Tribunal canadien des droits de la personne

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Dossier no : T503/2098

Décision no : 2

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C., 1985, c. H-6 (tel que modifié)

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

L’association Canadienne Des Employés De Téléphone
LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,
DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER,
FEMMES-ACTION

Plaignants

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

et

Bell Canada

Intimée


DÉCISION SUR LA DEMANDE DE BELL POUR L’ASSIGNATION
PAR VOIE DE SUBPOENA DUCES TECUM


TRIBUNAL:

J. Grant Sinclair, Q.C. Président

Shirish Chotalia Membre

Pierre Deschamps Membre

Dans une lettre datée du 19 janvier 2000, Bell Canada a demandé au Tribunal d’assigner par voie de subpoenas additionnels duces tecum pour Linda Wu et Paul Durber. Dans cette lettre, Bell incluait une description des éléments de preuve à produire qui devaient être inclus aux subpoenas.

Le Tribunal avait assigné auparavant par voie de subpoena Mme Wu et M. Durber afin qu’ils comparaissent à l’audience sur la 5e requête qui devait prendre fin le lundi 24 janvier 2000. La demande de Bell fait suite aux déclarations des témoignages anticipés de M. Durber et de Mme Wu que Bell a reçus de la Commission canadienne des droits de la personne.

La Commission et les plaignants, l’ACET et le SCEP, se sont objectés à cette assignation par voie de subpoena et le Tribunal avait ordonné que l’affaire soit entendue au moment où l’audience aurait pris fin le lundi 24 janvier 2000. L’audience, toutefois, fut ajournée et le Tribunal a par la suite ordonné aux parties de déposer des soumissions écrites sur cette question.

À l’origine, nous notons que les documents à être produits, tels que demandés par Bell, s’ils existent, ont de fortes chances de se trouver en la possession de la Commission, de l’ACET ou du SCEP, tous parties à la requête. Cela étant dit, la raison pour laquelle Bell n’a pas cherché de divulgation de la part de ces parties semble curieux, d’autant plus que la production des documents est pertinente à la question de confidentialité. Cependant, Bell a préféré ne pas agir en ce sens. Nous ne nous perdrons pas en conjectures.

Bell fait valoir que l’assignation par voie de subpoena par le Tribunal est un acte administratif et à la demande d’une des parties, le Tribunal n’a pas le choix que de procéder à la signification du bref. Une demande de subpoena est un droit et ce n’est qu’une fois que l’assignation a eu lieu que la demande peut être remise en question.

Les prétentions de Bell se fondent sur l’article 50(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, sur les Règles des cours supérieures et sur certaines autorités judiciaires. Nous ne sommes pas d’avis que l’assignation par voie de subpoena par le tribunal est un acte purement administratif à l’égard duquel le Tribunal n’a aucune discrétion.

En vertu de l’article 50(3)(a) de la Loi, un membre instructeur peut assigner par voie de subpoena si le membre instructeur le juge indispensable à l’examen complet de la plainte. Il n’y a rien dans cet article qui soutient que l’assignation par voie de subpoena est administrative et ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire. Nous sommes d’accord que l’assignation par voie de subpoena par la Cour fédérale ou une cour provinciale est un acte administratif. Mais il en est ainsi parce que les règles de procédures de ces cours le prévoient de façon non équivoque. Les règles de procédure du présent Tribunal ne sont pas à cet effet.

Nous avons révisé les autorités produites par les parties sur cette question. Nous considérons la décision rendue par la Cour fédérale d’appel dans Commission sur les pratiques restrictives du commerce et Stoner c. Le directeur des enquêtes et recherches, Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, comme étant la plus pertinente.

Dans cette affaire, la Commission sur les pratiques restrictives du commerce avait le pouvoir d’assigner par voie de subpoena en vertu de la Loi sur les enquêtes, de façon similaire au Tribunal en vertu de l’article 50(3)(a) de la Loi. La question applicable était de savoir si l’assignation par voie de subpoena par la Commission était un acte purement administratif ou encore relevait d’un pouvoir discrétionnaire. La Cour d’appel fit remarquer que ce sont les règles de la cour qui font de l’assignation par voie de subpoena un acte administratif. De telles règles n’ont pas été adoptées par la Commission. De la même façon, il n’existe aucune règle adoptée à cet effet par le Tribunal. C’est pour cette raison que le Tribunal rejette la proposition selon laquelle l’assignation par voie de subpoena est un droit et que le Tribunal n’a pas de pouvoir discrétionnaire sur cette question.

L’article sur les Subpoenas Duces Tecum fourni par Bell à titre d’autorité (Tab-18) indique clairement que le but de la partie duces tecum du subpoena est d’enjoindre des tierces parties, qui ne sont pas parties au litige, de produire des documents qu’elles ont en leur possession. Il semble que Mme Wu et M. Durber font partie de cette catégorie.

Il y a d’autres principes énoncés dans ces autorités que nous considérons pertinents afin de rendre notre jugement. Premièrement, il est d’une importance capitale qu’un lien rationnel existe entre les documents demandés et les questions contenues dans la présente requête; c’est-à-dire que l’on puisse prétendre à la pertinence contestable de l’information recherchée.

La demande ne devrait pas être spéculative ou équivaloir à une partie de pêche. La description des documents ne devrait pas être trop large ou trop générale et devrait être identifiée de façon minutieuse.

Finalement, la demande ne devrait pas être oppressive, c’est-à-dire, qu’elle ne devrait pas obliger un étranger partie au litige à se soumettre à une recherche onéreuse et fort étendue de documentation.

En ce qui a trait au premier paragraphe du subpoena de Mme Wu, Bell recherche la production de documents ayant trait à n’importe lequel des 74 documents sur lesquels la Commission a l’intention de se fonder. Mais ces 74 documents ne sont pas tous contestés. La demande doit se restreindre à la production de la correspondance et la documentation que s’échangeaient la Commission et l’ACET qui sont contestées parmi ces 74 documents. De plus, seules doivent être produites la correspondance, la documentation ou les notes en vertu desquelles il y a des références directes à la confidentialité des documents faisant l’objet de l’étude mixte ou encore sur lesquelles il y a un débat en cette matière.

La demande de Bell en ce qui a trait au premier paragraphe du subpoena signifié à Mme Wu application est accordé en partie. Mme Wu doit donc apporter et produire lors de son contre-interrogatoire seuls les documents auxquels il est fait référence dans le paragraphe précédent qu’elle a en sa possession en tant que tierce partie.

Quant aux deuxième et troisième paragraphes du subpoena de Mme Wu, nous ne sommes pas en mesure d’établir de lien entre la production de tels documents et la question de confidentialité. Ces paragraphes de la demande de subpoena ont trait aux passages contenus dans la déclaration des témoignages anticipés de Mme Wu, lesquels concernent les faits entourant l’origine de la plainte de l’ACET. Ces faits, selon Bell, feront la lumière sur la nature confidentielle des 74 documents sur lesquels le Tribunal se penchera et qui remplissent les critères du test de pertinence contestable. Malheureusement, cette explication ne nous fournit aucune piste quant à la pertinence de ces documents. Par conséquent, le Tribunal refuse d’ordonner à Mme Wu d’apporter et de produire les documents auxquels il est fait référence dans les deuxième et troisième paragraphes de la demande de subpoena.

En ce qui concerne le subpoena de M. Durber, de quelle façon la documentation à laquelle il est fait référence au premier paragraphe est pertinente quant à la nature confidentielle de la question ne semble pas apparent. Plutôt, nous sommes d’avis que cette demande est reliée à la 6e requête, laquelle doit faire l’objet d’un débat après la 5e requête. Ces documents n’ont donc pas à être produits pour les besoins en l’espèce.

Le deuxième paragraphe du subpoena de M. Durber est semblable presque en tous points au premier paragraphe du subpoena de Mme Wu et la demande de Bell quant à ce paragraphe est accordée en partie. Le Tribunal ordonne que M. Durber apporte et produise lors de son contre-interrogatoire, toute correspondance ou documentation que se sont échangées la Commission et l’ACET et le SCEP relativement à la documentation qui est contestée parmi les 74 documents et en vertu desquels il est fait référence à la confidentialité des documents faisant l’objet de l’étude mixte ou encore qui soulève un débat en cette matière. Seuls les documents qui sont en la possession de M. Durber en tant que tierce partie doivent être produits.

Le sujet des troisième et cinquième paragraphes du subpoena de M. Durber semble, de l’avis du Tribunal, être relié au fond de la plainte plutôt qu’aux questions que soulève la présente requête. La soumission de Bell en vertu du troisième paragraphe veut que ces demandes réfèrent aux omissions flagrantes de la déclaration des témoignages anticipés de M. Durber relativement aux plaintes de l’ACET et du SCEP dans lesquelles il ne se trouve aucune comparaison de postes particuliers. Selon Bell, il va de soi que Bell a droit d’approfondir ces sujets lors du contre-interrogatoire puisqu’ils sont susceptibles de faire la lumière sur la question de confidentialité des 74 documents de la Commission. De plus, les principes de justice naturelle exigent que Bell ait ces documents. Il s’agit ici de conclusions qui n’offrent aucune explication. Nous avons beau essayer, nous ne sommes pas en mesure, à la face même des troisièmes et cinquième paragraphes du subpoena ou de la soumission de Bell de discerner leur pertinence quant à la question de confidentialité.

En dernier lieu, le quatrième paragraphe du subpoena de M. Durber exige la production de documents que se sont échangés la Commission et un des consultants à l’étude mixte de la CDP. Bell prétend que la déclaration de témoignages anticipés de M. Durber est muette quant à la relation qui existe entre la Commission et la CDP, et que ces documents sont en mesure de faire la lumière sur les questions de confidentialité. Nous avons tenté de comprendre la façon dont la relation de la Commission avec la CDP, s’il en existe une, est pertinente à la question de confidentialité. Sans plus d’explications, nous ne sommes pas en mesure d’y voir un lien. M. Durber n’est donc pas tenu de produire les documents auxquels il est référence au troisième, quatrième et cinquième paragraphes.

DATÉ à Ottawa en Ontario, ce 9e jour de février 2000.


J. GRANT SINCLAIR,
Président

Shirish Chotalia,
Membre

Pierre Deschamps,
Membre
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