Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

BERYL NKWAZI

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

l'intimé

DÉCISION RELATIVE À UNE DEMANDE MODIFIÉE
DE STATUT DE PARTIE INTÉRESSÉE

MEMBRE INSTRUCTEUR : Anne Mactavish, présidente du Tribunal

Décision no 2
2000/08/09

Nkwazi - Demande d'intervention

[1] Il s'agit en l'espèce d'une demande modifiée de statut de partie intéressée présentée au nom des organismes suivants :

  1. Saskatchewan Coalition Against Racism;
  2. Saskatchewan Action Committee on the Status of Women/Comité canadien d'action sur le statut de la femme;
  3. Immigrant Refugee and Visible Minority Women of Saskatchewan;
  4. African Association of Regina;
  5. Immigrant Women of Saskatchewan, chapitre de Regina;
  6. Action Committee on Anti-Racism in Education and Employment Sectors.

[2] Chacun des demandeurs demande de présenter des éléments de preuve et des arguments au Tribunal, afin de participer à l'audience Traduction d'une façon complémentaire, sans chevauchements. Les demandeurs estiment que leurs interventions ne nécessiteront pas plus de six heures. Ils ne veulent pas contre-interroger les témoins appelés par d'autres parties.

[3] Chaque organisme demandeur allègue que la décision qui sera rendue en l'espèce influera sur sa capacité d'aider efficacement les parties intéressées qu'il représente à lutter contre la discrimination raciale au travail.

[4] Mme Nkwazi a déposé une lettre devant le Tribunal pour indiquer qu'elle appuie la demande. Cette lettre était accompagnée d'une copie d'une lettre de Mme Nkwazi à la Commission canadienne des droits de la personne, lettre qui, de toute évidence, fait référence aux discussions entre les parties en vue d'un règlement. Je n'ai aucunement tenu compte de cette lettre.

[5] L'avocat représentant le Service correctionnel du Canada s'oppose à la demande.

Saskatchewan Coalition Against Racism (SCAR)

[6] SCAR est une société sans but lucratif dont la mission consiste à offrir une tribune aux personnes désireuses d'éliminer le racisme, à soutenir et à défendre les personnes luttant contre le racisme, à promouvoir l'action sociale en vue de modifier des structures institutionnelles, des programmes, des politiques et des pratiques qui revêtent un caractère raciste, et à promouvoir les principes de l'égalité et du respect de tous les êtres humains.

[7] SCAR estime qu'elle a une expertise à offrir en ce qui concerne la discrimination raciale et les formes subtiles qu'elle peut prendre. Elle entend démontrer la forme que prend la Traduction discrimination raciale typique dans la fonction publique fédérale en établissant des parallèles entre l'expérience d'emploi d'autres membres de groupes défavorisés et celle de Mme Nkwazi.

Saskatchewan Action Committee on the Status of Women/Comité canadien d'action sur le statut de la femme (SAC/CCASF)

[8] Le SAC et le CCASF sont des organismes sans but lucratif qui ont pour mission de promouvoir l'égalité de la femme. Il s'agit d'organismes parapluies formés d'un certain nombre d'autres organismes ayant des objectifs communs.

[9] Le SAC et le CCASF affirment qu'ils ont une expertise en ce qui concerne le caractère hiérarchique croisé et interdépendant de la discrimination fondée sur la race, le sexe ou la classe. Ils entendent présenter des éléments de preuve au sujet de la nature des formes subtiles de discrimination qu'on exerce en présence de ces trois éléments, et de la façon dont les pratiques en matière d'emploi et de discipline ont un effet paralysant quant à la capacité de personnes comme Mme Nkwazi d'alléguer la discrimination au travail.

Immigrant Refugee and Visible Minority Women of Saskatchewan (IRVM)

[10] IRVM est une société sans but lucratif vouée à l'élimination du racisme, du sexisme et des autres formes de discrimination, ainsi qu'à la compréhension interculturelle en Saskatchewan.

[11] IRVM estime qu'elle a une expertise à offrir en ce qui concerne l'expérience des immigrantes appartenant à des minorités visibles et les formes subtiles de discrimination dont elles sont victimes au travail. IRVM entend présenter une preuve d'expert relativement à la nature de cette expérience et aux multiples niveaux de traitement différentiel.

African Association of Regina (AAR)

[12] AAR est une société sans but lucratif dont la mission consiste à solidariser les Africains de la Saskatchewan, à promouvoir leurs points de vue, à renforcer leur identité culturelle, à défendre leurs droits et à susciter une prise de conscience à l'égard du racisme et du sexisme ainsi que des efforts pour enrayer l'un et l'autre.

[13] AAR affirme qu'elle a une expertise en ce qui concerne l'expérience des immigrantes africaines au travail et entend présenter une preuve d'expert relativement à la nature de la discrimination à laquelle elles font face.

Immigrant Women of Saskatchewan, chapitre de Regina (IWS)

[14] IWS est une société sans but lucratif dont la mission consiste à promouvoir les intérêts des immigrantes appartenant à des minorités visibles et à leur faire découvrir leurs pouvoirs dans la lutte en faveur de l'égalité.

[15] IWS affirme qu'elle a une expertise en ce qui concerne les formes subtiles de discrimination et de représailles comme celles dont Mme Nkwazi a été victime. IWS entend présenter une preuve d'expert portant sur la discrimination systémique, son effet marginalisant sur des femmes comme Mme Nkwazi, et la façon dont cette discrimination est exacerbée par la présence du sexe, de la race et de la classe.

Action Committee on Anti-Racism in Education and Employment Sectors (Action Committee)

[16] Le Action Committee est une société sans but lucratif dont la mission consiste à mettre sur pied et en œuvre des programmes de lutte contre le racisme, à revendiquer l'élimination de la discrimination dans les secteurs de l'éducation et de l'emploi, et à défendre les intérêts de particuliers Traduction afin d'aider à établir une bonne jurisprudence canadienne en matière de droits de la personne.

[17] Le Action Committee entend soulever le besoin d'intégrer la théorie de l'analyse critique à la procédure et au fond de cette affaire, et présenter des arguments en ce qui concerne les mythes entourant la nature de la discrimination directe, systémique et institutionnelle et les réalités concourantes propres à celle-ci. Le Action Committee entend soulever également la question du caractère insuffisant des processus traditionnels d'arbitrage et expliquer leur tendance à renforcer le déséquilibre des pouvoirs en faveur de ceux qui ont traditionnellement été privilégiés.

[18] Dans le cas où le Tribunal ne serait pas disposé à accorder le statut de partie intéressée à tous les demandeurs, ces derniers demandent qu'il accorde au Action Committee ce statut afin qu'il représente l'ensemble des demandeurs.

[19] Le Service correctionnel du Canada s'oppose aux demandes pour un certain nombre de raisons, alléguant que la demande modifiée ne fournit aucune justification militant en faveur de l'octroi du statut de partie intéressée. Il soutient que le Tribunal peut examiner les questions que soulève la plainte de Mme Nkwazi sans l'intervention des organismes demandeurs.

[20] Le Service correctionnel du Canada soutient également que les demandes sont vagues et ne démontrent pas que les demandeurs sont directement intéressés par cette instance. La documentation présentée au Tribunal n'indique pas clairement quel serait l'apport des éventuelles parties intéressées, ni comment cet apport m'aiderait à remplir mon mandat. Les témoignages d'expert qu'on entend présenter semblent consister principalement en un récit anecdotique d'expériences de racisme, preuve qui ne pourrait qu'être préjudiciable à l'intimé. Par ailleurs, l'intimé soutient qu'on ne sait pas clairement quelles questions les demandeurs veulent aborder. Compte tenu de toutes ces considérations, le Service correctionnel du Canada affirme qu'il m'est impossible de me prononcer sur les demandes présentées.

[21] Le Service correctionnel du Canada nourrit également certaines inquiétudes au sujet de la durée de ces procédures. Il fait remarquer que Mme Nkwazi est maintenant représentée par un avocat et qu'il risque d'y avoir des chevauchements au niveau de la preuve et des arguments si on accorde aux demandeurs le statut demandé.

[22] L'article 50 de la Loi canadienne sur les droits de la personne accorde au Tribunal un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'octroi du statut de partie intéressée (1).

[23] Dans le cas d'une demande visant l'octroi du statut de partie intéressée, il incombe aux demandeurs de démontrer comment leur expertise aiderait à trancher les questions dont le Tribunal a été saisi (2).

[24] Sur la foi des renseignements qui m'ont été présentés, je ne suis pas disposée à exercer mon pouvoir discrétionnaire d'accorder le statut de partie intéressée aux six organismes demandeurs. Je ne suis pas convaincue que la participation de chacun des six demandeurs à l'audience m'aiderait à remplir mon mandat, qui, bien sûr, consiste à instruire la plainte de Mme Nkwazi. À la lumière des exposés présentés par les demandeurs, j'ai de sérieuses préoccupations relativement à la recevabilité et à la pertinence de certains éléments de preuve que les éventuelles parties intéressées ont demandé de présenter. Par exemple, il est difficile de voir comment les éléments de preuve qu'entend présenter SCAR quant aux expériences isolées d'autres fonctionnaires, qui sont probablement rattachés à d'autres ministères, aideraient beaucoup à déterminer ce qui s'est passé dans le milieu de travail de Mme Nkwazi. En outre, la participation de six organismes ayant des missions similaires me fait craindre les chevauchements. Par ailleurs, je crains énormément que l'estimation des éventuelles parties intéressées quant au temps que nécessiterait leur intervention soit extrêmement optimiste. Cette audience s'annonce déjà longue; par conséquent, les coûts qui en résulteront pour toutes les parties seront élevés. À mon avis, il n'est pas dans l'intérêt de qui que ce soit que l'audience traîne en longueur. Cet aspect de la demande des demandeurs est donc rejeté.

[25] Cependant, l'examen des exposés des demandeurs indique qu'au moins certains des éléments de preuve qu'ils veulent présenter peuvent être d'une certaine utilité pour trancher les questions dont le Tribunal a été saisi quant au fond de la plainte de Mme Nkwazi. Par ailleurs, l'information dont dispose actuellement le Tribunal ne lui permet pas de déterminer dans quelle mesure ces éléments de preuve peuvent dépasser la compétence du Tribunal, ni de se prononcer sur leur recevabilité. Par conséquent, j'ajourne l'examen de la solution de rechange proposée par les demandeurs, à savoir accorder au Action Committee le statut de partie intéressée pour représenter tous les organismes demandeurs. Cette demande sera examinée au début de l'audience, aux conditions suivantes :

1. Le ou avant le 25 août 2000, le Action Committee signifiera et déposera des copies de tous les documents sur lesquels il entend se baser à l'audience, de même qu'une liste des témoins qu'il entend appeler, y compris les témoins experts, et un résumé du témoignage qu'ils entendent présenter.

2. S'il a l'intention de présenter des témoignages d'expert, le Action Committee doit signifier et déposer un rapport, signé par l'expert, décrivant l'essentiel du témoignage qu'il entend présenter, ainsi que le nom, l'adresse et les titres de compétence de l'expert. Les rapports d'expert doivent être signifiés et déposés le ou avant le 1er septembre 2000.

[26] Si le Action Committee se conforme aux conditions énoncées ci-dessus, j'entendrai d'autres arguments des parties au début de l'audience sur la question à savoir si le Action Committee devrait se voir accorder le statut de partie intéressée pour représenter tous les demandeurs. Toute question au sujet de la recevabilité, de la pertinence ou de la valeur probante de tout élément de preuve sera examinée à ce moment-là. De même, toute question ayant trait à l'expertise de tout éventuel témoin expert pourra être examinée au début de l'audience.

[27] Je tiens à préciser que le début de cette audience, qui a déjà été longuement retardé par suite du retrait de la Commission canadienne des droits de la personne, ne sera pas retardé en raison de la participation de l'éventuelle partie intéressée.

[28] Je désire rappeler à nouveau aux parties que le mandat du Tribunal est d'instruire la plainte déposée par Mme Nkwazi contre son employeur, le Service correctionnel du Canada, et que seules les questions que soulève cette plainte seront abordées à l'audience.

  1. Citron c. Zundel et la Commission canadienne des droits de la personne, décision provisoire, non publiée, 18 juin 1997.
  2. Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Limitée, [2000] F.C.J. 220 (C.A.F.), par. 12.

Anne Mactavish, présidente du Tribunal

OTTAWA (Ontario)

Le 9 août 2000

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T538/3399

INTITULÉ DE LA CAUSE : Beryl Nkwazi c. Service correctionnel du Canada

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : 9 août 2000

ONT COMPARU :

Beryl Nkwazi En son propre nom

Daniel Pagowski Au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Denis Bonthoux Au nom du Service correctionnel du Canada

Alan Jacobson Au nom des éventuelles parties intéressées

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