Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA personne

JOHN CHARLTON

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

INTERNATIONAL LONGSHOREMEN'S ASSOCIATION,

LOCAL 269

l'intimée

DÉCISION SUR UNE DEMANDE D'AJOURNEMENT

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

2004 TCDP 12

2004/03/05

TRADUCTION

[1] Le 27 février 2004, Me David A. Mombourquette, le nouvel avocat du plaignant, a transmis au Tribunal canadien des droits de la personne une demande d'ajournement de l'audience en l'espèce. Malheureusement, pour une raison inexpliquée, le Tribunal n'a pas reçu sa lettre. Une copie de la lettre a été transmise par courrier électronique au Tribunal à la suite d'une téléconférence tenue le 2 mars 2004.

[2] L'audience dans cette affaire devait se dérouler du 8 au 12 mars 2004, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Les parties ont été informées de ces dates le 29 septembre 2003. Le 19 février 2004, le Tribunal a désigné un membre pour instruire la plainte et a informé les parties que l'audience débuterait le 10 mars 2004 et que de nouvelles dates seraient fixées à ce momentlà.

[3] Dans sa lettre du 27 février 2004, Me Mombourquette informait le Tribunal que le plaignant avait retenu ses services en l'espèce. Il indiquait que l'avocate précédente du plaignant, Rebecca Saturley, du cabinet Steward McKelvey Stirling Scales, avait communiqué avec lui plus tôt cette semaine-là afin de lui demander s'il pourrait représenter le plaignant. Il avait été en mesure, précisait-il, de s'entretenir le jeudi 26 février 2004 avec le plaignant, qui avait alors décidé de retenir ses services. La décision de changer d'avocat à cette étape très tardive de la procédure n'a pas été prise par le plaignant, mais plutôt par son ex-avocate, Me Saturley.

[4] En ce qui concerne le motif de cette décision, il semble que, à la suite de la divulgation du 12 février 2004 de l'intimée, Me Saturley ait conclu qu'il pourrait y avoir un conflit entre le fait qu'elle représentait le plaignant en l'espèce et la relation de longue date de sa firme avec la Halifax Employers Association. Aucun détail supplémentaire n'a été fourni quant aux raisons qui pourraient expliquer comment il se fait que ce n'est qu'à cette étape très tardive de la procédure qu'on soit parvenu à ce constat.

[5] Point n'est besoin de répéter qu'un conflit d'intérêts est une situation susceptible de teinter le jugement de l'avocat ou les avis donnés à un client actuel ou éventuel, ou d'influer sur sa loyauté professionnelle. S'il surgit dans une affaire un différend qui ne peut être résolu, l'avocat ne peut, de toute évidence, continuer de représenter l'un ou l'autre des clients et doit se retirer de l'affaire. L'avocat doit s'abstenir de représenter plus d'un client lorsqu'il est raisonnablement évident qu'il peut surgir un litige ou que leurs intérêts, leurs droits ou leurs obligations divergeront au fur et à mesure que l'affaire de dénouera.

[6] Il semble que Me Saturley soit parvenue à cette conclusion après avoir pris connaissance de la divulgation du 12 février 2004 de l'intimée, bien que le Tribunal ne voie pas quels nouveaux renseignements n'avaient pas été communiqués antérieurement à l'avocate. Le Tribunal s'inscrit par ailleurs en faux contre le retard de Me Saturley à agir. Selon la lettre de Me Mombourquette, c'est seulement dans la semaine du 23 février 2004, soit une dizaine de jours après la divulgation de l'intimée, qu'on a communiqué avec lui pour lui demander s'il pourrait représenter le plaignant. Il est évident qu'il conviendrait en l'espèce d'ordonner de mettre les dépens à la charge de l'ex-avocate du plaignant, si le Tribunal avait ce pouvoir en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pouvoir que je ne possède malheureusement pas.

[7] Je renvoie les parties au Legal Ethics and Professional Conduct Handbook de la Nova Scotia Barristers' Society, qui précise qu'un avocat doit avoir des motifs valables de se désister et doit dans un tel cas donner à son client un préavis suffisant. Le client peut mettre fin à sa relation avec l'avocat à sa guise, mais ce dernier ne jouit pas de la même latitude. Une fois qu'il a accepté un mandat, l'avocat doit s'en acquitter de son mieux, à moins d'avoir une justification suffisante pour mettre fin à la relation. L'avocat qui se retire d'un mandat se doit de réduire au minimum les frais et d'éviter de causer un préjudice à son client, tout en faisant tout ce qui est raisonnablement possible pour faciliter le transfert expéditif et ordonné du dossier à son successeur.

[8] Dans le cas qui nous occupe, Me Mombourquette a demandé cet ajournement afin de pouvoir se familiariser avec la plainte avant l'audience. Il a également précisé qu'il n'était pas disponible aux dates fixées en raison d'un engagement antérieur auprès de la commission des relations de travail de la Nouvelle-Écosse. Lors de la téléconférence tenue le 2 mars 2004 pour discuter de cette demande, il a indiqué qu'aucun de ses collègues au sein de son cabinet n'était en mesure de prendre en charge ce dossier aux dates fixées pour l'audience.

[9] L'avocat de l'intimée s'est vivement opposé à cette demande. Dans une lettre en date du 1er mars 2004 adressée au Tribunal, Me Ronald A. Pink, évoquant le conflit d'intérêts possible de Me Saturley, affirme que ledit conflit d'intérêts n'est en aucune façon différent de ce qu'il était lorsque cette dernière a commencé à représenter le plaignant ou lorsqu'elle a agi comme sa représentante auprès du Tribunal lors du processus de médiation en octobre 2003. Le Tribunal pourrait être enclin à souscrire aux conclusions de l'avocat à ce sujet, mais il n'en demeure pas moins que le plaignant a retenu les services d'un nouvel avocat et que je suis confronté à cette situation dans le contexte de la présente demande d'ajournement.

[10] Dans sa lettre, Me Pink fait valoir qu'un ajournement à une étape aussi tardive de la procédure serait coûteux pour son client et exigerait de se refamiliariser complètement avec le dossier à une date ultérieure. Il ajoute qu'il en est ainsi parce que Me Saturley a dirigé son ancien client vers un avocat qui n'est pas disponible aux dates prévues de l'audience.

[11] Bien que je comprenne la frustration de l'avocat de l'intimée qui est prêt à aller de l'avant dans ce dossier, je dois également tenir compte du fait que le plaignant n'y est absolument pour rien dans tout cela. D'après ce que je crois comprendre de la lettre de Me Mombourquette, ce n'est que le 26 février 2004 que le plaignant a été informé de cet élément nouveau. Jusqu'à ce moment-là, il avait l'impression qu'il était représenté par Me Saturley et que le dossier suivait son cours.

[12] Dans les circonstances, j'estime qu'en refusant l'ajournement, le Tribunal punirait injustement le plaignant, qui ne saurait être tenu responsable de cette situation.

[13] C'est à contrecur que j'accueille la demande d'ajournement aux conditions énoncées ci-après.

  1. Si le plaignant a gain de cause à l'audience, son droit à réparations se limitera aux dommages subis avant le 10 mars 2004 tout au plus.
  2. L'avocat du plaignant informera sans tarder le Tribunal des dates auxquelles il est disponible pour la tenue d'une audience de cinq jours en mars, avril, mai ou juin 2004.
  3. Une fois saisi de ces dates, le Tribunal consultera l'avocat de l'intimée et fixera les dates auxquelles l'audience débutera.
  4. Si l'avocat du plaignant n'est pas en mesure d'indiquer des dates où il est disponible ces mois-là, alors le Tribunal, en consultation avec l'avocat de l'intimée, fixera des dates et en informera l'avocat du plaignant afin que lui-même ou un de ses collègues au sein de son cabinet puisse se libérer à ce moment-là;
  5. L'avocat du plaignant présentera avant le 12 mars 2004 la liste définitive des témoins ainsi qu'un sommaire des témoignages qu'ils présenteront à l'audience.
  6. Un exemplaire de la présente ordonnance doit être envoyé à l'ancienne avocate du plaignant.

Signé par

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)

Le 5 mars 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T845/9503

INTITULÉ DE LA CAUSE :

John Charlton c. International Longshoremen's

Association, Local 269

DATE DE L'APPEL CONFÉRENCE:

Le 2 mars 2004

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 5 mars 2004

ONT COMPARU :

David A. Mombourquette

Pour le plaignant

Ronald Pink Bettina Quistgaard

Pour l'intimée

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