Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

PIERRE BERGERON

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

TÉLÉBEC LIMITÉE

- et -

ALAIN RIVARD

les intimés

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Roger Doyon

2004 TCDP 16

2004/05/21

I. INTRODUCTION

II. LA PREUVE

A. Preuve du plaignant

(i) Pierre Bergeron

B. Preuve des intimés

(i) Serge Faubert

(ii) Claude Mayrand

(iii) Alain Rivard

(iv) Lyne Doroftei

(v) Docteur Jean-Joseph Condé

(vi) Josée Ferron

(vii) Richard Leblanc

III. LA LOI

IV. FARDEAU DE LA PREUVE

V. ANALYSE

A. Le plaignant a-t-il été défavorisé en cours d'emploi en raison d'une déficience (dépression) ?

(i) Mise à pied du 6 décembre 1995

(ii) Mise à pied du 24 janvier 1997

(iii) Mises à pied en 1997

(iv) Mise à pied du 24 décembre 1997

B. Le plaignant a-t-il été victime de la part des intimés de harcèlement en cours d'emploi en raison de sa déficience (dépression) ?

VI. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] Pierre Bergeron a déposé, le 10 octobre 2000, une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) contre son employeur, Télébec Limitée (Télébec). Il allègue que son employeur a agi de façon discriminatoire à son endroit en le traitant de façon défavorable en emploi et en refusant de lui offrir un milieu de travail exempt de harcèlement en raison de sa déficience (dépression) contrairement aux articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

[2] Pierre Bergeron a également déposé une plainte, le 10 octobre 2000, devant la Commission dans laquelle il allègue que Alain Rivard, à l'emploi de Télébec, a agi de façon discriminatoire à son endroit en le harcelant en cours d'emploi en raison de sa déficience (dépression) contrevenant ainsi à l'article 14 de la Loi.

[3] Au début de l'audience, la Commission a annoncé que les faits à l'origine des plaintes justifiaient leur examen par un Tribunal des droits de la personne. Elle a déclaré que son rôle à l'audience se limiterait à une déclaration d'ouverture où elle a rappelé les principes qui doivent guider le Tribunal dans toute affaire qui traite des droits de la personne et plus particulièrement en matière de discrimination.

II. LA PREUVE

A. Preuve du plaignant

(i) Pierre Bergeron

[4] Pierre Bergeron a été embauché chez Télébec comme installateur-réparateur le 7 mai 1987. Il possédait un DEC en sciences humaines et un DEC en électronique. Il s'agissait d'un poste temporaire pour le secteur de Rouyn-Noranda. Après avoir travaillé trois (3) semaines en compagnonnage avec un employé plus expérimenté, il a été muté à Ville-Marie où il exerce seul ses fonctions. En avril 1988, il obtient un poste permanent d'installateur-réparateur à La Sarre.

[5] En 1990, le plaignant pose sa candidature au poste d'épisseur à La Sarre et il obtient ce poste le 23 avril 1990. Le 20 novembre 1995, il est informé de sa mise à pied effective le 6 décembre 1995 avec droit de rappel pour une période de 24 mois.

[6] Une convention collective régit les relations de travail des employés de Télébec. Le témoin reconnaît que son ancienneté ne lui permettait pas de conserver son emploi dans sa catégorie d'emploi d'épisseur mais qu'elle lui permettait de supplanter dans la catégorie d'emploi d'installateur-réparateur parce qu'il était capable de répondre aux exigences du poste qu'il avait déjà occupé pendant trois ans. L'intimée lui a refusé d'exercer son droit de supplantation. Il dépose un grief le 6 décembre 1995 lequel est référé à l'arbitrage le 25 avril 1996 et l'Union des Routiers retire le grief le 30 avril 1997.

[7] Pierre Bergeron prétend que s'il avait pu exercer son droit de supplantation, il aurait maintenu un emploi stable mais que ce refus a créé chez lui un état d'insécurité qui fut à l'origine de la dépression qu'il a subie en août 1996.

[8] Lors d'une rencontre du comité de griefs en mars 1996, il a appris, sans pouvoir identifier la source exacte de cette information, que les employés inscrits sur la liste de rappel ne seraient jamais réembauchés. Toutefois, il est rappelé au travail dès le 26 mars 1996 comme monteur de lignes à Sainte-Rose, projet Lac Abitibi, d'une durée approximative de deux mois et demi. Ses conditions de travail n'étaient plus celles prévues à la convention collective en vigueur lors de sa mise à pied en décembre 1995, notamment le temps de déplacement n'était plus rémunéré et l'indemnité de repas avait été abolie.

[9] Le 15 mai 1996, le plaignant était avisé de sa mise à pied effective le 31 mai 1996 avec un droit de rappel de 24 mois. Toutefois, le 27 mai 1996, Pierre Bergeron est avisé que sa mise à pied est reportée à une date ultérieure. Du 3 au 21 juin 1996, le plaignant obtient une promotion intérimaire comme épisseur. Le 12 juin 1996, le plaignant est à nouveau avisé de sa mise à pied effective le 12 juillet 1996, laquelle fut reportée au 2 août 1996.

[10] Le témoin raconte que, vers le 19 juillet 1996, Claude Mayrand lui a offert un poste permanent d'installateur-réparateur à Val d'Or à compter du 6 août 1996. Pierre Bergeron avait fait une demande de mutation le 15 mai 1996 comme installateur-réparateur à Val-d'Or, suite à l'affichage de deux postes (Pièce I-14) d'installateur-réparateur à Val-d'Or ; il a accepté le poste. Cette acceptation mettait fin à sa promotion intérimaire. Elle constituait pour lui une rétrogradation qui lui convenait en raison du caractère permanent du poste. À la fin de la période d'affichage, le plaignant avait appris que l'intimée n'avait retenue aucune des candidatures reçues. Par conséquent, lorsque ce poste d'installateur-réparateur lui a été offert, il ne s'agissait pas pour lui du poste sur lequel il avait posé sa candidature. Il a plutôt compris que cette offre était la reconnaissance par l'employeur du droit de supplantation qu'il avait revendiqué par le grief formulé suite à sa mise à pied du 6 décembre 1995. Cependant, il n'a pas retiré ce grief car il soupçonnait son employeur de lui avoir tendu un piège. Pour lui, Télébec croyait qu'il ne pourrait remplir les tâches d'installateur-réparateur et qu'il quitterait son emploi. Il prétend que les événements survenus par la suite ont démontré que ses appréhensions étaient bien fondées.

[11] Le mardi 6 août 1996, il s'est présenté à Val-d'Or à son supérieur immédiat, Claude Mayrand. Ce dernier ne semblait pas être au courant de son arrivée et il n'avait ni véhicule, ni outils à lui fournir pour l'exécution de son travail. Le plaignant s'est rendu à l'entrepôt pour rassembler ses outils.

[12] Le lendemain, on a mis un véhicule à sa disposition dans lequel il a placé ses outils de travail pour travailler ensuite avec un collègue. À la fin de la journée, comme il n'avait pas suffisamment d'outils pour réaliser un travail adéquat, il a suggéré à son supérieur immédiat de prendre congé le jeudi et le vendredi pour reprendre le travail le lundi suivant avec un véhicule muni des équipements requis et utilisé par un étudiant dont l'emploi se terminait à la fin de la semaine. Son supérieur immédiat a accepté sa suggestion. Le plaignant raconte qu'au cours de la fin de semaine, plus précisément le 10 août 1996, il a fait une dépression qui s'est traduite par une tentative de suicide.

[13] Il a consulté son médecin traitant, le Dr Guy Perrier, le 12 août 1996, et ce dernier a diagnostiqué une dépression majeure ; il lui a recommandé une hospitalisation mais il a refusé. Son médecin l'a référé à un psychologue et il a prévu un retour au travail à temps plein le 16 septembre 1996. Il a revu son médecin le 1er octobre 1996 lequel a prolongé l'absence du travail jusqu'au 4 novembre 1996 ; il a rencontré à nouveau son médecin le 30 octobre 1996 et il a prévu un retour au travail, sans restriction, à temps partiel le 2 décembre 1996.

[14] Dans la semaine du 12 août 1996, Claude Mayrand s'est rendu à son domicile pour lui remettre la formule médicale BC1935 qu'il devait faire remplir par son médecin traitant et acheminer à son employeur. Pierre Bergeron prétend que le but de cette visite n'était qu'un prétexte car on voulait s'assurer qu'il était vraiment malade. De plus, au cours de sa période de convalescence qui s'est terminée le 2 décembre 1996, il a remarqué que Claude Mayrand est passé à plusieurs reprises, au volant de son véhicule, devant sa résidence en circulant lentement. Pierre Bergeron estime que son supérieur immédiat agissait de la sorte pour vérifier s'il était chez lui et il s'est senti harcelé.

[15] Au cours de cette même période de convalescence, ayant obtenu un poste permanent d'installateur-réparateur à Val-d'Or, le plaignant, résidant à La Sarre, a entre-pris des démarches pour acquérir une résidence à proximité de son lieu de travail. Il a signé une offre d'achat d'une résidence à Val Senneville le 4 novembre 1996.

[16] Le 26 novembre 1996, le plaignant a rencontré le Dr Jean-Joseph Condé, médecin de Télébec, avec lequel il a convenu d'un retour progressif au travail, sans restriction, à raison de deux jours consécutifs dans la semaine du 2 décembre 1996, trois jours par semaine à compter du 9 décembre 1996 et à temps plein à compter du 3 janvier 1997. Il s'est présenté au travail le 2 décembre 1996. Il raconte qu'à la suite de ces deux journées de travail il se sentait épuisé. Il a eu l'occasion de rencontrer Claude Mayrand et Alain Rivard. Aux yeux du plaignant, cette rencontre visait à lui mettre énormément de pression dans le but de l'amener à quitter son poste. Alain Rivard lui aurait dit : Tu es mieux d'abandonner avant d'y rester.

[17] Le lundi 9 décembre 1996, il a rencontré, en l'absence du Dr Condé, l'infirmière au bureau de ce dernier, pour lui expliquer qu'il avait éprouvé des difficultés à effectuer deux jours consécutifs de travail la semaine précédente. Il a convenu avec l'infirmière qu'il effectuerait au cours de cette semaine deux jours consécutifs de travail au lieu de trois jours comme prévu.

[18] Au cours de cette période de travail, Claude Mayrand et Alain Rivard, ses supérieurs immédiats, l'ont amené dans un local pour lui adresser des reproches sur son rendement au travail et ses absences non justifiées. Il raconte qu'il s'est mis à pleurer suite aux reproches qui lui étaient adressés.

[19] Dans la semaine du 16 décembre 1996, Pierre Bergeron a travaillé les 16, 18 et 20 décembre. Le lundi, 16 décembre 1996, Alain Rivard l'a informé qu'il prévoyait, dans les prochains jours, l'installation d'un système de téléphone affaires, soit trois lignes téléphoniques avec une possibilité de huit téléphones. Le plaignant a demandé à Alain Rivard de recevoir une formation préalablement à l'installation de ce système de téléphone, plus particulièrement quant à la programmation. Cette demande de formation lui fut refusée par André Rivard qui lui aurait mentionné que s'il avait obtenu le poste d'installateur-réparateur c'était parce qu'il devait savoir quoi faire. Au cours de cette journée, il a fait des travaux de filage chez Val-d'Or Performance. Il déclare ne pas se souvenir avoir fait une demande à Claude Mayrand, au cours de la semaine du 16 décembre 1996, pour prendre congé les 23 et 24 décembre 1996.

[20] Le 18 décembre 1996, à son arrivée au travail, le système de téléphone affaires devait être installé et le plaignant s'est rendu chez le client, la Brasserie la Pépie à Val-d'Or. Il a dû enlever d'abord le système téléphonique existant et procéder à l'installation du nouveau système. Au cours de son travail, le plaignant a constaté une erreur d'assignement du central de sorte que les numéros de téléphone n'étaient pas acheminés au bon endroit. Il a réussi à remédier au problème avec l'aide d'un confrère de travail qui faisait une installation dans un commerce à proximité.

[21] Le témoin raconte que son travail d'installation et de programmation s'est bien déroulé à l'exception d'empêcher la possibilité d'appels interurbains depuis l'appareil téléphonique dans la cuisine. Il a fait part au client qu'un confrère de travail viendrait compléter le travail.

[22] Le témoin a procédé, à la demande du client, au déplacement d'un téléphone public. Comme ce travail n'était pas initialement prévu, il a fait appel à un collègue pour obtenir les outils nécessaires et il a procédé au déplacement du téléphone public. Pierre Bergeron était très satisfait de sa journée de travail et, pour lui, le client était également très satisfait.

[23] Comme il était en congé maladie le jeudi, il est revenu au travail le vendredi matin, 20 décembre 1996. Il fut reçu à nouveau par Claude Mayrand et Alain Rivard. Alain Rivard lui a adressé des reproches sur la qualité du travail effectué chez Val-d'Or Performance le lundi précédent. Il lui a dit qu'il n'avait pas besoin d'un gars qui n'était pas capable de suivre le groupe. Il lui a même conseillé d'abandonner avant d'y laisser sa peau.

[24] Le plaignant révèle qu'il s'est senti écrasé, humilié et qu'il a éclaté en sanglots, mais il a quand même débuté sa journée de travail chez un client, pour effectuer du préfilage. La semaine du 23 décembre 1996, les effectifs étaient réduits pour la période des Fêtes et il devait travailler les 23 et 24 décembre 1996 pour répondre aux urgences et il était en congé par la suite jusqu'au 6 janvier 1997. Vers 15 h 30, il se sentait à bout et au bord des larmes. Il est revenu au bureau et a fait le ménage de son camion. Le témoin a avisé son répartiteur qu'il quittait le travail et qu'il avertirait la secrétaire. En arrivant au bureau de la secrétaire, il s'est mis à pleurer et n'a pu lui parler ; il lui a fait signe qu'il partait alors qu'il était 16 h 30 et qu'il devait terminer à 17 h 00. En sortant du bureau de la secrétaire, il a croisé du regard Claude Mayrand. Il était trop angoissé pour lui parler et il lui a fait un signe de la main. Malgré les symptômes de dépression qu'il ressentait, ce n'est que le 13 janvier 1997 qu'il a jugé bon de rencontrer son médecin.

[25] Il est retourné à sa résidence de La Sarre et, au cours de la fin de la semaine, il pense avoir trop festoyé ou trop mangé de sorte que le lundi matin, 23 décembre 1996, il était toujours à sa résidence et malade, souffrant d'une gastro-entérite.

[26] Avant le début de son quart de travail, il a communiqué avec la secrétaire pour lui dire qu'il s'absentait parce qu'il était malade et que, s'il n'appelait pas le lendemain, il serait également absent. Il a demandé une rémunération de son absence par l'utilisation de congés annuels au lieu de congés maladie.

[27] Le 6 janvier 1997, le plaignant se présente au travail. Il prétend que, malgré l'entente avec le Dr Condé pour un retour au travail, sans restriction, à temps plein à compter du 6 janvier 1997, il a décidé que sa semaine de travail serait de quatre jours. Il dit en avoir parlé à son médecin traitant mais aucun document ne le confirme.

[28] Le plaignant raconte qu'à son arrivée au travail le lundi 6 janvier 1997, il était attendu par Alain Rivard et Claude Mayrand. Ils lui ont reproché d'avoir quitté son travail le 20 décembre précédent sans avoir avisé son supérieur immédiat. Alain Rivard lui a également reproché son absence non motivée du 23 décembre 1996 qui démontrait qu'on ne pouvait pas se fier sur lui. Il lui a de nouveau reproché la qualité de son travail, notamment à la Brasserie la Pépie. Alain Rivard aurait ajouté qu'une lettre de réprimande serait déposée dans son dossier et il prétend que ce fut fait. Pierre Bergeron a tenté de fournir des explications mais on se refusait de l'écouter et, de nouveau, il s'est mis à pleurer. Appelé en contre-interrogatoire à fournir des précisions quant à cette lettre de réprimande qui devait être portée à son dossier, le témoin réfère à un mémo du 23 décembre 1996 transmis par Claude Mayrand à Alain Rivard.

[29] Après cette rencontre, il a été assigné à un travail de préfilage chez un concessionnaire d'automobiles. Les trois jours suivants, il a accepté de travailler de 16 h 00 à minuit avec deux collègues de travail. Il faisait du préfilage dans un édifice gouvernemental.

[30] Même s'il croyait toujours que sa semaine de travail était de quatre jours et qu'ils étaient complétés, il s'est présenté au travail le vendredi 10 janvier 1997. À la fin de sa journée de travail, il est convoqué pour une rencontre avec Claude Mayrand en présence de Jean Levert, délégué syndical. André Rivard a participé à la rencontre par vidéo conférence. Il a expliqué que depuis qu'il occupait le poste d'installateur-réparateur, Pierre Bergeron n'avait pas réussi à démontrer qu'il était en mesure d'accomplir les nouvelles tâches, conformément aux normes demandées et exigées pour ce poste.

[31] Par conséquent, il était retourné à son poste d'origine comme épisseur de câbles à La Sarre. Toutefois, comme ce poste avait été aboli en décembre 1995, il serait en mise à pied à compter du 24 janvier 1997 avec droit de rappel pour une période de 24 mois. Claude Mayrand lui a remis un avis écrit de mise à pied daté du 10 janvier 1997 (Pièce-P-21).

[32] Suite à sa mise à pied, Pierre Bergeron a déposé un grief en date du 26 janvier 1997 lequel a été retiré par le syndicat le 30 avril 1997. Malgré sa mise à pied prévue pour le 24 janvier 1997, Télébec lui a offert et il a accepté un travail d'épisseur pour l'exécution d'un projet dans le Parc de la Vérendrye pour la période du 27 janvier 1997 au 21 février 1997 et ce, en vertu d'une entente avec l'Union des Routiers. Il travaillait avec un autre épisseur, Serge Chayer. Toutefois, les conditions de travail normalement prévues à la convention collective n'étaient pas respectées. C'est ainsi que les allocations de transport, de logement et de repas étaient abolies. En outre, le temps de déplacement de son port d'attache jusqu'au lieu de travail n'était pas rémunéré. Il n'a toutefois formulé aucun grief.

[33] Au moment de sa mise à pied le 21 février 1997, le plaignant prétend que Serge Chayer est demeuré au travail bien qu'il ait moins d'ancienneté que lui. Par contre, le plaignant n'a formulé aucun grief.

[34] Au cours du mois de juillet 1997 Pierre Bergeron a reçu un appel téléphonique du département des ressources humaines. On lui offrait un travail au poste d'épisseur pour la réhabilitation du câble alimentant l'aéroport à Chibougamau. Il s'agissait d'une période de travail de 52 heures au cours de la semaine du 4 août 1997, ce que le plaignant a accepté. Les conditions d'emploi lui ont été confirmées par une lettre de Claude Mayrand datée du 4 août 1997. Les conditions de travail, convenues par une lettre d'entente avec l'Union des Routiers, n'étaient pas conformes à la convention collective selon les prétentions du plaignant mais il a accepté quand même de revenir au travail, d'autant plus qu'à la fin de cette période d'emploi il pouvait bénéficier à nouveau d'un droit de rappel de 24 mois et il n'a pas fait de grief.

[35] Étant donné que le premier lundi du mois d'août était un jour de congé férié, il a obtenu la permission de son supérieur immédiat, Claude Mayrand, de se rendre de La Sarre à Chibougamau dans la journée du 4 août 1997 et de débuter le travail le mardi, soit le 5 août 1997. Son supérieur immédiat, Claude Mayrand, a informé par écrit, le 16 septembre 1997, Lyne Doroftei que le travail réalisé par le plaignant était satisfaisant.

[36] Au cours du mois d'octobre 1997, on lui a offert un travail temporaire d'épisseur de câble d'une durée approximative de six semaines à compter du 20 octobre 1997 et il a accepté. Il s'agissait d'un projet à Chibougamau d'une durée approximative de six mois. Les travaux réalisés étaient confiés en sous-traitance à l'exception de l'épissage qui était confié aux employés de l'intimée. Une fois de plus, les conditions d'embauche sur ce projet n'étaient pas conformes à la convention collective en raison d'une lettre d'entente intervenue entre l'employeur et l'Union des Routiers.

[37] Pierre Bergeron estime que les ententes intervenues entre Télébec et l'Union des Routiers, lesquelles dérogeaient aux dispositions de la convention collective, ne s'appliquaient pas à lui comme épisseur car elles visaient uniquement les techniciens, monteurs de lignes. À l'occasion des assignations temporaires qu'il a acceptées, Télébec aurait dû lui consentir tous les avantages prévus dans la convention collective. Par conséquent, il croit avoir été victime d'un traitement différent de la part de l'intimée par rapport aux autres employés qui ont bénéficié des avantages prévus à cette convention collective.

[38] Bien qu'il soit toujours en désaccord avec les conditions particulières prévues à cette lettre d'entente, il accepte le travail offert et ne fait pas de grief. Son supérieur immédiat est Richard Leblanc. À la fin du mois de novembre 1997, son supérieur immédiat l'a avisé que le contrat était prolongé pour une durée indéterminée. Il a compris, des propos de Richard Leblanc, qu'il aurait du travail jusqu'à la fin du projet. Cependant, il ne se souvient pas que Richard Leblanc lui ait mentionné que son assignation temporaire se terminerait le 24 décembre 1997.

[39] Pierre Bergeron raconte qu'au début de décembre 1997 il a eu des problèmes de santé. Il soutient qu'il anticipait une rechute en dépression. Le 8 décembre 1997, il s'est rendu au CLSC de la Radissonnie-Chibougamau où il a rencontré un médecin qui lui a prescrit du Paxil. Le témoin révèle qu'il a mal réagi au Plaxil et qu'il a dû être hospitalisé les 9, 10 et 11 décembre 1997 à Chibougamau.

[40] Le 10 décembre 1997, Pierre Bergeron a reçu la visite d'Alain Rivard qui lui a remis un avis écrit de la part de son supérieur immédiat, Richard Leblanc, à l'effet qu'il était mis à pied à compter du 24 décembre 1997 avec un droit de rappel pour une période de 24 mois.

[41] Le 11 décembre 1997, un médecin du CLSC de la Radissonnie émettait un certificat médical avec un diagnostic de dépression et un arrêt de travail à compter du 9 décembre 1997.

[42] Le plaignant a quitté l'hôpital de Chibougamau le 11 décembre 1997. Il a voyagé de Chibougamau à Val-d'Or avec le véhicule de son employeur puis avec son propre véhicule jusqu'à son domicile à La Sarre.

[43] Il a rencontré son médecin traitant, le Dr Guy Perrier, le 15 décembre 1997 lequel a recommandé un arrêt de travail du 15 au 29 décembre 1997. Il a revu le plaignant le 6 janvier 1998. Dans son rapport. Il fait état d'une dépression subie par son patient et il recommande un retour au travail à temps plein à compter du 6 janvier 1998.

[44] Suite à sa mise à pied, le plaignant n'a jamais été rappelé au travail. Entre le 21 mai 1998 et le 10 septembre 1998, il a déposé 10 griefs. Après analyse, l'Union des Routiers est arrivée à la conclusion que ces griefs, à l'exception d'un grief visant le paiement d'un montant forfaitaire, n'étaient pas justifiés. Le plaignant a porté plainte auprès du Conseil canadien des relations industrielles le 2 octobre 1998 et ce, à l'encontre de l'Union des Routiers, pour défaut de respecter son devoir de représentation et il n'a pas obtenu gain de cause.

[45] Le plaignant a produit un rapport d'appréciation préparé par Jean Mercier, directeur de l'entretien réseau et travaux pour l'année 1995. Jean Mercier mentionne que le plaignant rencontre les normes de qualité et de productivité comme épisseur de câbles aériens, souterrains et dans les bâtiments. Il a contribué aux succès de l'équipe dans la réalisation des projets auxquels il a été assigné. De plus, la qualité et la gestion administrative de son travail se sont encore améliorées et l'employé gère bien son matériel de même que sa santé et sécurité au travail. Son efficacité est équivalente à celle de ses confrères.

[46] Le témoin a également produit un rapport d'appréciation pour l'année 1996 préparé par Claude Mayrand et daté du 3 mars 1997. Ce rapport fait état des difficultés d`adaptation du plaignant aux changements survenus dans l'entreprise et qui l'ont forcé à changer pour passer d'un poste d'épisseur à celui d'installateur-réparateur. La productivité et la qualité au travail n'ont pu être rencontrées. Il n'a pas résisté à la pression qu'a apportée l'exécution d'un nouveau poste.

[47] Pierre Bergeron a été appelé à décrire les tâches d'un installateur-réparateur au cours des trois années qui ont suivi son embauche chez Télébec, soit de 1987 à 1990. Il fut affecté à l'installation et à la réparation de lignes téléphoniques au secteur résidentiel. Le travail à effectuer lui était assigné à partir d'un ordre de travail. L'installation consistait à amener un fil depuis la boîte de jonction du poteau jusqu'à la résidence et à procéder au filage à l'intérieur de la résidence selon le nombre de prises de téléphone demandées par le client. L'installateur-réparateur livrait également l'appareil téléphonique au client. À l'époque, l'appareil téléphonique ne comportait pas de programmation. Les travaux de réparations exigeaient que l'installateur-réparateur se rende chez le client pour identifier la source de la défectuosité. S'il s'agissait de l'appareil téléphonique, il était changé. S'il s'agissait du filage ou des raccordements, l'installateur-réparateur procédait aux réparations. Le travail au secteur résidentiel représentait environ 80 % de l'emploi du temps du plaignant.

[48] Il était également appelé, à l'occasion, à faire le même travail au secteur affaires mais dans une proportion d'environ 20 %. Il a procédé à l'installation d'un système téléphonique Panthère muni de la programmation permettant d'offrir certaines options aux clients tels que la sonnerie, la mise en attente. Pour le plaignant, il était beaucoup plus difficile de programmer un système de téléphone en 1987 que de nos jours. Il a réalisé l'installation d'un téléphone public mais la programmation n'était pas de son ressort.

[49] En mars 1988, le plaignant a reçu une formation de huit heures sur le système de téléphone Trillium et, en mars 1989, une formation de huit heures sur le système téléphonique Tie . Chacun de ces systèmes étaient utilisés dans le secteur affaires. Il reconnaît toutefois que, malgré la formation dispensée par son employeur, il n'a pas eu à installer ces systèmes téléphoniques et faire la programmation. Son travail s'est limité à effectuer des réparations sur ces systèmes.

[50] Le 7 mai 1996, Télébec a affiché deux postes d'installateur-réparateur (96-19NO et 96 20NO) sur l'un desquels Pierre Bergeron a posé sa candidature. Pour obtenir le poste, le candidat devait répondre aux exigences minimales requises. Il a été appelé, en contre-interrogatoire, à démontrer s'il pouvait répondre à chacune de ces exigences à savoir :

DEC en électronique ou l'équivalent de même qu'un permis de conduire: Le plaignant déclare qu'il répondait à ces exigences.

Bilinguisme (français, anglais) : un avantage. Le plaignant déclare qu'il pouvait écrire le français et l'anglais ; il parlait couramment le français mais très peu l'anglais.

Connaissance des différents produits et services de l'entretien (série Norstar et autres) : un avantage. Le plaignant reconnaît que, comparativement à 1990 alors qu'il était installateur-réparateur, beaucoup plus de services étaient offerts en 1995 et de nombreux produits s'étaient ajoutés, notamment avec l'arrivée des ordinateurs. Des appareils téléphoniques plus puissants et plus sophistiqués qu'il ne connaissait pas avaient envahi le marché.

Aptitude à transiger et communiquer avec le client. Le plaignant admet qu'en 1990 son travail consistait à exécuter un ordre de travail et non pas la vente d'un système de téléphone. Occasionnellement, il pouvait offrir au client de se doter de plus d'un appareil téléphonique.

Connaissance des principes de la programmation. N'ayant effectué l'installation de système téléphonique avec programmation qu'à une seule reprise, le témoin reconnaît qu'il avait peu de connaissance des principes de la programmation.

Connaissance de base de la transmission de données. Le plaignant admet qu'il n'avait aucune connaissance de base lui permettant de répondre à cette exigence.

[51] L'affichage du poste comportait également un résumé de l'emploi, notamment :

Communiquer préalablement avec le client. Le témoin admet qu'il n'avait pas à faire cette démarche en 1990 et qu'en 1996 l'installateur-réparateur était devenu un vendeur car il conseillait au client les produits en fonction des besoins de ce dernier.

Fournir à l'occasion l'estimation du travail à effectuer pour les installations affaires. Le témoin admet que cette tâche ne relevait pas de l'installateur-réparateur en 1990.

Procéder à l'inspection sommaire de son véhicule, en être responsable, le conduire sécuritairement pour l'exécution de son travail et signaler les difficultés mécaniques. Le témoin affirme que ces tâches étaient les mêmes en 1990.

Faire la promotion de la vente des produits/services et de l'équipement de la compagnie. Le plaignant déclare que cette tâche n'était pas dévolue à l'installateur-réparateur en 1990 et il affirme ignorer qu'elle existait en 1996.

Représenter adéquatement l'entreprise auprès de la clientèle. Le plaignant déclare ignorer si cette tâche relevait de l'installateur-réparateur en 1990.

Effectuer le travail de façon sécuritaire, avec exactitude, rapidité et courtoisie ; être disponible à voyager. Ces obligations faisaient également partie des tâches de l'installateur-réparateur en 1990.

[52] Pierre Bergeron a également décrit le travail d'épisseur. Il consiste à procéder au pointage de fils. Un câble central qui englobe de nombreux câbles plus petits sont acheminés par des voies souterraines dans différents secteurs. L'épisseur effectue le raccordement des fils. En 1992, la fibre optique a fait son apparition sur le marché. Le travail de pointage s'effectuait dès lors au laser. En plus du pointage de fils, l'épisseur faisait également la réparation de câbles sectionnés et le changement de câbles usés.

[53] Le plaignant, en juillet 2003, a préparé un document informatif sur la tenue de la présente audition où il a inscrit que l'affaire résulte de harcèlement et discrimination à son endroit par Télébec. Ce document est intitulé Bienvenue au procès (Pièce I-2). Le plaignant a placé ce document dans le pare-brise des véhicules des employés de l'intimée à Val-d'Or et Rouyn Noranda. Il disposait d'une quarantaine de copies de ce document. Il a pris également les dispositions pour que le document soit placé dans les casiers des employés et des cadres à Rouyn Noranda. Il explique son geste parce qu'il souhaitait obtenir des encouragements de ses anciens collègues de travail.

B. Preuve des intimés

(i) Serge Faubert

[54] Jusqu'en 1997, alors qu'il a pris sa retraite après 30 ans de service, Serge Faubert était directeur général du réseau de services téléphoniques de Télébec pour l'Abitibi-Témiscamingue qui comptait environ 125 employés dirigés par 10 supérieurs immédiats dont Claude Mayrand et Alain Rivard.

[55] Serge Faubert raconte qu'en 1987, à son arrivée en poste, le réseau téléphonique Abitibi Témiscamingue était désuet. Télébec a dû procéder à des investissements majeurs pour doter cette région d'un réseau à la fine pointe de la haute technologie et comparable aux grands centres urbains. À cette fin, une embauche massive d'employés s'est avérée nécessaire. Cependant, à mesure que le travail avançait, Serge Faubert indique qu'il avait identifié que des mises à pied deviendraient nécessaires, lesquelles se sont produites à la fin de 1995.

[56] Les coupures sont survenues chez les cadres et les employés, notamment ceux assignés à la pose de poteaux et câbles de même qu'à l'épissage. Le témoin précise que l'éventualité de mises à pied a affecté grandement le moral des travailleurs qui sont devenus nerveux et anxieux.

[57] Avant de procéder concrètement à la diminution du personnel, le témoin a participé à des rencontres avec les dirigeants du département des ressources humaines et les représentants syndicaux pour s'assurer que les mises à pied se feraient dans le respect des termes de la convention collective.

[58] Des listes des employés susceptibles d'être rappelés au travail pour des projets particuliers ont été dressées et les employés mis à pied bénéficiaient, selon les termes de la convention collective, d'un droit de rappel au travail de 24 mois. Pour diminuer ses coûts d'opération, Télébec entendait faire appel à la sous-traitance. Cependant, dans le but de favoriser le rappel au travail des employés sur la liste de rappel, Télébec a convenu avec l'Union des Routiers, par lettres d'entente, de modifier certaines conditions de travail prévues dans la convention collective.

[59] C'est ainsi que Pierre Bergeron a été informé, le 20 novembre 1995, de sa mise à pied à compter du 6 décembre 1995 en raison d'une baisse de travail suite à une restructuration organisationnelle.

[60] Serge Faubert raconte qu'à la fin de 1996 ou début janvier 1997, il a rencontré Claude Mayrand et Alain Rivard, les supérieurs immédiats du plaignant, pour discuter du fait que le plaignant s'était accordé des congés alors que sa présence au travail était requise. Le témoin relate que les agissements de Pierre Bergeron auraient mérité, à son avis, une mesure disciplinaire écrite à son dossier.

[61] Lors de cette rencontre, il fut également question des capacités et des compétences du plaignant à accomplir les tâches d'installateur-réparateur. Ses supérieurs immédiats estimaient qu'il n'avait pas les qualifications au niveau technique pour occuper le poste.

[62] Serge Faubert révèle qu'il comprenait très bien leur évaluation. Il explique sa prétention du fait que les tâches d'installateur-réparateur avaient beaucoup changé au cours des années. En effet, à l'époque où le plaignant avait travaillé comme installateur-réparateur de 1987 à 1990 ses tâches consistaient généralement à faire de l'installation et de la réparation dans le secteur résidentiel. En 1996, les tâches étaient devenues beaucoup plus complexes puisque le travail s'effectuait dans le secteur affaires car elles exigeaient que l'installateur-réparateur, en plus de procéder à l'installation, fasse la programmation de systèmes plus sophistiqués, donc un travail beaucoup plus spécialisé, et qu'il fasse une approche avec le client ; il devait promouvoir la vente des équipements.

[63] De plus, Serge Faubert relate qu'il avait rencontré des collègues de travail du plaignant dont le délégué syndical Jean Levert qui lui avait fait part que ce dernier n'était pas capable de remplir les tâches d'installateur-réparateur. Il désirait connaître les intentions de Télébec quant au maintien en emploi de cet employé.

(ii) Claude Mayrand

[64] Claude Mayrand est à l'emploi de Télébec depuis 20 ans. À son embauche, il détenait un DEC en électrotechnique. Il a débuté comme installateur-réparateur pendant trois ans. Il a travaillé par la suite pendant un an et demi dans le groupe travaux qui procède à l'implantation des poteaux, la pose de câbles et de torons. Par la suite, il fut affecté aux travaux de maintenance soit la réparation de câbles pendant environ deux ans. Claude Mayrand fut assigné ensuite pendant deux ans et demi à la Baie-James comme installateur-réparateur. À son retour de la Baie James il a été promu directeur PDL (plans et devis de lignes). Deux ans plus tard, il est devenu directeur I & R (installation-réparation) de 1995 à 1998. Par la suite, en 1998, il fut promu directeur gestion de réseau jusqu'à son retour aux études en 2000.

[65] Le témoin a été appelé à décrire les tâches inhérentes au poste d'installateur-réparateur qui s'exerçaient dans le secteur résidentiel et le secteur affaires au cours des années 1987 à 1990.

[66] Dans le secteur résidentiel, le travail de l'installateur-réparateur comportait deux étapes. Il y avait la partie câblage externe qui consiste à amener des fils de service depuis le poteau jusqu'à un boîtier à la résidence du client, puis la partie câblage intérieur alors que l'installateur-réparateur installe les fils dans la maison pour donner accès aux branchements des postes. L'exécution de ces tâches exigeait la connaissance d'un code de couleur qui est inhérent aux câbles pour effectuer les branchements.

[67] La deuxième étape était la partie réparation. Elle consistait à débrancher la ligne du client pour vérifier l'aspect résistif de la ligne téléphonique et la condition de terre (ground).

[68] Le témoin soutient que, globalement, l'installateur-réparateur consacrait à l'époque 95 % de son temps de travail au secteur résidentiel.

[69] Claude Mayrand affirme que l'intallateur-réparateur exerçait ses fonctions dans le secteur affaires que très occasionnellement. Il s'agissait de l'installation de petits systèmes téléphoniques appelés Trillium et Panthère par un travail de câblage. Il fallait également faire la programmation à partir de registres fixes pré-établis. À titre d'exemple, le témoin cite l'attribution de lignes à différents postes ou encore le type de sonnerie. Le témoin estime à 1 % le travail de programmation requis de l'installateur-réparateur.

[70] En 1992, toujours dans le secteur affaires, le témoin explique qu'on a vu apparaître les microprocesseurs qui ont conduit à l'arrivée de nombreux systèmes téléphoniques. Grâce au microprocesseur, le volet des données transmises aux différents postes est devenu plus large. Il a permis d'intégrer un langage de programmation aux systèmes téléphoniques. La disparition de registres fixes a permis d'offrir à la clientèle un système beaucoup mieux adapté à ses besoins.

[71] Claude Mayand croit que par cette nouvelle technologie l'installateur-réparateur doit ajouter à ses tâches habituelles un travail d'analyste. Le témoin illustre cette affirmation par l'arrivée du système téléphonique Norstar qui comportait trois lignes et huit appareils téléphoniques. Ce système, selon lui, était peu compliqué. Puis sont apparus les systèmes 032 et SL1 où la programmation exige une compréhension de la gestion des registres.

[72] Par la suite, le témoin raconte que la vidéoconférence est arrivée sur le marché. L'installateur-réparateur devait faire face à une nouvelle technologie tout comme ce fut le cas avec l'arrivée de l'internet.

[73] En ce qui a trait au secteur résidentiel en 1996, les tâches de l'installateur-réparateur ont changé, d'une part parce que le réseau qui était désuet avait été réaménagé et que, d'autre part, les nouvelles installations étaient moins fréquentes tout comme les besoins en réparation.

[74] Il soutient qu'en 1996 le travail de l'installateur-réparateur était consacré à 90 % à l'aspect technique, programmation et relations avec les clients et à 10 % au travail de l'installateur-réparateur tel qu'il existait en 1990.

[75] Le témoin a été appelé à décrire en quoi les connaissances acquises par celui qui a obtenu un DEC en électronique sont utiles dans l'exercice de ses fonctions d'installateur-réparateur. Il a précisé qu'avec ce diplôme l'installateur-réparateur dispose de solides connaissances de base au niveau de certains concepts électroniques tels que les condensateurs, les phénomènes associés à l'inducteur, les aspects reliés à la résistance et ceux reliés à la programmation.

[76] Face à la nouvelle technologie, le témoin raconte que Télébec avait placé dans les centres de services, tels que ceux de Val-d'Or et Rouyn-Noranda, des systèmes téléphoniques à la disposition des installateurs-réparateurs pour leur permettre de se familiariser avec ces nouveaux équipements et améliorer leurs habiletés. Des séances d'information étaient également données par le fabricant des systèmes.

[77] Claude Mayrand était le supérieur immédiat de Pierre Bergeron lorsqu'il s'est présenté au travail à Val-d'Or le 6 août 1996. Il reconnaît qu'il se peut qu'il n'y ait pas eu de véhicule disponible pour lui permettre d'exécuter son travail. Il ajoute toutefois que le plaignant était alors assigné à des travaux en compagnonnage avec un autre installateur-réparateur pour effectuer un travail de câblage chez Forage Benoît. Claude Mayrand s'est rendu sur les lieux pour vérifier le travail qui était conforme. Il se souvient cependant que le collègue de travail du plaignant lui a mentionné que ce dernier était rouillé et que son travail n'était pas très productif.

[78] Claude Mayrand se souvient que Pierre Bergeron s'est ensuite absenté pour maladie et il est revenu au travail le 2 décembre 1996. À ce moment, il n'est plus le supérieur immédiat du plaignant et c'était Alain Rivard qui assumait cette responsabilité. Il agissait à titre de supérieur immédiat de Pierre Bergeron uniquement en l'absence de Alain Rivard.

[79] Claude Mayrand se souvient que, dans la semaine du 16 décembre 1996, alors qu'Alain Rivard était absent, le plaignant lui a demandé la permission de prendre congé les 20 et 23 décembre 1996. Claude Mayrand s'est adressé au Centre opérationnel du réseau (COR) pour connaître les charges de travail à ces dates ; le témoin a refusé la demande du plaignant vu que la charge de travail nécessitait la présence de tous les effectifs suivant la réponse transmise par le COR.

[80] Le 20 décembre 1996, le témoin raconte s'être rendu au Centre de travail à Val-d'Or. Vers 15 h 30, il a rencontré Pierre Bergeron dans le corridor. Il l'a salué et échangé quelques mots avec lui et le plaignant lui a dit qu'il allait bien. De retour à son bureau, Claude Mayrand raconte avoir reçu un appel du COR l'avisant que le plaignant avait quitté le travail pour cause de maladie à 15 h 30 alors que son quart de travail se terminait à 17 h 00. Claude Mayrand a constaté que le plaignant avait omis de l'aviser avant de quitter son travail comme il se devait de le faire.

[81] De plus, le 23 décembre 1996, Claude Mayrand était en poste, en l'absence de Alain Rivard. Il a reçu un appel, vers 8 h 00, de Chantal Bédard, secrétaire, afin de l'aviser que le plaignant avait communiqué avec elle pour l'aviser qu'il ne pouvait pas se présenter au travail pour maladie et d'identifier son absence comme journée de vacances.

[82] Comme Claude Mayrand savait qu'un employé ne peut prendre de vacances à moins qu'elles ne soient préalablement autorisées, il a communiqué avec les relations industrielles pour connaître la procédure à suivre. On lui a alors fait part qu'une mesure disciplinaire pourrait être déposée au dossier de Pierre Bergeron pour absence non justifiée. Il a alors identifié l'absence comme une absence pour maladie. Claude Mayrand a préféré attendre après la période des Fêtes, alors que le supérieur immédiat du plaignant, Alain Rivard, serait de retour au travail, pour prendre une décision. Il a toutefois pris soin d'adresser le jour même à Alain Rivard une lettre relatant les événements et suggérant une rencontre avec le plaignant dès le 6 janvier 1997.

[83] Effectivement, Claude Mayrand a rencontré Alain Rivard le 6 janvier 1997 où il fut décidé que le plaignant serait rencontré le 7 janvier 1997. Alain Rivard a demandé à Claude Mayrand de l'accompagner vu qu'il était présent lors des événements. Cette rencontre, au souvenir du témoin, s'est tenue dans une salle de réunion au Centre de travail à Val-d'Or vers le milieu de l'après-midi du 7 janvier 1997. Elle fut d'une durée de 20 à 30 minutes.

[84] Claude Mayrand se rappelle avoir débuté cette rencontre en disant à Pierre Bergeron qu'il n'avait pas suivi la procédure en cas de départ ou absence du travail et que son absence avait perturbé les opérations et obligé des collègues de travail à faire des heures supplémentaires. Le témoin se rappelle que le plaignant a accueilli ses remarques d'une manière stoïque. Puis, Alain Rivard a pris la parole en soulignant au plaignant qu'il avait des problèmes de productivité et de l'aviser s'il avait des besoins spécifiques pour l'exécution de son travail car il voulait qu'il soit à l'aise dans son emploi. Claude Mayrand raconte que le plaignant a mentionné que tout allait bien dans l'exécution de son travail et qu'il pouvait le faire aussi bien que tout autre installateur-réparateur. Claude Mayrand se souvient également que le ton de la rencontre était poli et qu'en aucun temps le plaignant n'a pleuré.

[85] Une fois cette rencontre terminée, Claude Mayrand a poursuivi la discussion avec Alain Rivard. Ils se questionnaient sur les capacités et compétences du plaignant à accomplir les tâches d'installateur-réparateur. Claude Mayrand a exprimé à Alain Rivard ses craintes sur les capacités techniques du plaignant et ses capacités à développer des habiletés de communicateur dans sa tâche de promotion et vente des équipements. De plus, Alain Rivard avait reçu des commentaires sur la qualité du travail réalisé par Pierre Bergeron à la taverne La Pépie de la part du délégué syndical, Jean Levert, et compagnon de travail du plaignant, à l'effet que ce dernier était lent et qu'il devait faire son travail.

[86] Une rencontre a également eu lieu avec Serge Faubert, le 8 janvier 1997, Alain Rivard et le témoin. Serge Faubert n'était pas satisfait des mesures prises suite aux absences non motivées du plaignant. Il fut également question des capacités de Pierre Bergeron à exécuter ses fonctions. Le témoin a émis son opinion mais n'a pas participé à une prise de décision. Claude Mayrand a fait part à Serge Faubert et Alain Rivard que, suivant son expérience, Pierre Bergeron ne possédait pas les habiletés et les connaissances requises pour répondre au profil nécessaire selon les exigences requises en 1996 d'un installateur-réparateur.

[87] Claude Mayrand se souvient également que le 8 janvier 1997, en matinée, Pierre Bergeron s'est présenté au bureau de son supérieur immédiat Alain Rivard. Il se trouvait dans le bureau voisin de celui d'Alain Rivard et il a entendu la teneur de la conversation. Pierre Bergeron aurait mentionné à Alain Rivard qu'il avait des doutes sur ses capacités à faire le travail d'installateur-réparateur et qu'il s'interrogeait à savoir s'il maintiendrait son emploi. Cette rencontre a duré quelques minutes et Pierre Bergeron est retourné au travail.

[88] Claude Mayrand se souvient que le 10 janvier 1997, en l'absence d'Alain Rivard, le département des relations industrielles lui a demandé de signer et de remettre à Pierre Bergeron une lettre l'informant de sa mise à pied comme installateur-réparateur. Il a convoqué le plaignant dans la même salle de réunion où avait eu lieu la précédente rencontre et, en présence du délégué syndical Jean Levert, il lui a remis le document (Pièce P-21) après lui en avoir fait la lecture. Pierre Bergeron a émis le commentaire à l'effet qu'il y aurait une suite à cette mise à pied. Il ne croit pas qu'Alain Rivard ait participé à cette rencontre par vidéoconférence.

[89] Dans sa plainte, Pierre Bergeron a allégué qu'au cours de sa période d'absence pour maladie du 11 août 1996 au 2 décembre 1996, Claude Mayrand lui rendait visite souvent à la maison pour s'assurer qu'il était bel et bien malade. À cette allégation, le témoin a répondu qu'il s'est rendu à une seule reprise au domicile du plaignant à La Sarre pour lui livrer une formule de rapport médical (1935) à faire remplir par son médecin traitant. Le témoin se souvient qu'il a été bien accueilli par le plaignant. Claude Mayrand affirme que c'est la seule fois qu'il s'est présenté au domicile du plaignant. Cependant, il reconnaît qu'il a pu passer au volant de son véhicule devant la résidence de ce dernier à deux ou trois reprises car il devait le faire pour se rendre à la résidence de son père ou au restaurant où travaillait sa sur.

[90] Claude Mayrand a mentionné qu'à chaque année les supérieurs immédiats doivent préparer une évaluation des employés appelée profil annuel de l'employé . Même si le supérieur immédiat de Pierre Bergeron était Alain Rivard, le témoin a préparé ce profil annuel de ce dernier pour l'année 1996 parce qu'au cours de la période d'août 1996 à la fin de décembre 1996, il avait été le supérieur immédiat du plaignant en sa qualité d'installateur-réparateur et en raison des absences d'Alain Rivard. Le témoin a précisé que le profil annuel d'un employé était une évaluation de son rendement ainsi que des différentes aptitudes et habiletés qu'il avait dés au cours d'une année.

[91] Pour réaliser le profil annuel du plaignant, le témoin raconte qu'il a obtenu les commentaires d'Alain Rivard, de Brigitte Côté du COR, d'Yvan Deault, directeur de l'entrepôt. Il a également tenu compte des commentaires que lui avaient formulés les collègues de travail du plaignant, notamment Jean Levert, délégué syndical.

[92] Lors de la préparation du profil annuel d'un employé, ce dernier est rencontré pour lui permettre de connaître ses impressions. Dans le cas de Pierre Bergeron, cette rencontre n'a pas eu lieu parce qu'il était en mise à pied lors de la préparation de son évaluation en mars 1997. Le témoin précise qu'une fois le profil annuel de l'employé terminé (Pièce P-43) une copie est déposée au dossier personnel de l'employé. Ce fut d'ailleurs le cas pour Pierre Bergeron.

[93] Claude Mayrand se souvient que le 16 juillet 1998, Pierre Bergeron a adressé une mise en demeure à Télébec (Pièce P-45) dans laquelle il soutenait que son évaluation pour l'année 1996 était erronée et contenait des affirmations mensongères portant atteinte à sa réputation et susceptibles de mettre en péril son avenir comme employé de Télébec.

[94] Claude Mayrand s'est référé au département des relations industrielles pour connaître la position à adopter. Il fut convenu que le profil annuel de Pierre Bergeron pour l'année 1996 serait retiré de son dossier personnel, d'une part parce qu'il n'avait pas été rencontré lors de la préparation de l'évaluation et, d'autre part parce qu'il était fort probable qu'il ne soit pas rappelé au travail au poste d'installateur-réparateur suite à sa mise à pied du 10 janvier 1997. En conséquence, le 27 juillet 1998, Claude Mayrand a adressé au plaignant une lettre pour l'aviser que son profil annuel pour l'année 1996 et toute copie de celui-ci seraient détruits (Pièce-46).

[95] Le témoin raconte qu'en août 1997, Télébec devait procéder à la réfection d'un câble de cuivre qui alimentait l'aéroport de Chibougamau. Il s'agissait d'un projet nécessitant un travail temporaire d'épissage d'une durée de 52 heures. Il a acheminé une demande de personnel au département des ressources humaines (Pièce I-16) qui a identifié Pierre Bergeron comme étant disponible.

[96] Claude Mayrand a communiqué avec le plaignant pour lui offrir le travail et l'informer de la durée et des conditions qui s'y rattachaient. Il a accepté de faire le travail et le tout lui fut confirmé par écrit (Pièce P-26).

[97] Une fois le travail terminé, Alain Rivard a procédé à une vérification des travaux. Claude Mayrand a émis un mémo le 16 septembre 1997 (Pièce P-27) dans lequel il souligne que la réhabilitation du câble alimentant l'aéroport de Chibougamau a été réalisée conformément aux normes établies et que le travail de Pierre Bergeron est satisfaisant .

[98] Claude Mayrand a été appelé à donner sa version relativement au fait qu'il connaissait l'état de santé du plaignant. Il affirme qu'il n'a jamais été au courant de l'état de santé de Pierre Bergeron parce que les informations relatives à l'état de santé d'un employé demeurent confidentielles. Claude Mayrand a également été appelé à répondre aux allégations de Pierre Bergeron à l'effet que celui-ci, entre août 1996 et décembre 1996, l'avait engueulé à de multiples reprises et de façon injustifiée en raison de son état de santé.

[99] Le témoin affirme qu'il n'a jamais eu d'engueulades avec Pierre Bergeron, soit à son arrivée au travail le 6 août 1996 ou lorsqu'il lui a rendu visite à son domicile en août 1996. Au cours de la période d'emploi de décembre 1996 et janvier 1997, il reconnaît avoir eu des échanges avec le plaignant, le matin avant son départ au travail. Ces échanges se limitaient à s'informer et s'assurer que tout allait bien mais rien de plus. Il ajoute que lors des rencontres des 7 et 10 janvier 1997 il n'y a pas eu d'engueulades non plus.

[100] Claude Mayrand raconte qu'au cours du mois d'août 2003 il s'est rendu au Centre de service de Rouyn-Noranda. Comme il avait voyagé la veille avec le véhicule de Télébec, son véhicule personnel se trouvait au Centre de service. À son arrivée, il a vu un document dans le pare-brise de son véhicule. Il s'agissait d'un document intitulé : Bienvenue au procès (Pièce I 2). En entrant dans le Centre de service il a retrouvé des copies de document dans les casiers des employés. Ce document indiquait la tenue de l'audition de l'affaire Pierre Bergeron contre Télébec et Alain Rivard à Montréal du 10 au 19 septembre 2003. On pouvait également y lire : Pour renseignements, contactez M. Pierre Bergeron au 819-847-3479 .

[101] En contre-interrogatoire, le plaignant a demandé à Claude Mayrand de reconnaître qu'à son arrivée au travail à Val-d'Or, le 6 août 1996, il lui avait mentionné : Pierre, on te donne une dernière chance , ce que le témoin a nié catégoriquement. Le témoin a également nié avoir dit au plaignant qu'il n'était pas un gars d'équipe, qu'il n'avait pas besoin d'un gar comme lui dans son équipe et qu'il travaillait trop lentement.

(iii) Alain Rivard

[102] Alain Rivard a été embauché chez Télébec en 1977 au poste d'installateur-réparateur et, en 1979, au poste de technicien d'équipements centraux et transmission. En 1981, il occupe à nouveau le poste d'installateur-réparateur jusqu'en 1984 alors qu'il est promu au poste de répartiteur. En 1986, il devient vérificateur-analyste puis, en 1988, directeur responsable de la qualité de service des réparations et, en 1992, directeur au niveau des immeubles.

[103] En 1995, il devient directeur service technique pour le secteur Val-d'Or qui comprend toute la région Abitibi-Est. Il s'est vu confier également la direction service technique pour le secteur Baie-James. Ces deux secteurs forment un territoire de 350 000 kilomètres carrés. Leur supervision lui exigeait des absences répétées de son bureau situé à Val-d'Or.

[104] Pour l'aider dans l'exécution de son travail, le témoin était assisté de Claude Mayrand qui assumait les mêmes responsabilités pour les villes de Val-d'Or et Rouyn-Noranda ou encore lorsqu'il était retenu à l'extérieur de son bureau.

[105] Alain Rivard relate qu'en 1995 le profil de l'installateur-réparateur avait beaucoup changé par rapport aux années 1990, particulièrement dans le secteur affaires. De fait, l'avancement rapide de la technologie et l'arrivée de nouveaux systèmes téléphoniques auxquels s'ajoutaient la promotion et la vente faisaient en sorte que le travail de l'installateur-réparateur devenait beaucoup plus spécialisé.

[106] Il se souvient que le 2 décembre 1996, Pierre Bergeron s'est présenté au travail à Val-d'Or. Il s'agissait d'un retour au travail progressif sans restriction médicale. Comme il était absent à l'arrivée du plaignant, Claude Mayrand l'avait assigné à un travail de transfert de lignes à Senneterre. À son arrivée, Alain Rivard a rappelé Pierre Bergeron à Val-d'Or pour effectuer des travaux plus urgents dans le secteur affaires.

[107] Claude Mayrand lui a présenté Pierre Bergeron à son retour à Val-d'Or en début d'après-midi. Le témoin savait que Pierre Bergeron revenait au travail au poste d'installateur-réparateur après avoir été épisseur pendant plusieurs années. Par conséquent, le témoin dit : Il était un peu rouillé.

[108] Aussi, il a assigné Pierre Bergeron à Télébec Mobilité pour aider un installateur-réparateur à l'installation d'un système téléphonique 032. Au début de la semaine du 9 décembre 1996, il a aussi informé le plaignant qu'il lui confierait au cours de la semaine l'installation d'un système Norstar 3/8 (3 lignes - 8 appareils) à la Brasserie La Pépie. Il s'agissait de travail assez simple à réaliser et qui permettrait au plaignant de se familiariser à son nouveau poste. Le témoin affirme avoir mentionné à Pierre Bergeron que s'il éprouvait des difficultés, il devait se sentir bien à l'aise de communiquer avec lui en tout temps.

[109] Au cours de la semaine, le plaignant a effectivement reçu le mandat d'installation du système Norstar 3/8 à la Brasserie La Pépie. L'installateur devait amener deux lignes téléphoniques chez le client depuis le centre téléphonique, installer le système à l'endroit désigné par le client et y joindre les deux lignes. Il devait ensuite faire la distribution en procédant au filage intérieur vers les postes requis. S'ajoutait également la programmation à savoir ouvrir les ports d'entrée pour les lignes et les attribuer aux différents postes.

[110] Le temps normalement prévu pour l'installation d'un tel système se situe normalement entre huit heures à dix heures. Toutefois, comme le plaignant revenait au travail comme installateur-réparateur, Alain Rivard avait prévu une période de 16 heures pour compléter le travail.

[111] Au cours de l'exécution de ce mandat, le témoin raconte qu'il s'est rendu à la Brasserie La Pépie pour vérifier l'avancement des travaux. Pierre Bergeron lui a fait part qu'il éprouvait des difficultés avec l'entrée des lignes. De plus, il a rencontré la propriétaire de la Brasserie qui lui a fait part de ses inquiétudes. Elle prétendait que l'installateur-réparateur avait de la difficulté avec la programmation parce qu'il lui avait dit que ce n'était pas son domaine vu qu'il était épisseur. Elle craignait que l'échéancier prévu pour la réalisation des travaux ne soit pas respecté.

[112] Alain Rivard a fait part au plaignant des remarques de la cliente. Pierre Bergeron lui a répondu que ce n'était pas le travail d'installateur-réparateur qu'il souhaitait faire mais celui d'épisseur. Il a mentionné que le contact avec le client lui déplaisait. Alain Rivard lui a répondu qu'il n'avait pas le choix.

[113] Lors de cette rencontre, le témoin affirme qu'il n'a pas mentionné à Pierre Bergeron qu'il traînait de la patte et qu'il n'était pas un gars d'équipe. Dans les faits, Alain Rivard a constaté que l'installation du système Norstar 3/8 par le plaignant a nécessité 22 à 24 heures de travail soit six à huit heures de plus que le temps qu'il avait alloué.

[114] Le travail fait par Pierre Bergeron ne répondait pas du tout à ce qu'on attendait de lui, particulièrement le contact avec le client laissait grandement à désirer de même que la réalisation de la programmation. En conséquence, dans le but de minimiser le contact avec le client, Alain Rivard a décidé d'assigner Pierre Bergeron en compagnie de deux installateurs-réparateurs, Jean Levert et Richard Duquette, à un travail chez Aubé Pontiac Buick à Val-d'Or. Richard Duquette avait la responsabilité de transiger avec le client. Il s'agissait de refaire la totalité des câblages téléphoniques, de procéder au câblage au niveau de la réseautique.

[115] Alain Rivard déclare avoir mentionné à Pierre Bergeron qu'il aurait un travail de préfilage à accomplir. Il lui avait mentionné que, s'il avait des problèmes, de se référer à ses collègues de travail. Alain Rivard a eu l'occasion de se rendre sur les lieux de travail. Jean Levert et Richard Duquette lui ont fait part que Pierre Bergeron traînait un petit peu de la patte et qu'il ne se référait pas beaucoup à eux. Il s'est rendu voir le plaignant et il raconte : (pages 1850-1851)

« ... puis j'ai demandé à Pierre comment ça allait. Ça allait, mais tu sais ça allait. J'ai dit : Là, c'est parce que tes confrères me disent que ça traîne un peu de la patte, y as-tu de quoi qui va pas là ? Ah bien là, c'est pas ça que je veux faire, j'aime pas ça plus que ça, tu le sais, moi, je suis un épisseur. Oui, j'ai dit là, c'est ça qu'on a à faire, tu sais. Ça fait que j'ai jasé un petit peu, puis j'ai dit : C'est important que tu leur parles. Mais en tout cas, ça a viré un peu comme ça. Là, il m'a fait état un peu de son état de santé.

Q. Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

R. Bien, pour lui, il faisait une dépression et que moi, j'étais pas médecin, mais que dans ce que j'avais dit à Pierre, j'ai dit : Moi, ce que j'ai en main là, c'est que tu es en progression sans restriction, donc je m'attends à un travail comme les autres. Là, il m'a dit : Oui, mais t'as déjà fait une dépression, toi. J'ai dit : Oui, j'ai déjà fait une dépression, c'est pour ça que je t'en parle là. C'est qu'en quelque part, je m'attends à un travail comme les autres, mais si t'es pas bien dans ça, prends les moyens qu'il faut avant d'y laisser ta peau. C'est important, moi, j'ai passé par là. Il faut que toi, tu te manifestes dans ça. Si t'es pas bien, va voir le médecin. Moi, ce que j'ai là, tu dois faire le travail. C'est tout.»

[116] Alain Rivard ajoute qu'il a subi une dépression majeure avec infarctus en 1992 et qu'il était sensibilisé à l'endroit d'une personne qui peut vivre une dépression.

[117] Télébec avait obtenu un contrat chez Val-d'Or Performance, filiale de Aubé Pontiac Buick, pour refaire certains filages avec cache-fils, c'est-à-dire avec pose de moulures pour cacher les fils qui se trouvaient à l'extérieur des murs. Richard Duquette était chargé de ce projet. Alain Rivard a décidé de déplacer Pierre Bergeron sur ce projet afin de lui faciliter le travail.

[118] Richard Duquette a fait part à Alain Rivard que la qualité du travail du plaignant chez Val d'Or Performance était bonne mais qu'il y avait une faiblesse au niveau de la productivité.

[119] Alain Rivard a obtenu un contrat dans un édifice gouvernemental, Terres et Forêts, avec la particularité qu'il devait être exécuté entre 15 h 00 et 22 h 30. Le projet a été confié à l'installateur Yoland Audet qui avait besoin d'un installateur-réparateur avec lui. Il fallait exécuter des travaux pour l'installation de système téléphonique et de la réseautique.

[120] Alain Rivard a pensé que Pierre Bergeron pourrait être intéressé à réaliser les travaux de filage sur ce projet et il lui en fait la proposition. Ainsi, il croyait que Pierre Bergeron serait beaucoup plus à l'aise dans ce contexte de travail. Effectivement, il a accepté l'offre et il semblait satisfait.

[121] Alain Rivard raconte qu'encore une fois la qualité du travail de Pierre Bergeron était toujours bonne. C'est la productivité qui posait problème. Il a dû faire appel à un installateur-réparateur additionnel, Alain Brouillette, afin de s'assurer que le travail soit terminé dans le temps de réalisation mentionné au client.

[122] Alain Rivard se souvient qu'au cours de la semaine du 16 décembre 1996, il était probablement en vacances. Toutefois, comme il réside à Val-d'Or, c'était son habitude de faire une courte visite sur les chantiers, question de vérifier comment le tout se déroulait.

[123] À son retour au travail, après la période des Fêtes, soit en janvier 1997, Alain Rivard a pris connaissance du document que lui avait transmis Claude Mayrand concernant le départ du travail du plaignant le 20 décembre 1996 et son absence du travail le 23 décembre 1996 (Pièce I-15). Il raconte avoir été déçu d'apprendre le comportement de Pierre Bergeron. Alain Rivard explique que si l'absence était causée par la maladie, il pouvait comprendre. Par contre, si le plaignant s'était absenté sans raison ni motif valable et malgré le fait que Claude Mayrand lui avait refusé la prise de vacances à cette période, la question était beaucoup plus sérieuse. Si tel était le cas, Alain Rivard était déçu de constater que Pierre Bergeron ait agi de la sorte après qu'il ait tenté de l'accommoder le plus possible dans l'exécution de son travail.

[124] Après avoir été mis en courant par Claude Mayrand de tous les faits entourant les événements, il a décidé de rencontrer Pierre Bergeron pour connaître sa version des faits, en présence de Claude Mayrand qui était plus au fait des événements, et qu'il puisse répondre aux questions qui pourraient être posées.

[125] Cette rencontre s'est tenue au cours de l'après-midi du 7 janvier 1997 dans la salle de réunion. Claude Mayrand a d'abord pris la parole pour relater les faits survenus les 20 et 23 décembre 1996. Il a informé Pierre Bergeron qu'il n'avait pas suivi la procédure lors de son départ du travail le 20 décembre 1996 et lors de son absence du 23 décembre 1996, soit d'aviser son supérieur immédiat. Il a ajouté que ces absences avaient causé des problèmes de productivité parce que le travail se faisait avec des effectifs réduits au cours de la période des Fêtes et qu'on avait dû faire effectuer des heures supplémentaires. Puis, Alain Rivard a enchaîné en demandant à Pierre Bergeron s'il se sentait apte à faire le travail d'installateur-réparateur. Aux dires du plaignant, il était capable de faire le travail et au niveau de la productivité, tout était correct. Alain Rivard lui a rappelé toutefois que sa productivité n'avait pas été suffisante dans l'exécution des mandats confiés avant la période des Fêtes. Il soutient qu'il n'a jamais été question de sa santé lors de sa rencontre et il affirme que la plaignant n'a jamais pleuré. La seule remarque que le plaignant a faite fut de mentionner que c'était plus difficile pour lui de faire le travail lorsqu'il sentait de la pression. Le témoin lui a répondu que s'il croyait avoir des problèmes au niveau de la pression il n'avait qu'à l'informer pour qu'il puisse l'aider.

[126] Suite à cette rencontre, Claude Mayrand et Alain Rivard ont discuté de la situation et échangé leur point de vue sur l'évaluation du travail du plaignant et ils ont décidé de rencontrer le directeur Serge Faubert le lendemain.

[127] À cette occasion, Claude Mayrand a informé Serge Faubert des événements survenus les 20 et 23 décembre 1996. Serge Faubert a demandé si une réprimande avait été faite au plaignant suite à ces agissements. Alain Rivard se rappelle très bien que Serge Faubert leur a reproché vertement de ne pas l'avoir fait.

[128] Puis, Alain Rivard a fait part à Serge Faubert que la situation de Pierre Bergeron l'inquiétait. Il lui a expliqué toutes les difficultés qu'avait connues Pierre Bergeron depuis son retour au travail et qu'il envisageait de mettre fin à l'emploi du plaignant comme installateur-réparateur. Serge Faubert lui a répondu de communiquer avec les relations industrielles. Le témoin a communiqué avec les relations industrielles pour faire part de la problématique qu'il vivait et de sa décision de mettre fin à l'emploi du plaignant.

[129] Le département des relations industrielles a préparé un avis de mise à pied (Pièce P-21). Comme le témoin était absent lors de la réception du document, il fut signé par Claude Mayrand qui l'a remis à Pierre Bergeron lors d'une rencontre le 10 janvier 1997. Le témoin affirme qu'il n'a pas participé à cette rencontre et ce, même par vidéoconférence.

[130] Alain Rivard relate qu'il a revu le plaignant le 12 décembre 1997 lors de circonstances assez particulières. Il était à Val-d'Or et s'apprêtait à quitter pour Chibougamau lorsque Richard Leblanc lui a demandé de profiter de son passage à Chibougamau pour livrer un avis de mise à pied à Pierre Bergeron qui était hospitalisé à cet endroit. Comme il ne se sentait pas à l'aise avec cette demande, il a communiqué avec le département des relations industrielles qui a donné son approbation.

[131] Il s'est présenté à l'hôpital et le plaignant l'a bien accueilli. Il a mentionné qu'il n'était pas surpris de sa visite car il s'attendait de recevoir un avis de mise à pied. Alain Rivard s'est informé de la cause de son hospitalisation. Le plaignant lui a répondu qu'il faisait une dépression. Alain Rivard lui a dit : (page 1904)

« Tu sais, c'est important la vie qu'elle soit vécue et en santé. À un moment donné, j'ai dit : Tu devrais prendre les moyens qu'il faut là pour te prendre en main avant d'y laisser ta peau. Il y a pas d'autre façon de t'en sortir que te faire soigner, changer ton rythme de vie, ta façon de faire. Je te le dis en connaissance de cause là, j'ai passé par là puis c'est important. Tu as la chance d'être ici là, c'est drôle à dire, mais tu as la chance d'être ici à l'hôpital pour te faire soigner, profites-en.»

[132] Alain Rivard croit que le plaignant était réceptif à ses propos. La conversation s'est poursuivie pendant quelques minutes et il est parti.

[133] Le témoin a été appelé à commenter la prétention du plaignant à l'effet qu'il avait été mis à pied en raison de son état de santé. Il révèle qu'il n'a jamais connu l'état de santé du plaignant, sauf ce qu'il lui a dit relativement à la pression qu'il ressentait à exécuter son travail.

[134] Le témoin a aussi été appelé à commenter l'allégation du plaignant voulant qu'on ne lui donnait pas les mêmes chances que les autres employés, notamment la formation, lors de ses périodes d'essai. Le témoin nie cette allégation. Il soutient qu'au contraire il a donné toutes les chances au plaignant en lui confiant des mandats pour lui permettre de s'adapter au travail d'installateur-réparateur. Quant à la formation, Alain Rivard affirme que Télébec ne donne pas de formation à un installateur-réparateur qui détient un DEC en électronique. Il appartenait à l'employé de se former lui-même pour l'étude de la documentation accompagnant les équipements mis à sa disposition.

[135] Quant à l'allégation du plaignant à l'effet que Télébec a refusé de lui fournir un milieu de travail exempt de harcèlement, Alain Rivard répond que lors des rencontres qu'il a eues avec le plaignant il s'informait si tout allait bien. Il lui faisait part de ce qu'il attendait de lui. Pierre Bergeron était réceptif mais il se disait impuissant à prendre la pression. Il affirme qu'il n'a jamais eu d'engueulades avec le plaignant. Au contraire, Alain Rivard est convaincu qu'il a tout fait pour aider le plaignant à répondre aux exigences de travail qu'il avait à accomplir.

[136] Alain Rivard se souvient que vers le 25 juillet 2003, à son arrivée au travail, il a vu sur son bureau le document intitulé Bienvenue au procès (Pièce I-2). Il a appris que des copies de ce document avaient circulé parmi les employés. Il déclare avoir été très préoccupé par cet événement qui a causé un malaise parmi les employés. Il a fait rapport au département des relations industrielles.

(iv) Lyne Doroftei

[137] Elle a débuté son emploi chez Télébec en 1984. À compter de 1990, elle a occupé le poste de directrice au sein de l'équipe des ressources humaines et, en 1995, elle est devenue directrice des relations de travail. Son travail consistait à conseiller les gestionnaires dans l'application de la convention collective et à représenter l'entreprise lors de rencontres patronales syndicales pour discuter notamment de l'application de la convention collective, du règlement des griefs, de la négociation et de la préparation de lettres d'entente convenues entre les parties.

[138] En 1995, elle a participé activement à la réorganisation administrative qui a conduit à de nombreuses coupures de poste de monteurs de lignes et d'épisseurs travaillant dans diverses localités.

[139] Une liste d'ancienneté par poste a été préparée. Pour identifier les employés visés par une mise à pied, on a appliqué l'ancienneté et le droit de supplantation comme le prévoyait la convention collective. Les personnes affectées par la mise à pied sont placées sur une liste de rappel et bénéficient d'un droit de rappel au travail, si besoin il y a, pendant 24 mois, après quoi elles perdent leur ancienneté et leur emploi.

[140] Lorsqu'un rappel au travail s'impose sur un poste, le service des ressources humaines procède au rappel au travail d'un employé en fonction de l'ancienneté, de la capacité de remplir les exigences normales du poste et de la disponibilité.

[141] Dans le but de diminuer ses coûts d'opération et d'augmenter la productivité sur des projets particuliers, l'intimée envisageait de faire appel à la sous-traitance et ce, au détriment des employés en mise à pied. L'Union des Routiers souhaitait plutôt le rappel au travail des employés en mise à pied. Ainsi, le 25 mai 1996, les parties signaient une lettre d'entente (Pièce I-4) devant se terminer à la fin de mai 1996 prévoyant le rappel au travail d'employés sur la liste de rappel pour la réalisation des projets de Rémigny et Macamic. Cette entente prévoyait des avantages moindres que ceux prévus à la convention collective, notamment quant au paiement des heures supplémentaires et des primes ainsi que des frais de logement et de repas.

[142] Le 27 mai 1996, cette lettre d'entente a fait l'objet d'une prolongation d'une durée indéterminée. Elle s'appliquait également à tout autre projet que ceux initialement prévus.

[143] Puis, le 12 novembre 1996, les parties signaient une lettre d'entente valide jusqu'au 20 décembre 1996 pour la réalisation du projet Parc La Vérendrye. Cette lettre d'entente visait de nouveau le rappel au travail des employés sur la liste de rappel avec des conditions de travail modifiées comparativement à celles apparaissant à la convention, particulièrement en ce qui avait trait au paiement des heures supplémentaires et des primes de même que les frais de logement et de repas.

[144] Cette lettre d'entente a fait l'objet d'une prolongation le 17 janvier 1997 et le 22 février 1997. Cette dernière prolongation était d'une durée indéterminée et s'appliquait à tout projet que l'entreprise entendrait réaliser.

[145] Par la suite, les conditions d'embauche, selon le témoin, ont fait l'objet de conditions de travail améliorées après consultation avec l'Union des Routiers sans toutefois faire l'objet de lettres d'entente écrites. À titre d'exemple, le témoin souligne que pour l'exécution du projet à Chibougamau, une indemnité journalière de 62 $ avait été négociée pour le coût des repas et du logement. Par ailleurs, le 7 juillet 1998 (Pièce I-8), les parties ont signé une lettre d'entente dont le contenu reflétait les conditions convenues verbalement depuis la lettre d'entente du 22 février 1997. Cette dernière lettre d'entente conservait le principe antérieurement établi verbalement que l'employé rappelé pouvait refuser le travail proposé.

[146] Lyne Doroftei a expliqué, suivant les termes de l'article 13.17 de la convention collective (Pièce I-9) en vigueur en 1995, la procédure applicable lors d'une mise à pied. Ainsi, l'employé possédant le moins d'ancienneté dans une catégorie d'emploi dans l'unité d'ancienneté est sujet à une mise à pied pourvu que les employés ayant plus d'ancienneté soient aptes à exécuter le travail.

[147] L'employé visé par une mise à pied avait le choix entre la mise à pied ou une nouvelle affectation sur un autre poste ou une autre classification d'emploi de l'unité d'ancienneté pourvu qu'il soit apte à accomplir les tâches requises dans des délais raisonnables ne dépassant pas, de toute manière, 10 jours de travail et pourvu que cette affectation n'entraîne pas le déplacement d'un employé plus ancien ou à un emploi de la même classification dans une autre unité d'ancienneté pourvu que l'employé en cause soit apte à accomplir les tâches requises et que cette mutation n'entraîne pas le déplacement d'un employé plus ancien.

[148] Toute nouvelle affectation d'un employé doit être faite par l'employeur conformément à l'ordre ci-dessous. Le droit de supplanter n'a pas été consenti au plaignant parce que l'employeur jugeait qu'il ne pourrait remplir les tâches requises au cours de la période de 10 jours de travail.

[149] Cette disposition de la convention collective ne semble pas créer l'obligation pour l'employeur de rappeler un employé au travail car la clause 13.18 de la convention collective ne traite que des règles applicables lors d'un rappel au travail. C'est par le truchement des lettres d'entente que l'employeur a accepté de rappeler au travail les employés en mise à pied avec des conditions d'emploi inférieures à celles prévues à la convention collective.

[150] Dans le cadre de la réduction de personnel, Pierre Bergeron possédait le moins d'ancienneté dans le catégorie d'emploi d'épisseur et ce, dans l'unité d'ancienneté de La Sarre. Par conséquent, il était catalogué comme employé excédentaire avec droit de supplantation. S'il ne peut exercer une supplantation, il est mis à pied et placé sur une liste de rappel avec droit de rappel pendant 24 mois.

[151] Une liste des employés avec droit de supplantation a été préparée en date du 17 novembre 1995. Comme il lui était permis de le faire en vertu de l'article 13.17 2) de la convention collective, Télébec a décidé de ne pas consentir au plaignant une nouvelle affectation.

[152] Après avoir identifié les employés sujets à une mise à pied, les 15 et 31 décembre 1995, le témoin raconte qu'une liste de rappel a été préparée. L'employé qui y apparaît peut être rappelé au travail. Selon les dispositions de la clause 13.18 de la convention collective, le rappel au travail se fait dans l'ordre inverse de la mise à pied pourvu que l'employé visé soit apte à exécuter le travail à accomplir.

[153] L'article 13.19 de la convention collective précise également que le salarié rappelé au travail et affecté à un endroit autre que son lieu normal de travail lors de la mise à pied peut refuser l'affectation proposée et attendre qu'un poste lui soit offert à son ancien lieu de travail pourvu que le poste proposé puisse être comblé par un salarié mis à pied ayant moins d'ancienneté et qui est apte à exécuter le travail.

[154] Le témoin a expliqué l'application de cette clause dans le cas du plaignant. Pierre Bergeron était épisseur et son lieu normal de travail était La Sarre. S'il avait été rappelé au travail pour une affectation à un endroit autre que La Sarre, il aurait pu refuser l'affectation et demeurer sur la liste de rappel. C'est ainsi que, lorsque le plaignant a été rappelé au travail, le 26 mars 1996, pour le projet Rémigny et Macamic, il aurait pu refuser parce que rappelé à un endroit autre que son lieu normal de travail à la condition qu'un employé moins ancien soit apte à exécuter le travail. C'était d'ailleurs le cas puisque, le 26 mars 1995, un employé également épisseur, Yves Héroux, et ayant moins d'ancienneté que Pierre Bergeron, était disponible (Pièce I 3). Le témoin précise que la situation aurait été différente si le rappel au travail du plaignant s'était produit après le 26 mai 1995 alors que Yves Héroux n'était plus disponible suite à un rappel au travail. Par conséquent, le plaignant n'aurait pu refuser l'affectation puisqu'il n'y avait plus, sur la liste de rappel, un épisseur ayant moins d'ancienneté que lui.

[155] Le témoin précise également que la convention est muette quant aux conséquences qui en résultent lorsque l'employé refuse une affectation malgré qu'il ait l'obligation de l'accepter. En pareilles circonstances, le témoin affirme que l'employé demeure quand même sur la liste de rappel jusqu'à l'expiration de son droit de rappel de 24 mois.

[156] Le témoin révèle que l'employé peut également, au cours de sa mise à pied, revenir au travail lorsqu'un poste permanent devient vacant ou qu'un nouveau poste permanent est créé.

[157] Lyne Doroftei a également été appelée à commenter les dispositions de l'article 22 de la convention collective qui traite des mutations temporaires. Cette disposition est appliquée dans le cas où un volume de travail très élevé exige qu'un employé soit déplacé temporairement dans un autre lieu de travail que son lieu normal de travail. Dès lors, l'employé bénéficie de certains avantages tels que des frais de déplacement, des frais raisonnables de logement et des indemnités de repas. Toutefois, le témoin souligne que les dispositions de cet article 22 de la convention collective ne s'appliquaient pas lorsque les employés sur la liste de rappel étaient rappelés au travail car leurs conditions d'embauche étaient régies par les lettres d'entente.

[158] Lyne Doroftei a fourni des explications relativement à l'application de l'article 21 de la convention collective qui traite des mutations permanentes. Cette disposition vise la situation où l'employeur exige le transfert d'un employé de son lieu normal à un autre lieu de travail. Le témoin souligne que cet article ne trouve aucune application dans le cas d'un affichage de poste. De fait, lors d'un affichage de poste, l'employé décide de poser sa candidature en acceptant les conséquences de sa décision tandis que dans le cas d'une mutation permanente il se voit imposer par l'employeur l'obligation d'être déplacé dans un autre lieu de travail.

[159] Lyne Doroftei est venue faire part de son implication lors de la mise à pied de Pierre Bergeron le 10 janvier 1997. Le 9 janvier 1997, le directeur du département des relations de travail, Reynald Wilson, lui a demandé de préparer une lettre (Pièce P-21) destinée au plaignant l'avisant que le poste d'installateur-réparateur qu'il occupait prenait fin le 24 janvier 1997 et qu'il retournait sur la liste de rappel pour 24 mois à compter de la date de sa mise à pied. On l'a informé que Pierre Bergeron avait obtenu, suite à un affichage, le poste d'installateur-réparateur et qu'il n'avait pas démontré la capacité de remplir ses nouvelles tâches conformément aux normes exigées pour ce poste.

[160] Le témoin a expliqué que la convention prévoit, à la clause 13.12, que si un salarié n'a pas démontré sa capacité de remplir sa nouvelle tâche conformément aux normes de la compagnie dans les 120 jours qui suivent sa promotion ou sa mutation, il devra retourner à son poste et localité antérieurs...

[161] Le témoin a également raconté que le 9 décembre 1997 elle avait reçu un appel téléphonique de Richard Leblanc, supérieur immédiat de Pierre Bergeron, qui l'informait que l'emploi de ce dernier devait se terminer le 24 décembre 1997 mais qu'il était absent du travail et hospitalisé. Il s'interrogeait à propos de la nécessité d'aviser par écrit le plaignant, vu son absence, de sa mise à pied effective le 24 décembre 1997. Richard Leblanc l'a informée que Pierre Bergeron avait été temporairement rappelé au travail le 20 octobre 1997 pour une durée approximative de six semaines et que son affectation avait été verbalement prolongée jusqu'au 24 décembre 1997. Le 10 décembre 1997, Richard Leblanc a confirmé au témoin, par courriel, les informations qu'il lui avait fournies la veille (Pièce I-12).

[162] Le témoin a préparé un avis de mise à pied à l'endroit du plaignant effectif à compter du 24 décembre 1997 avec droit de rappel pour une période de 24 mois à compter de la date de sa mise à pied (Pièce P-30).

[163] Suite à sa mise à pied du 10 janvier 1997 (Pièce P-21) le plaignant a formulé un grief (Pièce P-23) par lequel il conteste sa mise à pied et réclame le maintien de son poste d'installateur-réparateur ainsi que tous les avantages perdus.

[164] Suite au dépôt du grief, le comité de grief s'est réuni pour en discuter. Étaient présents à cette rencontre le plaignant, son délégué syndical Jean Levert, son supérieur immédiat, Alain Rivard et le témoin Lyne Doroftei du département des relations de travail. Elle était chargée de dresser un compte-rendu de la rencontre (Pièce P-65).

[165] Lyne Doroftei raconte que la compagnie a voulu rappeler le plaignant au travail le 27 août 1998 pour un travail temporaire de releveur de poteaux mais qu'il lui fut impossible de le joindre (Pièce I-3). Le témoin a reconnu que la convention collective ne prévoit pas la façon de procéder lors du rappel au travail d'un employé. Elle précise par ailleurs que la coutume voulait que le rappel au travail se fasse par téléphone.

[166] L'impossibilité de joindre le plaignant n'a pas été considérée comme un refus de rappel au travail et il est demeuré sur la liste de rappel jusqu'à l'expiration de son droit de rappel au travail le 24 décembre 1999.

[167] Le témoin précise que lors de l'annonce d'une mise à pied à un employé, on le rencontrait en personne pour l'aviser. Si l'employé était absent, on prenait les dispositions pour qu'un représentant de l'entreprise aille le rencontrer et lui remettre un avis écrit de mise à pied.

[168] Lyne Doroftei a été appelée à commenter la prétention du plaignant voulant que Serge Chayer, possédant moins d'ancienneté que lui, ait été maintenu en emploi alors qu'il était en mise à pied. À l'aide de l'historique d'emploi de Serge Chayer (Pièce I-19) Lyne Doroftei a démontré que Serge Chayer a été placé sur la liste de rappel le 7 décembre 1995 alors qu'il avait précédemment occupé les postes de monteur de lignes et d'épisseur.

[169] Comme il possédait plus d'ancienneté que Serge Chayer, Pierre Bergeron a été rappelé temporairement au travail à titre d'épisseur pour la période du 27 janvier 1997 au 21 février 1997. Quant à Serge Chayer, il fut rappelé temporairement au travail à titre d'épisseur du 3 février 1997 au 17 mars 1997. Par conséquent, le plaignant ne pouvait revendiquer le travail accordé à Serge Chayer puisqu'il était déjà au travail lors du rappel au travail de ce dernier.

[170] Le témoin raconte que, par la suite, suivant l'historique d'emploi, Serge Chayer a obtenu un emploi temporaire d'installateur-réparateur du 17 mars 1997 au 23 novembre 1997. Entretemps, Serge Chayer a posé sa candidature sur un poste d'installateur-réparateur et elle a été retenue. Depuis le 24 novembre 1997, il occupe un poste permanent d'installateur-réparateur. Le témoin précise que le plaignant avait échoué auparavant dans sa tentative d'obtenir un poste d'installateur-réparateur, ce qui explique que Serge Chayer est demeuré au travail plutôt que le plaignant.

[171] Lyne Doroftei a commenté également l'affirmation de Pierre Bergeron soutenant que Yves Théroux, épisseur, alors sur la liste de rappel et possédant moins d'ancienneté que lui, ait été temporairement rappelé au travail du 27 mai 1996 au 1er janvier 1999. Le témoin a expliqué que lors du rappel au travail de Yves Théroux, Pierre Bergeron était déjà au travail depuis le 26 mars 1996 et qu'il y est demeuré jusqu'à son départ en congé maladie en août 1996. Par conséquent, il ne pouvait revendiquer le travail accordé alors à Yves Théroux.

[172] Lyne Doroftei, contre-interrogée par Pierre Bergeron, a dû expliquer comment il se fait qu'à la suite de sa mise à pied du 24 décembre 1997 il n'a jamais été rappelé au travail avant l'expiration de son droit de rappel au travail, soit le 24 décembre 1999. En référant à la liste de rappel (Pièce I-3), Lyne Doroftei a répondu qu'un seul employé a été temporairement rappelé au travail le 14 décembre 1998 et que cet employé possédait plus d'ancienneté que le plaignant. Au cours de l'année 1999, Paul Villeneuve, Roger Morissette, Marc Mercier et André Boisvert ont été rappelés au travail mais ils possédaient tous plus d'ancienneté que le plaignant.

[173] Le témoin a été appelé à analyser les lettres d'entente (Pièces I-4, I-5, I-6 et I-7) qui référent à la réembauche temporaire de techniciens et monteurs de lignes et a expliqué qu'elles se sont appliquées aux autres emplois dont celui d'épisseur. Lyne Doroftei a répondu que dans les faits ces lettres d'entente, avec l'accord de l'Union des Routiers, se sont appliquées à tous les employés sur la liste de rappel et que le tout s'est confirmé lors de la signature de la lettre d'entente du 7 juillet 1998 (Pièce I-8) visant le réembauchage des employés sur la liste de rappel.

[174] Lyne Doroftei a affirmé en contre-interrogatoire que le rapport du médecin traitant à l'usage du service médical est exigé lorsque l'absence du travail d'un employé pour maladie ou accident peut dépasser une période de huit jours. Elle a confirmé le témoignage du Dr Condé à l'effet que les représentants de l'employeur ne sont jamais informés de la nature de la maladie qui peut affecter un employé. Les renseignements transmis par le médecin de l'employeur se limitent à la période d'invalidité, le moment du retour au travail à temps plein ou à temps partiel avec ou sans restriction.

(v) Docteur Jean-Joseph Condé

[175] Au début du témoignage du Dr Condé, le plaignant l'a relevé de son secret professionnel et consenti à ce qu'il dévoile le contenu de son dossier médical et notes personnelles. De 1992 à 1997, il était le médecin du personnel chez Télébec. Depuis 1997, il est le médecin consultant de l'intimée, à partir de son cabinet privé, pour des problèmes d'ordre médico-administratif chez ses employés. Le Dr Condé a expliqué la procédure établie par l'entreprise lorsqu'un employé est en arrêt de travail pour cause de maladie ou accident du travail.

[176] L'employé doit fournir un rapport de son médecin traitant (formulaire 1935) à l'usage du service médical, c'est-à-dire, directement au bureau du Dr Condé. Sur réception de ce formulaire 1935 dûment rempli, il en prend connaissance et il dresse ensuite un rapport (formulaire 1936) administratif qui reprend les renseignements contenus dans le rapport du médecin traitant sans dévoiler toutefois le diagnostic qui est de nature confidentielle. Ce rapport administratif est acheminé au directeur et au supérieur immédiat de l'employé. Une partie de ce rapport est également transmise au service des avantages sociaux afin de l'informer de la pertinence de l'arrêt de travail. Une copie est également remise à l'employé.

[177] Il arrive que le médecin consultant rencontre l'employé lorsqu'il y a lieu de s'assurer si l'employé, déclaré apte à reprendre le travail, est prêt à reprendre ou bien lorsque l'arrêt de travail se prolonge ou encore lorsque les traitements paraissent insuffisants ou inadéquats afin de réévaluer la pertinence de l'arrêt de travail. Un rapport (formulaire 5483) est, par la suite, préparé par le médecin consultant et transmis aux mêmes intervenants chez l'employeur, y compris l'employé concerné.

[178] Le témoin a rencontré le plaignant le 27 août 1996 lequel était en arrêt de travail avec un retour au travail prévu par son médecin traitant le 2 septembre 1996. Le plaignant a informé le médecin qu'il avait fait une dépression majeure 11 ans auparavant.

[179] Selon les notes évolutives au dossier du Dr Condé (Pièce P-54), celui-ci a constaté que le plaignant était en arrêt de travail depuis le 19 août 1996 pour dépression majeure avec facteurs déclenchants qu'il identifiait comme étant le changement au niveau de l'emploi, la perte d'un être cher auquel il était attaché, soit son chien, et le déménagement. Il conclut que l'arrêt de travail est justifié et que le retour au travail prévu le 16 septembre 1996 par le médecin traitant devra probablement être prolongé. Il recommandait au plaignant de continuer la psychothérapie entreprise depuis le 16 août 1996 à raison d'une fois par semaine et de revoir son médecin traitant dans deux semaines.

[180] Le 1er octobre 1996, le médecin traitant du plaignant, le Dr Guy Perrier, transmettait un rapport médical (1935) au service médical où il prononce un diagnostic de dépression majeure avec retour au travail normal à temps plein le 4 novembre 1996.

[181] Le 30 octobre 1996, le patient revoit son médecin traitant qui remplit un autre certificat médical (1935) prévoyant un retour au travail de son patient à temps partiel, sans restriction, le 2 décembre 1996.

[182] Pierre Bergeron rencontre le Dr Condé le 31 octobre 1996. Il note que le plaignant l'informe qu'il va mieux depuis un mois ; il fait du sport une fois par semaine ; son appétit a augmenté et il a pris du poids ; il se sent moins fatigué et ses capacités physiques augmentent ; sa mémoire et sa concentration sont correctes. Le Dr Condé note également que le patient n'a plus de pleurs, pas d'idée suicidaire, ni tristesse.

[183] Le Dr Condé émet l'opinion que l'état du patient s'est amélioré. Il lui recommande de poursuivre ses traitements de psychothérapie et d'augmenter ses activités quotidiennes pour continuer à se mettre en forme et de prendre la médication prescrite par le Dr Perrier.

[184] Comme le retour au travail a été prévu par le Dr Perrier le 2 décembre 1996, il fixe un rendez-vous au plaignant le 26 novembre 1996 pour un examen de retour au travail. Lors de cette rencontre, le Dr Condé note que le patient va mieux. Il lui déclare qu'il a augmenté ses activités physiques, qu'il a un bon moral, qu'il est de bonne humeur.

[185] Il l'informe également qu'il se sent moins fatigué et qu'il ressent une augmentation d'énergie. Il se sent amélioré par la massothérapie et la psychothérapie.

[186] Le Dr Condé en arrive à la conclusion que la dépression s'est nettement améliorée et il approuve la recommandation du médecin traitant pour un retour au travail à temps partiel sans restriction à compter du 2 décembre 1996. Toutefois, il recommande, avec l'accord du plaignant, un retour progressif au travail soit deux jours semaine consécutifs dans la semaine du 2 décembre 1996, trois jours semaine du 9 décembre 1996 au 3 janvier 1997 et cinq jours semaine à partir du 6 janvier 1997.

[187] Le 9 décembre 1996, en l'absence du Dr Condé, le plaignant a rencontré l'infirmière Linda Doyter au bureau de ce dernier. Elle inscrit au dossier que Pierre Bergeron a travaillé les 2 et 3 décembre 1996. Sa concentration est bonne mais il se sent physiquement épuisé. Elle note que le patient l'informe que moralement il va bien ; il a un nouveau travail où il subit une pression face à sa performance très suivie. Il doit revoir son médecin le 12 décembre 1996. L'infirmière décide qu'au cours de la semaine du 9 décembre l'employé ne fera pas un retour au travail à temps partiel sans restriction à raison de trois jours semaine comme prévu mais plutôt à raison de deux jours semaine non consécutifs.

[188] Une rencontre est fixée avec le Dr Condé le 17 décembre 1996 pour un examen de contrôle de retour au travail. Effectivement, Pierre Bergeron a rencontré le Dr Condé le 17 décembre 1996. Le plaignant relate au médecin qu'il a travaillé deux jours la semaine précédente et il estime avoir eu une bonne performance au travail. Le plaignant lui dit également que physiquement il se sent capable de travailler et qu'il est prêt à augmenter sa performance et son temps au travail. Il prétend avoir un bon moral, sans symptôme dépressif et sans pleurs, ni tristesse. De plus, son appétit est bon et il dort bien avec sa médication.

[189] Devant ces faits, le Dr Condé conclut que l'état du plaignant s'est encore amélioré, qu'il se sent en forme et qu'il n'a pas de symptôme dépressif présent. Avec l'accord de Pierre Bergeron, le Dr Condé recommande un retour au travail à temps partiel sans restriction à raison de quatre jours semaine au cours de la semaine courante et à temps plein sans restriction à compter du 23 décembre 1996. Comme l'évolution du patient lui semble satisfaisante, le Dr Condé ne prévoit pas le revoir.

[190] Le 11 décembre 1996, Pierre Bergeron a rencontré son médecin traitant pour un examen de contrôle. Celui-ci note que son patient n'a pas de trouble d'humeur. Le Dr Condé estime qu'à cette date le médecin traitant du plaignant le jugeait remis de sa dépression et apte à travailler.

[191] Le 14 janvier 1997, le Dr Condé rencontre le plaignant qui lui raconte qu'il n'a pas travaillé les 23 et 24 décembre 1996. Il a pris des vacances pendant la période des Fêtes. Il a repris le travail à temps plein le 6 janvier 1997 et il estime avoir fourni une bonne performance.

[192] Le patient lui apprend également qu'il a été mis à pied en raison de son manque d'expérience et de son incapacité à faire le travail. Le Dr Condé constate que le plaignant accepte la situation avec calme ; il a peu pleuré ; il démontre un bon jugement et une bonne appréciation de sa situation. Il espère être rappelé au travail. Il précise que son impression diagnostique est à l'effet que la réaction calme et contrôlée du patient, face à sa mise à pied, et l'absence de symptôme dépressif démontrent que la dépression est guérie.

[193] Il note aussi que, le 13 janvier 1997, le plaignant a rencontré son médecin traitant qui constate que celui-ci n'a pas de trouble dépressif. Il a diminué la prise de Paxil de 40 à 20 milligrammes.

(vi) Josée Ferron

[194] Josée Ferron a été embauchée chez Télébec en avril 1992 et elle occupe le poste de directrice des ressources humaines depuis janvier 1996. Elle travaillait au niveau de la sélection, de l'embauche et du mouvement de personnel alors que Lyne Doroftei était assignée à tout ce qui touchait les relations de travail. Ce n'est que depuis 1999 qu'elle a assumé la responsabilité des relations de travail.

[195] Au début de mai 1996, une demande a été faite pour combler deux postes d'installateur-réparateur à Val-d'Or. Le 7 mai 1996, elle a procédé à un affichage de ces deux postes aux tableaux d'affichage situés dans les centres de travail (Pièce I-14). Ce document identifie le poste, le lieu de travail, la durée, les exigences minimales requises, le résumé de l'emploi et la date prévue de l'emploi. Le témoin précise que l'affichage est d'une durée de cinq jours ouvrables selon les termes de la convention collective et qu'il se terminait le 13 mai 1996.

[196] Au cours de cette période, l'employé doit poser sa candidature par une demande de mutation comme Pierre Bergeron l'a fait (Pièce P-13) le 13 mai 1996. Le témoin raconte que cinq candidats ont posé leur candidature à savoir Guy Desgagné, Normand Rouleau, Pierre Bergeron, Daniel Lemieux et Serge Chayer.

[197] Josée Ferron raconte qu'une fois le processus d'affichage terminé elle procède aux entrevues avec les candidats ayant appliqué pour vérifier leurs compétences et leurs qualifications au poste convoité. L'entrevue se réalise parfois par entretien téléphonique comme ce fut le cas avec le plaignant qui était à La Sarre tandis que le bureau des ressources humaines se trouvait à Val-d'Or. Le témoin a procédé à l'entrevue téléphonique avec le plaignant le 22 mai 1996 et l'entrevue a duré entre 30 et 45 minutes.

[198] Le témoin a posé des questions au plaignant pour vérifier s'il possédait les exigences minimales requises pour le poste, pour évaluer sa capacité dans un travail en équipe, son sens de la coopération, ses connaissances techniques, son autonomie, son sens des responsabilités, sa vision de l'approche avec la clientèle.

[199] Le témoin déclare évaluer également chez le candidat l'esprit d'équipe, sa capacité de faire face à l'ambiguïté, son leadership, sa capacité de prise de décision et la compréhension de l'anglais qui constitue un atout.

[200] Suite à l'entrevue, le témoin déclare avoir préparé une évaluation écrite (Pièce I-23). Elle y a écrit que le plaignant devra améliorer son leadership et que sa motivation professionnelle est faible car il semble démotivé suite aux mises à pied et ne pas comprendre le contexte actuel de l'entreprise ; son niveau de connaissances techniques était faible.

[201] Suite aux entrevues avec les candidats, le témoin déclare avoir rencontré le directeur du service, Serge Faubert, et Alain Rivard ou Claude Mayrand pour procéder au choix des candidats. Après discussions, un seul candidat a été retenu soit Daniel Lemieux pour un poste d'installateur-réparateur et le second poste a fait l'objet d'une embauche à l'externe, Alain Brouillette, en date du 17 juin 1997.

[202] Le témoin raconte que Daniel Lemieux a été informé qu'il avait obtenu le poste. Toutefois, il s'est désisté de sorte qu'un poste d'installateur-réparateur n'était pas encore comblé. Par conséquent, une seconde analyse des candidats a été faite avec Serge Faubert et le témoin. Elle a raconté qu'elle a insisté auprès de Serge Faubert en invoquant que le plaignant avait des connaissances de base, qu'on devrait lui donner une chance et que, de toute façon, il aurait une période d'essai sur le poste et qu'on pourrait toujours le retourner sur la liste de rappel comme épisseur s'il était incapable de rencontrer les exigences du poste d'installateur-réparateur.

[203] Le témoin raconte que, finalement, il fut décidé d'accorder le poste d'installateur-réparateur au plaignant qui l'a accepté le 22 juillet 1996 pour entrer en fonction le 6 août 1996.

(vii) Richard Leblanc

[204] Richard Leblanc est à l'emploi de Télébec à Val-d'Or depuis 1990 à titre de directeur à la gestion du réseau d'accès. Ses responsabilités consistent à analyser les secteurs desservis par Télébec pour s'assurer que la capacité du réseau est suffisante pour répondre aux besoins de la clientèle et pour s'assurer de la sécurité du réseau. Elles consistent en outre à confectionner les plans reliés à de nouveaux projets.

[205] Il raconte qu'à l'automne 1997, il était chargé de projet pour l'exécution d'un projet à Chibougamau d'une durée de six mois visant le remplacement d'un réseau désuet et congestionné. Le travail avait été confié à un sous-traitant. Des travaux d'épissage de câbles d'une durée approximative de quatre à six semaines devaient être accomplis par un épisseur. Une demande en ce sens a été acheminée au département des ressources humaines (Pièce I-18) et le plaignant a été rappelé temporairement au travail pour la période prévue (Pièce P-28).

[206] Richard Leblanc se rappelle que, vers la fin de novembre 1997, Pierre Bergeron a communiqué avec lui pour savoir si son embauche temporaire se terminait bien à l'expiration de la période de six semaines. Le témoin a communiqué avec son supérieur immédiat Yvon Hallé pour lui suggérer de maintenir le plaignant au travail pour aider le sous-traitant. Yvon Hallé a pris la décision de garder Pierre Bergeron à l'emploi jusqu'au 24 décembre 1997. Le témoin a fait part de cette décision au plaignant qui semblait satisfait. Cette prolongation d'emploi n'a pas été confirmée au plaignant par écrit.

[207] Richard Leblanc rappelle que les conditions d'embauche de Pierre Bergeron stipulaient qu'après 10 jours consécutifs de travail il devait prendre quatre jours de congé consécutifs. Pierre Bergeron lui a mentionné qu'il serait à Chibougamau du 1er au 24 décembre 1997. Richard Leblanc lui a mentionné que s'il entendait demeurer à Chibougamau, il devait respecter la prise de ses congés.

[208] Le témoin affirme, contrairement aux prétentions du plaignant, qu'il ne lui a pas affirmé que sa prolongation d'emploi était pour une durée indéterminée parce qu'il n'avait pas l'autorité pour prendre une telle décision et qu'il s'est conformé aux directives de son supérieur immédiat, Yvon Hallé.

[209] Richard Leblanc se souvient que le 9 décembre 1997, il a reçu un appel téléphonique de Pierre Bergeron l'avisant de son hospitalisation à Chibougamau ; il s'est informé du motif de son hospitalisation. Le plaignant lui a dit qu'il n'était pas blessé sans lui fournir de plus amples détails.

[210] Le témoin a communiqué avec Lyne Doroftei au département des relations industrielles pour connaître la marche à suivre dans les circonstances d'autant plus que l'emploi du plaignant se terminait le 24 décembre 1997. Cette dernière lui a demandé de lui transmettre par courriel les informations relatives aux ententes avec le plaignant et la date de sa terminaison d'emploi, ce que le témoin a fait le 10 décembre 1997 (Pièce I-12). Elle lui a mentionné également qu'un avis de mise à pied lui serait remis afin qu'il le transmette au plaignant sans délai (Pièce P-30).

[211] Après avoir reçu et signé le document, le témoin a appris qu'Alain Rivard se rendait à Chibougamau et il lui a demandé de se rendre au chevet du plaignant pour lui remettre l'avis de mise à pied. Le témoin a cru bon de préciser que le plaignant, pendant qu'il fut sous sa responsabilité, a fourni une très bonne qualité de travail à titre d'épisseur et qu'il n'a jamais mis fin à son emploi en raison de son état de santé.

III. LA LOI

[212] L'article 7 de la Loi énonce que le fait, par des moyens directs ou indirects, de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu ou de le défavoriser en cours d'emploi constitue un acte discriminatoire s'il est fondé sur un motif de distinction illicite. L'article 3 de la Loi précise que la déficience est un motif de distinction illicite.

[213] L'article 14 (1) de la Loi dispose que le fait de harceler un individu en cours d'emploi constitue un acte discriminatoire s'il est fondé sur un motif de distinction illicite.

IV. FARDEAU DE LA PREUVE

[214] Depuis la décision de la Cour suprême dans l'affaire O'Malley 1, il est établi qu'il appartient d'abord au plaignant d'établir une preuve prima facie de discrimination. La preuve prime facie est celle qui porte sur des allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la partie plaignante, en l'absence de réplique de la partie intimée.

V. ANALYSE

A. Le plaignant a-t-il été défavorisé en cours d'emploi en raison d'une déficience (dépression) ?

(i) Mise à pied du 6 décembre 1995

[215] La preuve démontre que le plaignant occupait le poste d'épisseur chez l'intimée depuis 1990. Le 20 novembre 1995, il a été avisé de sa mise à pied effective le 6 décembre 1995. Son nom a été placé sur une liste de rappel. La convention collective lui conférait un droit de rappel au travail au cours des 24 mois suivant sa mise à pied.

[216] Le plaignant soutient que l'intimée ne lui a pas permis d'exercer son droit de supplantation et d'être ainsi maintenu en emploi. Il ressort de la preuve que la prétention du plaignant n'est pas fondée. En effet, l'ancienneté acquise par le plaignant ne lui permettait pas d'exercer son droit de supplantation. Il y a lieu de souligner que devant l'impossibilité d'exercer son droit de supplantation, le plaignant a déposé un grief pour revendiquer ce droit mais ce grief fut plus tard retiré par l'Union des Routiers.

[217] Le plaignant suggère que sa mise à pied de décembre 1995 et son incapacité d'exercer son droit de supplantation ont créé chez lui une situation d'insécurité et de crainte de perte définitive de son emploi qui furent à l'origine de la dépression qu'il a vécue en août 1996. La preuve est à l'effet que l'intimée a procédé, à la fin de 1995, à une restructuration administrative importante de l'entreprise qui s'est traduite par de nombreuses mises à pied. Il y a lieu de croire que le plaignant, qui jouissait d'un emploi stable chez l'intimée depuis plus de neuf ans, ait été affecté par un manque de travail et qu'il ait craint pour son avenir à l'emploi de l'intimée. Toutefois, le plaignant n'a soumis aucune preuve démontrant que lors de sa mise à pied du 6 décembre 1995 il souffrait de quelque déficience que ce soit, excepté le fait qu'il ait subi une dépression 11 ans auparavant.

[218] Sans rejeter pour autant la prétention du plaignant voulant que les événements survenus soient à l'origine d'une dépression survenue en août 1996, il n'en demeure pas moins qu'aucune preuve ne permet de conclure que le plaignant a été mis à pied en raison d'une déficience.

(ii) Mise à pied du 24 janvier 1997

[219] Le plaignant a repris le travail le 2 décembre 1996 suite à une absence pour maladie, soit une dépression survenue en août 1996. Il estime que l'intimée l'a mis à pied en raison de son état de santé.

[220] La preuve révèle que, suite à sa mise à pied, le plaignant a été rappelé temporairement au travail de façon successive, à son poste d'épisseur ou monteur de lignes, à compter du 26 mars 1996. Il ressort également de la preuve que le 7 mai 1996 l'intimée a procédé à l'affichage de deux postes d'installateur-réparateur à Val-d'Or et que le plaignant a posé sa candidature de même que quatre autres employés.

[221] Il convient de rappeler que le plaignant avait rempli les tâches d'installateur-réparateur lors de son embauche le 7 mai 1987 jusqu'au 23 avril 1990 alors qu'il a obtenu un poste d'épisseur.

[222] La preuve a démontré qu'à cette époque le travail d'installateur-réparateur s'exerçait très majoritairement dans le secteur résidentiel. Il consistait à amener des fils de service depuis le poteau jusqu'à la résidence et à procéder à l'installation de fils dans la résidence pour permettre l'accès aux branchements de poste. L'installateur-réparateur livrait l'appareil téléphonique au client. Quant à la réparation, il s'agissait de vérifier l'aspect résistif de la ligne téléphonique et la condition de terre. Le travail de l'installateur-réparateur n'était utilisé que très occasionnellement dans le secteur affaires. Il se limitait à des tâches de câblage permettant l'installation de petits systèmes téléphoniques et à réaliser la programmation à l'aide de registres fixes préétablis.

[223] La preuve révèle qu'à compter de 1992, dans le secteur affaires, l'arrivée du microprocesseur a amené de nombreux systèmes téléphoniques avec un langage de programmation beaucoup plus large qui a permis d'offrir de meilleurs services à la clientèle. S'est ajoutée la vidéoconférence et internet. Par conséquent, la programmation a fait en sorte que l'installateur-réparateur devait remplir des tâches d'analyste. Il devait également établir un contact constant avec la clientèle pour connaître ses besoins et lui vendre des équipements adaptés à ses besoins. Concernant le secteur résidentiel, le travail de l'installateur-réparateur était de moins en moins requis car le réseau avait été réaménagé. Ainsi, les réparations et l'installation de nouveaux systèmes étaient moins fréquentes.

[224] La preuve a établi que le document d'affichage des postes d'installateur-réparateur comportait une description des exigences minimales requises. Le plaignant a reconnu qu'il ne répondait pas à certaines de ces exigences, notamment la connaissance de base de la transmission des données. Quant à l'exigence de connaître les différents produits et services de l'entretien (série Norstar et autres) qui constituait un avantage, il a admis qu'il ne connaissait pas les produits de l'entreprise alors sur le marché puisqu'il avait procédé à l'installation d'un seul appareil Norstar lorsqu'il avait occupé le poste d'installateur-réparateur. Concernant l'exigence d'une connaissance des principes de la programmation, le plaignant a déclaré qu'il avait peu de connaissance des principes de la programmation. Relativement à l'exigence d'être apte à transiger et communiquer avec le client, le plaignant a reconnu que dans l'exécution de son travail d'installateur-réparateur il avait rarement eu à communiquer et transiger avec le client.

[225] La preuve a révélé qu'après avoir reçu les candidatures des employés désireux d'obtenir les postes d'installateur-réparateur Josée Ferron, alors directrice des ressources humaines, a eu une entrevue avec chacun des candidats afin d'évaluer leurs qualifications et leurs compétences pour obtenir ces postes. Josée Ferron a fait une entrevue téléphonique avec le plaignant suite à laquelle elle a tiré la conclusion que le plaignant manquait de leadership et de motivation et que son niveau de connaissances techniques était peu élevé. Après avoir préparé une évaluation de chacun des candidats, elle a soumis le tout au directeur Serge Faubert et superviseur, soit Alain Rivard ou Claude Mayrand. La candidature d'un seul employé a été retenue et, pour le second poste, on a procédé à l'embauche d'un nouvel employé. Toutefois, le candidat choisi s'est désisté. Après une seconde analyse, il fut entendu d'accorder le poste au plaignant qui l'a accepté.

[226] La preuve a démontré que le plaignant est entré dans ses nouvelles fonctions le 2 août 1996 mais qu'il a dû s'absenter du travail le 10 août 1996 en raison d'une dépression majeure.

[227] La preuve a révélé que le Dr Condé, médecin consultant de l'intimée, a rencontré le plaignant à plusieurs reprises. Lors d'une première rencontre avec le plaignant, le Dr Condé note que le plaignant, suivant le diagnostic de son médecin traitant, souffre d'une dépression majeure causée par un changement au niveau de l'emploi, le déménagement et la perte d'un être cher, soit son chien. Il recommande de continuer la psychothérapie que suit le patient. Il rencontre à nouveau le plaignant, le 31 octobre 1996, qui lui fait part qu'il se sent mieux et moins fatigué. Le plaignant se sent plus capable physiquement. Le Dr Condé a appris du patient qu'il n'a plus de pleurs, ni tristesse, ni idée suicidaire. Il conclut que l'état du patient s'est amélioré. Le Dr Condé a rencontré encore le plaignant le 26 novembre 1996 pour analyser la possibilité d'un retour au travail. Après avoir appris du plaignant qu'il va mieux, qu'il a un bon moral, qu'il est de bonne humeur, qu'il ressent une augmentation d'énergie, le Dr Condé estime que l'état du patient s'est suffisamment amélioré pour approuver la recommandation de son médecin de permettre un retour progressif au travail sans restriction à compter du 2 décembre 1996.

[228] La preuve a démontré que le plaignant est entré au travail comme installateur-réparateur à Val-d'Or le 2 décembre 1996. Son supérieur immédiat était Alain Rivard et en l'absence de ce dernier, Claude Mayrand. Son retour au travail était progressif, soit deux jours consécutifs au cours de cette semaine. On lui confie un travail de transfert de lignes à Senneterre puis il est assigné chez Télébec Mobilité pour aider un installateur-réparateur à l'installation d'un système téléphonique 032.

[229] La preuve a révélé qu'au cours de la semaine du 9 décembre 1996 le plaignant devait travailler trois jours non consécutifs mais qu'il a travaillé seulement deux jours. Il s'est vu confier, par son supérieur immédiat Alain Rivard, le mandat de procéder à l'installation d'un système téléphonique Norstar à la Brasserie La Pépie. Pendant que le plaignant procédait à l'installation de ce système, Alain Rivard s'est rendu sur les lieux pour apprendre de la cliente que le plaignant éprouvait des difficultés avec la programmation, qu'il lui avait mentionné que ce n'était pas son domaine. Elle craignait que l'échéancier prévu pour l'exécution des travaux ne soit pas rencontré.

[230] La preuve a établi de façon non contredite que Alain Rivard a rencontré le plaignant pour discuter de la situation et que ce dernier lui a fait part qu'il ne voulait pas accomplir le travail d'installateur-réparateur car il préférait le travail d'épisseur. Devant ces faits, Alain Rivard a décidé de confier au plaignant un travail moins astreignant. Il fut assigné en compagnie de deux employés, installateurs-réparateurs, dont un représentant syndical, chez Aubé Pontiac Buick.

[231] La preuve a démontré que lors de cette rencontre le plaignant a informé Alain Rivard de son état de santé. Alain Rivard a souligné au plaignant que rien ne lui indiquait de restriction quant à sa capacité de faire le travail exigé et qu'il devait s'y soumettre.

[232] La preuve a démontré que, pour faciliter la tâche au plaignant, Alain Rivard lui a confié un travail en compagnie de deux installateurs-réparateurs pour refaire certains filages avec cache-fils chez Val-d'Or Performance. Une fois de plus, Alain Rivard a été informé que la qualité du travail du plaignant laissait à désirer.

[233] La preuve a établi que le plaignant a travaillé les 16, 18 et 20 décembre 1996. Au cours de la semaine du 16 décembre 1996, le plaignant a demandé la permission de s'absenter du travail les 23 et 24 décembre 1996, permission qui ne lui fut point accordée, les besoins de personnel ne le permettaient pas à la veille de la période des Fêtes.

[234] La preuve a démontré que le 20 décembre 1996, en fin de journée, le plaignant se sentait à bout et au bord des larmes. Il a informé la secrétaire qu'il quittait le travail. Au cours de la fin de semaine, il a festoyé, de sorte qu'il lui a été impossible de se présenter au travail les 23 et 24 décembre 1996 en raison d'une gastro-entérite.

[235] La preuve a révélé que le plaignant s'est présenté au travail le 6 janvier 1997. Alain Rivard, toujours dans le but d'aider le plaignant, lui a confié un travail de préfilage dans un édifice gouvernemental sur un quart de travail de 16 h 00 à minuit.

[236] La preuve a établi que le 7 janvier 1997 le plaignant a été convoqué à une rencontre avec ses supérieurs immédiats, Claude Mayrand et Alain Rivard. Il lui fut reproché d'avoir quitté le travail le 20 décembre 1996 sans avoir averti son supérieur immédiat. Il lui fut également reproché de s'être absenté du travail le 23 décembre 1996 en invoquant la prise de congé annuel non autorisée alors qu'il était absent pour cause de maladie. Il lui fut également mentionné que malgré le fait qu'on lui ait confié des tâches relativement faciles sa productivité laissait quand même à désirer.

[237] La preuve a révélé qu'au cours de la semaine du 6 janvier 1997 la qualité du travail de préfilage réalisé était toujours irréprochable mais que la productivité était toujours défaillante.

[238] La preuve a démontré que le 8 janvier 1997 Alain Rivard, accompagné de Claude Mayrand, a rencontré le directeur Serge Faubert pour lui faire part de ses inquiétudes à l'endroit du plaignant. Après une analyse complète de la situation, Alain Rivard est arrivé à la conclusion que le plaignant ne pouvait remplir les tâches d'installateur-réparateur.

[239] La preuve a démontré que le plaignant, après avoir obtenu, suite à un affichage, le poste d'installateur-réparateur, bénéficiait d'une période d'essai en vertu de la clause 13.10 de la convention collective qui prévoit que si un salarié n'a pas démontré sa capacité de remplir sa nouvelle tâche conformément aux normes de la compagnie dans les 120 jours qui suivent sa promotion ou sa mutation, il devra retourner à son poste et localité antérieurs... Au cours de cette période, l'employeur pouvait mettre fin à la période d'essai s'il arrivait à la conclusion que l'employé ne pouvait répondre aux exigences normales de la tâche.

[240] La preuve a établi que le 10 janvier 1997, l'intimée a informé le plaignant qu'il serait en mise à pied à compter du 24 janvier 1997 au motif qu'il n'avait pas été en mesure de démontrer, depuis son arrivée au poste d'installateur-réparateur, la capacité de remplir ses nouvelles tâches conformément aux normes demandées et exigées. Le plaignant retournait sur une liste de rappel comme épisseur avec droit de rappel pour une période de 24 mois.

[241] La preuve a démontré que le plaignant a contesté sa mise à pied en déposant un grief qui fut retiré par la suite à l'initiative de l'Union des Routiers. Suite au dépôt, le comité de grief s'est réuni et un procès-verbal des discussions a été dressé (Pièce P-65). Le plaignant a déclaré qu'il avait posé sa candidature pour l'obtention du poste d'installateur-réparateur non pas par intérêt pour cet emploi mais uniquement pour obtenir du travail.

[242] La preuve a démontré que le plaignant a rencontré le Dr Condé le 17 décembre 1996 pour un examen de contrôle. Il a informé ce dernier que physiquement il se sent prêt à augmenter son temps de travail et sa performance. Il déclare avoir un bon moral, sans symptôme dépressif, sans pleurs, ni tristesse. Le Dr Condé est d'avis que l'état du plaignant s'est encore amélioré et qu'il ne présente aucun symptôme dépressif. À sa demande, le Dr Condé a vu le plaignant le 14 janvier 1997 lequel lui apprend qu'il a été mis à pied en raison de son manque d'expérience et de son incapacité à faire le travail. Le Dr Condé note que le plaignant accepte la situation avec calme et qu'il a peu pleuré. Il émet un diagnostic à l'effet que la dépression subie par le plaignant est guérie.

[243] Lors de son retour au travail le 2 décembre 1996, le plaignant jouissait déjà d'une expérience acquise antérieurement au poste d'installateur-réparateur. Pour aider le plaignant à se familiariser à son nouveau poste, l'intimée lui a confié un travail peu compliqué d'installation d'un système téléphonique pour le secteur affaires. Le travail n'a pas été complété dans le temps normalement prévu pour l'exécution de ce genre de travail. Le plaignant n'a pas été en mesure de réaliser la programmation et le contact avec le client a comporté des lacunes. L'intimée a confié au plaignant divers travaux de base pour un installateur-réparateur axés particulièrement au préfilage de câbles et les standards de productivité n'ont pas été rencontrés. Malgré la simplicité du travail confié, la productivité du plaignant ne s'est pas améliorée.

[244] L'obligation première du plaignant était de fournir, même à temps partiel, une prestation de travail satisfaisante pour l'intimée. Il m'apparaît que, malgré le fait que l'intimée lui ait confié un travail exigeant l'exécution de tâches de base pour un installateur-réparateur, le plaignant, qui avait postulé sur ce poste pour jouir d'un emploi stable et qui n'aimait pas, de son propre aveu, ce genre de travail, n'a pas été en mesure de démontrer qu'il pouvait accomplir les tâches d'un installateur-réparateur. L'intimée était bien fondée de mettre fin à la période d'essai du plaignant au poste d'installateur-réparateur et de le placer sur la liste de rappel à son poste d'épisseur.

[245] De plus, j'estime que la déficience, soit l'état dépressif du plaignant, n'a pas été l'un des facteurs qui ont joué un rôle déterminant dans la prise de décision de l'intimée. À cet égard, je retiens le témoignage non contesté du Dr Condé à l'effet que le plaignant était apte à reprendre le travail de façon progressive et sans aucune restriction. De plus, lors de la prise de décision de l'intimée de mettre fin à la période d'essai du plaignant au poste d'installateur-réparateur, ce dernier ne ressentait aucun symptôme de dépression et celle-ci était complètement guérie. Par conséquent, j'en arrive à la conclusion, suite à la preuve entendue sur cet aspect de l'affaire, que le plaignant n'a pas réussi à démontrer qu'il a été mis à pied le 24 janvier 1997 en raison d'une déficience, soit la dépression.

(iii) Mises à pied en 1997

[246] Le plaignant soutient qu'au cours de l'année 1997 il a été rappelé temporairement au travail et mis à pied à différentes reprises. Selon lui, l'intimée souhaitait qu'il quitte son emploi et elle agissait de la sorte en sachant fort bien qu'il ne pouvait refuser un rappel au travail sous peine de perdre son emploi. De plus, lors de ses rappels au travail, le plaignant allègue qu'on lui imposait des conditions de travail particulières et non conformes à celles prévues dans la convention collective qui s'appliquait aux employés permanents. Ainsi, il estime avoir subi un traitement différent de celui des employés permanents.

[247] La preuve a démontré qu'à la fin de 1995 l'intimée a dû procéder à de nombreuses mises à pied. Un certain nombre d'employés ont été placés sur une liste de rappel pour une période de 24 mois suite à la date effective de leur mise à pied. Dans le but de diminuer ses coûts d'opération l'intimée a décidé de faire appel à la sous-traitance. Face à cette situation, l'Union des Routiers a convenu avec l'intimée, par lettres d'entente, de conditions particulières de travail pour les employés en mise à pied afin de lui permettre de rappeler ces employés temporairement au travail pour différents projets au lieu de recourir à la sous-traitance.

[248] La preuve a démontré que le plaignant et tous les employés sur la liste de rappel étaient visés par les conditions particulières de travail apparaissant aux diverses lettres d'entente.

[249] La prépondérance de la preuve est à l'effet que l'employé sur la liste de rappel qui se déclarait non disponible lors d'un rappel au travail ne perdait pas son emploi et qu'il demeurait sur la liste de rappel.

[250] La preuve a démontré, de l'aveu même du plaignant, que lors de chacun de ses rappels au travail, il a accepté les conditions particulières d'emploi qui s'y rattachaient et qu'il n'a déposé aucun grief.

[251] La preuve a établi que, lors du rappel au travail du plaignant au poste d'épisseur, l'intimée n'a fait que respecter les dispositions de la convention collective relatives au rappel au travail des employés en mise à pied en fonction de leur ancienneté et dans la mesure de leur capacité à exécuter le travail requis.

[252] Suite à la preuve soumise, je ne suis pas convaincu qu'à l'occasion des mises à pied et rappels au travail du plaignant pour des emplois temporaires, l'intimée ait voulu inciter ce dernier à quitter son emploi. Au contraire, l'intimée a rappelé le plaignant au travail en respectant les dispositions de la convention collective traitant du rappel au travail des employés en mise à pied. Si elle avait agi autrement, elle aurait brimé les droits du plaignant. De plus, comme les conditions particulières de travail visaient tous les employés sur la liste de rappel il n'a pas été victime d'un traitement différent puisqu'il était parmi les employés placés sur cette liste de rappel.

(iv) Mise à pied du 24 décembre 1997

[253] Le plaignant a soulevé que l'intimée a décidé de le mettre à pied le 24 décembre 1997 en raison de son état de santé, soit une dépression.

[254] La preuve a démontré que le plaignant a accepté un rappel temporaire au travail du poste d'épisseur à Chibougamau à compter du 20 octobre 1997 pour une période de quatre à six semaines.

[255] Le plaignant a soutenu qu'à la fin du mois de novembre 1997 son supérieur immédiat l'a informé que la durée de son emploi était prolongée pour une période indéterminée. Par contre, le supérieur immédiat du plaignant a affirmé qu'il avait plutôt avisé le plaignant que son emploi se terminerait le 24 décembre 1997.

[256] La preuve a révélé qu'au début de décembre 1997 le plaignant a commencé à ressentir les symptômes d'une dépression. Il a consulté un médecin à Chibougamau qui lui a prescrit du Paxil. Il a dû être hospitalisé à Chibougamau les 9, 10 et 11 décembre 1997 en raison d'une mauvaise réaction aux médicaments et, le 11 décembre 1997, il a rencontré à nouveau ce médecin à Chibougamau lequel a émis un certificat médical avec un diagnostic de dépression. Lors de son hospitalisation, le plaignant a avisé son supérieur immédiat, sans lui préciser la cause de son hospitalisation.

[257] Le supérieur immédiat du plaignant a communiqué avec le département des relations industrielles pour connaître la marche à suivre étant donné que l'emploi du plaignant se terminait le 24 décembre 1997. Il a transmis un mémo à ce département indiquant qu'il avait informé le plaignant de sa mise à pied effective le 24 décembre 1997. Un avis de mise à pied à l'endroit du plaignant a été préparé le 10 décembre 1997 et remis à ce dernier le même jour à l'hôpital de Chibougamau par Alain Rivard.

[258] La preuve soumise sur ce point m'amène à conclure que l'état de santé du plaignant n'a pas été un facteur déterminant dans la prise de décision de l'intimée de mettre fin à l'emploi du plaignant à compter du 24 décembre 1997. Je retiens la version du superviseur immédiat du plaignant plutôt que celle du plaignant à l'effet que sa mise à pied était effective le 24 décembre 1997. De plus, il est évident qu'au moment où l'intimée a avisé le plaignant de sa mise à pied, soit le 10 décembre 1997, elle n'avait aucune connaissance de l'état dépressif du plaignant.

B. Le plaignant a-t-il été victime de la part des intimés de harcèlement en cours d'emploi en raison de sa déficience (dépression) ?

[259] En vertu de l'article 14 (1) (c) de la Loi, le fait de harceler un individu en cours d'emploi constitue un acte discriminatoire s'il est fondé sur un motif de distinction illicite. Selon les dispositions de l'article 3 (1) de la Loi, la déficience est un motif de distinction illicite.

[260] La Commission des droits de la personne du Québec a défini comme suit le harcèlement en milieu de travail :

« Il s'agit d'une conduite se manifestant, entre autres, par des paroles, des actes ou des gestes répétés, à caractère vexatoire ou méprisant, à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'article 10 de la Charte. Il peut s'agir de harcèlement d'une personne en raison de sa race, son sexe, son orientation sexuelles, sa religion, son handicap, etc. » 2

[261] Le Tribunal doit évaluer la gravité d'une conduite importune. Dans l'affaire Dhanjal, le Tribunal précise que :

« La gravité d'un comportement prétendument harcelant doit être appréciée non pas selon le critère et la perspective de la < personne raisonnable >, qui serait forcément une personne faisant partie de la majorité raciale, mais plutôt le critère et la perspective de la victime raisonnable ».

[262] Le Tribunal ajoute :

« Par ailleurs, si le critère subjectif de la perception du plaignant, selon sa personnalité et sa sensibilité propres, est pertinent et nécessaire, c'est uniquement à l'étape de l'évaluation du préjudice causé à la victime et des dommages qui en résultent. » (3)

[263] Le Tribunal doit également évaluer le caractère répétitif d'une conduite importune. À cet égard, dans Commission Scolaire des Deux-Montagnes, le Tribunal dit :

« La durabilité qu'une conduite vexatoire doit également comporter pour constituer du harcèlement peut donc tantôt être établie par la répétition de certains actes, tantôt par leur gravité, dans la mesure où leurs effets ont alors un caractère de continuité. »4)

[264] Le plaignant s'est absenté du travail le 10 août 1996 pour cause de maladie. Dans la semaine qui a suivi, il a reçu à son domicile la visite d'un représentant de l'intimée, Claude Mayrand, pour lui remettre le formulaire médical qu'il devait faire remplir par son médecin traitant. La position du plaignant est à l'effet que l'objectif réellement recherché par l'intimée était, lors de cette visite, de s'assurer qu'il était vraiment malade, ce qu'il qualifie de harcèlement.

[265] Je ne puis accepter la position du plaignant. En effet, tout employé qui s'absente du travail pour maladie d'une durée prévisible de huit jours ou plus doit, par un formulaire médical rempli par son médecin traitant, informer son employeur de la nature de la maladie qui l'afflige et de la durée de son absence du travail. Je ne crois pas qu'une victime raisonnable ait conclu que le geste posé par le représentant de l'intimée s'apparente à du harcèlement.

[266] Le plaignant propose que les passages répétés, devant son domicile entre le 10 août 1996 et le 2 décembre 1996, du représentant de l'intimée au volant de son véhicule pour rendre visite à son père et sa sur constituaient du harcèlement. Je ne crois pas que les agissements du représentant de l'intimée, même s'ils étaient répétitifs, puissent constituer des agissements vexatoires et méprisants permettant à une victime raisonnable de conclure qu'elle est harcelée.

[267] Plus particulièrement à l'endroit de Alain Rivard, le plaignant a soutenu que ce dernier a posé un acte de harcèlement à son endroit en écrivant de fausses lettres de réprimandes qu'il plaçait dans son dossier et à son insu. À l'appui de cette allégation, le seul document produit fut un mémo transmis par Claude Mayrand à Alain Rivard dans lequel il relate les circonstances du départ du travail le 20 décembre 1996 et l'absence du travail du plaignant le 23 décembre 1996. Il a toutefois admis n'avoir jamais reçu officiellement de réprimande écrite de la part des intimés. J'en conclus que cette allégation de harcèlement est manifestement mal fondée.

[268] Le plaignant a soutenu également qu'au cours de sa période d'emploi à temps partiel entre le 2 décembre 1996 et le 24 janvier 1997, il a été victime de harcèlement, en raison de son état de santé, de la part de Claude Mayrand et Alain Rivard. Ce harcèlement s'est manifesté lors de fréquentes rencontres avec les deux représentants de l'intimée par des engueulades injustifiées visant à l'écraser et l'humilier. La prépondérance de la preuve a démontré que lors de ces rencontres les deux représentants de l'intimée ont certes avisé le plaignant, comme ils se devaient de le faire, qu'ils n'étaient pas satisfaits de la façon dont il s'était comporté les 20 et 23 décembre 1996. De plus, au cours de cette période, suivant le témoignage non contredit du Dr Condé et auquel j'accorde une complète crédibilité, la dépression subie par le plaignant était pratiquement guérie de sorte qu'il ne souffrait d'aucune déficience.

[269] La prépondérance de la preuve est aussi à l'effet que les rencontres en question ne se sont pas terminées par des pleurs du plaignant comme il l'a affirmé. Si tel avait été le cas, il en aurait sûrement fait part lors de ses rencontres du 17 décembre 1996 et du 14 janvier 1997 avec le Dr Condé. Au contraire, le plaignant lui affirme, le 17 décembre 1996, qu'il a un excellent moral, sans pleurs, ni tristesse et, lors de la visite du 14 janvier 1997, il confie au Dr Condé avoir accepté l'annonce de sa mise à pied avec calme et n'avoir que peu pleuré.

[270] J'en tire donc la conclusion que les propos échangés par Claude Mayrand et Alain Rivard avec le plaignant au cours de la période du 2 décembre 1996 au 24 janvier 1997 ne constituaient pas du harcèlement à l'endroit du plaignant en raison d'une déficience.

VI. CONCLUSION

[271] J'estime que le plaignant n'a pas réussi à relever le fardeau de faire la preuve prima facie que :

Télébec Limitée a agi de façon discriminatoire à son endroit en le traitant de façon défavorable en emploi en raison de sa déficience contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Télébec Limitée a agi de façon discriminatoire à son endroit en refusant de lui offrir un milieu de travail exempt de harcèlement en raison de sa déficience, contrairement à l'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Alain Rivard a agi de façon discriminatoire à son endroit en le harcelant en cours d'emploi en raison de sa déficience, contrairement à l'article 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

EN CONSÉQUENCE :

Les plaintes sont rejetées.

Signée par


Roger Doyon

OTTAWA (Ontario)

Le 21 mai 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIERS DU TRIBUNAL :

T741/4602 et T742/4702

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Pierre Bergeron c. Télébec Limitée et Alain Rivard

DATES ET LIEU

DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

Les 10, 11, 12 et 15 septembre 2003

Les 16, 17, 18 et 19 septembre 2003

Les 24, 25, 26 et 27 novembre 2003

Les 26, 27 et 29 janvier 2004

DATE DE LA DÉCISION

DU TRIBUNAL :

Le 21 mai 2004

ONT COMPARU :

Pierre Bergeron

En son propre nom

Patrick O'Rourke

Pour la Commission canadienne des droits de la

personne

Reno Vaillancourt

Pour Télébec Limitée et Alain Rivard

1Commission des droits de la personne de l'Ontario et O'Malley c. Simpson Sears Limitée [1985], 3 R.C.S., p. 536 à 558

2Commission des droits de la personne du Québec, Orientation de la Commission des droits de la personne face au harcèlement en milieu de travail [1987] D.L.Q. 491-492

3Dhanjal c. Air Canada [1996] D.C.D.P. NO4

4C.D.P. c. Commission scolaire des Deux-Montagnes [1993 ] 19 CHRR, D1

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