Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Ronaldo Filgueira

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Garfield Container Transport Inc.

l'intimée

Décision

Membre : Dr Paul Groarke
Date : Le 17 août 2005
Référence : 2005 TCDP 32

Table des matières

I Introduction

II Les questions préalables

A. La plainte a-t-elle été retirée?

B. La faculté auditive de M. Filgueira

III La demande de non-lieu

A. Le droit

B. Les allégations

(i) L’âge

(ii) L’origine nationale ou ethnique

a) L’échelle des salaires

b) Les heures supplémentaires

c) Conclusions

IV Décision

I. Introduction

[1] M. Capp, l’avocat de l’intimée, a présenté une demande de non‑lieu. Il prétend que le plaignant a omis de produire quelque élément de preuve au soutien des allégations essentielles contenues dans la plainte.

[2] Le plaignant allègue deux motifs de discrimination. Le premier est l’origine nationale ou ethnique. Le deuxième est l’âge. M. Filgueira affirme que Garfield le payait 1 $ de moins l’heure qu’elle payait d’autres employés. De plus, elle lui donnait moins d’heures supplémentaires à effectuer.

II. Les questions préalables

[3] Il existe deux questions préalables. La première est celle de savoir si le plaignant a retiré ses allégations au cours de son témoignage. La deuxième est celle de savoir s’il devrait être autorisé à témoigner de nouveau pour expliquer son témoignage antérieur.

A. La plainte a-t-elle été retirée?

[4] M. Capp a prétendu que le plaignant a retiré ses allégations au cours du contre‑interrogatoire. À un moment, M. Capp a interrogé M. Filgueira comme suit :

[Traduction]
M. Capp : Et dans votre plainte, Monsieur, une partie de votre plainte énonce que vous vous plaignez parce que la compagnie a exercé de la discrimination à votre endroit du fait de votre origine nationale ou ethnique, est‑ce exact?

M. Filgueira : Je n’ai pas dit cela. Il se peut que ce soit la raison ou c’est parce que je ne parlais pas anglais.

Cette sorte d’échange est typique.

[5] M. Filgueira a essayé de clarifier comme suit son témoignage :

[Traduction]
M. Filgueira : Au départ, c’est ce que nous avons inscrit, mais ensuite nous avons pensé que c’était vraiment parce que je ne parlais pas anglais.

Il a ensuite déclaré ce qui suit :

[Traduction]
M. Filgueira : Je n’étais pas certain si la discrimination était fondée sur le fait que je suis Chilien ou sur le fait que je ne parlais pas anglais. Personne ne me l’a dit.

Même si M. Filgueira a répondu de façon équivoque à certaines des questions, cela n’a pas eu d’effet sur l’essentiel de ces remarques.

[6] Par la suite au cours de l’interrogatoire, M. Capp a demandé ce qui suit :

[Traduction]
M. Capp : Et si quelqu’un tentait d’établir s’il y a eu ou non de la discrimination fondée sur le pays d’origine ou sur l’origine ethnique, vous et moi pouvons convenir que cela ne semble pas être le cas quant à Garfield Container Transport Inc., est‑ce exact?

M. Filgueira : C’est exact.

Cet échange est conforme au reste du contre‑interrogatoire. M. Filgueira a admis les points les uns après les autres.

[7] Le contre‑interrogatoire est devenu une poursuite. Lorsqu’il était talonné, M. Filgueira changeait sa position. M. Capp continuait. S’il n’y avait pas de problèmes à l’égard du salaire, il y avait la question des heures supplémentaires qui se posait. Il n’était pas payé pour les heures supplémentaires auxquelles il avait droit. M. Capp a épluché les dossiers de rémunération et a forcé le plaignant à reconnaître qu’il était payé pour les heures supplémentaires qu’il faisait. À un moment, il reconnaît qu’il ne subissait pas de discrimination du fait de son âge. À un autre moment, il reconnaît que la compagnie n’a pas exercé de représailles contre lui. Ailleurs, il reconnaît que d’autres gardiens étaient payés un dollar de plus l’heure parce qu’ils vérifiaient la température des conteneurs réfrigérés.

[8] On ne peut pas fuir la réalité selon laquelle une grande partie du témoignage du plaignant contredit la position qu’il adopte en tant que partie à l’audience. Cela dit, je pense que le Tribunal devrait agir de façon prudente dans cette sorte de situation. Après tout, il appartient au plaignant de décider s’il veut continuer l’affaire ou retirer les allégations. Il est clair que M. Filgueira continue à soutenir les allégations contenues dans la plainte, peu importe son témoignage. Dans les circonstances, je pense qu’il serait simplement incorrect de dire qu’il a abandonné sa poursuite.

B. La faculté auditive de M. Filgueira

[9] Au cours de la présentation de ses observations à l’égard de la demande de non‑lieu, Mme Rubio a en outre informé le Tribunal que M. Filgueira avait un problème auditif. Elle n’avait pas constaté ce problème jusqu’à ce qu’il ait terminé son témoignage. Ce problème expliquerait apparemment les passages dans lesquels il semble retirer ses allégations. Mme Rubio a alors avancé l’idée que M. Filgueira devrait être autorisé à témoigner de nouveau et à expliquer son témoignage antérieur.

[10] M. Capp a prétendu qu’il était trop tard pour soulever cette sorte de question. Je dois être d’accord avec lui. Si M. Filgueira avait un problème auditif, ce problème aurait dû être évident lorsqu’il était à la barre des témoins. Il semble plutôt commode de soulever ce problème maintenant, compte tenu du fait qu’il y a une demande visant à faire rejeter la plainte. Je pense que le témoignage de M. Filgueira était cohérent et intelligible. Certaines de ses réponses étaient énigmatiques. Mais un témoignage n’est jamais parfait. La transcription ne soulève aucun doute sérieux à l’égard de sa compréhension des questions qui lui ont été posées. Il comprenait la différence, par exemple, entre formation et initiation.

[11] L’idée selon laquelle le plaignant devrait être autorisé à retourner à la barre des témoins, après avoir présenté sa preuve, et à clarifier ses réponses antérieures est nouvelle pour moi. L’efficacité et l’équité du processus sont fondées sur la compréhension selon laquelle l’audience se déroulera dans un cadre ordonné et dans un délai raisonnable, un témoin à la fois. La loi est remplie d’exceptions, mais tout le processus serait perturbé si on permettait aux témoins de revenir à la barre des témoins et de réviser leur témoignage. Ce serait une erreur que de laisser M. Filgueira témoigner de nouveau.

III. La demande de non-lieu

[12] Un tribunal qui tranche une demande de non‑lieu devrait se limiter à la demande qui lui est soumise. Aux fins de la justice naturelle, il peut être nécessaire que le tribunal énonce des motifs ou renvoie d’une certaine façon neutre à la preuve dont il dispose. Il s’agit toutefois d’une autre sorte d’analyse que l’analyse effectuée à la fin d’une audience. Il n’est pas justifié dans le contexte de la demande que des éléments de preuve soient appréciés ou que le bien‑fondé de l’affaire soit évalué.

A. Le droit

[13] L’intimée m’a fourni une décision qui traite expressément du critère à l’égard d’un non‑lieu dans un contexte administratif. Dans l’arrêt International Brotherhood of Electrical Workers, Local 348 c. AGT Ltd. [1997] A.J. no 1004 (B.R. Alb.), au paragraphe 15, le juge Brooker a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
Je suis d’avis que la commission doit appliquer correctement le critère de l’absence de preuve à une demande de non‑lieu. En agissant ainsi, sa tâche ne consiste pas à apprécier la preuve. Sa tâche consiste à établir si quelque élément de preuve a été fourni à l’égard du point important en cause. La commission ne peut accueillir une demande de non‑lieu que si elle conclut qu’il y a absence de preuve à l’égard d’un ou de plusieurs éléments importants du grief.

Ce critère a été désigné comme le critère de quelque élément de preuve.

[14] Il se révèle que la jurisprudence a établi un deuxième critère. Il a été traité de ce critère dans la décision Gerin c. I.M.P. Group Ltd. (No 1) (1994), 24 C.H.H.R. D/449 (NS Bd. Inq.), au paragraphe 24, dans laquelle Bruce Wildsmith a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
[…] le critère de quelque élément de preuve n’est probablement pas assez élevé; il doit y avoir un certain fondement raisonnable permettant de tirer une conclusion favorable au plaignant.

Le deuxième critère soutient par conséquent qu’il doit y avoir de la preuve sur laquelle un tribunal pourrait se fonder pour tirer une conclusion favorable au plaignant.

[15] David Mullan suit l’exemple de M. Wildsmith dans la décision Modi c. Paradise Fine Foods Ltd., 2005 HRTO 24, au paragraphe 13, et applique le deuxième critère. Cela est conforme aux commentaires du juge MacIntyre dans l’arrêt Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28, dans lequel il a décrit la preuve prima facie comme :

[…] celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé.

Il ne s’agit pas d’un seuil élevé et la différence entre les deux critères est facilement exagérée.

[16] La décision Gerin mentionne une vieille affaire anglaise, Ryder v. Wombwell (1868) L.R. 4 Exch. 32, aux pages 38 et 39, qui énonce le critère d’une manière qui semble particulièrement utile dans la présente affaire.

[Traduction]
[I]l y a dans toute affaire […] une question préalable qui est une question de droit, c’est-à-dire celle de savoir s’il y a quelque élément de preuve sur lequel le jury pourrait correctement se fonder pour tirer une conclusion favorable à la partie qui a le fardeau de preuve. S’il n’y en a pas, le juge doit retirer l’affaire au jury et ordonner un non-lieu […].

[17] Le point que je souhaite faire valoir est que l’utilisation des mots quelque élément de preuve dans le contexte d’un non‑lieu a certaines limites. La preuve présentée par la poursuite doit satisfaire à une certaine norme. Il doit s’agir de preuve sur laquelle on peut se fonder. Je remarque que le juge MacIntyre écrit qu’une preuve prima facie doit être suffisante. Je pense que la preuve doit de plus être appréciable. Il y a un seuil sous lequel la valeur probante de la preuve est si minimale qu’elle n’a pas d’effet juridique.

B. Les allégations

(i) L’âge

[18] Le plaignant fait deux allégations. L’une est qu’il a subi de la discrimination du fait de son âge.

[19] Il y a une absence de preuve à cet égard. La seule preuve à l’égard de l’âge est que M. Filgueira était plus âgé que les autres employés. Je dispose en outre de preuve selon laquelle il se peut qu’un autre veilleur de nuit ait reçu une rémunération plus élevée. Ce n’est pas suffisant.

[20] Je suis conscient que la jurisprudence suggère que le simple fait qu’un plaignant dans un groupe particulier ait été traité de façon différente est suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination. Je pense que cette interprétation du droit enlèverait probablement au processus toute exigence significative. Étant donné que M. Filgueira était l’employé le plus âgé, quelque élément de preuve démontrant qu’un autre employé recevait une rémunération plus élevée conduirait à une inférence de discrimination. Je pense qu’il doit y avoir quelque chose de plus. Il doit y avoir un lien de causalité. Il doit y avoir de la preuve démontrant que la différence à l’égard de la rémunération était fondée sur un motif prohibé.

(ii) L’origine nationale ou ethnique

[21] L’autre allégation dans la plainte est que M. Filgueira a subi de la discrimination du fait de son origine nationale ou ethnique. Il existe en l’espèce deux allégations quant aux faits. La première se rapporte à l’échelle des salaires et la deuxième aux heures supplémentaires.

a) L’échelle des salaires

[22] M. Filgueira était décrit comme un veilleur de nuit. M. Capp disait qu’il était un [Traduction] gardien. Il y avait des gardiens de nuit et des gardiens de jour. M. Filgueira a prétendu qu’il était payé moins que l’étaient d’autres gardiens.

[23] Il existe une question de preuve qui exige une observation. Mme Rubio s’est appuyée sur un seul relevé de salaires qui contenait des renseignements relatifs à des talons de chèque de paie pour M. Filgueira et pour de nombreux autres employés. Les portions de ce document qui se rapportent à d’autres employés n’ont jamais été correctement présentées en preuve. Je n’ai aucun renseignement à l’égard de ces employés, de leurs fonctions ou des raisons pour lesquelles ils étaient employés. Les portions de ce document se rapportant à d’autres employés n’ont aucune importance que ce soit.

[24] Le principal problème auquel se heurte M. Filgueira à l’égard du non‑lieu est qu’il n’a pas présenté de preuve pour établir quelle était l’échelle des salaires des gardiens. À ce moment‑ci, je ne sais simplement pas quelle était la rémunération des autres gardiens. Il y a le témoignage de M. Beaudoin, mais ce dernier avait des fonctions additionnelles. Point plus pertinent encore, il n’était pas un veilleur de nuit. M. Beaudoin travaillait le jour et la preuve a démontré que la charge de travail était plus élevée le jour.

[25] Le seul élément de preuve qui aurait pu conduire à une inférence de discrimination provient du plaignant lui‑même. M. Filgueira a témoigné que M. Pahar, un autre veilleur de nuit, affirmait qu’il était payé un dollar de plus l’heure. M. Pahar était désigné comme témoin, mais il n’a pas donné suite à l’assignation à comparaître. Mme Rubio a décidé de ne pas insister pour qu’il comparaisse. Je n’ai donc que le témoignage de M. Filgueira.

[26] Le témoignage n’établit pas que M. Pahar recevait une rémunération plus élevée pour l’exécution des mêmes fonctions. M. Filgueira a reconnu, lors du contre‑interrogatoire, que d’autres gardiens au point d’entrée recevaient une rémunération plus élevée parce qu’ils enregistraient la température des conteneurs réfrigérés. M. Filgueira n’exécutait pas cette fonction. La question évidente est celle de savoir si M. Pahar enregistrait la température des conteneurs réfrigérés. La preuve ne nous le dit pas.

[27] Il est vrai que M. Filgueira a témoigné qu’il a formé M. Pahar. Ce fait peut sans doute être interprété comme une preuve qu’ils exécutaient les mêmes fonctions. Toutefois, il y a encore des lacunes dans le dossier. La preuve établit que M. Pahar était un Est‑Indien et qu’il était membre d’une minorité. Il s’ensuit que la preuve à l’égard de son salaire n’appuie pas l’allégation selon laquelle Garfield a exercé de la discrimination à l’endroit de M. Filgueira parce qu’il était membre d’une minorité ethnique.

[28] Je suppose qu’on pourrait toujours prétendre que l’employeur a traité M. Filgueira, un Chilien, d’une façon différente de celle selon laquelle il traitait les employés provenant de l’Inde. Le plaignant a donné à entendre qu’il était possible que M. Jasbir, le gérant de triage, ait engagé des gens en provenance de son pays. Toutefois, il s’agit d’une hypothèse. Il n’y a pas de preuve que M. Pahar recevait une rémunération plus élevée en raison de son appartenance à un groupe ethnique particulier. Le manque total de preuve à l’égard des pratiques de l’employeur fait qu’il est impossible de dire pourquoi des salaires différents peuvent avoir été payés.

b) Les heures supplémentaires

[29] M. Filgueira a en outre allégué que Garfield a exercé de la discrimination à son endroit quant aux heures supplémentaires. Il y a deux prétentions distinctes. La première est que Garfield ne lui a pas payé les heures supplémentaires effectuées avant 2001. La deuxième est qu’elle a réduit ses heures supplémentaires compte tenu de la présente plainte.

1. Avant 2001

[30] La première prétention requiert une certaine explication des faits. Lorsque M. Filgueira a initialement été engagé par Garfield, il travaillait 72 heures par semaine. Il n’était pas payé pour les heures supplémentaires qu’il faisait. Cette situation a finalement conduit à une plainte auprès de Travail Canada à l’égard du défaut de la compagnie de payer les heures supplémentaires effectuées.

[31] La plainte auprès de Travail Canada a par la suite été réglée. Il y a une lettre d’un inspecteur du travail. Cette lettre est datée du 1er juin 2001 et énonce que M. Filgueira a droit à une somme de 13 104,00 $ pour les heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

[32] Le dernier paragraphe de la lettre énonce ce qui suit :

[Traduction]
Comme l’exige le paragraphe 251(2) [du Code canadien du travail], veuillez indiquer en signant ci‑après que le montant précédemment mentionné, lorsqu’il sera versé à votre REÉR, est le montant total qui vous est dû pour les heures supplémentaires que vous avez effectuées jusqu’à maintenant.

Ce paragraphe est suivi d’une ligne pour la signature.

[33] Il n’y a pas de raison pour aller plus en détail quant à la question. Le paragraphe 251(2) du Code canadien du travail énonce que l’employeur et l’employé doivent s’entendre sur le montant dû. M. Filgueira a accepté le montant mentionné dans la lettre à titre de paiement complet pour les heures supplémentaires effectuées. Mme Rubio a reconnu au début de l’audience que la réclamation monétaire pour les heures supplémentaires effectuées avant 2001 avait été réglée. Elle a néanmoins prétendu que le défaut de la compagnie de payer les heures supplémentaires effectuées était une preuve de discrimination.

[34] Le problème est qu’il y a absence de preuve à l’égard de la prétention voulant que le défaut de payer les heures supplémentaires constitue une pratique discriminatoire au sens légal. La seule preuve dont je disposais était que M. Filgueira a eu une conversation avec un dirigeant de la compagnie qui lui avait dit que la compagnie ne payait pas les heures supplémentaires effectuées. Il n’y a toutefois pas de véritables renseignements se rapportant à d’autres employés. Il n’y a rien dans la preuve qui démontrerait que l’intimée a traité M. Filgueira d’une façon différente de celle selon laquelle elle traitait des employés d’autres groupes nationaux ou ethniques.

2. Les représailles

[35] Le plaignant a en outre allégué avoir subi des représailles. Il y a deux versions de cette allégation. La première est que la compagnie a exercé des représailles à l’endroit de M. Filgueira parce qu’il a déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail. La deuxième est qu’elle a exercé des représailles à son endroit parce qu’il a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

[36] L’affirmation fondamentale quant aux faits est que les heures supplémentaires effectuées par M. Filgueira ont diminué après que la demande antérieure eut été réglée. Il y a absence de preuve à cet égard. M. Capp a épluché laborieusement le dossier de rémunération de M. Filgueira, chèque de paie par chèque de paie. M. Filgueira a été forcé de reconnaître qu’il a travaillé 80 heures par semaine en 2001, 2002 et 2003. C’était le nombre d’heures qu’il travaillait avant que la plainte soit déposée.

[37] Je dois ajouter que les renseignements se rapportant à d’autres employés sont complètement déficients. Il n’y a pas de preuve démontrant que l’intimée a traité M. Filgueira d’une façon différente de celle selon laquelle elle traitait des employés d’autres groupes nationaux ou ethniques.

c) Conclusions

[38] L’exigence fondamentale quant à la présente affaire est relativement simple. Le plaignant doit présenter une certaine preuve démontrant que Garfield l’a traité d’une façon différente de celle selon laquelle elle traitait des employés d’autres groupes nationaux ou ethniques. L’affaire s’est compliquée compte tenu du fait que M. Filgueira a modifié sa position au cours de son témoignage et a laissé entendre que le véritable fondement de toute discrimination était la langue. Je reconnais néanmoins dans la présente affaire que cette question serait suffisante pour établir qu’il y a eu de la discrimination fondée sur l’origine nationale.

[39] Je pense que les échanges lors du contre‑interrogatoire démontrent la nature hypothétique de la prétention qui m’est soumise. M. Filgueira croyait qu’il recevait une rémunération moindre que celle reçue par d’autres employés. Compte tenu de ce fait, il a tenu pour acquis qu’il faisait l’objet de discrimination. Il s’agissait d’une hypothèse. M. Filgueira n’était pas particulièrement intéressé au motif pour lequel il était traité de façon différente. Mais, naturellement, c’est précisément ce qui préoccupe le Tribunal.

[40] La seule preuve dont je dispose est la remarque de M. Pahar selon laquelle il était payé un dollar de plus l’heure. La remarque a contrarié M. Filgueira et il a tenu pour acquis qu’il faisait l’objet de discrimination. Je suppose que cela est possible. Mais il doit y avoir une certaine preuve à cet égard. En droit, lorsque l’on dit preuve, nous voulons dire quelque chose qui fait qu’il est plus probable qu’une prétention particulière soit vraie qu’il est probable qu’elle ne le soit pas. Il doit y avoir quelque chose dans la preuve qui appuierait une conclusion favorable au plaignant.

[41] La question qui demeure est la suivante : Le fait qu’un employé croit qu’une personne d’un groupe ethnique différent fait le même travail et reçoit un salaire plus élevé est‑il suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination? Je pense qu’il doit y avoir quelque chose de plus. Il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Je ne dis pas que ce que croit un plaignant n’a aucune force probante. Cela dépend des circonstances. Toutefois, le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant.

[42] Il y a toujours des possibilités. Ce n’est pas suffisant. Une preuve est quelque chose de plus qu’une simple possibilité. Je ne vois rien dans la preuve dont je dispose qui rend réelle cette possibilité ou qui apporte à l’équation un degré mesurable de possibilité.

[43] Je n’ai donc qu’une seule déclaration de M. Pahar, qui n’a jamais été appelé comme témoin. Je pense que cette preuve se situe bien au-dessous de la norme requise pour faire droit à une réclamation qui serait fondée en droit. Si quelque élément de preuve m’a été soumis, il n’est pas appréciable. Il est si minimal qu’il n’a pas d’effet juridique.

IV. Décision

[44] Le critère à l’égard d’un non‑lieu a été satisfait. La demande de non‑lieu est accueillie et la plainte est rejetée.

Signée par

Dr Paul Groarke
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 17 août 2005

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T952/7204

Intitulé de la cause : Ronaldo Filgueira c. Garfield Container Transport Inc.

Date de la décision du tribunal : Le 17 août 2005

Comparutions :

Date et lieu de l’audience : Les 11, 13 au 15 juillet 2005
Les 25 au 27 et 29 juillet 2005

Toronto (Ontario)

Ronaldo Filgueira, pour lui même

Consuelo Rubio, pour le plaignant

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Harvey Capp, pour l'intimée

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