Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Chris Hughes

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Agence des services frontaliers du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Numéros des dossiers : T1726/8111 et T1769/12411

Membre : George E. Ulyatt

Date : Le 14 avril 2014

Référence : 2014 TCDP 15



I.                   Plaintes et requête

[1]               La Commission a demandé au Tribunal d’instruire deux plaintes relatives à de la discrimination et à des actes discriminatoires dont l’intimée se serait rendue coupable, en contravention des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, c. H-6 (la Loi).

[2]               Le 19 janvier 2005, le plaignant a déposé la première plainte, au titre des articles 7 et 10 de la Loi. Il y est question de la discrimination dont le plaignant aurait été personnellement victime et des politiques discriminatoires, fondées sur l’âge, dans le contexte de diverses procédures de sélection auxquelles le plaignant a pris part en vue d’obtenir un emploi auprès de l’intimée.

[3]               La Commission a rejeté la première plainte en application du paragraphe 44(3) de la Loi. Le plaignant a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision, et, le 27 septembre 2010, la Cour fédérale a accueilli sa demande. Par suite de la décision de la Cour fédérale, la Commission a mené une seconde enquête au sujet des allégations, et, le 25 août 2011, elle a renvoyé la plainte devant le Tribunal.

[4]               Le 9 juillet 2008, le plaignant a présenté une seconde plainte au titre de l’article 7 de la Loi, dans laquelle il alléguait que, entre 2001 et 2008, il avait été victime de discrimination fondée sur l’âge et la déficience, encore une fois dans le contexte de diverses procédures de sélection auxquelles il avait pris part en vue d’obtenir un emploi auprès de l’intimée. Au terme de l’enquête qu’elle a menée sur la seconde plainte, la Commission a conclu qu’il était essentiellement question des mêmes problèmes que dans la première plainte, et, le 19 décembre 2011, elle a décidé que l’instruction de la plainte par le Tribunal était justifiée.

[5]               Le 27 juin 2012, le Tribunal a accueilli la demande du plaignant, qui souhaitait que ses deux plaintes soient entendues conjointement.

[6]               Le 31 janvier 2013, l’intimée a produit un exposé des précisions, mais elle n’a produit aucun des documents énumérés dans sa liste de documents.

[7]               L’intimée a communiqué sa première série de documents au moyen d’un DVD, qu’elle a produit le 12 mars 2013. Le plaignant affirme que les précisions de la communication, y compris les noms des candidats ayant pris part aux procédures de sélection, ont été caviardées. Par la suite, le 1er mai 2013, l’intimée a communiqué le reste des documents. Toutefois, le plaignant affirme que des parties de ces documents ont également été caviardées.

[8]               Le 13 août 2013, on a tenu une conférence de gestion de l’instance, au cours de laquelle on a discuté de la question du caviardage. Les parties ont convenu que l’intimée devait produire une liste de documents modifiée traitant de la question du caviardage, et, en outre, qu’elle devait produire une liste de documents plus précise, susceptible d’aider l’avocat du plaignant à trouver et à organiser les documents.

[9]               Le 9 septembre 2013, l’intimée a fourni à l’avocat du plaignant une liste de documents modifiée. 

[10]           Le 18 octobre 2013, le plaignant a présenté un avis de requête au titre de l’article 3 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les Règles), dans lequel il demandait au Tribunal ce qui suit :

(1)               De rendre une ordonnance exigeant de l’intimée qu’elle satisfasse à ses obligations aux termes de l’article 6 des Règles et qu’elle communique les parties caviardées de tous les documents susceptibles d’être pertinents qu’elle a fournis au plaignant;

(2)               De rendre, à titre subsidiaire, une ordonnance fixant une date pour la tenue d’une audience à huis clos, au cours de laquelle l’avocat du plaignant pourra examiner les documents non caviardés et le membre du Tribunal pourra établir leur pertinence, après avoir entendu les parties;

(3)               De rendre une ordonnance exigeant de l’intimée qu’elle communique les rapports relatifs aux systèmes administratifs d’entreprise (SAE) des personnes ayant été nommées aux postes d’inspecteur des douanes et d’agent des douanes dans la région du Pacifique (Colombie‑Britannique et Yukon) pour la période comprise entre 2001 et 2009, y compris la date de leur embauche et leur âge (ou date de naissance);

(4)               De rendre une ordonnance exigeant de l’intimée qu’elle communique les lettres qu’elle a envoyées aux étudiants pour les aviser de leur nomination aux postes d’inspecteur des douanes ou d’agent des douanes dans la région du Pacifique (Colombie‑Britannique et Yukon), dans la contexte de la politique de l’ASFC intitulée [traduction] « Intégration des étudiants et étudiantes – Nomination sans avis de concours », en plus de tous les documents dont l’ASFC se serait servie pour évaluer les compétences de ces personnes en vue de l’obtention d’un emploi à durée indéterminée;

(5)               D’ordonner à l’intimée d’expliquer quels sont les fondements de sa prétention selon laquelle chaque document, ou partie de documents, relève du privilège de l’intérêt public;

(6)               De donner au plaignant jusqu’au 8 novembre 2013 pour produire une réponse écrite à la réponse de l’intimée à la présente requête;

(7)               De consentir à la tenue d’une audition de la présente requête.

[11]           À l’appui de la requête, l’avocat du plaignant a produit l’affidavit de Mally McGregor, daté du 17 octobre 2013.

[12]           Le 8 novembre 2013, l’intimée a produit une réponse dans laquelle elle s’opposait à la réparation demandée et demandait le rejet de la requête du plaignant. L’intimée a également produit l’affidavit de Sheila Anderson, signé le 7 novembre 2013. 

II.                Question 1 : Les documents caviardés

[13]           Le plaignant est d’avis qu’il a besoin des noms des personnes qui ont présenté leur candidature dans le contexte des procédures de sélection afin de trouver et d’organiser les documents relatifs à ses allégations. L’intimée a proposé de dresser, et a dressé, une liste dans laquelle elle a attribué un numéro à chaque candidat. Dans cette liste, chaque candidat se voit associé à un seul numéro, lequel ne change pas dans le cas où le candidat a postulé plusieurs emplois. Selon l’intimée, la liste comporte 201 noms de candidats. L’intimée fait valoir que le plaignant serait ainsi en mesure de trouver le nom du candidat au moyen du numéro correspondant, qui apparaît dans le document en question. 

[14]           L’avocat du plaignant a écrit une lettre datée du 13 janvier 2014, dans laquelle il a déclaré que la solution proposée n’était pas satisfaisante et a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Premièrement, vu que la règle normale consiste à communiquer tous les éléments pertinents, par principe, ces éléments devraient être communiqués. S’ils étaient communiqués conformément à la règle normale, nous disposerions alors de documents pertinents dans lesquels les noms apparaîtraient, lesquels nous faciliteraient grandement la tâche pour nous préparer aux fins de la présentation de notre cause. En l’absence de ces noms sur les documents en question, il sera nécessaire de mener un processus long et laborieux en vue d’associer chaque document à un nom. Vu que la règle normale à l’étape de la production exige la communication, nous ne devrions pas être lésés de la sorte, considérant qu’il n’y a clairement aucune preuve de préjudice à ce stade.

Deuxièmement, le plaignant a déjà en sa possession une grande partie de ces documents, sur lesquels les noms de ces personnes apparaissent. Si l’intimée se soucie vraiment du caractère confidentiel de ces renseignements, alors le Tribunal devra de toute manière examiner la question dans le contexte d’une ordonnance relative à la confidentialité. Autrement, le plaignant peut très bien se servir des documents dont il dispose, sur lesquels les noms en cause apparaissent, et il se retrouvera avec certains documents faisant état de noms et d’autres sans noms. Il ne s’agit pas d’une évolution très logique.

Pour finir, dans certains cas, il se peut que le véritable nom de la personne soit pertinent. Par exemple, il se peut que M. Hughes nourrisse des inquiétudes précises au sujet de la manière dont un candidat particulier a été traité, ce qui dépend du fait qu’il connait le nom de cette personne. En outre, il se pourrait que, lors du contre‑interrogatoire, nous souhaitions poser des questions à d’autres témoins, lesquelles auraient trait aux noms de ces candidats. Par conséquent, il est inévitable que ces noms soient communiqués en l’espèce, et par conséquent, l’ordonnance de confidentialité en cause s’avérera nécessaire quoi qu’il en soit.

[15]           Lors de la conférence téléphonique du 20 février 2014, le Tribunal a aussi entendu les parties présenter de courtes plaidoiries au sujet du caviardage. Notamment, le Tribunal a demandé que, en plus des recueils de jurisprudence qu’elles ont déjà produits, les parties traitent des questions qui ont été soulevées dans les décisions Grand Chef Stan Louttit en sa qualité de représentant des Premières Nations du Conseil Mushkegowuk et Grand Chef Stan Louttit en sa qualité personnelle c. Procureur général du Canada, 2013 TCDP 3; et Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2013 TCDP 12 (Emmett).

[16]           Lors de la conférence de gestion de l’instance du 20 février 2014, les parties ont formulé des observations au sujet de la question du caviardage et de la variété d’ordonnances que le Tribunal pourrait rendre. L’intimée et le plaignant ont convenu du fait que les noms des candidats ne seraient pas caviardés, sous réserve du fait que le Tribunal rende une ordonnance de confidentialité appropriée, semblable à celle dont il est question aux paragraphes 71 à 74 de la décision Emmett. Les autres renseignements personnels demeureront caviardés. 

[17]           Considérant que les parties sont parvenues à un accord sur cette question, j’ordonne ce qui suit :

Les parties et leurs représentants devront assurer la confidentialité de tous les renseignements relatifs à l’identité des candidats aux postes qui étaient en jeu dans le contexte des processus de sélection en cause en l’espèce.

[18]           À titre de précaution supplémentaire, je voudrais souligner que, pendant l’audience, ces candidats pourront être nommés, mais que le Tribunal s’assurera, dans la mesure du possible, que leurs noms n’apparaissent pas dans la décision.

III.             Questions 2, 6 et 7 : La demande relative à la tenue d’une audience à huis clos; l’établissement d’une date d’échéance pour la production d’une réponse à la requête; la demande relative à l’audition de la requête

[19]           Compte tenu de la procédure et de la décision relative à la question 1 ci‑dessus, il est inutile d’examiner les questions 2, 6 et 7 de la requête du plaignant. Autrement, le plaignant devra en aviser le greffier dans les sept jours et demander d’autres éclaircissements. L’intimée dispose de cinq jours pour répondre à la demande du plaignant.

IV.             Questions 3 et 4 : La communication des rapports relatifs aux SAE et des lettres de nomination des étudiants

[20]           Dans sa requête, le plaignant a demandé la communication des rapports relatifs aux SAE et des lettres de nomination des étudiants.  Le plaignant fait valoir que ces rapports et lettres sont pertinents dans le contexte de l’aspect de la première plainte relatif à l’article 10, et qu’ils constituent des éléments de preuve circonstanciels relatifs à la question de l’âge, à partir desquels le Tribunal pourrait tirer des conclusions à l’égard des allégations de conduite et d’actes discriminatoires.

[21]           L’intimée affirme que la requête en communication est le premier avis qu’elle a reçu du fait que le plaignant demandait la production de ces documents. Bien qu’elle ait entamé le processus consistant à regrouper les documents demandés, elle affirme que la production de ces documents exigera un certain temps. L’intimée demande, et ce, avant que le Tribunal ne rende une ordonnance, à pouvoir examiner les documents requis et obtenir les conseils de son avocat, de manière à pouvoir ensuite considérer les documents et se forger une opinion quant à la pertinence de ces documents et à la question de savoir s’il lui est possible d’invoquer des privilèges. 

[22]           Lors d’une conférence de gestion de l’instance qui s’est tenue le 20 février 2014, le plaignant a confirmé que la demande relative à ces documents restait une question d’actualité, ajoutant toutefois qu’il était possible que ces documents ne lui soient pas nécessaires avant la tenue de l’audience, du 21 au 23 mai.

[23]           Par conséquent, vu que l’intimée est au courant du fait que le plaignant a demandé ces documents depuis le 18 octobre 2013, elle devrait être en mesure de fournir une réponse au plus tard le 1er mai 2014. Si le plaignant souhaite fournir une réponse, il peut le faire au plus tard le 12 mai 2014. Si nécessaire, le Tribunal examinera les arguments relatifs à cette question au début de l’audience, le 21 mai 2014.


 

V.                Question 5 : Le privilège relatif à l’intérêt public

[24]           Lors de la conférence téléphonique qui s’est tenue le 20 février 2014, le plaignant a confirmé qu’il avait été satisfait à cet aspect de la requête. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de rendre une décision à cet égard.

Signée par

George E. Ulyatt

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 14 avril 2014

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1726/8111 & T1769/12411

Intitulé de la cause : Chris Hughes c. Agence des services frontaliers du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 14 avril 2014

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