Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Daniel Kasongo

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Financement Agricole Canada

l'intimée

Décision

Membre : Michel Doucet
Date : Le 21 juin 2005
Référence : 2005 TCDP 24

Table des matières

I. Introduction

II. Les faits

III. L’analyse juridique

A. Le poste de professeur de français langue seconde

B. Poste d'agent de communications bilingue

C. Poste de conseiller en diversité

D. Le poste de traducteur

IV. Décision

I. Introduction

[1] À l’automne 2000, le plaignant a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant qu’il avait fait l’objet de discrimination à l’emploi basée sur sa race, son origine nationale ou ethnique et sa situation de famille, contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. (1985), ch. H-6.

II. Les faits

[2] Le plaignant, Daniel Kasongo Sadi, est originaire de la République Démocratique du Congo. Après ses études secondaires, il a réussi un concours qui lui a permis de quitter son pays natal pour aller étudier en Belgique, à l'École de Navigation d'Anvers, où il a passé trois années à étudier la navigation maritime. Il quitte ensuite la Belgique pour l’Algérie où il obtient un diplôme de Lieutenant au Long Cours. Il travaille pendant deux années dans le domaine de la navigation maritime mais devant l’impossibilité d’obtenir son livret d’officier maritime, il s’est vu obligé de réorienter sa carrière.

[3] Il travaille alors comme musicien pour un certain temps et, finalement, il sera pris en charge par le Haut Commissariat aux Réfugiés, ce qui lui permettra de quitter le continent africain. On lui offrait l’opportunité d’aller en Australie, aux États-unis ou au Canada. Ayant connu un professeur canadien en Algérie, il opte pour ce pays. Il arrive à Montréal le 14 octobre 1984. En 1988, il obtient la nationalité canadienne.

[4] Au Canada, il décide de retourner aux études et de choisir une nouvelle carrière. Il s’inscrit à l’Université Concordia, de Montréal, où il obtient, en 1991, un baccalauréat en étude française (spécialisation en didactique du français). Il avait également obtenu, en 1990, de cette même université un certificat pour l’enseignement du français langue seconde aux adultes.

[5] Après avoir obtenu son baccalauréat, il agit pendant une année comme agent d'accueil, à titre bénévole, pour une association catholique, les Services catholiques pour immigrants, qui travaille alors avec Immigration-Québec. Il donne des cours de français aux nouveaux immigrants. C’est ce travail qui, selon son témoignage, l'a motivé à se spécialiser en enseignement du français langue seconde, aux adultes.

[6] Il travaille ensuite à la Commission des Écoles catholiques de Montréal de 1991 à 1998 où il enseigne le français langue seconde à des adultes. En 1990-91, il commence une Maîtrise en linguistique à l'Université du Québec à Montréal avec option spéciale en didactique du français. Il suit trois cours pour ensuite abandonner le programme. Dans son formulaire de plainte, le plaignant mentionne qu’il détient une maîtrise en linguistique avec spécialisation en didactique du français ce qui, selon son curriculum vitae et son témoignage, est inexacte. Lorsque contre-interrogé sur cette inconsistance, le plaignant s’embrouille dans des explications peu convaincantes. Il admet que c’est une erreur et qu’il y a d’autres erreurs dans son formulaire de plainte ce qui évidemment met en doute la fiabilité de ce document.

[7] Pendant cette même époque, il travaille comme journaliste pour Radio Centre-ville, à Montréal, et comme rédacteur et journaliste pour un journal appelé Alternatives, pour lequel il effectue des reportages dans la région des Grands Lacs en Afrique, et pour une revue nommée Afrique. Il réalise aussi 24 émissions pour Échos d’Afrique.

[8] Durant son séjour à Montréal, il occupera également les fonctions de directeur des relations publiques et responsable des projets pour une maison interculturelle pour l'accueil des immigrants,  Safari Maison Interculturelle. Il est également directeur exécutif du Centre culturel africain à Montréal.

[9] En 1997, il retourne au Congo (Zaïre), où il occupera pendant une période d’environ 6 mois le poste de directeur national de la Radio-télévision nationale du Congo. Il revient, par la suite, au Canada rejoindre son épouse qui était enceinte de leur deuxième enfant. En mai 1998, il prend la décision de partir vers l’ouest canadien afin de se trouver du travail. Son intention est de se rendre en Colombie-Britannique mais son auto tombe en panne à Regina, en Saskatchewan, où il décide de s’établir pour chercher un emploi.

[10] Son premier emploi, en Saskatchewan, sera avec le Conseil culturel fransaskois[1] Peu après, il obtient un poste à l’Institut linguistique de l’Université de Regina comme professeur de français langue seconde aux adultes. Il débute ce travail à temps partiel durant l’été. Il enseigne alors le français langue seconde à des techniciens de Radio-Canada.

[11] En septembre 1998, il enseigne trois cours de français à l’Institut linguistique. L’Institut l’a également embauché pour donner des cours de français à des fonctionnaires, à un juge et à une dirigeante de l’Université.

[12] En mai 1999, il commence un nouveau travail à Radio-Canada, à temps partiel, pendant les fins de semaine. À l’été de la même année, après avoir quitté l’Institut, il travaillera à Radio‑Canada à temps plein. À la même époque, il enseigne le français langue seconde aux adultes à l’Académie de la Gendarmerie royale du Canada.

[13] Depuis novembre 2002, le plaignant travaille pour l’École de la fonction publique du Canada, à Ottawa, où il enseigne le français langue seconde aux fonctionnaires fédéraux.

[14] Dans son formulaire de plainte, il soutient avoir fait l’objet de discrimination en emploi basée sur sa race, son original nationale ou ethnique et sur sa situation de famille, contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne des droits de la personne.

[15] Il allègue, plus précisément, qu’à la fin juillet 1999, il a répondu à une annonce pour un poste de professeur de français langue seconde avec la Société du crédit agricole, maintenant Financement agricole Canada (l’intimée), parue dans les journaux de Regina, en Saskatchewan, il aurait envoyé une lettre et son curriculum vitae, à Madame Marie-France Kenny, directrice des langues officielles et de la traduction chez l’intimée. Il allègue également dans son formulaire de plainte qu’il a déposé, au courrant de l’année 2000, son curriculum vitae pour un poste d’agent chargé de l’équité en matière d’emploi et pour un poste de traducteur. Dans les trois cas, sa candidature n’a pas été retenue.

[16] Le plaignant fait également allusion dans son formulaire de plainte à des allégations de népotisme dans le processus de recrutement de l’intimée. Il allègue que du côté francophone à moins de faire partie de ce qu’il appelle les grandes familles fransaskoises, il est difficile d’obtenir un emploi auprès de l’intimée. À l’audience, le plaignant n’a apporté aucune preuve concluante pour soutenir cette allégation autre que des impressions. Aucun témoin n’est venu appuyer les perceptions du plaignant à ce sujet. Je tiens à rappeler qu’il ne suffit pas de faire appel à des impressions ou à une preuve impressionniste pour établir une discrimination, il faut apporter les éléments de preuve qui soutiennent celle-ci. Je n’ai aucune raison de croire, étant donné la preuve qui m’a été présentée, qu’il ait existé chez l’intimée le népotisme dont fait mention le plaignant et je n’ai également pas de preuve que seulement des membres de grandes familles fransaskoises soient favorisées lors de l’embauche. En raison de cette absence de preuve, je ne tiendrais pas compte de ces allégations dans la présente décision.

[17] Avant d’aborder plus spécifiquement les plaintes du plaignant en ce qui concerne les différents emplois pour lesquels il dit avoir postulée, analysons quels principes juridiques doivent s’appliquer en l’espèce.

III. L’analyse juridique

[18] L’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne établit que c’est une pratique discriminatoire que de refuser d’employer une personne pour un motif de distinction illicite. La race, la couleur ainsi que l’origine nationale ou ethnique sont toutes des motifs de distinctions illicites.

[19] Le fardeau de preuve, dans une affaire comme la présente, incombe tout d’abord au plaignant qui doit établir un cas prima facie de discrimination. (Voir :  Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et Commission de la fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616, 1618; Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1988), 9 C.H.R.R. D/5029; et, Premakumar c. Air Canada, D.T. 03/02, 2002/02/04.)

[20] Un cas prima facie est celui qui porte sur les allégations qui sont faites et qui, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict favorable au plaignant, en l’absence d’une réponse de la part de l’intimée. (Ontario Human Rights Commission c. Etobicoke (Borough), [1982] 1 R.C.S. 202, à la page 208; Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpson-Sears Ltée, [1985] 2 R.C.S. 536, au par. 28.) La question est donc de savoir s’il y a une preuve, qui, en soi, établirait selon la prépondérance des probabilités que le plaignant a été victime de discrimination.

[21] Dans l’arrêt Lincoln c. Bay Ferries Ltd , [2004] C.A.F. 204, la Cour d’appel fédérale précisera, au paragraphe 22, que le Tribunal ne doit pas tenir compte de la réponse de l’intimée avant de conclure qu’une preuve prima facie a été établie. Elle ajoute que cet élément ne joue aucun rôle dans la détermination de la question à savoir si le plaignant a rencontré le fardeau de preuve qui lui incombe.

[22] Dans le contexte de l’emploi, un cas prima facie a été décrit comme exigeant une preuve des éléments qui suivent :

  1. le plaignant avait les qualifications pour l’emploi en cause;
  2. le plaignant n’a pas été embauché;
  3. une personne qui n’était pas mieux qualifiée, mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte (c’est-à-dire : race, couleur etc.) a subséquemment obtenu le poste. (Shakes c. Rex Pak Ltée (1982), 3 C.H.R.R. D/1001, au paragraphe 8918.)

[23] Ce critère a été modifié pour l’ajuster à des situations où le plaignant n’est pas embauché et où l’intimée continue de chercher un candidat approprié. Dans ce cas, l’établissement d’un cas prima facie exige la présence des éléments suivants :

  1. que le plaignant appartienne à l’un des groupes qui sont sujets à la discrimination en vertu de la Loi, par exemple : motif religieux, handicap ou origine ethnique;
  2. que le plaignant a posé sa candidature pour un poste pour lequel il était qualifié et que l’employeur désirait combler;
  3. que, même s’il était qualifié, le plaignant a été rejeté;
  4. que, par la suite, l’employeur a continué de chercher des candidats possédant les qualifications du plaignant. (Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et Commission de la fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616, à la page 1618.)

[24] Dans Premakumar c. Air Canada, D.T. 03/02, 2002/02/04, la Présidente du Tribunal, Anne Mactavish, tel était alors son titre, précisera :

Bien que les critères des affaires Shakes et Israeli soient des guides utiles, aucun des deux ne devrait être appliqué automatiquement d’une manière rigide et arbitraire dans chaque affaire qui porte sur l’embauchage : il faut plutôt tenir compte des circonstances de chaque affaire pour établir si l’application de l’un ou l’autre des critères, en tout ou en partie, est pertinente. En bout de ligne, la question sera de savoir si [le plaignant] a répondu au critère O’Malley, c’est-à-dire si on y ajoute fois, la preuve devant [le Tribunal], est-elle complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du [plaignant] en l’absence de réplique de l’intimée.

[25] Une fois la preuve prima facie établie le fardeau de la preuve se déplace sur l’intimée, qui doit fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. S’il donne une explication raisonnable pour ce qui serait autrement un comportement discriminatoire, le fardeau se déplacera à nouveau vers le plaignant qui devra alors démontrer que l’explication était un prétexte et que la véritable motivation derrière les actes de l’intimée était, en fait, discriminatoire.

[26] La jurisprudence reconnaît la difficulté de prouver les allégations de discrimination par moyen d’une preuve directe. Tel que mentionné dans Basi : La discrimination fondée sur la race ou la couleur se pratique souvent de manière subtile. Rares sont les cas de discrimination pratiqués ouvertement. (Basi, précité, par. D/5038.) Il appartient donc au Tribunal de tenir compte de toutes les circonstances pour établir s’il existe ce qui a été décrit comme de subtiles odeurs de discrimination. (Premakumar, par. 79.)

[27] La norme de la preuve dans les causes de discrimination est la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités : l’on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l’appui rend cette conclusion plus probable que n’importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible. (Premakumar, par. 81.) Il n’est pas nécessaire, cependant, que les considérations discriminatoires soient la seule raison des actes en cause pour qu’une plainte soit acceptée. C’est suffisant si la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique étaient des facteurs de la décision de ne pas embaucher. (Premakumar, par. 82; Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12, au para. D/15.) Toutefois, je tiens à préciser qu’il ne suffit pas que la preuve circonstancielle soit compatible avec une inférence de discrimination; elle doit également être incompatible avec d’autres possibilités.

[28] En effet, la preuve de discrimination possède des difficultés qui lui sont propres. La plus importante est, sans contredit, le fait que des circonstances semblables peuvent se prêter à des interprétations différentes. Dans la décision Cecil Brooks c. Ministère des Pêches et océans, 2004 TCDP 36, mon collègue Paul Groarke précisera, au paragraphe 107 :

On pourrait affirmer que l’acte de discrimination réside dans la différenciation. Le problème est que cette différenciation n’existe pas indépendamment des actions des parties. Elle doit être inférée. Il s’ensuit que l’on doit se servir de son jugement dans toute appréciation des circonstances qui donnent naissance à une plainte de discrimination.

[29] Le Tribunal doit être prudent dans son évaluation de la preuve qui souvent est constituée d’impressions. Dans Shakes, précité, au paragraphe 8918, la Commission d’enquête reconnaît les limites de ce genre de preuve lorsqu’elle cite le professeur Borins dans Kennedy c. Mohawk College (1973) :

Il faut ajouter que la commission doit examiner la conduite dont on se plaint d’une manière objective et non pas du point de vue subjectif de la personne qui allègue la discrimination dont l’interprétation de la conduite reprochée pourrait bien être déformée en raison des caractéristiques innées de la personnalité comme un degré élevé de sensibilité ou une personnalité défensive importante.

[30] Comme l’a indiqué le Tribunal dans la décision Brooks, précitée, l’utilisation du mot innées dans ce passage est malencontreuse. Toutefois, le point que voulait faire le professeur Borins est important. : un Tribunal doit être prudent en se fiant aux perceptions des parties.

[31] Voilà donc les principes que je dois appliquer dans la présente affaire. Le formulaire de plainte, signé le 24 septembre 2000 par le plaignant, mentionne trois postes pour lesquels il allègue qu’il y a eu de la discrimination :

  • Le poste de professeur de français langue seconde.
  • Le poste de conseiller en diversité.
  • Le poste de traducteur.

[32] Le poste d’agent bilingue de communications n’est pas mentionné dans le formulaire de plainte mais il a été soulevé par le plaignant dans sa divulgation et lors de l’audience. L’intimée ayant été mise au courant de l’intention du plaignant de soulever cette question lors du dépôt de la divulgation de celui-ci, le 8 septembre 2004, et puisque aucun préjudice n’en découle pour l’intimée, le Tribunal a donc l’intention de considérer les faits entourant cette question dans sa décision.

A. Le poste de professeur de français langue seconde

[33] Le 31 juillet 1999, l’intimée fait paraître une offre d'emploi dans The Leader Post, journal de langue anglaise de Regina, et dans l’hebdomadaire de langue française L'Eau vive, pour un poste de professeur de français langue seconde. Selon l’annonce, le titulaire du poste aurait à dispenser des cours de groupe et des cours privés à des étudiants de différents niveaux.  Le postulant doit posséder l’expérience nécessaire pour développer des programmes d’apprentissage sur mesure pour les étudiants. L’annonce exige également une bonne connaissance du Programme de base de français au travail. Le candidat doit posséder un baccalauréat en éducation, une excellente maîtrise du français oral et écrit, ainsi qu’une vaste expérience en enseignement aux adultes. Le poste était offert sur une base contractuelle et le titulaire serait considéré comme un travailleur autonome. Les personnes intéressées étaient invitées à faire parvenir [leur] curriculum vitae, avant le 6 août 1999, à Marie-France Kenny, laquelle occupait alors le poste de directrice, Langues officielles et traduction chez l’intimée.  Lors de l’audience, elle occupait le poste de directrice, Langues officielles et partenaire d’affaires en pratiques culturelles aux Ressources humaines.

[34] Madame Kenny gère la formation linguistique chez l’intimée. À ce titre, elle s’est occupée de préparer le matériel pour la sélection du candidat, à l’exception du test écrit de français qui est un test standard chez l’intimée. Elle est responsable pour la préparation du guide d’entrevue et des questions qui seront posées.

[35] Selon le témoignage de Madame Louise Beaudoin, l’adjointe administrative de Madame Kenny, une douzaine de personnes auraient postulé pour ce poste. Après le dépôt des curriculums vitaes des postulants, Madame Kenny dit avoir procédé à la sélection de ceux et de celles qui seraient invités à passer le test écrit. C’est Madame Beaudoin qui a contacté les candidat(e)s retenu(e)s pour les inviter à passer le test écrit. Madame Kenny s’est chargée de corriger les tests.

[36] Puisqu’il considérait que ce poste correspondait à ses qualifications, le plaignant a décidé de poser sa candidature. La preuve démontre d’ailleurs que le plaignant possède une bonne expérience dans l’enseignement du français langue seconde aux adultes.

[37] Le plaignant dit s’être rendu en personne aux bureaux de l’intimée pour y déposer une enveloppe, adressée à Madame Kenny, contenant son curriculum vitae ainsi qu’une lettre de présentation. La lettre de présentation ne sera jamais produite en preuve. D’ailleurs aucune lettre de présentation pour aucun des postes pour lesquelles le plaignant dit avoir postulés auprès de l’intimée ne sera produite en preuve. Les explications du plaignant quant à l’absence de ces lettres ne m’ont pas convaincu et j’en suis venu à douter de leur existence.

[38] Le plaignant affirme avoir remis l’enveloppe à la réception. Cette journée-là, Monsieur François Magnin était le réceptionniste. Il affirme que seul le curriculum vitae fut déposé, sans lettre de présentation et sans enveloppe. Il ajoute que si une enveloppe lui avait été remise, qu’il aurait alors apposé l’étampe Reception/Réception Received/Reçu sur l’enveloppe sans l’ouvrir. L’étampe est apposé, en l’espèce, sur la copie du curriculum vitae du plaignant ce qui veut dire, selon M. Magnin, que le document lui fut remis sans enveloppe. Il indique également que si le plaignant lui avait mentionné que le document devait parvenir à une personne en particulier, qu’il aurait fait parvenir le document à cette personne. Je n’ai aucune raison de mettre en doute le témoignage de Monsieur Magnin à ce sujet. Il m’est apparu comme un témoin crédible, fiable et désintéressé du fait que sa conduite n’est pas directement en cause dans cette affaire. Dans ces conditions, j’accepte son témoignage lorsque celui-ci sera en contradiction avec celui du plaignant.

[39] Le plaignant affirme qu’il a indiqué à M. Magnin qu’il était venu pour le poste affiché dans L’Eau Vive et que M. Magnin lui aurait dit Le poste annoncé par Marie-France Kenny, oui.  Toutefois, en contre-interrogatoire, il admettra que c’est la première fois qu’il fait référence à cette conversation qu’il aurait eue avec M. Magnin. Je préfère le témoignage de M. Magnin à celui du plaignant.

[40] Le 4 août 1999, soit quelques jours après qu’il eut déposé sa demande, le plaignant reçoit une lettre de l’intimée, signée par Madame Tenille Nashiem, une stagiaire, pour Madame Misha Fafard. Madame Fafard occupait le poste d’adjointe à la dotation et relations de travail de la division des Ressources humaines. Cette lettre mentionne qu’il n’y a aucun poste chez l’intimée correspondant au profil du plaignant. La lettre l’informe que son curriculum vitae sera gardé par l’intimée dans ses filières pour une période de 6 mois. Selon Madame Fafard, c’est une pratique normale chez l’intimée d’agir ainsi lorsqu’un curriculum vitae est reçu sans indication pour quel poste la personne postule.

[41] Suite à la réception de cette lettre, soit vers le 9 août 1999, le plaignant dit avoir téléphoné l’intimée et avoir demandé à parler à Madame Kenny, afin de comprendre ce qui n’allait pas. Il a d’abord parlé à Madame Fafard qui lui explique qu’elle a reçu son curriculum vitae et que celui-ci a été classé dans le dossier des demandes sans lettre de présentation car il n’était pas indiqué pour quel poste l’auteur de la lettre postulait. Après qu’il eut indiqué qu’il postulait pour le poste de professeur de français, Madame Fafard l’informe qu’elle n’est pas au courant de l’annonce de ce poste puisque les Ressources humaines ne sont pas impliquées dans sa dotation, laquelle relève de Madame Kenny. Elle transfert donc l’appel à Madame Kenny. Madame Fafard ajoute qu’elle est allée chercher le curriculum vitae du plaignant et qu’elle l’a transmis à Madame Kenny.

[42] Lors de sa conversation avec le plaignant, Madame Kenny dit s’être rendue compte qu’il possédait les qualifications de base nécessaires pour postuler pour le poste. Elle l’informe qu’elle allait récupérer son curriculum vitae aux Ressources humaines, même si la date pour le dépôt des conditions était dépassée à ce moment.

[43] Le plaignant fut convoqué au test écrit et, par la suite, à l’entrevue orale.

[44] Au test écrit, le plaignant dit s’être classé premier. Ce que confirmera d’ailleurs Madame Nicole Bussières, membre du comité d’entrevue. Elle ajoutera cependant que tous les candidats avaient bien réussi le test écrit et que le classement avait finalement peu d’importance puisque les quatre meilleurs résultats ont été retenus pour les entrevues. Madame Kenny précisera que les résultats au test écrit et à l’entrevue n’étaient pas cumulatifs.

[45] Le plaignant sera donc invité à venir passer une entrevue orale pour le poste d’enseignant, le 19 août 1999, à 9 heures. Les trois autres candidates invitées pour une entrevue étaient Lorraine Laliberté, Céline Merriman et Nicole Lemelin-Sarny.

[46] L’entrevue s’est déroulée en présence de Madame Nicole Bussières, professeur de français langue seconde chez l’intimée, et de Madame Kenny. Madame Bussières est un travailleur autonome et non une employée de l’intimée. C’était la première fois que le plaignant rencontrait ces deux personnes autres que d’avoir parlé avec Madame Kenny au téléphone une fois auparavant. Le processus des entrevues était le même avec tous les candidats.

[47] Madame Kenny précisera que sa réaction après l’entrevue du plaignant était très bonne. Elle ajoute avoir été très emballée par l’entrevue. Elle dit avoir trouvé le plaignant dynamique et créatif. Elle aurait alors indiqué à Madame Bussières que si les trois autres candidates ne faisaient pas l’affaire cela n’avait pas d’importance puisque le plaignant été un excellent candidat. Nicole Bussières, aurait également trouvé la candidature du plaignant très intéressante.

[48] Au fur et à mesure du déroulement des entrevues, Madame Kenny et Madame Bussières disent avoir discuté des candidats. Avant l’entrevue de Madame Lemelin-Sarny, leur choix était toujours Monsieur Kasongo. Après l’entrevue avec cette dernière, le choix était entre le plaignant et celle-ci. Madame Kenny dira qu’elle penchait plutôt pour le plaignant mais que finalement, elles optèrent pour Madame Lemelin-Sarny.

[49] Selon Madame Bussières, les deux candidats sont arrivés à égalité à l’entrevue. Ce qui a fait pencher la balance en faveur de Madame Lemelin-Sarny, c'est le fait qu’elle avait enseigné à deux étudiantes de Madame Bussières lors d’un cours d’immersion d’une semaine et que celles-ci l’avaient fortement recommandée. Le plaignant avait également participé à ce cours, non à titre de professeur mais dans une activité culturelle. Madame Bussières ajoute que si Madame Lemelin‑Sarny avait refusé le poste, Madame Kenny et elle étaient d’accord pour l’offrir au plaignant.

[50] Selon Madame Kenny, le plaignant aurait très certainement pu s’adapter à l’environnement de l’intimée. Cependant, de la perception qu’elle en a eu durant l’entrevue, Madame Lemelin-Sarny, semblait présenter le package déjà fait. Elle allait, dans les mots de Madame Kenny nécessiter moins d'encadrement. Elle ajoute que Madame Lemelin-Sarny a, pendant son entrevue, mis l’emphase sur son expérience en enseignement, alors que le plaignant, tout en démontrant qu’il possédait beaucoup de créativité, avait parlé de différentes expériences. Elle conclut qu’elle aurait pu s’accommoder de l’un ou de l’autre candidat mais qu’elle s’en est remise à la préférence de Madame Bussières puisque c’est cette dernière qui allait avoir à travailler avec le candidat retenu.

[51] Quelques jours après l’entrevue, Madame Kenny téléphone au plaignant pour l’informer que le poste de professeur de français langue seconde a été attribué à un autre candidat.

[52] Appliquons maintenant les principes juridiques décrits plus haut à ces faits. Le plaignant a établit qu’il appartient à un groupe susceptible d’être victime de discrimination dû à sa race. Il a également établit qu’il possédait les compétences académiques et l’expérience nécessaires pour rencontrer les exigences du poste de professeur de français langue seconde. Les faits ont démontré qu’une autre personne avec des qualifications similaires a reçu le poste et que cette personne n’était pas de race noir. Le plaignant a donc établi, pour ce poste, une preuve prima facie de discrimination. D’ailleurs, cette conclusion a été admise par l’intimée et il n’y a pas lieu de s’y attarder plus longuement

[53] Le plaignant ayant rencontré le fardeau d’établir une preuve prima facie, celui-ci se déplace maintenant sur l’intimée, qui doit fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée.

[54] Le processus de sélection de l’intimée prévoyait, premièrement, que les candidats intéressés fassent parvenir leur curriculum vitae, avant le 6 août 1999, à Marie-France Kenny. François Magnin a témoigné qu’il a reçu le curriculum vitae du plaignant, sans enveloppe mais surtout sans lettre de présentation. Le plaignant affirme qu’il avait comme pratique d’accompagner son curriculum vitae d’une lettre de présentation et il a présenté en appui des copies de lettres d’accompagnement qu’il avait préparées dans d’autres circonstances. Toutefois, il n’a jamais été en mesure de présenter une lettre d’accompagnement pour le poste de professeur de français langue seconde et ce manquement me porte à conclure que cette lettre n’a jamais existée.

[55] M. Magnin, le réceptionniste, a témoigné que le plaignant ne lui avait pas indiqué qu’il postulait pour un poste spécifique. Ainsi, suivant la pratique de l’intimée, le curriculum vitae du plaignant fut remis aux ressources humaines où il a été placé dans le dossier général pour être conservé pour six mois. Encore une fois, suivant la pratique de l’intimée, une lettre type fut envoyée au plaignant le 4 août 1999, l’informant qu’il n’y avait aucun poste qui correspondait à ses compétences. Le plaignant a interprété l’intention de cette lettre comme une tentative de l’exclure du processus. Or, la preuve a démontré que lorsqu’un curriculum vitae est reçu par l’intimée et que l’auteur de la lettre n’indique pas pour quel poste il applique, la pratique était de lui faire parvenir  une lettre standard comme celle qui fut envoyée au plaignant le 4 août 1999.

[56] Suite à la réception de cette lettre, le plaignant a téléphoné l’intimée et a parlé à Mme Fafard qui lui a expliqué que son curriculum vitae avait été classé dans le dossier des demandes sans lettre de présentation. Après avoir apprise que le plaignant postulait pour le poste de professeur de français langue seconde, l’appel fut transféré à Madame Kenny.

[57] Madame Kenny, étant convaincu que le plaignant possédait les qualifications de base nécessaires pour postuler pour le poste, l’a convoqué au test écrit et par la suite à l’entrevue orale et ceci même si la date pour le dépôt des candidatures était dépassée.

[58] À la lumière de ces faits, je ne peux conclure que l’intimée ait eu, à ce stade, l’intention d’exclure le plaignant de la procédure de sélection. L’intimée a fourni une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. D’ailleurs, je conclus que le plaignant est en grande partie, pour ne pas dire totalement, responsable de l’imbroglio qui a suivi le dépôt de son curriculum vitae pour ce poste. S’il avait suivi les directives clairement énoncées dans l’annonce du poste et s’il avait déposé son curriculum vitae auprès de Mme Kenny, comme demandé, il aurait évité beaucoup de frustration.

[59] Douze candidats, dont le plaignant, ont été invités pour écrire le test de français. Quatre candidats, dont le plaignant, ont été choisis pour une entrevue orale le 19 août 1999. Encore une fois, puisque le plaignant a franchi sans problème ces étapes, il n’y a aucune preuve que l’intimée ait essayé de l’exclure du poste en raison de sa race ou de son origine ethnique, à ce stade.

[60] Marie-France Kenny et Nicole Bussières étaient responsables de faire passer les entrevues aux candidats retenus. Aucune note digne de ce nom ne fut produite à l’audience. Nous devons donc nous en remettre à la mémoire des participants afin de comprendre ce qui s’est produit lors des entrevues.

[61] À celles-ci, deux candidates ont été exclues rapidement. En ce qui concerne le plaignant, Mme Kenny et Mme Bussières ont toutes les deux témoigné qu’elles avaient été fortement impressionnées par son entrevue. Mme Kenny ajoutera qu’elle savait, dès l’entrevue du plaignant, que quoi qu’il advienne, elles avaient trouvé un candidat acceptable. Toutefois, une autre candidate, la dernière, Madame Nicole Lemelin-Sarny les impressionnera tout autant. Mme Bussières indiquera que les deux candidats étaient à égalité mais que ce qui a fait pencher la balance en faveur de Mme Lemelin-Sarny, dans son cas, fut les commentaires positifs de deux étudiantes qui avaient suivi une semaine d’immersion à l’Université de Regina avec la candidate.

[62] Pour sa part, Mme Kenny ajoute que même si elle avait mieux cliqué avec le plaignant, elle considérait que Mme Lemelin-Sarny avait plus d’expérience dans l’enseignement à des anglophones alors que l’expérience du plaignant se situait surtout au niveau des allophones. Je dois avouer que cette conclusion de Mme Kenny me laisse pour le moins perplexe. Elle n’a jamais expliqué en quoi cette expérience avec des allophones serait si différente d’une expérience avec des anglophones.

[63] Madame Kenny précise que lors de son entrevue, Mme Lemelin-Sarny lui est apparue plus mature, plus posée et structurée et qu’elle donnait l’impression qu’elle nécessiterait moins d’encadrement que le plaignant. Finalement, elle indique que lors de son entrevue, Mme Lemelin‑Sarny n’a parlé que de son expérience en enseignement, alors que le plaignant a parlé de plusieurs sujets.

[64] Mme Kenny ajoute qu’elle s’en est remise pour le choix final, à Mme Bussières, puisque c’est elle qui aurait à travailler avec le candidat ou la candidate retenu. Elles décidèrent d’offrir le poste à Mme Lemelin-Sarny.

[65] Une analyse des deux curriculums vitaes des candidats montre que le plaignant possédait une plus vaste expérience en ce qui concerne l’enseignement de l’anglais en tant que langue seconde aux adultes que Mme Lemelin-Sarny. L’expérience de cette dernière était surtout en matière d’enseignement dans le système scolaire publique.

[66] Toutefois, je tiens à rappeler que ce n’est pas la tâche du Tribunal de juger de la justesse du bien-fondé du choix de l’intimée. Dans chaque processus d’embauche, il existe un élément de subjectivité. Le simple fait que l’intimée ait utilisé des critères subjectifs pour juger les candidats et qu’il peut avoir commis une erreur en ce faisant, ne rend pas en soi sa décision finale susceptible de contestation au motif qu’elle est discriminatoire. (Voir : Folch c. Ligne aérienne Canadiens International Limitée (1992), 17 C.H.R.R. D/261, D/303).

[67] La preuve a montré sur quoi les candidats étaient évalués et les raisons précises pour lesquelles on a considéré que le plaignant ne serait pas le candidat retenu. Je n’ai pas à être d’accord ou en désaccord avec le choix final pourvu que celui-ci n’ait pas été fait pour des motifs discriminatoires.

[68] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je suis persuadé que pour ce poste, l’intimée a réussi à rencontrer son fardeau et qu’il a donné une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. L’intimée a pu expliqué les raisons qui l’ont amené à choisir la candidature de Madame Lemelin-Sarny au lieu de celle du plaignant et rien dans ces explications ne laisse entrevoir que la race ou l’origine ethnique du plaignant ait été une considération.

[69] Le fardeau se déplace donc à nouveau vers le plaignant qui devra maintenant démontrer que l’explication donnée par l’intimée était un prétexte et que la véritable motivation derrière les actes de l’intimée était, en fait, discriminatoire.

[70] Dans la décision Folch, précitée, le Tribunal a tenu à préciser : Lorsque des critères subjectifs sont employés relativement à l’embauchage, il peut être nécessaire d’examiner plus minutieusement les décisions prises à cet égard afin de s’assurer que les opinions subjectives ne servent pas à masquer la discrimination.

[71] Il est vrai que la discrimination est souvent invisible et que des personnes qui font de la discrimination ne se rendent pas habituellement compte qu’elles le font. Cela ne signifie pas cependant que les autres ne s’en rendent pas compte. Ainsi, en tenant compte de toutes les circonstances, est-il possible d’établir qu’il existe ici de subtiles odeurs de discrimination comme le décrit si bien le tribunal dans l’affaire Basi, précitée? Le témoignage du plaignant fournit-il une preuve de cette odeur de discrimination? À mon avis, non. Autre que des impressions, des perceptions et le fait qu’il soit convaincu qu’il était le meilleur candidat, il n’y a aucune preuve de sa part que la décision soit fondée sur des considérations de race ou de couleur. Le contexte dans lequel le concours et les entrevues se sont déroulés ne démontre pas non plus que la race ait été un facteur dont a tenu compte l’intimée dans sa décision.

[72] Aucune preuve ne vient étayer la prétention du plaignant que la question de race ou d’origine ethnique soit entrée en considération dans le processus de sélection. La race ou l’origine ethnique du plaignant n’étaient pas à l’arrière plan, du processus de sélection comme ce fut le cas dans l’arrêt Brooks (précité, au para. 119).

[73] En raison de ce qui précède, je conclus que les allégations du plaignant qu’il y aurait eu discrimination du plaignant lors du processus d’embauche pour le poste de professeur de français langue seconde ne sont pas fondées.

B. Poste d'agent de communications bilingue

[74] En août 1999, l’intimée annonce un poste d’agent de communications bilingue. La date pour le dépôt des dossiers est fixée au 6 août 1999. Le poste a été annoncé en premier en Saskatchewan seulement. Aucun candidat satisfaisant n’ayant été trouvé, le poste a été annoncé à nouveau, le 7 octobre 1999, au niveau national.

[75] Le titulaire du poste d’agent de communications bilingue travaille au sein d’une équipe responsable des communications internes, des relations avec les médias, de la rédaction d’allocutions et de la préparation de rapports annuels. Le titulaire du poste doit posséder une connaissance approfondie des médias canadiens et être titulaire d’un diplôme en journalisme ou en arts. La maîtrise de l’anglais et du français est essentielle pour le poste, d’ailleurs, selon la classification de l’intimée, le titulaire du poste devait atteindre le niveau professionnel à l’écrit et à l’oral, en français et en anglais.

[76] Le poste d’agent de communications bilingue ne faisait pas partie de la plainte initiale du plaignant. Lors de l’audience, il fut fait mention du fait que la Commission n’avait pas crue bon de retenir cette plainte car, selon l’enquêtrice, le plaignant ne semblait pas posséder les qualifications requises pour le poste. L’enquêtrice ne fut pas appelée à témoigner et les fondements de sa conclusion ne furent pas déposés en preuve.

[77] Je note cependant que, le 25 août 2000,  la Commission a fait parvenir au plaignant une lettre accompagnant son formulaire de plainte, dans laquelle elle l’informe, entre autres, qu’elle ne retient pas ses allégations concernant ce poste. À l’audience, le plaignant dira que c’est la première fois qu’il voit cette lettre. Il expliquera qu’en juillet 2000, il avait pris la décision de retourner vivre en Belgique. Ce qu’il a fait pour une certaine période. Pourtant le 24 septembre 2000, il signe le formulaire de plainte qui accompagne la lettre sans demander de modifications à celui-ci pour y ajouter le poste d’agent de communications bilingue. Je dois admettre que j’ai de la difficulté à croire le plaignant lorsqu’il dit n’avoir jamais reçu ou vu la lettre de la Commission avant l’audience, alors qu’il admet avoir reçu et signé le formulaire de plainte qui accompagne la lettre.  Sur ce point, je n’accepte pas le témoignage du plaignant.

[78] Je constate également d’autres inconsistances dans le témoignage du plaignant relativement à cette allégation. Lors des entrevues avec l’enquêtrice de la Commission canadienne des droits de la personne, il soutiendra que le poste avait initialement été annoncé comme un poste d’agent de communications français et que ce n’est que lors du deuxième concours que le poste aurait été classifié comme un poste d’agent de communications bilingue. À l’audience, le plaignant admettra que cette information donnée à la Commission était inexacte.

[79] Malgré ces faits défavorables au plaignant sur le plan de la crédibilité de son témoignage, j’ai décidé, pour les explications données plus haut, de tenir compte de sa plainte concernant ce poste.

[80] Selon le plaignant, suite à son entrevue pour le poste d’enseignant de français langue seconde, le 19 août 1999, Madame Kenny l’aurait suivi dans le corridor et lui aurait demandé s’il était intéressé par le poste d’agent de communications bilingue. Elle lui aurait indiqué que si sa candidature n’était pas retenue pour le poste de professeur, qu’elle pourrait faire parvenir son curriculum vitae à Madame Pam Bristol, responsable pour le poste d’agent de communications bilingue. Il affirme qu’il connaissait déjà l’existence de ce poste qu’il avait vu annoncé dans les journaux et que d’ailleurs il avait soumis sa candidature pour celui-ci. Toutefois, il n’a pas donné cette information à Madame Kenny car il craignait que cela lui pose problème pour le poste de professeur de français langue seconde. Il dit avoir accepté l’offre de Madame Kenny, mais à contrecoeur, affirmant qu’il avait l’impression qu’on le poussait à l’extérieur du concours pour le poste de professeur, propos qu’il nuancera quelque peu lors de son contre-interrogatoire.

[81] Selon Madame Kenny, cette conversation n’aurait pas eu lieu à ce moment mais bien quelques jours plus tard, lorsqu’elle a contacté le plaignant par téléphone pour lui annoncer que sa candidature pour le poste d’enseignement n’avait pas été retenue. Elle ajoute avoir alors informé le plaignant que l’intimée cherchait un agent de communications bilingue et lui a demandé si elle pouvait faire parvenir son curriculum vitae au responsable pour la dotation de ce poste. Madame Kenny est allée en personne remettre le curriculum vitae à Pam Bristol. Ce qui sera confirmé par cette dernière.

[82] Le plaignant fut invité à venir passer les tests oral et écrit pour ce poste.

[83] Les circonstances entourant le poste d’agent de communications bilingue font appel aux critères énoncés dans la décision Israeli c’est-à-dire le cas où le plaignant n’est pas engagé et où l’intimée continue de chercher pour un candidat. Dans ces situations, le plaignant, pour établir un cas prima facie, doit démontrer qu’il appartient à l’un des groupes qui sont sujets à la discrimination en vertu de la Loi. En l’espèce, nous n’avons pas, pour les raisons évidentes exprimées plus haut, à nous attarder à ce critère. Le plaignant a démontré qu’il rencontrait ce critère.  Malgré certaines inconsistances au niveau de la preuve, je conclus également que le plaignant a posé sa candidature pour le poste.

[84] L’arrêt Lincoln c. Bay Ferries Ltd, précitée, rappelle que pour répondre à la question à savoir si une preuve prima facie a été établie, le Tribunal ne doit pas, à ce stade, tenir compte de la réponse de l’intimée. En conséquence, puisqu’il a été invité à venir passer les tests oral et écrit, je conclus que le plaignant était, pour les fins de l’établissement d’une preuve prima facie, qualifié pour le poste que l’employeur désirait combler et que sa candidature a été rejetée. L’employeur a, par la suite, continué à chercher des candidats possédant les qualifications du plaignant

[85] La preuve prima facie ayant été établie le fardeau se déplace sur l’intimée, qui doit fournir une explication raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. En l’espèce, Madame Bristol et le comité de sélection ont rencontré le plaignant. Selon Madame Bristol, le plaignant avait un portfolio impressionnant d’articles rédigés en français. Il avait une personnalité agréable et ajoute-t-elle l’entrevue s’est bien déroulée. Par conséquent, le plaignant a passé à l’étape de sélection suivante, soit l’examen en communication en anglais. Madame Bristol précise que la position requiert que le titulaire rédige des textes surtout en anglais car le public desservit est majoritairement anglophone. C’est Madame Bristol qui a corrigé le test du plaignant. Elle dit s’être alors rendue compte que ses aptitudes en anglais, quoique bonnes, n’étaient pas au niveau requis pour le poste. Sa candidature a donc été rejetée.

[86] Lors de l’audience, le plaignant a produit un document qui n’avait pas été divulgué auparavant et qu’il dit avoir retrouvé dans une boîte de documents qu’il venait de recevoir de la Saskatchewan. Ce document fait état d’un échange de courriel entre Pam Bristol et lui. Dans son courriel le plaignant s’enquiert de l’état du dossier pour le poste d’agent de communications bilingue. Le 8 septembre 1999, Pam Bristol lui répond. Elle informe le plaignant que l’intimée est dans le processus de vérifier les recommandations de l’autre candidat qui, selon elle, a mieux réussi que le plaignant dans les épreuves d’anglais parlé et écrit. Elle indique également que puisque le poste requiert que le titulaire travaille 70 % du temps en anglais, que les compétences en anglais sont donc d’une grande importance.

[87] Quelques jours plus tard, Madame Bristol contacte à nouveau le plaignant, cette fois par téléphone, pour l’informer que sa candidature n’avait pas été retenue pour le poste. Elle mentionne que ses capacités de rédaction en anglais ne sont pas de publishable quality. Elle ajoute que le plaignant semblait déçu mais non surpris du résultat. Puisque la candidature de l’autre candidat, suite à la vérification de ses références, fut également rejeté, le poste à été annoncé à nouveau.

[88] Après la deuxième annonce, le poste sera offert à Monsieur Yves Breton. Monsieur Breton eut à se soumettre aux mêmes évaluations orale et écrite que le plaignant.

[89] Je conclus que l’intimée a donné une explication raisonnable des raisons qui l’ont porté à rejeter la candidature du plaignant. Madame Bristol considérait que les habilités du plaignant à l’anglais, oral et écrit, ne rencontraient pas les standards requis pour le poste. De plus, la preuve présentée à l’audience montre que la Commission canadienne des droits de la personne était du même avis et que le plaignant, en signant son formulaire de plainte sans exiger de modifications, reconnaissait le bien-fondé de cette décision.

[90] Le fardeau se déplace donc à nouveau vers le plaignant pour qu’il démontre que l’explication de l’intimée était un prétexte et que la véritable motivation derrière les actes de l’intimée était, en fait, discriminatoire. Aucune preuve à cet effet ne fut présentée par le plaignant. D’ailleurs, la seule preuve pertinente est celle de Pam Bristol qui affirme que lorsqu’elle a annoncé sa décision au plaignant, le plaignant semblait déçu mais non surpris du résultat. Cette preuve n’a pas été contredite par le plaignant ni dans sa preuve, ni dans son contre-interrogatoire de Madame Bristol.

[91] Les allégations du plaignant qu’il aurait subi une discrimination lors de la dotation du poste d’agent de communications bilingue sont donc rejetées.

C. Poste de conseiller en diversité

[92] Une annonce est parue dans L’Eau vive, le 11 mai 2000, annonçant une ouverture pour un poste de conseiller en diversité. La directrice de la diversité était à la recherche de postulant pour collaborer à la planification, à la mise en œuvre et à l’évaluation des initiatives de l’intimée dans ce domaine. Les candidats devaient posséder un diplôme universitaire en ressources humaines ou dans un domaine connexe et de solides antécédents, remontant à au moins trois ans, en diversité, en équité d’emploi et en gestion de projets en milieu de travail. Les candidatures avec curriculum vitae devaient être déposées avant le 19 mai 2000, aux Ressources humaines.

[93] Madame Martine Noël-Maw, la directrice de la diversité témoignera par affidavit. Dans son affidavit, elle précise qu’elle était à la recherche d’une personne qui possédait les compétences et avait de l’expérience en matière de diversité et d’équité, puisque le poste était à court terme et qu’il fallait absolument avoir quelqu’un qui connaissait les lois dans le domaine.

[94] Le plaignant dit avoir postulé pour ce poste. Le 30 juin 2000, il reçoit une lettre signée pour Madame Misha Fafard, par Pat Seidler, l’adjointe administrative du vice-président aux ressources humaines. Cette lettre mentionne qu’il y a à ce moment aucune ouverture dans des postes qui correspondent à vos compétences et à votre expérience. Madame Fafard dit qu’elle n’était pas au courant de cette lettre mais elle ajoute que cela était parfaitement normal, car comme elle l’avait déjà expliqué, le bureau des ressources humaines envoie automatiquement cette lettre standard dans le cas d’un curriculum vitae non sollicités.

[95] Le plaignant affirme que c’est à cette époque qu’il a commencé à enregistrer ses conversations avec les représentants de l’intimée. Il indique qu’il a agi ainsi car il avait l’impression qu’il y avait des irrégularités notoires qui [le] poussaient à croire à la marginalisation. Selon lui, chaque fois qu’il postulait pour un poste, soit qu’on lui indiquait que le curriculum vitae ne s’était pas rendu à la personne responsable ou qu’il s’était égaré dans l’appareil bureaucratique. Toutefois, je ne peux conclure, sur la base de la preuve, à ces irrégularités notoires dont parle le plaignant. Au contraire, l’ensemble des circonstances démontre plutôt une méconnaissance, de la part du plaignant, du processus de dotation de poste de l’intimée et également, comme les faits l’ont démontré, une tendance, de sa part, à exagérer les faits. J’admets que le plaignant a vécu une période difficile à l’époque, toutefois rien dans la preuve qui a été présentée ne me permet de conclure à une discrimination.

[96] Suite à la réception de la lettre du 30 juin 2000, le plaignant a appelé Madame Fafard. Il a parlé en premier lieu à la réceptionniste, Madame Laurie Cinq-Mars, afin de savoir si elle avait remis son curriculum vitae à Madame Fafard. L’enregistrement de cette conversation a été écouté à l’audience. Dans celui-ci, Madame Cinq-Mars reconnaît avoir reçu le curriculum vitae du plaignant et l’avoir remis à quelqu’un qu’elle n’identifie pas. Elle ajoute que s’il devait y avoir un poste, qu’alors que le plaignant serait contacté. Elle transfère ensuite l’appel à Madame Fafard. Voici les parties pertinentes de la transcription de cette conversation préparée à partir de l’audition de la casette à l’audience:

[…]

M. Kasongo : Euh... je vous appelle juste parce que, bon, vous m'avez dit que vous n'avez pas reçu mon c.v.

Mme Farard : Mm-hmm.

M. Kasongo : Est-ce que...

Mme Farard : Vous étiez supposé de l'envoyer par télécopieur...

M. Kasongo : Euh, parce que, bon, là...

Mme Farard : ...la semaine passée, n'est-ce pas?

[97] En effet, le plaignant avait auparavant contacté Madame Fafard afin de savoir si elle avait reçu son curriculum vitae pour le poste de conseiller en diversité. Elle lui aurait répondu non et le plaignant aurait dit qu’il l’avait déposé à la réception. Madame Fafard lui aurait alors suggéré de lui en faire parvenir une nouvelle copie par télécopieur. D’après la conversation enregistrée par le plaignant, il semblerait qu’il ne l’ait jamais fait.

[98] L’enregistrement se poursuit :

M. Kasongo : Oui. Mais justement, je voulais vérifier... J'ai vérifié avec la réceptionniste...

[…]

M. Kasongo : ...qui m'a dit qu'elle vous a remis mon c.v. [Dans l’enregistrement de la conversation avec Madame Cinq-Mars que nous avons écouté à l’audience, celle-ci ne dit pas avoir remis le curriculum vitae du plaignant à Madame Fafard.] Ça fait déjà un mois que j'ai donné le c.v. pour, d'abord, le poste d'agent d'équité en matière d'emploi, et je n'ai pas reçu de nouvelles. C'est pour ça...

Mme Fafard: Quel... quel emploi? Excuse.

M. Kasongo : C'était... Il y avait un poste ouvert. Vous avez annoncé dans L'Eau vive...

[…]

M. Kasongo : ...pour un agent chargé de l'équité en matière d'emploi...

Mme Fafard : Oh! oui, oui.

M. Kasongo : ...Equity Program. Yeah?

Mme Fafard: Oui. Hum, le... ce poste-là, c'est rempli déjà...

M. Kasongo : Oui.

Mme Fafard : ...mais je t'ai parlé la semaine passée, puis je pense que je t'ai dit d'envoyer votre c.v. parce qu'on a un poste en ce moment pour un traduc... un traducteur.

M. Kasongo : Oui, oui, oui.

Mme Fafard : Est-ce que vous êtes intéressé à celui-là?

M. Kasongo : Mais oui, certainement! Mais j'étais intéressé aussi à l'autre, hein, sauf que, enfin, j'ai parlé à Laurie, et là, je voulais confirmer. Elle m'a dit qu'elle vous a déjà donné mon c.v.

Mme Fafard : O.K.

M. Kasongo : Oui. Et je...

Mme Fafard : Ça, c'était pour l'autre poste.

M. Kasongo : Oui, c'était pour l'autre poste...

Mme Fafard : Oui.

M. Kasongo : ...et on garde dans le moment les c.v. pour six mois, je crois, chez vous.

Mme Fafard : Oui.

M. Kasongo : Oui. Alors, est-ce qu'il faut que j'envoie encore un autre c.v.?

Mme Fafard : Ah! non, je peux chercher pour l'autre.

M. Kasongo : Vous pouvez chercher l'autre c.v.?

Mme Fafard : Oui.

M. Kasongo : Mais pourquoi est-ce que vous ne m'avez pas appelé pour... au moins pour l'autre poste? Je voulais aussi... C'est pour ça que j'avais postulé.

Mme Fafard : Bien, c'est Martine Noël-Maw qui... qui s'occupait de ce... ce poste-là. Alors, je sais pas pourquoi elle a pas appelé. D'habitude, on n'appelle pas des candidats, sauf si ils ont... ils sont sélec... hum... ils sont choisis pour une entrevue.

[…]

Mme Fafard : C'est la façon qu'on... qu'on... Ça dit ça sur toute notre...

[…]

Mme Fafard : ...notre annonce-là dans le journal.

[…]

Mme Fafard : Ça dit que vous êtes... vous êtes contacté...

[…]

Mme Fafard : ...si vous êtes choisi pour une entrevue.

M. Kasongo : O.K. Donc, je n'ai pas été choisi pour ça?

Mme Fafard : Oui.

M. Kasongo : O.K. Est-ce que vous pouvez retrouver le c.v. pour le poste de traducteur?

Mme Fafard : Oui. Oui. Je... je peux... je peux bien le mettre pour le... ce poste-là.

M. Kasongo : O.K. Donc, ce n'est pas la peine que je vous envoie un autre c.v.?

Mme Fafard : Non.

M. Kasongo : O.K. O.K. C'est ça que je voulais savoir avec vous, en tout cas.

[…]

[99] Le plaignant confirme n’avoir jamais été convoqué ni pour l’épreuve écrite, ni pour l’entrevue pour le poste de conseiller en diversité. Madame Martine Noël-Maw, affirme avoir sélectionné deux personnes pour passer des entrevues, soit une femme qui oeuvrait au gouvernement provincial de la Saskatchewan dans le secteur équité et une deuxième personne, Don Racette, un autochtone, dont la candidature a finalement été retenue. Elle dit n’avoir jamais reçu le curriculum du plaignant. Elle ajoute cependant qu’ayant maintenant vu son curriculum vitae, elle ne l’aurait pas retenu pour une entrevue car, selon elle, il n’a ni les compétences, ni l’expérience qui étaient recherchés pour ce poste. Le plaignant a choisi de ne pas contre-interroger Madame Noël-Maw et sa preuve à ce sujet est demeurée non contredite.

[100] Encore une fois, le plaignant doit dans un premier temps établir une preuve prima facie, telle que nous l’avons décrite plus haut. Dans le cas de ce poste, le plaignant n’a pas rencontré ce fardeau car il n’a pu établir qu’il possédait les compétences académiques et l’expérience nécessaires pour rencontrer les exigences du poste. Il ne possède pas un diplôme universitaire en ressources humaines ou dans un domaine connexe et n’a pas présenté de preuves établissant qu’il avait de solides antécédents, remontant à au moins trois ans, en diversité, en équité d’emploi et en gestion de projets en milieu de travail.

[101] Les allégations du plaignant concernant ce poste sont donc rejetées.

D. Le poste de traducteur

[102] Le plaignant n’a jamais postulé pour ce poste. C’est plutôt Madame Fafard qui a remis à Madame Kenny le curriculum vitae du plaignant pour qu’elle l’inclue dans le dossier des postulants. En effet, suite à la conversation téléphonique qu’elle a eu avec le plaignant et dont il est fait mention plus haut, Madame Fafard témoigne qu’elle a trouvé le curriculum vitae du plaignant dans le dossier où ceux qui ne sont pas accompagné d’une lettre de présentation sont gardés et de l’avoir remis à Madame Kenny afin que celle-ci le considère pour le poste de traducteur.

[103] Le traducteur a pour tâche de traduire divers documents de toutes les divisions de l’anglais au français (80 % du temps) et du français vers l’anglais (5 % du temps.)

[104] Selon Madame Kenny, même si le plaignant n’avait pas un baccalauréat en traduction, elle a décidé de considérer sa candidature. Le plaignant est invité à venir passer les épreuves écrites pour le poste de traducteur. Le 4 juillet 2000, il a subi l’épreuve écrite, épreuve qu’il a échouée selon Madame Kenny. Son texte avait selon elle des erreurs de terminologie, d’accords et des anglicismes.

[105] À l’audience, le plaignant affirme que la candidate retenue n’a pas passé la même épreuve que lui. Toutefois, il n’apporte aucune preuve pour appuyer ses conclusions d’irrégularités, autre que des soupçons. Faute de preuves concrètes, je ne peux retenir ces allégations du plaignant. Des impressions et des soupçons ne sont pas de la preuve.

[106] Madame Kenny témoignera que le test écrit est le même pour tout le monde. Il est était fait électroniquement. Les postulants sont demandés de préparer leur réponse et de la sauver sur une disquette qui est par la suite remise à Madame Kenny. Dans le cas des candidats qui ne sont pas en mesure de se déplacer, par exemple les candidats qui seraient de l'extérieur de la province, le test est fait par l’entremise d’internet, et c'est l’adjointe de Madame Kenny, Louise Beaudoin qui administre le test en l'envoyant au candidat.  Le candidat a deux heures pour faire le test. Après le test écrit, les candidats retenus sont invités à l’entrevue orale.

[107] Peu de temps après avoir passé le test, le plaignant a eu une conversation téléphonique avec Madame Marie-France Kenny, qu’il a également enregistré et dont voici certains extraits :

[…]

Mme Kenny :[…]. Je t'appelais parce que j'ai revu ton test de traduction.[…] Puis malheureusement, je n'ai pas retenu ta candidature pour une entrevue. Puis si tu veux, je suis prête à partager les corrections avec toi...[…]...ou même à te les envoyer, puis tu vas voir de toi-même là. […] Il y a plusieurs choses. Il y avait plusieurs anglicismes, des choses comme ça, que même si t'es un bon prof de français... […] je suis sûre que Nicole au même test de traduction...[…]...qu'il y aurait aussi... parce que vous n'enseignez pas les anglicismes, et cætera.[…]C'est pour ça qu'on demandait un bac en traduction, parce qu'il y a des choses qu'on apprend quand on fait notre bac en traduction...[…]...qu'on n'apprend pas nécessairement quand on donne des cours de français ou quand on prend son certificat ou, peu importe, son baccalauréat…[…]...en français langue seconde. […] Ça fait que, si tu veux, je n'ai pas de problème à t'envoyer ton test. […] Je peux même te l'envoyer par copie électronique si tu veux. […] Puis ce que j'ai fait, c'est que j'ai mis le...le tracking.[…] Donc, tu vas pouvoir voir ce que j'ai ajouté et ce que j'ai rayé.[…]Ça fait que ça sera très visible pour toi là... […]...pour que tu puisses le voir.[…]Puis c'est pour ça que je t'avais appelé. Je l'ai corrigé, mais je voulais t'en parler en personne-là. Je ne voulais pas t'envoyer une lettre, je voulais t'en parler directement.

M. Kasongo : Exact. Pour la traduction-là, je... je suis tout à fait d'accord avec toi, hein. Je voulais juste tenter ma chance, et puis...[…] Ce n'est pas ma spécialité, hein.  [L’emphase est de moi.]

[…]

[108] D’après cet enregistrement que lui-même a mis en preuve, le plaignant reconnaît que la traduction n’est pas sa spécialité et qu’en posant sa candidature il voulait simplement tenter sa chance. Il se dit également en accord avec les commentaires de Madame Kenny concernant son épreuve écrite. Lors de la présentation de sa preuve, le plaignant n’a pas cherché à nuancer ou expliquer ces propos.

[109] Selon les faits, je me dois de conclure que le plaignant n’a pu établir dans le cas du poste de traducteur une preuve prima facie de discrimination, c’est-à-dire qu’il n’a pu démontrer à la satisfaction du Tribunal qu’il possédait les compétences de base requises pour occuper le poste.

IV. Décision

[110] Pour les raisons qui précèdent les plaintes du plaignant à l’effet qu’il a fait l’objet de discrimination à l’emploi basée sur sa race, son origine nationale ou ethnique et sa situation de famille, contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. (1985), ch. H-6, ne sont pas retenues.

[111] Lors de son argumentation le procureur de l’intimée a demandé au Tribunal, en s’appuyant sur le paragraphe 50(6) de la Loi, d’ordonner, dans l’éventualité où la plainte ne serait pas retenue, que le plaignant paie les frais des témoins.

[112] Le paragraphe 50(6) prévoit :

Les témoins assignés à comparaître en vertu du présent article peuvent, à l’appréciation du membre instructeur, recevoir les frais et indemnités accordés aux témoins assignés devant la Cour fédérale.

[113] Je ne crois pas que l’objectif de ce paragraphe vise à permettre à une partie de solliciter des dépens. L’objectif de l’article est d’assurer que les témoins qui ont été assignés à comparaître puissent obtenir une certaine forme d’indemnisation et pas plus. Ce serait en déformer le sens que d’accéder à la requête de l’intimée. Il se peut que le Tribunal ait le pouvoir d’accorder dans certaines circonstances des dépens aux parties mais ce pouvoir ne se trouve certainement pas dans ce paragraphe.

Signée par

Michel Doucet
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 2 juin 2005

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T932/5204

Intitulé de la cause : Daniel Kasongo c. Financement agricole Canada

Date de la décision du tribunal : Le 21 juin 2005

Date et lieu de l’audience :

Les 4 au 7 janvier 2005

Ottawa (Ontario)

Les 21 janvier 2005

Via vidéoconférence
(Ottawa, Moncton, Regina)

Comparutions :

Daniel Kasongo, pour lui même

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Roger Lepage, pour l'intimée

[1] C’est ainsi que les francophones de la Saskatchewan désignent les membres de leur communauté.

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