Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

PHYLLIS McAVINN

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

STRAIT CROSSING BRIDGE LIMITED

l'intimée

REQUÊTE VISANT À OBTENIR UNE ORDONNANCE
AUTORISANT L'INTIMÉE À INTERROGER
QUATRE EMPLOYÉS DE LA COMMISSION

Décision no 1
2000/11/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Pierre Deschamps, président

[1] Le 21 novembre 2000, le Tribunal a rejeté la requête de l'intimée visant à obtenir une ordonnance l'autorisant à interroger, avant l'audience, certains employés de la Commission, tout en indiquant qu'il ferait connaître ses motifs ultérieurement. Les motifs à l'appui de cette décision sont énoncés ci-après.

I. CONCLUSIONS

[2] D'abord, il convient de préciser que la requête de l'intimée faisait suite à un long échange de correspondance entre elle et la Commission.

[3] La correspondance révèle que l'intimée a songé en juillet 2000 à faire témoigner l'enquêteur chargé du dossier ainsi que le directeur des plainted et des enquêtes (sic) et le directeur de la Direction de la mise en oeuvre de la Commission au sujet de leur rapport recommandant le rejet de la présente plainte pour le motif qu'elle n'était pas fondée.

[4] À ce moment-là, l'intimée a demandé à la Commission quand elle pourrait interroger ces employés afin de déterminer le témoignage qu'ils pourraient présenter lorsqu'elle les citerait à comparaître à l'audience du Tribunal. L'intimée a soutenu que l'interrogatoire au préalable était nécessaire pour lui permettre de préparer les résumés de témoignage anticipé de ses témoins éventuels.

[5] Dans sa réponse à la requête de l'intimée, la Commission a indiqué qu'elle ne consentirait pas à ce que l'intimée interroge certains de ses employés avant l'audience, étant donné que les règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne ne prévoyaient pas de processus d'interrogatoir préalableà l'audience. Au cours des mois qui ont suivi, la Commission a maintenu cette position.

[6] Dans une requête en date du 17 octobre 2000, l'intimée a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance enjoignant la Commission d'autoriser le procureur de l'intimée à interroger en entrevue au sujet de la présente plainte, sans obstruction de sa part, ses enquêteurs de même que son directeur des Plaintes et enquêtes et son directeur intérimaire de la Mise en oeuvre, soutenant que cela était nécessaire pour lui permettre de se préparer à l'instance.

[7] L'intimée a également demandé au Tribunal de rendre une ordonnance enjoignant la Commission d'informer les employés en question qu'ils pouvaient s'entretenir avec leur procureur, librement, sans craindre de répercussions.

[8] Le 2 novembre 2000, la Commission a répondu à la requête de l'intimée par un exposé des faits et du droit. La Commission a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour rendre l'ordonnance demandée par l'intimée et que cette dernière n'a pas démontré en quoi un interrogatoire préalable serait pertinent ou d'une utilité quelconque dans les présentes procédures. En outre, elle a soutenu que le Projet de règles de procédure actuel du Tribunal ne prévoit pas de procédure de communication et d'interrogatoire préalable à l'audience. Enfin, la Commission a indiqué que trois des personnes que l'intimée voulait interroger n'étaient plus des employés de la Commission.

[9] Le 3 novembre 2000, la plaignante a répondu par lettre à la requête de l'intimée. Elle a indiqué qu'elle s'opposait à l'octroi de la requête, faisant valoir que les opinions de l'enquêteur n'étaient pas pertinentes par rapport aux procédures et que l'intimée cherchait à mettre en doute la qualité de l'enquête de la Commission.

[10] Le 9 novembre 2000, l'intimée, répliquant aux arguments présentés par la Commission et la plaignante, a demandé que sa requête soit modifiée afin d'ajouter une demande visant à obtenir une ordonnance exigeant que la Commission divulgue à l'intimée les adresses et numéros de téléphone courants des employés en question.

[11] Enfin, le 14 novembre 2000, en réponse à la réplique de l'intimée, la Commission a fait valoir qu'en ce qui touche les enquêtes préalables, le paragraphe 48.9 (2) de la Loi ne conférait pas au Tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances, mais seulement celui d'établir des règles de pratique, ce qu'il n'avait pas fait.

II. DÉCISION

[12] À l'appui de sa requête, l'intimée a cité l'affaire Nelson . Dans cette affaire, la Commission d'enquête de l'Ontario a conclu que l'avocat de l'intimé était autorisé à interroger les témoins de la Commission. Après avoir analysé cette décision, le Tribunal est d'avis que les faits en l'espèce diffèrent nettement de ceux entourant l'affaire Nelson (1).

[13] Dans l'affaire Nelson, non seulement la Commission était-elle habilitée en vertu de la Loi sur l'exercice des compétences légales (2) de l'Ontario à établir des règles de pratique, mais elle avait également adopté des règles de pratique contenant une disposition particulière au sujet des enquêtes préalables à l'audience. À l'heure actuelle, le Projet de règles de procédures du Tribunal ne renferme aucune disposition portant sur les enquêtes préalables.

[14] Le dossier, dans son état actuel, révèle que la Commission a fourni à l'intimée les rapports, notes de révision et notes de service de l'enquêteur. L'intimée est donc bien au fait de la preuve de la Commission. Rien n'empêche l'intimée de citer comme témoins les personnes qu'elle voulait interroger dans cette cause.

[15] En ce qui concerne la préparation des résumés de témoignage anticipé, l'intimée, compte tenu de l'information que la Commission lui a fournie, est certes en mesure de prévoir à ce moment-ci l'essentiel du témoignage des témoins qu'elle citerait. Un résumé de témoignage anticipé a pour objet d'empêcher les autres parties d'être prises par surprise au début de l'audience. Étant donné que les personnes que l'intimée désire interroger ont travaillé ou travaillent encore à la Commission, cette dernière ne serait certes pas fondée à invoquer la surprise à l'égard de leur témoignage anticipé.

[16] Enfin, étant donné que le dossier indique que trois des quatre employés que l'intimée désire interroger, notamment les deux enquêteurs, ne sont plus des employés de la Commission, le Tribunal ne voit pas comment il pourrait obliger la Commission à leur demander de se prêter à une entrevue avant l'audience. Cela étant dit, rien n'empêche l'intimée de demander au Tribunal de citer ces quatre personnes à comparaître comme témoins à l'audience. Le cas échéant, il faudrait que la Commission fournisse à l'intimée l'information qu'elle possède afin de permettre à cette dernière de communiquer avec elles.

[17] Eu égard à ces motifs, la requête de l'intimée est rejetée.

1. Nelson v. Durham Board of Education, [1997] O.H.R.B.I.D. No 1.

2. L.R.O. 1990, ch. S.22.


Pierre Deschamps, président

Ottawa (Ontario)
Le 23 novembre 2000

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T558/1600

INTITULÉ DE LA CAUSE : PHYLLIS McAVINN c. STRAIT CROSSING BRIDGE LIMITED

LIEU DE LA DÉCISION : Ottawa (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 23 novembre 2000

ONT COMPARU :

Lisa Goulden pour Phyllis McAvinn

Janice Cheney pour la Commission canadienne des droits de la personne

Eugene Rossiter pour Strait Crossing Bridge Limited

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