Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

PHYLLIS McAVINN

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

STRAIT CROSSING BRIDGE LIMITED

l'intimée

EXPOSÉS DES PARTIES
RELATIVEMENT À L'AFFAIRE BELL CANADA c. ACET ET AUTRES
Jugement de la Cour fédérale du Canada (juge Tremblay-Lamer)
en date du 2 novembre 2000

Décision no 2
2000/11/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Pierre Deschamps, président

[1] Le 8 novembre 2000, le Tribunal a demandé aux parties de présenter des exposés sur les effets possibles sur la présente instance du jugement rendu récemment (1) par la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale relativement à l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal.

[2] Le 21 novembre 2000, après avoir examiné tous les exposés des parties, le Tribunal a ordonné que l'on procède à l'audience comme prévu le 27 novembre 2000, tout en indiquant qu'il ferait connaître ses motifs ultérieurement. Les motifs à l'appui de cette décision sont énoncés ci-après.

[3] Le 2 novembre 2000, la juge Tremblay-Lamer, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a ordonné d'interrompre les procédures dans l'affaire Bell Canada jusqu'à ce que l'on ait remédié aux problèmes qu'elle avait décrits en ce qui touche l'indépendance et l'impartialité du Tribunal canadien des droits de la personne.

[4] Dans son jugement, la juge Tremblay-Lamer a conclu que le Tribunal canadien des droits de la personne n'est pas une institution indépendante et impartiale. Sa conclusion est fondée, d'une part, sur le fait que la Commission canadienne des droits de la personne a le pouvoir d'émettre des directives liant le Tribunal et, d'autre part, sur le fait qu'un membre dont le mandat expire ne peut, sans avoir obtenu l'autorisation de la présidente, terminer une affaire dont il a été saisi.

[5] La Commission soutient que le jugement prononcé par la Cour fédérale dans l'affaire Bell Canada ne s'applique pas à la présente instance. Selon elle, l'intimée a renoncé ou est réputée avoir renoncé à son droit de contester l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal à ce stade des procédures. À l'appui de sa position, elle invoque le jugement que la Cour d'appel fédérale a rendue récemment dans l'affaire Zündel c. CCDP et autres (2).

[6] Pour sa part, l'intimée est d'avis que, compte tenu de l'arrêt Bell Canada, le Tribunal devrait suspendre l'audience jusqu'à ce que cet arrêt ait été infirmé ou jusqu'à ce que le législateur ait corrigé les vices de structure décrits par la Cour.

[7] En outre, l'intimée soulève deux autres objections en ce qui concerne l'indépendance et l'autonomie institutionnelles du Tribunal. D'abord, elle soutient que le paragraphe 27 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne confie à la Commission la responsabilité générale du Tribunal. Ensuite, elle prétend que l'alinéa 53 (2) a) de la Loi confère à la Commission un rôle important relativement aux mesures de redressement que le Tribunal peut prendre.

[8] Le jugement rendu par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Bell Canada doit être interprété non pas isolément, mais plutôt à la lueur du jugement plus récent de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Zündel (3).

[9] Dans Zündel, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question de la renonciation et s'est interrogée sur le droit d'un intimé dans une affaire en matière de droits de la personne de contester l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.

[10] Se fondant principalement sur l'opinion du juge d'appel MacGuigan dans In re Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Ltée (4), la Cour a admis le principe que la seule manière raisonnable d'agir pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion.

[11] Si l'on examine les faits entourant cette affaire, il semble d'après le dossier que ce n'est qu'après que la Cour fédérale eut prononcé son jugement dans l'affaire Bell Canada, le 2 novembre 2000, que l'intimée a soulevé la question de l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal.

[12] Reprenant la conclusion du juge d'appel Stone dans l'affaire Zündel (5), le Tribunal conclut que ce sont les dispositions de la Loi proprement dites qui font naître la crainte raisonnable de partialité et non pas le jugement rendu par la Cour fédérale dans l'affaire Bell Canada.

[13] Une partie à quelque instance que ce soit qui perçoit une crainte raisonnable de partialité de la part d'un tribunal et qui désire contester l'indépendance et l'impartialité institutionnelle de ce tribunal doit le faire dès la première occasion possible afin que l'audience se déroule de manière ordonnée et ne soit pas perturbée à tout moment.

[14] Appliquant cette règle aux faits en l'espèce, le Tribunal estime que la question de l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal aurait dû être soulevée à tout le moins lors de la conférence téléphonique préalable à l'audience, tenue le 9 juin 2000, voire peu après le renvoi de l'affaire en avril 2000. Il s'agissait très certainement d'une question préliminaire qui touchait à la compétence du Tribunal de procéder à une audience et qui faisait partie de l'ensemble de questions préliminaires que les parties étaient priées d'examiner à ce moment-là.

[15] De plus, il y a lieu de noter que, le 17 octobre 2000, l'intimée a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance l'autorisant à interroger au préalable quatre employés de la Commission. À ce moment-là, l'intimée n'a en aucune façon mis en doute l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal par rapport à la délivrance d'une telle ordonnance.

[16] Eu égard à ces conclusions, le Tribunal est d'avis que l'intimée a implicitement renoncé à son droit de contester l'indépendance et l'impartialité institutionnelles du Tribunal.

[17] Par ces motifs, le Tribunal ordonne que l'audience dans la présente affaire se déroule comme prévu le 27 novembre 2000.

1. Bell Canada c. ACET, SCEP, Femmes Action et CCDP, Dossier T-890-99, 2 novembre 2000.

2. Zündel c. CCDP et autres, Dossier A-215-99, 10 novembre 2000.

3. Supra, note 2.

4. [1986) 1 C.F. 103, p. 112.

5. Supra, note 2.


Pierre Deschamps, président

Ottawa (Ontario)
Le 23 novembre 2000

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T558/1600

INTITULÉ DE LA CAUSE : PHYLLIS McAVINN c. STRAIT CROSSING BRIDGE LIMITED

LIEU DE LA DÉCISION : Ottawa (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 23 novembre 2000

ONT COMPARU :

Lisa Goulden pour Phyllis McAvinn

Janice Cheney pour la Commission canadienne des droits de la personne

Eugene Rossiter pour Strait Crossing Bridge Limited

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