Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Micheline Montreuil

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Forces canadiennes

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Pierre Deschamps
Date : Le 23 mai 2007
Référence : 2007 TCDP 22

[1] À la reprise de l’audience de l’après-midi du 17 mai 2007, Me Guy Lamb, l’un des procureurs de l’intimée, les Forces canadiennes, a porté à l’attention du Tribunal un événement qui était survenu à la pause du matin.  Cet événement avait trait à un échange qui aurait eu lieu entre Me Montreuil, la plaignante, et un des experts de l’intimée.

[2] Le Tribunal a jugé l’événement suffisamment sérieux pour entendre l’expert de l’intimée concernée, soit le Dr. Marylin Wilchesky.

[3] Il appert du témoignage sous serment du Dr. Wilchesky que, lors de la pause de l’avant-midi, alors que le Dr. Wilchesky était seule à l’arrière de la salle d’audience, Me Montreuil se serait approchée d’elle à un certain moment donné et lui aurait demandé en français si elle était prête à endurer la même torture (sous-entendue mentale) que le témoin actuel (le Dr. Pierre Assalian), en plus d’ajouter d’autres commentaires sur son témoignage éventuel.

[4] Le Dr. Wilchesky a témoigné avoir compris des propos de Me Montreuil qu’elle référait au fait d’éplucher chaque document, chaque mot de chaque document mis en preuve.

[5] Dans son témoignage, le Dr. Wilchesky a affirmé avoir senti alors une pression pour ne pas témoigner comme témoin expert dans la présente instance.  Elle a, de plus, affirmé avoir ressenti une peur angoissée (dread) et avoir perçu les propos tenus comme menaçants, (the words were threatening), non pas physiquement mais mentalement.  Elle a, par ailleurs, déclaré que, lorsque Me Montreuil s’est dirigée vers elle, elle ne s’est pas sentie menacée physiquement.

[6] Me Montreuil n’a pas nié l’essentiel des faits rapportés par le Dr. Wilchesky.  Elle n’a pas nié avoir utilisé le mot torture lorsqu’elle a adressé la parole au Dr. Wilchesky.  Elle a soutenu qu’en faisant ces remarques, elle voulait faire savoir au Dr. Wilchesky que son témoignage n’apporterait rien au témoignage du Dr. Assalian, considérant qu’elle avait, de concert avec le Dr. Dufour et le Dr. Assalian, signé un rapport conjoint.

[7] Le procureur de l’intimée soutient que les propos tenus par Me Montreuil, plus spécifiquement l’utilisation du terme torture, constituent une forme d’intimidation d’une personne possiblement appelée à témoigner dans la présente instance.

[8] Les témoins experts dont les services ont été retenus par une partie ont pour mission d’éclairer le Tribunal sur des points techniques ou scientifiques qui ne sont pas de connaissance judiciaire.  Le plus grand respect doit leur être accordé, du reste comme à tout autre témoin.

[9] Il ne saurait être question pour quiconque, en cours d’instance, de venir, par des propos inappropriés, perturber la quiétude de ces témoins.  Ceci ne peut servir en rien les intérêts de la justice.  Au contraire, des propos inconvenants ne peuvent qu’affecter la saine administration de la justice.

[10] En l’espèce, quelle que soit la formulation exacte des propos tenus par Me Montreuil à l’endroit du Dr. Wilchesky, le 17 mai dernier, il ressort du témoignage non contredit de cette dernière que Me Montreuil a utilisé le mot torture en référence au contre-interrogatoire éventuel de celle-ci et que l’ensemble des mots utilisés ont été perçus par le Dr. Wilchesky comme une menace et ont suscité chez elle une certaine crainte.

[11] Le Tribunal considère que la conduite qu’a eue Me Montreuil vis-à-vis le Dr. Wilchesky, en salle d’audience, lors de la pause du matin, le 17 mai dernier, n’était pas appropriée et encore moins les propos qui lui sont prêtés d’avoir tenus, notamment l’utilisation du terme torture en référence au contre-interrogatoire éventuel du Dr. Wilchesky.

[12] Il est malheureux que le contre-interrogatoire d’un témoin soit perçu par un procureur comme une forme de torture mentale et qu’il en fasse part à un témoin potentiel de la partie adverse.  Encore plus malheureux est le fait que l’on fasse sentir à un témoin que son témoignage n’est pas le bienvenu.

[13] L’intention de Me Montreuil n’était possiblement pas d’intimider le Dr. Wilchesky.  Il n’en demeure pas moins que les propos qu’elle a tenus ont été perçus comme intimidants par le Dr. Wilchesky.  En l’espèce, il n’était nullement besoin pour Me Montreuil d’aborder le contre-interrogatoire éventuel du Dr. Wilchesky hors la présence des procureurs de l’intimée.  Eurent-ils été présents que Me Montreuil ne se serait pas permis de tenir de tels propos.

[14] En conséquence, le Tribunal réitère l’ordonnance prononcée le 17 mai 2007, à savoir qu’il est interdit dans le cadre de la présente instance à Me Micheline Montreuil de s’approcher des témoins experts de l’intimée pour leur adresser la parole hors la présence des procureurs de l’intimée.  La présente ordonnance vaut également pour les autres personnes que l’intimée pourrait ultérieurement appeler comme témoin en rapport avec l’audition de la présente plainte.

Signée par

Pierre Deschamps
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 23 mai 2007

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1047/2805

Intitulé de la cause : Micheline Montreuil c. Les Forces canadiennes

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 23 mai 2007

Date et lieu de l’audience : Le 23 mai 2007 Québec (Québec)

Comparutions :

Micheline Montreuil, pour elle même

Ikram Warsame, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Guy Lamb et Claude Morissette, pour l'intimée

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