Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ROBERT COULTER

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COURRIER PUROLATOR LIMITÉE

l'intimée

MOTIFS DE DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

2004 TCDP 37

2004/12/07

I. INTRODUCTION

II. LES FAITS

A. Historique de la maladie et de l'emploi chez Purolator

B. Les événements menant à la réunion du 15 décembre 1998

C. La réunion du 15 décembre 1998

D. La période entre janvier à décembre 1999

E. Son poste au centre d'appel

III. QUESTIONS EN LITIGE

IV. DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

V. ANALYSE ET DÉCISION

VI. REDRESSEMENT

I. INTRODUCTION

[1] Robert Coulter ( le plaignant ), allègue avoir été victime de discrimination fondée sur une déficience, en ce que l'intimée, Courrier Purolator Ltée ( Purolator ), aurait refusé de l'accommoder et de continuer de l'employer contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, chap. H-6 ( la Loi ).

II. LES FAITS

A. Historique de la maladie et de l'emploi chez Purolator

[2] Le plaignant est marié et a un fils de 11 ans. Il est porteur d'une maladie appelée dystrophie myotonique. Les premiers symptômes de sa maladie remontent à l'âge de 27 ou 28 ans, alors qu'il constate une perte de sa force musculaire au niveau des mains et une difficulté à relâcher la contraction musculaire.

[3] En 1990, le Dr Pierre-Paul Noiseux, un neurologue, a diagnostiqué chez le plaignant une dystrophie myotonique de Steinert c'est-à-dire une altération dégénérative des facultés motrices apparaissant normalement à l'adolescence. Plus spécifiquement, la dystrophie myotonique de Steinert est une maladie des muscles striés qui fait que la contraction et la décontraction de tous les muscles ne se font pas de façon rapide et efficace. Parfois, la maladie peut avoir un effet sur les muscles du coeur. Cette maladie est héréditaire et congénitale, c'est-à-dire que la personne naît avec. Dans la société, cette maladie peut affecter trois personnes sur 10 000.

[4] La dystrophie ou myopathie myotonique de Steinert peut demeurer stable pour une longue période ou l'état de la personne atteinte peut se détériorer progressivement pendant les années, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus effectuer son travail.

[5] L'effet de cette maladie se constate par la lenteur des mouvements qui affectent la parole, l'élocution, l'ouverture et la fermeture des yeux et la décontraction des muscles. Au niveau de la parole, on constate une dysphonie, c'est-à-dire une variation dans l'exécution du langage causée par le fait que les muscles qui modulent la parole, les muscles de la respiration, du larynx et du pharynx, fonctionnent avec un certain handicap. Ainsi, le timbre de la voix peut être changé et même devenir quasiment aphone. Une personne qui a une dysphonie peut-être difficile à comprendre.

[6] Il existe entre les individus atteints des degrés de variation ou des degrés de sévérité différents. La maladie peut se manifester à différentes étapes de la vie. Les individus peuvent être porteurs de la maladie dès la naissance et devenir symptomatique à l'enfance alors que d'autres ne le deviennent qu'à l'âge adulte. La maladie n'affecte pas tous les individus avec la même intensité. Il peut y avoir des manifestations légères de la maladie dans le groupe d'âge de 0 à 18 ans, une manifestation moyenne de 18 ans à 40 ans et une manifestation plus sévère dans le groupe de 40 ans et plus.

[7] Selon le Dr Noiseux, le plaignant est atteint de façon modérée, c'est-à-dire qu'il a de la difficulté à marcher - il marche avec lenteur - et il a les pieds tombants de chaque côté. Sa force musculaire est réduite en contraction et la décontraction est assez lente. Il a également été opéré pour des cataractes aux yeux.

[8] Après avoir diagnostiqué la myopathie chez le plaignant, le Dr Noiseux ne l'aurait revu qu'en 1997. Depuis 1997, il dit le revoir occasionnellement, à peu près une fois par année, mais pas pour des traitements car il n'existe pas de traitement pour cette maladie. Entre 1990 et 1997, il a constaté une certaine détérioration surtout au niveau des paupières et des yeux. De 1997 à 2003, il évalue que le plaignant perd à peu près 3 à 4% de sa capacité physique par année.

[9] En 1991, le plaignant est embauché par l'intimée comme courrier (chauffeur-livreur). Il dit avoir mentionné à son nouvel employeur qu'il était porteur d'une dystrophie myotonique de Steinert. Lors de son embauche son superviseur est George Foster. C'est lui qui lui fait passer son épreuve routière et son entrevue. Le plaignant restera à l'emploi de Purolator pour 7 ans et demi.

[10] Selon la description qu'en a fait Guy Wilson, le directeur divisionnaire pour le service des Ressources humaines pour le Québec chez Purolator, celle-ci est une entreprise de services dans le domaine du transport qui fait la cueillette et la livraison des messageries c'est-à-dire des petits colis et des enveloppes. Au Québec, elle possède trois centres de tri et une vingtaine de dépôts ou de sous-dépôts.

[11] Selon la convention collective entre Purolator et les Teamsters, dans les dépôts il y a trois catégories de groupes fonctionnels. Un groupe fonctionnel permet de rassembler les classifications dont les activités ont une certaine ressemblance. Dans le groupe fonctionnel, il y a la classification de chauffeur linehaul qui regroupe tous les conducteurs de véhicules lourds c'est-à-dire les véhicules dont la masse nette est de cinq tonnes et plus.

[12] Ensuite, il y a les courriers où l'on retrouve les courriers conventionnels , les courriers utilités , les courriers à pieds conventionnels et les courriers à pieds utilités . Au Québec, les deux dernières classifications n'existent plus. La différence entre un courrier conventionnel et un courrier utilité est que ce dernier est utilisé à titre de remplaçant ou dans les périodes de pointe. Il n'a pas de route dédiée et son horaire peut varier de jour en jour en fonction des besoins de la compagnie. Il a une garantie de 25 heures de travail hebdomadaire qu'il peut bonifier par des heures supplémentaires.

[13] Jusqu'en 1998, les courriers conventionnels et utilités devaient détenir un permis de conduire de classe 5 . En février 1998, Purolator a élevé ses exigences en matière de permis de conduire pour ces postes à une classe 3 . Elle a continué toutefois à reconnaître la qualification des courriers qui avaient une classe 5 avant le changement d'exigences. À la même époque, Purolator a également adopté une politique à l'effet qu'un employé qui n'aurait pas conduit un véhicule de Purolator pendant une année devait se requalifier pour la conduite des véhicules de Purolator. La requalification impliquait de repasser l'examen écrit et l'épreuve de conduite sur route. Les examens étaient administrés par un chauffeur/instructeur ou un chef d'unité de Purolator. Selon M. Wilson, ces différentes mesures ont été adoptées dans l'optique de se conformer à l'esprit de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds , L.Q. 1998, c. 40, que venait d'adopter le gouvernement provincial.

[14] Au début de son embauche, le plaignant travaillait sur appel . En 1993, il obtient un poste permanent de 32.5 heures par semaine, mais il ajoute que les semaines où il ne travaillait que 32.5 heures étaient rares puisqu'il se portait toujours volontaire pour le surtemps et travaillait souvent 45 heures par semaine. Son quart de travail régulier débutait à 13 h pour se terminer à 19 h 30. Dans une journée régulière, il effectuait des livraisons de 13 h à 15 h et le reste de la journée était consacré aux cueillettes. En 1998, son salaire était de 17.26 $ l'heure.

[15] Les courriers sont soumis dans l'exécution de leurs tâches à certaines normes comme par exemple être en mesure de faire une livraison aux 6 minutes et une cueillette par 7 minutes. Le travail nécessite également un certain effort physique. Ils sont requis de manipuler des paquets pouvant aller jusqu'à un poids de 70 livres. Ils doivent également être en mesure de monter et de descendre des rampes et des escaliers et de s'accroupir afin de ramasser des colis. Dans son témoignage, le plaignant remarque qu'il devait, dans une journée ordinaire, s'accroupir et se relever entre 60 et 80 fois pour soulever des paquets ou des colis.

[16] Le plaignant travaillait à partir du dépôt de Ville Saint-Pierre. Ce dépôt couvre la majeure partie du centre-ville de Montréal, c'est-à-dire les rues Sainte-Catherine, Sherbrooke, De Maisonneuve, René-Lévesque et McGill College. Cette partie du centre-ville de Montréal est très achalandée avec également de nombreux piétons. L'itinéraire comprend le Vieux-Montréal avec ses rues étroites, ses piétons et ses calèches.

[17] Sur ce trajet, il y avait deux ou trois emplacements où le courrier, pour effectuer les livraisons ou pour ramasser des colis, devait reculer son camion jusqu'à un quai d'embarquement. Pour les autres endroits, il devait transporter à pied les colis. Il y a peu d'ascenseurs dans les édifices du Vieux-Montréal donc les colis doivent être montés par les escaliers. Cet itinéraire est très différent et plus exigeant sur le plan de la conduite qu'un itinéraire dans un quartier industriel où vous avez des quais d'embarquement pratiquement à chaque édifice.

[18] Pour son travail, le plaignant conduisait un camion de type Curb Masters d'à peu près 14 pieds et entre 3 100 et 3 500 livres. Le permis de conduire requis pour conduire ce type de camion était, au moment de l'embauche du plaignant, un permis de classe 5, soit le permis de conduire ordinaire.

[19] Le plaignant a témoigné à l'effet que durant son emploi, autre que celui de 1998 qui est particulièrement pertinent en l'espèce, il a eu deux épreuves sur route. Les deux ont été faites sous la surveillance de Ferrier Caron, un chauffeur/instructeur qui chez Purolator s'occupait, entre autres, de faire passer les examens aux nouveaux chauffeurs et qui était également coordonnateur de la formation routière. L'une de ces épreuves a eu lieu en 1997 et l'autre à l'automne de 1998, quelques mois avant celle qui sera effectuée par George Foster. Dans les deux cas, le plaignant mentionne que M. Caron n'a émis aucun commentaire négatif sur sa conduite du véhicule.

[20] Le plaignant a également témoigné que, suite à l'épreuve sur route de 1998, il a reçu un Certificat d'excellence de conduite automobile . Ce certificat mentionne que Purolator a l'honneur de décerner à Robert Coulter pour deux année(s) un certificat d'excellence de conduite automobile. En reconnaissance de la sécurité, de la courtoisie, de la responsabilité envers autrui et de la vigilance dont il a fait preuve en conduisant, sans accident, des véhicules automobiles sur les grandes routes et voies publiques. Le certificat est signé par Mark Tilden et Daniel Quévillon , le directeur de l'exploitation à Ville Saint-Pierre.

B. Les événements menant à la réunion du 15 décembre 1998

[21] Dans son témoignage, Guy Wilson affirme qu'au début de décembre 1998, Ferrier Caron l'a informé qu'il avait constaté que le plaignant éprouvait certaines difficultés dans la conduite de son véhicule. M. Wilson dit qu'il a alors contacté le directeur de l'exploitation à Ville Saint-Pierre, Daniel Quévillon, pour le sensibiliser à la situation et lui suggérer de faire un audit sur route du plaignant. C'est ce que M. Quévillon fit en confiant cette tâche à M. Foster. Ni M. Caron, ni M. Quévillon ne furent appelés à témoigner à l'audience.

[22] Le 7 décembre 1998, George Foster a procédé à une vérification sur route du plaignant pour évaluer sa conduite du camion. D'après George Foster, l'objectif d'une telle vérification est d'établir les critères pour le nombre d'arrêts qui peuvent être fait dans un certains lapse de temps sur une certaine route. Il y a généralement deux vérifications routières par année pour chacune des routes. Il ajoute que le but de ces vérifications est beaucoup plus pour évaluer la productivité des employés que leur habilité de conduire un camion. Ce témoignage est en contradiction avec celui de M. Wilson, selon qui l'évaluation a été demandée en raison des préoccupations soulevées par M. Caron.

[23] Selon le témoignage de Paul Océan, le délégué en chef du dépôt pour le syndicat, M. Foster lui aurait dit qu'il avait procédé à cette vérification sur route parce qu'il avait constaté que le plaignant prenait plus longtemps que prévu pour compléter sa route. Son témoignage semble donc confirmer la version de M. Foster.

[24] Le 7 décembre 1998, M. Foster accompagne le plaignant sur son itinéraire. De 13 h à 15 h, le plaignant effectue ses livraisons. Il affirme avoir effectué une quinzaine de livraisons et avoir terminé celles-ci vers 15 h. Ensuite, il procède, comme c'est normalement le cas, à la cueillette des colis et des lettres. Chez un client, rue Ste-Catherine, il reconnaît avoir reçu de l'aide pour charger des boîtes dans le camion mais affirme ne pas avoir sollicité cette aide. Il ajoute que ce client lui donne toujours un coup de main quand vient le temps de charger les colis dans le camion même s'il n'a jamais demandé d'aide.

[25] Le plaignant affirme que pendant cette journée, George Foster n'a fait aucun commentaire négatif concernant sa conduite du véhicule ou concernant la sécurité. Ils sont retournés au dépôt vers 19 h 45. Il ajoute qu'il n'y a eu aucun accident ou incident durant cette journée.

[26] Dans le Formulaire de certification de route que George Foster a rempli lors de cette évaluation, il note à deux endroits, lors des livraisons, certains incidents. Le premier qui se serait produit, à 14 h 18, se lit comme suit Heurter l'entrée. Heurter durement le quai d'embarquement [Traduction]; le deuxième qui s'est produit à 14 h 38, mentionne Heurter durement le quai d'embarquement. [Traduction] L'évaluation qui avait débuté à 13 h s'est terminée à 20 h 15.

[27] Suite à cette évaluation sur route, M. Foster a également préparé, le 15 décembre 1998, un rapport écrit, parce que selon lui Il y avait un problème en ce qui concerne la sécurité du camion conduit par M. Coulter. [Traduction]

[28] Dans ce rapport écrit, il note que le plaignant avait eu, à plusieurs occasions, de la difficulté à garder le contrôle du volant ce qui est dû selon lui au fait qu'il ne tient pas le volant avec ses doigts mais avec la paume de sa main. Il note ensuite l'incident de 14 h 18, au 1250, René-Lévesque, où le plaignant aurait frappé un poteau de ciment. Il ajoute: En quelques occasions, les piétons traversant les rues par mégarde ont fait qu'il a dû tourner mais de façon dangeureuse à cause de son incapacité à réagir rapidement. [Traduction] Ensuite, il ajoute un autre incident, qu'il n'avait pas noté dans son Formulaire de certification de route survenu au 1, Place du Canada, et finalement, il mentionne l'incident de 14 h 38, au 1800, McGill College. Dans ces deux cas, le plaignant aurait frappé le quai d'embarquement et, selon M. Foster, l'impact fut si violent qu'il s'est fait mal au dos. Dans aucun de ces cas, n'y a-t-il eu des rapports d'accidents de complétés tel qu'il est prévu à l'Article 25.03 de la Convention collective.

[29] M. Foster ajoute également que pendant la partie cueillette de colis, qu'il marchait à un rythme normal et qu'il devait continuellement attendre pour le plaignant : Il semble avoir beaucoup de difficultés à marcher rapidement. [Traduction] En ce qui concerne ses capacités de porter les colis, celles-ci semblent également être inadéquates selon l'appréciation qu'en fait M. Foster. Une des procédures utilisées par le plaignant qui n'était pas conforme à la procédure de Purolator, selon M. Foster, était celle que le plaignant avait adoptée pour transporter un colis d'un quai d'embarquement au camion. Au lieu de porter le colis dans ses bras et de descendre les escaliers, le plaignant posait le colis sur le quai, descendait les marches et ensuite il allait récupérer le colis sur le quai. Une telle méthode n'était pas productive selon M. Foster. Il note qu'à certaines occasions le plaignant a échappé les colis et qu'à d'autres il a demandé l'aide du client pour soulever les colis, dans ce dernier cas il dit ne pas se souvenir où et combien de fois le plaignant aurait demandé cette aide.

[30] Dans sa conclusion il remarque : Bien que ces problèmes ont une incidence sur la productivité de la compagnie, la principale raison de ces incidents est que Robert est atteint de dystrophie myotonique de Steinert, une maladie dégénérative. Je suis d'avis qu'il existe un problème sérieux de sécurité et d'image et je ne crois pas que Robert puisse accomplir les tâches de courrier selon les normes établies par la compagnie. [Traduction] (C'est moi qui souligne.) Aucune preuve concrète n'a été présentée au Tribunal concernant le problème de sécurité routière que posait le plaignant, autre que les incidents mineurs dont M. Foster fait mention dans son rapport écrit. Aucune preuve en ce qui concerne les dommages au véhicule, s'il y en avait, ou quant à l'étendu des blessures au dos qu'aurait subies M. Foster. Aucune preuve de plaintes de clients quant au travail du plaignant. Tout est fondé sur les perceptions de Monsieur Foster. Questionné à savoir si d'autres vérifications routières du plaignant avaient été effectuées, M. Foster répondra qu'il ne se souvient pas. Pourtant, puisqu'il a témoigné que deux vérifications routières par année étaient faites, il est fort probable que le plaignant ait eu à passer par cette procédure auparavant. D'ailleurs, le plaignant a témoigné à l'effet que Ferrier Caron avait effectué une telle vérification à peine deux mois avant.

[31] Louise Fillion, la conseillère principale en Ressources humaines, et Marie-Claude Pilon, alors la conseillère en Ressources humaines à l'entrepôt de Ville Saint-Pierre, ont témoigné avoir discuté de la vérification routière du plaignant. Madame Pilon aurait fait état des problèmes que le plaignant avait connu sur la route. Madame Fillion dit l'avoir conseillé de rencontrer l'employé avec Monsieur Foster et de lui faire part des constatations et ensuite de le suspendre de la route avec rémunération jusqu'à ce qu'il puisse être évalué par un médecin.

[32] Le 14 décembre, une semaine après la vérification sur route, le plaignant, qui avait continué pendant cette période à faire son travail régulier, reçoit un appel de son employeur pour qu'il rentre le matin afin d'effectuer des livraisons car on était à court de chauffeurs. Demande pour le moins étonnante vu le problème de sécurité que le plaignant était sensé représenter.

[33] Vers 11 h 30, après qu'il eut terminé ses livraisons, on lui demande de revenir au dépôt. Une fois arrivé, on l'informe que le superviseur voulait le voir dans la salle de conférence. George Foster, Marie-Claude Pilon, Richard Marques, un superviseur à Ville Saint-Pierre, et Paul Océan, le délégué en chef du dépôt de Ville Saint-Pierre pour le syndicat, sont présents. Dans son témoignage George Foster dit n'avoir aucun souvenir de cette rencontre alors que tous ceux qui étaient présents à la rencontre et qui ont témoigné confirment qu'il y était.

[34] Lors de cette rencontre M. Foster informe le plaignant que sa conduite du camion est inadéquate et que sa façon de porter les colis n'est pas correcte. Il lui reproche d'avoir frappé deux poteaux et de faire rouler les colis au lieu de les lever et de les transporter. Il l'informe ensuite qu'il ne retournerait pas sur la route pour les cueillettes et qu'une décision à son sujet serait prise le lendemain. Il l'assigne à l'inventaire des pièces dans le garage. On l'informe qu'il doit se présenter au travail le lendemain matin vers 8 h et poursuivre cet inventaire.

C. La réunion du 15 décembre 1998

[35] Le 15 décembre 1998, une autre réunion a lieu pour discuter du cas du plaignant. Autre que le plaignant, George Foster (il dira encore une fois n'avoir aucun souvenir de cette réunion), Louise Fillion, Richard Marques et Paul Océan sont présents. Selon le témoignage du plaignant, c'est George Foster qui a parlé en premier. M. Foster dit que le plaignant est un danger sur la route, qu'il ne peut pas tenir correctement son volant et qu'il ne devrait même pas avoir un permis de conduire.

[36] Selon les notes prises par Marie-Claude Pilon lors de cette réunion, M. Foster aurait ajouté Je t'ai vu échapper une boîte qui ne faisait même pas cinq livres. Que penses le client, que tu es ivre? [Traduction] Le plaignant est informé qu'il est relevé de ses fonctions de courrier avec solde en attendant une expertise neurologique.

[37] Le plaignant affirme avoir été surpris et insulté par les commentaires de M. Foster, d'autant plus que deux mois plus tôt il avait subi une épreuve sur route et qu'aucun commentaire négatif n'avait été fait relativement à sa conduite du camion.

[38] Le plaignant dit que lors de la réunion du 15 décembre il a mentionné qu'il était prêt à faire n'importe quoi pour continuer à travailler. Il affirme avoir demandé s'il ne pouvait pas effectuer d'autres tâches, tel que poursuivre l'inventaire qu'on lui avait demandé. M. Foster lui aurait répondu dans la négative et aurait ajouté qu'il avait été embauché pour conduire des camions et que puisqu'il ne pouvait effectuer ses tâches qu'il devait retourner à la maison. Le plaignant aurait demandé s'il ne pouvait pas faire les tâches d'un courrier à pieds et M. Foster lui répond qu'il ne pouvait pas en raison des exigences physiques de ce poste.

[39] Paul Océan, qui était également présent à la réunion du 15 décembre ajoute que M. Foster a informé le plaignant que la décision qu'il avait prise n'était pas facile mais qu'il devait mettre fin à son emploi car il n'était plus qualifié pour le faire. M. Océan lui aurait alors demandé ce qui allait advenir du plaignant. M. Foster lui aurait répondu qu'il n'avait rien de disponible pour lui et Marie-Claude Pilon aurait ajouté que le plaignant irait sur l'assurance et après on verrait. Toujours selon M. Océan, le plaignant a continué à argumenter qu'il pouvait faire son travail et c'est à ce moment que M. Foster aurait dit: Écoute, on ne te veut plus ici, tu es atteint d'une déficience. [Traduction]

[40] Après la réunion, M. Océan a informé le plaignant que le syndicat allait déposer un grief contestant la décision de Purolator. Le 22 décembre 1998, le syndicat déposait un grief et réclamait que l'employeur réintègre le plaignant dans son poste de courrier et qu'il lui verse les salaires qu'il allègue avoir perdus.

[41] Après la rencontre du 15 décembre 1998, le plaignant est retourné chez lui. Purolator a continué à lui verser son salaire sur la base de 32.5 heures par semaine.

[42] Le 24 décembre 1998, le plaignant reçoit une lettre de Purolator le convoquant, le 19 janvier 1999, à un rendez-vous pour une expertise médicale avec le Dr Suzanne Rousseau, une neurologue.

D. La période entre janvier à décembre 1999

[43] Après la réunion du 15 décembre 1998, le plaignant prend contact avec son neurologue, le Dr Pierre-Paul Noiseux. Ce dernier prépare une lettre datée du 5 janvier 1999, dans laquelle il dit que le plaignant est capable de faire son travail de courrier mais, avec l'observation qu'en raison de sa myopathie, l'exécution sera plus lente que pour une personne qui n'est pas atteinte par cette maladie.

[44] Le plaignant affirme avoir remis une copie de cette lettre à Marie-Claude Pilon le lendemain, soit le 6 janvier 1999. Selon le plaignant, Madame Pilon lui indique que cette lettre n'est pas suffisante et qu'il devra se soumettre à une évaluation neurologique auprès d'un neurologue désigné par Purolator.

[45] Le 19 janvier 1999, le plaignant se présente chez Dr Suzanne Rousseau, à la clinique privée Les neurologues de Maisonneuve . Il est intéressant de noter que dans sa lettre du 22 décembre 1998, adressée au Dr Rousseau, Marie-Claude Pilon mentionne que le plaignant a été impliqué depuis 1993 dans 19 accidents de la route mais elle ajoute immédiatement que chacun des accidents de la route est banal, un accrochage en tournant, un autre en reculant....aucun dommages très dispendieux mais tous ensembles, ils nous démontrent un manque de coordination de la part de Monsieur Coulter. (C'est moi qui souligne.) Elle précise également que [l]e gérant [M. Foster] porte à notre attention le fait que Monsieur Coulter conduit avec ses poignets [dans son rapport, M. Foster écrit que le plaignant conduit avec la paume de ses mains] et non avec ses mains, qu'il circule plié presque à 90°, qu'il entre dans le camion la tête première [j'ai de la difficulté à comprendre qu'est-ce que ces deux constatations ont à voir avec la sécurité dans la conduite d'un véhicule]. Elle demande finalement au Dr Rousseau d'évaluer les capacités du plaignant d'effectuer son travail : Peut-il conduire un camion de façon sécuritaire? La force de préhension au niveau des mains est-elle suffisamment grande pour bien tenir le volant? A-t-il subi une détérioration de son état depuis votre dernier examen en juillet 1997?

[46] Comme l'indique la lettre de Madame Pilon, le Dr. Rousseau avait déjà procédé à un examen neurologique du plaignant le 23 juillet 1997, dans le but de déterminer sa condition neurologique. Suite à cet examen, elle avait émis l'opinion que la faiblesse musculaire du plaignant, quoique lui permettant de se livrer à la plupart des activités quotidiennes normales, est tout de même suffisante pour le mettre en position de risque que je juge excessif à l'intérieur de l'emploi qu'il occupe. En effet, bien qu'il soit probablement capable de conduire un véhicule privé, son emploi le met en situation de devoir conduire un véhicule plus lourd sur une période de 8 heures de travail par jour et accentue donc le risque d'accidents. (Je souligne)

[47] Elle ajoute par la suite que la maladie est lentement progressive et que l'on peut s'attendre à une détérioration éventuelle et une accentuation du risque . Ainsi, l'intimé était au courrant dès 1997, de l'état de santé du plaignant. Dans son contre-interrogatoire, Madame Fillion dira qu'elle n'était pas au courant de l'expertise de 1997 avant de l'avoir lu dans le rapport du Dr Rousseau. Pourtant, Marie-Claude Pilon était, elle, au courant puisqu'elle en fait mention dans sa lettre du 22 décembre 1998.

[48] Dans son rapport de 1997, le Dr Rousseau constate : Donc, je considère que le requérant est à risque d'accidents à cause de la dystrophie myotonique dont il souffre. Toutefois, par souci d'équité, je suggère qu'il serait probablement préférable de faire évaluer ses capacité réelles de conducteur soit par exemple au Centre Constance-Lethbridge ou au Centre de Réadaptation Lucie-Bruneau (en ergothérapie). (Je souligne.) L'intimé ne donnera suite à cette recommandation que deux ans plus tard soit le 31 mai 1999. Entre 1997 et 1998, rien ne sera fait pour donner suite à ce rapport. La question de la sécurité dans la conduite du camion par le plaignant, ne semblait pas à ce moment inquiéter Purolator.

[49] Suite à son deuxième examen, le Dr Rousseau transmet, le 26 janvier 1999, un rapport à Purolator. Dans la lettre couverture, elle insiste, comme elle l'avait fait en 1997, pour que le plaignant subisse une évaluation de ses capacités de conduire un véhicule auprès d'un ergothérapeute qualifié.

[50] Dans son rapport de 1999, elle dit conserver essentiellement la même opinion que celle qu'elle avait émise dans celui de juillet 1997. Elle ajoute que la faiblesse musculaire actuellement évidente à l'examen objectif, quoique permettant au requérant de se livrer à la plupart des activités quotidiennes normales, est suffisante pour le mettre en position de risque excessif à l'intérieur de l'emploi qu'il occupe. Il est intéressant de constater que cette conclusion n'est pas nécessairement due, selon son rapport, au fait que le plaignant ait à conduire un camion lourd mais plutôt au fait qu'il ait à le faire sur une période de huit heures de travail par jour ce qui selon elle accentue indéniablement le risque d'accidents.

[51] Ensuite, elle ajoute n'avoir constaté aucune détérioration évidente ou grossière de sa force musculaire depuis son évaluation précédente. Toutefois, elle tient à préciser que puisqu'il s'agit d'une maladie lentement progressive on peut s'attendre à une détérioration éventuelle et donc à une accentuation du risque.

[52] En réponse aux questions spécifiques qui lui sont posées, le Dr Rousseau conclut que le plaignant est apte à occuper un travail rémunérateur mais elle le juge à risque de conduire un camion de façon sécuritaire et à occuper un emploi de chauffeur à temps plein. Selon ses constatations, le plaignant est capable de tenir un volant avec ses mains mais le phénomène myotonique limite sa capacité de relâcher le volant lorsqu'il doit effectuer des gestes répétitifs. Selon elle, le plaignant pourrait être relocalisé à un travail plus approprié, préférentiellement un travail de bureau.

[53] Madame Fillion reconnaîtra dans son contre-interrogatoire qu'il ne sera jamais question de la relocalisation du plaignant à cette époque. Purolator préfère s'en remettre à une autre recommandation du Dr Rousseau soit de procéder à une évaluation des capacités réelles de conduite, par une mise en situation et une évaluation en ergothérapie , une recommandation qui avait déjà été faite en 1997.

[54] Le Dr Noiseux, le témoin expert de la Commission et du plaignant, a également effectué, le 28 juillet 2003, à la demande de la Commission, une expertise neurologique du plaignant. Il constate qu'en raison de la dysfonction des muscles striés que le plaignant a une fonction d'exécution musculaire au ralenti que ce soit dans la contraction ou dans la décontraction et que ceci affecte sa bouche, sa langue, ses yeux, ses mains, ses bras, ses pieds, son bassin, les quadriceps et tous les muscles impliqués dans la marche. En conséquence, avec une vitesse de contraction qui est soutenue et une vitesse de décontraction qui se fait au ralenti et avec la myotonie au niveau des muscles, le docteur conclut, que le plaignant fonctionne au ralenti.

[55] En ce qui concerne la force, il dit que le plaignant ne peut pas soulever des poids supérieurs à 40 livres. Il précise que c'est la fréquence qui est importante dans ce cas. Le plaignant pourrait soulever un objet de ce poids mais si cela était trop fréquent, il serait probablement dans l'impossibilité de le faire.

[56] Il indique que lorsqu'il est accroupi, le plaignant ne peut pas se relever sans se tenir sur un meuble ou sur un pôle d'appui. Au niveau du cervelet, ses mouvements sont lents, mais ils ne sont pas décomposés. La démarche se fait un peu en steppage .

[57] Dans son rapport d'expertise, le Dr Noiseux conclut que les muscles du plaignant fonctionnent au ralenti dans tout le corps. L'exécution des mouvements à vitesse rapide n'est pas possible puisque les muscles ne se décontractent pas assez rapidement. À son avis, la condition médicale du plaignant ne l'empêche pas de conduire un camion de livraison même si ses manuvres musculaires sont plus ralentis que ceux d'une personne qui n'est pas atteinte de cette maladie. Il est donc, selon son évaluation, apte à faire son travail normal.

[58] Selon le Dr Noiseux, l'exécution de mouvements à vitesse rapide n'est pas possible puisque les muscles ne se décontractent pas assez rapidement. Il ajoute qu'il y a une parésie (une faiblesse) de manipulation. Le seul muscle qui n'est pas atteint actuellement est le cur. Il reconnaît qu'en raison de la condition médicale du plaignant, tourner un volant rapidement en utilisant des mouvements de contractions et de décontractions serait difficile. Il accepte que lors des virages le plaignant sera plus lent avec un rayon de braquage plus grand. Il admet également que l'absence totale de réflexe au niveau des achilléens empêche les mouvements de mise en garde ou de préparation de contraction et de décontraction qui sont nécessaires pour l'accélération et la décélération lorsqu'une personne conduit un véhicule. Le réflexe monosynaptique, un réflexe involontaire ou un automatisme, n'est pas là, mais le Dr Noiseux ajoute immédiatement que cela n'empêche pas le plaignant de donner une commande volontaire à son pied d'accélérer ou de ralentir, mais encore une fois avec une certaine lenteur.

[59] Il ajoute d'ailleurs que les seules restrictions du plaignant sont de ne pas lever des poids supérieurs à 40 livres, de courir, de faire du sport, de faire de l'activité physique exténuante et de monter des escaliers rapidement.

[60] Autre que ces restrictions, le plaignant est, de son avis, capable d'accomplir toutes les tâches d'un courrier, mais au ralenti. Il admet qu'il est arrivé à cette conclusion en se fondant sur la description des tâches que le plaignant lui a fournie et non sur une description de tâches formelle de l'intimée. Il dit avoir tenu compte du fait que le plaignant avait exécuté son travail sans problème de 1991 à 1998. À son avis ce patient aurait dû être relocalisé...pour faire un autre travail compatible avec sa condition. Une recommandation similaire à celle faite par le Dr Rousseau dans ses rapports de 1997 et 1999.

[61] Le Dr Noiseux dit ne rien voir de contradictoire dans l'affirmation que le plaignant était apte à faire son travail et le commentaire qu'on aurait dû [le] relocalisé. Une fois que le retrait du plaignant de son poste était acquis, l'intimé devait, selon le Dr Noiseux lui trouver un travail compatible avec sa condition c'est-à-dire un travail qui peut être exécuté avec une certaine lenteur d'exécution, un travail de bureau, par exemple.

[62] Le Dr Noiseux a également pris connaissance des deux rapports du Dr Rousseau afin de préparer son rapport d'expertise. Il affirme ne pas partager les conclusions du Dr Rousseau quant au risque que constitue le plaignant dans ses fonctions de conducteur de camion. Selon lui cette conclusion ne découle pas logiquement des prémisses des rapports. En ce qui concerne les évaluations des Drs Noiseux et Rousseau, puisque le Dr Noiseux a été appelé à témoigner et qu'il a été l'objet d'un contre-interrogatoire et qu'il m'est apparu comme un témoin crédible, j'ai tendance, là où il y a des contradictions dans les rapports, à préférer les conclusions du Dr Noiseux.

[63] Suite au rapport du Dr Rousseau, le plaignant a une nouvelle rencontre, le 29 janvier 1999 avec Louise Fillion et Marie-Claude Pilon. Elles l'auraient alors informé des conclusions du rapport du Dr Rousseau et lui auraient suggéré de présenter une demande sous le régime d' assurance-maladie long terme de Purolator. Madame Fillion a témoigné à l'effet qu'elle aurait mentionné au plaignant qu'il devait faire remplir rapidement les formulaires, en y joignant une copie d'un rapport médical, puisque à partir de ce moment il ne serait plus rémunéré par Purolator. Madame Fillion indique également qu'elle a alors informé le plaignant que des démarches seraient prises pour qu'une expertise soit faite par un ergothérapeute.

[64] Le formulaire d'assurance-maladie sera dûment rempli et expédié à l'assureur qui refusera la demande du plaignant. La raison de ce refus est que le Dr Drainville, le médecin de famille du plaignant, indiquait dans son rapport qu'il n'avait pas placé le plaignant en arrêt de travail. Le plaignant n'a pas fait appel de la décision. Madame Fillion témoigne que suite à ce refus de la compagnie d'assurance, elle leur a fait parvenir une copie du rapport du Dr Rousseau, mais la décision est demeurée inchangée.

[65] Questionné à savoir pourquoi elle n'avait pas considéré assigner le plaignant à un autre poste au moment où elle a reçu le rapport du Dr Rousseau, Madame Fillion répondra que ce n'était pas la politique de l'intimée d'assigner à un autre poste un employé qui recevait l'assurance-maladie d'autant plus que le plaignant demandait à l'époque de réintégrer son poste de courrier.

[66] Le 15 février 1999, le plaignant reçoit son Relevé d'emploi . Selon ce relevé, Purolator a procédé à son congédiement puisque dans la case indiquant la raison du présent relevé d'emploi , on avait inscrit le code M qui signifie congédiement . D'après Marie-Claude Pilon, la mention du code M était une erreur. Selon elle, le 16 février 1999, des directives sont données pour désactiver le plaignant parce qu'il ne recevrait plus de paies. Elle ajoute cependant qu'il était toujours considéré comme un employé. Le 21 juin 1999, après son évaluation au centre Lucie Bruneau sur lequel nous reviendrons plus loin, le plaignant reçoit un relevé d'emploi modifié sur lequel la raison indiquait maintenant un code D , qui signifie maladie ou blessure . Je ne met aucunement en doute le témoignage de Madame Pilon mais je me questionne sur le délai qui s'est écoulé entre l'erreur et sa correction.

[67] Le plaignant mentionne qu'il a déposé, le 25 février 1999 suite à l'émission du premier Relevé d'emploi , un nouveau grief. Dans ce grief, il contestait son congédiement. Il est surprenant que Purolator, en prenant connaissance de ce grief, n'ait pas corrigé ce qu'elle considérait comme une erreur sur le relevé d'emploi du 15 février 1999.

[68] Après son évaluation par le Dr Rousseau, le plaignant est référé à une ergothérapeute, France Duhamel, du Centre Lucie Bruneau. Selon Louise Fillion, il devait y avoir deux étapes à cette expertise. La première était une évaluation routière avec une voiture et, plus tard, si nécessaire, une deuxième évaluation serait faite avec cette fois un camion. Cette procédure aurait été suggérée par le Centre Lucie Bruneau. S'il y avait des problèmes avec la voiture alors il n'y aurait pas de nécessité à procéder avec une deuxième évaluation.

[69] L'évaluation de la conduite automobile du plaignant par l'ergothérapeute s'est déroulée le 31 mai 1999. Le plaignant s'est dit surpris que cette évaluation soit faite avec une voiture à transmission manuelle à cinq vitesses sans servo-direction alors que chez l'intimé il est appelé à conduire des camions. L'évaluation a pris deux heures et demie et a suivi l'itinéraire du plaignant.

[70] Le rapport de l'ergothérapeute fut produit le 7 juin 1999. De l'évaluation routière du plaignant, les seuls commentaires qui peuvent être considérés comme négatifs sont ceux concernant les virages qui sont exécutés, selon l'évaluateur, plus lentement que normale. L'évaluateur constate une tendance à tourner en suivant un rayon de braquage un peu plus grand et que les virages en tête d'épingle sont un peu plus difficiles. Elle remarque également que les manuvres exécutées pour reculer en tournant doivent être faites à une vitesse un peu plus lente à cause de la déficience motrice, mais que le plaignant recule adéquatement en se servant des miroirs. Aucune mention de manuvre pouvant mettre en danger la sécurité du plaignant ou celle des piétons.

[71] De son évaluation, elle conclut que le plaignant peut conduire un véhicule à moteur de façon sécuritaire. Elle suggère qu'il modifie certaines manuvres afin de compenser sa déficience motrice, comme par exemple tourner un peu plus lentement. Elle ajoute également que le plaignant présente des limitations fonctionnelles et propose l'ajout d'une boule (ou autre type de poignée) au volant afin de faciliter les virages en raison du nombre d'heures de conduite par jour.

[72] Selon le Dr Noiseux, la suggestion d'ajouter une boule sur le volant est inutile. Il note que le plaignant doit exécuter ses tâches de conducteur avec les deux mains, alors l'ajout d'une boule ne ferait pas de différence Il ajoute que le plaignant n'a pas de problème avec sa prise ( grip ) sur le volant. Il n'a pas de problème avec la contraction de ses muscles; son problème, c'est la décontraction.

[73] À la question à savoir si le plaignant peut exécuter tous les aspects de la tâche de courrier chez Purolator, Madame Duhamel répond : Concernant la conduite du véhicule, monsieur Coulter, peut s'acquitter de tous les aspects de cette partie de la tâche. Pour la livraison des colis, il est possible que monsieur présente certaines difficultés mais il serait préférable qu'il soit évalué par les ergothérapeutes en évaluation des capacités de travail. Aucun suivi ne fut donné à cette recommandation.

[74] Finalement, elle constate que pour le moment et d'après les tests routiers, le plaignant ne constitue pas un danger imminent. Malgré l'utilisation d'une automobile, cette conclusion est très différente de celle de George Foster qui affirmait que si ce n'était que de lui que le plaignant n'aurait pas de permis de conduire.

[75] Selon Madame Fillion, Purolator avait certains problèmes avec la recommandation concernant la boule puisque son installation représentait une restriction sur le permis de conduire. De plus, Purolator n'était toujours pas convaincue de la capacité du plaignant de conduire un camion. La décision fut donc prise de procéder à la deuxième expertise sur route avec un camion. Le 5 août 1999, deux mois après le dépôt du rapport de Madame Duhamel, Madame Fillion a une conversation à ce sujet avec Isabelle Fontaine de SécuriMed. Ce n'est toutefois que le 14 octobre 1999, que SécuriMed fera parvenir à l'intimée une évaluation des coûts reliés à une épreuve sur route avec un camion. Finalement, l'évaluation avec un camion n'aura jamais lieu.

[76] Selon les témoins de Purolator, deux raisons expliqueraient pourquoi cette expertise n'a jamais eu lieu. Premièrement, il semblerait qu'il était difficile de trouver un moniteur capable d'effectuer cette expertise avec un camion. Toutefois, aucune preuve ne fut présentée quant aux démarches entreprises en ce sens autre que l'évaluation des coûts présentée par SécuriMed en octobre 1999. La deuxième a trait à la décision de la SAAQ du 1er octobre 1999, d'émettre des restrictions sur le permis de conduire du plaignant qui l'empêcheront de conduire un camion.

[77] En effet, vers le mois de septembre 1999, le plaignant a décidé d'appliquer pour son permis de conduire de classe 1 afin, selon lui, de pouvoir se trouver un autre emploi de chauffeur. Le 1er octobre 1999, la Société de l'assurance automobile du Québec l'avise par lettre qu'elle refuse de lui délivrer un permis de conduire de classe 1 en raison de sa déficience. Le plaignant conservait toutefois, le privilège de conduire des véhicules correspondant au permis de classes 5 et 6A mais avec certaines restrictions dont une restriction sur le poids des véhicules. Selon ces nouvelles restrictions, le plaignant ne peut pas conduire des véhicules excédent 2 500 kilogrammes, ce qui lui enlève de nombreuses possibilités d'emploi, notamment chez Purolator où les camions excèdent ce poids.

[78] Le plaignant affirme qu'il aurait pu faire appel de cette décision de la SAAQ mais qu'il avait choisi de ne pas le faire en raison de l'existence de l'article 11.04b) de la Convention collective. Il croyait qu'il pourrait bénéficier de cet article et être déplacé dans une autre classification. Un grief sera déposé le 8 décembre 1999, demandant à l'employeur d'appliquer l'Article 11.04b).

[79] Jimmy Mansell, témoignera qu'il a eu après le dépôt de ce grief, des discussions avec Louise Fillion afin de voir s'il était possible de déplacer le plaignant au sein de l'entreprise. Il est important de noter que l'Article 11.04b) ne prévoit pas la création d'un nouveau poste mais le déplacement de l'employé au sein de l'entreprise selon la procédure prévue à l'Article 15.02 de la Convention collective. Selon Monsieur Wilson, cette disposition ne s'appliquait pas au cas du plaignant parce que son permis de conduire n'avait pas été révoqué mais il avait uniquement été reclassifié .

[80] Une rencontre entre le plaignant, M. Mansell, M. Wilson et Mme Fillion a lieu le 22 décembre 1999. Lors de cette rencontre les parties discutent de la possibilité de relocaliser le plaignant. D'après M. Wilson, le poste de marqueur semblait être le seul poste au niveau des opérations qui aurait pu convenir au plaignant car ce poste est l'un des rares où l'employé n'a pas à déployer de grands efforts physiques. M. Wilson affirme qu'il était convaincu que le plaignant pouvait exercer l'essentiel des fonctions de marqueur et qu'il était possible de trouver un environnement qui conviendrait à sa situation.

[81] Le marqueur est la personne chargée d'identifier sur les colis leur destination pour en faciliter le triage et l'acheminement. Le salaire se compare à celui d'un courrier.

[82] Les représentants de Purolator ont fourni au plaignant un livre pour qu'il puisse étudier les codes pour devenir marqueur car le plaignant devait se qualifier pour ce poste. S'il réussissait, l'employeur devait alors procéder à des vérifications pour trouver un poste en se conformant aux dispositions de la convention collective. Selon M. Wilson, Purolator avait manifesté au syndicat son ouverture à considérer des opportunités qui pouvaient ne pas se conformer à ces dispositions. Pour y arriver, il fallait toutefois conclure une lettre d'entente avec le syndicat.

[83] Le plaignant a décidé de ne pas postuler pour le poste de marqueur car Monsieur Mansell lui aurait dit que même s'il se qualifiait, il ne pourrait être déplacé vers un tel poste car il n'avait pas suffisamment d'ancienneté. M. Mansell précise que le plaignant aurait pu être déplacé vers un poste de marqueur mais qu'il n'aurait pu avoir suffisamment d'heures pour subvenir à ses besoins en raison de son peu d'ancienneté Toutefois, le plaignant reconnaît que l'intimée lui aurait dit lors de la réunion du 22 décembre : Si tu réussis à passer la position de marqueur nous verrons si nous pouvons te trouver un emploi quelque part. [Traduction]

[84] Purolator et le syndicat ne se sont jamais rendus au point dans leur discussion où ils auraient envisagé la possibilité d'une entente spéciale qui aurait permis de déroger à la convention collective afin de déplacer le plaignant vers un poste de marqueur .

[85] Une deuxième réunion a lieu le 7 janvier 2000. Sont présents à cette réunion, le plaignant, Jimmy Mansell, Guy Wilson et Louise Fillion. Lors de la rencontre, ils discutent, dans un premier temps, des possibilités de relocaliser le plaignant au niveau des opérations mais, selon le témoignage de Madame Fillion, la condition médicale du plaignant fait en sorte que la seule possibilité dans les opérations était un poste de marqueur . Il est donc décidé de se concentrer sur les postes cléricaux.

[86] Le plaignant indique son désir de passer les tests de compétence pour les postes d'agent de soutien au RRP (le centre de contrôle des documents) et de téléphoniste au centre d'appels. Le plaignant réussira les tests de compétences pour les deux postes. Ces deux postes se trouvent dans une unité de négociation différente de celle des courriers soit le Syndicat canadien de l'Énergie et du Papier. Le plaignant choisira finalement le poste de téléphoniste au centre d'appels parce que c'est celui qui paie le mieux. Les possibilités d'avancement dans ce poste sont également plus intéressantes selon le plaignant.

E. Son poste au centre d'appel

[87] Le plaignant commence à travailler au centre d'appel le 25 janvier 2000. Son salaire est de 13.24 $ l'heure.

[88] Le plaignant, même s'il était déjà à l'emploi de Purolator était considéré, pour les fins de ce poste, comme un nouvel employé puisqu'il arrivait d'une autre unité d'accréditation. Il était donc soumis à la période de probation de 60 jours.

[89] Le 8 février 2000, Josée Nadon dit avoir rencontré le plaignant afin de lui expliquer, entre autres, les évaluations régulières qui sont faites des employés. En ce qui à trait aux évaluations, à tous les mois les employés doivent se soumettre à des tests de connaissance générale. Des écoutes mensuelles des communications des employés avec la clientèle sont également effectués et évalués par les superviseurs. À partir de ces évaluations, des rapports de qualité sont préparés pour chaque employé.

[90] Lors de son premier rapport de qualité en février 2000, le plaignant a obtenu une note de 84%. Selon Josée Nadon, les plus grandes difficultés du plaignant lors de cette évaluation sont qu'il parle trop vite, qu'il omet de confirmer certains renseignements et qu'il tutoie la clientèle. Au mois de mars 2000, son rapport de qualité montre que sa note augmente à 94%; au mois d'avril sa note est de 91%. On lui fait les mêmes critiques concernant son débit, son tutoiement et le fait qu'il omet parfois de confirmer certains renseignements.

[91] Le rapport de qualité pour le mois de mai 2000 n'a pas été produit en preuve et aucune raison n'ait donné pour expliquer son absence.

[92] Selon Madame Nadon, la moyenne pour les quatre évaluations d'appels du plaignant était de 89%. Elle ajoute qu'elle ne voyait aucune progression dans ses résultats, sauf entre février et mars. Toutefois, n'ayant pas le résultat pour mai, il est difficile pour moi de tirer cette conclusion.

[93] Pour les tests de connaissance générale, ses notes sont de 85% pour février 2000, 60% pour mars 2000 et 85% pour avril 2000. Notons que pour le mois d'avril, seule la note a été mise en preuve car les documents du test n'ont pas été trouvés. Au test de connaissance générale, du mois de mai 2000, le plaignant reçoit une note de 100%. Au niveau des examens sa moyenne pour les quatre mois était de 83%.

[94] Selon Madame Nadon, l'employeur exigeait que ses employés atteignent la note de 95% dans les deux évaluations. Elle ajoute que les évaluations de rendement du plaignant ne sont pas très bonnes. Elle dit qu'elle a rencontré le plaignant le 26 avril 2000 et lui a expliqué ce que l'employeur attendait de lui, les objectifs qu'il devait atteindre et qu'il avait un mois pour s'améliorer. Elle ajoute lui avoir indiqué qu'il était en probation et que s'il ne rencontrait pas ces attentes alors Purolator mettrait fin à son emploi.

[95] Le rendement du plaignant ne s'étant pas amélioré, Madame Nadon dit avoir discuté de son cas avec Madame Fillion qui elle en a discuté avec Monsieur Wilson. La décision est alors prise de mettre fin à l'emploi du plaignant. Selon leurs évaluations, le plaignant n'a pas les compétences pour occuper un poste de téléphoniste au centre d'appels.

[96] Le 9 juin 2000, Josée Nadon rencontre le plaignant et lui dit qu'il est congédié en raison de la qualité de son travail.

[97] Le plaignant affirme que son congédiement du centre d'appel a été pour lui une surprise puisqu'il ne s'attendait aucunement à cela. Il s'est dit choqué et découragé par cette décision de son employeur. Puisqu'il était en période d'essai et qu'il n'était pas permanent, il lui était impossible de déposer un grief. L'intimée n'a jamais considéré de le relocaliser dans un autre poste. Comme l'a souligné Madame Fillion Quand une personne, en période probatoire ... est terminée, on ne pense pas à le relocaliser dans un autre poste. S'il n'a pas les compétences pour faire une fonction ou un poste précis, écoutez, il n'a pas plus les compétences pour faire un autre.

[98] Après son congédiement, le plaignant dit avoir rencontré des responsables d'Emploi-Québec. Par leur entremise, il réussit à se faire accepter, pour septembre 2000, dans un cours d'agent de support technique pour ordinateur au collège John Abbott, à Sainte-Anne-de-Bellevue. Emploi-Québec paie pour le cours.

[99] Le 12 septembre 2000, le plaignant dépose une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. C'est également vers cette période que le plaignant présente au Régime des rentes du Québec une demande de prestation d'invalidité, rente qu'il recevra du mois d'octobre 2000 jusqu'à ce qu'il retourne sur le marché du travail après avoir terminé son cours au collège John Abbott. Il dit avoir présenté cette demande en raison de sa situation financière précaire. Les sommes qu'il recevait pour ses études étaient insuffisantes pour qu'il puisse subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

[100] À la mi-septembre 2000, il débute son cours au collège John Abbott. Il réussit avec succès les examens finaux. Il suit par la suite trois mois d'entraînement. Il se trouve un emploi avec une compagnie du nom de Gexel Telecom, un centre d'appel qui offre le support technique pour les utilisateurs de services haute-vitesse. En février 2002, il se trouve un nouvel emploi avec un autre centre d'appel, Sodema Télé-Performance où son travail consiste à offrir aux clients le support technique qu'ils ont besoin. Il travaille toujours pour cette entreprise.

III. QUESTIONS EN LITIGE

Les questions que j'ai à trancher peuvent se résumer ainsi :

  1. Le plaignant a-t-il été victime de discrimination fondée sur une déficience, de la part de l'intimée, Courrier Purolator Ltée?
  2. Si le Tribunal répond dans l'affirmative à la première question, alors l'intimée a-t-elle contrevenu à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne en refusant d'accommoder et de continuer d'employer le plaignant?
  3. Si le Tribunal répond dans l'affirmative à la deuxième question, alors quels sont les redressements auxquels a droit le plaignant?

IV. DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

Les disposition pertinentes de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont les suivantes :

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;

(2) Les faits prévus à l'alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l'alinéa (1)g), s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

V. ANALYSE ET DÉCISION

[101] Depuis les décisions de la Cour suprême dans les arrêts Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [appelé également Meiorin ] et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [appelé également Grismer ], la distinction classique entre la discrimination directe et la discrimination indirecte fait place à une méthode unifiée de traitement des plaintes relatives aux droits de la personne. Selon cette méthode, il incombe d'abord à la partie plaignante d'établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée.

[102] Une fois qu'une preuve prima facie de discrimination a été établie, il revient à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire comporte un motif justifiable. Dans cette optique, la partie intimée doit prouver :

  1. qu'elle a adoptée la norme à une fin ou dans un but qui est rationnellement lié à la fonction exécutée;
  2. qu'elle a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser le but légitime lié au travail, et sans qu'elle ait eu l'intention de faire preuve de discrimination envers le demandeur;
  3. que la norme contestée est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but poursuivi, c'est-à-dire l'exécution de la tâche de manière sûre et efficace. L'employeur doit démontrer qu'il ne peut composer avec le demandeur et les autres personnes touchées par la norme sans subir une contrainte excessive.

[103] Les arrêts Meiorin et Grismer comportent des paramètres qui permettent de déterminer si une défense fondée sur une contrainte excessive a été établie. Dans Meiorin, la Cour suprême fait observer que l'utilisation du mot excessive laisse supposer qu'une certaine contrainte est acceptable. Pour satisfaire à la norme, il faut absolument que la contrainte imposée soit excessive . Il peut être idéal, du point de vue de l'employeur de choisir une norme d'une rigidité absolue. Encore est-il que, pour être justifiée en vertu de la législation sur les droits de la personne, cette norme doit tenir compte de facteurs concernant les capacités uniques ainsi que la valeur et la dignité inhérentes de chaque personne, dans la mesure où cela n'impose aucune contrainte excessive.

[104] La Cour suprême fait également remarquer que l'intimé, afin de prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, a toujours la charge de démontrer qu'elle inclut toute possibilité d'accommodement sans qu'il en résulte une contrainte excessive. [Voir Grismer, précitée, par. 32.] Il incombe à l'intimé d'établir qu'il a examiné et raisonnablement rejeté toutes les formes viables d'accommodement. L'intimé doit démontrer qu'il était impossible d'incorporer dans la norme des aspects d'accommodement individuels sans qu'il en résulte une contrainte excessive. [Voir Grismer, précitée, par. 42.]

[105] Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que le plaignant souffre d'une déficience physique, la dystrophie myotonique de Steinert et je ne crois pas que j'ai besoin d'élaborer plus sur cette question. Cette déficience physique était d'ailleurs connue de l'intimée depuis l'embauche du plaignant.

[106] Une fois l'existence de cette déficience établie, il appartient maintenant à la Commission et au plaignant d'établir qu'il existe une preuve prima facie de discrimination. Si cette preuve est établie, le fardeau sera alors renversé sur l'intimée pour qu'elle justifie sa décision sur une exigence professionnelle justifiée.

[107] Afin de déterminer si une preuve prima facie a été établie, il est important de revenir sur la preuve entourant la réunion du 15 décembre 1998. Dans la conclusion du rapport écrit qu'il a préparé suite à son évaluation routière, George Foster écrit : Bien que ces problèmes ont une incidence sur la productivité de la compagnie, la principale raison de ces incidents est que Robert est atteint d'une maladie dégénérative appelée distrophie myotonique de Steinert. Je crois qu'il y a un sérieux problème de sécurité et d'image et que Robert ne peut accomplir les tâches de courrier selon les normes établies par la compagnie. [Traduction] (C'est moi qui souligne) Il est clair à la lecture de cet extrait que les raisons pour lesquelles Purolator retire le plaignant de son poste est sa déficience. Si cela n'était pas suffisant pour nous convaincre, il suffit de s'en remettre aux notes prises par Marie-Claude Pilon lors de la réunion du 15 décembre 1999, où elle écrit que M. Foster aurait dit Je t'ai vu échapper une boîte qui ne faisait même pas cinq livres. Que pense le client, que tu es ivre? [Traduction]

[108] Je suis d'avis que ces seuls éléments de preuve sont suffisants pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée. J'en conclus donc qu'une preuve prima facie de discrimination a été établie et qu'il revient maintenant à Purolator de justifier sa décision sur une exigence professionnelle justifiée.

[109] Sur ce point, si nous nous en tenons au témoignage de M. Wilson, la norme adoptée par Purolator a pour objectif la sécurité routière de ses employés, du public et des marchandises. Cette préoccupation pour la sécurité routière surviendrait, selon lui, dans le cadre de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, sanctionnée le 20 juin 1998 par le gouvernement québécois. Évidemment, il est impossible de fixer un objectif de sécurité routière absolue car le conducteur parfait n'existe pas. Comme la Cour suprême le fait remarquer dans l'arrêt Grismer, la capacité de conduire varie même chez les conducteurs dont la vision, l'ouïe et les réflexes sont excellents. [Grismer, supra, par. 26.] Nous sommes donc en présence d'un objectif de sécurité routière que je qualifierai de raisonnable . De plus, étant donné la nature des services offerts par Purolator, nous pouvons également identifier une autre norme dont l'objectif est l'efficacité dans l'exécution des tâches d'un courrier.

[110] Ayant déterminé la nature des objectifs que s'est donnée Purolator, il faut ensuite se demander si elle a établi, selon la prépondérance des probabilités, que ces objectifs de sécurité routière et d'efficacité sont rationnellement liés aux fonctions qu'elle exerce. En d'autres mots, il s'agit de savoir si le but visé (sécurité et efficacité) est rationnellement lié à l'exécution du travail en cause (la livraison de messagerie). Je suis d'avis qu'un lien rationnel a été démontré. Il existe indubitablement un lien entre la sécurité routière et l'efficacité et la livraison de messagerie par une entreprise privée de messagerie. En effet, l'entreprise qui utilise pour exercer son commerce des véhicules doit être consciente de la sécurité de ses employés, de celle du public en général et de la marchandise qu'elle a à transporter. Également, afin de maintenir sa position sur le marché, elle doit s'assurer que ses services soient offerts de la manière la plus efficiente possible.

[111] La troisième question est de savoir si la norme choisie par Purolator est raisonnablement nécessaire à la réalisation de l'objectif légitime visé. Pour satisfaire à cette exigence, elle doit démontrer que, pour réaliser ses objectifs, elle était incapable de composer avec des personnes comme le plaignant sans que cela lui impose une contrainte excessive.

[112] La Cour suprême nous propose dans l'arrêt Meiorin, une démarche afin de tenir compte des diverses manières dont il est possible de composer avec les capacités d'un individu. Outre les évaluations individuelles visant à déterminer si la personne a les aptitudes ou les compétences requises pour exécuter le travail, il y aurait eu lieu pour l'intimée de prendre en considération la possibilité d'exécuter le travail de différentes manières tout en réalisant l'objet légitime lié à l'emploi. Cette évaluation n'a jamais été faite par Purolator.

[113] Sur la question du risque que présentait le plaignant dans la conduite d'un véhicule, la preuve présentée à l'audience ne m'apparaît pas concluante. Dans le Formulaire de certification de route que George Foster a rempli lors de l'évaluation sur route, il n'a noté que deux incidents pour lesquels aucun rapport ne fut préparé.

[114] Dans sa lettre du 22 décembre 1998, adressée au Dr Rousseau, Marie-Claude Pilon mentionne, pour sa part, que le plaignant a été impliqué depuis 1993 dans 19 accidents de la route, mais elle ajoute immédiatement que chacun des accidents de la route est banal, un accrochage en tournant, un autre en reculant....aucun dommages très dispendieux .

[115] En 1997, le Dr Rousseau avait examiné pour une première fois le plaignant et elle constate qu'il est à risque d'accidents à cause de la dystrophie myotonique . Elle suggère qu'il serait probablement préférable de faire évaluer ses capacité réelles de conducteur par un ergothérapeute. La question de la sécurité dans la conduite du camion par le plaignant, ne semblait pas à ce moment inquiéter outre mesure Purolator puisqu'elle n'a pas donné suite à cette recommandation du Dr Rousseau et n'a pas retiré le plaignant de la route.

[116] Dans son deuxième rapport en 1999, le Dr Rousseau reprend sa recommandation de 1997 et suggère que le plaignant subisse une évaluation de ses capacités de conduite automobile auprès d'un ergothérapeute qualifié. Elle constate ce qu'elle qualifie de nombreux accidents dans lesquels le requérant a été impliquée et ajoute que dans l'ensemble, ces accidents démontrent des difficultés fonctionnelles de la part du requérant. J'ai de la difficulté à comprendre sur quels fondements s'appuie la Dr Rousseau pour arriver à cette conclusion. Puisqu'elle n'a pas été appelée à témoigner, je n'ai devant moi aucune preuve qui me permette d'apprécier les raisons qui l'ont amenée à porter ce jugement. Je dois sur ce point être d'accord avec l'opinion du témoin expert de la Commission et du plaignant, le Dr Noiseux et je conclus que cette conclusion ne découle pas logiquement des prémisses du rapport du Dr Rousseau.

[117] Je trouve également intéressante une autre conclusion du rapport du Dr Rousseau où elle affirme que la faiblesse musculaire actuellement évidente à l'examen objectif, quoique permettant au requérant de se livrer à la plupart des activités quotidiennes normales, est suffisante pour le mettre en position de risque excessif à l'intérieur de l'emploi qu'il occupe. Cette conclusion n'est pas nécessairement due, selon son rapport, au fait que le plaignant ait à conduire un camion lourd mais plutôt au fait qu'il ait à le faire sur une période de huit heures de travail par jour ce qui selon elle accentue indéniablement le risque d'accidents.

[118] Constatation intéressante également, elle ajoute n'avoir constaté aucune détérioration évidente ou grossière de la force musculaire du plaignant depuis son évaluation précédente. Alors pourquoi, Purolator décide-t-elle maintenant de prendre action alors qu'en 1997 devant l'état plus ou moins similaire du plaignant, elle n'avait pas jugé la situation suffisamment sérieuse pour agir? La seule différence serait selon M. Wilson l'adoption en 1998, de la loi québécoise mais la preuve sur cette question est trop fragmentaire pour en faire une exigence professionnelle justifiée dans le présent cas.

[119] Il n'y a aucune preuve également d'une tentative de la part de Purolator de chercher à voir s'il ne serait pas possible d'accommoder le plaignant dans sa fonction de courrier ou dans une autre fonction sans que cela ne lui pose une contrainte excessive.

[120] Dans son argumentation l'avocate de Purolator fait mention de la décision Brimacombe c. Norhtland Road Services Ltd, British Columbia Human Rights Council, rendue le 17 juin 1998, pour justifier la requête de Purolator de retirer le plaignant de la route dans l'attente de son examen médical. Toutefois dans la décision Brimacombe, une fois la note médicale demandée fournie, Norhtland, l'employeur, a accommodé la déficience de Brimacombe en l'affectant à un autre poste. [Voir par, 84]. Dans le cas qui nous intéresse, Purolator n'a pas agi ainsi mais a plutôt cessé de verser son salaire au plaignant et lui a suggéré d'appliquer pour l'assurance-invalidité.

[121] En ce qui concerne les problèmes d'efficacité du plaignant, Purolator n'a soumis au tribunal aucune preuve de plaintes de clients par rapport au travail du plaignant. Seule George Foster trouve à se plaindre de l' image que projette le plaignant, de sa manière de marcher qui est trop lente, de sa façon de transporter les colis. Ici également aucune tentative d'accommodement, même que Monsieur Foster trouve le moyen de critiquer la manière dont le plaignant procède pour transporter des colis du quai d'embarquement au camion et qui lui permet d' accommoder sa déficience.

[122] A-t-on réussi à démontrer qu'il était absolument impossible à une personne atteinte de la déficience en cause de répondre à l'objectif souhaité de sécurité routière raisonnable et à celui d'efficacité? A-t-on réussi à démontrer que tout accommodement imposait une contrainte excessive? La réponse est évidemment non. La preuve de Purolator est loin d'être suffisante.

[123] Je conclus donc que, entre le 15 décembre 1998 et 25 janvier 2000, Purolator n'a pu démontrer de manière satisfaisante qu'en raison de sa déficience le plaignant ne pouvait répondre à l'objectif de sécurité routière raisonnable et à celui d'efficacité sans que cela lui impose une contrainte excessive et qu'elle avait donc l'obligation de chercher à accommoder le plaignant dans l'exercice de ses fonctions. Renvoyer le plaignant chez-lui, sans solde à partir de la fin janvier et lui suggérer de demander pour l'assurance-invalidité n'est certainement pas une forme d'accommodement acceptable.

[124] Il faut plus que des efforts négligeables de la part de l'employeur pour satisfaire à son obligation d'accommodement. L'accommodement ne se limite pas au seul fait de déterminer si le plaignant peut faire son travail actuel. La responsabilité d'amorcer le processus d'accommodement revient à l'employeur. [Voir Conte c. Rogers Cablesystems Ltd., D.T. 4/99, décision rendue le 10 novembre 1999.]

[125] L'avocate de Purolator a fait état à plusieurs reprises dans son argumentation finale de ce qu'elle qualifie de la stratégie que le syndicat et le plaignant avaient adoptée pendant cette période et qui consistait à revendiquer la réintégration du plaignant dans son poste de courrier. Je n'accorde que peu d'importance à cet argument. Le plaignant devant la situation difficile qu'avait créé la décision de Purolator de le retirer de son poste n'avait d'autre choix que de chercher à protéger ses droits en vertu de la convention collective. Devant cette décision, rien n'empêchait Purolator d'entamer immédiatement le processus d'accommodement du plaignant comme Monsieur Océan et le plaignant l'avaient demandé dès la réunion du 15 décembre. Nous nous souviendrons qu'à ce moment M. Foster aurait répondu qu'il n'avait rien de disponible pour lui et que Marie-Claude Pilon aurait ajouté que le plaignant irait sur l'assurance et après on verrait.

[126] Qu'en est-il cependant de la période s'étendant entre janvier 2000 et juin 2000, période pendant laquelle le plaignant travaillait au centre d'appel de Purolator? Je conviens que l'obligation d'accommodement impose à l'employeur de considérer des alternatives incluant le remaniement des fonctions essentielles, le replacement de l'employé dans un autre poste et même la création d'un poste adapté à la condition de l'employé. Cette obligation est toujours sujette évidemment à la notion de contrainte excessive .

[127] La preuve démontre qu'à partir de décembre 1999, un effort raisonnable a finalement été entrepris par Purolator pour accommoder le plaignant. Monsieur Wilson a témoigné à l'effet qu'il avait fait une évaluation des différents postes disponibles aux opérations et qu'il en était venu à la conclusion que le poste qui serait le plus approprié pour le plaignant, puisqu'il exigeait un effort physique moins important, était le poste de marqueur . Il a de plus indiqué que Purolator était prêt à considérer un arrangement particulier avec le syndicat afin de trouver un tel poste pour le plaignant. Toutefois, sur l'avis de son représentant syndical Monsieur Mansell, le plaignant a décidé de rejeter cette possibilité.

[128] Lors de son argument final, l'avocat de la Commission a soulevé le fait que Purolator n'avait pas regardé la possibilité d'accommoder le plaignant dans un autre poste tel que les postes de trieurs ou encore de concierge. Je considère que la preuve présenté par M. Wilson démontre que Purolator a considéré ces autres possibilités mais qu'elle les a rejetées car elle était d'avis qu'il exigerait un effort physique trop important pour le plaignant. Les autres possibilités se trouvaient dans les services cléricaux et notamment dans les services à la clientèle. Finalement, le plaignant a accepté un poste au centre d'appel.

[129] L'avocat de la Commission nous invite cependant à tenir compte des conditions dans lesquelles le plaignant a été placé dans ce nouveau poste, notamment le fait qu'il était soumis à une période de probation de six mois. Je tiens à rappeler que le devoir d'accommodement ne requiert pas qu'une partie s'écarte de manière importante des dispositions de la convention collective. [Brimacombe - par. 75] Dans le contexte, présent le plaignant avait été informé des conditions dans lesquelles se présentait ce nouveau poste et il les a acceptées.

[130] Le droit d'accommodement impose-t-il que l'on maintienne le lien d'emploi à tout prix? Il faut que l'on approche l'obligation d'accommodement avec un certain bon sens. À compter du moment où le plaignant a accepté un poste qui respecte entièrement ses capacités, il ne requérait plus d'aménagement particulier pour satisfaire à ses limitations. La preuve ne démontre pas que le plaignant avait des limitations à l'égard du poste de téléphoniste. Ses problèmes dans ce poste étaient essentiellement des problèmes de performance. À partir de ce moment, il devient assujetti aux même règles et évaluation de performance que tous les autres employés.

[131] Je considère qu'il faut être prudent et se garder de reconnaître un droit à l'accommodement qui confère le privilège de conserver un lien d'emploi pour un employé handicapé pour aussi longtemps qu'il demeure dans l'entreprise. L'obligation d'accommodement doit être de permettre à l'employé handicapé de conserver son emploi, dans la mesure où il demeure capable d'en exercer les tâches.

[132] L'idée que l'obligation d'accommodement conférerait aux employés comme le plaignant un véritable droit au maintien du lien d'emploi est en contradiction flagrante avec l'existence même de la défense d' une exigence professionnelle justifiée . De plus, comme le souligne le Professeur Laflamme dans son article L'obligation d'accommodement confère-t-elle aux personnes handicapées un droit à l'emploi? (2002) 62 Rev. du B. 125, à la page 156 elle risque de nuire à une véritable et durable intégration des personnes handicapées sur le marché du travail.

[133] En conséquence, je conclus que le plaignant a été victime de discrimination fondée sur une déficience, en ce que Purolator a refusé de l'accommoder et de continuer de l'employer contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne pendant la période s'étendant du 15 décembre 1998 au 25 janvier 2000 et que pour cette violation, il a droit aux redressements suivants.

VI. REDRESSEMENT

[134] Selon l'alinéa 53(2)c) de la Loi, à l'issu de l'instruction le membre instructeur qui juge la plainte fondée peut indemniser la victime pour la perte de salaire et des dépenses entraînées par l'acte.

[135] Dans le cas du plaignant, je considère qu'il a droit à être indemnisé pour la perte de salaire qu'il a subie entre le 15 décembre 1998 et le 25 janvier 2000. Selon la preuve présentée à l'audience, le dernier jour de paie du plaignant chez Purolator était le 5 février 1999 et son premier jour de travail au centre d'appel était le 25 janvier 2000. Je comprend qu'à partir d'octobre 1999, le plaignant avait une restriction sur son permis l'empêchant de conduire un camion. Toutefois, je conclus que Purolator avait toujours à ce moment un devoir d'accommodement à son endroit.

[136] J'ordonne donc que Purolator verse au plaignant les revenus qu'il a perdus en salaire entre le 5 février 1999 et le 25 janvier 2000. Ce montant sera calculé selon le taux horaire de salaire prévu par la Convention collective alors en vigueur pour un courrier avec l'ancienneté du plaignant. Afin de tenir compte du temps supplémentaire que le plaignant aurait pu faire durant cette période, j'ordonne que le salaire soit calculé sur une base de 37.5 heures de travail par semaine.

[137] En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'alinéa 53(2) e) de la loi, j'ordonne également que l'intimé verse la somme de 5 000 $ pour le préjudice morale que sa conduite a causé au plaignant.

[138] Comme l'a indiqué le plaignant lors de l'audience, il devra à partir de cette somme rembourser les revenus qu'il a reçus du programme d'assurance-emploi pendant cette période.

[139] En ce qui a trait à la réclamation pour la perte de salaire future, je considère qu'il n'y pas lieu d'émettre d'ordonnance en ce sens.

[140] J'accepte la réclamation pour le montant en pénalité que le plaignant a dû payer le 18 février 1999 au terme du contrat de location de sa voiture qu'il a dû terminer prématurément. J'ordonne à l'intimé de rembourser au plaignant la somme de 24 449.82 $

[141] Je ne retiens pas, faute de preuve, les réclamations du plaignant au terme de l'assurance médicaments, les frais de médiateur, le prêt qu'il aurait présumément fait auprès de son père et les pertes à son fonds de pension.

[142] Selon les pouvoirs qui me sont conférés par le par. 53(3) de la Loi, j'ordonne à Purolator de payer au plaignant une compensation de 7 500 $ pour la nature inconsidérée de son acte. Je considère que l'attitude de George Foster lors de la réunion du 15 décembre 1998, justifie à elle seule cette ordonnance. Je pourrais également ajouter la lenteur avec laquelle les responsables de Purolator ont procédé dans ce dossier, du moins jusqu'à décembre 1999 et leur attitude de tout simplement croire qu'il suffisait de renvoyer le plaignant sur l'assurance-invalidité pour rencontrer leurs obligations.

[143] Conformément au paragraphe 53(4) de la Loi et à la Règle 9(12) des Règles de procédure provisoires du Tribunal, j'accorde au plaignant les intérêts sur les montants ci-haut mentionnés à être calculés au taux simple sur une base annuelle en utilisant le taux applicable aujourd'hui aux obligations d'épargne du Canada. Les intérêts commencent à courir à partir du 12 septembre 2000 date à laquelle une plainte a été déposée par le plaignant à la Commission.

[144] Purolator est responsable de faire le calcul de ces montants dans les meilleurs délais et d'en informer aussitôt par écrit le plaignant et la Commission en fournissant les détails de ceux-ci.

[145] J'ordonne également que Purolator en consultation avec la Commission prenne des mesures destinées à prévenir des actes semblables à l'avenir.

[146] Finalement, j'accepte de maintenir ma compétence en ce qui concerne les incidences fiscales de mon ordonnance relative aux pertes de revenu et concernant la mise en uvre des mesures de redressement que je viens d'ordonner.

Signé par


Michel Doucet

Fait à Ottawa (Ontario)

Le 7 décembre 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T768/1803

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Robert Coulter c. Courrier Purolator Limitée

DATE ET LIEU

DE L'AUDIENCE :

Les 11 au 13 janvier 2004

Les 19 au 22 janvier 2004

Les 19 au 23 avril 2004

Montréal (Québec)

DATE DE LA DÉCISION

DU TRIBUNAL :

Le 7 décembre 2004

ONT COMPARU :

Robert Coulter

En son propre nom

Giacomo Vigna

Pour la Commission canadienne des droits de la

personne

Louise Béchamp

Pour Courrier Purolator Limitée

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