Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

JACQUELINE BROWN

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

l'intimée

DÉCISION SUR LA QUESTION À SAVOIR
SI LE TRIBUNAL A LE POUVOIR
D'ADJUGER LES DÉPENS

2004 TCDP 30
2004/09/01

MEMBRE INSTRUCTEUR : Dr. Paul Groarke

[TRADUCTION]

I. INTRODUCTION

II. DOMMAGES-INTÉRÊTS

A. Les dommages-intérêts n'incluent pas les dépens

B. Frais liés aux premières consultations

C. Frais juridiques liés à l'audience

III. DÉPENS

A. La règle de common law : Le pouvoir d'adjuger les dépens doit être prévu expressément par la loi

B. Autres sources du pouvoir d'attribuer les dépens

IV. LES POSITIONS DES PARTIES

A. La position de l'intimée

B. La position de la plaignante

C. La position de la Commission

V. LÉGISLATION

A. Loi canadienne sur les droits de la personne

B. Autres lois sur les droits de la personne

VI. JURISPRUDENCE RELATIVE À LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

A. Décisions rendues au début

(i) Morrell : Le Tribunal statue qu'il n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

(ii) Autres décisions

B. Thwaites : La Cour fédérale soutient que le Tribunal a le pouvoir d'adjuger les dépens

C. Lambie : La Cour fédérale statue que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

D. Nouvelles décisions : Le Tribunal continue de soutenir qu'il n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

E. Green : La Cour fédérale statue une deuxième fois que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

F. Nkwazi : Le Tribunal continue de statuer qu'il a le pouvoir d'adjuger les dépens

G. Premakumar et Milano : Le Tribunal s'inspire de la décision Nkwazi

H. Stevenson : La Cour fédérale s'aligne sur la décision Nkwazi

I. La question posée 25 dans Nkwazi

VII. LA QUESTION EN LITIGE

A. Le Tribunal n'a pas, en vertu de la common law, le pouvoir d'adjuger les dépens

B. Le Tribunal a néanmoins le pouvoir de protéger la viabilité des redressements prévus par la Loi

C. Le plaignant a droit à un redressement utile

VIII. QUESTIONS supPLÉMENTAIRES

A. Un représentant non juriste peut-il comparaître devant le Tribunal?

B. Les honoraires d'un représentant non juriste sont-ils recouvrables?

C. Renonciation

IX. DÉCISION

ANNEXE A

I. I. INTRODUCTION

[1] J'ai déjà accordé un redressement à la plaignante. Il ne reste qu'à trancher la question des dépens. L'intimée estime que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'attribuer les dépens. À mon avis, il faut, pour régler cette question correctement, se livrer à une analyse approfondie de la jurisprudence - tant celle des cours que celle du Tribunal.

[2] L'intimée soutient que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne confère pas au Tribunal le pouvoir d'attribuer les dépens. La plaignante conteste cette prétention. Son conseiller m'a avisé qu'elle a engagé des frais juridiques de l'ordre de 11 000 $ depuis le début de l'affaire. La majeure partie de ces frais sont attribuables à l'audience. Le conseiller a fait valoir que, s'il n'ordonne pas à l'intimée de payer les frais engagés par la plaignante, le Tribunal se trouvera à la priver du dédommagement auquel elle a droit aux termes de la Loi.

II. DOMMAGES-INTÉRÊTS

A. Les dommages-intérêts n'incluent pas les dépens

[3] La règle fondamentale dans notre droit est simple. Le pouvoir d'accorder des dommages-intérêts n'inclut pas celui d'adjuger les dépens. La Loi canadienne sur les droits de la personne donne au Tribunal le pouvoir d'attribuer une indemnité. À mon avis, il s'agit d'une forme de dommages-intérêts qu'il faut distinguer des dépens.

[4] Dans Hrtschan c. Montréal (Ville), REJB 2004-55545, la Cour d'appel du Québec précise au par. 60 que la distinction entre les dommages-intérêts et les dépens est causale :

60. Dans la logique de la responsabilité civile, laquelle requiert un lien de causalité directe entre la faute et le préjudice, il ne suffit pas de dire qu'il a fallu recourir aux services d'un avocat pour conclure, au terme d'un procès qui tranche le cas, que la totalité de la note des honoraires et débours engagés par la victime donne la mesure du préjudice subi. (L'italique est de moi.)

Au par. 75, le juge Pelletier cite un texte du professeur A. Popovici intitulé Le Sort des honoraires extrajudiciaires, (2002) R. du B. 53, à l'appui de sa position voulant que les dépens ne soient pas des dommages-intérêts.

L'intimée m'a fourni une traduction anglaise du par. 60, qu'il convient de citer sans faire de commentaires au sujet de l'exactitude de la traduction.

60. In the logic of civil responsibility, which requires a direct causal link between the fault and the prejudice, a victim cannot rely on the assertion that he had to resort to the services of a lawyer to then be automatically awarded fees and disbursements at the end of the trial, on the basis that the lawyer's total bill equals the prejudice suffered.

On peut dire que les frais et dépens engendrés par un procès ou une audience ne découlent pas directement du préjudice. Ils ont une autre origine - d'ordre contractuel celle-là - et ne constituent pas, par conséquent, un chef ordinaire de dommages-intérêts ou d'indemnité.

[5] Il en résulte le principe selon lequel les dommages-intérêts et les dépens doivent être récupérés séparément. Il s'ensuit que le pouvoir d'attribuer les dépens exige une compétence distincte et explicite. Ce principe est appliqué, plutôt résolument, tant dans le système de common law que dans le système de droit civil. Le pouvoir d'un tribunal et même d'une cour d'attribuer les dépens est assujetti aux conditions et modalités énoncées dans les lois pertinentes.

B. Frais liés aux premières consultations

[6] Le critère est celui de l'enchaînement causal et la question est particulièrement subtile. En dépit de la règle générale, certains frais et dépens sont admissibles à titre de dommages-intérêts. Dans la décision Hrtschan, par exemple, la Cour d'appel du Québec reconnaît qu'une partie qui a un recours juridique a le droit de demander conseil à un avocat. Les frais occasionnés par cette consultation constituent un chef de dommages-intérêts recouvrable.

[7] La règle générale n'est pas modifiée pour autant.

61. Si la nécessité des premières consultations et des premières prestations de service peut, à première vue, conférer à la réclamation pour frais extrajudiciaires une légitimité du genre de celle que je viens d'évoquer, il n'en va pas nécessairement de même pour la suite des événements. De fait, la situation risque de s'embrouiller très rapidement au fil du déroulement du conflit judiciaire.

Il y a une différence entre la consultation initiale d'un avocat par une partie et la représentation de cette dernière dans le cours d'une audience ou d'un procès.

[8] Il est normal qu'une personne qui a fait l'objet de discrimination demande conseil à un avocat. C'est une réaction tout à fait prévisible. Cette consultation préliminaire est suffisamment rapprochée dans la chaîne causale pour être considérée comme une conséquence directe et inévitable de la faute originale. Par conséquent, elle constitue un élément prévisible des dommages-intérêts que le plaignant a subis par suite de la discrimination. Les actes reprochés à leur auteur constituent la cause immédiate des frais engagés par le plaignant pour obtenir les conseils d'un avocat.

[9] Je comprends que le recours initial à un avocat et les conseils d'un représentant légal constituent des exceptions à la règle générale voulant que les dépens ne soient pas des dommages-intérêts. En dernière analyse, il faut déterminer dans chaque cas s'il existe un lien causal. Il s'agit de se demander, en toute logique, si les frais juridiques que réclame la partie plaignante sont une conséquence nécessaire de la discrimination. Une fois que la consultation initiale a eu lieu et que les frais qu'elle a occasionnés ont été acquittés, la partie plaignante est en mesure de mandater un avocat. À ce moment-là, la chaîne causale est rompue et toute décision relative à la prestation de services juridiques découle logiquement de facteurs qui ne sont qu'indirectement liés à la cause d'action originale.

[10] Le droit sur les droits de la personne reconnaît l'exception à la règle générale. Dans Waters v. British Columbia (Ministry of Health Services) 2003 BCHRT 13, le tribunal de la C.-B. a abordé la question des frais juridiques engagés avant le dépôt d'une plainte. Au par. 212, le Tribunal affirme que ces frais sont récupérables :

[TRADUCTION]
Dans Radloff v. Stox Broadcast Corp., [1999] BCHRTD No. 36, le tribunal a soutenu que les frais juridiques découlant de la contravention qui ne peuvent être considérés comme des frais liés à la procédure peuvent être récupérés : Radloff, au par. 99 (voir aussi Leeder v. O'Cana Enterprises Ltd. (exerçant son activité sous le nom de Alisa Japanese Restaurant), [1999] B.C.H.R.T.D. No. 1, au par. 29).

L'élément déterminant est qu'il existait entre la violation de la Loi et les frais un lien suffisant pour assimiler ceux-ci à l'indemnité ou aux dommages-intérêts.

[11] L'exception s'applique dans d'autres cas. Dans Curling v. Torimiro [2000] O.H.R.B.I.D. No. 169 (QL), par exemple, la commission d'enquête soutient, au par. 61, que le plaignant a le droit d'être indemnisé de ses frais juridiques [TRADUCTION] dans le cadre de la restitution ordonnée aux termes du Code de l'Ontario.

[12] Si, comme c'est le cas en l'espèce, la partie plaignante engage des frais juridiques qui sont directement attribuables à la conduite de la partie intimée ayant porté atteinte à ses droits aux termes du Code, cette dernière peut, le cas échéant, être condamnée à l'indemniser de ces frais de façon à assurer une indemnisation intégrale.

Les mots déterminants sont directement attribuables. Au par. 62, la commission d'enquête a exprimé l'opinion que la plaignante réclamait des frais juridiques qu'elle avait à proprement parler engagés :

[TRADUCTION]
par suite des actes de représailles considérés comme contrevenant à ses droits aux termes de l'art. 8. Le fait que les actes de représailles aient pris la forme de recours judiciaires ou de menaces de recours judiciaires et exigé une réponse légale est important.

Dans la décision Curling, la commission d'enquête reconnaît que, dans certains cas, le lien causal entre les frais et l'acte discriminatoire est tellement étroit que la partie plaignante a droit d'être indemnisée de ses frais juridiques pour le motif qu'ils découlent directement de la discrimination.

C. Frais juridiques liés à l'audience

[13] Les frais juridiques engagés ultérieurement au cours de la procédure sont toutefois assujettis à la règle d'exclusion. Ils ne devraient pas être assimilés à des dommages-intérêts. C'est le cas notamment des frais liés à la préparation d'un rapport d'expert et d'autres frais qui découlent du litige plutôt que de l'acte discriminatoire reproché. L'origine de ces frais réside dans les instructions des parties et les conseils qu'ils reçoivent. Cet élément est en soi variable. L'opportunité d'appeler des témoins ou de soulever certains points de droit est strictement une question de jugement. Différentes personnes peuvent prendre ces décisions différemment.

[14] Le juge Pelletier exprime des réserves à l'égard de l'idée voulant que les juges s'engagent sur ce terrain. Il n'appartient pas aux arbitres de prêter des intentions aux parties, afin de déterminer quels services étaient pertinents. Il y a également le danger de reprendre l'affaire, sans parler du problème consistant à aborder des questions traitées à titre confidentiel ou sous le sceau du secret. Des considérations d'intérêt public empêchent un arbitre de se pencher de trop près sur les décisions personnelles des parties ou d'évaluer leur conduite du dossier.

III. DÉPENS

A. La règle de common law : Le pouvoir d'adjuger les dépens doit être prévu expressément par la loi

[15] On a toujours soutenu en common law qu'un organisme juridictionnel n'a le pouvoir d'attribuer les dépens que dans la mesure où ce pouvoir lui a expressément été conféré. Par ailleurs, un tel organisme jouit d'un pouvoir distinct qui lui permet de remédier aux abus.

[16] Cette règle ne souffre d'aucune exception. Le pouvoir d'attribuer les dépens revêt un caractère extraordinaire et doit être expressément prévu par la loi. Dans Family and Children's Services of Annapolis County v. Clark, [1983] N.S.J. No. 586, par exemple, la Division d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a soutenu que la Cour de la famille de cette province n'avait pas le pouvoir d'adjuger les dépens. Au par. 5, elle énonce la position historique :

[TRADUCTION]
La Cour de la famille est un tribunal d'archives créé par une loi (S.N.S. 1967, ch. 98). Par conséquent, elle ne peut se prononcer sur la question de fond que constituent les dépens que si la loi constitutive ou une autre loi lui confère expressément ce pouvoir. Les cours créées par la loi n'ont pas de compétence inhérente en matière d'attribution des dépens. Cette question a été clairement précisée par cette cour, dont la structure et la composition étaient alors différentes, dans Charles Brown (1928), 60 N.S.R. 76; 49 C.C.C. 402. Il s'agissait en l'occurrence de déterminer si un juge de la cour de comté était habilité à attribuer les dépens dans le cas où une requête d'habeas corpus est accueillie. Le pouvoir d'entendre la requête a été accordé par la County Court Act, R.S.N.S. 1923, ch. 215, telle que modifiée par S.N.S. 1924, ch. 50, art. 3. Cependant, la loi était muette sur la question des dépens. Cette cour a jugé que le juge de la cour de comté n'avait pas le pouvoir d'attribuer les dépens. La décision de la cour a été rendue par le juge Chisholm (qui est devenu par la suite le juge en chef), qui a déclaré (aux p. 78 et 79 N.S.R.) :

[TRADUCTION]
... La notion même de recouvrement des dépens n'existait pas en common law. Les cours n'ont pas de compétence inhérente en matière d'attribution des dépens. Elles ne jouissent d'un tel pouvoir dans une cause ou une instance que si la loi le leur confère expressément. 2 Coke's Inst. 288; Duffill v. McFall (1878), 42 U.C.Q.B. 597; Lehigh Valley Railroad Co. v. McFarland (1882), 44 N.J.L. 674 5 Encyclopedia of Planning Law and Practice 108.

Si j'ai cité un extrait aussi long, c'est pour illustrer le caractère non équivoque de la règle de common law.

[17] Il existe des décisions similaires dans le domaine des droits de la personne. Dans Ontario (Liquor Control Board) v. Ontario (Ontario Human Rights Commission), par exemple, [1988] O.J. No. 167 (QL), trois juges de la Haute Cour de justice de l'Ontario abordent brièvement la question :

[TRADUCTION]
Les demandeurs/appelants ont soutenu que Baum avait commis une erreur de droit et de compétence en adjugeant les dépens aux intimés Karumanchiri, Ng et Yan. Une cour, pas plus d'ailleurs que tout autre organisme créé par une loi, ne possède une compétence inhérente en matière d'attribution des dépens.

Re Brown, [1928] 3 D.L.R. 234, 49 C.C.C. 402, 60 N.S.R. 76 (N.S.S.C.)

Orkin, The Law of Costs, 1968, Canada Law Book Limited, Toronto, p. 1

La commission d'enquête est créée aux termes du Code des droits de la personne de l'Ontario, 1981, L.O. 1981, ch. 53. En tant qu'organisme créé par une loi, la commission n'a le pouvoir d'adjuger les dépens que dans la mesure où un tel pouvoir lui est expressément conféré par le Code ou une autre loi.

Re Lachawski and Federated Mutual Insurance Co. (1980), 29 O.R. (2d) 273, 19 C.P.C. 126, 113 D.L.R. (3d) 209 (C. div. Ont.)

Franco v. Kornatz et al. (1982), 29 C.P.C. 38 (H.C. Ont.)

Re Clark and Family and Children's Services of Annapolis County (1983), 37 R.F.L. (2d) 171, 39 C.P.C. 168, 3 D.L.R. (4th) 728 (C.A. N.-É.), confirmant (1983), 34 C.P.C. 57 (C.C. de la N.-É.) modifiant (1983), 57 N.S.R. (2d) 77, 120 A.P.R. 77 (C. fam.)

Re Regional Municipality of Hamilton-Wentworth and Hamilton-Wentworth Save the Valley Committee, Inc. et al. (1985), 51 O.R. (2d) 23 (C. div.) [n.p.]

Voilà l'évolution du droit relatif aux dépens en Ontario, lequel découle de la common law.

[18] Dans Ontario Liquor Control Board, les juges soutiennent précisément que la restitution ne comprend pas les dépens :

[TRADUCTION]
Le législateur a expressément prévu le recouvrement des dépens dans des circonstances spéciales auprès de la personne qui a fait l'objet de la plainte, aux termes du par. 40(6) du Code des droits de la personne de l'Ontario, 1981, L.O. 1981, ch. 53. Le pouvoir que le par. 40(1) confère à la commission d'enquête d'effectuer une restitution, y compris une indemnisation financière n'est pas une disposition prévoyant expressément l'attribution des dépens aux plaignants en vertu du Code. Le principe de l'interprétation libérale visant la réalisation des objectifs du Code afin de remédier aux effets de la discrimination et de contrer celle-ci, dans la mesure du possible, ne s'applique ni aux questions de procédure ni à la question des dépens. [n.p.]

En outre, dans Moncton v. Buggie and N.B. Human Rights Commission [1985] N.B.J. No. 276 (QL), la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick affirme, au par. 35, qu'une commission d'enquête n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens.

B. Autres sources du pouvoir d'attribuer les dépens

[19] Le fait que la règle soit différente en equity est peut-être important. Dans Oasis Hotel Ltd. v. Zurich Insurance Co. [1981] B.C.J. No. 690 (QL), la Cour d'appel de la C.-B. retrace l'historique du pouvoir d'adjudication des dépens au sein des tribunaux d'equity. La Cour suprême de la Colombie-Britannique jouit des pouvoirs de la Haute Cour de la chancellerie de Grande-Bretagne, tels qu'exercés en 1858. La Cour d'appel a statué que cela lui conférait le pouvoir d'adjuger les dépens. Au par. 11 de la décision Sturmer and Town of Beaverton (1912) 2 D.L.R. 501, (C. div. Ont.), le juge Middleton affirme que ce pouvoir n'est pas exercé en vertu d'un instrument habilitant, mais en toute bonne conscience, selon l'arbitrage d'un bon citoyen (arbitrio boni viri). Dans son Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit (3e édition, Yvon Blais), Albert Mayrand explique précisément que la maxime latine arbitrio boni viri signifie selon l'arbitrage d'un bon citoyen.

[20] Les tribunaux d'equity semblent avoir eu comme mandat d'offrir des recours utiles. Cela peut aider à expliquer pourquoi les pouvoirs de réparation d'un organisme créé par une loi semblent importants lorsqu'il s'agit de déterminer si ce dernier a le pouvoir d'adjuger les dépens. Ainsi, dans Banca Nazionale c. Lee-Shanok, [1988] A.C.F. no 594 (QL), affaire qui a donné lieu à un jugement unanime, la Cour d'appel fédérale s'est penché sur le par. 61.5(9) du Code canadien du travail, L.R.C. 1970, ch. L-1, qui conférait à un arbitre le pouvoir d'ordonner à un employeur qui a congédié un employé de le réintégrer dans son emploi et de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier. (L'italique est de moi.) La Cour a soutenu que ce paragraphe avait pour objet d'indemniser intégralement un employé qui a été traité injustement par son employeur. Le juge Stone écrit :

[TRADUCTION]
J'ai de la difficulté à concevoir qu'une indemnité, obtenue par le plaignant à grands frais en termes de dépens, puisse avoir pour effet d'indemniser intégralement le plaignant. Les dépens engagés se trouveraient à réduire l'indemnité accordée pour compenser la rémunération perdue, tandis que leur attribution semblerait remédier aux effets du congédiement ou, du moins, à les contrebalancer.

Par conséquent, la Cour a statué que le Code du travail conférait à l'arbitre le pouvoir d'adjuger les dépens.

IV. LES POSITIONS DES PARTIES

A. La position de l'intimée

[21] Selon l'intimée, la règle générale qui s'applique à la législation fédérale est claire. Elle m'a renvoyé à un certain nombre de sources pertinentes. Dans Big Island Band c. Big George, [1995] A.C.F. no 543 (QL), par exemple, la Cour s'est penchée sur la même disposition que celle qui a été examinée dans Banca Nazionale. Cet arrêt se distingue de celui rendu dans l'affaire Banca Nazionale, en ce sens que le juge a débouté le plaignant mais a adjugé des dépens. Au par. 6, le juge Nadon cite un extrait qui figure à la page 105 de l'ouvrage de Sara Blake intitulé Administrative Law in Canada (Butterworths). Au par. 8 de la décision, il écrit :

Je conviens entièrement avec l'auteur du passage cité ci-dessus dans Administrative Law in Canada qu'un organisme ou tribunal administratif ne peut condamner une partie aux dépens que s'il y est expressément habilité. Je dois ajouter que, à mon avis, un arbitre n'a pas compétence inhérente en la matière.

Il est évident, à mon avis, qu'un tribunal qui a été créé par une loi comme le Tribunal des droits de la personne n'est habilité à adjuger les dépens que si un tel pouvoir lui est conféré expressément par la loi en question.

[22] L'intimée m'a aussi soumis un certain nombre d'extraits d'autres lois fédérales. L'alinéa 251.12(4)a) du Code canadien du travail, par exemple, donne à un arbitre qui doit trancher une question faisant l'objet d'un appel le pouvoir d'adjuger les dépens. Aux termes du paragraphe 25.1(1) de la Loi sur les transports au Canada, l'Office des transports du Canada a tous les pouvoirs de la Cour fédérale en ce qui a trait à l'adjudication des frais relativement à toute procédure prise devant lui. Au paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, il est précisé que les frais relatifs à l'enquête sont... laissés à l'appréciation du Tribunal. On retrouve le même langage explicite dans d'autres lois.

[23] D'autres arguments sont en faveur de l'intimée. La partie 11 des Règles de la Cour fédérale porte sur les dépens. La Cour a des officiers taxateurs. Les règles traitent de questions telles que le cautionnement pour dépens. Il existe également un tarif. Un régime complet est prévu en ce qui touche les dépens. L'intimée allègue qu'il n'y a rien de semblable dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Loi est totalement muette sur cette question.

[24] En outre, l'intimée fait valoir que la plaignante a engagé des frais parce que la Commission s'est retirée de l'audience. Cette décision a été prise relativement tard dans le processus. Si quelqu'un doit assumer ces frais, soutient l'intimée, c'est la Commission. Dans Canada (Procureur général) c. Morgan (1991) 21 C.H.R.R. D/87, on trouve au moins une affirmation (par. 67) selon laquelle les intimés ne devraient pas être tenus responsables de problèmes créés par la conduite de la Commission.

B. La position de la plaignante

[25] Le conseiller de la plaignante a cité la jurisprudence mentionnée ci-dessus. Essentiellement, il a fait valoir que les dispositions réparatrices de la Loi deviendraient sans effet à défaut de l'adjudication des dépens.

[26] Le conseiller de la plaignante a aussi soutenu que le Tribunal jouit du même pouvoir que les arbitres, qui ont apparemment compétence pour adjuger les dépens. À cet égard, il a cité la décision rendue par la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique dans l'affaire Graham [2000] BCLRBD no 1 (QL). Au par. 46 de cette décision, la Commission soutient que sa compétence [TRADUCTION] pour adjuger les frais et dépens... comme forme de dommages-intérêts est bien établie. Au par. 48, elle ajoute ce qui suit : [TRADUCTION] La Commission a expliqué qu'une ordonnance de remboursement des frais raisonnables vise à faire en sorte qu'un plaignant qui a gain de cause entre dans ses frais plutôt que de subir une perte : Tony McNamara et Pierre Comeau, IRC No. 302/88 (réexamen de C25/88), p. 12.

C. La position de la Commission

[27] La Commission canadienne des droits de la personne a été informée que j'étais saisi de la question des dépens. Cependant, elle a décidé de ne pas comparaître et n'a pas pris position à ce sujet. Par conséquent, je ne connais pas les circonstances qui ont amené la Commission à se retirer de l'affaire.

V. LÉGISLATION

A. Loi canadienne sur les droits de la personne

[28] Les parties ont convenu que le principal point de départ de l'examen de la question dont je suis saisi réside dans le fait que le Tribunal a été créé par une loi et jouit, par conséquent, des pouvoirs que celle-ci lui confère.

[29] Il est généralement reconnu que les seules dispositions de la Loi susceptibles de conférer au Tribunal le pouvoir d'adjuger les dépens sont celles qui sont énoncées aux alinéas 53(2)c) et 53(2)d). En vertu de ces dispositions, le Tribunal peut ordonner :

c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;

d) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte...

Ces deux dispositions sont citées dans la jurisprudence. Il est évident que l'exception concernant les frais occasionnés par les consultations initiales relève de l'alinéa d).

[30] Deux arguments fondamentaux militent contre l'invocation de ces dispositions comme source du pouvoir du Tribunal d'adjuger les dépens. D'abord, il y est fait mention des dépenses entraînées par l'acte. Les dépenses sont ainsi assimilées à des dommages-intérêts. Il doit y avoir un lien causal ininterrompu entre l'acte discriminatoire et les dépenses qui sont réclamées.

[31] Ensuite, les principes d'interprétation législative ne sont pas compatibles avec une telle interprétation de la Loi. Il y a au moins deux principes qui s'appliquent. Le premier est ejusdem generis; en vertu de ce principe, le sens des termes généraux est restreint par les termes particuliers qui les précèdent. Ainsi, le terme dépenses qui figure à l'alinéa 53(2)d) fait référence aux dépenses telles que celles occasionnées par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement. À l'alinéa 53(2)c), il est fait mention du genre de dépenses occasionnées à la victime par suite des pertes de salaire.

[32] Le deuxième principe est expressio unius est exclusio alterius. Dans Driedger on the Construction of Statutes (3d; Butterworths), Ruth Sullivan écrit à la p. 168 ce qui suit au sujet de ce principe : [TRADUCTION] dans tous les cas où on a des raisons de croire que si le législateur avait voulu inclure un élément particulier dans le champ d'application de la loi, il en aurait fait mention expressément. Dans Green (voir ci-dessous) le juge Lemieux invoque ce genre d'argument (au par. 186), affirmant que si le législateur avait voulu que le tribunal ait le pouvoir d'octroyer des frais légaux, il l'aurait précisé. L'argument veut que le législateur ait énuméré un certain nombre de chefs d'indemnité particuliers. S'il avait voulu donner au Tribunal le pouvoir d'adjuger les dépens, il aurait inclus cet élément dans la liste. Dans le cas qui nous occupe, la règle est renforcée par rapport au caractère extraordinaire du pouvoir d'adjuger les dépens, option qui n'existe que s'il est prévu expressément dans la loi habilitante.

[33] D'autres problèmes se posent peut-être. Je suis enclin à croire que l'alinéa 53(2)c) prévoit le recouvrement intégral des dépenses engagées par le plaignant. Ce n'est pas la règle générale qui s'applique aux frais juridiques, qui sont habituellement adjugés de façon plus restrictive. Prétendre le contraire reviendrait à considérer les dépenses comme des débours. En fait, je note que, sous l'entrée expense (dépense), on donne comme synonyme le mot disbursement (débours) dans le New Shorter Oxford Dictionary. Je pense que c'est le sens qu'il faut donner au mot dépenses, tel qu'il est utilisé dans l'article.

[34] Certaines considérations pratiques doivent aussi être prises en compte. Le Tribunal canadien des droits de la personne est un tribunal spécialisé qui a une connaissance poussée des questions de droit et de fait qui surgissent souvent dans le contexte de la discrimination. Il ne possède aucune expérience en matière de taxation des comptes, domaine qui est reconnu comme une spécialisation en soi. Les relevés de services d'avocat sont soumis à un ensemble relativement complexe de règles et de principes.

[35] Par ailleurs, le cas qui nous occupe illustre bien le caractère problématique d'une instruction portant sur les dépens. Si le Tribunal a le pouvoir d'adjuger les dépens, l'intimée entend, m'avise-t-on, contester les honoraires réclamés par le représentant de la plaignante. Cela risque d'amener le Tribunal à se pencher sur les négociations tenues sous toutes réserves entre les parties.

B. Autres lois sur les droits de la personne

[36] Dans son ouvrage intitulé Discrimination and the Law (Carswell; 2004, Rel.2), William Pentney indique à la p. 15-124 que les dispositions relatives aux dépens varient énormément dans l'ensemble du pays. Ainsi, le paragraphe 37(4) du Human Rights Code de la Colombie-Britannique permet à un tribunal d'adjuger les dépens si une partie [TRADUCTION] a fait montre d'une conduite répréhensible. Il s'agit d'une norme rigoureuse : voir Cook v. Citizens Research Institute, 2002 BCHRTD 6.

[37] On trouve des dispositions similaires en Alberta, dans l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve (auxquelles on peut avoir recours contre une partie qui mérite une telle sanction) et au Manitoba (qui s'appliquent en cas de conduite frivole ou vexatoire). En Ontario, le Code permet à une commission d'enquête de mettre les dépens à la charge de la Commission ontarienne des droits de la personne si le Tribunal conclut que la plainte était futile, frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi. Au Yukon et en Saskatchewan, seule la partie qui a contrevenu à la loi pertinente est passible des frais et dépens.

[38] On retrouve dans certaines lois provinciales un langage similaire à celui qui caractérise les dispositions de la loi fédérale. Ainsi, l'alinéa 28.4(1)iv) de la Human Rights Act de l'Île-du-Prince-Édouard permet aux juges instructeurs :

[TRADUCTION]
iv) d'indemniser le plaignant ou une autre personne qui a été lésée aux termes de cette loi de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;

Les similitudes sont évidentes. Cependant, il est précisé, au paragraphe 28.4(6) de cette même loi que les membres instructeurs [TRADUCTION] peuvent rendre toute ordonnance jugée opportune en ce qui touche les dépens. Selon l'intimée, cela montre bien ce qui manque dans la loi fédérale.

[39] Voici ce que dit Pentney au sujet de la Loi canadienne sur les droits de la personne :

[TRADUCTION]
Ni la loi fédérale ni celle des Territoires du Nord-Ouest, du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse ne confère expressément au tribunal compétent le pouvoir d'adjuger les dépens. Cependant, on pourrait très bien faire valoir que [dans chaque cas] ce pouvoir lui est dévolu, compte tenu de sa compétence pleine et entière d'assurer une restitution complète et(ou) de promouvoir les objectifs de la loi. (15-125)

Cependant, la réalité est que la loi fédérale est dépourvue du genre de disposition explicite qu'exige la common law.

[40] Dans Ontario (Liquor Control Board) v. Ontario (Ontario Human Rights Commission) (précitée), la décision semble aller dans le sens contraire.

[41] On m'a également soumis une copie d'une décision rendue récemment par une commission d'enquête de la Nouvelle-Écosse - Johnson v. Halifax Regional Police Service (non publiée; 28 mai 2004). Dans cette décision, la commission d'enquête a affirmé qu'elle avait le pouvoir d'accorder aux plaignants les frais liés à la rétention des services d'un avocat indépendant. La commission d'enquête a accordé une attention particulière à la jurisprudence fédérale. Toutefois, cette décision n'est pas à mon avis utile. Bien que la Human Rights Act de la Nouvelle-Écosse soit muette sur la question des dépens, les dispositions de l'article 8, celui qui porte sur les mesures de redressement, ont une portée beaucoup plus vaste que les dispositions équivalentes de la loi fédérale. Selon Pentney, ces dispositions sont celles qui accordent le pouvoir réparateur le plus général, et sans doute le plus vaste qui existe au Canada. Elles ne sont pas vraiment utiles pour l'interprétation de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

VI. JURISPRUDENCE RELATIVE À LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

[42] L'historique de la question à savoir si le Tribunal a le pouvoir d'adjuger les dépens aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne remonte relativement loin dans la jurisprudence.

A. Décisions rendues au début

(i) Morrell : Le Tribunal statue qu'il n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

[43] Les affaires jugées au début semblent plaider en faveur de l'intimée. Dans Morrell c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) (1985), 6 C.H.R.R. D/3021, le Tribunal soutient, au par. 24348, que l'alinéa 53(2)d) ne confère pas au Tribunal le pouvoir d'adjuger les dépens :

[L'alinéa 53(2)d)] vise les dépenses liées directement au comportement discriminatoire et non pas celles qui découlent des instances introduites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ce dernier cas, il s'agit plutôt de coûts, dont la Loi ne prévoit pas le recouvrement. Par conséquent, je ne crois pas être habilité à ordonner une indemnisation au titre des dépenses liées à l'audience.

Cet extrait de la décision Morrell est peut-être l'énoncé de droit le plus simple et le plus direct qu'on retrouve dans la jurisprudence. Il établit une distinction entre les dépenses liées à l'instance et celles entraînées par l'acte discriminatoire, telles que les frais médicaux ou de consultation. Les dépenses faisant partie de la première catégorie ne découlent pas du préjudice original et ne sont pas indemnisables aux termes de la Loi.

(ii) Autres décisions

[44] La décision Morrell a été suivie d'un certain nombre d'autres décisions dans lesquelles le Tribunal a recommandé ou prié instamment la Commission d'assumer les dépens de la partie plaignante. Dans Hinds c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), 1988 CHRT 88, par exemple, une dénommée Me Mactavish agissait comme représentante du plaignant. Dans sa plaidoirie finale, elle a soutenu que le Tribunal avait le pouvoir d'adjuger les dépens. Bien qu'il ait reconnu sa remarquable contribution, le Tribunal a refusé d'adjuger les dépens, se contentant de prier instamment la Commission canadienne des droits de la personne d'indemniser le plaignant.

[45] Le Tribunal a suivi la même ligne de conduite dans Oliver c. Canada (Parcs Canada) (1989), 11 C.H.R.R. D/456. Dans cette décision, le Tribunal a critiqué la Commission, affirmant qu'il était injuste de tenir l'intimée responsable des dépens du plaignant.

B. Thwaites : La Cour fédérale soutient que le Tribunal a le pouvoir d'adjuger les dépens

[46] La position du Tribunal a évolué au début des années 90. Dans Thwaites c. Forces armées canadiennes (1993), D.T. 9/93, une formation du Tribunal a mis à la charge de l'intimée les frais juridiques engagés par le plaignant au cours de l'audience. À la fin de la décision, les membres instructeurs ont précisé ce qui suit :

Étant donné la complexité de la présente espèce, le tribunal estime que Me Reierson a joué un rôle très important et très utile en représentant M. Thwaites. Nous souscrivons à l'opinion du tribunal ayant rendu jugement dans l'affaire Grover c. Conseil national de recherches (T.D. 12/92) que le libellé de l'alinéa 53(2)c) de la Loi, qui confère au tribunal le pouvoir d'indemniser la victime des dépenses entraînées par l'acte, est assez large pour englober le pouvoir d'adjuger les dépens. Dans l'affaire précitée, le Tribunal a déclaré ce qui suit à la p. 91 :

Si les réparations ont pour but d'indemniser intégralement et suffisamment le plaignant qui a été victime d'actes discriminatoires, alors à coup sûr la conséquence que constituent les dépens fait partie intégrante d'une réparation adéquate pour le plaignant qui a gain de cause.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, le tribunal ordonne donc aux FAC de défrayer le plaignant des dépens raisonnables qu'il a assumés, y compris des honoraires payés aux actuaires aux fins de la présente affaire. Si les parties ne peuvent s'entendre au sujet de ce montant, les dépens seront évalués suivant le barème de la Cour fédérale.

L'affaire a fait l'objet par la suite d'un contrôle judiciaire de la Cour fédérale.

[47] Dans Canada (Procureur général) c. Thwaites, [1994] 3 C.F. 38 (QL), le juge Gibson a souscrit, au par. 56, à la position adoptée par le Tribunal à l'audience :

Le fait que les avocats et les juges accordent une signification particulière au terme frais et à l'expression frais d'avocat ne peut servir de fondement à l'argument selon lequel l'expression dépenses entraînées ne comprendrait pas ces frais à moins qu'ils ne soient expressément mentionnés par la loi. Partant du principe que les mots utilisés par le législateur doivent être interprétés selon leur sens habituel à moins que le contexte n'en dicte un autre, et considérant que le contexte de l'espèce ne dicte pas un autre sens, j'en conclus que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en accordant à M. Thwaites les dépens raisonnables, y compris les frais de l'expertise actuarielle.

Il s'agissait du premier d'une série de quatre arrêts de la Cour fédérale en la matière. On ne peut nier le fait qu'il va à l'encontre de la common law, qui affirme qu'un organisme créé par une loi n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens s'il n'existe pas dans la loi une disposition explicite à cet effet.

[48] Ultérieurement, dans Swan c. Canada (Forces armées), [1994] TCDP 15, le Tribunal, se fondant sur la décision Thwaites, a ordonné à l'intimée de payer au plaignant les frais et dépens de son avocat qui doivent être taxés selon les règles de la Cour de la province du Manitoba.

C. Lambie : La Cour fédérale statue que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

[49] Le deuxième arrêt de la série est Canada (Procureur général) c. Lambie, [1996] A.C.F. no 1695. Il s'agissait pour la Cour fédérale, en l'occurrence, de déterminer si le plaignant avait droit à une indemnité pour les congés et le temps pris pour élaborer et préparer sa plainte. La plainte a été instruite par le juge Nadon, celui-là même qui avait rendu l'arrêt Big George (précité). Il semble qu'il n'ait pas été au courant de l'arrêt Thwaites.

[50] Dans Lambie, tout comme dans Big George, la Cour invoque à nouveau la règle de common law. À la fin, le juge Nadon cite le passage du par. 24348 de la décision Morrell c. Canada (précitée) où le Tribunal soutient que l'alinéa 53(2)d) ne vise pas les dépenses qui découlent des instances introduites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Loi ne renferme aucune disposition donnant expressément au Tribunal le pouvoir d'adjuger les dépens. Par conséquent, le Tribunal n'est pas habilité à le faire.

D. Nouvelles décisions : Le Tribunal continue de soutenir qu'il n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

[51] La décision Lambie allait dans le sens de la position initialement formulée par le Tribunal dans Morrell. Malgré cela, le Tribunal a continué de soutenir dans ses nouvelles décisions que l'article 53 de la Loi lui donnait le pouvoir d'adjuger les dépens. J'étais l'un des membres instructeurs dans Koeppel c. ministère de la Défense nationale (1997), D.T. 5/97, cas où le Tribunal a accordé les dépens au plaignant en s'inspirant de Grover et de Thwaites. Toutefois, nous ne nous sommes pas penchés sur la question de fond et nous n'étions pas au courant du jugement de la Cour fédérale dans Lambie. Dans Bernard c. Conseil scolaire de Waycobah, [1999] T.C.D.P. 2, le Tribunal a également ordonné à l'intimée d'assumer les frais du conseiller juridique de Mme Bernard selon le tarif de la Cour fédérale. La question de la compétence n'a pas été abordée.

E. Green : La Cour fédérale statue une deuxième fois que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'adjuger les dépens

[52] La question de la compétence a refait surface dans Canada (Procureur général) c. Green, [2000] 4 C.F. 629 (QL). Dans cette affaire, le Tribunal a accordé à la plaignante les frais juridiques qu'elle avait engagés alors que la plainte était devant la Commission. La plaignante avait apparemment retenu les services d'un avocat afin de faire valoir que la plainte devrait être renvoyée au Tribunal.

[53] À l'instar du juge Nadon dans Lambie, le juge Lemieux ne s'est pas attardé longtemps à l'idée que le Tribunal avait le pouvoir d'adjuger les dépens. Aux par. 185 et 186, il affirme ce qui suit :

[185] Le procureur général cite Canada (Procureur général) c. Lambie (1996), 124 F.T.R. 303 (C.F., 1re inst.), où mon collègue le juge Nadon dit à la page 315 que la Loi n'accorde pas le pouvoir d'adjuger des frais, bien que le législateur aurait pu facilement l'accorder.

[186] Je partage l'avis de mon collègue que si le législateur avait voulu que le tribunal ait le pouvoir d'octroyer des frais de justice, il l'aurait précisé. On peut citer ici l'alinéa 53(2)d), qui parle d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement. Aucune mention n'est faite des frais juridiques, ce qui indique que le législateur n'avait pas l'intention d'accorder au tribunal le droit d'ordonner le paiement de tels frais.

Ces énoncés sont conformes au principe expressio unius. Ils sont également conformes à la règle de common law. La Cour a soutenu que le Tribunal n'a le pouvoir d'adjuger les dépens que si la Loi l'habilite expressément à le faire. Les frais engagés en l'espèce semblent néanmoins être visés par l'exception relative aux frais liés aux consultations initiales d'un avocat.

F. Nkwazi : Le Tribunal continue de statuer qu'il a le pouvoir d'adjuger les dépens

[54] Les arrêts Lambie et Green n'ont pas réglé la question. Me Mactavish, devenue présidente du Tribunal, s'est à nouveau penchée sur cette question dans Nkwazi c. Canada (Service correctionnel), [2001] TCDP 29. Cette affaire est digne de mention en l'espèce, car elle comportait des faits similaires à ceux dont je suis saisi. Le problème fondamental était le retrait de la Commission.

[55] Essentiellement, l'intimée a fait valoir que la Commission devrait assumer les dépens de la plaignante. Au par. 20, Me Mactavish écrit :

Selon l'avocat du SCC, les frais juridiques de Mme Nkwazi résultent entièrement de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne de se retirer de l'affaire. Cette décision de la Commission constitue un novus actus interveniens qui rompt le lien de causalité entre les actes discriminatoires dont Mme Nkwazi a été l'objet et sa décision de retenir les services de son propre avocat.

Cette théorie est fondée sur la common law. Cependant, elle s'applique plus particulièrement aux dommages-intérêts qu'aux dépens.

[56] Me Mactavish signale, du moins implicitement, que l'arrêt Green est peut-être fondé sur une mauvaise interprétation de l'arrêt Lambie, qui portait sur le pouvoir du Tribunal d'accorder au plaignant une indemnité pour les congés et le temps pris pour élaborer et préparer sa plainte. Au par. 12, elle suit, par conséquent, la tendance du juge Gibson dans Thwaites.

Je ne souscris pas à la prétention du SCC voulant qu'il faille donner au mot dépenses un sens restreint, conformément à la règle ejusdem generis qui s'applique à l'interprétation des lois. Je souscris à l'opinion du juge Gibson, à savoir que les termes dépenses entraînées, dans leur sens courant, incluent les frais juridiques, et que le contexte dans lequel ces termes utilisés à l'alinéa 53(2)c) ne donne aucunement à croire qu'on devrait les interpréter différemment.

Il est évident que je me trouve dans une position différente. Si la règle de common law s'applique, on ne peut guère douter à mon avis que les affaires Morrell, Lambie et Green ont été jugées correctement. Les principes ejusdem generis et expressio unius s'appliquent.

[57] Toutefois, dans Nkwazi, le Tribunal s'appuie également sur le principe de la restitution intégrale. Au par. 17, Me Mactavish écrit ce qui suit :

... l'interprétation que le juge Gibson donne au mot dépenses dans Thwaites est conforme au principe qui régit les ordonnances en matière de redressement rendues en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Lorsqu'il juge que la plainte est fondée, le Tribunal doit, sous réserve des principes de la prévisibilité des dommages et de l'atténuation des pertes, tenter, dans la mesure du possible, de remettre la victime dans la position où elle aurait été, n'eût été de l'acte discriminatoire. On pourrait difficilement affirmer que la victime a bénéficié d'un tel redressement si elle a été incapable de réclamer le remboursement des frais juridiques liés à l'audition de sa plainte.

Cette position est conforme au raisonnement énoncé par la Cour d'appel fédérale dans Banca Nazionale (précité).

[58] Dans Nkwazi, le Tribunal exprime aussi l'avis que la décision de ne pas adjuger les dépens dans les cas où la Commission ne comparaît pas aurait essentiellement pour effet de priver les plaignants du droit de saisir le Tribunal d'une plainte. Au par. 15, Me Mactavish soutient ce qui suit :

À mon avis, si je donnais au mot frais un sens aussi étroit que celui que le juge Lemieux y a prêté dans Green, privant ainsi les victimes d'un acte discriminatoire du droit de recouvrer les frais juridiques raisonnables liés à l'audition de la plainte, j'irais à l'encontre du principe qui sous-tend la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit celui de l'intérêt public. Dans la pratique, une telle interprétation aurait inévitablement pour effet d'annuler les droits quasi constitutionnels garantis par la Loi dans les cas où la Commission canadienne des droits de la personne se retire d'une audience : les plaignants de condition modeste comme Beryl Nkwazi ne pourraient tout simplement pas poursuivre les procédures.

Cela soulève de plus vastes considérations de principe.

G. Premakumar et Milano : Le Tribunal s'inspire de la décision Nkwazi

[59] Dans Premakumar c. Air Canada 2002 TCDP 04/26, Me Mactavish s'inspire de la décision Nkwazi. Elle fait précisément référence au principe de la restitution intégrale. Au par. 31, elle affirme ce qui suit :

[31] Lorsque le Tribunal estime qu'une plainte est bien fondée, il lui revient alors d'essayer, autant que faire se peut, d'indemniser la victime d'un acte discriminatoire de façon intégrale, sous réserve de l'application des principes de prévisibilité, de faiblesse du lien causal et de limitation du préjudice subi. En vertu des dispositions de l'alinéa c) du paragraphe 53(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Tribunal peut ordonner d'indemniser la victime des dépenses entraînées par l'acte discriminatoire en cause.

L'argument est simple : refuser le remboursement de ses frais juridiques raisonnables serait lui rendre une victoire devant le Tribunal, certes, mais combien coûteuse.

[60] Suivant le même théorie, Me Mactavish a aussi accordé des frais juridiques raisonnables dans Milano c. Triple K Transport 2003 TCDP 30.

H. Stevenson : La Cour fédérale s'aligne sur la décision Nkwazi

[61] La question est revenue sur le tapis dans Stevenson c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité) [2003] 2003 FCT 341. Le juge Rouleau s'est attardé aux deux écoles de pensée. À l'instar de Me Mactavish, qui a récemment été nommée juge à la Cour fédérale, il soutient que l'arrêt Lambie limite simplement à des cas exceptionnels la compétence du Tribunal en matière d'attribution des dépens. La difficulté que je vois dans cette prise de position réside dans l'énoncé simple figurant au par. 42 de l'arrêt Lambie : Le législateur aurait pu facilement accorder dans la Loi le pouvoir d'adjuger des frais, mais il ne l'a pas fait. Il s'agit peut-être d'une opinion incidente.

[62] Chose plus importante, le juge Rouleau fait ensuite sienne la position énoncée par le juge Gibson dans Thwaites, puis par Me Mactavish dans Nkwazi. Je ne suis pas convaincu que la question soit complètement résolue. D'une part, les frais juridiques accordés dans Stevenson correspondaient aux frais liés au dépôt de la plainte et aux exposés présentés à la Commission. Ce point ressort clairement de la décision du Tribunal - [2001] D.C.D.P. no 40 - dans laquelle le membre instructeur affirme, au par. 108, ce qui suit :

Je suis convaincu... que le plaignant avait le droit de consulter un avocat relativement à la possibilité de porter plainte à la Commission canadienne des droits de la personne et que l'aide juridique dont il a bénéficié pour la préparation des exposés soumis à la Commission était nécessaire. Ces dépenses étaient un résultat raisonnablement prévisible de l'acte discriminatoire.

Le membre instructeur n'aborde pas dans sa décision la question du recouvrement des frais engagés dans le cours de l'audience.

[63] Par conséquent, l'adjudication des dépens dans Stevenson s'inscrit plus particulièrement dans le cadre de l'exception reconnue dans la jurisprudence en ce qui touche les frais liés aux consultations initiales d'un avocat. Ainsi, au par. 25, le juge Rouleau déclare :

Les expressions frais juridiques ou frais d'avocat ne sont pas expressément mentionnées dans les alinéas 53(2)c) ou d), mais cela ne veut pas dire que l'expression dépenses entraînées par l'acte discriminatoire exclut les frais juridiques engagés par un plaignant à l'occasion du dépôt de sa plainte de discrimination. Dans un cas comme celui-ci, où le plaignant consulte un avocat sur le bien-fondé de sa plainte, des dépenses de cette nature sont parfaitement justifiables. (L'italique est de moi.)

Au par. 26, il ajoute ce qui suit :

Par conséquent, les frais d'avocat ou autres frais juridiques entraînés par le dépôt d'une plainte de discrimination constituent des dépenses entraînées par l'acte discriminatoire, au sens de la loi, et le tribunal a donc exercé validement son pouvoir lorsqu'il a accordé des frais juridiques au défendeur. (L'italique est de moi.)

Il semble que ce type de dommages-intérêts soit à juste titre visé par l'alinéa 53(2)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le problème historique des dépens intervient plus tard dans le processus et concerne les frais engagés par le plaignant pour plaider sa cause.

[64] Dans Boudreault c. Great Circle Marine Services, 2004 TCDP 21, le Tribunal s'aligne néanmoins sur les décisions Stevenson et Nkwazi. Le membre instructeur, Me Doyon, accorde au plaignant des frais juridiques totalisant 6 000 $.

I. La question posée dans Nkwazi

[65] Les décisions Nkwazi et Stevenson ainsi que certaines autres soulèvent une question évidente. Si le Tribunal a un certain pouvoir en matière d'adjudication des dépens, pourquoi la Loi n'en fait-elle pas mention? À mon avis, la réponse réside dans le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne, qui a évolué au fil des années. La Loi a été adoptée il y a presque 20 ans - en 1985. À mon avis, ni le législateur ni la Commission ni aucune des parties intéressées n'a prévu la situation actuelle.

[66] Au début, on tenait généralement pour acquis que la Commission participerait aux audiences du Tribunal. Je suis enclin à penser que le législateur pensait de même lorsqu'il a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans la pratique, la Commission prendrait à sa charge les frais engagés par le plaignant pour défendre sa cause. Il n'était point nécessaire que le législateur aborde expressément la question des dépens du plaignant. Néanmoins, la Loi s'articule d'abord et avant tout autour de l'idée que, dans le cas où elle aurait gain de cause, la partie plaignante bénéficierait des indemnités auxquelles elle aurait droit sans que celles-ci ne soient contrebalancées par les frais juridiques.

[67] La jurisprudence plus récente tient compte du fait que la Commission a révisé sa position. Ainsi, au paragraphe 28 de la décision Premakumar, Me Mactavish établit une distinction entre le rôle de l'avocat de la Commission et celui de l'avocat du plaignant. Elle affirme ensuite ce qui suit :

[29] À la lumière de ma conclusion quant aux rôles respectifs incombant à la Commission et au plaignant, j'ai de la difficulté à concilier le raisonnement du Tribunal adopté dans les dossiers Potapczyk et Pond. Dans ces deux affaires, les plaignants qui avaient par ailleurs eu gain de cause, se sont vu refuser le remboursement de leurs frais juridiques en l'absence de conflit entre la position adoptée par la la Commission et celle de la plaignante. Dans l'affaire Potapczyk, tout en soulignant l'obligation incombant à la Commission de faire valoir l'intérêt public, le Tribunal a affirmé que la Loi canadienne sur les droits de la personne [TRADUCTION] ... permet à une personne qui dépose une plainte de faire instruire cette plainte par un avocat compétent représentant la Commission et ce, sans avoir à en assumer personnellement les frais. Par la suite, dans l'affaire Pond, le Tribunal a repris ce commentaire en refusant d'ordonner le remboursement des frais juridiques engagés par Mme Pond.

Ce sont des remarques révélatrices.

[68] Je ne suis pas tout à fait à l'aise avec cette distinction entre les rôles des avocats. Il me semble que toute plainte en matière de droits de la personne comporte un élément d'intérêt public, qui confère d'ailleurs à la législation sa force particulière. Il ne s'agit pas là toutefois de l'objet du débat. En réalité, la Commission ne comparaît plus de façon régulière devant le Tribunal, avec le résultat que, dans la plupart des cas, le fardeau incombe à la partie plaignante plutôt qu'à la Commission. Je souscris à l'opinion de Me Mactavish voulant que le raisonnement suivi dans des affaires comme Potapcyzyk et Pond ne convienne plus.

[69] Les changements survenus dans le déroulement pratique des audiences du Tribunal font en sorte que la question des dépens revêt une importance plus grande que par le passé. Ils expliquent également pourquoi la Loi n'aborde pas une question aussi cruciale. Le raisonnement antérieur peut toujours s'appliquer dans les cas où la Commission comparaît devant le Tribunal.

VII. LA QUESTION EN LITIGE

A. Le Tribunal n'a pas, en vertu de la common law, le pouvoir d'adjuger les dépens

[70] La question que posent les parties est la suivante : le Tribunal a-t-il le pouvoir d'adjuger les dépens? À mon avis, il y a deux réponses différentes à cette question. La première est que le Tribunal ne jouit pas, en vertu de la common law, du pouvoir d'adjuger les dépens. Il ne sert pas à grand-chose de prétendre que la Loi devrait être interprétée de façon libérale ou de manière à favoriser les plaignants. La Loi ne fait pas mention du pouvoir d'adjuger les dépens. La question est tout simplement passée sous silence. Je souscris donc à ce que dit la Cour fédérale dans Lambie et Green. Si le législateur avait eu l'intention de donner au Tribunal le pouvoir d'adjuger les dépens, il l'aurait fait conformément aux règles et conventions applicables.

B. Le Tribunal a néanmoins le pouvoir de protéger la viabilité des redressements prévus par la Loi

[71] Le Tribunal a néanmoins le pouvoir de se prononcer au sujet des mesures de redressement prévues par la Loi. Cette responsabilité est assortie de certains pouvoirs qui traduisent le caractère réparateur de la Loi et la nature fondamentale des droits de la personne. À mon avis, la Loi confère au Tribunal le pouvoir dont il a besoin pour protéger la viabilité et l'intégrité des redressements prévus par la Loi.

[72] Le même genre de problème se pose dans d'autres contextes. Dans Day c. MDN, no 4, 2002/12/18, j'ai indiqué au paragraphe 20 qu'il fallait, pour jeter les fondements juridiques de certains aspects de la compétence du Tribunal, plus que la doctrine des pouvoirs nécessaires mais moins que la doctrine de la compétence inhérente.

[73] À mon avis, les arguments de l'intimée au sujet de la compétence du Tribunal ont beaucoup de mérite. Si je dis cela, c'est parce que, à mon avis, le Tribunal tire davantage sa compétence de son mandat aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne que du libellé de celle-ci à proprement parler. Il s'agit d'un mandat vaste et quasi constitutionnel axé sur le redressement. À mon avis, le Tribunal jouit de tous les pouvoirs subsidiaires qui sont nécessaires pour remplir le rôle qui lui est dévolu conformément à la législation.

J'estime que ce genre de raisonnement implicite ou pratique est suffisant pour doter le Tribunal du pouvoir nécessaire de protéger la viabilité des redressements prévus par la Loi.

[74] La source de ces pouvoirs réside dans les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le Tribunal demeure un organisme créé par une loi qui ne possède que les pouvoirs que celle-ci lui confère. On peut même dire que ces pouvoirs doivent être explicites, comme le veut la common law. Cependant, l'arrêt Banca Nazionale résout ces préoccupations, et je pense que l'intention expresse d'indemniser complètement le plaignant qui a gain de cause est suffisante. On constate cette intention dans les dispositions de la Loi qui traitent des redressements individuels.

[75] Le paragraphe pertinent se lit comme suit :

53(2) À l'issue de l'instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire :

Dans la version anglaise, le mot include pourrait laisser croire que le Tribunal possède des pouvoirs supplémentaires; toutefois, la version française laisse croire que l'énumération est restreinte. Il est ensuite précisé que le Tribunal peut ordonner :

b) d'accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l'acte l'a privée;

c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire ou des dépenses entraînées par l'acte;

d) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte...

Je crois que c'est l'effet cumulatif de ces dispositions qui est important. Le Tribunal a le pouvoir d'ordonner que l'auteur de l'acte discriminatoire accorde à la victime les droits, chances ou avantages dont l'acte l'a privée; qu'il l'indemnise de ses pertes de salaire et des dépenses liées au salaire; qu'il l'indemnise des frais occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte. Il n'est point nécessaire d'analyser le sens précis des différentes dispositions. L'intention générale est de donner au Tribunal le pouvoir de dédommager la victime de toute perte résultant de l'acte discriminatoire. L'intention du législateur est d'assurer une indemnisation intégrale.

[76] La jurisprudence dans le domaine milite en faveur d'une telle interprétation. La véritable question dans ce contexte consiste à déterminer si l'adjudication des dépens est un pouvoir explicite du Tribunal. Autrement dit, il s'agit de déterminer si la non-adjudication des dépens par le Tribunal brimerait le droit à la restitution du plaignant qui a gain de cause. À mon avis, la réponse est simple. Les frais juridiques dans un cas comme celui qui nous occupe pourraient facilement être supérieurs aux dommages-intérêts accordés à la partie plaignante. Par ailleurs, comme l'a souligné Me Mactavish dans Nkwazi, il existe également des cas où la partie plaignante ne reçoit pas d'indemnité monétaire.

[77] J'ai déjà dit que le Tribunal n'est pas expressément habilité à adjuger les dépens. Il a cependant le pouvoir de préserver la viabilité de son processus. Cette responsabilité implique qu'il a le pouvoir d'ordonner le remboursement de dépens afin de préserver les dommages-intérêts auxquels la partie plaignante a droit. Le principe général est que le plaignant a droit à ce que les dommages-intérêts soient préservés dans une large mesure, sans quoi il n'y aurait pas de restitution intégrale.

[78] Il s'agit d'un pouvoir résiduel en vertu duquel le Tribunal est habilité à préserver l'utilité des redressements prévus par la Loi. Le principe de la restitution intégrale comporte des limites. Il s'applique aux dommages-intérêts, et non aux dépens, et ne donne pas au plaignant qui a gain de cause le droit de réclamer un remboursement intégral de ses frais juridiques. Il s'ensuit que tous les dépens, y compris le coût des rapports d'expert et les autres dépenses liées au déroulement de l'audience, sont assujettis aux règles normales de taxation.

[79] Il est important de reconnaître que la Loi a notamment pour objet de soumettre la question de la discrimination à l'examen du public. Dans cette optique, il faut que les victimes déposent des plaintes de discrimination. Le Tribunal ne devrait pas interpréter la Loi de façon à décourager les personnes ayant une plainte légitime de chercher à obtenir réparation.

[80] Il est évident que cette affaire et d'autres sont susceptibles de sensibiliser le législateur au fait que la présente Loi mérite son attention. Il ne semble pas tout à fait juste, par exemple, de restreindre l'octroi de dépens au plaignant qui a gain de cause. Toutefois, en l'espèce, il s'agit strictement de déterminer si on devrait tolérer qu'on aille à l'encontre du but manifeste de la Loi parce que celle-ci ne traite pas expressément de la question des dépens - alors qu'il n'y a aucune véritable raison de le faire. La réponse est simple.

C. Le plaignant a droit à un redressement utile

[81] Le problème comporte une autre facette. L'adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne est attribuable en grande partie à des initiatives internationales telles que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il y a des obligations internationales dans le domaine. Le droit des droits de la personne est fondamental. Par ailleurs, l'interdiction de discrimination prévue par l'article 15 de la Charte canadienne des droits fait en sorte que les dispositions parallèles de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont protégées par la Constitution.

[82] Il serait déplorable que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne fassent échec aux redressements qu'elle prévoit. La plaignante m'a donné une copie d'un document d'information rédigé par Joanna Birenbaum et Bruce Porter (qu'on peut, semble-t-il, consulter sur le site Web du ministère de la Justice) qui traite du droit de comparaître devant le tribunal en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les auteurs de ce document ne traitent pas, à proprement parler, de la question des dépens. Toutefois, on y trouve le passage suivant :

[TRADUCTION]
Le déni du droit de comparaître devant le tribunal des droits de la personne va nettement à l'encontre du droit international et particulièrement de l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) qui garantit que toute personne dont les droits et libertés... auront été violés disposera d'un recours utile et que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative... statuera sur les droits de la personne qui forme le recours.

Dans ce même document, les auteurs précisent que les articles 7 et 15 de la Charte des droits garantissent les mêmes droits.

[83] Voilà qui soulève des questions de principe importantes. On a toujours dit que la Loi canadienne sur les droits de la personne avait un objectif réparateur. Cet objectif doit être respecté. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est particulièrement éloquent à cet égard, car il exige que les États parties au Pacte offrent des recours utiles aux personnes dont les droits ont été violés. Le cas qui nous occupe porte sur l'état matrimonial et la situation de famille. À mon avis, l'article 23 du Pacte reconnaît l'importance particulière d'une telle situation, qui est visée, du moins implicitement, par l'interdiction de discrimination énoncée à l'article 26.

[84] Le droit à un recours utile est par ailleurs un élément qui fait partie intégrante de notre propre droit. Je ne puis dire s'il s'agit d'un élément découlant de l'equity. Un recours utile est néanmoins un recours véritable et concret qui n'est pas entravé par les circonstances qui existent en dehors du champ d'application immédiat du processus. À mon avis, le Tribunal a le pouvoir, voire l'obligation, de veiller à ce que les recours prévus par une loi comme la Loi canadienne sur les droits de la personne ne soient pas entravés par des facteurs externes tels que les coûts afférents à l'audience. Cela irait à l'encontre de l'objet du litige, de l'intention sous-jacente à la Loi et du droit fondamental des droits de la personne.

VIII. QUESTIONS supPLÉMENTAIRES

A. Un représentant non juriste peut-il comparaître devant le Tribunal?

[85] Bien qu'il ne soit pas avocat, M. Finding a représenté la plaignante au cours de l'audience. L'intimée était au courant de la chose, mais ne s'est pas opposée à sa participation à l'audience. Néanmoins, l'intimée a fait valoir dans sa plaidoirie finale qu'il n'avait pas le droit de représenter la plaignante. Il a également prétendu qu'il avait contrevenu à la Legal Profession Act, R.S.B.C. 198, ch. 9, ce faisant.

[86] La version française du par. 50(1) de la Loi précise que le Tribunal doit donner aux parties la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations. La version anglaise de ce même paragraphe indique que le Tribunal doit donner aux parties a full and ample opportunity, in person or through counsel, to appear at the inquiry, present evidence and make representations.

[87] Dans la version française, le mot avocat donne à entendre que seul un avocat peut agir comme counsel. Malgré cela, dans une décision récente - Beaudet-Fortin c. Société canadienne des Postes, [2004] TCDP 23, le membre instructeur précise que le Tribunal a habituellement permis à des représentants non juristes de comparaître. La question n'a pas encore été tranchée de façon définitive et devrait être résolue dans une affaire où il existe une question importante.

[88] L'intimée m'a saisi d'un certain nombre de causes traitant des services de représentants non juristes. On semble s'inquiéter de ce que ces représentants exercent le droit et contreviennent ainsi à la législation provinciale régissant l'exercice de la profession. Je partage cette préoccupation. Cependant, il est préférable d'aborder cette question lors d'une audience où celle-ci sera dûment soulevée dès le début.

B. Les honoraires d'un représentant non juriste sont-ils recouvrables?

[89] La question plus immédiate concerne le pouvoir d'adjuger les dépens. Si le Tribunal jouit d'un tel pouvoir, soutient l'intimée, il devrait se limiter aux honoraires d'avocats. À son avis, la Loi ne renferme aucune disposition permettant d'adjuger les dépens afférents aux honoraires d'un non-juriste.

[90] Le conseiller de la plaignante a prétendu qu'il n'y a aucune raison de distinguer les représentants qui sont des avocats de ceux qui n'en sont pas. Dans Graham (précitée), par exemple, le Conseil des relations de travail reconnaît que les honoraires de représentants non juristes devraient être recouvrables. Au par. 49, le Conseil affirme ce qui suit : [TRADUCTION] Peu importe la forme de représentation choisie, l'adjudication des dépens par le Conseil vise à assurer au plaignant qui a gain de cause une pleine indemnisation des frais et dépens raisonnablement engagés. Il ne s'agit pas d'une véritable indemnité, mais l'argument demeure valable. Au par. 50, le Conseil cite Orkin, The Law of Costs, 2e éd., p. 3-37 (par. 311), où sont énumérés divers facteurs qui constituent un guide sommaire pour les dépens procureur-client. Le conseiller de la plaignante propose que le Tribunal adopte la même approche.

C. Renonciation

[91] Cependant, la véritable question est toute autre. Le conseil de la plaignante a fait valoir que l'intimée avait renoncé à tout droit de contester les honoraires de M. Finding. Après tout, l'intimée savait au départ que M. Finding n'était pas avocat. Le conseil savait qu'il demandait des honoraires en échange de ses services. S'il voulait contester la question, il aurait dû le faire au début de l'audience.

[92] L'intimée a répliqué en citant Saskatchewan River Bungalows Ltd. c. Maritime, Compagnie d'assurance-vie [1994] 2 R.C.S. 400, [1994] A.C.S. no 59 (QL), aux par. 19 et 20, à l'appui de sa prétention voulant que la doctrine de la renonciation doive être interprétée de façon étroite. Au par. 20, la Cour suprême affirme :

On ne conclura donc à la renonciation que si la preuve démontre que la partie qui renonce avait (1) parfaitement connaissance des droits en cause et (2) l'intention claire et consciente d'y renoncer.

Une raison milite en faveur d'un langage aussi ferme :

Le recours à un critère aussi strict est justifié vu l'absence de contrepartie de la part de la partie en faveur de laquelle joue la renonciation.

Il s'ensuit que la renonciation doit être explicite.

[93] L'intimée a prétendu qu'elle avait peut-être renoncé à toute objection au recours à un représentant non juriste. Cependant, elle n'a pas pris position sur la question des honoraires. Cette affirmation est assez vraie. Rien n'indique qu'elle avait consciemment l'intention de renoncer à son droit de contester la question des dépens. Toutefois, la plaignante est d'avis que cela ne résout pas pour autant la question, qui aurait dû être soulevée par la GRC plus tôt.

[94] À mon avis, l'intimée a donné son consentement. La décision de ne pas s'opposer à la participation de M. Finding à l'audience constitue selon moi une renonciation qui s'applique à la totalité de l'instance. Il est trop tard pour parler de retrait. L'intimée ne peut pas non plus renoncer d'une manière fragmentée. Je ne vois pas comment elle peut dire qu'elle a renoncé à son droit de contester la question à certains égards et non à d'autres. Rien dans le dossier n'étaye une telle prise de position.

[95] Je ne vois aucune raison empêchant l'intimée d'assortir sa renonciation initiale de conditions. Cependant, ces conditions doivent être explicites et prospectives. Elles ne peuvent être fixées après coup. Selon la jurisprudence, une renonciation doit être explicite. Le même principe s'applique aux modalités. Cependant, si une partie entend ajouter des exceptions et des conditions à sa renonciation, celles-ci doivent être explicites. L'intimée doit donc assumer la responsabilité de son omission à clarifier la question en l'espèce. Il s'ensuit que l'intimée ne peut invoquer le fait que M. Finding ne soit pas membre de la profession pour empêcher la plaignante de recouvrer ses dépens.

IX. DÉCISION

[96] Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, je rends la décision suivante :

1. Alinéa 53(2)c)

[97] Aucune question de compétence ne se pose en ce qui concerne les frais juridiques qui peuvent être considérés comme des dommages-intérêts ou une indemnité. Les frais liés aux consultations initiales visant à obtenir des conseils juridiques peuvent être considérés comme des dépenses entraînées par l'acte aux termes de l'alinéa 53(2)c). Il serait inadmissible de nier le réflexe juridique naturel de la plaignante de demander l'avis d'un avocat.

[98] Par conséquent, la plaignante a droit de recouvrer les frais liés aux consultations initiales d'un avocat. À mon avis, ce droit s'étend aux discussions préliminaires avec l'autre partie pour déterminer s'il était nécessaire de déposer une plainte.

2. Dépens

[99] Je suis convaincu que le Tribunal a le pouvoir résiduel d'adjuger les dépens afin de préserver l'indemnité accordée à un plaignant qui a gain de cause. Par conséquent, la plaignante en l'espèce a droit au remboursement de ses frais raisonnables. L'intimée a néanmoins soulevé une question légitime qui touche la question de compétence dont je suis saisi. Dans les circonstances, chaque partie assumera les frais qu'elle a engagés à l'égard de la présente requête.

[100] Comme le Tribunal est sous la surveillance de la Cour fédérale, il est logique de se fonder sur les Règles de la Cour fédérale pour trancher cette question. La règle 400(3), qui est jointe à la présente décision à titre d'annexe A, énumère les facteurs à prendre en compte pour déterminer quelles dépenses sont pertinentes aux termes de la Loi. Il s'agit à mon avis d'un bon point de départ pour un tel exercice.

[101] Si elles ne peuvent régler la question elles-mêmes, les parties peuvent présenter des observations écrites au Tribunal. Je conserve ma compétence pour une période de trois mois à compter de la date de cette décision. Je tiens à remercier les conseillers des deux parties de leur aide. La documentation que le conseil de l'intimée m'a fournie a été particulièrement utile.

_Signée par_

Dr. Paul Groarke

OTTAWA (Ontario)

Le 1er septembre 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T769/1903

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jacqueline Brown c. Gendarmerie royale du Canada

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 17 et 18 juin 2004 Vancouver (Colombie-Britanique)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 1er septembre 2004

ONT COMPARU :

Charles Gordon

Pour la plaignante

Edward Burnet
Keitha Richardson

Pour l'intimée

Ref : 2004 TCDP 5

2004 TCDP 24

Annexe A


Règles des Cours fédérales DORS/98-106, telles que modifiées.

PARTIE 11

DÉPENS

ADJUDICATION DES DÉPENS ENTRE PARTIES

400. (1) La Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer. ...

Facteurs à prendre en compte

(3) Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l'un ou l'autre des facteurs suivants :

  1. le résultat de l'instance;
  2. les sommes réclamées et les sommes recouvrées;
  3. l'importance et la complexité des questions en litige;
  4. le partage de la responsabilité;
  5. toute offre écrite de règlement;
  6. toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;
  7. la charge de travail;
  8. le fait que l'intérêt public dans la résolution judiciaire de l'instance justifie une adjudication particulière des dépens;
  9. la conduite d'une partie qui a eu pour effet d'abréger ou de prolonger inutilement la durée de l'instance;
  10. le défaut de la part d'une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

    .../2

    - 2 -

  11. la question de savoir si une mesure prise au cours de l'instance, selon le cas :
    1. était inappropriée, vexatoire ou inutile,
    2. a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;
  12. la question de savoir si plus d'un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;
  13. la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;
  14. la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l'application des règles 292 à 299;
  15. toute autre question qu'elle juge pertinente.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.