Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Paulette Toth

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Kitchener Aero Avionics

l'intimé

Décision

Membre : Dr Paul Groarke
Date : Le 18 mai 2005
Référence : 2005 TCDP 19

Table des matières

I. Introduction

II. La doctrine de la chose jugée

A. La cause satisfait‑elle au critère énoncé dans Danyluk?

(i) La décision était finale

(ii) Les parties sont les mêmes

(iii) La question est la même

III. Réparations additionnelles

IV. Ordonnance

I. Introduction

[1] L’intimée a présenté une requête pour obtenir la suspension ou le rejet de la plainte en se fondant sur la doctrine de la chose jugée. L’avis de requête mentionne que la cause a déjà été entendue en vertu de la partie III du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2. Il en découle que la question dont le Tribunal est saisi a déjà été tranchée.

[2] Les faits qui ont donné lieu à la plainte sont relativement simples. Mme Toth a été embauchée en 2000. Elle a par la suite subi un traitement de fécondation in vitro, puis elle est tombée enceinte. Elle prétend que M. Aylward, le président de la société, n’a pas apprécié le fait qu’elle prenne un congé de maladie et un congé de maternité en raison de ce traitement.

[3] En 2002, Mme Toth a déposé une plainte relative aux droits de la personne en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6, prétendant qu’elle avait fait l’objet de discrimination. Son poste fut aboli l’année suivante. On a ensuite modifié la plainte relative aux droits de la personne pour y ajouter la cessation d’emploi.

[4] Il ne s’agit là que de la moitié de l’histoire. Il s’est avéré que Mme Toth a également déposé une plainte en vertu  du Code canadien du travail, prétendant qu’elle avait fait l’objet d’un congédiement injuste. Une audience a été tenue en avril 2004. L’arbitre a conclu que Mme Toth avait été injustement congédiée et a ordonné à l’intimée de lui payer son salaire tenant lieu de préavis.

[5] La requête dont je suis saisi s’est déroulée par voie de voir-dire. Les deux parties ont déposé un affidavit : un affidavit soumis par M. Salveta, un conseiller en ressources humaines qui a représenté l’intimée à l’audience en matière de droit du travail et un affidavit soumis par la plaignante. Il y a eu un contre‑interrogatoire au sujet des affidavits. Mme Toth a souscrit à l’opinion que l’attitude de M. Aylward à l’égard de sa grossesse était l’élément central lors de l’audition de la plainte en matière de droit du travail.

[6] M. Taylor a comparu pour l’intimée. Il a prétendu que les questions en litige dans la présente instance sont identiques à celles qui ont été soumises à l’arbitre en vertu du Code canadien du travail. À son avis, la question essentielle dans l’audition de la plainte en matière de droit du travail était de savoir si Mme Toth avait fait l’objet de discrimination parce qu’elle avait subi un traitement de fécondation in vitro et qu’elle était tombée enceinte. C’est de cette question dont le Tribunal est saisi.

[7] M. Verbanac a comparu pour la plaignante. Il a prétendu que lors de l’audition de la plainte déposée en vertu du Code canadien du travail, on a traité des questions financières et des questions d’emploi. On n’a pas traité des questions relatives à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela semble peu convaincant. M. Taylor me renvoie à l’énoncé des précisions de la plaignante dans lequel on mentionne que l’argument présenté par la plaignante devant le Tribunal  suivra une formule analogue à l’argument présenté devant l’arbitre. 

[8] L’intimée reconnaît qu’il peut y avoir des cas où des procédures intentées en vertu du Code canadien du travail et des procédures intentées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de personne concernant la perte d’emploi peuvent faire l’objet de distinction. En l’espèce, toutefois, elle prétend que la plaignante a déjà gagné sa cause. On aurait tort de la laisser s’adresser au Tribunal et de tenter d’obtenir des réparations supplémentaires.

II. La doctrine de la chose jugée

A. La cause satisfait-elle au critère énoncé dans Danyluk?

[9] Selon la doctrine de la chose jugée, les décisions judiciaires ont à tout le moins un caractère définitif. Elles peuvent être opposées à tous. Cette doctrine a été étendue au contexte administratif et elle est maintenant d’application générale. Le volet particulier de la doctrine qui semble s’appliquer en l’espèce est communément appelé la préclusion fondée sur la cause d’action. On prétend essentiellement que la cause a été entendue. Elle ne peut pas être entendue une autre fois.

[10] M. Taylor et M. Verbanac ont convenu que trois conditions doivent être réunies pour que l’on puisse faire intervenir la doctrine de la chose jugée. Ces conditions sont énumérées dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc. [2001] 2 R.C.S. 460, page 477. Elles sont les suivantes :

  1. la partie qui invoque la doctrine doit démontrer que la décision antérieure est finale;
  2. elle doit démontrer que les parties sont les mêmes et
  3. elle doit démontrer que la même question a été décidée.

(i) La décision était finale

[11] La plaignante accepte que la décision de l’arbitre en l’espèce était finale. L’intimée n’est toutefois pas convaincue de cela et invoque l’article 243 du Code canadien du travail.  Cet article est ainsi libellé :

243(1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire, notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto, visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

L’intimée prétend que je ne peux pas réexaminer les questions examinées par l’arbitre sans contrevenir à l’objet visé par cette disposition.

(ii) Les parties sont les mêmes

[12] L’avocat de la plaignante prétend que la Commission canadienne des droits de la personne n’était pas partie à l’audience tenue quant à la plainte déposée en vertu du Code canadien du travail. Il en découle que les parties aux deux audiences ne sont pas les mêmes.

[13] M. Verbanac invoque la décision rendue par le Tribunal dans Parisien c. Commission de transport régionale Ottawa-Carleton, TCDP T699/0402 (15 juillet 2002), dans laquelle le plaignant avait déposé un grief qui a été rejeté. La Commission canadienne des droits de la personne, laquelle a comparu à l’instruction sur les droits de la personne, n’avait pas participé au processus de grief. Le Tribunal a conclu que la doctrine de la chose jugée ne s’appliquait pas.

[14] Le Tribunal, dans Parisien, a reconnu que le processus en matière de droits de la personne fait appel à des droits fondamentaux qui vont au‑delà des droits privés des parties. Cela peut avoir une incidence sur d’autres causes. J’ai toutefois affaire à des faits forts différents. La Commission canadienne des droits de la personne, laquelle représente l’intérêt public, n’a pas comparu à l’audience en l’espèce.

[15] Il y a une complication. Bien que la Commission eût informé le Tribunal qu’elle n’avait rien à dire dans le cadre de la requête, elle continue d’affirmer qu’elle est toujours partie à l’instruction. Je crois que la façon de se sortir de cette difficulté est de reconnaître que les termes juridiques ont une certaine souplesse. La Commission est peut‑être partie à la présente instruction à certaines fins mais pas à certaines autres. Je suis toutefois convaincu qu’elle n’est pas partie aux fins de déterminer si la doctrine de la chose jugée s’applique.

[16] Il s’agit en fin de compte d’une question d’équité. L’objectif visé par la question de déterminer si la Commission est partie dans le contexte de la requête immédiate consiste surtout à déterminer si elle a été privée de la possibilité de traiter des questions en litige de l’espèce. Je ne vois pas comment on peut faire une telle affirmation dans les présentes circonstances. Il s’ensuit que les parties devant moi, aux fins de la chose jugée, sont les mêmes parties qui ont comparu devant l’arbitre lors de l’audience de la plainte en matière de droit du travail.

(iii) La question est la même

[17] La question la plus difficile consiste à savoir si la question dont le Tribunal est saisi est la même que celle dont l’arbitre a été saisi. M. Verbanac a prétendu que la question dont l’arbitre a été saisi était de savoir si l’abolition du poste de la plaignante pouvait être justifiée par des raisons liées aux affaires et à l’emploi. L’intimée affirme que cela ne fait que refléter la procédure intentée en vertu du Code canadien du travail, lequel impose à l’employeur de justifier la cessation d’emploi. Cela oblige l’employeur à parler le premier.

[18] L’arbitre, au premier paragraphe de sa décision arbitrale, énonce la position prise par les deux parties lors de l’audience de la plainte en matière de droit du travail. Il a écrit ce qui suit : [Traduction] L’employeur affirme que l’emploi de Mme Toth a pris fin pour des raisons d’affaires légitimes, c’est‑à‑dire en raison d’une baisse des bénéfices et en raison du fait que ses anciennes tâches ont été réparties entre le reste des employés. La plaignante a répondu [Traduction] que la raison de la cessation de son emploi était que l’employeur s’opposait à ce qu’elle prenne un congé de maladie, puis un congé de maternité après avoir été fécondée in vitro.

[19] Il ressort de la décision de l’arbitre que la cause de la plaignante a été entendue en prenant pour acquis que l’attitude de l’intimée à l’égard de sa grossesse était tout à fait incorrecte. La plaignante a prétendu que les raisons d’affaires avancées par l’intimée n’étaient rien de plus qu’un prétexte qui a été donnée pour justifier la cessation de son emploi. Il s’agit d’un argument souvent invoqué dans la jurisprudence en matière de droits de la personne.

[20] Il n’existe pas de transcription de l’audience de la plainte en matière de droit du travail. Mme Toth a néanmoins affirmé à l’arbitre que l’attitude de M. Aylward avait changé après qu’il eut appris qu’elle subissait des traitements de fertilisation in vitro. Elle a convenu à la barre que sa cause devant l’arbitre portait uniquement sur sa grossesse ainsi que sur son congé de maternité. Comme l’a dit M. Salveta l’essentiel de sa position était que M. Aylward avait aboli son poste parce qu’elle était tombée enceinte.

[21] Je ne pense pas qu’il en soit autrement. La question de droit dont le Tribunal est saisi est de savoir si Mme Toth a été victime de discrimination. La question de droit dont l’arbitre était saisi était de savoir si elle avait été injustement congédiée. Ces deux questions se recoupent. La décision de l’arbitre était fondée sur la conclusion que l’attitude de M. Aylward à l’égard de la grossesse avait influencé sa décision d’abolir son poste. Je crois que cela constitue une conclusion de discrimination.

[22] Si Mme Toth a été injustement congédiée, c’est parce qu’elle a été victime de discrimination. Il s’ensuit que l’arbitre était implicitement saisi de la même question. Une décision rendue en faveur de l’intimée dans la plainte en matière de droits de la personne contredirait la décision de l’arbitre. Il ne serait pas possible de conclure que le poste de la plaignante a été aboli à bon droit sans contrevenir à la clause privative énoncée à l’article 243 du Code canadien du travail.

[23] La situation pourrait être différente s’il y avait une allégation distincte de harcèlement, laquelle pourrait être dissociée de la cessation d’emploi. Toutefois, les questions factuelles sous‑jacentes dans les deux audiences sont les mêmes. L’arbitre a dû tenir compte de l’ensemble du comportement de l’intimée pour tirer ses conclusions. Toute autre allégation fait partie intégrale du comportement qui a mené à la cessation de l’emploi. Tout cela va ensemble.

[24] L’intimée a prétendu que la présente instance est régie par le principe mentionné par la juge Abella dans Rasanen c. Rosemount Instruments Limited [1994] O.J. no 200 (C.A. Ont.). Le plaignant dans Rasanen avait demandé une indemnité de licenciement en vertu de la Loi sur les normes d’emploi, L.R.O. 1980, ch. 137. Il a également intenté une poursuite pour congédiement injustifié. Une audience a été tenue par un arbitre en vertu de la Loi sur les normes d’emploi, avant l’instruction de l’affaire par le tribunal.

[25] La juge Abella a souscrit à l’opinion du juge de première instance, lequel a conclu que le principe de la chose jugée s’appliquait. À la page 278, elle écrit que la question en litige dans les deux instances ne doit pas être interprétée de façon restrictive.

J’estime que la question à trancher en l’instance est la même que celle qui a été décidée dans l’instance antérieure relative à la Loi sur les normes d’emploi : l’employé a‑t‑il droit à une indemnité en cas de licenciement par l’employeur? Il est vrai que dans la Loi sur les normes d’emploi, cette question est formulée en des termes qui diffèrent de ceux que l’on retrouve dans la common law. Mais l’existence d’une différence sur le plan de la qualification et du processus ne veut pas dire, en l’espèce, que les questions sont différentes.

Je suis conscient que les réactions à Rasanen ont été quelque peu partagées. Je crois néanmoins que le même raisonnement s’applique en l’espèce.

[26] Il y a une saine mesure de bon sens dans l’analyse faite par la juge Abella. Le fait qu’il y avait des différences dans les deux instances n’a pas été déterminant. Les parties dans Rasanen ont eu la possibilité de convoquer des témoins, de présenter leurs arguments et de répondre à la position de l’autre partie. La substance des allégations était la même.   Cela suffisait pour faire intervenir le principe de la chose jugée.

[27] Je crois qu’il y a probablement une exception concernant l’intérêt public, laquelle exception pourrait s’appliquer dans une cause qui soulève des questions qui vont au‑delà des intérêts privés des parties. Le Tribunal a implicitement reconnu cela en refusant d’appliquer la doctrine lorsque la Commission des droits de la personne décide de comparaître. La présente affaire ne soulève toutefois pas ce genre de questions et ressemble plutôt à un litige privé.

[28] Le principe énoncé dans Rasanen est qu’une cause ne doit être entendue qu’une seule fois. On dit parfois qu’une partie ne peut pas plaider par tranches. Si une audience ou un procès comporte des lacunes; ce problème peut être traité par voie de révision ou d’appel.  Mais c’est là que ça se termine. On aurait tort de laisser un plaignant recommencer de nouveau, simplement en déplaçant une cause dans un autre régime législatif.

[29] La plaignante a renvoyé à des causes dans lesquelles les arbitres ont refusé d’entendre des allégations de discrimination ou de harcèlement au motif que le plaignant disposait d’un redressement possible en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je crois que la situation en l’espèce est différente. S’il est clair, dès le début d’une audience qu’il est préférable de déposer une plainte en vertu d’une autre loi, il est logique qu’un arbitre refuse d’entendre la cause. En l’espèce, la plaignante a allégué la discrimination au cours d’une audience qui a été tenue à bon droit par l’arbitre.

III. Réparations additionnelles

[30] Cela ne permet pas de régler complètement le cas de la requête. On a conclu dans la décision Danyluk qu’il existe un élément discrétionnaire dans la doctrine de la chose jugée. Même si les exigences techniques de la loi ont été satisfaites, M. Verbanac prétend que la plaignante devrait avoir le droit de demander des réparations additionnelles en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[31] Comme première réparation, la plaignante demande le paiement d’une prime facultative. Il s’agit d’une question qui découle naturellement de la cessation de l’emploi de Mme Toth. L’arbitre a tranché explicitement cette question. Je ne vois pas comment je peux réexaminer cette question sans examiner le fond de sa décision, laquelle est protégée par l’article 243 du Code canadien du travail

[32] Ensuite il y a la question du préjudice moral. M. Verbanac affirme que sa cliente n’a droit à aucune indemnisation pour préjudice moral en vertu du Code canadien du travail. M. Taylor ne souscrit pas à cette opinion. Il m’a renvoyé au paragraphe 242(4) du Code canadien du travail, lequel accorde à l’arbitre le pouvoir d’enjoindre à l’employeur de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier. Ce libellé est très large.

[33] M. Taylor m’a également renvoyé à un certain nombre de causes. Dans Greyeyes c. Ahtahkakoop Cree Nation, [2003] C.L.A.D. no 205, par exemple, au paragraphe 45, un arbitre a déclaré que l’objet visé par l’octroi d’une indemnité en vertu des dispositions pertinentes du Code canadien du travail est de replacer le plaignant dans sa position antérieure. Il est mentionné au paragraphe 51 de cette décision que cela comprend un dédommagement [Traduction] pour tout préjudice psychologique subi suite à un congédiement illégal. Dans Papequash c. Key Indian Band, [2003] C.L.A.D. no 142, paragraphe 226, un arbitre a accordé une indemnité pour [Traduction] souffrances morales.

[34] La plaignante prétend qu’il s’agit‑là de cas exceptionnels. Même si un arbitre a le pouvoir d’accorder des dommages‑intérêts pour souffrances mentales, il s’agit d’une forme de redressement exceptionnelle qui est rarement demandée ou qui est rarement accordée. Un arbitre n’a pas le pouvoir explicite dont jouit le Tribunal dans ce domaine.

[35] La plaignante a également demandé une réparation en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel accorde au Tribunal le pouvoir d’indemniser un plaignant victime d’un acte délibéré ou inconsidéré. Ce recours n’existe manifestement pas en vertu du Code canadien du travail. On m’a néanmoins soumis de la jurisprudence à l’appui de la proposition que l’attribution de dommages‑intérêts punitifs est disponible en vertu de l’article 242 du Code canadien du travail. Ces genres de dommages‑intérêts ont été décrits par lord Devlin dans Rookes c. Barnard, [1964] A.C. 1129, [1964] 2 W.L.R. 269, [1964] 1 All E.R. 367 (H.L.), à la page 1121. Je crois qu’ils constituent une forme similaire de réparation.

[36] Il existe un chevauchement important dans les réparations prévues par le Code canadien du travail et les réparations que la plaignante demande en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’arbitre aurait pu indemniser la plaignante pour troubles émotionnels, ne fut‑ce qu’en prorogeant la période du salaire tenant lieu de préavis. Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu qu’une plaignante a droit de demander des réparations additionnelles au cours d’une seconde audience en vertu d’une autre loi. La réparation additionnelle qui pourrait être demandée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne suffit pas pour justifier la tenue d’une seconde audience.

[37] La présente décision s’applique naturellement aux faits de l’espèce. J’ai déjà mentionné qu’il existe une exception, dans les cas où on doit avoir recours à une réparation mettant en cause l’intérêt public qui n’est pas disponible en vertu du Code canadien du travail. Toutefois, les réparations demandées par la plaignante en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont personnelles et compensatoires. Elles ne mettent pas en cause l’intérêt public général et elle n’écarte pas la cause de la sphère du litige privé. 

[38] Il existe d’autres considérations. Par exemple, il est important de souligner que l’intimée n’a pas droit aux dépens en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je crois qu’il serait injuste de l’obliger à subir la tenue d’une deuxième audience, à ses frais, alors que l’affaire a déjà été tranchée par un autre tribunal.  

[39] Je ne vois aucune raison pour ne pas appliquer la doctrine de la chose jugée en l’espèce. Le fait qu’il existe des différences, voire des différences importantes, dans les réparations disponibles dans les différents tribunaux, n’est pas suffisant pour justifier la tenue d’une seconde audience. La juge Abella a reconnu dans Rasanen que l’on pouvait demander des [Traduction] réparations élargies dans le cadre de la poursuite. Cela n’avait pas d’importance. Une partie n’a droit qu’à un seul jugement.

[40] Il est évident que Mme Toth dispose d’autres sources de redressement. Par exemple, elle aurait pu intenter une poursuite pour congédiement abusif. Il semble clair qu’elle n’a pas le droit de faire cela. Je crois qu’elle doit être empêchée de le faire en l’espèce. C’est trop me demander que de conclure que le Tribunal peut, par l’un ou l’autre moyen, examiner la question de la cessation d’emploi, malgré le fait que la cour ne peut pas le faire. Les causes citées par la plaignante sont différentes quant aux faits.

IV. Ordonnance

[41] On me demande dans la requête de surseoir à la plainte ou de la rejeter. Je ne sais pas exactement en quoi consisterait un sursis en l’espèce. En outre, le Tribunal a été créé par la loi et il détient des pouvoirs limités. De plus, on m’a présenté des éléments de preuve qui touchent, du moins implicitement le bien‑fondé de la cause. Enfin, il y a le fait que la doctrine de la chose jugée est fondée sur la nécessité que les décisions rendues par les tribunaux doivent avoir un caractère définitif. Dans les circonstances, j’estime que le mieux à faire est de rejeter la plainte.

Signée par

Dr Paul Groarke
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 18 mai 2005

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T986/10604

Intitulé de la cause : Paulette Toth c. Kitchener Aero Avionics

Date de la décision du tribunal : Le 18 mai 2005

Date et lieu de l’audience : Les 4 au 6 avril 2005
Kitchener (Ontario)

Comparutions :

Bernard Verbanac, pour la plaignante

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerry Taylor et Jennifer Breithaupt, pour l'intimée

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