Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

JOHN WISEMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 13
2007/04/25

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

[1] Le Procureur général du Canada (le procureur général), agissant pour le compte du Service correctionnel du Canada et du Conseil du Trésor du Canada, a déposé une requête visant l'obtention d'une ordonnance portant que l'intitulé de la présente cause soit modifié et que les parties dressent une liste des personnes qui peuvent retirer un avantage d'une éventuelle indemnité accordée par le Tribunal.

[2] La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a déposé des observations écrites en réponse à la requête. Aucune observation n'a été déposée par le plaignant.

Une ordonnance portant que le procureur général du Canada soit inscrit comme intimé dans la présente cause

[3] Le procureur général souligne que la présente cause comporte des allégations de discrimination contre un employeur. Dans le contexte de la fonction publique fédérale, l'employeur est la Couronne du chef du Canada. Toutefois, en vertu de la prérogative royale, des procédures judiciaires ne peuvent être intentées contre la Couronne. De plus, les ministères ne sont pas des entités juridiques. Ainsi, ni le Conseil du Trésor, ni le Service correctionnel du Canada ne peuvent être constitués comme intimés. Par conséquent, le procureur général prétend que l'intitulé de la cause doit être modifié afin de l'inscrire comme intimé dans la plainte, comme l'exige le paragraphe 23(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C 1985, ch. C-50. La Commission consent à cette demande.

[4] Le Tribunal a en fait délivré une ordonnance comparable dans Plante c. Gendarmerie royale du Canada, 2003 TCDP 28, et j'ai personnellement entendu des causes dans lesquelles il fut ordonné d'apporter des modifications semblables durant le processus de gestion de l'instance (Morin c. Procureur général du Canada, dossier du Tribunal no T739/4402) et durant l'audience (Maillet c. Procureur général du Canada, dossier du Tribunal no T935/5504).

[5] Je ferai donc droit à la demande du procureur général à cet égard. À l'avenir, j'espère que ces questions seront réglées par les parties avant le renvoi des plaintes au Tribunal.

Une ordonnance portant que les parties dresse une liste des personnes qui peuvent bénéficier d'une éventuelle indemnité accordée par le Tribunal

[6] Il est allégué dans la présente plainte que les personnes occupant les postes de chef d'équipe adjoint au sein du Service correctionnel du Canada font l'objet d'un traitement discriminatoire car il n'y a pas parité salariale pour un travail de valeur équivalente. Le procureur général prétend qu'il serait utile que l'ensemble des parties ainsi que le Tribunal sachent d'entrée de jeu qui bénéficiera d'une éventuelle indemnité accordée en l'espèce par le Tribunal. Par exemple, le procureur général déclare que, avec ces renseignements, il [traduction] sera plus à même de comprendre la responsabilité potentielle à laquelle il s'expose et recueillera la preuve qu'il désire soumettre. Le procureur général a également souligné que si le Tribunal sait quelles sont les personnes qui ont occupé les postes et la durée pendant laquelle elles les ont occupées, le calcul de l'indemnité potentielle sera simplifié.

[7] Le procureur général propose donc que les parties dressent une liste, sur une base continue, des chefs d'équipe adjoint qui peuvent bénéficier d'une indemnité éventuelle accordée par le Tribunal. La liste comprendrait les noms des personnes qui occupent le poste de chef d'équipe adjoint depuis 1995 et elle ferait état de la durée pendant laquelle ces personnes ont occupé ce poste.

[8] La Commission, pour sa part, prétend que, lors d'une conférence téléphonique de gestion de cas, l'ensemble des parties ont accepté de dresser une telle liste. Néanmoins, la Commission consent à la délivrance de l'ordonnance sollicitée par l'intimé.

[9] J'estime que cette demande est raisonnable et une ordonnance en ce sens est délivrée à la fin de la présente décision.

Une ordonnance portant que le nom du plaignant soit substitué par les noms des personnes qui ont travaillé comme chef d'équipe adjoint

[10] Le formulaire de plainte a été signé le 30 septembre 2003 par une personne nommée John Wiseman. Au haut du formulaire, sous l'en-tête Votre nom, les renseignements suivants ont été inscrits :

John Wiseman

Vice-président régional

Association canadienne des surveillants correctionnels au nom

des chefs d'équipe adjoint

dans les pénitenciers pour femmes

[11] Après le dépôt de la plainte, la Commission a nommé un enquêteur pour enquêter sur la plainte. Dans le rapport d'enquête daté du 1er mai 2006, le nom du plaignant est mentionné comme étant l'Association canadienne des surveillants correctionnels (ACSC). Le 22 août 2006, la Commission a envoyé une lettre au président du Tribunal pour le prévenir que la Commission avait examiné la plainte de l'Association canadienne des surveillants correctionnels et avait décidé de demander que le Tribunal instruise la plainte.

[12] Le procureur général souligne que l'ACSC est une association bénévole. Comme les chefs d'équipe adjoint sont exclus du champ des négociations collectives, l'ACSC n'est pas un agent négociateur qui les représente. Le procureur général ajoute que l'ACSC n'est pas incorporée et, pour cette raison, n'est pas une personne morale ni une personne physique. Le procureur général prétend, par conséquent, que l'ACSC n'a pas la capacité juridique d'agir comme partie dans la présente instance.

[13] Selon le paragraphe 40(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, un individu ou un groupe d'individus ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission. Le procureur général prétend que le sens ordinaire des mots individu ou groupe d'individus démontre que le législateur prévoyait que seuls des individus, agissant seuls ou avec d'autres individus, dans le cadre d'une fin commune, auraient le droit de déposer des plaintes. La capacité juridique d'agir comme partie dans une instance n'est conférée qu'aux personnes physiques ou personnes créées par le législateur. Le procureur général prétend que, comme le sens ordinaire du paragraphe 40(1) confirme que le législateur ne voulait permettre qu'aux personnes physiques d'agir comme plaignants, une association de volontaires comme l'ACSC ne peut pas agir comme plaignante.

[14] La Commission adopte un point de vue différent. Elle prétend que l'ACSC constitue un groupe d'individus au sens du paragraphe 40(1). Même si, comme le procureur général le prétend, la disposition peut également être interprétée plus étroitement comme signifiant que seul un individu ou un groupe composé d'individus identifiés peuvent déposer des plaintes en matière de droits de la personne, cette interprétation contredirait de façon évidente le principe bien établi que les lois en matière de droits de la personne doivent être interprétées de la manière qui favorise davantage la protection et la promotion des droits de la personne.

[15] Malheureusement, tout ce débat semble avoir été ignoré et laissé de côté ce qui est vraiment au cur du litige : la plainte en matière de droits de la personne qui a été déposée le 30 septembre 2003. Selon moi, la simple lecture de la plainte révèle que ce n'est pas l'ACSC qui a déposé la plainte, mais plutôt M. Wiseman. Le nom du plaignant mentionné au haut du formulaire est manifestement celui de John Wiseman. Il est peut-être le vice-président régional de l'ACSC, mais c'est son nom qui figure comme étant celui du plaignant.

[16] Le statut de plaignant de M. Wiseman apparaît clairement ailleurs sur le formulaire de plainte. Seule sa signature figure au bas du formulaire. Rien n'indique que M. Wiseman a signé au nom d'un groupe ou d'un organisme. De plus, la première déclaration de M. Wiseman qui figure au haut du formulaire est ainsi libellée : [traduction] J'ai des motifs raisonnables de croire que j'ai fait l'objet de discrimination en cours d'emploi (non souligné dans l'original). Rien dans cette déclaration ne donne à penser que M. Wiseman dépose le formulaire de plainte comme représentant de l'ACSC ou d'un autre groupe.

[17] De plus, après que M. Wiseman eut déposé sa plainte, la Commission a demandé et a obtenu, en conformité avec le paragraphe 40(2) de la Loi, une confirmation écrite de la part d'un certain nombre d'individus travaillant comme chef d'équipe adjoint (c'est-à-dire les présumés victimes de discrimination) selon laquelle ils consentaient au dépôt de la plainte. Les copies de 25 formulaires signés ont été annexées aux observations de la Commission sur la requête. La première ligne figurant sur 18 de ces formulaires est ainsi libellée : [traduction] Je consens à ce que John Wiseman ou son remplaçant désigné agisse pour mon compte à titre de représentant dans le cadre de la présente plainte en matière de droits de la personne. Sur les sept autres formulaires, le nom ACSC est inscrit après les mots remplaçant désigné. Manifestement, l'ensemble de ces individus ont nommé M. Wiseman comme représentant. Ils l'ont également autorisé à désigner un remplaçant. Toutefois, d'après les documents dont je suis saisi, rien n'indique que M. Wiseman a modifié sa plainte afin de désigner l'ACSC ou quiconque d'autre comme plaignant ou comme son remplaçant avant le renvoi de la plainte au Tribunal par la Commission. Le Tribunal n'a été saisi d'aucune demande de modification depuis le renvoi de la plainte. Je ne peux que présumer que j'ai affaire à la même plainte que M. Wiseman a initialement déposé auprès de la Commission et j'ai, par conséquent, affaire au même plaignant, c'est-à-dire M. Wiseman.

[18] Pour l'ensemble de ces motifs, il me semble que l'intitulé de la cause en l'espèce a été rédigé de façon inexacte dès l'instant où la plainte a été renvoyée au Tribunal. Plutôt, c'est le nom de M. Wiseman qui devrait figurer comme plaignant au lieu de celui de l'ACSC.

[19] Je souligne que même s'il s'avère que M. Wiseman n'est pas lui-même victime de la présumée pratique discriminatoire (p. ex., s'il s'avère qu'il n'a jamais travaillé comme chef adjoint d'équipe), il a toujours le droit, en vertu de la Loi, de déposer une plainte en tant qu'individu s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne s'est livrée à une pratique discriminatoire. (paragraphes 40(1) et 40(2)).

[20] Je rejette donc la demande du procureur général quant à la délivrance d'une ordonnance portant que le nom du plaignant soit remplacé par les noms des personnes qui ont signé les formulaires de consentement susmentionnés. Toutefois, compte tenu du texte figurant sur le formulaire de plainte, j'ordonne au greffe du Tribunal de modifier l'intitulé de la présente cause en inscrivant le nom de John Wiseman comme plaignant en l'espèce.

Ordonnance

[21] J'ordonne que

  1. l'intitulé de la cause soit modifié et que le nom Procureur général du Canada soit inscrit comme étant celui de l'intimé;
  2. les parties dressent, sur une base continue, une liste des chefs d'équipe adjoints qui peuvent bénéficier d'une éventuelle indemnité accordée par le Tribunal. Cette liste comprendra les noms des individus qui occupent le poste de chef d'équipe adjoint depuis 1995 et fera état de la durée de leur emploi comme chef d'équipe adjoint;
  3. l'intitulé de la cause soit modifié et que le nom John Wiseman soit inscrit comme étant celui du plaignant.

[22] J'ordonne de plus que ces modifications de l'intitulé de la cause entrent en vigueur à compter de la délivrance de la présente décision.

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)
Le 25 avril 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1162/4406

INTITULÉ DE LA CAUSE :

John Wiseman c. Procureur général du Canada

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 25 avril 2007

ONT COMPARU :

John Wiseman

Pour lui-même

Ceilidh Snider

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Alain Préfontaine

Pour l'intimé

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