Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

RONALD J. HOWELL

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

FORCES ARMÉES CANADIENNES

l'intimée

MOTIFS DE DÉCISION

2004 TCDP 31
2004/09/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Shirish P. Chotalia

[TRADUCTION]

I. INTRODUCTION

II. PLAINTE DE DISCRIMINATION - INCIDENT CONCERNANT LE DRILL

III. FAITS

A. Blessures au genou antérieures à l'incident concernant le drill

B. Acte discriminatoire présumé - mars 1995 - incident concernant le drill

C. Antécédents subséquents à l'incident concernant le drill

D. Série de tâches combinées pour petites équipes

E. Antécédents médicaux postérieurs à l'acte discriminatoire présumé

F. Libération des FAC - mars 1998

G. L'après-libération

H. Demande de pension en raison du SSPT

IV. FONDEMENTS DE MES CONCLUSIONS DE FAIT

A. Témoins ordinaires

B. Notes de M. Howell

C. Témoins experts

V. LES QUESTIONS LITIGIEUSES

VI. LE DROIT

A. Le droit des droits de la personne

B. Le droit des droits de la personne et le droit de la responsabilité délictuelle

VII. ANALYSE

A. Absence de preuve prima facie

B. Causalité - blessures de juillet 1995

VIII. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] Le plaignant, M. Ronald J. Howell, s'est enrôlé dans les Forces armées canadiennes (FAC) le 9 septembre 1983. À l'époque, il avait une vingtaine d'années et il détenait une 11e année. Né le 15 décembre 1962, M. Howell est actuellement âgé de 42 ans.

[2] Après avoir terminé sa formation de base, M. Howell a été affecté à la Base des Forces canadiennes (BFC) Winnipeg. Il a commencé sa formation spécialisée en février 1984 à la BFC Borden, en Ontario. C'est à cet endroit qu'il a suivi sa formation de base comme chauffeur. Il a ensuite été affecté à Toronto. Au début, il occupait le rang de soldat.

[3] En septembre 1985, M. Howell est devenu membre régulier des FAC. Il a été affecté à une unité de soutien à la BFC Petawawa où il est demeuré de 1985 à 1993. Au cours de son séjour à Petawawa, il a été promu au rang de caporal. En 1987, il a suivi avec succès la formation de technicien de véhicule.

[4] M. Howell a obtenu des appréciations de rendement favorables jusqu'à sa libération.

[5] Malheureusement, au cours de sa carrière dans les FAC, M. Howell a subi une série d'interventions chirurgicales au genou.

II. PLAINTE DE DISCRIMINATION - INCIDENT CONCERNANT LE DRILL

[6] M. Howell allègue que ses supérieurs ont aggravé les problèmes qu'il éprouvait avec son genou droit en l'obligeant à prendre part à un drill de peloton, le 23 mars 1995, sans son support pour le genou (l' incident concernant le drill ). Il prétend que, si les FAC avaient acquiescé à l'époque à sa demande d'aller chercher son support ou de se rendre à l'infirmerie afin qu'il puisse être excusé des exercices de drill, son genou droit ne se serait pas détérioré à un point tel qu'il a dû être libéré. Enfin, il allègue que, n'eût été de l'incident concernant le drill, il ferait encore partie des FAC aujourd'hui.

III. FAITS

A. Blessures au genou antérieures à l'incident concernant le drill

[7] M. Howell a des antécédents longs et complexes de blessures et d'interventions chirurgicales au genou droit. Ces antécédents sont décrits dans le rapport du Dr Randall en date du 9 décembre 20031 ainsi que dans les annexes à ce rapport et dans son dossier médical complet qui se trouve dans les volumes 1 à 42. Il suffit de dire que les blessures de M. Howell au genou droit ont débuté vers janvier 1982, alors qu'il a été mêlé à un grave accident de voiture. Dès mai 1984, M. Howell se plaignait de douleurs à son genou droit, particulièrement lorsqu'il s'adonnait à des activités comme la course ou lorsqu'il faisait du sport. Il se plaignait également que son genou droit bloquait parfois le matin. En septembre 1989, il a subi une grave blessure, se faisant une entorse au genou droit en sautant sur une roche lors d'un concours d'athlétisme - la Compétition de l'Ironman . Il a été hospitalisé et a reçu des soins à la suite de cette grave blessure au ligament croisé antérieur du genou droit. C'est à ce moment que ses problèmes avec son genou droit ont commencé.

[8] En 1990, il a glissé en donnant un coup de pied sur un pneu et s'est à nouveau blessé au genou droit. Le 21 mai 1991, il a subi sa première intervention de reconstruction du ligament croisé antérieur.

[9] À la suite de cette intervention, M. Howell s'est vu prescrire le port d'un support de deuxième génération, qu'il s'est procuré vers novembre 1993.

[10] Vers mai 1992, il s'est à nouveau blessé alors qu'il prenait part à un défilé militaire, se luxant le genou droit. En août 1992, il a subi une deuxième intervention - une arthroscopie de ce même genou.

[11] Le 1er juin 1993, M. Howell a été affecté à la BFC Shilo et promu caporal-chef intérimaire. Afin d'obtenir sa promotion au grade de caporal-chef, il devait suivre le cours de chef subalterne. Ce cours visait à inculquer aux sous-officiers des compétences en leadership. Peu après son affectation à Shilo, il a commencé à éprouver des problèmes en exécutant des manuvres de drill. Le 16 juin 1993, il a consulté un médecin après avoir ressenti de la douleur à la suite d'exercices de drill. Le médecin lui a alors conseillé d'utiliser des béquilles, de mettre de la glace sur son genou, de porter un support et de surélever son genou pendant un certain temps pour atténuer les symptômes.

[12] En janvier 1994, M. Howell a dit éprouver des douleurs lorsqu'il marchait, et particulièrement lorsqu'il courait. Il a été dirigé vers un médecin pour déterminer s'il était apte à suivre le cours de chef subalterne, qui comportait beaucoup d'activités physiques. Les FAC l'ont ensuite orienté vers le Dr de Korompay, un chirurgien orthopédiste civil. M. Howell lui a dit que son genou droit bloquait à l'occasion, qu'il ressentait de la douleur et des sensations de craquement , symptômes que son emploi semblait aggraver. Fortes de la recommandation du Dr de Korompay de procéder à une nouvelle arthroscopie, les FAC ont déclaré M. Howell inapte à suivre le cours.

[13] En février 1994, le Dr de Korompay a effectué une troisième intervention au genou droit de M. Howell après que celui-ci eut glissé et fait une chute. Le Dr de Korompay a constaté une lésion du ménisque interne qu'il a réséqué. Le médecin a également observé que, en dépit d'une lésion partielle de son ligament croisé antérieur, M. Howell affichait un degré de stabilité raisonnable. Il a jugé qu'il pouvait continuer de remplir ses fonctions dans les FAC. En fait, en mars 1994, les superviseurs de M. Howell ont continué de recommander qu'on lui accorde une promotion.

[14] En septembre 1994, M. Howell a commencé à suivre le cours de sous-officier subalterne, qui était semblable au cours de chef subalterne. En fait, le cours de sous-officier subalterne comportait les aspects administratifs du cours de chef subalterne avec, en plus, un volet infanterie. Durant ce cours, M. Howell a éprouvé des problèmes avec son ligament croisé antérieur, qui était endolori. Il a constaté que l'état de son genou ne lui permettait pas de terminer le cours et a demandé d'être libéré de celui-ci. On lui a remis un RTU ( retourné à l'unité ) pour des raisons médicales, ce qui l'autorisait à abandonner le cours et à retourner à son unité sans qu'on considère celui-ci comme un échec. Les FAC ont recommandé qu'on lui donne à nouveau l'occasion de s'inscrire au cours, une fois ses problèmes médicaux réglés. À l'époque, son officier superviseur a jugé qu'il n'était prêt ni physiquement ni mentalement à suivre une formation en leadership. M. Howell a souscrit à cette opinion, car le cours de sous-officier subalterne, contrairement au cours initial de chef subalterne, comprenait un volet infanterie.

[15] Après son retour à Shilo, M. Howell a entrepris un programme agressif de physiothérapie pour combattre le syndrome fémoropatellaire, la plus fréquente source de douleur à la face antérieure du genou. Il a tenté ainsi de guérir son genou en prévision du cours de sous-officier subalterne qui allait se donner à la BFC Shilo en février 1995.

[16] En décembre 1994, il a subi un test visant à évaluer sa condition physique. Le médecin de la base à Shilo lui a conseillé de porter des chaussures à semelle matelassée munies de fausses semelles coussinées, de recourir à un support pour son genou et d'éviter les sports violents. M. Howell a indiqué au médecin qu'il ferait de son mieux lors du cours.

[17] En janvier 1995, M. Howell a dit au médecin de la base que le port des fausses semelles coussinées et de son support donnaient de bons résultats. À l'époque, le médecin de la base a inscrit dans une note médicale qu'il lui a remise qu'il était apte à entreprendre un autre cours de sous-officier subalterne. Une note médicale était une note qu'un médecin remettait aux membres des FAC jugés inaptes à exécuter les tâches des FAC en raison de problèmes médicaux. Une telle note décrivait à l'intention des superviseurs les restrictions auxquelles le membre était soumis. Le membre devait remettre la note à ses officiers superviseurs qui, à leur tour, devaient la transmettre aux officiers dirigeant son unité d'attache.

B. Acte discriminatoire présumé - mars 1995 - incident concernant le drill

[18] M. Howell a commencé à suivre à nouveau le cours de sous-officier subalterne, le 27 février 1995. Dès le début, il a dit au sgt Thompson qu'il devait porter un support en raison de sa blessure au genou, ce qui ne posait pas de difficulté aux yeux du sgt Thompson.

[19] Malheureusement, le 7 mars 1995, M. Howell a glissé sur une plaque de glace en se rendant à un immeuble. On lui a alors diagnostiqué une entorse causée par une force exercée sur son genou droit en valgus. Le 13 mars 1995, l'état de son genou ne s'était guère amélioré. Il prenait des comprimés d'ibuprofen pour combattre la douleur, appliquait de la glace sur sa jambe et gardait celle-ci surélevée. On lui a remis une note médicale indiquant qu'il devait porter son support.

[20] Vers le 20 mars 1995, au cours de son entrevue hebdomadaire avec le sgt Thompson, M. Howell a demandé à ce dernier s'il pouvait l'excuser dorénavant des exercices de drill, étant donné qu'il avait déjà réussi cette partie du cours. Les exercices de drill consistaient à marcher, à virer brusquement à droite et à gauche, à claquer des talons, à frapper du pied et à demeurer au garde-à-vous pendant de longues périodes. M. Howell lui a indiqué que les manuvres de ce genre étaient dures pour son genou. Le 23 mars 1995, le sgt Thompson a accepté de l'excuser de participer au volet drill du cours. Il a conseillé à M. Howell de laisser reposer son genou afin qu'il soit prêt à participer à la phase deux du cours, qui portait sur la tactique d'infanterie. Le sgt Thompson a obtenu le consentement d'autres membres du personnel militaire afin que M. Howell puisse obtenir plus facilement l'exemption demandée.

[21] Dans la matinée du 23 mars 1995, M. Howell a pris part à une activité de conditionnement physique dans le cadre du cours. Il portait un short et n'avait pas son support. Il a joué un match de basket-ball agressif du genre de ceux qu'on joue dans l'armée. Le sgt Thompson a observé M. Howell pendant le match.

[22] Plus tard au cours de cette même matinée, après le petit déjeuner, M. Howell s'est présenté sur le terrain de parade sans son support, croyant qu'il était excusé des exercices de drill. Le lt Hart a demandé à M. Howell d'expliquer pourquoi il pouvait participer à l'entraînement physique, et non aux manuvres de drill. M. Howell a répondu qu'il portait son support et des espadrilles. Le lt Hart a répliqué que, s'il pouvait jouer au basket-ball, il pouvait participer aux exercices de drill. M. Howell a indiqué qu'il n'avait pas son support, qui se trouvait à Brandon, au Manitoba. Le lt Hart lui a ordonné de participer aux exercices d'une durée de 40 minutes sans son support. Alors que M. Howell rouspétait, le sgt Thompson a commencé à proférer des jurons et exigé qu'il explique pourquoi il ne participait pas aux exercices de drill. M. Howell a affirmé à nouveau qu'il n'avait pas son support. Jurant de plus belle, le sgt Thompson a ordonné à M. Howell de se rendre sur le terrain de parade en dépit du fait qu'il n'avait pas son support. M. Howell a obéi aux ordres et a participé à la première moitié de la série de manuvres. Durant la pause, M. Howell a demandé au sgt Houde la permission de se rendre à la salle d'examen médical (SEM) afin de se faire excuser. Le sgt Houde s'est rendu à cette demande. Cependant, lorsque le sgt Thompson a vu M. Howell revêtir sa veste, il lui a ordonné, en proférant des jurons, de revenir sur le terrain de parade pour terminer les exercices. M. Howell lui a dit qu'il désirait se rendre à la SEM. Le sgt Thompson lui a interdit de le faire, ajoutant qu'il pourrait s'y rendre le lendemain. M. Howell a demandé à nouveau de se rendre à la SEM afin d'aller chercher une note médicale, ce que le sgt Thompson lui a encore une fois interdit de faire dans un langage moins que poli. M. Howell a terminé la deuxième moitié de la série de manuvres, conformément à l'ordre reçu.

[23] Après les exercices de drill, le genou de M. Howell était endolori et tuméfié. Cependant, il ne s'est pas rendu à la SEM tout de suite. En fait, il a continué de vaquer à ses activités de la journée. Le lendemain, M. Howell s'est présenté au bureau du médecin de la base.

C. Antécédents subséquents à l'incident concernant le drill

[24] Le lendemain, soit le vendredi 24 mars 1995, le genou de M. Howell était enflé. Le plaignant a indiqué aux médecins de la base qu'il souffrait et avait de la difficulté à supporter le poids de son corps. On lui a administré une dose de stéroïdes et un anesthésique afin de réduire l'enflure et la douleur. M. Howell a indiqué que son genou se bloquait et lui faisait mal depuis environ quatre semaines. Il a été dirigé vers l'infirmerie de la base afin que son état de santé fasse l'objet d'une plus ample évaluation.

[25] Aucune restriction médicale n'a été imposée à M. Howell. On lui a dit de retourner au cours, ce qu'il a fait. On l'a soumis à un test de pratique en prévision de sa série de tâches combinées pour de petites équipes, test qu'il a échoué. Toutefois, cet échec n'a pas influé sur sa note, chaque membre ayant droit à une chance de pratiquer.

[26] M. Howell s'est rendu chez lui à Brandon pour le week-end, les membres ayant reçu une autorisation de congé. Il a mis de la glace sur son genou, qu'il a gardé surélevé. Il avait bon espoir de pouvoir retourner au cours.

[27] M. Howell est rentré à la base dans la soirée du dimanche 26 mars 1995. Le lundi 27 mars, il a participé à un entraînement physique consistant à marcher en portant un sac à dos plein. Après le petit déjeuner, alors qu'il se rendait à une salle de cours au sous-sol, son genou a bloqué. Il a manqué un palier, tombant tête première. Il s'est retrouvé par-dessus un autre membre, incapable de se relever dans l'escalier. On l'a conduit à la SEM où il s'est plaint de douleurs à son genou droit et a raconté les épisodes de blocage. Le médecin de la base a soupçonné une lésion méniscale, une blessure grave.

[28] Un médecin de la base a recommandé d'attribuer à M. Howell une cote médicale temporaire. Il était inapte au travail et incapable de suivre le cours. Il a recommandé que M. Howell soit retourné à l'unité (RTU). Un médecin fait une telle recommandation dans les cas où un militaire est libéré d'un cours pour des raisons médicales. Une telle mesure ne comporte pas de conséquences sur le plan de la carrière. Une fois le membre rétabli, on lui permet de suivre à nouveau le cours. M. Howell s'est vu remettre des béquilles et prescrire du Tylenol 3 pour la douleur.

D. Série de tâches combinées pour petites équipes

[29] Après avoir pris les comprimés de Tylenol 3, M. Howell était somnolent et étourdi. Toutefois, ce soir-là, il a été soumis à un nouveau test - la série de tâches combinées pour petites équipes . Au cours de cette épreuve, le membre est évalué en fonction de sa capacité de commander d'autres membres dans l'exécution d'une tâche. M. Howell a participé volontairement à l'épreuve, après avoir fait part à l'adjudant Legge de son inquiétude quant à sa capacité de subir le test en raison des médicaments qu'il avait pris. M. Howell a été autorisé à subir le test à partir de son lit dans la caserne. Sa tâche consistait à diriger les membres de son équipe qui devaient déménager des meubles d'une pièce à une autre. Il a échoué le test en raison de l'effet des médicaments. Le lendemain, il a été libéré du cours. Cependant, le lt Hart a indiqué dans le rapport de cours que M. Howell avait échoué du fait que son rendement avait été inférieur à la norme, et en raison de sa piètre motivation et de sa mauvaise attitude. Il a été rétrogradé. En mars 1996, M. Howell a présenté un grief au sujet de ce rapport. Il a eu gain de cause et le rapport a été modifié pour indiquer qu'il avait échoué le cours pour des raisons médicales. Dans le rapport de cours révisé établi à la suite du grief, le lt Hart a maintenu que M. Howell avait affiché une attitude irrespectueuse à l'endroit de ses superviseurs. M. Howell a été satisfait du rapport de cours modifié. Il a été réintégré au rang de caporal-chef intérimaire et sa solde a été rajustée rétroactivement.

E. Antécédents médicaux postérieurs à l'acte discriminatoire présumé

[30] M. Howell a été dirigé à nouveau vers le Dr de Korompay, qui l'a vu le 12 juin 1995. M. Howell a informé le Dr de Korompay de l'incident concernant le drill, mais non de sa chute du 27 mars 1995 dans l'escalier. M. Howell ressentait de la douleur au niveau de ses ligaments croisés antérieur et postérieur ainsi que de l'interligne articulaire interne. Le Dr de Korompay a recommandé que M. Howell subisse une autre arthroscopie du genou droit, intervention qui a eu lieu en juillet 1995. Il s'agissait de la quatrième intervention chirurgicale de M. Howell. Au cours de l'intervention, le Dr de Korompay a constaté une lésion méniscale ainsi qu'une légère lésion de sa greffe du ligament croisé antérieur. Il a procédé à l'ablation d'une bonne partie du ménisque interne. Les blessures que le Dr de Korompay a observées en juin 1995 et au cours de l'intervention chirurgicale de juillet 1995 ont été causées par la chute du 27 mars 1995. En outre, le port du support demandé durant les exercices de drill n'aurait pas empêché ce type de blessures.

[31] À la suite de l'intervention, on a conseillé à M. Howell de porter des bottes à semelle souple. Son état s'est amélioré au point que, en août 1995, il a pris part à des activités sportives plus exigeantes, notamment à des matchs de handball européen. Il a exécuté avec succès la marche forcée faisant partie du programme d'aguérrissement des FAC et s'est vu attribuer en octobre 1995 une nouvelle cote médicale ( G2O2 - service normal ) en remplacement de sa cote médicale temporaire assortie de restrictions. Ses tâches n'étaient pas modifiées et ses blessures au genou ne l'empêchaient pas d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires comme il le faisait avant l'intervention chirurgicale. M. Howell et le Dr de Korompay ont conclu que l'intervention de juillet 1995 avait permis de résoudre ses problèmes de genou.

[32] Toutefois, M. Howell a eu d'autres incidents qui ont mis à mal son genou droit à la suite de l'intervention de juillet 1995. Il a notamment subi une élongation musculaire vers avril 1996, alors qu'il soulevait une génératrice. Son genou a été en proie à des spasmes, mais les symptômes se sont vite résorbés. Malheureusement, sa douleur au genou a persisté, avec le résultat qu'il s'est vu attribuer, en août 1996, une cote médicale temporaire en raison des douleurs qu'il ressentait aux deux genoux, le genou droit étant plus mal en point que le genou gauche.

[33] M. Howell a consulté à nouveau le Dr de Korompay en septembre 1996, se plaignant de douleurs lorsqu'il courait. Lors de son témoignage, M. Howell a indiqué que son état physique et mental s'était détérioré. Le Dr de Korompay a proposé qu'il subisse une autre arthroscopie pour déterminer si ses symptômes étaient attribuables à des problèmes mécaniques. Il a dit que s'il ne réussissait pas à remédier aux problèmes, M. Howell serait contraint de songer à prendre sa retraite des FAC, étant donné le besoin de courir. Le Dr de Korompay a procédé à une cinquième arthroscopie en janvier 1997. Il a alors conclu qu'en raison des modifications dégénératives dans son genou, M. Howell ne pourrait s'acquitter de ses tâches dans les FAC, notamment courir. De l'avis du Dr de Korompay, M. Howell [TRADUCTION] devrait se voir interdire en permanence de courir pendant de longues périodes, particulièrement en portant une charge (p. ex., un sac à dos)3 . Après l'intervention, le Dr de Korompay a eu un sérieux entretien avec M. Howell au sujet de son inaptitude à poursuivre sa carrière dans les FAC. M. Howell a convenu qu'il devait prendre sa retraite des FAC afin de protéger son genou. Il souffrait également d'angoisse.

F. Libération des FAC - mars 1998

[34] Par conséquent, le 20 février 1997, M. Howell a lui-même estimé qu'il était incapable d'exécuter un certain nombre de tâches en raison de ses blessures au genou, particulièrement les tâches générales que comportait son travail de technicien de véhicule. Il a indiqué qu'il ne pouvait pas effectuer de longues marches en terrain accidenté, qu'il ne pouvait se tenir debout pendant plus de 10 heures d'affilée et qu'il ne pouvait creuser une tranchée individuelle. M. Howell a rempli le formulaire en sachant que ses réponses aux questions entraîneraient sa libération pour des raisons médicales.

[35] Le même jour, il a été classé dans la catégorie permanente G4 et jugé inapte à servir en campagne ou dans le cadre de missions de l'ONU. On lui a attribué la cote 03 , ce qui signifiait qu'il était incapable de s'acquitter de ses fonctions professionnelles telles que courir, porter un sac à dos, participer aux exercices de drill, marcher ou se livrer à d'autres activités où les chocs sont fréquents. Le Conseil médical de révision des carrières des FAC s'est finalement penché sur le cas de M. Howell pour évaluer ses perspectives de carrière. Le Conseil a estimé que les restrictions professionnelles de M. Howell entravaient énormément sa capacité d'exécuter toute la gamme des fonctions des FAC. Il a jugé qu'il ne satisfaisait pas au principe de l'universalité du service. Par conséquent, il a été libéré des Forces canadiennes à compter du 31 mars 1998.

G. L'après-libération

[36] À la suite de sa libération des FAC, M. Howell a voulu profiter du régime d'assurance militaire pour se recycler. Il a terminé sa 12e année puis a entrepris un cours de radiographie au collège. Comme ce cours exigeait d'être souvent debout, il n'a pas été en mesure d'épouser la vocation de technicien en radiologie. Après avoir mis fin prématurément à son programme de recyclage en mai 1999, il a décidé de démarrer sa propre entreprise de réparation de petits moteurs, qu'il a exploitée de juin 1999 à juin 2003 à peu près. Il n'a pas fait de profits. En fait, l'entreprise a subi des pertes.

H. Demande de pension en raison du SSPT

[37] Au cours des années qui se sont écoulées entre la date où M. Howell a été libéré des FAC et la date de l'audience, le ministère des Anciens Combattants Canada (ACC) lui a accordé quatre pensions d'invalidité. Les dates de début des prestations et les pourcentages pertinents sont indiqués à la page 8 de l'onglet 13 de l'intimée, qui est constitué des divulgations supplémentaires4. En résumé, M. Howell touche actuellement une pension correspondant à un pourcentage d'invalidité de 20 % de son genou droit. Cette pension lui est versée depuis le 2 avril 1998.

[38] En février 2004, M. Howell a présenté une demande de pension d'invalidité fédérale, alléguant qu'il souffrait du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) par suite de l'incident concernant le drill, et que son échec au cours et sa libération subséquente des FAC étaient attribuables à cet incident. Un psychiatre, le Dr McIntryre, a appuyé la demande de M. Howell en présentant à ACC un avis indiquant que l'intéressé était atteint du SSPT et que l'incident concernant le drill semblait être à l'origine de l'angoisse et du syndrome de dépression dont il souffrait. La pension a été accordée à la suite d'un appel. M. Howell n'avait pas servi dans des zones de combat. Par conséquent, il a commencé à recevoir une deuxième pension -correspondant à un pourcentage d'invalidité de 40 % - avec rajustement rétroactif au 24 septembre 2002.

[39] La pension totale que touche M. Howell s'élève à 2 162,63 $ par mois. Ce montant équivaut à 72 % du montant total qu'il recevrait s'il était totalement invalide et tient compte du fait qu'il est marié et a trois enfants.

IV. FONDEMENTS DE MES CONCLUSIONS DE FAIT

[40] Les fondements de mes conclusions de fait sont décrits ci-après.

A. Témoins ordinaires

[41] Étant donné que les événements sont survenus il y a plusieurs années et que les notes à leur sujet et les témoignages oraux sont contradictoires, j'accorde plus de poids aux notes. De même, dans les cas où il y a divergence entre le témoignage de M. Howell et ceux du sgt Thompson et du capt Hart, je préfère ces deniers.

[42] À mon avis, le sgt Thompson a été un témoin franc. Selon moi, il a agi de façon raisonnable dans ses relations avec M. Howell avant l'incident concernant le drill. Il a acquiescé deux fois à une demande de traitement spécial de M. Howell. Il a d'abord informé M. Howell qu'il ne voyait pas de problème à ce qu'il porte son support pendant le cours. Par la suite, il a expressément exempté M. Howell des exercices de drill à sa demande. En fait, il a demandé le consentement d'autres militaires pour obtenir cette exemption. Je préfère également le témoignage du capt Hart à celui de M. Howell. À mon avis, le capt Hart a été le témoin le plus franc, le plus direct et le plus crédible. À mon avis, ces deux témoins des FAC étaient plus indépendants que le plaignant. Ils ont tous deux indiqué que leurs relations avec le plaignant n'avaient pas été de longue durée.

[43] D'autre part, un certain nombre d'éléments m'incitent à conclure que le témoignage oral de M. Howell n'est pas digne de foi. Premièrement, il avait personnellement des intérêts en jeu. M. Howell a vu et revu l'incident concernant le drill de nombreuses fois dans sa tête, à chaque fois dans un contexte différent. Ainsi, il a affirmé lors de son témoignage que le Dr McIntyre lui avait dit que le sentiment que l'incident concernant le drill lui inspirait ressemblait à celui que ressentent les victimes de viol5.

[44] Deuxièmement, il a volontiers admis qu'il avait un vague souvenir de certains événements. Il y a eu certaines incohérences dans son témoignage relativement à des détails importants. Ainsi, il a dit avoir demandé durant l'incident la permission de se rendre à la caserne pour aller chercher son support et que cette demande avait été refusée. Cependant, ses notes et d'autres documents portant sur l'incident indiquent qu'il n'a pas demandé la permission d'aller chercher son support à la caserne. Il a plutôt demandé la permission de se rendre à la SEM pour obtenir une note l'excusant des manuvres de drill. En outre, il a dit qu'il avait d'abord refusé de se soumettre à l'ordre d'exécuter les manuvres. Or, ses notes, sa demande de règlement de grief et sa plainte ne corroborent pas sa version des faits.

[45] Troisièmement, M. Howell souffre du SSPT et a déposé une plainte dans laquelle il évoque le même incident dans le but de recevoir une pension pour cette raison. Par conséquent, on peut douter de sa capacité de se remémorer les événements de façon précise. On peut douter également de l'impartialité de sa description de l'incident.

[46] À mon avis, le témoignage du capt Finokio n'est pas utile. Son souvenir de l'incident et de la période où il s'est produit était flou et il se trouvait à une trentaine de pieds de M. Howell et du capt Hart au moment où l'événement est survenu6.

B. Notes de M. Howell

[47] Les notes rédigées par M. Howell le jour même de l'incident confirment qu'il a dit à deux reprises au sgt Thompson et au lt Hart ce qui suit : [TRADUCTION] ...Je n'ai pas mon support... . Si son support se trouvait [TRADUCTION] à cinq minutes de là dans la caserne à Shilo, comme il l'a prétendu lors de son témoignage, il aurait dit spontanément au sergent : [TRADUCTION] Je n'ai pas mon support, mais donnez-moi, s'il vous plaît, cinq minutes pour que j'aille le chercher. Il n'a rien dit de tel.

[48] En outre, M. Howell a demandé la permission de se rendre à la SEM pour aller chercher une note l'excusant des exercices de drill. Si son support s'était trouvé à cinq minutes de là, dans sa caserne, il aurait demandé la permission d'aller le chercher plutôt que de se rendre à la SEM afin de se faire excuser.

[49] Il est vrai que, le 13 mars 1995, M. Howell a demandé et reçu une note du médecin de la base l'autorisant à porter un support; cependant, j'accepte la prétention du sgt Thompson selon laquelle M. Howell ne lui a pas remis une telle note. Cette conclusion est conforme aux notes de M. Howell au sujet de l'incident selon lesquelles il a demandé la permission de se rendre à la SEM afin d'obtenir une note l'excusant des exercices de drill. Il n'a pas dit au sgt Thompson [TRADUCTION] Sergent, je vous ai donné une note médicale précisant que je dois porter un support lors des exercices de drill , ou encore [TRADUCTION] Sergent, vous avez la note médicale , ou quelque chose du genre. S'il avait remis deux fois une note médicale au sgt Thompson, M. Howell aurait dit quelque chose comme cela. En fait, la note en question n'a pas été produite à l'audience en tant qu'élément du dossier des FAC. En outre, M. Howell a indiqué lors de son témoignage qu'il désirait obtenir une note à jour parce qu'il n'était pas sûr que le personnel ait transmis les autres notes au sgt Thompson. Par conséquent, il a admis, au cours de son témoignage, qu'il n'avait pas remis les notes au sergent en mains propres.

[50] Me Swayze me prie instamment de reconnaître que M. Howell a agi dans son intérêt et porté le support durant le match de basket-ball qui s'est déroulé le matin où est survenu l'incident. Cependant, en ce qui concerne la période comprise entre septembre 1994 et mars 1995, Me Swayze a demandé à M. Howell quels conseils le Dr de Korompay lui avait donnés au sujet de son genou. M. Howell a répondu que le Dr de Korompay lui avait expressément dit qu'il devait porter son support durant les exercices de drill et s'efforcer d'éviter les sports de contact. Cependant, M. Howell, allant à l'encontre de l'avis de son médecin, a pris part à un match agressif de basket-ball. Il n'a pas demandé d'être exempté de participer au match de basket-ball, comme il l'a fait pour les exercices de drill.

[51] Le sgt Thompson a expressément observé le genou de M. Howell pour déterminer s'il portait un support ce matin-là, compte tenu du fait qu'il avait demandé un traitement spécial afin d'être exempté des exercices de drill en raison de l'état de son genou. On peut présumer que le sgt Thompson a soigneusement observé M. Howell et son genou ce matin-là.

C. Témoins experts

[52] À mon avis, le Dr de Korompay a témoigné de façon franche et professionnelle. Son témoignage a été utile. Cependant, je préfère l'opinion du Dr Randall à celle du Dr de Korompay en ce qui concerne la probabilité que l'incident concernant le drill ait causé les blessures qui ont été constatées par le Dr de Korompay en juin 1995 et qui l'ont amené à procéder à des interventions chirurgicales en juillet 1995. Certains de mes motifs à cet égard sont présentés ci-dessous.

[53] Lorsqu'il a évalué le cas de M. Howell en juin 1995 et formulé ses opinions, le Dr de Korompay n'avait pas eu le loisir d'évaluer les blessures au regard de la chute du 13 mars 1995 sur une plaque de glace. Lors de son témoignage, le Dr de Korompay a dit que M. Howell ne l'avait pas informé de cette chute. Il n'a pas été informé non plus de la chute du 27 mars 1995 de M. Howell, tête première dans l'escalier, ni de l'incident du 10 mai 1995 où le genou a cédé et bloqué à nouveau. Dans son rapport du 12 septembre 2003, le Dr de Korompay a confirmé ne pas être au courant d'autres blessures qui auraient été subies dans l'intervalle. Vu l'information restreinte que M. Howell et son avocat lui ont donnée au sujet de l'état de santé du plaignant aux époques qui nous intéressent, le Dr de Korompay a émis l'opinion que les conclusions présentées au sujet de l'ampleur des interventions chirurgicales de juillet 1995 pourraient être attribuées aux blessures de mars 1995.

[54] Le Dr de Korompay a reconnu volontiers que, aux fins de l'évaluation des effets de l'incident concernant le drill sur l'état de santé de M. Howell, il s'était fié à ce que le patient lui avait raconté et à ce qu'il avait vu dans son genou après l'examen. M. Howell l'a informé que l'incident lui avait causé un important traumatisme et que son genou avait enflé et l'avait fait souffrir.

[55] Le Dr Randall, pour sa part, a obtenu et examiné le dossier complet de M. Howell, constitué de quatre volumes, ce que le Dr de Korompay n'a pas eu le loisir de faire. S'il est vrai que le Dr Randall n'a pas examiné M. Howell avant de formuler son opinion, il reste que le Dr de Korompay ne l'a pas fait lui non plus après les importantes blessures que le plaignant a subies au genou au cours de sa carrière dans les FAC, et particulièrement celles survenues entre mars et juin 1995.

[56] Je rejette également, pour les mêmes motifs, l'opinion du Dr de Korompay voulant que, si M. Howell avait porté son support lors de l'incident, il aurait probablement pu éviter les blessures qu'il a observées en juin et juillet 1995. Comme je ne crois pas que les blessures de juin et juillet 1995 aient été causées par l'incident concernant le drill, les conséquences du non-port d'un support lors de l'incident en question ne m'aident pas à évaluer le rapport avec les blessures subséquentes. En outre, je fais mienne l'opinion du Dr Randall voulant qu'un support antirotationnel n'aurait guère contribué à la stabilité de son genou ce jour-là, et ce, pour toutes les raisons énoncées dans son rapport d'expert. Le Dr de Korompay a lui-même reconnu que la question à savoir si le port d'un support aide à la stabilité du membre à la suite d'un bon programme de réadaptation est controversée.

[57] Enfin, en ce qui concerne les avantages psychologiques possibles du support, le plaignant et la Commission, bien que l'intimé ait produit à l'audience des éléments de preuve indiquant que M. Howell souffrait du SSPT7, ont omis de citer le Dr McIntryre comme témoin expert. Je ferai remarquer que ce dernier est demeuré tout au cours de l'audience un témoin susceptible de comparaître, ainsi qu'en atteste la liste de témoins possibles du tribunal. Par conséquent, je ne saurais conclure que le fait de ne pas avoir porté de support lors de l'incident ait précipité la détérioration de l'état psychologique de M. Howell ou contribué à celui-ci. L'avocat de l'intimée m'a demandé de tirer une conclusion défavorable à M. Howell parce qu'il n'a pas cité le Dr McIntyre. Cela n'est pas nécessaire pour trancher l'espèce.

V. LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[58] À la lueur de ces conclusions de fait, passons maintenant à l'examen des questions de droit.

[59] La compétence de ce tribunal découle de la plainte en date du 20 juillet 1998 de M. Howell. L'avocat de M. Howell, Me Swayze, a confirmé dans son exposé d'ouverture que la plainte de M. Howell s'articule essentiellement autour de l'incident concernant le drill en date du 23 mars 19958. Me Swayze a prétendu que les FAC avaient refusé que M. Howell puisse porter son support, un appareil dont il avait besoin pour être bien fonctionnel, et que ce refus constituait un acte discriminatoire. Il a fait valoir que, à la suite de cet incident, M. Howell a dû subir des interventions chirurgicales et a vu l'état de son genou se dégrader. N'eût été de cet incident, son genou ne se serait pas détérioré aussi rapidement et il aurait probablement pu demeurer plus longtemps au sein des FAC. Me Swayze a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

Nous démontrerons, Madame la présidente, qu'une décision qui aurait pu être prise en une fraction de seconde et qui aurait permis au plaignant d'obtenir cinq minutes de plus pour se rendre jusqu'à la caserne pour aller chercher son support pour le genou nous aurait évité d'être ici aujourd'hui9.

[60] Par conséquent, conformément à la plainte, aux arguments des avocats et au témoignage de M. Howell lui-même, les seules questions à trancher en l'espèce sont celles ayant trait à l'incident concernant le drill. Ces questions sont les suivantes :

  1. L'incident concernant le drill constitue-t-il un acte discriminatoire allant à l'encontre du paragraphe 7a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne10?
  2. L'incident concernant le drill constitue-t-il un acte discriminatoire allant à l'encontre du paragraphe 7b) de la Loi?
  3. Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est affirmative, les FAC ont-elles établi un moyen de défense fondé sur une EPJ conformément au paragraphe 15a) de la Loi?
  4. Dans la négative, quel redressement devrait-on accorder à M. Howell?

VI. LE DROIT

A. Le droit des droits de la personne

[61] M. Howell a déposé une plainte en date du 20 juillet 1998 conformément à l'art. 7 de la Loi - tel qu'il existait à ce moment-là - au sujet des événements survenus en mars 1995. Aux termes de l'art. 7 de la Loi actuelle, constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

[62] L'alinéa 15(1)a) décrit ce qu'on entend par une défense fondée sur une exigence professionnelle justifiée ( EPJ ) :

Ne constituent pas des actes discriminatoires : les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;

Le paragraphe 15(2) se lit comme suit :

Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

Le paragraphe 15(8) confirme que l'article 15 s'applique à la fois à la discrimination directe et à la discrimination par suite d'un effet préjudiciable.

Le paragraphe 15(9) se lit comme suit :

Le paragraphe (2) s'applique sous réserve de l'obligation de service imposée aux membres des Forces canadiennes, c'est-à-dire celle d'accomplir en permanence et en toutes circonstances les fonctions auxquelles ils peuvent être tenus.

[63] La Loi, telle qu'elle existait en mars 1995, ne renfermait pas de dispositions équivalant à celles que renferment actuellement les paragraphes 15(2), 15(8) et 15(9). Ces modifications sont entrées en vigueur le 30 juin 199811.

[64] En 1999, la Cour suprême du Canada a rendu publics les arrêts suivants : Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. Gouvernement de la Colombie-Britannique et Services Employees' Union (B.C.G.S.E.U.), [1999] 3 R.C.S. 3 [ Meiorin ] et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights, [1999] 3 R.C.S. 868 [ Grismer ]. Dans l'un et l'autre cas, la Cour suprême du Canada a remplacé par une approche unifiée la distinction qui était faite antérieurement dans la jurisprudence entre la discrimination directe et la discrimination indirecte. En vertu de cette démarche uniformisée, il incombe encore à la partie plaignante d'établir d'abord l'existence d'une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée. Une fois qu'une preuve prima facie de discrimination a été établie, il revient à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire comporte un motif justifiable. Dans cette optique, la partie intimée doit désormais prouver :

  1. qu'elle a adopté la norme à une fin ou dans un but qui est rationnellement lié à la fonction exécutée. À cette étape, l'analyse porte non pas sur la validité de la norme particulière en cause, mais plutôt sur la validité de son objet plus général, par exemple la nécessité d'exécuter la tâche de manière sûre et efficace. Si l'objet général est d'assurer l'exécution de la tâche de manière sûre et efficace, il ne sera pas nécessaire de consacrer beaucoup de temps à cette étape;
  2. qu'elle a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser le but légitime lié au travail, et sans qu'elle ait eu l'intention de faire preuve de discrimination envers le demandeur. À cette étape l'analyse passe de l'objet général de la norme à la norme particulière elle-même;
  3. que la norme contestée est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but poursuivi, c.-à-d. l'exécution de la tâche de manière sûre et efficace. L'employeur doit démontrer qu'il ne peut composer avec le demandeur et les autres personnes touchées par la norme sans subir une contrainte excessive. Il doit veiller à ce que la procédure, s'il en est, qui a été adoptée pour étudier la question de l'accommodement tienne compte de la possibilité qu'elle puisse être indûment discriminatoire pour un motif de distinction illicite. En outre, la teneur réelle d'une norme plus conciliable qui a été offerte par l'employeur doit être adaptée à chaque cas. Subsidiairement, l'employeur doit justifier pourquoi il n'a pas offert une telle norme.

[65] En outre, les arrêts Meiorin et Grismer de la Cour suprême comportent des paramètres qui permettent de déterminer si une défense fondée sur une contrainte excessive a été établie. Dans Meiorin, la Cour suprême a fait observer que l'utilisation du mot excessive laisse supposer qu'une certaine contrainte est acceptable; pour satisfaire à la norme, il faut absolument que la contrainte imposée soit excessive 12. Il peut être idéal, du point de vue de l'employeur, de choisir une norme d'une rigidité absolue. Encore est-il que, pour être justifiée en vertu de la législation sur les droits de la personne, cette norme doit tenir compte de facteurs concernant les capacités uniques ainsi que la valeur et la dignité inhérentes de chaque personne, dans la mesure où cela n'impose aucune contrainte excessive. La Cour suprême a également fait remarquer que le défendeur, afin de prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, a toujours la charge de démontrer qu'elle inclut toute possibilité d'accommodement sans qu'il en résulte une contrainte excessive. Il incombe au défendeur d'établir qu'il a examiné et raisonnablement rejeté toutes les formes viables d'accommodement. Le défendeur doit démontrer qu'il était impossible d'incorporer dans la norme des aspects d'accommodement individuels sans qu'il en résulte une contrainte excessive. Dans certains cas, le coût excessif peut justifier le refus de composer avec les personnes atteintes de déficiences. Toutefois, il faut se garder de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'accommodement de la personne handicapée. Il est beaucoup trop facile d'invoquer l'augmentation des coûts pour justifier le refus d'accorder un traitement égal aux personnes handicapées. L'adoption de la norme du défendeur doit être étayée par des éléments de preuve convaincants13. La preuve, constituée d'impression, d'une augmentation des dépenses ne suffit pas généralement. On devrait songer à des moyens d'accommodement innovateurs et non pécuniaires pratiques. Enfin, les facteurs tels que le coût des méthodes d'accommodement possibles devraient être appliqués d'une manière souple et conforme au bon sens, en fonction des faits de chaque cas14. Comme l'a fait observer le juge Cory dans Chambly c. Bergevin [1994] 2 R.C.S. 525, ce qui peut être parfaitement raisonnable en période de prospérité est susceptible d'imposer à un employeur un fardeau financier déraisonnable en période de restrictions budgétaires ou de récession. Je constate que le terme contrainte excessive n'est pas défini dans la Loi.

[66] En l'espèce, la question qu'il faut aborder franchement consiste d'abord et avant tout à déterminer si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination? Conformément aux articles 49 et 50, ce tribunal doit instruire la plainte. L'instruction doit être indépendante et impartiale et tenir dûment compte de la preuve présentée et de la jurisprudence pertinente. Ce tribunal est lié par l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Hutchinson c. Canada (ministre de l'Environnement) (C.A.) (2003), 4 C.F. 580. La Cour a confirmé qu'on avait tenu compte, tant dans Meiorin que dans Grismer, des effets des normes ou politiques distinctes ayant servi d'outils de sélection, c.-à-d. une norme aérobique défavorisant les femmes et une norme d'acuité visuelle régissant la délivrance de permis de conduire qui constituait une discrimination directe. La Cour d'appel fédérale a distingué ces affaires de celle dont elle était saisie, faisant remarquer que les rapports, en l'occurrence, n'étaient pas dictés par une politique préexistante. Il existait plutôt une ligne de conduite selon laquelle les parties se fondaient sur une interprétation des droits et des obligations qu'elles avaient respectivement. Dans Hutchinson, il a été difficile d'isoler ou de cerner une politique ou norme particulière. Dans Meiorin, le point de départ de l'analyse de la Cour a été sa conclusion voulant que la politique en question fasse une distinction entre des personnes qui étaient touchées pour un motif illicite. La Cour fédérale a statué que lorsqu'il est question d'une ligne de conduite, la question la plus pertinente est de savoir si les rapports entre les parties, considérés dans leur ensemble, entraînent un traitement préjudiciable fondé sur un motif de distinction illicite. Si les rapports, pris dans leur ensemble, ne révèlent pas un traitement préjudiciable, alors l'examen prend fin. Dans le cas inverse, on procède à l'examen des trois questions énoncées dans l'analyse faite par la Cour suprême dans Meiorin. Dans Hutchinson, la Cour a statué qu'il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que les rapports entre l'appelante et l'intimée, considérés dans leur ensemble, ne révélaient aucun traitement préjudiciable.

[67] En outre, dans Hutchinson, la Cour a affirmé que la partie plaignante n'a pas le droit de tenir ferme quant à la solution de rechange préférée. En l'occurrence, l'intimée a fait des efforts pour composer avec la déficience de la plaignante en lui offrant de travailler à un autre endroit, l'employant sur une base saisonnière, en favorisant un milieu exempt d'odeur ou en lui offrant d'effectuer du télétravail. La Cour fédérale a fait sienne la décision rendue dans Ontario (Ministry of Community and Social Services) c. OPSEU (2000), 50 O.R. (3d) 560, où la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que la politique relative à l'observation religieuse de l'employeur était suffisante pour tenir compte des besoins particuliers des personnes pratiquant une religion minoritaire. Un employé avait revendiqué le droit d'avoir un congé payé pour lui permettre d'observer onze fêtes religieuses. La politique de l'employeur prévoyait deux jours de congé payés pour l'observation religieuse ainsi que des jours de congé supplémentaires au moyen de changements d'horaire et de jours de congé accumulés grâce à la semaine de travail comprimée. L'employé a exprimé l'avis qu'il pouvait utiliser comme bon lui semblait les jours de congé qu'il avait accumulés grâce à la semaine de travail comprimée et que l'employeur pouvait lui accorder onze jours de congés payés pour l'observation religieuse sans contrainte excessive. La Cour a statué qu'étant donné que la politique de l'employeur était suffisamment inclusive pour tenir compte des besoins de l'intéressé, la question de l'accommodement jusqu'à la contrainte excessive ne se posait pas. L'un des corollaires de cette position, selon la Cour fédérale, est que le demandeur ne peut refuser une solution raisonnable pour le motif que la solution de rechange qu'il préfère n'imposera pas une contrainte excessive à l'employeur.

B. Le droit des droits de la personne et le droit de la responsabilité délictuelle

[68] Les principes établis en droit de la responsabilité délictuelle voulant que la victime soit remise dans la position où elle se serait trouvée, n'eût été de l'acte reproché, s'appliquent aux plaintes relative aux droits de la personne. Aux fins de déterminer les dommages-intérêts recouvrables, il faut faire abstraction des conséquences de l'acte qui sont trop indirectes ou lointaines15. Suite aux arrêts rendus par la Cour d'appel fédérale dans des affaires telles que Morgan, la Cour suprême du Canada a décrit, dans l'arrêt Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458, une démarche fondée sur un ensemble de principes servant à évaluer la causalité. La causalité est établie si le demandeur prouve que le défendeur a causé le préjudice ou y a contribué. Le critère général, quoique non décisif, en matière de causalité est celui du facteur déterminant ( but for test ), selon lequel le demandeur est tenu de prouver que le préjudice ne serait pas survenu sans la négligence du défendeur. Dans les cas où le critère du facteur déterminant n'est pas applicable, les tribunaux ont reconnu que la causalité était établie si la négligence du défendeur avait contribué de façon appréciable au préjudice. Un facteur concourant est important s'il a eu une incidence plus que minimale. La causalité n'a pas à être déterminée avec une précision scientifique. Il s'agit essentiellement d'une question de fait pratique à laquelle on peut mieux répondre par le bon sens ordinaire. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de mettre le demandeur dans une situation meilleure que celle où il se serait trouvé avant le préjudice. Par conséquent, il est important non seulement d'évaluer la situation du demandeur après le préjudice, mais aussi de déterminer quelle aurait été la situation originale . Le préjudice subi par le demandeur correspond à la différence entre la situation originale du défendeur et sa situation après le préjudice . Si un fait subséquent n'avait aucun rapport avec le préjudice et avait une incidence sur la situation originale du demandeur, la perte nette n'est pas aussi importante qu'elle semblait de sorte que les dommages-intérêts seraient réduits pour tenir compte de cette différence.

VII. ANALYSE

A. Absence de preuve prima facie

[69] En l'espèce, je conclus que les rapports, considérés dans leur ensemble, entre M. Howell et les FAC au sujet de l'incident concernant le drill et de l'échec subséquent de l'intéressé au cours de sous-officier subalterne ne constituaient pas un traitement préjudiciable à son endroit.

[70] En ce qui concerne le par. 7a) de la Loi, M. Howell avait éprouvé des problèmes de genou avant l'incident concernant le drill. Par conséquent, il présentait une déficience au sens de la Loi. Toutefois, les FAC n'ont pas refusé de l'employer à cause des événements qui sont survenus durant l'incident concernant le drill. M. Howell a volontairement décidé de prendre sa retraite des FAC en raison d'événements qui se sont produits après l'incident concernant le drill et pour lesquels il n'existait pas de lien causal avec l'incident en question. En octobre 1995, au moment où sa cote médicale a été rétablie, ce qui lui permettait de reprendre son service normal, M. Howell était dans une large mesure rétabli des blessures subies en mars 1995. À ce moment-là, ses fonctions professionnelles n'ont pas été modifiées et ses blessures au genou ne l'ont pas empêché d'effectuer autant d'heures supplémentaires qu'il en faisait avant l'intervention. M. Howell et le Dr de Korompay étaient tous deux d'avis que l'intervention de juillet 1995 avait été une réussite. En février 1997, bien après qu'il se soit rétabli de l'intervention d'octobre 1995, M. Howell a estimé être incapable, en raison de ses blessures permanentes au genou, d'exécuter certaines fonctions militaires générales. Au moment de remplir les formulaires nécessaires, M. Howell était conscient du fait que les FAC mettraient fin à son emploi parce qu'il ne satisferait plus au principe de l'universalité du service. M. Howell a voulu ce résultat, de la même façon qu'il a accepté la recommandation de son médecin de prendre sa retraite des FAC. Conformément à ses attentes et désirs, les FAC l'ont finalement libéré en mars 1998, pour le motif qu'il ne satisfaisait pas au principe de l'universalité du service. La question de l'applicabilité et de la teneur de l'obligation en matière d'universalité du service en mars 1995, ainsi que du contexte dans lequel elle s'inscrivait, ne se pose pas en l'espèce. Le plaignant n'a pas réussi à présenter une preuve prima facie de discrimination. Par ailleurs, même s'il l'avait fait, le Tribunal est lié par l'arrêt Irvine c. FAC 2003 CFPI 660 (1re inst.), dans lequel la Cour fédérale a statué que l'arrêt Meorin s'applique rétroactivement aux événements survenus avant son prononcé en 1999, mais qu'il faut tenir compte, aux fins de son application, du contexte dans lequel s'inscrivait la politique de l'universalité du service en mars 1995. Par conséquent, si l'on avait poussé l'analyse jusqu'au stade de l'évaluation de la défense de l'intimée, j'estime, au regard des faits de l'espèce, que l'intimée aurait eu du succès dans sa défense fondée sur l'universalité du service.

[71] De plus, les FAC n'ont pas, à mon avis, contrevenu au par. 7b) de la Loi. Elles n'ont pas défavorisé M. Howell en refusant d'acquiescer à sa demande concernant le port de son support durant les exercices de drill ou en refusant de l'exempter de ces exercices. M. Howell voulait aller chercher un support dont il n'avait pas besoin, médicalement parlant, pour exécuter sans danger les manuvres. Les officiers des FAC n'ont pas permis à M. Howell d'obtenir une note médicale l'excusant des exercices de drill parce qu'il n'avait pas son support, mais la preuve qui m'a été présentée est insuffisante pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que M. Howell avait besoin du support pour exécuter les exercices en toute sécurité. Dans la matinée du jour où l'incident est survenu, M. Howell, quelques heures seulement avant les exercices de drill, a pris part à un match agressif de basket-ball sans son support. S'il était en mesure de s'adonner à ce genre d'activité physique sans porter son support, il était tout aussi capable de participer aux exercices de drill sans cet appareil. Le fait que M. Howell ait joué un match agressif de basket-ball sans porter de support corrobore l'opinion d'expert des deux chirurgiens orthopédistes, le Dr Randall et le Dr de Korompay, qui ont tous les deux convenu que le port du support n'était pas nécessaire si un délai d'un an s'était écoulé depuis l'intervention. Ils ont affirmé qu'après un tel délai, le support joue un rôle au niveau du soutien psychologique plutôt que du soutien mécanique.

[72] En résumé, M. Howell n'était pas en droit d'exiger de faire l'objet d'une mesure d'accommodement d'ordre médical résidant dans le port d'un support, en l'absence de fondement objectif. Dans les circonstances, il n'avait pas le droit de tenir bon pour bénéficier de son moyen d'accommodement préféré.

[73] À mon avis, les FAC n'ont pas défavorisé M. Howell en lui faisant une évaluation négative dans le rapport concernant le cours de sous-officier subalterne. M. Howell a présenté un grief et a eu gain de cause. Le rapport a été modifié à sa satisfaction. M. Howell a indiqué lors de son témoignage qu'il était satisfait de l'évaluation de cours révisée dans laquelle son instructeur disait continuer de nourrir des préoccupations à l'égard de son rendement et de son attitude. En fait, le grief de M. Howell ne portait pas sur l'échec au cours, mais plutôt sur l'évaluation. En outre, je suis d'avis que, si l'incident concernant le drill n'avait pas eu lieu, M. Howell aurait été incapable, pour un certain nombre d'autres raisons, de réussir le cours de sous-officier subalterne. Bien qu'il ait reçu une note médicale indiquant qu'il était apte à suivre le cours, M. Howell était lui-même sceptique. Il a affirmé qu'il allait [TRADUCTION] faire de [son] mieux . De plus, le cours de sous-officier subalterne, comparativement au cours de chef subalterne qu'il avait suivi auparavant, comportait un volet infanterie qui aurait exigé beaucoup plus d'aptitudes physiques, et il avait été retourné à son unité (RTU) lors du cours de sous-officier subalterne entrepris en septembre 1994. Enfin, la capacité de M. Howell de réussir les éléments physiques du cours ont été compromises par sa chute du 7 mars 1995 sur une plaque de glace mais, avant tout et par-dessus tout, par sa chute du 27 mars 1995, tête première, dans l'escalier.

[74] Par conséquent, le plaignant et la Commission n'ont pas établi une preuve prima facie de discrimination aux termes des paragraphes 7a) et 7b) de la Loi.

B. Causalité - blessures de juillet 1995

[75] Enfin, même si l'analyse nous avait amenés jusqu'à l'étape de l'évaluation du quantum des dommages-intérêts, M. Howell n'aurait pas, à mon avis, réussi à démontrer le bien-fondé de l'indemnité réclamée. Selon moi, M. Howell n'a pas subi un préjudice important aussitôt après avoir participé aux exercices de drill. Son genou lui faisait mal et était enflé. Toutefois, il ne s'est présenté à la SEM que le lendemain matin. En fait, il a vaqué à ses activités de la journée sans porter de support. Son comportement lors de l'incident contraste avec celui qu'il a manifesté lors de sa chute du 27 mars 1995, tête première, dans l'escalier. Il s'agissait d'une blessure grave. M. Howell est allé voir aussitôt un médecin qui lui a dit qu'il était incapable de poursuivre le cours. Sa cote médicale a alors été modifiée. Si M. Howell avait subi une blessure débilitante par suite d'exercices de drill de 40 minutes, il se serait aussitôt rendu à la SEM. À mon avis, l'incident n'a pas contribué de façon appréciable aux problèmes que M. Howell éprouvait déjà avec son genou droit. Si j'examine ses antécédents médicaux complexes en me fondant sur le bon sens, je conclus que l'incident concernant le drill n'a eu qu'un effet minime sur l'état de son genou droit. N'eût été de l'incident concernant le drill, je conclus, compte tenu de ses blessures de genou, que M. Howell, médicalement parlant, se serait retrouvé à peu près dans la même situation que celle où il était après l'incident.

[76] Le Dr Randall confirme que les personnes qui, comme M. Howell, subissent une chirurgie reconstructive du genou reconstatent ultérieurement des modifications dégénératives ainsi qu'une usure attribuable à la reprise des activités à fort impact à la suite de l'intervention. Par conséquent, M. Howell indépendamment de l'incident concernant le drill, aurait, compte tenu de la reconstruction de son ligament croisé antérieur en 1991 et de la nature de ses fonctions au sein des FAC, subi des modifications dégénératives dans sa carrière subséquente au sein des FAC. J'ai déjà conclu que la blessure observée par le Dr de Korompay en juin et juillet 1995 avait été causée par sa chute du 27 mars 1995, tête première, dans l'escalier. En fait, le Dr de Korompay a volontiers reconnu qu'une chute aurait pu entraîner les dommages qu'il a observés en juin et juillet 1995. Je fais mienne l'opinion du Dr Randall selon laquelle il était peu probable que M. Howell ait pu souffrir d'une importante lésion méniscale sans un traumatisme aigu comme celui qu'il a subi lors de sa chute du 27 mars 1995.

VIII. CONCLUSION

[77] L'incident concernant le drill de 1995 et l'échec subséquent au cours de sous-officier subalterne ne constituaient pas des actes discriminatoires aux termes du par. 7a) de la Loi. Ces faits n'ont pas non plus entraîné la cessation d'emploi de M. Howell au sein des FAC en 1998, au regard des incidents survenus antérieurement ou dans l'intervalle. C'est plutôt la chute du 26 mars 1995 qui, selon la prépondérance des probabilités, a nécessité l'intervention chirurgicale de juillet 1995. M. Howell était remis de cette intervention en octobre 1995. Par la suite, l'incident de la génératrice (avril 1996) a aggravé ses blessures au genou et l'a amené à prendre volontairement des mesures pour obtenir sa libération des FAC.

[78] L'incident concernant le drill de 1995 et l'échec au cours de sous-officier subalterne ne constituent pas des actes discriminatoires aux termes du par. 7b) de la Loi. Il n'était pas nécessaire, médicalement parlant, que M. Howell porte son support durant l'incident, et tout refus des FAC de lui permettre d'aller chercher son support ne constituait pas un acte discriminatoire. M. Howell était satisfait du rapport de cours qui a été modifié après la présentation de son grief. À mon avis, les FAC n'ont pas omis de composer avec la déficience de M. Howell. Au contraire, le sgt Thompson a fait au moins deux tentatives pour tenir compte des demandes de M. Howell avant l'incident concernant le drill. En outre, tout au cours de la carrière de M. Howell, et durant les années 1995 et 1996, les FAC ont tenu compte des soins physiques que son genou exigeait.

[79] Par conséquent, je rejette la plainte de M. Howell dans son intégralité.

[80] À la demande des avocats, je n'aborde pas dans la présente la question des dépens. Les parties peuvent en discuter entre elles. Je conserve ma compétence à cet égard pour le cas où elles ne seraient pas en mesure d'en venir à une entente.

Shirish P. Chotalia

Ottawa (Ontario)
Le 23 septembre 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T817/6703

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Ronald J. Howell c. Forces armées canadiennes

DATE ET LIEU
DE L'AUDIENCE :

Les 9 au 11 février 2004
Les 27 au 29 avril 2004
Les 3 et 7 mai 2004
Les 18 au 20 mai 2004
Brandon (Manitoba)

Le 30 juin 2004
Winnipeg (Manitoba)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 23 septembre 2004

ONT COMPARU :

David E. Swayze

Pour le plaignant

K.E. Ceilidh Snider

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sid Restall
Kevin Staska

Pour l'intimée

1 Pièce R-13.

2 Pièces R-1, R-2, R-3 et R-4.

3 Pièce C-51, onglet 116.

4 Pièce R-10, onglet 13, p. 8.

5 Transcription, vol. 5, p. 507, lignes 5 à 15.

6 Transcription, vol. 6, p. 612, lignes 21 à 25 et p. 613, lignes 1 à 4.

7 Voir le diagnostic formulé par le Dr Ian McIntyre dans sa lettre en date du 22 avril 2003 (pièce R-12).

8 Transcription, vol. 4, p. 96 à 98.

9 Transcription, vol. 4, p. 98, lignes 6 à 10.

10 L.R.C. 1985, ch. H 6 [Loi]

11 Modifications entrées en vigueur le 30 juin 1998, ch. 9, articles 9 à 34 - TR/98-79.

12 À cet égard, l'arrêt Meiorin est conforme à la décision rendue dans Central Okanagan School District c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 984.

13 Grismer, par. 41 et 42.

14 Meiorin, par. 63. Voir aussi Chambly c. Bergevin, [1994] 2. R.C.S. 525, p. 546.

15 Canada (Procureur général c. Morgan (1992), 2 C.F. 401 (C.A.F.).

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