Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier no T470/1097
Décision no 6

Affaire intéressant
LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE,
L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

ENTRE :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

la plaignante

-et-

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

-et-

MINISTRE DU PERSONNEL DU
GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
À TITRE D'EMPLOYEUR

l'intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE
SUR LA REQUÊTE POUR DÉTAILS SUPPLÉMENTAIRES DE LA COMMISSION

Membres instructeurs : Paul Groarke, président
Jacinthe Théberge, membre
Athanasios Hadjis, membre

Ont comparu : Judith Allen
Au nom de la plaignante

Rosemary Morgan/Ian Fine
Au nom de la Commission

Guy Dufort/Thomas Brady
Au nom de l'intimé

Dates et lieu de l'audience : 8, 11 et 14 février 2000
Ottawa

Le 6 décembre 1999, nous avons ordonné à l'intimé de fournir aux autres parties des détails quant à son allégation voulant que la plaignante ait agi de mauvaise foi lorsqu'elle a négocié les salaires pertinents et déposé la plainte. Le Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a préparé par la suite un document intitulé Détails du Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui a été transmis aux autres parties avant Noël. Les parties se sont ensuite réunies le 4 janvier pour discuter d'un certain nombre de préoccupations relativement à ces détails.

Les détails fournis par le Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ont été déposés en preuve (pièce R-12.2). Une lettre de trois pages à Me Morgan datée du 21 janvier 2000 a également été déposée en preuve (pièce R-12.3). La lettre porte sur un certain nombre de questions soulevées par la Commission dans le cadre des discussions entre avocats. Il semble que la Commission canadienne des droits de la personne n'ait pas été satisfaite de ces observations; elle a présenté un avis de motion demandant qu'on ordonne au Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de mieux se conformer à notre décision du 6 décembre 1999. La plaignante a été solidaire de la Commission et a appuyé la motion.

L'avis de motion, qui fait état d'un certain nombre de présumées lacunes au niveau des détails fournis, était accompagné d'un exposé écrit et de pièces à l'appui. À la fin de l'exposé, la Commission demande au Tribunal d'ordonner à l'intimé [Traduction] de fournir des réponses aux questions énoncées au paragraphe 11 de cet avis. Ce paragraphe formule une demande de renseignements supplémentaires à propos de cinq points, qui sont précisés ci-dessous.
La première demande énoncée au paragraphe 11 vise à obtenir des détails quant à la façon dont la plaignante aurait pu connaître l'ampleur de tout écart salarial avant la fin de l'étude conjointe sur la parité salariale. Cependant, cette demande ne porte pas sur les faits essentiels, mais plutôt sur l'argumentation et la preuve. Nous avons déjà précisé clairement que l'intimé n'est pas obligé d'inclure dans les détails fournis les éléments de preuve corroborants.

On demande ensuite à l'intimé de préciser ce que signifie le terme [Traduction] non-représentativité, tel qu'utilisé au paragraphe 2(C)(1) de son énoncé des détails. Ce paragraphe se lit comme suit :

[Traduction] Vu la non-représentativité des données recueillies ou utilisées dans l'étude/initiative conjointe sur la parité salariale, certains groupes ont été surreprésentés ou sous-représentés par rapport au nombre réel de leurs membres dans la fonction publique…

La Commission estime que cette allégation doit être précisée.

À page 4964 de la transcription, Me Dufort a répondu à cette prétention en soutenant que l'intimé peut s'en tenir à une description des points à débattre.
En ce qui a trait aux détails à fournir, nous estimons que nous devons signaler les points que nous ferons valoir dans notre défense.

Nous n'avons pas à exposer en détail l'argumentation point par point que nous présenterons à l'appui de tous les éléments que nous invoquerons dans notre défense. Ces éléments ont été circonscrits, l'autre partie les connaît et doit les aborder dans sa preuve directe. (11. 17-25)

À la page suivante, Me Dufort soutient que le terme non- représentativité a été utilisé dans son sens ordinaire. Bien que [Traduction] cet élément soit susceptible de faire l'objet d'un témoignage d'expert, le terme n'a pas été utilisé dans un sens aussi restrictif. Il [Traduction] pourrait également s'agir d'un motif parmi d'autres. (11. 23-24)

Nous faisons nôtre la position adoptée par l'intimé. Les parties sont tenues d'exposer uniquement les faits essentiels sur lesquels ils se fonderont dans leur plaidoyer; elles n'ont pas à plaider la preuve. Comme Me Dufort l'a indiqué, cette procédure vise à faire préciser les points à débattre et à démontrer le bien-fondé des arguments auxquels les autres parties devront réagir en présentant leur propre preuve. La plaignante et la Commission ont donc été avisées que l'intimé allègue, entre autres faits essentiels, que les données utilisées dans l'étude conjointe sur la parité salariale n'étaient pas représentatives. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans le mémoire et l'énoncé des détails.

La troisième demande a trait à une plainte similaire à l'égard du paragraphe 2(C)(2) de l'énoncé des détails, qui se lit comme suit :

[Traduction] Le recours aux évaluations de 1990 ainsi qu'aux données de 1991 sur les groupes professionnels à domination masculine et aux données de 1992 sur les salaires ne permet pas de corroborer valablement les conclusions du rapport final de l'étude conjointe sur la parité salariale…

Dans son plaidoyer écrit, la Commission soutient que [Traduction] l'emploi de formulations aussi vagues que corroborer valablement semble faire référence à des données statistiques, mais que l'allégation n'est pas suffisamment détaillée. Bien que la Commission soit certes fondée à soutenir que les détails fournis n'indiquent pas comment l'intimé entend prouver une telle allégation, c'est une question qui relève de la preuve et qui déborde le cadre d'une requête pour détails.

La quatrième demande a trait au paragraphe 2(C)(6) de l'énoncé des détails, qui précise que les employés ont reçu instruction de remplir des questionnaires complexes. La Commission soutient, dans son plaidoyer écrit, que l'intimé est obligé de lui fournir les noms des membres de l'AFPC ou du STN [Traduction] qui ont, semble-t-il, demandé aux employés de remplir des questionnaires complexes ainsi qu'une description détaillée des [Traduction] postes repères établis ou des questionnaires remplis. À notre avis, une ordonnance obligeant l'intimé à plaider ce genre de détails exigerait certes qu'il plaide sa preuve.
La cinquième demande porte sur le paragraphe 2(C)(7) de l'énoncé des détails où, pour reprendre les mots de la Commission, on formule [Traduction] une vague allégation voulant qu'on favorise une prédominance féminine. Nous avons de la difficulté à comprendre comment une déclaration aussi générale pourrait faire l'objet de détails supplémentaires sans entrer dans des questions qu'il convient davantage de soulever en contre-interrogatoire.

Cela est suffisant pour ce qui est des demandes de renseignements supplémentaires énoncées au paragraphe 11 de l'avis de motion de la Commission. De plus vastes préoccupations sont toutefois au cœur de la motion de la Commission; ces préoccupations sont examinées à fond aux paragraphes 15 et 16 des exposés écrits. Dans une large mesure, ces préoccupations n'ont pas été abordées dans le plaidoyer qui nous a été présenté. Néanmoins, il est peut-être utile de faire remarquer que l'intimé a soulevé une série de questions mettant en doute les faits et la preuve sur lesquels les autres parties se fondent. Par exemple, au paragraphe 2(D)(2) de l'énoncé des détails, on fait référence aux postes repères en précisant que les mauvais postes repères ont été utilisés.

Bien qu'on n'ait pas répondu directement à certaines des questions soulevées dans notre décision sur la requête pour détails, ces questions visaient à illustrer nos préoccupations générales et ne se voulaient pas des questions précises. À notre avis, l'intimé s'est conformé à la requête pour détails et a précisé sa position relativement à la question de mauvaise foi.

La principale préoccupation de la Commission semble être exprimée au paragraphe 16, où la Commission précise que l'intimé [Traduction] a totalement omis de préciser les méthodes statistiques au regard de son allégation voulant que l'étude conjointe sur la parité salariale soit fondamentalement viciée. Nous reconnaissons qu'il y a des raisons de s'inquiéter. Si les allégations énoncées au paragraphe 2(C)(2) sont basées sur des données statistiques, l'intimé devrait indiquer quelque part la nature de ces données. Toutefois, cette question relève de la preuve et non de la divulgation des faits essentiels; la divulgation se fera conformément à nos décisions à cet égard. Comme les avocats le savent, chaque partie est obligée de transmettre aux autres un résumé des témoignages de leurs experts, qui leur fourniront éventuellement le genre de détails que la Commission cherche à obtenir.

Cela soulève un autre point. Dans le plaidoyer qu'elle a présenté au Tribunal, Me Morgan a paru s'intéresser davantage à la question de la contre-preuve qu'à celle des détails supplémentaires. À la page 4957 (lignes 12 à 18) de la transcription, elle déclare :

[Traduction] Je laisse cela à votre discrétion. Nous pouvons quand même nous préparer à l'instruction. À mon avis, cela influe simplement sur notre capacité de traiter de certaines de ces allégations dans notre preuve principale. Cela n'influe certes pas sur notre capacité de réfuter ces allégations dans notre réplique s'ils présentent des preuves dans leurs arguments de la défense de plaidoirie, ce que nous ne savons pas encore.

Il est trop tôt pour aborder la question de la contre-preuve. Toutefois, il convient de préciser que la Commission n'a pas le droit de garder sa preuve en réserve. Bien que la procédure de règlement des plaintes relatives aux droits de la personne soit moins empreinte de formalisme que la procédure judiciaire, l'affaire dont nous avons été saisis est trop complexe pour que les choses soient examinées à la pièce. Il est important, par souci d'équité, de trier les questions en cause avant que le gros de la preuve soit présenté.

Tous les avocats qui comparaissent devant nous savent que la procédure de règlement des plaintes en matière de parité salariale s'est avérée longue, coûteuse et lourde. Vu la complexité de ces affaires, il est inévitable qu'on se heurte à certaines difficultés. Il est d'autant plus important, par conséquent, que les parties présentent leurs arguments en temps opportun et de manière efficace. L'intérêt public n'exige rien de moins. Les conclusions visent à déterminer les questions auxquelles les parties ont convenu de s'en tenir aux fins des témoignages, afin que la preuve puisse être présentée rapidement et de façon logique. Cela est particulièrement important dans le cas d'une plainte qui a fait l'objet de retards considérables.

Nous avons accueilli la requête pour détails de la Commission et de la plaignante parce que nous avons jugé important que l'intimé précise ses allégations de mauvaise foi. Les éléments mentionnés par l'intimé dans l'énoncé des détails et dans la lettre subséquente peuvent dorénavant être considérés comme faisant partie intégrante de son mémoire. Bien que certains détails n'aient pas encore été révélés, le Tribunal a bien l'intention de faire en sorte que l'intimé s'en tienne aux faits qu'il a allégués dans ces documents. Le même principe s'applique aux autres parties. La Commission et la plaignante ont également été avisées que l'intimé se fonde sur ces allégations de fait et qu'il ne peut arguer, ultérieurement au cours des procédures, qu'il n'était pas au courant des questions en cause.
Enfin, il est important de faire observer qu'on ne nous a pas demandé de nous prononcer sur le bien-fondé de la défense, qui fait l'objet d'une certaine controverse en l'espèce; nous désirons préciser clairement que nous n'avons pas pris position sur la question à savoir si les faits exposés par l'intimé constituent une défense en droit.

Fait le 15e jour de février 2000.

Paul Groarke, président

Jacinthe Théberge, membre

Athanasios Hadjis, membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.