obtenu l’emploi s’il n’avait pas été victime de discrimination; je puis dire toutefois que la preuve circonstancielle suffit à me convaincre que le facteur discrimination a joué un rôle dans la décision de l’employeur de ne pas lui offrir le poste.

X. Les parties ont convenu dès le début de l’audience que ma décision consisterait uniquement à établir si la demande d’emploi de M. Basi a été ou non empreinte de discrimination. Comme j’ai constaté l’existence de la discrimination, je me dois de réserver mon jugement sur les réparations et les dommages afin de permettre aux parties de soit s’entendre là- dessus, soit présenter des preuves à ce sujet.

Ainsi, dans l’éventualité où les parties ne parvenaient pas à s’entendre sur les réparations, je réserverai mon jugement à ce sujet pour une durée de trente jours à compter de la date des présentes. Chacune des parties a le loisir dans le délai de trente jours, de demander que le tribunal se réunisse à nouveau.

Fait le 8 février 1988. RICHARD I. HORNUNG, c. r.

D. T. 2/ 88 Décision rendue par le tribunal en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne

ENTRE:

BALBIR BASI; PLAIGNANT

ET:

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

MISE EN CAUSE DEVANT RICHARD I. HORNUNG, C. R. - PRÉSIDENT

ONT COMPARU

RENÉ DUVAL - Avocat de la Commission canadienne des droit de la personne représentant Balbir Basi;

DONALD KRUK - Avocat de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

DATES ET LIEU DE L’AUDIENCE Le 16 ao t 1988, REGINA (Saskatchewan)

MONTANT ADJUGÉ

I. Dans une décision rendue le 8 février 1988, j’ai déclaré que le CN s’était rendu coupable de discrimination envers le plaignant, Balbur Basi, lorsque ce dernier avait postulé un emploi au sein de cette compagnie.

J’ai réservé ma compétence sur la question de l’indemnisation pour le cas où les parties ne pourraient en venir à une entente.

C’est ce qui s’est effectivement produit et, le 16 ao t 1988, à Regina (Saskatchewan), j’ai à nouveau été saisi de l’affaire, sur laquelle j’ai été appelé à rendre une décision.

II. En premier lieu, le plaignant demande à être indemnisé par le mis en cause des sommes représentant la différence entre le salaire qu’il aurait pu toucher jusqu’à présent comme mécanicien de machinerie lourde, et son salaire actuel; ensuite, il réclame des dommages- intérêts moraux en conformité de l’alinéa 41 (3) b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci- après appelée la Loi).

Nous retiendrons pour nos besoins les paragraphes 41 (2) et 41 (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui traitent des dommages- intérêts. Ces paragraphes sont ainsi libellés:

"( 2) A l’issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l’article 42, ordonner, selon les circonstances, à le personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire: ...

(b) d’accorder à la victime, à la première occasion raisonnable, les droits, chances, ou avantages dont, de l’avis du tribunal, l’acte l’a privée;

(c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu’il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte; et...

(3) outre les pouvoirs que lui confère le pagragraphe (2), le tribunal ayant conclu

a) que la personne a commis l’acte discriminatoire de propos délibéré ou avec négligence, ou b) que la victime a souffert un préjudice moral par suite de l’acte

discriminatoire, peut ordonner à la personne de payer à la victime une indemnité maximale de cinq mille dollars."

III. INDEMNISATION DES PERTES DE SALAIRE

Cette affaire pose un problème intéressant. Ordinairement, lorsqu’une personne perd un emploi à la suite d’un acte discriminatoire, les dommages- intérêts ou l’indemnisation réclamés sont des plus simples à déterminer. Nous avons toutefois affaire à un cas différent. Rien, en effet, ne permet de supposer que M. Basi a perdu l’emploi en question. Sa plainte porte essentiellement sur le fait qu’il a été privé d’une possiblité de postuler ledit emploi en bonne et due forme. Il prétend avant tout qu’on lui a refusé une possibilité d’emploi, et non pas l’emploi même.

L’employeur affirme qu’il ne devrait pas avoir à verser de dommages- intérêts pour pertes salariales à M. Basi comme celui- ci le réclame. Essentiellement, sa position est la suivante: avant d’accorder des dommages- intérêts au plaignant, il faut démontrer que s’il avait eu la possiblité de postuler l’emploi, il aurait eu des chances raisonnables de l’obtenir et, par conséquent, de toucher la rémunération y afférente.

Voir Michael Dantu c. le North Vancouver District Fire Department (1987) 8 C. H. R. R., 3649 (à la page 3651).

Par conséquent, si je ne me trompe pas, il m’appartient de déterminer d’abord et avant tout si M. Basi avait une chance raisonnable d’obtenir l’emploi en question. Après avoir examiné longuement la preuve, j’en suis venu à la conclusion que ce n’était pas le cas. Compte tenu des compétences des cinq finalistes et du candidat qui a finalement obtenu le poste, j’estime que M. Basi n’aurait pas, toute compte fait, eu raisonnablement de chance d’obtenir ce poste et ce, notamment en raison de son manque d’expérience comme soudeur.

Par conséquent, dans les circonstances, il ne conviendrait pas, et il serait très risqué, d’accorder des dommages- intérêts à M. Basi en vertu de l’alinéa 41( 2) c) de la Loi.

IV. DOMMAGES- INTÉRETS MORAUX

Par ailleurs, ayant également examiné la preuve, je suis d’avis qu’il faut accorder des dommages- intérêts moraux à M. Basi conformément à alinéa 41 (3) b) de la Loi.

Il est inutile que je rappelle les éléments de preuve qui me confirment dans mon opinion que M. Basi a été victime de discrimination. Ma décision en fait état. Cependant, je suis convaincu, compte tenu de la conduite de l’employeur après réception de la demande d’emploi, et compte tenu également de la façon dont M. Basi a été traité par M. Symenuk, comme par la suite, que l’employeur doit verser au plaignant une indemnité appréciable, en vertu de

l’alinéa 41 (3) b). Par conséquent, j’accorde à M. Basi une indemnité de 5 000 $ en vertu dudit alinéa.

FAIT ce 1er jour de décembre 1988. RICHARD I. HORNUNG, C. R.

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