Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Entre :

Michel Knight

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Société de transport de l’Outaouais

l'intimée

Décision

Membre : Michel Doucet
Date : Le 2 mai 2007
Référence : 2007 TCDP 15

Table des matières

I Introduction.

A. Les faits ayant donné lieu à la plainte de M. Knight

B. Questions en litige.

C. La décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

D. L’intimée a-t-elle fait preuve de discrimination fondée sur une déficience en refusant d’embaucher le plaignant en raison de sa déficience?.

(i) La preuve prima facie.

(ii) L’application du critère de l’arrêt Meoirin et de l’article 15 de la LCDP.

(a) Les deux premiers éléments du critère de l’arrêt Meoirin.

(b) L’intimée a-t-elle démontré qu’il est impossible de fournir un accommodement à M. Knight sans que cela constitue une contrainte excessive pour l’intimée?.

E. La conclusion sur la discrimination.

F. Les redressements sollicités par M. Knight

(i) L’intégration dans le milieu du travail

(ii) L’indemnité pour pertes de salaire en vertu de l’alinéa 53(2)c) de la Loi

(iii) L’indemnité pour préjudice moral – l’alinéa 53(2)e) de la Loi

(iv) Dépenses encourues – l’alinéa 53(2)c).

(v) Les intérêts.

I. Introduction

[1] Le 25 janvier 2005, Michel Knight (le plaignant) a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) contre la Société de transport de l’Outaouais (l’intimée).  Le plaignant allègue que l’intimée a exercé de la discrimination fondée sur la déficience en matière d’emploi, contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. (1985), ch. H-6 (la Loi).

[2] L’intimée est une société de transport en commun qui dessert les communautés de Gatineau, et des environs, dans la province de Québec.  Sur le plan constitutionnel, elle est de juridiction fédérale en raison de ses activités de transport interprovincial.  En effet, ses autobus transportent quotidiennement des passagers de la rive québécoise de la rivière des Outaouais vers la ville d’Ottawa, en Ontario.  L’intimée emploi à peu près 750 employés, dont 108 employés à son service d’entretien.

A. Les faits ayant donné lieu à la plainte de M. Knight

[3] Le plaignant est actuellement un travailleur autonome dans l’aménagement et l’entretien paysager.  Le 5 mai 1998, alors qu’il travaillait comme commis-boucher, au Marché Frais, à Gatineau, il a subi un accident de travail.  Plus précisément, il a subi un traumatisme de la main droite lorsqu’il a mis, par accident, sa main dans un hachoir à viande.  Selon le rapport d’évaluation médicale, il a subi une blessure extrêmement importante des tissus mous et des os de l’index droit qui ont nécessité une amputation.  Il a également subi de multiples lacérations et endommagement du nerf sensitif du majeur droit.

[4] Suite à cet accident, il a été pris en charge par le Dr Christopher Carter, chirurgien orthopédiste, qui a procédé à l’amputation de l’index de la main droite.  Le Dr Carter a consolidé la lésion le 4 août 1998 et a conclu que le plaignant avait des limitations fonctionnelles permanentes, notamment :

  • ne peut serrer la main droite aussi fort que la main gauche,
  • la puissance de la préhension est diminuée d’environ 50%,
  • ne peut exécuter des activités qui demandent de la dextérité manuelle,
  • ne peut saisir ou manipuler de petits objets,
  • intolérance au froid pour toute la main droite.

[5] Suite à cet accident, le plaignant a reçu des indemnités de remplacement de revenu de la Commission de la Santé et de la Sécurité au Travail (la CSST), de la province du Québec.  Il a alors reçu 90 pour-cent du salaire net qu’il faisait dans son travail de boucher.  Il recevra ces indemnités jusqu’à ou vers le mois de juin 2001.  Les limitations fonctionnelles du plaignant lui ont également donné droit à une indemnité forfaitaire pour déficit anatomique physiologique.  Cette indemnité s’élève à 10 812,52$.  La lettre de la CSST avisant le plaignant de cette décision indiquait que son atteinte permanente avait été évaluée par le Dr Carter à 12,55%, auquel pourcentage la CSST avait ajouté 2,50% pour douleurs et perte de jouissance de la vie.  Cette décision de la CSST n’a jamais été contestée par le plaignant.

[6] La CSST a également demandé un rapport d’orientation du plaignant afin de clarifier, par l’intermédiaire de tests psychométriques et d’entrevues, ses intérêts, ses aptitudes et ses aspirations.  À la suite de ce rapport, une planification de carrière a été établie en tenant compte des limitations fonctionnelles du plaignant.  Compte tenu du caractère permanent et définitif des limitations fonctionnelles émises, le plaignant a bénéficié d’un programme de réorientation professionnelle financé par la CSST.  Le dossier de la CSST montre que le plaignant, suite à sa rencontre avec le conseiller en orientation, a décidé de s’inscrire aux cours suivants :

  • Cours de mécanique d’ascenseur (1er choix)
  • Techniques policières (2ième choix)
  • Technique du génie mécanique – fabrication d’outils (3ième choix)

[7] Selon le dossier, le plaignant a été refusé au cours de mécanique d’ascenseur parce que le cours était complet.  Il a cependant été accepté au cours de techniques policières.  Toutefois, suite à une discussion entre la responsable du dossier du plaignant à la CSST. et le responsable du programme de techniques policières, ce dernier, informé des limitations fonctionnelles, a confirmé que le plaignant ne pourrait pas exercer le métier de policier.  Il fut donc décidé que cette profession ne respectait pas les capacités résiduelles du plaignant. 

[8] Toujours selon le dossier de la CSST, la responsable a, par la suite, téléphonée au responsable du programme en Technologie du génie mécanique – fabrication d’outils, pour discuter avec lui des limitations fonctionnelles du plaignant.  Ce dernier confirma qu’il ne voyait pas de problème à ce que le plaignant puisse réussir cette formation.  Il ajouta que les tâches de technicien en fabrication d’outil ne demande pas de dextérité manuelle, ni de travailler au froid.  La CSST statue donc que la mesure de réadaptation la plus appropriée pour le plaignant est une formation en technologie du génie mécanique – fabrication d’outils.

[9] De septembre à décembre 1998, le plaignant s’est inscrit à l’école des adultes à Gatineau afin de compléter ses études secondaires. Le 16 janvier 1999, le ministère de l’Éducation du Québec lui délivre son diplôme d’études secondaires.  Par la suite, dans le cadre de son programme de réorientation professionnelle, le plaignant s’inscrit, à l’automne 1999, dans un programme de Technologie du génie mécanique – fabrication d’outils, à la Cité Collégiale, à Ottawa.  Le 8 juin 2001, il obtient son diplôme.  Les frais de scolarité pour ce cours, se chiffrant à 8,000$, ont été payés par la CSST.  La CSST a également payé certains frais afférents à ce programme de formation dont un plein d’essence par semaine en plus des frais de stationnement afin de permettre au plaignant de se rendre à la Cité Collégiale.

[10] Après avoir obtenu son diplôme en technologie du génie mécanique, le plaignant a travaillé pendant un certain temps chez une entreprise du nom de Concert Airline, à Gatineau, à titre de mécanicien opérateur.  En 2002, il a décidé de quitter ce travail pour aller suivre un cours en mécanique de véhicules lourds routiers.

[11] Pour ce cours, le plaignant s’est inscrit au Centre professionnel de l’Outaouais, à Gatineau.  La preuve montre que le plaignant avait débuté cette formation bien avant d’entreprendre son programme de Technologie du génie mécanique, à la Cité collégiale.  En effet, dans le dossier de la CSST, la responsable du dossier du plaignant, a rédigé une note le 28 juillet 1999, dans laquelle elle écrit :

Le [travailleur] s’est inscrit et a débuté une formation de mécanicien de machinerie lourde de son plein gré.  Lors d’une rencontre avec le [travailleur], j’ai analysé les tâches d’un mécanicien de machinerie lourde [versus] les [limitations fonctionnelles] du [travailleur], le milieu physique, les aptitudes et la capacité physique.  À la lumière de la description des tâches du systèmes repères, ceux-ci ne rencontrent pas les [limitations fonctionnelles] du [travailleur].  [Ce travail] exige de travailler au froid, une habilité à mouvoir les doigts rapidement et avec précision, à mouvoir les mains habilement et avec facilité et être capable de faire des distinctions par le toucher

[12] Le 17 juin 2004, le ministère de l’Éducation du Québec délivre au plaignant un diplôme d’études professionnelles en mécanique de véhicules lourds routiers.

[13] Dans le cadre de son programme de formation en mécanique de véhicules lourds routiers, le plaignant devait faire deux stages en milieu de travail.  Les deux stages ont été fait auprès de l’intimée.  Le premier stage a été complété entre le 23 mai et le 6 juin, 2003.  Le plaignant a réussi ce stage avec succès.  Sur la Fiche d’appréciation du stagiaire, le responsable des stages, Mario Tanguay, un employé de l’intimée, a inscrit : Très bon sens de la mécanique, bonne initiative, très bon rendement..  Lors de ce stage, le plaignant a indiqué qu’il avait travaillé dans le garage sous la supervision d’un mécanicien.  Il dit avoir touché pendant cette période de deux semaines à tout ce qui a trait à la mécanique.  Il ajoute que l’absence de son index droit ne lui a causé aucun problème. 

[14] Suite à ce stage, il a fait une demande pour un emploi d’été auprès de l’intimée.  Il a obtenu le poste de manœuvre et a travaillé pour l’intimée, du 20 juin au 25 août 2003, soit la durée du contrat d’été.  Pendant ce travail d’été, il a effectué divers travaux dont la peinture extérieure et intérieure; l’entretien extérieur et paysager.  Il a également tond la pelouse et nettoyé les aires de travail avec un pulvérisateur (jet wash). 

[15] Le deuxième stage a été effectué du 5 au 23 avril 2004.  Encore une fois, le plaignant a réussi son stage avec succès.  Les commentaires du responsable de stage sont également positifs à son égard.  M. Tanguay note particulièrement que le plaignant a un très bon esprit d’équipe, maîtrise bien la formation, exécute avec fiabilité les travaux et qu’il est un excellent stagiaire.

[16] À la suite de ce deuxième stage, le plaignant a exprimé son intérêt à revenir travailler chez l’intimée.  Il a alors posé sa candidature afin d’occuper le poste de préposé au service.  Le plaignant répondait à un concours visant à recruter des préposés au service temporaires sur appel, ce qui signifie que les personnes embauchées ne sont pas titulaires d’un poste et ne bénéficient d’aucune garantie d’heure de travail.  Il semblerait que l’obtention d’un poste de préposé est la première étape à franchir pour l’obtention d’un poste de mécanicien.

[17] Le travail est assigné aux préposés au service sur appel au besoin.  Règle générale, le contremaître évalue pour la semaine suivante les tâches et assigne ces tâches aux employés permanents sur une base d’ancienneté.  Les quarts de travail sont assignés aux employés permanents pour une période de quatre à cinq mois.  Après l’assignation des tâches aux employés permanents, une nouvelle assignation de tâches est faite aux employés permanents volants, c’est-à-dire aux employés permanents à qui quarante heures de travail sont garanties à chaque semaine, mais qui ne sont pas titulaires d’un quart de travail en particulier.  Les quarts qui demeurent libres sont, par la suite, assignés aux préposés sur appel.  Étant donné que les employés permanents préfèrent travailler sur les quarts de jour et de soir, les employés sur appel sont généralement assignés les quarts de nuit. 

[18] Selon la description d’emploi du poste de préposé au service, le titulaire travaille sous l’autorité du contremaître – service et réusinage.  Il assure le service sur les véhicules par l’entretien périodique des autobus.  Il procède à la vérification des autobus avant leur départ, effectue le plein de carburant et des lubrifiants et procède à la vérification de l’air dans les pneus.  De plus, il nettoie tous les véhicules et exécute toutes autres tâches connexes demandées par son supérieur immédiat.

[19] Le 25 mai 2004, l’intimée a contacté le plaignant et lui a proposé de passer un test de compétence pour le poste pour lequel il avait postulé.  Le plaignant a réussi ce test et il a obtenu une entrevue.  Dans un document émanant de l’intimée et intitulé Le comité de gestion en bref…réunion du 1er juin 2004, il est fait mention que les services du plaignant ont été retenus à titre de préposé au service, temps partiel, sur appel.

[20] Le 26 mai 2004, comme tous les autres candidats retenus, l’intimée a contacté le plaignant et lui a demandé de passer un examen médical pré-embauche pratiqué par le médecin conseil désigné de l’intimée, le Dr Pierre Matte.  Avant l’examen médical, chaque candidat est demandé de compléter le formulaire médical d’examen pré-emploi.  Il est ensuite vu par le médecin conseil. 

[21] Dans le formulaire d’ examen pré-emploi, remplit par le plaignant le 1er juin 2004, des questions portant sur ses antécédents personnels sont posées.  À la question Avez-vous déjà eu un accident de travail ou maladie professionnelle?, le plaignant répond positivement et mentionne l’accident à l’index de la main droite du 5 mai 1998.  Toutefois, il laisse en blanc la partie portant sur les limitations fonctionnelles..  De même, à la question Recevez-vous ou avez-vous déjà reçu un montant forfaitaire suite à une maladie ou une blessure ayant entraîné une incapacité permanente?, il coche la case non.  Le formulaire est signé par le plaignant le 1er juin 2004.

[22] Lors de cette même journée, le plaignant a été examiné par le médecin conseil de l’intimée.  Le Dr Matte a alors constaté que le plaignant avait subi un accident du travail avec comme conséquence l’amputation de l’index de la main droite.  Il a alors informé le plaignant que son embauche serait retardé parce qu’il était nécessaire qu’il évalue son dossier de la CSST avant qu’il puisse se prononcer sur son cas.  Avec l’autorisation du plaignant, l’intimée a alors demandé à la CSST d’acheminer le dossier du plaignant au Dr Matte.

[23] Le 5 juillet 2004, après avoir reçu le dossier de la CSST, la Chef en gestion des ressources humaines de l’intimée, Lucie Plouffe, a fait parvenir une lettre au Dr Matte dans laquelle elle lui demande de se prononcer sur la capacité physique du plaignant d’exécuter le travail de préposé au service.  Elle joint également à la lettre une description d’emploi du poste de proposé au service et, à titre d’informations supplémentaires, elle énumère le type de charge que le travailleur pourrait être appelé à soulever dans l’exécution de son travail:

  • Ouverture de la porte moteur, 90 fois/jour (75 lbs) (En contre-interrogatoire, M. Langlois, chef à l’entretien des véhicules, expliquera que le 75 lbs se réfère au  poids total de la porte, non à la force exigée pour ouvrir cette porte.)
  • Vidange de la boîte de perception, tourner la sonde 35 fois/jour
  • Faire le plein de carburant de 90 autobus/jour (enclenchement du pistolet)
  • Lavage extérieur de l’autobus avec brosse de 6 pieds
  • Déplacer baril d’huile et graisse au besoin 205 litres (45 gallons) – (En contre-interrogatoire, M. Langlois expliquera qu’il y a des chariots élévateurs pour transporter ces barils)
  • Travailler à l’extérieur pour enlever la neige (occasionnel)
  • Lavage intérieur à l’aide de vaporisateur à jet (3000 lbs de pression) – (En contre-interrogatoire, M. Langlois précisera que la pression est créée par le moteur utilisé et non par l’enclenchement du vaporisateur.)
  • Lavage sous caisse avec vaporisateur à jet
  • Lavage de pièces, doit soulever pièces de moteur qui varient entre 5 et 75 lbs
  • La porte qui donne vers l’extérieur s’ouvre et se ferme régulièrement durant la journée.

[24] Cette description avait été préparée par M. Langlois à la demande de Lucie Plouffe et de Jacynthe Poulin, la conseillère en santé et sécurité de l’intimée.  M. Langlois explique qu’elles lui avaient demandé d’établir une liste des tâches pour un employé avec une limitation fonctionnelle à la main.

[25] À la lumière du mandat qui lui a été confié, ainsi que du dossier d’accident de travail et des limitations fonctionnelles permanentes du plaignant, le Dr Matte a conclu, le 14 juillet 2004, que le plaignant ne rencontrait pas les exigences du poste de préposé au service.  Lors de son témoignage, le Dr Matte reconnaîtra, entre autres, que la limitation fonctionnelle qui indiquait que la puissance de la préhension [du plaignant était]  diminuée d’environ 50% est une description relativement imprécise.  Il précise que sans avoir vérifié celle-ci, il s’est fondé sur une force de préhension moyenne, qu’il dit être d’environ 50 kilos.  Conséquemment, il en a conclu que la force de préhension du plaignant avec sa main droite était de 25 à 30 kilos.  Toutefois, lorsque contre-interrogé par le plaignant, il admettra qu’une femme, qui a à peu près cette force de préhension, pourrait effectivement effectuer les tâches de préposé au service.  Il s’empresse de préciser qu’il ne s’attarde pas uniquement à une tâche mais à l’ensemble de celles-ci.

[26]  Il ajoute également que le poste de préposé au service demande de travailler au froid étant donné que les préposés sont requis de laver les autobus.  De plus, la porte moteur s’ouvre régulièrement – selon le Dr Matte, elle s’ouvre 90 fois par jour parce qu’il y a à peu près 90 autobus qui partent – pour laisser entrer les autobus afin qu’ils puissent être lavés.  En hiver, le froid entre lorsque la porte est ouverte, l’eau pour laver les autobus est froide et les autobus sont pleins de glace et de givre.  Il en conclut donc que le plaignant ne peut effectuer ces tâches en raison de la limitation fonctionnelle qui dit qu’il souffre d’intolérance au froid pour toute la main droite.

[27] Le Dr Matte ajoute également que le lavage d’autobus exige que le préposé manipule un jet d’eau d’une pression de 3 000 livres.  Il précise que ce travail requiert une bonne force de préhension constante de 20 à 25 kilos.  Il mentionne aussi que les titulaires de ce poste sont appelés à déplacer des gros barils de 45 gallons, ce qui demande une bonne pogne.  Pendant une bonne partie de son témoignage principal, le Dr Matte a continué à décrire le travail que doivent effectuer les préposés pour en conclure que le plaignant ne pouvait exécuter ces tâches en raison de ses limitations fonctionnelles.

[28] En contre-interrogatoire, il précisera qu’il n’avait pas à vérifier les limitations du plaignant puisque la blessure avait été consolidée et que des limitations permanentes avaient été émises.  Il ajoute : Pour moi permanent, c’est permanent.  Ça veut dire que dans 20 ans, ça va être encore permanent.  Lorsque contre-interrogé par le plaignant, le Dr Matte précisera que sa responsabilité et ses obligations dans un dossier CSST. sont de respecter les limitations qui ont été émises par le médecin traitant, dans le cas présent, celles fixées par le Dr Carter.

[29] Ayant pris en considération l’ensemble des travaux qu’un préposé doit accomplir ainsi que les limitations permanentes du plaignant, le Dr Matte conclut que le plaignant ne peut effectuer le travail d’un préposé.

[30] Avant de prendre une position finale à l’égard du dossier du plaignant, l’intimée a réuni son comité d’accommodement, composé de Lucie Plouffe et de Jacynthe Poulin, représentantes de la direction des ressources humaines, et de deux employés cadres de la direction de l’entretien, soit Claude Renaud, le directeur, et Sylvain Martel, le chef d’ingénierie à la direction de l’entretien.  Le comité s’est réuni afin d’évaluer s’il était possible pour l’intimée d’accommoder le plaignant.  Après analyse du dossier, le comité d’accommodement a conclu qu’il n’était pas possible d’accommoder le plaignant, sans contrainte excessive, afin de lui permettre d’occuper la fonction de préposé tout en respectant ses limitations fonctionnelles. 

[31] Plus spécifiquement, selon le compte-rendu de la rencontre du comité d’accommodement qui s’est tenue le 20 juillet 2004, le comité s’est penché sommairement sur les postes de préposé au service – lavage intérieur et concierge pour voir s’il n’était pas possible d’accommoder le plaignant dans ces postes.  Le comité en est venu à la conclusion que les limitations fonctionnelles du plaignant n’étaient pas compatibles avec ces postes.  Le comité s’est également penché sur la possibilité de réserver la fonction de préposé au carburant, dans le poste préposé au service, au plaignant puisque celle-ci pourrait répondre aux limitations de ce dernier.  Cependant, le document poursuit en indiquant que comme il n’est pas envisageable d’éliminer la possibilité du travail de nuit et l’aspect de rotation entre les fonctions (quart de travail moins populaire et habituellement effectué par les moins anciens), celle-ci a été éliminé.  De plus, le comité conclut qu’il ne voit pas comment il pourrait réserver [cette] fonction [au plaignant] sans affecter le moral des équipes et même [leur] stabilité.  Le comité conclut également qu’aucun autre poste n’est disponible pour lequel le plaignant pourrait se qualifier.  Il affirme également n’avoir pas examiné la possibilité de créer un nouveau poste, car celui-ci serait assujetti aux règles d’affichage de la convention collective, en plus de créer une contrainte financière.  Finalement, un emploi à temps partiel n’a pas été considéré car les tâches auraient été similaires à celles déjà évaluées.

[32] Lors de son interrogatoire Mme Plouffe ajoutera qu’il y aurait peut-être eu un poste de chauffeur d’autobus que l’intimée aurait pu offrir au plaignant.  Or, elle ajoute que sans en avoir fait une analyse exhaustive, elle avait d’emblée éliminé ce poste car elle avait déjà fait faire un rapport ergonomique pour un chauffeur qui s’était blessé à un pouce et le rapport soulignait des charges importantes au niveau de la conduite du véhicule.  Toutefois, en contre-interrogatoire, elle reconnaîtra que le rapport d’orientation de carrière préparé par la CSST suggérait comme travail possible pour le plaignant celui de chauffeur d’autobus. 

[33] Mme Plouffe a également témoigné que le comité d’accommodement avait discuté de la possibilité d’éliminer le travail de nuit dans le cas du plaignant advenant son embauche, de façon à éviter qu’il ait à effectuer toutes les fonctions d’un préposé au service.  Or, selon le comité, les règles de la convention collective, ne permettaient pas de faire passer le plaignant avant les autres travailleurs.  De plus, elle ajoute que la raison de l’embauche des employés temporaires, tel le plaignant, est pour faire du remplacement surtout la nuit.

[34] Le comité d’accommodement en est donc venu à la conclusion qu’aucun accommodement ne pouvait être effectué en regard des limitations fonctionnelles du plaignant. 

[35] Le 27 juillet 2004, l’intimée avise le plaignant, par lettre, que sa candidature ne pouvait être retenue.  Lucie Plouffe et Jacynthe Poulin ont alors rencontré le plaignant pour lui remettre la lettre et lui expliquer la décision de l’intimée.  Elles ont alors expliqué que l’intimée était liée par les limitations fonctionnelles inscrites au dossier de la CSST et qu’elle ne pouvait pas le retenir pour le poste de préposé.

[36] Suite à la décision de l’intimée, le plaignant a contacté à nouveau le Dr Carter qui avait produit le rapport de 1998.  Le 6 octobre 2004, le Dr Carter a fait subir un autre examen médical au plaignant.  Selon le nouveau rapport préparé par le Dr Carter, l’objet de cette évaluation était de déterminer s’il y avait eu amélioration dans l’état de la main du plaignant depuis la première évaluation en 1998 laquelle avait fixée des limitations fonctionnelles permanentes.  Le 10 octobre 2004, le plaignant a transmis à l’intimée le nouveau rapport du Dr Carter qui indiquait que le plaignant n’avait plus aucune limitation fonctionnelle.  Selon le Dr Carter, le plaignant n’a plus de difficulté à saisir des petits objets et la sensation du bout de son majeur est redevenue normale.  Il ajoute que le plaignant utilise son majeur droit comme s’il utilisait l’index qui a été amputé.  Le Dr Carter précise que la force de préhension est maintenant approximativement normale et que le plaignant ne souffre plus d’intolérance au froid. 

[37] Suite à l’obtention du deuxième rapport médical, l’intimée a fait des démarches auprès de la CSST afin de voir si cette dernière consentirait à lever les limitations fonctionnelles émises en 1998 par le Dr Carter.  La CSST a refusé de modifier sa décision de 1998 et de lever les limitations fonctionnelles.  L’intimée estime donc qu’elle est toujours liée par la décision de 1998 rendue par la CSST.  Par lettre du 2 décembre 2004, l’intimée informe le plaignant qu’elle ne modifie pas sa décision de ne pas retenir sa candidature.  Dans cette lettre, elle précise que comme tout autre employeur, [elle] a l’obligation de prendre toutes les mesures pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité de ses travailleurs.  Or, comme il a été établi en application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui est une loi d’ordre public, que vous étiez porteur de limitations fonctionnelles permanentes, la STO se sent liée par cette décision.  Par ailleurs, comme notre médecin d’entreprise a confirmé que vos limitations sont incompatibles avec les fonctions de préposé au service, nous ne sommes pas en mesure de retenir votre candidature. 

[38] Dans une note produite le 1er décembre 2004, une certaine Louise Audet, agente de la CSST, après avoir discuté avec Jacynthe Poulin, écrit : Nous confirmons à Mme Poulin qu’il n’y a aucun changement légal au dossier.  La CSST ne peut se prononcer à nouveau sur la capacité de travail à moins d’une RRA.  Or le nouveau REM produit par le Dr Carter à la demande du [travailleur] ne donne pas ouverture à une RRA.  Par ailleurs, la STO, sans être liée par les décisions légales rendues dans ce dossier, est justifiée de vouloir s’assurer de la capacité réelle du [travailleur] à effectuer ce travail.  Si la STO considère que le dernier rapport du Dr Carter n’est pas suffisamment concluant à cet égard, la STO peut exiger que le [travailleur] fournisse une évaluation de capacité fonctionnelle ou lui faire subir un test préalable à l’emploi.  Nous demandons à la STO d’agir envers ce [travailleur] comme elle agirait envers un [travailleur] qui aurait subi le même accident en dehors du travail.  La responsabilité de respecter [les limitations fonctionnelles] revient au [travailleur] alors que l’[employeur] doit s’assurer que le [travailleur] est pleinement en mesure d’accomplir la tâche. [C’est moi qui souligne.]

[39] Suite à la décision de l’intimée, le plaignant dit avoir retenu les services d’un avocat afin d’entreprendre des démarches auprès de la CSST.  Dans une lettre du 14 décembre 2004, qu’il a fait parvenir à la CSST, Me Réjean Bélanger, l’avocat du plaignant, demande à la CSST, non pas de modifier le rapport médical de 1998, mais que le rapport médical du docteur Carter, produite en 2004, fasse partie du dossier médical du plaignant.  Le 10 janvier 2005, la CSST informe le plaignant que le rapport médical de 2004, a effectivement été versé à son dossier.

[40] Lors de l’audience, l’intimée a également mis en preuve la description d’emploi pour plusieurs tâches à la direction de l’entretien.  Ainsi, le concierge (intérieur et extérieur) bureaux voit notamment à la propreté, à l’entretien et au nettoyage des locaux de la Direction de l’entretien.  Le préposé au service assure le service sur les véhicules, par l’entretien périodique des autobus.  Il procède à la vérification avant le départ, effectue le plein de carburant et des lubrifiants et de l’air dans les pneus.  Il nettoie tous les véhicules et exécute toutes autres tâches connexes.  Le manœuvre (lavage de pièces) effectue le lavage de toutes les pièces mécaniques et le nettoyage du garage.  Finalement, le manœuvre (intérieur et extérieur)-garage assure la propreté complète dans les bâtiments, les vitres ainsi que la propreté des planchers.  Il répond aux besoins de déplacements internes et externes se rapportant aux marchandises.

[41] Dans le compte-rendu de la rencontre du comité d’accommodement de l’intimée dont nous avons fait mention plus haut, le poste de préposé au service est décrit comme se divisant en trois grandes familles de fonctions:

  1. Stationnement des autobus à l’endroit assigné et responsable du vidange de la boîte de perception. ( Ce que M. Langlois a décrit comme le gareur.)
  2. Vérification et ajustement des niveaux d’huile et inspection des pneus à droite.
  3. Préposé au carburant, inspection des pneus à gauche et entrée des données électroniques. ( Ce que M. Langlois a décrit comme le pompiste.).

Selon le compte-rendu, la fonction 1 demande la vidange de la boîte de perception, donc une manipulation de la sonde sur laquelle une grande pression doit être appliquée avec les deux mains d’une façon uniforme.  La fonction 2 demande de lever la porte-moteur qui pèse 75 lbs à 90 reprises dans une journée.  L’inspection des pneus demande de donner un grand coup avec un marteau de 5 lbs.

[42] Les trois fonctions sont effectuées en rotation par les employés de soir.  Les employés de jour, pour leur part, se sont distribués de façon non-formelle les trois fonctions et la direction de l’entretien tolère cette pratique puisqu’elle convient aux employés et qu’elle ne souhaite pas créer d’animosité au sein de l’équipe.  Les deux employés de nuit font chacune des trois fonctions.

[43] L’hiver, les préposés au service ont également comme tâche de nettoyer les portes de garage aux entrées.  M. Langlois précise qu’une fois que les autobus sont sur la route, les préposés doivent s’assurer que le niveau d’antigel et d’huile au garage est adéquat.  Ils ont alors à déplacer ce qu’il décrit comme des barils de 45 gallons en ajoutant toutefois qu’ils ont des chariots élévateurs pour les assister dans cette tâche. 

[44] Le jour, il y a trois préposés au service qui travaillent : trois gareurs, un pompiste et un vérificateur d’huile.  Pour le quart du soir, il y a également cinq préposés au service : deux rentrent de 15 h 00 à 18 h 00 et les trois autres de 18 h 00 à 2 h 00.  Règle générale, les préposés qui travaillent le soir effectuent les mêmes tâches que ceux qui travaillent le matin.  Toutefois, ceux qui travaillent sur le quart de nuit effectuent toutes les tâches. Le jour ces tâches sont réparties entre trois préposés.

[45] Selon le témoignage de M. Langlois, les préposés au service qui travaillent le jour ont à s’occuper d’environ 90 autobus, alors que ceux qui travaillent la nuit peuvent avoir entre 25 à 45 autobus.

[46] Le témoin a ensuite expliqué le travail du manœuvre (intérieur et extérieur)-garage.  Cet employé assure la propreté des lieux.  L’hiver il est responsable de s’assurer que les sorties soient bien nettoyées.  Cet employé doit également s’assurer des besoins du service d’entretien; il sera responsable de déplacer, avec le chariot élévateur, les barils de 45 gallons.  Cet employé travaille sur un quart de jour. 

[47] Le manœuvre – lavage des pièces travaille à ce que M. Langlois a décrit comme lereconditionnage de pièce.  Il est responsable de nettoyer les pièces avant qu’elles soient remises aux mécaniciens pour le reconditionnement.  Il a à soulever et placer les pièces mécaniques dans une grosse laveuse.  Il précise qu’il y a un palan qui sert à soulever les plus grosses pièces mais que des pièces de 30 à 75 livres doivent être manipulées manuellement par l’employé. 

[48] La Convention collective de travail prévoit que l’intimée se réserve le droit d’embaucher neuf (9) employés temporaires et que ces employés temporaires n’accompliront que les fonctions de préposé au service, de manœuvre et de concierge.  Les employés temporaires n’ont aucune garantie d’heure.

[49] Lors de son témoignage, Lucie Plouffe a décrit comment un employé temporaire pouvait changer de statut chez l’intimée.  Dans un premier temps, l’employé temporaire accumule des heures de travail.  Après 1 040 heures de travail accumulées, il accède à une liste de priorité d’embauche pour le poste de préposé au service.  Lorsqu’un poste permanent devient disponible, suite à un départ ou à la création d’un nouveau poste, alors l’employé qui se trouve au haut de la liste de priorité obtient le poste de préposé au service sur une base régulière.  Un fois qu’il obtient un poste régulier, l’employé est garanti 40 heures de travail par semaine.

[50] Madame Plouffe a également indiqué qu’une évaluation du rendement des employés temporaires est également faite et que si celle-ci s’avère insatisfaisante l’employeur peut mettre fin à l’emploi.  De plus, selon la convention collective, l’employé temporaire qui est choisi pour devenir un employé régulier est assujetti à une période de probation dont la durée est déterminée.  Selon les paramètres de la convention collective, si l’employé a accumulé 5 200 heures travaillées ou s’il a accumulé 2 080 heures travaillées dans un période de quinze mois, il ne sera pas soumis à une période de probation.  L’employé qui aura accumulé 2 080 heures travaillées dans une période de dix-huit mois, sera soumis à une période de probation de trois mois, tandis que les autres employés seront soumis à une période de probation de six mois.

B. Questions en litige

[51] Les questions en litige se résument ainsi :

  1. L’intimée et le plaignant sont-ils liés par la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail de la province de Québec d’émettre des limitations fonctionnelles permanentes?
  2. L’intimée a-t-elle fait preuve de discrimination fondée sur une déficience en refusant d’embaucher le plaignant en raison de sa déficience?
  3. Si la réponse à la question b) est positive, alors l’intimée a-t-elle démontré qu’il est impossible de fournir un accommodement à M. Knight sans que cela ne constitue une contrainte excessive pour elle?
  4. Si la plainte est accueillie, quelles sont les compensations qui doivent être octroyées au plaignant?

C. La décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

[52] Le 5 mai 1998, alors qu’il occupait un poste de boucher, le plaignant a subi un accident de travail qui eut comme conséquence l’amputation de l’index de sa main droite.  Suite aux recommandations émises le 4 août 1998 par le médecin traitant du plaignant, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), de la province de Québec a émis les limitations fonctionnelles auxquelles nous avons fait référence plus tôt dans cette décision.

[53] Le 10 octobre 2004, le plaignant a obtenu un nouveau rapport de son médecin traitant lequel établissait qu’il n’avait plus de limitations fonctionnelles.  L’intimée a soumis ce nouveau rapport à la CSST.  La CSST a néanmoins confirmé que les limitations fonctionnelles permanentes étaient maintenues et n’a pas révisé sa décision de 1998.

[54] Lors de l’audience, le plaignant a demandé que le Tribunal lève les limitations fonctionnelles émises par la CSST ou, tout au moins, que le Tribunal conclut sur la base du nouveau rapport du médecin traitant et sur un rapport d’évaluation en ergothérapie, que le plaignant n’a plus de limitations fonctionnelles. 

[55] Le Tribunal ne croit pas qu’il soit nécessaire pour les fins de la présente affaire de traiter de cette question.  D’ailleurs, il n’est pas évident, à la lecture de la Loi canadienne sur les droits de la personne que le Tribunal posséderait cette compétence.  L’objet de la Loi n’est pas de déterminer si une commission de la santé et de la sécurité de travail provinciale a ou non raison de maintenir les limitations fonctionnelles qu’elle a émises.  Son objet est de donner effet au droit des individus à l’égalité des chances d’épanouissement indépendamment des considérations fondées sur leur déficience.

[56] La question de savoir si les limitations fonctionnelles émises en 1998 par la CSST sur recommandation du médecin traitant du plaignant devraient être levées devra trouver une réponse dans la procédure prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. chapitre A- 3.001).  Afin de réaliser l’objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne LCDP et de déterminer si la plainte est fondée, il n’y pas lieu, pour le Tribunal de se prononcer sur cette première question car, comme l’a admis l’intimée, une personne atteinte de limitations fonctionnelles est une personne atteinte d’une déficience au sens de la LCPD et la question est donc de savoir si l’intimée a rencontré son obligation d’accommodement prévue dans la LCPD envers cette personne. 

[57] D’ailleurs sur ce point, je reprend à mon compte les commentaires de l’arbitre Dissanayake, dans la sentence arbitrale Re Air Canada and International Association of Machinists and Aerospace Workers (1998), 74 L.A.C. (4th) 233, où il déclare :

La CAT a attiré l’attention de l’employeur sur son obligation en vertu de la Loi sur les accidents du travail, L.R.O. 1990, ch. W.11, de tenter de fournir un travail convenable au plaignant. L’employeur est également tenu d’accommoder le plaignant en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 ainsi qu’en vertu de la convention collective. […]  [L’employeur] a agi en croyant que tant qu’il suivrait les conseils de la CAT et respecterait les lois susmentionnées, il agirait légitimement. J’estime que cela est une grave erreur, bien que je ne doute aucunement que la direction agissait de bonne foi. Le problème est que la CAT n’est pas responsable pour le respect de la Loi sur les droits de la personne. Par contre, l’employeur est tenu en permanence en vertu de la Loi et de la convention de prendre des mesures d’accommodement quant à l’invalidité du plaignant dans la mesure où cela ne lui occasionne aucune contrainte excessive et ce devoir est indépendant des obligations prévues dans les lois sur les accidents du travail.  [Traduction [C’est moi qui souligne.]

D. L’intimée a-t-elle fait preuve de discrimination fondée sur une déficience en refusant d’embaucher le plaignant en raison de sa déficience?

[58] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

3(1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

(…)

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

(…)

15(1) It is not a discriminatory practice if

(a) any refusal, exclusion, expulsion, suspension, limitation, specification or preference in relation to any employment is established by an employer to be based on a bona fide occupational requirement

(…)

(2) For any practice mentioned in paragraph (1)(a) to be considered to be based on a bona fide occupational requirement and for any practice mentioned in paragraph (1)(g) to be considered to have a bona fide justification, it must be established that accommodation of the needs of an individual or a class of individuals affected would impose undue hardship on the person who would have to accommodate those needs, considering health, safety and cost.

3(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

(…)

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu

(…)

15(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées

(…)

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[59] Ainsi, selon la Loi, constitue un acte discriminatoire le fait de refuser d’employer un individu du fait de sa déficience.  Une déficience est définie à l’article 25 de la Loi comme une déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée. 

[60] Le comportement de l’employeur ne sera pas considéré comme discriminatoire s’il peut être établi que son refus à l’égard de tout emploi découle d’exigences professionnelles justifiées (EPJ) (le paragraphe 15(1) de la Loi).  Il doit être établi, pour qu’un acte soit considéré comme une EPJ, que le fait de répondre aux besoins de la personne ou d’une catégorie de personnes visées constituerait pour l’employeur une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (le paragraphe 15(2) de la Loi).

[61] La Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), la méthode devant être suivie pour établir s’il existe une EPJ. 

[62] Il incombe, dans un premier temps, à la partie plaignante d’établir l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, par. 28 (O’Malley)).  Dans ce contexte, la preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l’absence de réplique de la partie intimée.  Une fois que l’existence de la discrimination a été établie prima facie, l’intimée peut justifier la norme contestée en établissant ce qui suit, selon la prépondérance des probabilités :

  1. L’intimée a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
  2. L’intimée a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
  3. La norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.  Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, l’intimée doit démontrer qu’il est impossible de composer avec le plaignant sans que l’intimé subisse une contrainte excessive.  Il appartiendra à l’intimée de démontrer qu’elle a envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d’accommodement

    (Voir, Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, au para. 20.  (Grismer)).

(i) La preuve prima facie

[63] Dans la présente affaire, étant donné l’admission de l’intimée, la question de savoir si le plaignant souffre d’une déficience au sens de la Loi est déterminée.  D’ailleurs, même si l’intimée ne l’avait pas admis, j’aurais néanmoins conclu que l’handicap physique du plaignant – soit l’absence de l’index de la main droite et des limitations fonctionnelles qui en découlent – constituait une déficience au sens de la Loi.  La question qui se pose donc est de savoir si l’intimée est justifiée de refuser d’employer le plaignant en raison de sa déficience.

(ii) L’application du critère de l’arrêt Meoirin et de l’article 15 de la LCDP

(a) Les deux premiers éléments du critère de l’arrêt Meoirin

[64] L’intimée prétend que la norme adoptée et le comportement qui s’en est suivi étaient justifiés.  Elle soutient que compte tenu des limitations fonctionnelles imposées au plaignant, elle est incapable de lui fournir un accommodement individuel sans que cela constitue une contrainte excessive.

[65] Lors de la présentation de la preuve et dans leurs arguments finaux, les parties n’ont pas jugé bon d’aborder les deux premiers critères de l’arrêt Meoirin.  Nous pouvons en déduire qu’elles reconnaissent que la norme adoptée par l’intimée – soit d’assurer que le travail de préposés au service puisse s’effectuer de manière sécuritaire et sans risque – avait un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause.  À mon avis, il n’y a aucune raison de mettre en doute cette conclusion.

[66] De plus, je suis convaincu que l’intimée a adopté cette norme de bonne foi, en croyant qu’elle était nécessaire pour assurer l’exploitation sécuritaire de son entreprise.  Le deuxième critère de Meiorin a donc également été rencontré.

(b) L’intimée a-t-elle démontré qu’il est impossible de fournir un accommodement à M. Knight sans que cela constitue une contrainte excessive pour l’intimée?

[67] Pour démontrer qu’une norme est raisonnablement nécessaire (la troisième étape du critère de l’arrêt Meiorin, qui a été codifiée au paragraphe 15(2) de la LCDP), un employeur doit démontrer qu’il est impossible de fournir un accommodement au plaignant et aux autres  employés visés par la norme sans s’imposer une contrainte excessive. 

[68] La Cour suprême, dans l’arrêt Meoirin, au paragraphe 64, conseille aux cours de justice et aux tribunaux administratifs de tenir compte des diverses manières dont il est possible de composer avec les capacités d’un individu.  Un employeur devrait se renseigner sur la possibilité d’exécuter le travail de différentes manières tout en réalisant l’objet légitime lié à l’emploi que vise l’employeur.  Les aptitudes, les capacités et l’apport potentiel du plaignant et de ceux qui sont dans la même situation que lui doivent être respectés autant qu’il est possible de le faire.

[69] En l’espèce, la norme d’embauche mettait l’accent sur la nécessité de garantir la sécurité au travail.  Le fait que cette norme exclue certaines catégories de personnes ne constitue pas de la discrimination si l’intimée peut démontrer qu’elle est raisonnablement nécessaire à la réalisation de l’objectif approprié et si l’accommodement a été incorporé dans la norme.  L’exclusion n’est justifiable que si l’intimée peut démontrer qu’elle a pris toutes les mesures d’accommodement possibles tant qu’il n’en a pas résulté pour elle une contrainte excessive. (Voir Colombie-Britannique (Superintendant of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, au para. 21).

[70] Une forme d’accommodement pourrait par exemple consister à procéder à une évaluation individuelle du plaignant en vue de décider de son aptitude à travailler à titre de préposé au service.  Rien ne démontre que l’intimée a tenté de faire une telle évaluation du plaignant.  D’ailleurs, le témoignage du Dr Matte, le médecin conseil de l’intimée, fut très clair sur cette question : il n’a pas examiné le plaignant personnellement et on ne lui a pas, non plus, demandé de le faire.  La preuve montre que la décision de l’intimée s’est basée uniquement sur les conclusions émises par le Dr Carter, en 1998, quant aux limitations fonctionnelles du plaignant.  L’intimée et le Dr Matte semblent être d’avis, de bonne foi j’en conviens, que la décision de ne pas embaucher le plaignant serait légitime si l’intimée suivait les conclusions de la CSST quant aux limitations fonctionnelles.  Un problème avec cette approche est qu’elle omet de tenir compte du fait que la CSST n’est aucunement tenue de se conformer à la Loi.  Or, l’intimée elle, n’échappe pas aux obligations de la Loi du simple fait de l’existence de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., chapitre A-3.001 (la LATMP).  D’ailleurs, je tiens à préciser qu’en ce qui concerne la CSST, l’intimée n’a pas démontré pourquoi ou comment elle était liée par les conclusions de celle-ci au stade de l’embauche surtout lorsque ces conclusions sont basées sur les informations médicales qui ne sont plus courantes.  L’intimée avait le fardeau de démontrer comment le non respect de ces conclusions constituerait une contrainte excessive.

[71] Je ne suis pas convaincu, selon la preuve présentée, que l’intimée ait fait quelque effort pour évaluer individuellement le plaignant en vue d’établir si son état l’empêchait d’exécuter les tâches et responsabilités de préposé au service, ni comment l’évaluation individuelle du plaignant lui causerai une contrainte excessive.  Sur ce point, l’intimée semble avoir apporté toute son attention sur les obligations que lui impose la LATMP, et avoir omis de porter une attention suffisante à celles de la Loi

[72] L’intimée prétend qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer l’aptitude individuelle du plaignant.  Elle est convaincue que les limitations fonctionnelles émises par la CSST le rendait inapte à exécuter de manière sécuritaire les tâches de préposé au service.  Cet argument ne me convainc pas.  Le fait de permettre à un employeur d’invoquer des opinions à l’égard des déficiences de ses employés qu’il perçoit comme évidentes sans qu’il n’ait procédé à une évaluation individuelle de ses aptitudes à accomplir le travail de manière sécuritaire aurait pour effet de lui donner une justification trop facile à l’égard d’un comportement qui pourrait autrement être discriminatoire.  Comme la Cour suprême l’a mentionné dans l’arrêt Grismer, supra, au paragraphe 19, la raison pour laquelle l’accommodement doit être incorporé dans une norme vise à assurer que chacun est évalué selon ses propres capacités personnelles plutôt qu’en fonction des présumées caractéristiques d’un groupe qui sont souvent fondées sur un parti pris et des préjugés de longue date.  Une évaluation individuelle de l’employé est par conséquent une étape essentielle, à moins qu’elle ne constitue elle-même une contrainte excessive pour l’intimée, dans le processus d’accommodement (Voir l’arrêt Grismer, aux paragraphes 22, 30, 32 et 38; l’arrêt Meiorin, au paragraphe 65; et Audet c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 25, au paragraphe 61.)

[73] Toutefois, même si je devais conclure que l’intimée n’avait pas à effectuer une évaluation individuelle du plaignant parce qu’elle poserait une contrainte excessive, il resterait toujours la question de savoir si l’intimée, après avoir établi que le plaignant était inapte à occuper le poste de préposé au service, a envisagé et rejeté raisonnablement tous les autres moyens possibles d’accommodement qu’elle pouvait lui offrir sans qu’elle n’en subisse une contrainte excessive (Voir Meiorin, supra, au para. 65).  À mon avis, elle n’a pas réussi à établir qu’elle a satisfait à cette exigence.

[74] La preuve de l’intimée est qu’elle a évalué toutes les possibilités d’accommodement raisonnable en tenant compte de la déficience et des limitations fonctionnelles du plaignant.  Avant de prendre une décision finale à l’égard du dossier du plaignant, elle a constitué son comité d’accommodement, composé de représentants de la direction des ressources humaines et de la direction de l’entretien.  Ce comité s’est réuni afin d’évaluer s’il était possible pour l’intimée d’accommoder le plaignant sans subir de contrainte excessive. 

[75] Selon la preuve, le comité d’accommodement a, après avoir pris connaissance de l’analyse du Dr Matte, conclu qu’il n’était pas possible d’accommoder le plaignant pour lui permettre d’occuper la fonction de préposé tout en respectant ses limitations fonctionnelles.  Selon l’analyse que le comité dit avoir fait des différentes fonctions assignées aux préposés au service, celles-ci ne respectaient pas les limitations fonctionnelles du plaignant. 

[76] Le comité d’accommodement se serait penché sommairement sur les postes de préposé au service – lavage intérieur et concierge pour voir s’il était possible d’y accommoder le plaignant.  Il en est venu à la conclusion que les limitations fonctionnelles du plaignant n’étaient pas compatibles avec ces postes.  Le comité dit s’être également penché sur la possibilité de réserver la fonction de préposé au carburant, dans le poste préposé au service, au plaignant puisque celle-ci pourrait répondre aux limitations de ce dernier.  Or, le comité conclut comme il n’est pas envisageable d’éliminer la possibilité du travail de nuit et l’aspect de rotation entre les fonctions (quart de travail moins populaire et habituellement effectué par les moins anciens cette possibilité a été éliminée.  Le comité est également d’avis qu’il ne pouvait réserver [cette] fonction [au plaignant] sans affecter le moral des équipes et même [leur] stabilité. 

[77] Le comité conclut également qu’aucun autre poste n’est disponible pour lequel le plaignant pourrait se qualifier.  Il n’a pas examiné la possibilité de créer un nouveau poste car, selon le comité, celui-ci aurait été assujetti aux règles d’affichage de la convention collective, en plus de créer une contrainte financière pour l’intimée.  Finalement, un emploi à temps partiel n’a pas été évalué car, selon le comité, les tâches auraient été similaires à celles déjà évaluées.

[78] Lors de son interrogatoire Mme Plouffe mentionnera qu’il y aurait peut-être eu un poste de chauffeur d’autobus que l’intimée aurait pu offrir au plaignant.  Or, elle ajoute que sans avoir fait une analyse exhaustive de la capacité du plaignant d’occuper ce poste, elle l’avait d’emblée éliminée car elle avait déjà fait faire un rapport ergonomique pour un autre chauffeur qui s’était blessé à un pouce et le rapport soulignait des charges importantes au niveau de la conduite du véhicule.  Elle admettra en contre-interrogatoire, que le rapport d’orientation de carrière préparé par la CSST suggérait comme travail possible pour le plaignant celui de chauffeur d’autobus. 

[79] Elle mentionnera également que le comité d’accommodement avait discuté de la possibilité d’éliminer le travail de nuit dans le cas du plaignant advenant son embauche, de façon à éviter qu’il ait à effectuer toutes les fonctions d’un préposé au service.  Or, selon le comité, les règles de la convention collective ne permettaient pas de faire passer le plaignant avant les autres travailleurs.  Le comité en est donc venu à la conclusion qu’aucun accommodement ne pouvait être effectué en regard des limitations fonctionnelles du plaignant.

[80] Abordons en premier lieu l’argument mis de l’avant par le comité d’accommodement à l’effet que composer avec le plaignant minerait le moral des équipes.  Premièrement, je constate que cette proposition n’est pas appuyée par la preuve.  De plus, dans l’arrêt Meiorin, précité, la Cour suprême s’est exprimée ainsi sur une question similaire, au paragraphe 80 : Même s’il va sans dire qu’il faut examiner sérieusement l’opposition des employés qui résulte de craintes légitimes que leurs droits soient lésés, on ne peut justifier la discrimination fondée sur un motif prohibé par l’argument que l’abandon de cette pratique minerait le moral des employés. 

[81] Pour déterminer ce qui constitue une contrainte excessive, l’intimée s’est appuyée sur plusieurs sentences arbitrales dont, entre autres, celle dans l’affaire Syndicat des technologues en radiologie du Québec et Centre hospitalier des Vallées de l’Outaouais (Pavillon de Hull), T.A. 199-08-12, DTE 99T -1044 (Me Denis Nadeau), sentence rendue quelques mois avant les décisions de la Cour suprême dans les arrêts Meiorin et Grismer.  Dans cette sentence, l’arbitre énumère un certain nombre de droits qui peuvent être affectés négativement par l’implantation d’une mesure d’accommodement.  Il parle, entre autres, de l’alourdissement de la tâche des autres employées appelés à exécuter une partie des fonctions de la personne accommodée, de l’exposition à un risque plus grand pour la santé et la sécurité en raison de la nécessité pour un employé de travailler avec un collègue qui sollicite un accommodement particulier, l’acceptation d’un horaire de travail moins avantageux, la renonciation à une promotion attendue ou la mutation à un autre poste.  Sans me prononcer sur le bien fondé de ces préoccupations en ce qui concerne l’obligation d’accommodement prévu à la Loi, je tiens à préciser que là encore aucune preuve n’est venue établir que tel était le cas en l’espèce et que cela imposait une contrainte excessive à l’intimée.

[82] Bien que, dans certaines circonstances ces considérations puissent, peut-être, justifier le refus de composer avec les personnes atteintes de déficiences, il faut se garder de ne pas accorder suffisamment d’importance à l’accommodement de la personne handicapée.  Il m’apparaît beaucoup trop facile d’invoquer ces considérations pour justifier un refus d’accorder un traitement égal aux personnes handicapées.  Je n’affirme pas que celles-ci ne puissent jamais être pertinentes en matière d’accommodement; j’affirme cependant que la preuve, constituée d’impressions, ne suffit pas.

[83] Selon les critères de l’arrêt Meiorin, l’intimée était tenue de démontrer qu’elle avait envisagé et rejeté raisonnablement toute forme possible d’accommodement.  Il lui incombait de prouver qu’il était impossible d’incorporer des aspects d’accommodement individuel sans qu’il n’en résulte pour elle une contrainte excessive.  Dans l’arrêt Grismer, la Cour suprême exprime ainsi, au paragraphe 43, le fardeau qui incombe à un intimé dans un cas comme le présent : Le bon sens et le raisonnement logique ne sont pas exclus mais, dans un cas où on refuse carrément l’accommodement, il doit y avoir certains éléments de preuve qui lient le refus d’accorder même la possibilité d’accommoder à un risque excessif en matière de sécurité.

[84] Je retiens également que le plaignant a le droit à un accommodement pour autant que cela ne constitue pas une contrainte excessive pour l’intimée.  L’utilisation de l’adjectif excessif démontre qu’une certaine contrainte est acceptable, seule la contrainte qui est excessive peut excuser l’employeur de son obligation.  La preuve ne m’a pas convaincu que l’accommodement du plaignant nécessitait un réaménagement substantiel de l’ensemble des tâches à un point où cela aurait constitué une contrainte excessive pour l’intimée.  L’intimée allègue, sans pour autant en faire la preuve de manière convaincante, que l’accommodement – sans préciser en quoi consisterait cet accommodement – entraînerait des risques pour la santé, la sécurité et l’intégrité du plaignant et des autres salariés de l’entreprise.  Il s’agit là, selon elle, d’une contrainte excessive.  Toutefois, rien dans la preuve soumise à l’audience n’est venu appuyer ces prétentions.

[85] Tout en acceptant que l’obligation d’accommoder ne va pas nécessairement jusqu’à la création d’un poste de travail sur mesure pour le plaignant, nous tenons à faire remarquer que là n’est pas ce que le plaignant réclame.  Le plaignant demande que l’opportunité lui soit donnée de démontrer qu’il peut, avec accommodement, exécuter les tâches du poste pour lequel il a postulé. 

[86] La preuve présentée par l’intimée ne m’a pas convaincu que le fait de fournir un accommodement au plaignant constituerait pour elle une contrainte excessive.  Il y avait des options d’accommodement possible mais l’employeur les a rejetées pour des raisons qui, si elles peuvent être qualifiées de contraintes, sont loin d’être excessives, du moins avec la preuve soumise à l’audience.

[87] Je constate également que dans son argumentaire, l’avocat de l’intimée note au paragraphe 66 : Après la réception du [deuxième] rapport du médecin traitant du plaignant, la STO a même fait des démarches auprès de la CSST afin de voir si celle-ci accepterait de modifier les limitations fonctionnelles émises, mais en vain.  J’en déduis que si la CSST avait levé ces limitations, l’intimée aurait pris le plaignant à son service.  Ainsi, on peut se poser la question à savoir si la contrainte que semblait percevoir l’intimée ne venait pas de sa perception que ses obligations sous la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles l’empêchaient d’employer le plaignant.  Toutefois, comme nous avons conclu que les obligations de cette loi n’enlèvent pas l’obligation pour l’employeur de se conformer la Loi, il serait difficile d’y voir une contrainte excessive d’autant plus que l’intimée n’en a pas fait la preuve.

E. La conclusion sur la discrimination

[88] Pour tous les motifs précédemment énoncés, je conclus que l’intimée a fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant du fait de sa déficience, en contravention de l’article 7 de la Loi.  L’intimée n’a pas établi que sa décision de ne pas retenir le plaignant pour le poste de préposé au service découle d’exigences professionnelles justifiées, suivant l’article 15 de la Loi

[89] La plainte de M. Knight est par conséquent fondée.

F. Les redressements sollicités par M. Knight

[90] Les redressements sollicités par le plaignant sont les suivants :

  1. une ordonnance enjoignant l’intimée à l’intégrer dans le milieu du travail à un poste permanent de préposé au service;
  2. une indemnité pour pertes de salaire en vertu de l’alinéa 53(2)c) de la Loi;
  3. une indemnité pour préjudice moral en conformité avec l’alinéa 53(2)e) de la Loi; et
  4. le remboursement de certaines dépenses

(i) L’intégration dans le milieu du travail

[91] Le plaignant sollicite une ordonnance, suivant l’alinéa 53(2)b) de la Loi, prévoyant que l’intimée l’intègre dans un poste de préposé au service comme employé régulier.  L’alinéa 53(2)b) énonce que le Tribunal, lorsqu’il juge qu’une plainte est fondée, peut ordonner que l’intimée accorde au plaignant, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances et avantages dont l’acte discriminatoire l’a privés. 

[92] Le plaignant soutient qu’il a droit à ce redressement puisque la preuve a démontré que les employés embauchés après que l’intimée lui eut refusé le poste, sont présentement des employés réguliers.  Il demande donc que le Tribunal ordonne à l’intimée de l’intégrer dans un poste de préposé au service, à titre d’employé permanent, rétroactif au 1er juin 2004.  Je constate toutefois que la preuve n’a pas démontré que tous les employés embauchés après le 1er juin 2004 occupent aujourd’hui un poste régulier.  Certains n’ont pas réussi la période de probation et ne sont plus à l’emploi de l’intimée.  L’éventualité que le plaignant aurait pu subir le même sort n’est pas à écarter.  En ce qui concerne l’intégration du plaignant à un poste supérieur, il s’agit d’une question de suffisance de preuve.  Le plaignant a le fardeau de démontrer que ce qu’il réclame était raisonnablement prévisible.  Il n’a pas rencontré ce fardeau en l’espèce.  Je ne suis pas convaincu que la preuve présentée indique qu’il existe une possibilité sérieuse que le plaignant aurait atteint un poste permanent au moment de la décision du Tribunal. (Voir Canada (P.G.) c. Uzoaba, [1995] 2 C.F. 569.)

[93] Le Tribunal ne peut dans les circonstances accéder à la requête du plaignant et ordonner que l’intimée l’intègre dans un poste régulier de préposé au service.  L’acte discriminatoire de l’intimée n’a pas privé le plaignant d’un tel poste, mais plutôt de l’opportunité d’avoir droit à une poste sur appel et l’opportunité après une période de probation de postuler pour un poste régulier, conformément aux dispositions de la Convention collective de travail.

[94] Dans la sentence arbitrale Air Canada and I.A.M. (Petelka) (Re), supra, l’arbitre Dissanayake était confronté à une situation factuelle sur plusieurs points similaires à la présente.  Voici ce qu’il avait à dire relativement à une requête pour un redressement semblable à celui sollicité par le plaignant :

Outre la question des qualifications et des compétences, avant d’ordonner que l’on attribue un poste particulier au plaignant, je dois être convaincu que celui‑ci est médicalement apte à accomplir les tâches du poste. À la lumière de la preuve dont je dispose, je suis incapable de me convaincre un tant soi peu que le plaignant est oui ou non capable de les accomplir. Il serait irresponsable de ma part d’ordonner que l’on attribue un poste particulier au plaignant en l’absence d’éléments de preuve démontrant que celui‑ci est capable d’accomplir les tâches du poste sans se mettre indûment en danger ou sans mettre indûment en danger ses collègues de travail. Je ne peux pas non plus décider quels sont les accommodements, le cas échéant, dont il a besoin pour être capable d’accomplir les tâches de l’un ou l’autre poste. Le personnel de la CAT qui a évalué le plaignant n’a pas témoigné devant moi, ni d’ailleurs le médecin d’Air Canada. Le Dr Bhatia, le médecin personnel du plaignant est le seul expert médical qui a témoigné. Son témoignage ne m’est pas très utile car il a témoigné sans jamais examiner les tâches et les responsabilités d’un préposé d’escale à l’aéroport d’Ottawa. Il n’a même pas vu la description du poste. L’employeur n’a pas tenté de circonscrire les tâches essentielles de l’un ou l’autre poste. L’employeur n’a fait passer aucun examen médical au plaignant pour savoir s’il était capable d’accomplir les tâches. L’employeur n’a pas songé à la manière selon laquelle il pourrait accommoder le plaignant si celui‑ci devait accomplir des tâches qui ne sont pas permises en vertu de ses restrictions. On ne peut pas non plus se fier à l’évaluation faite par le plaignant quant à sa capacité d’accomplir les tâches.   [Traduction]

[95] Je suis, en l’espèce, confronté à un problème similaire.  Mis à part les compétences professionnelles du plaignant, aucune preuve convaincante n’a été soumise concernant ses capacités physiques d’exécuter les tâches requises pour le poste de préposé au service sans qu’il n’y ait besoin d’un accommodement.  En toute conscience, je ne peux émettre une ordonnance enjoignant l’intimée d’attribuer un poste régulier au plaignant sans être convaincu qu’il puisse exécuter ces fonctions.  Il m’est également impossible de déterminer sur la base de la preuve qui m’a été soumise quels accommodements seraient, le cas échéant, appropriés pour le plaignant.  La seule preuve médicale que j’ai des capacités du plaignant est celle du Dr Carter, qui n’a pas évalué les limitations fonctionnelles de celui-ci en considérant les tâches du poste convoité et celles du Dr Matte, qui lui a déterminé que le plaignant ne pouvait accomplir ces tâches sans pour autant avoir procédé à une évaluation du plaignant. 

[96] Par conséquent, j’ordonne que l’intimée intègre le plaignant dans un poste de préposé au service, sur appel.  Avant toutefois que le plaignant ne débute son travail, l’intimée pourra procéder à une expertise indépendante de celui-ci afin d’évaluer ses capacités d’exécuter les tâches requises d’un préposé au service et pour évaluer, le cas échéant, les accommodements qui pourraient être requis.  Dans l’éventualité où cette expertise établit que le plaignant peut accomplir les tâches avec ou sans accommodement, le plaignant devra alors se soumettre à la période de probation prévue à la convention collective. 

[97] J’ordonne également que l’intimée et le plaignant coopèrent de bonne foi dans l’exécution de cette ordonnance.

(ii) L’indemnité pour pertes de salaire en vertu de l’alinéa 53(2)c) de la Loi

[98] Comme deuxième redressement, le plaignant sollicite, en conformité avec l’alinéa 53(2)c), une indemnité pour perte de salaire.  Selon l’évaluation faite par le plaignant, il aurait subi, entre juin 2004 et décembre 2006, une perte de salaire de l’ordre de 75 352,84$, en raison de l’acte discriminatoire de l’intimée.  Il réclame donc ce montant à titre d’indemnité pour perte de salaire.  Sans pour autant accepter les chiffres présentés par le plaignant, ni le droit de celui-ci de recouvrer ce montant ou tout autre montant, l’intimée a refait les calculs, en tenant compte de la convention collective, et est arrivée à un montant de 73 019,40$. 

[99] L’intimée soutient premièrement et, de bon droit, que le plaignant avait l’obligation d’atténuer ses pertes.  Cette obligation d’atténuer les pertes, qu’elle découle du Code civile québécois ou de la common law, vise, dans l’un et l’autre cas, le même objectif à savoir de pallier l’aggravation des dommages en prenant les mesures qu’aurait prises dans les mêmes circonstances une personne raisonnablement prudente et diligente.  Le défaut d’atténuer les dommages peut amener à  une réduction substantielle de l’indemnité accordée et voir même au rejet de la réclamation du plaignant.  La question se pose donc à savoir si le plaignant a démontré qu’il avait répondu de manière raisonnable à cette obligation d’atténuation de son préjudice.  (Voir Canada (procureur général) c. Morgan (C.A.), [1992] 2 C.F. 410, au para. 24.).

[100] Après le 27 juillet 2004, date à laquelle le plaignant apprenait que l’intimée ne retiendrait pas sa candidature pour le poste de préposé, il affirme avoir travaillé comme travailleur autonome dans son entreprise de paysagement.  Il dit avoir débuté cette entreprise pendant l’été de 2003.  L’entreprise fonctionnait essentiellement, la première année, d’avril à août. 

[101] De septembre 2003 à juin 2004, le plaignant dit ne pas avoir travaillé car, pendant cette période il suivait sa formation pour devenir mécanicien de véhicules lourds routiers.  À partir de juin 2004, il dit avoir repris son entreprise de paysagement.  Durant 2004, il dit avoir continué son entreprise au-delà de l’été et jusqu’à l’hiver où il a commencé à faire du déneigement à la souffleuse. 

[102] Le plaignant affirme avoir débuté une recherche active d’emploi à l’hiver 2005 en envoyant son curriculum vitae un peu partout.  Il ajoute avoir présenté ses demandes d’emploi essentiellement au Québec car il considérait sa connaissance de la langue anglaise insuffisante pour postuler pour un poste en Ontario.  Il affirme n’avoir reçu que très peu d’accusés de réception et n’avoir jamais été convoqué à une entrevue.

[103] Le plaignant a déposé en preuve ses Déclarations de revenus pour les années 2004 et 2005.  Dans ces deux déclarations, il déclare être un travailleur autonome dans le domaine de l’aménagement paysager.  Pour l’année 2004, son revenu total, selon sa déclaration de revenus, serait négatif, soit une perte de 3 947,66$.  Ce montant comprend 5 464$ en revenu provenant de ses prestations d’assurance chômage et d’un emploi qu’il a occupé pendant cette année et une perte de 9 511,66$, pour le travail effectué dans son entreprise d’aménagement.  Dans l’état des résultats des activités d’une entreprise pour cette année, il déclare 23 839,34$ en revenu et des dépenses de 33 251,66$.  Entre autres, il déclare des dépenses de 4 448,53$ en publicité, des dépenses de 11 215,97$, relatives à l’utilisation d’un véhicule à moteur et des dépenses de 14 537,19$ pour des fournitures. 

[104] Dans sa Déclaration d’impôt 2005, le plaignant affirme encore une fois avoir eu un revenu négatif de (4 993,31) $.  Plus précisément, son État des résultats des activités d’une entreprise montre des ventes pour un montant de 22 177,34$ et des dépenses pour un montant de 27 170,65$.  Les dépenses relatives à l’utilisation d’un véhicule à moteur s’élèvent pour cette année à 14 149,14$ et celles pour la fourniture à 9 569,59$. 

[105] Il explique les dépenses en fourniture par l’achat d’équipement pour son entreprise, soit une remorque, des tondeuses, des tracteurs, des trimets et des scies.  Il ajoute également à ces dépenses en fourniture, l’achat de cèdres qu’il devait planter pendant ces années.  Il a  inscrit dans ses dépenses une réclamation pour les paiements fait sur l’intérêt hypothécaire de sa maison.  En contre-interrogatoire, il précisera que cette dépense n’a aucun rapport avec son entreprise et qu’il n’en voit pas la pertinence. 

[106] Pour les années 2004 et 2005, il déclare n’avoir occupé aucun autre emploi.

[107] Je dois admettre que j’ai énormément de difficulté à accepter les chiffres présentés par le plaignant concernant ses revenus pour les années 2004 et 2005.  Bien que je puisse admettre qu’une entreprise puisse fonctionner à perte, j’ai de la difficulté à accepter que le plaignant ait pu travailler pendant deux années consécutives sans réaliser de revenus.  Aucune personne raisonnable n’accepterait de faire fonctionner une entreprise dans ces conditions. 

[108] Pour l’année 2004, je constate que les revenus bruts tirés de l’entreprise du plaignant s’élèvent, selon son rapport d’impôt à 23 839,34$.  Si j’accepte comme raisonnable au moins la moitié des dépenses déclarées par le plaignant dans sa déclaration, son revenu net pour cette année serait alors d’à peu près 12 000$. J’accepte ce montant comme représentant plus raisonnablement le revenu du plaignant pour l’année 2004.

[109] Dans ses calculs pour l’année 2004, le plaignant réclame un montant de 10 925,00$ comme perte de salaire.  Il affirme que s’il avait travaillé pour l’intimée en 2004, il aurait travaillé pendant 25 semaines, soit l’équivalent de 575 heures, à un taux horaire de 19,00$.  Selon la preuve de Madame Plouffe, le taux horaire de la convention aurait plutôt été de 17,07$ l’heure, pour un salaire de 9 815,25$.  J’accepte comme plus fiable les calculs de Madame Plouffe.  Prenant en considération la preuve, je conclus que pour les mois de juin, juillet et août 2004, le plaignant n’a  subi aucune perte de salaire car il travaillait alors à son entreprise d’aménagement paysager.  Toutefois, pour les mois de septembre à décembre 2004, j’évalue sa perte à 4 000$, soit un peu moins de la moitié du montant calculé par Madame Plouffe. 

[110] Pour l’année 2005, il déclare un bénéfice brut résultant des activités de son entreprise, au montant de 22 177,34$.  Encore une fois, je dois conclure que les dépenses qu’il réclame pour cette année m’apparaissent excessives.  En effet, il dit avoir des dépenses d’entreprise de l’ordre de 27 170,65$, ce qui voudrait dire que pour une deuxième année de suite il aurait subi une perte nette dans l’exercice de son entreprise.  Je considère excessives les réclamations pour les dépenses d’un véhicule à moteur (14 149,14$ - soit 100% de l’utilisation de l’auto) et celle pour la fourniture (9 569,59$).  À elles seules, ces deux chefs de dépenses accapareraient la totalité des revenus de l’entreprise.  Il réclame encore des frais hypothécaires qu’il a reconnu, lors de son contre-interrogatoire, ne pas avoir affaire avec son entreprise.

[111] Pour l’année 2005, il serait plus réaliste de considérer un montant moindre pour les dépenses du plaignant.  Comme le suggère l’intimée, je crois que ce montant pourrait être réduit de moitié, ce qui voudrait dire que pour cette année les revenus du plaignant serait de l’ordre de 11 000$.  Selon les chiffres présentés par Madame Plouffe, le plaignant aurait tiré un revenu de 28 736,43$, s’il avait travaillé pour l’intimée pendant cette année.  Ainsi, pour l’année 2005, en tenant compte des revenus de 11 000$, sa perte de salaire se situerait à 17 000$.  Je conclus que la perte de salaire du plaignant pour l’année 2005 est de 17 000$.

[112] Pour l’année 2006, le plaignant n’a soumis aucun bilan en ce qui concerne ses revenus et devant l’absence de preuve, je me vois dans l’impossibilité d’accorder un montant pour la perte de salaire.

[113] En conclusion, pour l’année 2004 le montant auquel le plaignant a droit au titre de perte de salaire est de 4 000$.  Pour l’année 2005, ce montant est de 17 000$.  Aucun montant n’est accordé pour l’année 2006, en raison de l’absence de preuve. 

[114] Aux termes de l’alinéa 53(2)c) de la Loi, le plaignant a donc droit à 21 000$ au titre de perte de salaire suite à l’acte discriminatoire de l’intimée.  Ce montant m’apparaît raisonnable eu égard à la preuve et à l’obligation qu’a le plaignant d’atténuer sa perte.

(iii) L’indemnité pour préjudice moral – l’alinéa 53(2)e) de la Loi

[115] Le plaignant réclame également au titre de l’alinéa 53(2)e) un montant de 20 000$ à titre d’indemnité pour préjudice moral.  Je dois admettre que la preuve présentée à l’audience pour soutenir cette réclamation m’apparaît pour le moins mince et certainement insuffisante pour justifier le montant réclamé par le plaignant qui est le maximum prévu par la Loi.  Quoique le paragraphe 53(2) de la Loi accorde une discrétion au Tribunal quant à l’octroi de divers remèdes lorsqu’une plainte s’avère fondée une telle discrétion doit être exercées judiciairement et à la lumière de la preuve devant le Tribunal.  En l’espèce la plainte est accueillie et rien dans le témoignage du plaignant ne laisse présager quelque motif pour lui refuser l’octroi d’une indemnité pour préjudice moral. (Voir Dumont c. Transport Jeannot Gagnon, 2002 CFPI 1280.)

[116] Je conviens que la décision de l’intimée ait causé un préjudice moral au plaignant, si ce n’est en terme d’anxiété.  J’accorde donc une indemnité de 2 000$ au titre de préjudice moral.

(iv) Dépenses encourues – l’alinéa 53(2)c).

[117] Aux termes de l’alinéa 53(2)c) un plaignant peut réclamer les frais supplémentaires et des dépenses occasionnées par l’acte discriminatoire.  En l’espèce, le plaignant réclame le remboursement :

  • d’une facture pour représentation juridique auprès de la CSST, de l’ordre de 312,01$
  • une facture pour un rapport d’ergothérapie de l’ordre de 55$; et
  • une facture pour un rapport médical de 315,65$.

[118] Pour la facture de représentation juridique auprès de la CSST, je ne peux voir comment les démarches du plaignant auprès de la CSST peuvent être imputées à l’intimée dans la présente procédure.  Cette réclamation est donc rejetée.

[119] En ce qui concerne la facture pour un rapport d’ergothérapie, on se réfère à un rapport préparé par une firme CRD Physiothérapie et Réadaptation.  Ce rapport n’a jamais été déposé en preuve. La réclamation pour le remboursement de ces frais est donc également rejetée.

[120] La facture pour le remboursement du deuxième rapport médical du Dr Carter est cependant acceptée puisqu’elle a été entraînée par l’acte discriminatoire.  Si l’intimée avait procédé à une évaluation individuelle du plaignant ce deuxième rapport n’aurait peut-être pas été nécessaire.  J’ordonne donc le remboursement de la facture de 315,65$

(v) Les intérêts

[121] L’intérêt est payable à l’égard de toutes les indemnités accordées dans la présente décision (paragraphe 53(4) de la Loi).  L’intérêt devra être calculé selon la règle 9(12) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits la personne (03-01-04) soit au taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada.  L’intérêt courra à compter de la date de la plainte jusqu’à la date du versement de l’indemnité.

Signée par

Michel Doucet
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 2 mai 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1116/9705

Intitulé de la cause : Michel Knight c. Société de transport de l’Outaouais
Date de la décision du tribunal : Le 2 mai 2007
Date et lieu de l’audience : Les 6 au 9 novembre 2007 Ottawa (Ontario)

Comparutions :

Michel Knight, pour le plaignant

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Jean-François Pedneault, pour l'intimée

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