Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

KAREN SCHUYLER

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

ONEIDA NATION OF THE THAMES

l'intimé

DÉCISION SUR LA JONCTION DES PLAINTES

2005 TCDP 10
2005/02/17

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

[1] La présente décision a trait à une demande de la part de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) que le Tribunal tienne une seule et même audience pour enquêter sur deux plaintes en matière de droits de la personne déposées par la plaignante contre le même intimé. La première plainte, que j'appellerai la plainte de discrimination fondée sur la déficience (Dossier de la Commission no 20020557) a été déposée le 31 juillet 2002. La deuxième plainte, que j'appellerai la plainte d'exercice de représailles (Dossier de la Commission no 20031212) a été déposée le 20 janvier 2004.

[2] La plaignante prétend dans sa plainte de discrimination fondée sur la déficience que son employeur, l'intimée, a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa déficience, et ce, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi). Elle prétend que l'intimée a refusé de l'accommoder lorsqu'elle est retournée travailler après avoir subi une intervention chirurgicale et des traitements pour le cancer du colon.

[3] Dans la plainte d'exercice de représailles, la plaignante prétend que l'intimée a exercé des représailles contre elle parce qu'elle a déposé une plainte de discrimination fondée sur la déficience. Elle énumère une liste de 30 incidents qui, selon elle, constituent des représailles. Elle prétend que ces agissements ont diminué son autorité au travail, nuit à sa capacité de mener ses tâches à bien et ont eu une incidence négative sur sa crédibilité auprès des membres du personnel et des gestionnaires qui étaient sous sa supervision. Le dernier incident de représailles figurant sur cette liste est son licenciement, lequel s'est produit le 2 septembre 2003.

[4] La Commission a renvoyé la plainte de discrimination fondée sur la déficience au Tribunal le 19 août 2004. La plainte d'exercice de représailles a été renvoyée le 20 décembre 2004 et était accompagnée d'une lettre provenant de la présidente demandant que la plainte d'exercice de représailles soit jointe avec la plainte de discrimination fondée sur la déficience car la Commission s'est dite [Traduction] convaincue que les deux plaintes [Traduction] soulevaient essentiellement les mêmes question de fait et de droit. Le 20 janvier 2005, l'intimée a informé les parties et le Tribunal qu'elle s'opposait à la jonction des deux plaintes car elle ne souscrivait pas à la position de la Commission que les mêmes questions étaient soulevées dans les deux cas.

[5] Il n'y a rien dans la Loi qui concerne le pouvoir du Tribunal de joindre des plaintes lorsque celles-ci ont été déposées par la même partie. Le paragraphe 40(4) prévoit que la Commission peut demander au président du Tribunal d'ordonner une instruction commune dans les situations où plusieurs personnes ont déposé des plaintes séparées contre le même intimé. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Toutefois, comme le Tribunal l'a souligné dans Lattey c. C.P. et M. Douglas (25 février 2002), T685/7301 et T686/7401 (T.C.D.P.), paragraphe 11, la décision de tenir une ou plusieurs audiences sur des plaintes relève de la procédure et en l'absence de directives précises dans la Loi, il est loisible au Tribunal de déterminer la procédure à suivre.

[6] L'intimée prétend que le Tribunal devrait refuser d'entendre les deux plaintes dans le cadre de la même audience car celles-ci soulèvent des questions très différentes. L'intimée prétend que la plainte de discrimination fondée sur la déficience a trait à un présumé refus d'accommoder la plaignante, alors que la plainte d'exercice de représailles a trait au licenciement de la plaignante. L'intimée souligne que la plaignante a déposé, en vertu du Code canadien du travail, une plainte de congédiement injustifié. Cette plainte sera entendue par un arbitre dans les prochains mois.

[7] Je ne souscris pas à la prétention de l'intimée. La plainte d'exercice de représailles traite de beaucoup plus d'événements que de la seule question du congédiement. La plaignante affirme expressément que tous les incidents mentionnés dans sa plainte, notamment son congédiement, constituent des représailles à son égard parce qu'elle a déposé la plainte de discrimination fondée sur la déficience. La question soulevée n'est pas tellement de savoir si le congédiement de la plaignante est injuste mais plutôt de savoir si l'exercice de représailles à la suite du dépôt de la plainte de discrimination fondée sur la déficience constitue au moins un des facteurs de la présumée conduite à l'égard de la plaignante, en contravention de l'article 14.1 de la Loi. Il s'agit précisément de la forme de discrimination visée par cette disposition.

[8] Le Tribunal a déjà eu à décider s'il devait autorisé la modification d'une plainte existante de discrimination afin d'ajouter une plainte d'exercice de représailles déposée en vertu de l'article 14.1 (voir p. ex., Kavanagh c. Procureur général du Canada (31 mai 1999), T505/2298 (T.C.D.P.); Bressette c. Conseil de bande de la Première nation de Kettle Point et de Stony Point, 2004 TCDP 2; Blondin c. Courrier Purolator Lté., 2005 TCDP 7). Il a été souligné dans ces décisions qu'il est logique que la preuve relative à des actes commis en représailles du dépôt d'une plainte en matière de droits de la personne soit entendue dans le contexte de l'audience de cette même plainte. Toutefois, avant d'autoriser de telles modifications, le Tribunal doit être convaincu que l'intimé ne subira aucun préjudice en raison d'un avis insuffisant quant aux nouvelles allégations. L'intimé doit avoir l'occasion de se défendre d'une manière adéquate.

[9] Ces notions peuvent certainement être étendues à la présente situation. Les allégations mentionnées dans la plainte d'exercice de représailles ne sont guère nouvelles pour l'intimée - la plainte a été déposée il y a plus d'un an. On ne m'a pas convaincu que la jonction, à ce stade-ci, de deux plaintes existantes séparées, mais liées, serait susceptible de causer un préjudice à l'intimée dans la présentation de sa preuve. Au contraire, il semble être dans l'intérêt commun de l'ensemble des parties, notamment de l'intimée, d'éviter la multiplication des instances

[10] L'intimée a également fait valoir que, en vertu de l'alinéa 41(1)b) de la Loi, la Commission peut refuser de traiter une plainte qui pourrait avantageusement être instruite selon une autre procédure juridique. L'intimée conteste la décision de la Commission de ne pas exercer ce pouvoir et de refuser de traiter la plainte d'exercice de représailles, compte tenu de la plainte en cours déposée par la plaignante en vertu du Code canadien du travail. L'intimée demande en fait un examen de la conduite de la Commission quant à la plainte d'exercice de représailles. Toutefois, il s'agit d'une affaire qui relève exclusivement de la Cour fédérale et non pas du Tribunal (voir Eyerley c. Seaspan International Ltd., (2 août 2000), T565/2300 (T.C.D.P.), par. 4). Je ne peux donc pas examiner cette prétention.

[11] Pour les motifs susmentionnés, la demande de la Commission de joindre la plainte de discrimination fondée sur la déficience et la plainte d'exercice de représailles est accueillie. Le Tribunal instruira les deux plaintes dans le cadre d'une seule et même audience.

Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)
Le 17 février 2005

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T980/10004 et T1014/13404

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Karen Schuyler c. Oneida Nation of the Thames

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 17 février 2005

ONT COMPARU :

Karen Schuyler

Pour elle-même

Daniel Pagowski

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

John c. Peters

Pour l'intimé

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