Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

ASSOCIATION DES EMPLOYÉ(E)S DE TÉLÉCOMMUNICATION DU

MANITOBA INC., BARBARA CUSTANCE, CARMEN GIROUX, CHUCK HANDO,

KATHLEEN MULLIGAN ET JANICE SIRETT

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

MANITOBA TELECOM SERVICES

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 28
2007/07/16

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal canadien

des droits de la personne

[1] Les plaignants ont déposé une requête en obtention d'une ordonnance obligeant la Commission canadienne des droits de la personne et l'intimé à produire une copie complète et non censurée du rapport sur la conformité à l'équité en matière d'emploi de l'intimé, Manitoba Telecom Services, du 26 mai 2004, et, en particulier, à produire le rapport provisoire mentionné dans l'annexe D du rapport sur la conformité. Cette requête a été présentée au Tribunal le 3 juillet 2007 et le président du Tribunal, Grant Sinclair, qui a été nommé responsable de la gestion de l'instance, a ordonné que la question soit traitée au début de l'audience du 9 juillet 2007.

[2] L'intimé s'oppose à la production de ce document. Il soutient que le document contient des renseignements protégés par l'article 34 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, L.C. 1995, ch. 44, qui prévoit ce qui suit :

34 (1) Les renseignements obtenus par la Commission dans le cadre de la présente loi sont protégés. Nul ne peut sciemment les communiquer ou les laisser communiquer sans l'autorisation écrite de la personne dont ils proviennent.

(2) Il ne peut être exigé d'un commissaire ou d'un agent de la Commission qui obtient des renseignements protégés dans le cadre de la présente loi qu'il dépose en justice à leur sujet, ni qu'il produise des déclarations, écrits ou autres pièces à cet égard, sauf lors d'une instance relative à l'application de la présente loi.

(5) Les renseignements obtenus par la Commission ou un tribunal dans le cadre de l'application de la présente loi ne peuvent être utilisés, sans le consentement de l'employeur concerné, dans des procédures intentées en vertu d'une autre loi.

[3] L'intimé soutient aussi que les renseignements compris dans ce document ne seraient pas pertinents quant à la présente affaire et constitueraient une preuve par ouï-dire.

[4] Je traiterai brièvement du deuxième argument. La production de documents est assujettie au critère de la pertinence potentielle, qui n'est pas un critère très exigeant. Il doit y avoir une certaine pertinence entre le document ou les renseignements demandés et la question en litige. Il ne fait aucun doute qu'il est dans l'intérêt public de veiller à ce que tous les éléments de preuve pertinents soient disponibles dans le cadre d'une affaire comme celle en l'espèce. Une partie a le droit d'obtenir les renseignements ou les documents qui sont pertinents quant à l'affaire ou qui pourraient l'être. Cela ne veut pas dire que ces documents ou renseignements seront admis en preuve ou qu'on leur accordera une importance significative.

[5] L'article 34 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi interdit-il la divulgation du document? L'objet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi est de réaliser l'égalité en milieu de travail pour les personnes membres de quatre groupes désignés - les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles. En vertu de l'article 22, la Commission peut effectuer une vérification de la conformité à l'équité en matière d'emploi chez n'importe quel employeur visé par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Le paragraphe 34(1) prévoit que les renseignements que la Commission obtient des employeurs pendant une vérification sont des renseignements protégés et que nul ne peut les communiquer ou les laisser communiquer sans l'autorisation de la personne dont ils proviennent.

[6] L'intimé soutient que l'intérêt public servi par la garantie que les renseignements que le rapport provisoire comporte restent confidentiels est la promotion d'un échange de renseignements complet et franc entre les employeurs et la Commission.

[7] Pour examiner l'intérêt public envers la confidentialité des renseignements, il est nécessaire de tenir compte de l'objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Ces deux lois sont de nature quasi constitutionnelle : voir Gould c. Yukon Order of Pioneers, [1996] 1 R.C.S. 571, Ontario (Commission des droits de la personne) c. Simpson-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536. L'objet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi est de réaliser l'égalité en milieu de travail pour les membres de groupes désignés, alors que l'objet de la Loi canadienne sur les droits de la personne est de donner effet au principe du droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, à l'abri de considérations aboutissant à des pratiques discriminatoires. Comme nous pouvons le voir, les deux objets sont très semblables et ils visent tous deux à atteindre des buts très importants pour la société.

[8] Les plaignants ne demandent pas la divulgation des documents ou des renseignements que l'intimé a fournis à la Commission, lesquels renseignements seraient protégés en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. En fait, ils demandent la divulgation du rapport provisoire, un document qui a été préparé par la Commission et qui se trouve en annexe du rapport final, aussi préparé par la Commission. Le rapport final a été divulgué sans objection de la part de la Commission ou de l'intimé.

[9] L'intimé a soutenu que certaines parties du rapport provisoire contenaient des renseignements qui avaient été fournis à la Commission et qui étaient donc protégés en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. L'intimé a présenté au Tribunal une copie du rapport provisoire dans laquelle il a surligné les passages qui, à son avis, contenaient de tels renseignements. J'ai eu l'occasion d'examiner ce document et les passages surlignés.

[10] Après avoir examiné la preuve qui m'a été présentée, je suis d'avis que, si l'on élimine les passages surlignés, il n'y a aucune raison pour laquelle le document ne pourrait pas être divulgué aux plaignants.

[11] Par conséquent, j'ordonne que l'intimée présente aux plaignants, sans tarder, une copie du rapport provisoire qui apparaît à l'annexe D du rapport sur la conformité à l'équité en matière d'emploi, du 26 mai 2004, et que les renseignements suivants, qui sont protégés en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, soient masqués :

Page 3 - La section intitulée [traduction] II Méthodologie de la vérification et état

Page 4 - La première ligne du premier paragraphe de la section B - [traduction] Réalisations de l'employeur

Page 10 - Le paragraphe suivant le titre [traduction] Méthodologie pour l'examen des systèmes d'emploi de 2002

Page 10 - Le premier paragraphe suivant le titre [traduction] Zones sélectionnées pour l'examen des systèmes d'emploi de MTS

[12] Les conditions énoncées par le président Sinclair dans son ordonnance du 29 juin 2007 s'appliquent à la présente ordonnance.

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)
Le 16 juillet 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1161/4306

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Association des employé(e) de télécommunication du Manitoba inc., Barbara Custance, Carmen Giroux, Chuck Hando, Kathleen Mulligan et Janice Sirett c. Manitoba Telecom Services

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 9 au 11 juillet 2008
Winnipeg (Manitoba)

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 16 juillet 2007

ONT COMPARU :

R. Ivan Holloway
Luke Bernas

Pour les plaignants

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerry Parkinson
Paul McDonald

Pour l'intimé

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