Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

Melanie Gilmar

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

Le conseil scolaire de la nation sioux des nakota d'alexis

l'intimé

DÉCISION

2009 TCDP 34
2009/10/28

MEMBRE
INSTRUCTEUR : Kerry-Lynne D. Findlay, c.r.

I. LA PLAINTE

II. LE CONTEXTE

III. DÉCISION

IV. LA PREUVE DE LA PLAIGNANTE

A. Le témoignage de Melanie Gilmar

B. Le témoignage de Richard Svekla

C. La question du témoin

D. La preuve prima facie

V. LES ARGUMENTS DE L'INTIMÉ

A. Le témoignage de Wolf Kolb

VI. ANALYSE ET CONCLUSION

VII. LES RÉPARATIONS

A. La réparation organisationnelle

B. La perte de salaire et la perte de revenu subie par suite de la présente audience

C. L'indemnisation générale pour préjudice moral

D. L'indemnité spéciale

E. Les intérêts

F. Les dépens sur la base avocat-client

G. Le maintien de la compétence

I. LA PLAINTE

[1] En date du 1er novembre 2006, Melanie Gilmar a déposé une plainte à l'encontre du conseil scolaire de la Nation sioux des Nakota d'Alexis en vertu de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). Le motif de distinction illicite est fondé sur le sexe (la grossesse) en application des articles 3(1) et 3(2) de la LCDP.

[2] L'article 7 de la LCDP est ainsi rédigé :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi. [1976-77, ch. 33, art. 7; 1980-81-82-83, ch. 143, art. 3.]

[3] Les actes au sujet desquels Mme Gilmar a porté plainte sont le congédiement, le défaut de prendre une mesure d'adaptation, la différence de traitement préjudiciable et le refus d'embauche dont elle a fait l'objet. Il faut souligner que le défaut de prendre une mesure d'adaptation n'est pas un acte discriminatoire au sens de la LCDP. Au paragraphe 86 de la décision Moore c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 31, le Tribunal a conclu que le défaut de prendre une mesure d'adaptation n'est ni un motif de distinction illicite ni une pratique discriminatoire aux termes de la LCDP. En vertu de cette dernière, il n'existe pas de droit d'adaptation distinct.

[4] Les faits reprochés ont été observés entre le 31 janvier 2006 et le mois de septembre 2006, mais il est par ailleurs allégué que l'intimé n'a toujours pas modifié sa conduite à ce jour.

[5] La plaignante et l'intimé étaient tous deux représentés par leurs avocates à l'audience. La Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) n'était pas représentée.

II. LE CONTEXTE

[6] La plaignante, Melanie Gilmar, est une enseignante de 33 ans maintenant titulaire d'un brevet d'enseignement permanent de la province d'Alberta. Au moment de l'audience, elle était employée par Pembina Hills, division régionale n° 7, et enseignait en neuvième et en dixième années. Elle en était à sa troisième année d'enseignement auprès de cet employeur.

[7] À l'époque où la plainte a été déposée, Mme Gilmar enseignait en Alberta en vertu d'un brevet d'enseignement temporaire renouvelable.

[8] Mme Gilmar est diplômée en éducation de l'Université de Victoria, en Colombie-Britannique. Elle a obtenu son baccalauréat ès arts (B.A.) en 1998, avec une spécialisation en histoire de l'Europe et de l'Amérique du Nord et en langue et littérature russes. Elle a ensuite suivi un programme de formation professionnelle de second cycle spécialisé en enseignement secondaire, avec une majeure en sciences humaines et en langues et a obtenu son diplôme en 1999.

[9] Après ses études à l'Université de Victoria, Mme Gilmar a travaillé comme enseignante ou enseignante suppléante à divers endroits, tant en Colombie-Britannique qu'en Alberta, avant de postuler un emploi auprès de l'intimé.

[10] C'est à cette même époque que Mme Gilmar a entrepris des études en vue de recevoir un certificat en santé mentale des enfants du Collège Mount Royal, à Calgary, qu'elle a depuis obtenu.

[11] En outre, en 2000, elle a suivi divers programmes de perfectionnement professionnel et de certification, principalement offerts en formation continue, y compris un séminaire de deux jours intitulé [traduction] L'alphabétisation tardive des élèves autochtones.

[12] Au nombre de ces ateliers, elle a suivi des cours sur les besoins spéciaux et l'intégration scolaire ainsi que sur les Premières Nations.

[13] Avant de travailler pour l'intimé, Mme Gilmar a eu l'occasion d'enseigner diverses matières en cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième années, ainsi que le cours Droit 12. Certains de ces cours ont été modifiés pour les élèves ayant des besoins spéciaux.

[14] En 2000, à l'occasion d'un contrat d'enseignement de 8 mois, Mme Gilmar a acquis davantage d'expérience en matière d'appui aux Premières Nations.

[15] Mme Gilmar a enseigné diverses matières, parmi lesquelles les langues, les mathématiques, l'éducation physique, l'anglais, le français, le théâtre, les sciences, l'informatique, l'organisation personnelle et professionnelle, l'enseignement en plein air et les techniques d'étude. Elle a également exercé certaines fonctions administratives.

[16] En ce qui a trait à la présente plainte, il convient de souligner qu'avant de travailler pour l'intimé, Mme Gilmar avait de l'expérience en enseignement des sciences humaines en septième et neuvième années (IOP - Integrated Occupational Program - Programme intégré de formation professionnelle), en neuvième année (classes normales) et en onzième année. La dénomination IOP fait référence à l'enseignement aux élèves ayant des besoins spéciaux.

[17] La Nation sioux des Nakota d'Alexis se trouve à environ 85 kilomètres à l'ouest d'Edmonton, près de la ville de Glenevis, en Alberta. L'intimé est le conseil scolaire de la Nation sioux des Nakota d'Alexis (le conseil).

[18] Le conseil dirige l'école primaire et secondaire de la Nation sioux des Nakota d'Alexis (l'école), qui assure dans la réserve l'enseignement de la première à la douzième année. Il s'agit d'une école reconnue, offrant l'examen officiel de douzième année en fin de scolarité. Le conseil dirige également un programme de recyclage scolaire des adultes dans la réserve.

[19] La population étudiante de l'école varie, mais on y compte actuellement quelque 230 élèves. Y travaillent à ce jour 18 employés de soutien et 14 enseignants. Aucun des enseignants non autochtones ne vit dans la réserve.

[20] Le conseil finance également certains élèves membres de la bande vivant dans la réserve afin de leur permettre de fréquenter les écoles primaire et secondaire Onoway, grâce à une entente sur les frais de scolarité. Ces écoles publiques se trouvent à l'extérieur de la réserve et relèvent de la compétence de Northern Gateway, division régionale n° 10.

[21] Mme Gilmar a été employée comme enseignante à l'école pendant une année scolaire, du 1er septembre 2004 au 31 août 2005. En juin 2005, on lui a offert un deuxième contrat d'un an, débutant le 1er septembre 2005, lequel aurait donc dû prendre fin le 31 août 2006.

[22] Forte de sa première année d'enseignement à l'école et d'un nouveau contrat, Mme Gilmar a commencé à enseigner pour une deuxième année consécutive le 30 août 2005. C'est aux environs de cette date qu'elle a informé le directeur de l'école, M. Wolf Kolb, qu'elle était enceinte et prendrait un congé de maternité de sept mois à compter du 31 janvier 2006.

[23] Quand Mme Gilmar a reçu son second contrat en septembre 2005, elle a constaté que la directrice de l'enseignement, Liz Letendre, y avait apporté des modifications, le contrat ne couvrant plus que la période allant de septembre 2005 au 31 janvier 2006.

[24] Le conseil employait Mme Letendre comme directrice de l'enseignement pendant toute la période en cause et celle-ci occupe toujours ce poste.

[25] Wolf Kolb a d'abord été employé comme enseignant, puis comme directeur de l'école pendant plusieurs années, y compris au moment des faits qui ont donné lieu à la présente plainte. Au moment de l'audience, M. Kolb ne travaillait plus à l'école.

[26] Le conseil n'a pas offert d'autre contrat d'enseignement à Mme Gilmar après son départ en congé de maternité le 31 janvier 2006.

III. DÉCISION

[27] Le Tribunal, pour les motifs qui suivent, a conclu que Mme Gilmar avait établi à l'endroit du conseil une preuve prima facie de discrimination fondée sur le sexe (la grossesse), au sens de l'article 7 de la LCDP. Le Tribunal a en outre conclu que le conseil n'était pas parvenu à se décharger du fardeau de la preuve en prouvant qu'il s'agissait d'une exigence professionnelle justifiée. Par conséquent, la plainte de Mme Gilmar est fondée.

IV. LA PREUVE DE LA PLAIGNANTE

A. Le témoignage de Melanie Gilmar

[28] Mme Gilmar a déclaré avoir tenu un journal de ses échanges avec l'école, comme il est courant de le faire dans sa profession relativement aux questions d'emploi, ce que lui avaient également conseillé les spécialistes des soins prénatals qui se sont occupés d'elle. Elle a effectué la plupart de ses déclarations de mémoire. À certains moments, elle s'est en partie appuyée sur des notes prises au moment des faits, lesquelles ont été déposées en preuve. J'ai trouvé le témoignage de Mme Gilmar détaillé, cohérent lors du contre-interrogatoire et digne de foi à tout égard.

[29] En ce qui concerne sa prise de contact avec l'école, Mme Gilmar a affirmé avoir d'abord passé une entrevue afin d'enseigner en septième année, mais qu'elle avait finalement été engagée pour enseigner en sixième année.

[30] Mme Gilmar avait travaillé comme enseignante de soutien auprès des Premières Nations à Chilliwack, en Colombie-Britannique, pendant sept mois. Elle a affirmé qu'à l'époque, elle avait beaucoup aimé en apprendre davantage au sujet de la culture des Premières Nations et aider ses élèves à s'adapter à un environnement d'apprentissage. Certains de ces enfants autochtones avaient des difficultés d'apprentissage de légères à modérées et avaient besoin que soient mises en uvre des dispositions spéciales en termes d'objectifs et de mesures d'adaptation.

[31] En outre, quand elle a posé sa candidature à un poste d'enseignante à l'école, Mme Gilmar étudiait en vue de recevoir un certificat en santé mentale des enfants (qu'elle a obtenu en 2006). Du fait de ses études et de son expérience, elle cherchait à obtenir un poste d'enseignante auprès d'élèves des Premières Nations, souhaitant aider à répondre à leurs besoins spéciaux. À l'école, tous les élèves sont issus des Premières Nations.

[32] L'école a offert un contrat d'un an à Mme Gilmar à compter du 1er septembre 2004. Cette offre était d'abord fondée sur la candidature écrite de Mme Gilmar, notamment constituée de ses diplômes, de ses relevés de notes, d'une vérification auprès de la protection de l'enfance et d'une vérification du casier judiciaire. Mme Gilmar a ensuite eu une entrevue avec un comité de trois personnes : Liz Letendre, directrice de l'enseignement, Wolf Kolb, directeur de l'école, et Shane Allan, vice-directeur de l'école. Sa classe comptait en moyenne 25 élèves.

[33] Le conseil payait ses enseignants en fonction d'une grille salariale présentée dans le contrat, qui dépendait à son tour de l'expérience de l'enseignant en Alberta. Mme Gilmar avait acquis de l'expérience en Colombie-Britannique, mais elle n'était pas prise en considération par cette grille.

[34] Le contrat d'emploi en cause contient une disposition relative aux congés personnels, laquelle autorise les enseignants à prendre jusqu'à trois jours de congé pour raisons personnelles par année. Il s'agit de congés payés dont l'école retranche les dépenses d'embauche d'un suppléant. Ledit contrat contient d'autres dispositions sur les congés sans solde.

[35] Mme Gilmar a pris un congé en octobre 2004, en vertu des dispositions susmentionnées, afin d'assister à une réunion de famille et de se rendre au chevet de sa belle-mère mourante. Sa demande a d'abord été refusée, puis par la suite acceptée; on lui a fait savoir que la décision relevait du directeur. Mme Gilmar a eu quelques difficultés à s'entendre avec M. Kolb au sujet de la manière dont elle serait payée pendant son congé et de la façon de rémunérer l'enseignant suppléant, mais le problème a été réglé. Mme Gilmar a considéré qu'il s'était agi d'un incident professionnel mineur, résolu et clos.

[36] Pendant l'année, M. Kolb effectuait généralement deux évaluations des enseignants, en visitant une salle de classe et en assistant au cours suffisamment longtemps pour se forger une opinion au sujet de la performance, et en préparant ensuite un rapport écrit. Les enseignants avaient ensuite l'occasion de lire son rapport et d'en discuter avec lui.

[37] La première évaluation de Mme Gilmar a eu lieu le 15 novembre 2004. Normalement, M. Kolb assistait à plus d'une classe pour évaluer l'enseignant, mais dans le cas de Mme Gilmar, il n'a assisté qu'à une seule classe parce que, comme il l'a fait savoir, il était très occupé.

[38] Mme Gilmar a apprécié le temps qu'elle a passé à enseigner à l'école et souhaitait y rester. Pour ce qui est des difficultés auxquelles elle a dû faire face en classe, elle a déclaré que certains élèves avaient une attitude rebelle face à l'autorité, usaient d'un langage grossier et lui parlaient de manière déplacée, la menaçant des sanctions qui seraient prises à son égard par le chef et par le conseil du fait de la position occupée par leurs familles dans la bande. Elle a éprouvé de la frustration à l'égard de cette situation, d'autant plus qu'elle constatait que ces élèves étaient traités avec plus d'indulgence que les autres et qu'elle était incapable de convaincre l'école ou le conseil de prendre de véritables mesures à l'encontre de ces comportements. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas accepté ces comportements, mais qu'elle avait essayé de faire avec et d'arranger la situation.

[39] Entre autres méthodes d'enseignement, Mme Gilmar a mis en place certains programmes personnalisés pour les enfants, invitant les parents à participer. Elle a commencé à fêter les anniversaires en classe, de manière à ce que chaque enfant se sente spécial, même s'il n'avait pas les meilleurs résultats scolaires. Elle a trouvé que ces pratiques diminuaient efficacement la nécessité d'user de mesures disciplinaires par ailleurs. Mme Gilmar a affirmé c'était une [traduction] pratique normale pour une enseignante de signaler les élèves susceptibles de bénéficier d'un programme visant les enfants en difficulté, comme les enfants faisant preuve de comportements rebelles et agressifs, et c'est ce qu'elle a fait.

[40] Mme Gilmar a déclaré que M. Kolb avait fait le bilan de sa première évaluation avec elle et qu'elle en avait été fort satisfaite. Les points 5 et 6 de l'évaluation étaient marqués de points d'interrogation, mais il ne s'agissait pas de questions réellement préoccupantes. Mme Gilmar a affirmé avoir eu recours à divers outils afin d'évaluer l'acquisition des connaissances, comme les examens et les fiches d'exercices. Or, elle n'avait pas à procéder à ces contrôles quotidiennement, et le jour où le directeur est venu assister à la classe en observateur, les élèves n'ont pas fait l'objet d'un tel contrôle des connaissances. Au point 5, le point d'interrogation fait simplement référence au fait que M. Kolb n'a pas été en mesure d'évaluer la méthodologie de Mme Gilmar lors de sa visite.

[41] Au point 6 de l'évaluation, le point d'interrogation tenait au fait que Mme Gilmar n'avait pas encore présenté son plan de croissance professionnelle. Elle savait qu'on s'attendait à ce qu'elle en rédige un, mais au moment de l'évaluation, elle ne savait pas qu'elle devait le remettre au directeur. Quand elle l'a compris, elle en a vite déposé un, s'acquittant ainsi de ses obligations.

[42] La deuxième évaluation effectuée à l'égard de Mme Gilmar pendant sa première année d'enseignement à l'école a eu lieu le 11 mars 2005. Elle a encore une fois été très satisfaite des résultats indiquant qu'elle avait respecté toutes les normes professionnelles. Cette évaluation a eu lieu après son premier congé personnel. Elle ne faisait mention d'aucun problème.

[43] Mme Gilmar a déclaré qu'en juin 2005, M. Kolb lui avait appris qu'il allait recommander qu'elle obtienne un second contrat d'enseignement d'une année, de septembre 2005 à août 2006. Elle a répondu qu'elle serait ravie de rester dans la même école et de s'occuper d'une classe de même niveau, et elle a accepté l'offre qui lui avait été ainsi formulée.

[44] Le 30 août 2005 a marqué le premier jour de la deuxième année de travail de Mme Gilmar à l'école, étant donné que la rentrée des classes avait lieu le jour suivant. Après la réunion du personnel qui a eu lieu ce jour-là, Mme Gilmar a appris à M. Kolb qu'elle avait découvert au mois de juillet qu'elle était enceinte. Elle lui a dit avoir prévu de tomber enceinte à ce moment-là, de manière à prendre sept mois de congé de maternité et à revenir enseigner en septembre 2006.

[45] M. Kolb l'a félicitée, mais lui a fait remarquer que selon lui, une fois qu'elle serait à la maison avec le nouveau-né, il se pourrait qu'elle veuille prendre une pleine année de congé de maternité. Il a convenu avec elle qu'un départ à la fin du mois de janvier 2006 serait idéal parce qu'il coïnciderait avec les vacances semestrielles. Il a ensuite fait savoir à Mme Gilmar que l'école avait eu une entrevue avec une certaine Georgeann Jones pour savoir si elle enseignerait en troisième année, mais ne l'avait pas encore engagée, et il a encouragé Mme Gilmar à se faire remplacer par Mme Jones avant son départ en congé, pour ses rendez-vous chez le médecin et quand elle serait malade. À ce moment, M. Kolb n'a en aucune manière laissé entendre que le projet de Mme Gilmar de revenir enseigner à l'école à l'automne 2006 était sans fondement, non sollicité ou peu réaliste. Au contraire, des commentaires comme ceux qu'il avait formulés au sujet de la durée de son congé de maternité avaient raisonnablement amenés Mme Gilmar à croire qu'il était favorable à sa requête et à sa suggestion.

[46] Mme Gilmar a affirmé qu'elle avait été contente de voir que M. Kolb réagissait positivement, la confortant dans ses projets et sa planification. Elle a fait savoir à celui-ci que son mari et elle s'étaient entendus pour que ce dernier reste à la maison pour s'occuper du bébé quand elle reviendrait travailler, étant donné qu'il était employé au service à la clientèle dans une banque et qu'il gagnait un moins bon salaire que le sien.

[47] Conformément à la suggestion de M. Kolb, Mme Gilmar s'est fait remplacer par Mme Jones à chaque fois qu'elle a dû s'absenter, y compris aux fins de ses rendez-vous chez le médecin et du second congé personnel qu'elle a pris en octobre 2005.

[48] Trois semaines après le début de la nouvelle année scolaire, le 22 septembre 2005 ou vers cette date, M. Kolb a remis son nouveau contrat à Mme Gilmar, mais une date avait été modifiée, le contrat prenant fin le 31 janvier 2006 au lieu de se terminer à la fin du mois d'août, comme il en avait été discuté et convenu. Mme Gilmar a interrogé M. Kolb à ce sujet. Il lui a répondu que c'était la directrice générale de l'école, Liz Letendre, qui l'avait rédigé, vu qu'elle était chargée de préparer tous les contrats d'enseignement.

[49] Après réflexion, Mme Gilmar s'est aussi inquiétée du fait que le contrat était muet au sujet d'un éventuel changement de date ou d'attentes, advenant que sa grossesse prenne fin pour quelque raison que ce soit et que le congé de maternité soit ainsi inutile.

[50] C'est à peu près à cette période que Mme Gilmar a parlé à deux autres enseignantes qui étaient revenues travailler sans problème après leurs congés de maternité, ce qui l'a confortée dans l'idée qu'on la traiterait de façon juste. Par ailleurs, elle enseignait depuis bientôt un mois et avait l'impression qu'à défaut de signer le contrat en l'état, elle aurait des problèmes et pourrait même perdre son emploi.

[51] À l'époque, M. Kolb a expliqué à Mme Gilmar qu'il ne comprenait pas vraiment pourquoi le changement avait été effectué, mais qu'il supposait qu'on visait simplement à ce que la date de fin du contrat coïncide avec le début de son congé de maternité, ajoutant que la directrice générale suivrait les procédures appropriées. À la lumière de l'ensemble des circonstances, Mme Gilmar n'en était pas persuadée, mais elle a finalement pensé que c'était raisonnable, se fiant aux assurances de M. Kolb.

[52] Le nouveau contrat précisait que le salaire annuel fondé sur la grille était passé à 46 624 $, les dispositions relatives aux congés restant inchangées. Mme Gilmar l'a signé le 24 septembre 2005.

[53] Mme Gilmar a affirmé que même si elle savait que toutes les écoles avaient un guide des politiques, aucune allusion n'avait été faite au guide de l'école au cours des réunions du personnel auxquelles elle avait assisté, et M. Kolb ne lui avait pas non plus dit de s'y référer. Elle a déclaré l'avoir vu pour la première fois quand il a été présenté dans le cadre de la présente procédure, après qu'elle eut déposé sa plainte. Elle a remarqué que ledit guide recommandait de procéder à deux évaluations annuelles, mais qu'elle n'avait elle-même été évaluée qu'au cours de sa première année de travail.

[54] M. Kolb n'a pas évalué le travail de Mme Gilmar pendant sa deuxième année à l'école, entre septembre 2005 et janvier 2006. À l'époque, Mme Gilmar a supposé qu'il était simplement trop occupé pour le faire. Elle ne s'en est alors pas inquiétée, n'ayant aucune raison de croire que M. Kolb ou l'école remettaient en question son travail.

[55] Mme Gilmar a été interrogée au sujet du souhait qu'elle avait formulé d'obtenir son brevet d'enseignement permanent. Elle remplissait les conditions requises à partir du 19 octobre 2005.

[56] Mme Gilmar a déclaré qu'à partir de septembre 2005, au fil de plusieurs conversations, elle avait demandé à M. Kolb s'il serait disposé à l'aider dans le processus d'obtention de son brevet. Celui-ci lui a alors fait savoir qu'il s'agissait d'un processus en trois étapes et que c'était un organisme extérieur qui devrait la superviser. L'école prenait habituellement de tels arrangements, par conséquent, M. Kolb a dit à Mme Gilmar qu'il s'informerait pour voir ce qui pourrait être organisé et qu'il lui en reparlerait.

[57] En octobre 2005, Mme Gilmar et M. Kolb ont eu une nouvelle conversation au sujet du brevet. M. Kolb a alors dit à Mme Gilmar que cela pourrait être fait avant son départ en congé de maternité, mais que ce serait très précipité et qu'idéalement, le processus devait s'étaler sur toute l'année scolaire. Il lui a suggéré d'attendre son retour afin d'avoir une année scolaire complète devant elle pour obtenir son brevet, parce qu'elle pourrait trouver le processus stressant.

[58] Mme Gilmar a affirmé qu'au début, elle avait l'impression d'avoir une bonne classe, que son travail était encore meilleur que l'année précédente quand elle venait tout juste d'arriver et qu'elle n'aurait pas de difficulté à mener le processus à son terme pendant le semestre en cours. Par ailleurs, il lui semblait que M. Kolb se souciait d'elle et qu'il lui avait fait une recommandation attentionnée qu'elle devrait suivre.

[59] En outre, et ce qui est plus significatif à la lumière des évènements, Mme Gilmar pensait alors qu'elle reviendrait travailler à l'école à la fin de son congé de maternité et elle ne voyait aucune raison qui l'en empêcherait. Ainsi, elle n'a alors pas donné suite au processus menant à l'obtention de son brevet et a été désavantagée par ce retard sur le plan professionnel.

[60] Mme Gilmar a affirmé que ni M. Kolb ni aucun autre représentant de l'école ne l'avaient jamais informée, pas plus qu'on ne l'avait avisée par écrit, du fait que la qualité de son travail laissait à désirer ou qu'on nourrissait des inquiétudes à l'égard de son attachement aux élèves de l'école.

[61] Pendant le premier semestre de sa seconde année à l'école, Mme Gilmar a pris un second congé personnel afin de se rendre au mariage d'un membre de sa famille, son mari et elle faisant partie du cortège. Là encore, il lui a semblé que sa demande avait été traitée avec professionnalisme et qu'elle et M. Kolb avaient continué d'entretenir des relations cordiales après ce congé.

[62] Pour ce qui est de l'autoévaluation de son travail pendant sa seconde année à l'école, Mme Gilmar a affirmé avoir eu l'impression de bien faire : elle se sentait encore mieux à l'école, elle avait créé des liens et imposé le respect au fil du temps, il y avait désormais une continuité et elle avait pu peaufiner et mettre à profit son expérience de l'année précédente.

[63] Il a été question d'un relevé d'emploi (le RE) donné à Mme Gilmar au moment de son départ en congé de maternité. Mme Gilmar a déclaré avoir demandé un RE à Mme Letendre, de manière à pouvoir faire une demande de prestations de maternité au titre du régime de l'assurance-emploi. L'école ne contribuait financièrement en aucune manière. Sur ce RE, la raison du départ de Mme Gilmar était assortie du code F, pour maternité.

[64] Mme Gilmar a déclaré qu'à son départ, elle avait envoyé un courriel à Mme Letendre au sujet de son RE, précisant alors qu'elle reviendrait en septembre, comme elle l'avait déjà dit à M. Kolb. Par ailleurs, ce dernier lui avait dit d'écrire une lettre d'intention de retour et qu'il en assurerait le suivi pour elle. Le jour de son départ, Mme Gilmar a demandé à M. Kolb quand envoyer cette lettre et il lui a répondu qu'il aimerait qu'elle la lui fasse parvenir avant le mois de mai 2006.

[65] Mme Gilmar a très clairement déclaré qu'aucun représentant de l'école ne lui avait laissé entendre qu'elle ne reviendrait pas. M. Kolb et le personnel ont organisé une petite fête surprise et lui ont remis des cadeaux pour le bébé, M. Kolb lui offrant un cadeau personnel en plus des cadeaux collectifs. Ce geste a laissé croire à Mme Gilmar qu'ils entretenaient toujours des relations aimables et cordiales. Il lui semblait que ses relations de travail avec M. Kolb continuaient d'être positives. M. Kolb et d'autres l'ont encouragée à revenir leur rendre visite avec le bébé dès que possible. Son impression générale était qu'elle reviendrait enseigner en septembre 2006.

[66] L'enfant de Mme Gilmar est né le 27 février 2006. Comme elle y avait été invitée, Mme Gilmar a emmené son nouveau-né à l'école à la mi-mars 2006. Elle a affirmé que ses anciens élèves étaient venus la voir en courant, avec empressement. Certains d'entre eux, ainsi que M. Kolb, ont pris le bébé dans leurs bras. Au cours de cette visite, Mme Gilmar a saisi l'occasion pour demander à M. Kolb la date de la prochaine rentrée scolaire, et il lui a rappelé de lui faire parvenir sa lettre d'intention d'ici le mois d'avril.

[67] Le 27 avril 2006, Mme Gilmar a envoyé la lettre d'intention à M. Kolb et à Mme Letendre.

[68] Le 2 mai 2006, Mme Gilmar a reçu un courriel de M. Kolb l'avisant que l'école ne lui offrirait pas de contrat d'enseignement pour l'année scolaire 2006-2007. Mme Gilmar a affirmé avoir été choquée et préoccupée, n'acceptant pas les raisons que M. Kolb lui a d'abord données, selon lesquelles l'école réduisait la taille de son corps enseignant.

[69] Avec le temps, Mme Gilmar a compris que c'est Georgeann Jones, engagée comme remplaçante pendant son congé de maternité, qui s'était vu offrir un poste d'enseignante à temps plein, reprenant la classe de sixième année dont elle s'était occupée l'année précédente. Elle a également appris que d'autres enseignants avaient été engagés pour l'année scolaire 2006-2007 et qu'au moins une partie d'entre eux étaient moins qualifiés qu'elle. Elle croyait savoir que Mme Jones n'était pas plus compétente qu'elle, et qu'avant de la remplacer, elle n'avait pas enseigné pendant de nombreuses années.

[70] Le 3 mai 2006, le lendemain du jour où elle a reçu le courriel de M. Kolb, Mme Gilmar a téléphoné à celui-ci afin de lui demander pourquoi son contrat n'avait pas été renouvelé; il lui a répondu que l'école recherchait [traduction] des compétences différentes... offrant plus d'avantages que les siennes. Quand elle a insisté pour savoir ce qu'il entendait par compétences, la réponse de M. Kolb a été floue et hors sujet. Quand elle l'a interrogé au sujet de la classe de sixième année, il lui a répondu que l'école était en cours de [traduction] restructuration et que le conseil et lui avaient cru qu'elle serait en congé pendant toute l'année scolaire. Il a ajouté que le conseil avait eu l'impression qu'elle n'était pas heureuse à l'école, ce qui a également choqué Mme Gilmar. Autrement dit, elle a eu l'impression que les réponses de M. Kolb changeaient au fur et à mesure qu'elle insistait pour qu'il soit plus précis ou qu'il fournisse des détails sur les raisons qu'il avançait.

[71] Mme Gilmar a affirmé avoir dit à M. Kolb qu'elle se plaisait à l'école, qu'elle jugeait que les conflits qui s'étaient produits étaient mineurs et qu'ils avaient été résolus. Elle s'est sentie très choquée, inquiète et confuse devant les raisons que M. Kolb lui donnait.

[72] Mme Gilmar a ajouté que ce n'était qu'à ce stade que M. Kolb avait, pour la première fois, fait allusion à des problèmes d'ordre professionnel, mais qu'il n'avait avancé aucune raison précise, se contentant de lui dire que d'autres enseignants feraient profiter l'école d'un bagage différent du sien.

[73] Mme Gilmar a déclaré lui avoir rappelé son expérience des élèves ayant des besoins spéciaux et lui avoir dit qu'elle était heureuse de faire profiter l'école de ses connaissances en la matière. Elle a insisté sur le fait qu'elle souhaitait travailler auprès des élèves, qui avaient vraiment besoin d'elle.

[74] Entre le 5 et le 10 mai 2006, Mme Gilmar a appelé Mme Letendre au sujet d'une erreur de paie et a abordé le sujet de son renvoi. Mme Letendre lui a déclaré ne pas être au courant, ajoutant préférer que les enseignantes prennent une année complète de congé de maternité. Elle a laissé entendre qu'elle en parlerait à M. Kolb.

[75] Mme Gilmar a alors contacté M. Kolb de nouveau, comprenant qu'elle devrait commencer à chercher du travail ailleurs. À la demande de celle-ci, M. Kolb a écrit une lettre de référence élogieuse datée du 16 mai 2006.

[76] Mme Gilmar a jugé que la lettre de référence était juste, croyant en partie, du fait de son contenu, qu'elle avait fait du bon travail et que M. Kolb aurait voulu la réengager, mais qu'il n'avait pu le faire en raison de la restructuration dont il lui avait parlé. Néanmoins, tandis qu'elle a cherchait du travail, elle a continué de se demander si en fin de compte l'école avait agi de façon légitime à son égard.

[77] Ces doutes ont conduit Mme Gilmar à déposer une plainte en vertu du Code canadien du travail à la fin mai 2006.

[78] Au cours de l'instance, une lettre de M. Kolb adressée à un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et datée du 17 juillet 2006 a été déposée en preuve en réponse à la plainte de Mme Gilmar. Cette dernière a affirmé avoir été très surprise de nouveau de constater que dans cette lettre, M. Kolb déclarait qu'elle ne possédait pas les compétences requises pour occuper quelque poste disponible que ce soit à l'école. Mme Gilmar a également appris à ce moment-là que l'école avait pris le parti de dire que son second contrat mettait fin à son emploi à partir de la fin janvier 2006.

[79] Finalement, la plainte interjetée en vertu du Code canadien du travail a été rejetée au motif que Mme Gilmar avait un contrat à durée déterminée prenant fin le 31 janvier 2006.

[80] Par la suite, à la mi-juillet, Mme Gilmar a vu que deux offres d'emploi avaient été publiées dans le Edmonton Journal au sujet de postes d'enseignants disponibles à l'école pour l'année scolaire 2006-2007, postes pour lesquels elle se jugeait qualifiée. Quand elle a contacté M. Kolb au sujet de ces offres, il lui a dit que l'école recherchait des enseignants ayant des compétences différentes des siennes. Il a ajouté qu'elle pouvait quand même postuler, mais Mme Gilmar avait l'impression d'avoir une [traduction] candidature permanente à l'école, étant donné que ses renseignements personnels étaient consignés aux dossiers et que les responsables savaient qu'elle demeurait intéressée par l'obtention d'un poste. Quoi qu'il en soit, lors du contre-interrogatoire, Mme Gilmar a souligné que cette conversation avait eu lieu un vendredi et que la date d'échéance pour poser sa candidature aux postes en question était fixée au lundi suivant. Elle n'avait ni le temps de préparer une candidature comme telle ni celui de produire une copie papier des documents exigés et de les envoyer par messagerie.

[81] Au cours de l'audience, a été soulevée la question de savoir dans quelle mesure Mme Gilmar s'investissait en tant qu'enseignante de l'école, sur les plans des activités parascolaires et de la manifestation d'intérêt. M. Kolb, dans sa lettre de recommandation, l'avait louée pour avoir, à titre bénévole, constitué une équipe de cross-country, qui était passée de 3 à 20 élèves et qui avait participé à une rencontre entre Premières Nations, soulignant que Mme Gilmar avait continué d'entraîner l'équipe quand elle était enceinte. Il avait également insisté sur le fait qu'elle avait aidé à organiser le concert de Noël, continué de se perfectionner sur le plan professionnel et pris part aux activités sociales.

[82] Au cours de l'audience, a également été soulevée la question de la pratique de l'école consistant à offrir des contrats d'enseignement d'une ou plusieurs années. Mme Gilmar a observé, et c'est ce qu'elle a compris en parlant à d'autres membres du corps enseignant, que l'école offrait généralement un contrat d'un an aux nouveaux enseignants. Après cette première année, si tout allait bien, l'employé se voyait offrir un second contrat d'un an, ou plus vraisemblablement de trois ans. Pour cette raison, Mme Gilmar n'a pas remis en cause le fait de se voir offrir un nouveau contrat d'un an, pensant qu'on lui donnerait un contrat de trois ans l'année suivante.

[83] On a demandé à Mme Gilmar si l'école lui avait offert son second contrat de travail de façon conditionnelle, sous réserve qu'elle améliore son travail. Mme Gilmar a affirmé ignorer totalement que cela aurait pu être le cas et a fait valoir que, le cas échéant, elle ne comprenait pas pourquoi M. Kolb ne l'avait pas évaluée pendant la période allant de septembre 2005 à janvier 2006. J'accepte le fait que ce contrat lui a été offert pour une période d'un an et qu'il ne dépendait pas de la qualité de son travail.

[84] Mme Gilmar a soutenu n'avoir jamais été critiquée pour ses compétences d'enseignante en tant que telles et affirmé qu'on ne lui avait pas non plus fait savoir qu'elle n'intégrait pas à ses cours suffisamment de contenu relatif aux Premières Nations ou qu'elle n'avait pas assez d'intérêt pour leur culture, ou encore que sa participation aux activités parascolaires dans la réserve était insuffisante. C'est après avoir déposé sa plainte en vertu du Code canadien du travail qu'elle a alors entendu ces commentaires et critiques au sujet de la qualité de son travail.

[85] Mme Gilmar n'était pas non plus au courant de l'existence d'une procédure d'appel interne de la décision de ne pas renouveler son contrat d'enseignement, personne, M. Kolb ou tout autre employé de l'école, ne lui ayant signalé une telle procédure.

[86] À l'été 2006, après avoir appris qu'on ne lui offrait plus de poste d'enseignante à l'école, Mme Gilmar a reçu un second RE de Mme Letendre. Dans ce RE, la raison de son départ de l'école n'était plus assortie du code F pour maternité, mais du code K, pour autre.

[87] Le 18 juillet 2006, au cours d'une conversation avec Mme Letendre, Mme Gilmar s'est vu accuser de ne pas avoir avisé l'école qu'elle était enceinte au moment du renouvellement de son second contrat, Mme Letendre ayant ajouté que si elle l'avait su, elle ne lui aurait pas offert le contrat, mais qu'elle aurait plutôt trouvé quelqu'un pour occuper le poste pendant toute l'année. Mme Gilmar a dit à Mme Letendre qu'elle n'arrivait pas à croire qu'elle pouvait être victime de discrimination fondée sur sa grossesse. Mme Letendre a alors réorienté la conversation sur des questions de qualité du travail, ce à quoi Mme Gilmar a répondu qu'elle se sentait attaquée personnellement et que sa réputation professionnelle s'en trouvait entachée. Elle a également dit à Mme Letendre qu'elle avait l'impression que M. Kolb l'avait trompée et qu'il semblait qu'il leur donnait, à elle et à Mme Letendre, des versions divergentes. Elle a également parlé du fait que M. Kolb l'avait induite en erreur au sujet de l'obtention de son brevet d'enseignement permanent, ce à quoi Mme Letendre a répondu ne pas avoir été mise au courant d'une telle requête. Mme Gilmar se rappelait clairement de cette conversation parce que les propos de Mme Letendre l'avaient choquée. Mme Letendre lui avait laissé l'impression très nette que c'était la décision de M. Kolb qui avait prévalu.

[88] Quand on l'a interrogée au sujet d'un rapport interne daté du 11 mai 2006, préparé par M. Kolb et portant sur la qualité de son travail et de celui d'autres membres du corps enseignant, rapport intitulé [traduction] Recommandations au sujet des enseignants, Mme Gilmar a affirmé avoir été choquée par son contenu. Dans ledit rapport, M. Kolb recommandait de ne pas offrir d'autres contrats à Mme Gilmar. Il précisait les périodes pendant lesquelles Mme Gilmar avait enseigné et le fait qu'elle était partie en congé de maternité. Il a déclaré qu'[traduction] elle espérait revenir en septembre et qu'elle avait été [traduction] ouverte à ses suggestions, faisant d'importants progrès, mais avoir eu l'impression que son [traduction] attitude à l'égard de l'école avait été négative et que ses progrès en enseignement avaient été [traduction] lents. Il a résumé sa pensée en déclarant qu'il avait l'impression que l'école [traduction] aurait avantage à recourir aux services d'un enseignant plus compétent et plus engagé.

[89] À l'époque où il rédigé ce rapport interne daté du 11 mai 2006, M. Kolb disait à Mme Gilmar que la raison pour laquelle son contrat n'était pas renouvelé était que l'école réduisait son effectif. Mme Gilmar a pris connaissance de ce document au cours de l'interrogatoire préalable; il était prétendument tiré de son dossier personnel à l'école, mais elle ne l'avait jamais vu auparavant. Le contenu de l'évaluation préparée par M. Kolb dont le rapport fait état n'a jamais fait l'objet d'une discussion entre Mme Gilmar et M. Kolb ou tout autre employé de l'école.

[90] Il importe de noter que, dans le rapport, M. Kolb recommandait d'offrir un contrat d'un an à Georgeann Jones (la remplaçante de Mme Gilmar) et aussi qu'une autre employée de l'école ayant enseigné pendant un an en troisième année se voie offrir un contrat de trois ans.

[91] À l'automne 2006, quand Mme Gilmar a appris qu'elle avait été remplacée par Mme Jones, il était de notoriété publique que cette dernière avait été mariée avec un membre de la bande et que les enfants issus de ce mariage vivaient dans la réserve. Pendant la procédure, Mme Gilmar a eu beaucoup de difficultés à obtenir des informations au sujet des aptitudes professionnelles de Mme Jones ou son dossier personnel à l'école. L'intimé ne s'est pas vraiment efforcé de lui fournir ces informations, invoquant le respect de la vie privée, et ce, malgré l'ordonnance du Tribunal de produire ces éléments de preuve avant l'audience. En outre, l'avocate de Mme Gilmar a été incapable de citer Mme Jones à comparaître afin qu'elle soit témoigne à l'audience.

[92] Mme Gilmar a été interrogée sur les documents relatifs aux études et à l'expérience professionnelle de Mme Jones qui étaient à sa disposition quand elle a témoigné et il était évident qu'elles avaient à peu près les mêmes compétences, si ce n'est que l'expérience de Mme Gilmar était beaucoup plus récente, y compris dans le domaine de l'enseignement et de l'appui aux Premières Nations.

[93] Mme Gilmar a affirmé avoir été consciente de l'importance de garder ses élèves motivés, prenant des mesures en ce sens. En sixième année, toutes les matières sont enseignées pendant toute la journée, et elle avait donc recours aux jeux éducatifs, à l'interaction, à la modélisation, aux vidéos et autre matériel pédagogique afin de conserver l'intérêt des enfants à apprendre.

[94] Lors du contre-interrogatoire, la question du manque de respect des étudiants de sa classe a été abordée et Mme Gilmar a déclaré qu'il y avait une élève en particulier qu'elle avait eu du mal à gérer. Elle a affirmé que l'élève avait usé d'un langage grossier à son endroit, remettant en cause son autorité en disant que parce que ses parents et grands-parents étaient membres de la bande, Mme Gilmar ne pouvait rien contre elle. Mme Gilmar a dit avoir dû envoyer cette élève au bureau du directeur à maintes reprises et lui donner des retenues, mais l'école avait continué de tolérer ce comportement déplorable. À un moment donné, le père de l'élève en question est venu parler à Mme Gilmar, mais cela n'a pour ainsi dire servi à rien.

[95] Mme Gilmar a affirmé que le fait d'être grossier à l'égard d'un enseignant était généralement considéré comme une faute lourde. Sa réaction consistait normalement à rappeler l'élève à l'ordre pour commencer, à ensuite lui donner un avertissement et à finalement l'envoyer au bureau du directeur ou en retenue. Le problème devient une question administrative dès qu'il y a eu renvoi au bureau du directeur.

[96] Mme Gilmar a ajouté qu'il arrivait assez souvent que des parents viennent en classe, pendant les heures de cours et en dehors. En outre, elle pouvait rencontrer les parents lors des réunions entre parents et enseignants. Certains parents s'investissaient plus que d'autres, certains se contentant d'assister au concert de Noël par exemple.

[97] Quand on lui a demandé si elle avait pris l'initiative d'aller voir des parents chez eux, Mme Gilmar a répondu qu'on ne lui en avait jamais parlé, qu'on ne l'avait jamais informée à ce sujet et qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle habitait à une heure de route de la réserve et de l'école et ne pouvait effectuer ces visites à domicile pendant les heures de classe. Elle a toutefois fait le tour de la réserve à maintes reprises et s'est mêlée aux gens.

[98] Mme Gilmar a ajouté avoir participé aux évènements communautaires, notamment à des funérailles, à des messes de Noël, avoir contribué à mettre en place un programme de course de compétition et participé à des ateliers à l'école.

[99] Interrogée au sujet des conditions de ses contrats de travail, Mme Gilmar a reconnu avoir été au fait des dispositions relatives à la résiliation avec préavis de 30 jours et aux congés. Elle a dit savoir qu'elle serait évaluée au rythme de deux évaluations par an, lesquelles seraient effectuées par le directeur, M. Kolb, et s'y être attendue. Elle a répété avoir été satisfaite des résultats qui lui avaient été communiqués au sujet de ses évaluations ainsi que des conversations qu'elle avait eues avec M. Kolb à leur sujet. Mme Gilmar pensait qu'il s'agissait d'une façon de faire indiquée, faisant partie de son processus de croissance professionnelle et d'apprentissage. Elle a confirmé avoir été choquée d'apprendre que M. Kolb, dans le rapport qu'il avait par la suite rédigé, le 11 mai 2006, avait émis des commentaires négatifs à l'endroit de son travail.

[100] Mme Gilmar a également souligné le fait que l'école avait coutume de donner leurs contrats aux enseignants en septembre pour qu'ils les signent, après le début de l'année scolaire. Quand elle a abordé le sujet de son congé de maternité, toutes les réactions qu'elle a reçues étaient positives. Elle a reconnu qu'on lui avait donné quelques jours afin de prendre connaissance de ses deux contrats.

[101] Mme Gilmar a confirmé avoir également dit comprendre que les recommandations formulées par M. Kolb à l'égard des enseignants étaient largement suivies par le conseil et qu'il était le pivot du processus décisionnel.

[102] Quand on lui a demandé si elle avait intégré la culture des Premières Nations à son enseignement, Mme Gilmar s'est montrée très enthousiaste à ce sujet. Elle a donné plusieurs exemples précis, tels que le fait d'avoir utilisé une roue médicinale à des fins d'illustration pour les cours de géométrie, de mathématiques, de sciences et d'environnement. Elle a dit avoir utilisé le tarot médicinal amérindien et amené les élèves à adopter une perspective spirituelle à l'égard des animaux. Il lui arrivait de faire des sorties avec les élèves et de leur faire parcourir les distances comparatives entre les planètes, d'intégrer sciemment des mots de la langue stoney aux leçons et de faire brûler du foin d'odeur. Deux de ses élèves pratiquaient la danse tribale, l'un des deux était un [traduction] danseur libre et elle les a encouragés à se produire en classe. Elle a également intégré l'iconographie des Premières Nations à ses cours sur l'art. Je l'ai trouvée très sincère dans la manière dont elle a évoqué son désir, du temps où elle enseignait à l'école, d'intégrer la culture des Premières Nations à ses classes, et il est évident qu'elle a fourni de réels efforts en ce sens. Rien n'indique que, du temps où elle enseignait, on lui ait dit qu'elle n'en faisait pas suffisamment à cet égard au goût de l'école ou de M. Kolb.

[103] Lors du réinterrogatoire, Mme Gilmar a parlé plus longuement des offres d'emploi qu'elle avait trouvées dans le Edmonton Journal à l'été 2006. Il était question de postes d'enseignants de neuvième année et dans le cadre d'un programme d'enseignement hors école visant les élèves ayant des besoins spéciaux, axé sur les aptitudes à la vie quotidienne, les expéditions de chasse, etc. Elle a clairement dit qu'elle aurait accepté n'importe quel poste que l'école lui aurait offert.

B. Le témoignage de Richard Svekla

[104] M. Svekla est un enseignant qui a travaillé pendant six ans à l'école, jusqu'en juillet 2006. Il a donné des cours de sciences humaines en huitième année, enseigné au primaire et donné des cours de TI (apprentissage en ligne par satellite). Il a connu Mme Gilmar à l'époque où ils enseignaient tous deux à l'école.

[105] Du temps où M. Svekla a commencé à travailler à l'école, tous les enseignants recevaient des contrats d'un an, mais pouvaient, avec le temps, obtenir des contrats pluriannuels. Le dernier contrat de M. Svekla était un contrat de trois ans, de 2004 à 2007, mais il a décidé de partir avant la fin. L'école mettait les contrats pluriannuels à jour chaque année et ajustait les salaires.

[106] M. Svekla a affirmé qu'à l'époque où Mme Gilmar y enseignait, l'école offrait normalement un contrat d'un an pour commencer, puis ensuite un contrat de trois ans si le travail avait donné satisfaction. Le rapport susmentionné daté du 11 mai 2006 et les recommandations de M. Kolb en apportent la preuve.

[107] Du fait des discussions qu'il avait eues avec Mme Gilmar, M. Svekla savait que celle-ci avait l'intention de revenir enseigner à l'école à la fin de son congé de maternité, en septembre 2006. Il a affirmé que c'était de notoriété publique.

[108] Il a ajouté qu'il avait été témoin d'échanges entre Mme Gilmar et M. Kolb au fil du temps et qu'il lui avait semblé qu'ils s'entendaient bien. Il a soutenu que M. Kolb était généralement très direct avec les enseignants au sujet de ce qu'il pensait de la qualité de leur travail.

[109] M. Svekla a également dit avoir observé Mme Jones dans ses fonctions d'enseignante et en avoir conclu qu'elle n'avait aucune expérience en la matière. Il avait cru comprendre qu'elle était, ou avait été, mariée à un membre de la bande vivant dans la réserve, ce qui était aussi de notoriété publique.

[110] Au cours des années où il avait enseigné à l'école, M. Svekla avait observé que d'autres enseignants non autochtones avaient été congédiés et remplacés par des conjoints de membres de la bande. Il a illustré son propos d'exemples spécifiques.

[111] À une occasion, M. Kolb a dit à M. Svekla qu'un enseignant avait été congédié parce qu'il n'avait pas les compétences requises pour gérer sa classe convenablement. Toutefois, M. Svekla a fait remarquer que sa remplaçante, qui était mariée à un membre de la bande, enseigne toujours à l'école, en dépit du fait qu'elle éprouve de telles difficultés à gérer sa classe que des élèves l'ont frappée à deux reprises avec des haut-parleurs de chaîne stéréo.

[112] Un autre exemple d'influence ou d'interférence de la bande rapporté par M. Svekla concerne la plainte faite par le père d'un élève à Mme Letendre au sujet d'une enseignante ayant 12 ou 13 ans d'expérience qui s'en serait prise physiquement à son enfant. L'enseignante a été suspendue sans enquête. Plus tard, à une réunion, le père a déclaré qu'il n'aurait pas donné suite à l'incident s'il avait su qu'il s'agissait de cette enseignante particulière et celle-ci a été réintégrée

[113] M. Svekla se rappelait la visite à l'école que Mme Gilmar et son mari avaient faite avec leur bébé pendant le congé de maternité de celle-ci comme d'un bon moment. Il se rappelait que le personnel et les élèves pensaient tous que Mme Gilmar reviendrait enseigner en septembre 2006. Il savait qu'elle avait rencontré M. Kolb à ce sujet le jour de cette visite parce que son mari s'était occupé du bébé pendant qu'elle discutait avec M. Kolb.

[114] M. Svekla a déclaré avoir été étonné en apprenant, aux environs du mois de juin 2006, que Mme Gilmar ne reviendrait pas, d'autant qu'il pensait, pour l'avoir observée, qu'elle faisait du bon travail.

[115] Quand on lui a demandé s'il avait recours à des méthodes d'enseignement particulières auprès des enfants des Premières Nations, M. Svekla a répondu qu'il les traitait [traduction] comme n'importe quels autres enfants. Il a ajouté que parfois, il était possible d'avoir 15 enfants ayant des besoins spéciaux dans une classe au lieu de cinq, mais qu'autrement, ils étaient comme tous les autres enfants.

[116] Lors du contre-interrogatoire, questionné au sujet de la pratique consistant à offrir des contrats d'un an par opposition à des contrats de trois ans, M. Svekla a répété que la plupart des enseignants se voyaient d'abord offrir un contrat d'un an et qu'après avoir été évalués par M. Kolb pendant la première année, ils recevaient un contrat de trois ans à leur retour. Il connaissait l'existence des clauses de résiliation dans les contrats.

[117] Interrogé au sujet du processus d'évaluation, M. Svekla se rappelait que M. Kolb effectuait une ou deux évaluations par an, voire même trois pendant la première année. Par la suite, il a affirmé que les évaluations n'étaient habituellement faites que si le besoin s'en faisait sentir ou en cas de plainte. Dans ce cas, M. Kolb se rendait dans la classe de l'enseignant concerné afin d'évaluer le bien-fondé de la plainte en question. M. Svekla n'a pas personnellement été évalué pour ce genre de raisons, mais il savait que M. Kolb évaluait les enseignants en cas de problème ou de plainte. Ce témoignage appuie l'affirmation de Mme Gilmar selon laquelle s'il y avait eu des doutes ou des plaintes au sujet de son travail pendant sa deuxième année d'enseignement, on se serait raisonnablement attendu à ce que M. Kolb l'évalue, ce qui n'a pas été le cas.

C. La question du témoin

[118] Lors du contre-interrogatoire de Mme Gilmar, l'avocate de l'intimé a affirmé avoir parlé par téléphone à Mme Letendre au nom du conseil et avoir appris que cette dernière avait croisé par hasard Mme Jones au début de la semaine d'audience.

[119] Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'intimé a d'abord refusé de fournir les informations consignées au dossier de Mme Jones que la plaignante avait demandées, pour des raisons de respect de la vie privée. Par la suite, l'intimé n'a pas davantage fourni ces informations quand le Tribunal le lui a ordonné, sous prétexte que le dossier personnel de Mme Jones avait disparu des bureaux du conseil. L'avocate de Mme Gilmar n'avait pas pu citer Mme Jones à comparaître, laquelle aurait par conséquent été appelée à témoigner en faveur de la plaignante. L'intimé ne s'est pas vraiment efforcé de retrouver Mme Jones, qui ne travaillait plus pour l'école, même si Mme Letendre connaissait des moyens d'entrer en contact avec elle.

[120] En plus de faire savoir au Tribunal que Mme Letendre avait parlé à Mme Jones, l'avocate de l'intimé a également déclaré que son client était maintenant en possession du dossier d'employé de Mme Jones, que cette dernière avait conservé.

[121] Le Tribunal a ainsi ordonné à l'avocate de l'intimé d'aider l'avocate de la plaignante à trouver Mme Jones afin de la citer à comparaître ou de lui demander de comparaître à l'audience de son propre gré.

[122] Finalement, après avoir parlé au téléphone avec les avocates des deux parties, Mme Jones a déposé à l'audience, mais en faveur de l'intimé. Elle a effectivement déposé la copie de son dossier personnel constitué par l'école qui était en sa possession, lequel dossier n'avait pas été fourni ou présenté en preuve auparavant.

D. La preuve prima facie

[123] Quant à savoir si la plaignante a établi une preuve prima facie à ce stade de la procédure, les deux avocates se sont appuyées sur les critères établis dans la décision Martin c. Gouvernement de la bande Saulteaux, (2002) CanLII 23560 (T.C.D.P.), rendue par Anne L. Mactavish, alors présidente du Tribunal, maintenant juge à la Cour fédérale. Les circonstances entourant l'affaire Martin sont semblables à celles de la présente plainte. Les paragraphes pertinents de cette décision sont les paragraphes 24 à 31, lesquels sont ainsi rédigés :

[24] Une cause prima facie couvre les allégations formulées, dans la mesure où celles-ci sont justifiées, sont complètes et suffisantes pour justifier une décision en faveur de Mme Martin en l'absence d'une réponse de l'intimé.

[25] Dans le contexte de l'emploi, une cause prima facie doit comprendre la preuve des éléments suivants :

a) que le plaignant ait été qualifié pour remplir le poste particulier;

b) que le plaignant n'ait pas été engagé;

c) qu'une personne n'ait pas été plus qualifiée mais qui ne possédait pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte (c.-à-d. la race, la couleur, etc.) ait subséquemment obtenu le poste.

[26] Ce critère à plusieurs volets a été modifié afin de tenir compte de situations où le plaignant n'est pas engagé et où l'intimé continue de solliciter des candidats convenables. En l'occurrence, l'établissement d'une cause prima facie repose sur les éléments de preuve suivants :

a) que le plaignant appartienne à un des groupes qui fait l'objet de discrimination aux termes de la Loi, c.-à-d. un groupe religieux, les handicapés ou un groupe racial;

b) que le plaignant ait postulé un poste pour lequel il était qualifié et que l'employeur voulait combler;

c) que la candidature du plaignant n'ait pas été retenue bien que ce dernier ait été qualifié;

d) que l'employeur ait par la suite continué à chercher des candidats possédant les mêmes qualités que le plaignant.

[27] Bien que les critères des deux arrêts Shakes et Israel soient des guides utiles, ni l'un ni l'autre ne peut s'appliquer automatiquement de façon rigide ou arbitraire dans tous les cas; il faut plutôt envisager les circonstances de chaque cause afin de déterminer si l'application de l'un ou l'autre critère, en totalité ou en partie, est indiquée. En dernier ressort, la question consiste à savoir si Mme Martin a satisfait aux critères de l'arrêt O'Malley, c.-à-d. si la preuve déposée est acceptée, est-elle complète et suffisante pour justifier une décision en faveur de Mme Martin en l'absence d'une réponse de l'intimé?

[28] Dans la mesure où l'intimé donne une explication raisonnable d'un comportement autrement discriminatoire, il revient alors à Mme Martin de démontrer que l'explication reposait sur un prétexte et que les motifs véritables des gestes de l'intimé étaient de fait de nature discriminatoire.

[29] Il est reconnu dans la jurisprudence qu'il est difficile de démontrer les allégations de discrimination en s'appuyant sur une preuve directe. Comme il a été indiqué dans l'affaire Basi :

[traduction]

La discrimination n'est pas une pratique que l'on peut s'attendre de voir exercer ouvertement, en fait, il n'y a que de très rares cas où l'on peut prouver par preuve directe que la discrimination a été exercée en toute connaissance de cause.

Il revient donc au Tribunal de prendre en considération toutes les circonstances afin de déterminer s'il existe, tel qu'il a été décrit dans la cause Basi, [traduction] de subtiles odeurs de discrimination.

[30] La norme de la preuve applicable dans les cas de discrimination est la norme en matière civile de preuve selon la prépondérance des probabilités. En cas de preuve circonstancielle, le critère peut être formulé comme suit :

[traduction]

On peut tirer une conclusion de discrimination lorsque la preuve présentée rend cette conclusion plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles.

[31] Il n'est pas essentiel que des considérations d'ordre discriminatoire soient les seuls motifs de la question en litige pour que la plainte soit maintenue. Dans les circonstances, il suffit d'établir que la grossesse de Mme Martin a été un facteur de la décision de ne pas renouveler son contrat.

[124] Le Tribunal a conclu que la plaignante était qualifiée pour le poste d'enseignante en cause, qu'elle n'a pas été engagée et que la personne qui a été engagée à sa place n'était pas plus qualifiée qu'elle et n'avait pas la grossesse comme trait caractéristique, comme l'a illustré la décision Shakes c. Rex Pak Limited (1982), 3 CHRR D/1001 à D/1002.

[125] En s'appuyant sur le raisonnement suivi dans la décision Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne, (1983) 4. C.H.R.R. D/1616 (T.C.D.P.), confirmée par la décision (1984) 5 C.H.R.R. D/2147 (T.C.D.P. - Tribunal d'appel), il ressort que Mme Gilmar appartient à un des groupes susceptibles d'être victimes de discrimination aux termes de la LCDP, qu'elle s'est portée candidate à un poste que l'intimé désirait combler et pour lequel elle avait les qualifications, que sa candidature a été rejetée et que, par la suite, l'intimé a continué d'étudier d'autres candidatures et a engagé d'autres enseignants ayant les mêmes qualifications qu'elle.

[126] Finalement, à la lumière du critère énoncé dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears (l'arrêt O'Malley), [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28, le Tribunal conclut que la plaignante, au terme de l'audition de sa plainte, a présenté suffisamment d'éléments de preuve qui, si on y ajoute foi, sont complets et suffisants pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'intimé.

[127] Le Tribunal conclut que la grossesse de Mme Gilmar a été un motif, si ce n'est le fondement, de la décision de l'intimé de :

  1. accourcir la durée du second contrat de Mme Gilmar avec l'école;
  2. refuser de réengager Mme Gilmar en dépit de l'intérêt évident de celle-ci pour le poste et de son désir de rester employée par l'école;
  3. refuser ou négliger d'aider Mme Gilmar à obtenir son brevet d'enseignement permanent;
  4. ne pas procéder à l'évaluation formelle du travail de Mme Gilmar qui était requise pendant la période allant de septembre 2005 à janvier 2006;
  5. ne pas discuter avec Mme Gilmar des réserves ou des plaintes au sujet de ses aptitudes à l'enseignement ou de son engagement envers la communauté des Nakota d'Alexis.

[128] Les résultats des évaluations qui ont été communiqués à Mme Gilmar étaient positifs, les éléments négatifs ne surgissant qu'après l'introduction de la présente instance. Avant cela, on ne lui avait jamais dit que l'école avait des doutes ou des réserves au sujet de sa capacité à enseigner ou de ses méthodes. Si de tels doutes existaient avant son départ en congé de maternité, Mme Gilmar ne s'est vu offrir aucune information ou occasion lui permettant de se corriger ou de surmonter ces difficultés. Je conclus que les raisons données tant par M. Kolb que par Mme Letendre à l'audience, au nom de l'intimé, étaient des prétextes.

[129] Mme Gilmar était une enseignante compétente et engagée, même à la lumière de la description quelque peu spécialisée de ce que l'intimé cherchait chez un enseignant. Elle avait déjà enseigné aux Premières Nations et souhaitait exploiter ses talents dans un milieu scolaire autochtone. Elle avait l'impression d'avoir quelque chose à offrir aux élèves ayant des besoins spéciaux, le pourcentage de tels élèves étant plus élevé que la moyenne à l'école. Elle a épousé la culture des Premières Nations, l'intégrant sciemment à ses cours et à ses méthodes pédagogiques.

[130] Le témoignage de M. Svekla a été utile, résumant le point de vue et les observations d'un collègue à l'égard des aptitudes de Mme Gilmar. Ces observations n'ont pas été remises en cause lors du contre-interrogatoire. M. Svekla a par ailleurs déclaré s'être fait une idée des aptitudes de Mme Jones de la même manière, trouvant que ses compétences en enseignement et en gestion de comportement laissaient vraiment à désirer et qu'elle manquait d'assurance. Il travaillait à l'école depuis longtemps, ayant été employé en vertu de contrats d'un an et de trois ans. Les observations qu'il a formulées à l'égard de Mme Jones n'ont pas non plus été mises en doute.

[131] Le conseil a engagé cinq nouveaux enseignants au cours de l'année scolaire où il a refusé d'employer Mme Gilmar. La preuve a montré que celle-ci avait l'expérience et les diplômes en éducation voulus pour occuper au moins quatre de ces cinq postes et qu'elle aurait probablement pu répondre aux exigences du poste s'inscrivant dans le cadre du programme d'enseignement hors école. Elle avait clairement fait savoir à l'école, par l'entremise de M. Kolb, qu'elle souhaitait que sa candidature soit prise en considération pour n'importe lequel de ces postes.

[132] L'enseignante engagée en remplacement de Mme Gilmar pendant l'année 2006-2007 avait une formation en éducation semblable à celle de Mme Gilmar sans avoir la grossesse comme trait caractéristique. Elle détenait également un diplôme d'études axé sur les Premières Nations que Mme Gilmar n'avait pas, mais contrairement à cette dernière, elle n'avait pas d'expérience récente en matière de soutien et d'enseignement aux Premières Nations ou certains certificats pertinents. À la lumière des critères juridiques susmentionnés, les compétences de Mme Jones étaient équivalentes, ou tout du moins n'étaient pas supérieures, à celles de Mme Gilmar.

V. LES ARGUMENTS DE L'INTIMÉ

A. Le témoignage de Wolf Kolb

[133] M. Kolb a été directeur de l'école pendant huit ans, de 1999 à 2007, après avoir travaillé comme enseignant pendant six ans. Il était chargé du recrutement et de l'aide au recrutement de nouveaux enseignants. De concert avec la directrice de l'enseignement, Liz Letendre, et le responsable du portefeuille du conseil, généralement un membre du Conseil de bande ou un aîné, il dirigeait les entrevues des nouveaux enseignants. Le conseil est constitué du chef et du Conseil de bande des Nakota d'Alexis.

[134] La politique du conseil était de trouver les meilleurs enseignants disponibles, membres de la bande ou non.

[135] Conformément à la politique du conseil, M. Kolb évaluait les enseignants. Les titulaires de contrats d'un an étaient normalement évalués deux fois au cours de l'année scolaire.

[136] Le guide des politiques de l'école prévoit une politique et des procédures d'évaluation. M. Kolb a déclaré que le guide énonçait également les attentes clés de l'école à l'égard des enseignants et que tous les enseignants pouvaient consulter les lignes directrices qu'il suivait aux fins d'évaluation. Lors du contre-interrogatoire, il a admis qu'il se servait de formulaires normalisés pour les évaluations, ce qui l'amenait parfois à se répéter et à transférer par mégarde des commentaires ou des évaluations d'un formulaire à l'autre, ce qui exigeait qu'il prenne soin d'apporter des corrections par la suite. Ainsi, les points d'interrogation qui figuraient sur la seconde évaluation de Mme Gilmar y avaient été transférés par erreur.

[137] M. Kolb a ajouté qu'il procédait à des évaluations tant formelles qu'informelles et que son rôle consistait en partie à faire des visites informelles en classe et à discuter avec les enseignants de ces visites en fonction des besoins.

[138] Conformément au guide des politiques, les enseignants pouvaient demander à faire l'objet d'une évaluation. Certains enseignants se prévalaient de cette possibilité afin d'obtenir de la rétroaction informelle.

[139] Quand les enseignants faisaient part à M. Kolb de leur désir d'obtenir l'appui de l'école en vue d'obtenir leur brevet d'enseignement permanent, il renvoyait leur demande à Mme Letendre, en sa qualité de directrice de l'éducation. Il n'en était pas expressément responsable.

[140] La politique exige que la personne procédant à l'évaluation aux fins de l'obtention du brevet n'ait aucun lien de dépendance avec l'école, et par conséquent, M. Kolb ne pouvait s'en charger.

[141] Quand on lui a demandé pourquoi Mme Gilmar s'était d'abord vu offrir un contrat d'un an, M. Kolb a déclaré que c'était la pratique normale de l'école et que tous les nouveaux enseignants recevaient des contrats d'un an, voire des contrats plus courts s'ils remplaçaient une personne partie en congé ou prématurément.

[142] M. Kolb a affirmé que la première des deux évaluations effectuées pendant la première année de travail d'un enseignant était en fait une évaluation provisoire. Par conséquent, tout problème relevé lors de la première évaluation est perçu comme étant un point exigeant provisoirement que l'enseignant y prête attention ou y travaille; on le signale afin d'aider l'enseignant à comprendre le travail à faire. On s'attend à observer des progrès dans les domaines ainsi relevés.

[143] M. Kolb a admis n'avoir assisté qu'à une seule classe aux fins de la première évaluation de Mme Gilmar, et non à plusieurs, ce qui est idéal. Certains domaines sont donc restés marqués d'un point d'interrogation, simplement parce qu'il ne disposait pas des données nécessaires pour les évaluer correctement. M. Kolb a reconnu que Mme Gilmar atteignait les normes professionnelles dans à peu près 95 % des domaines.

[144] M. Kolb a déclaré se souvenir de la conversation qu'il avait eue avec Mme Gilmar au moment de sa première évaluation et de lui avoir dit qu'elle devait travailler à nouer des relations avec les élèves et la communauté au sens large, et qu'il lui avait donné des pistes en ce sens.

[145] M. Kolb se rappelait qu'à l'occasion des discussions qu'il avait eues avec Mme Gilmar à la suite de sa première évaluation, il l'avait encouragée à instaurer des stratégies de gestion de classe et lui avait fait des suggestions relativement au temps à investir afin de nouer des relations et d'interagir avec les élèves, leurs parents et les aînés. Ses suggestions consistaient notamment à adopter leur culture, à leur téléphoner à la maison, à rendre visite à leurs parents et à assister aux fêtes de la communauté. Il a affirmé que tous les enseignants étaient invités à y prendre part.

[146] Pour ce qui est de la classe de sixième année qui avait été confiée à Mme Gilmar, elle comptait un certain nombre d'élèves ayant des besoins spéciaux, y compris des enfants atteints de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation ftale (ETCAF) de catégorie légère et des enfants atteints de troubles de l'attention. Tous les élèves étaient issus des Premières Nations et la plupart vivaient dans la réserve. En outre, les aînés de la bande venaient à l'école tous les jours afin d'apporter leur soutien aux enseignants et de parler aux élèves de l'importance des études.

[147] M. Kolb a affirmé que dans le cas de Mme Gilmar, il avait vu des progrès dans quelques-uns des domaines portés à l'attention de celle-ci à l'occasion de l'évaluation provisoire, en matière de contrôle des connaissances et tenue de dossiers ainsi que dans ses relations avec ses élèves, mais que ces progrès n'étaient pas nombreux.

[148] Interrogé au sujet de la relation que Mme Gilmar entretenait avec ses élèves, M. Kolb a affirmé qu'ils lui manquaient de respect en bavardant pendant la classe, en jurant et en se tenant mal et que des élèves étaient fréquemment renvoyés de sa classe pour mauvaise conduite, provocation et désobéissance.

[149] M. Kolb a reconnu que Mme Gilmar s'efforçait de résoudre ces problèmes et qu'elle ne renvoyait pas les élèves de sa classe pour des écarts de conduite mineurs. Il a affirmé avoir discuté avec elle de stratégies visant à intéresser les élèves aux cours, à inspirer la confiance, à nouer des relations et à mettre en place des plans de comportement pour les élèves coupables d'écarts de conduite récurrents. Il a qualifié Mme Gilmar d'ouverte, ajoutant qu'il s'agissait d'un domaine dans lequel elle avait continué de peiner malgré son soutien.

[150] M. Kolb a également dit que tous les enseignants de l'école devaient faire face à ces mêmes problèmes, comme la plupart des enseignants de la province de temps en temps.

[151] M. Kolb a déclaré avoir trouvé qu'après la seconde évaluation, le travail de Mme Gilmar s'était considérablement amélioré et qu'elle atteignait dès lors les normes professionnelles. Il a reconnu qu'on s'attendait à ce que tous les enseignants s'améliorent et que Mme Gilmar avait fait des progrès remarquables. Par conséquent, il a eu l'impression qu'il fallait lui donner une autre chance et lui a offert un second contrat d'un an.

[152] Cette seconde offre a d'abord fait l'objet d'une discussion avec Mme Gilmar le 23 mars 2005, au moment où M. Kolb a parlé avec elle de sa seconde évaluation. M. Kolb a affirmé qu'à l'époque, il avait dit à Mme Gilmar qu'elle s'était nettement améliorée, qu'il voulait la voir progresser davantage en matière de gestion de classe et de mobilisation des élèves et qu'il recommanderait à l'école de la maintenir en poste en lui offrant un autre contrat d'un an.

[153] M. Kolb a affirmé que c'est à la directrice de l'éducation que revient la tâche de rédiger les contrats des enseignants et de les leur remettre. Il a ajouté que quand Mme Gilmar avait reçu son second contrat en septembre 2005, il avait remarqué qu'il n'était que d'une durée de cinq mois. À l'époque, il ne savait pas comment expliquer un tel changement, mais a pensé que la grossesse de Mme Gilmar expliquait qu'elle ne travaillerait pas pendant le second semestre. Il n'a pas joué de rôle dans ce changement de date. Quand il a interrogé Mme Letendre à ce sujet, elle lui a fait savoir qu'elle en avait discuté avec Mme Gilmar et que le contrat faisait simplement état du fait que la date de son départ en congé de maternité avait été fixée.

[154] M. Kolb se rappelait que Mme Gilmar l'avait informé de sa grossesse en août 2005, précisant qu'elle avait l'intention d'enseigner jusqu'à la fin du mois de janvier, vu que son accouchement était prévu pour le début du mois de février 2006.

[155] Interrogé au sujet de la politique de l'école relative aux congés de maternité, M. Kolb a répondu qu'ils n'avaient jamais vu d'enseignante partir en congé de maternité et souhaiter revenir avant la date d'échéance de son contrat. Ainsi, toutes les enseignantes qui étaient tombées enceintes avaient enseigné aussi longtemps que possible et avaient demandé un nouveau contrat quand elles avaient été prêtes à revenir travailler. Il n'était jamais arrivé qu'une enseignante titulaire d'un contrat de trois ans prenne un congé de maternité.

[156] Quand on lui a demandé pourquoi il n'avait pas évalué le travail de Mme Gilmar pendant l'année scolaire 2005-2006, M. Kolb a déclaré que son emploi du temps et ses engagements l'en avaient empêché. Il a déclaré : [traduction] aucune évaluation n'a été demandée, rien ne le justifiait.

[157] Au début, M. Kolb a déclaré qu'il n'avait pas évalué Mme Gilmar pendant sa seconde année à l'école parce qu'elle avait un contrat de plus courte durée. Toutefois, par la suite, il a convenu qu'il fallait aussi évaluer les enseignants travaillant en vertu de contrats de plus courte durée, ce qu'il avait omis de faire pour Mme Gilmar.

[158] Lors du contre-interrogatoire, M. Kolb a déclaré qu'en règle générale, une évaluation positive conduisait à une réembauche, mais pas nécessairement. Il a reconnu que la politique de l'école exigeait qu'on procède à deux évaluations annuelles du travail de chaque enseignant, affirmant qu'il faisait de son mieux pour appliquer cette politique.

[159] De la même manière, en ce qui concerne M. Svekla, M. Kolb a déclaré qu'il évaluait habituellement chaque enseignant deux fois par année, mais qu'il se pouvait qu'il n'ait évalué celui-ci qu'une seule fois et qu'il était possible qu'il l'ait évalué moins de deux fois par an. Il a convenu que la politique de l'école prévoyait deux évaluations par année, ajoutant que cette politique existait à des fins d'équité.

[160] Pour ce qui est de la jeune élève qui était agressive et irrespectueuse envers Mme Gilmar en classe, M. Kolb la connaissait de nom et connaissait sa famille. Elle est membre de la famille des Nakota d'Alexis, une des familles les plus importantes et les plus influentes de la réserve. Il a déclaré avoir accordé son soutien à Mme Gilmar face à la désobéissance de cette élève et avoir rencontré les parents de celle-ci plusieurs fois à ce sujet.

[161] M. Kolb était au courant du fait que l'élève en question usait de propos vulgaires et avait menacé de faire renvoyer Mme Gilmar. Il a déclaré savoir qu'elle avait déjà proféré une telle menace par le passé.

[162] M. Kolb a également reconnu qu'en dépit des nombreuses rencontres qu'il avait eues avec les parents de l'élève en question et de ses nombreuses conversations avec elle dans son bureau, il avait été incapable d'influencer positivement sa conduite, reconnaissant que [traduction] certains enfants sont difficiles.

[163] M. Kolb a ajouté qu'il avait continué de procéder à des évaluations informelles et avait visité les salles de classe à des fins de soutien. Il a déclaré que Mme Gilmar avait continué d'éprouver de grandes difficultés à gérer sa classe. Il lui a parlé de manières de mobiliser les enfants et d'améliorer leur concentration, y compris en invitant les parents en classe, de manière à ce que le premier contact avec eux ne se fasse pas au sujet d'une question de discipline. Il a déclaré que les parents voulaient qu'on les mette plus vite au courant des questions de discipline, sans toutefois s'étendre sur le sujet.

[164] M. Kolb a déclaré avoir constaté que, plutôt que de s'améliorer, la situation avait empiré pendant la deuxième année de travail de Mme Gilmar, quand elle était enceinte Il a ajouté avoir observé que Mme Gilmar consacrait moins d'énergie à son travail, qu'elle ne s'efforçait plus autant de créer des liens avec ses élèves, qu'elle ne prenait plus part à la vie de la communauté et n'interagissait plus avec les parents et qu'elle avait moins d'échanges directs avec les élèves.

[165] Il a reconnu qu'il était plus difficile à une enseignante enceinte de participer à la vie de la communauté et que le fait d'habiter loin de la réserve faisait en sorte qu'il lui était difficile d'assister aux réunions en soirée.

[166] M. Kolb a ajouté qu'il savait que Mme Gilmar était riche de son expérience des Premières Nations et des enfants ayant des besoins spéciaux dès son arrivée à l'école. Il savait également qu'elle avait étudié en sciences humaines, mais il a déclaré que même si elle avait fait les études requises, il n'avait pas l'impression qu'elle faisait preuve de suffisamment d'autorité en classe pour qu'il la recommande pour un poste de professeur de fin de secondaire. Il n'en avait jamais parlé avec elle parce qu'elle n'enseignait pas à ce niveau du temps où elle travaillait à l'école.

[167] M. Kolb savait que Mme Gilmar avait déjà enseigné les sciences humaines à tous les niveaux du secondaire, mais seulement à titre d'élève-maître. Il savait ainsi qu'elle avait déjà enseigné cette matière, mais n'était pas nécessairement convaincu de sa compétence. Il a également écarté son expérience de l'enseignement des sciences humaines aux classes de fin de secondaire parce qu'elle l'avait acquise à l'extérieur de la province. Il a reconnu que Mme Gilmar avait manifesté un intérêt pour l'enseignement de cette matière à ce niveau.

[168] En ce qui a trait aux deux offres d'emploi que Mme Gilmar avait vues dans le Edmonton Journal, M. Kolb a déclaré ne pas l'avoir engagée pour ces postes en se fondant sur sa propre connaissance d'elle, qu'il n'était donc pas retourné consulter son dossier afin de se familiariser avec ses titres de compétences.

[169] En ce qui concerne la qualité du travail de Mme Gilmar dans son ensemble, celle-ci avait joint une lettre de recommandation à la candidature qu'elle avait fait parvenir à l'école à l'origine, laquelle lettre a été présentée à M. Kolb. Elle avait été écrite par un ancien directeur avec lequel Mme Gilmar avait travaillé. En revenant sur chaque élément, on a demandé à M. Kolb s'il était d'accord avec les diverses observations formulées à l'égard de Mme Gilmar et de son travail d'enseignante dans la lettre. Contrairement à ce qu'il avait déclaré plus tôt, il a reconnu que pendant la période où Mme Gilmar avait travaillé à l'école, elle lui était apparue comme étant une enseignante efficace, compétente en matière de gestion de classe, d'enseignement et de communication. Il a affirmé qu'il était au courant du fait qu'elle avait recours à la roue médicinale et à d'autres outils visuels, au cercle matinal (une suggestion qu'il lui avait faite et qu'elle avait adoptée), qu'elle invitait les aînés en classe, qu'elle utilisait la langue stoney et qu'elle faisait brûler du foin d'odeur, qu'elle encourageait les danseurs à se produire et qu'elle faisait des sorties en plein air avec les enfants, à l'occasion desquelles elle leur parlait des distances entre les planètes.

[170] Interrogé au sujet de ces techniques fondées sur la culture, M. Kolb a répondu que ce n'était utile que si les parents en entendaient parler. Il a alors admis que Mme Gilmar avait contacté certains parents.

[171] M. Kolb a ajouté que Mme Gilmar n'encourageait et ne soutenait pas suffisamment ses élèves, comme en attestait le cas de l'élève précédemment mentionnée, qui se conduisait extrêmement mal. Autrement dit, afin d'illustrer le manque d'aptitudes et d'entregent de Mme Gilmar, il s'est servi d'une situation concernant une élève sur laquelle il a lui-même reconnu qu'il avait été impossible d'avoir une influence positive, en dépit d'efforts soutenus.

[172] Bien que M. Kolb ait aussi admis que Mme Gilmar était consciencieuse et faisait de son mieux, ce n'était pas suffisant à ses yeux.

[173] Interrogé au sujet de la visite de Mme Gilmar à l'école avec son bébé et des élèves qui avaient accouru l'air ravi et lui avaient posé des questions, M. Kolb a répondu : [traduction] pas tous.

[174] Quant à l'expérience que Mme Gilmar avait de l'enseignement aux Premières Nations en arrivant à l'école, M. Kolb en a parlé comme d'une [traduction] certaine expérience, la distinguant d'une [traduction] solide expérience, considérant qu'elle avait été acquise sur une période de huit mois. Toutefois, au cours du contre-interrogatoire, M. Kolb a convenu que la plupart des nouveaux enseignants qui postulaient un emploi de niveau débutant ne pouvaient se prévaloir d'une telle expérience.

[175] M. Kolb a affirmé qu'il ne se rappelait pas avoir entendu Mme Gilmar évoquer ses intentions de continuer d'enseigner à l'école, avant de recevoir sa lettre d'intention. Il a ajouté qu'il ne se rappelait pas non plus avoir discuté avec elle de son désir d'obtenir un brevet d'enseignement permanent, mais il a ensuite dit que c'était possible. En dépit du fait qu'il avait déclaré ne pas se rappeler que Mme Gilmar avait l'intention de demander son brevet, il a par la suite affirmé qu'il savait qu'elle voulait l'obtenir.

[176] En outre, M. Kolb a déclaré ne pas se souvenir d'avoir discuté avec Mme Gilmar du fait que Mme Letendre avait écourté son second contrat, le faisant passer d'un an à cinq mois. Toutefois, quand on lui a demandé s'il s'était inquiété du fait qu'après avoir offert un contrat d'un an à une enseignante elle se soit retrouvée avec un contrat de seulement cinq mois, il a déclaré en avoir parlé à Mme Letendre et que celle-ci lui avait expliqué qu'il était préférable d'offrir le poste à Mme Gilmar pour cinq mois. Il a déclaré que c'était lui qui s'était inquiété de la date d'échéance du contrat et que c'est ce qu'il avait dit à Mme Letendre.

[177] Au début, M. Kolb a dit ne pas se rappeler que Mme Gilmar lui avait fait part de son intention de ne prendre que sept mois de congé de maternité, mais il a ensuite déclaré qu'il se rappelait bien l'avoir entendue dire qu'elle avait l'intention de revenir travailler en septembre 2006. Par contre, il a admis lui avoir dit, quand elle lui a fait part de son intention de revenir enseigner dès septembre 2006, qu'il pensait qu'elle allait prendre une année entière de congé de maternité. À maintes reprises, quand on lui a posé des questions relatives à la présente cause, M. Kolb a prétendu ne pas se souvenir ou ne pas être en mesure de répondre, ou alors il s'est contredit entre la première et la deuxième fois où il a répondu à la même question.

[178] Par exemple, M. Kolb a affirmé qu'une des principales raisons pour lesquelles il n'avait pas offert d'emploi de longue durée à Mme Gilmar était qu'elle ne s'investissait pas assez dans la communauté. Or, il a par la suite déclaré qu'il se pouvait qu'elle eût participé à quelques activités, mais qu'il n'en était plus certain. Il se rappelait que Mme Gilmar avait assisté à des funérailles, mais n'avait pas de certitude au sujet de sa présence aux messes de Noël pendant les deux années où elle avait enseigné à l'école, comme elle le prétendait.

[179] À la lumière de ses propres déclarations, je n'accepte pas le témoignage de M. Kolb selon lequel il avait compris que le contrat de Mme Gilmar prenait fin le 31 janvier 2006 et qu'elle poserait de nouveau sa candidature si elle souhaitait revenir. Il lui avait offert un second contrat d'un an. La durée du contrat n'a été changée que lorsque Mme Letendre et lui ont appris que Mme Gilmar était enceinte. M. Kolb a prétendu ne pas avoir lui-même compris pourquoi la durée du contrat avait été abrégée. À la lumière de toute la preuve et du témoignage de M. Kolb dans son ensemble, je n'accepte pas que celui-ci ait pu penser que c'était simplement que le contrat de Mme Gilmar prenait fin le 31 janvier. Mme Gilmar et lui ont discuté précisément du retour de celle-ci à l'école pour y enseigner, il ne l'a à aucun moment découragée et n'a jamais discuté de difficultés avec elle; il lui a seulement dit de signifier par écrit la date à laquelle elle prévoyait revenir. Il n'a pris le parti de s'appuyer sur le contrat prenant fin le 31 janvier 2006 qu'après que Mme Gilmar eut déposé sa plainte en vertu du Code canadien du travail.

[180] Quant au processus conduisant à l'obtention du brevet permanent, M. Kolb a confirmé qu'un évaluateur externe devait s'en charger et que c'était à la directrice de l'éducation de prendre de tels arrangements. Quand un enseignant formulait ce genre de requête, il la transmettait donc à la directrice, Mme Letendre.

[181] M. Kolb a affirmé se rappeler la lettre d'intention de Mme Gilmar datée du 27 avril 2006, dans laquelle elle disait souhaiter revenir enseigner en septembre 2006. Il a prétendu que quand Mme Gilmar était venue à l'école pour montrer son bébé, elle avait émis le souhait de revenir enseigner à l'automne, et qu'il lui avait répondu qu'il ne pensait pas qu'un poste serait disponible à l'école. Il a alors reçu sa lettre d'intention. Il a déclaré avoir dit à Mme Gilmar que l'école réduisait le nombre d'enseignants des classes primaires et qu'il n'y avait pas de poste pour elle.

[182] M. Kolb a poursuivi en lui disant que l'école procédait à cette réduction en raison de la baisse du nombre d'inscriptions. La taille de la classe de première année avait diminué sensiblement, et par conséquent, l'effectif était passé de sept enseignants à six.

[183] Il a ajouté se rappeler que pendant cette discussion, Mme Gilmar lui avait demandé ce qu'il en était de la sixième année et qu'il lui avait dit que Mme Jones, qui l'avait remplacée quand elle était partie en congé de maternité, ne reviendrait pas non plus.

[184] Plus tard, M. Kolb s'est de nouveau contredit en déclarant ne pas avoir dit à Mme Gilmar le jour de sa visite qu'elle ne serait pas réengagée, mais plutôt lui avoir demandé d'envoyer une lettre d'intention exprimant son désir de revenir. Il a alors déclaré que ce jour-là, il n'aurait pas été convenable de lui dire qu'il n'avait pas l'intention de lui trouver un poste pour la prochaine année scolaire.

[185] Au sujet de la lettre de recommandation datée du 16 mai 2006 qu'il a rédigée pour Mme Gilmar, M. Kolb a affirmé l'avoir lui-même préparée à la demande de celle-ci, afin de l'aider à postuler d'autres emplois. Il a très clairement déclaré qu'il maintenait aujourd'hui les propos tenus dans cette lettre. Il a dit s'être concentré sur les qualités de Mme Gilmar, omettant de mentionner les domaines posant vraiment problème, comme la gestion de classe et les rapports avec les élèves et les parents. C'était une lettre de recommandation offrant des gages solides, louant aussi bien les qualités d'enseignante de Mme Gilmar, que son engagement envers ses élèves, que sa participation à des activités parascolaires qu'elle avait elle-même mises en place.

[186] Au sujet des offres d'emploi parues dans le Edmonton Journal, M. Kolb a déclaré que l'une d'elle demandait un enseignant de neuvième année avec de solides compétences en informatique et en sciences sociales. La deuxième offre était un poste d'enseignant dans le cadre d'un programme d'approche, impliquant d'enseigner hors école à des enfants incapables d'aller à l'école. Il n'avait pas l'impression que Mme Gilmar conviendrait à l'un de ces deux postes.

[187] Le poste d'enseignant de neuvième année exigeait de grandes compétences en gestion de classe en plus d'une solide expérience de l'enseignement des sciences sociales et il semblait à M. Kolb que Mme Gilmar ne remplissait aucune de ces deux exigences, sans compter que le critère principal était la faculté d'établir des liens avec les élèves. Ces enfants représentaient un grand risque sur le plan de l'abandon de leurs études et ils avaient besoin d'un enseignant qui serait en soi leur motif de venir en classe. Le programme d'enseignement hors école exigeait de solides liens avec la communauté, d'en appeler au soutien des parents et de se rendre chez eux pour l'obtenir. Il ne lui semblait pas que Mme Gilmar pourrait s'acquitter de ces tâches.

[188] Interrogé au sujet du courriel que Mme Gilmar lui avait écrit pendant l'été afin de se plaindre de la position adoptée par l'école, M. Kolb a déclaré qu'il avait trouvé désobligeant que Mme Gilmar y parlât de [traduction] professionnalisme, affirmant qu'elle envisageait de déposer une plainte, et ce, alors qu'elle en avait déjà déposée une en vertu du Code canadien du travail. Il avait mis en place une procédure d'appel interne à l'école afin d'atténuer les tensions, mais Mme Gilmar ne s'en est pas prévalue. Il n'a pas tout de suite compris qu'elle avait par mégarde copié un paragraphe d'un message précédent dans son nouveau courriel, erreur qu'elle a admise et pour laquelle elle lui avait présenté ses excuses à l'époque.

[189] Quand on lui a demandé si les enseignants étaient au courant de cette politique d'appel, M. Kolb a affirmé que dans la séance d'orientation donnée aux enseignants avant chaque rentrée, il y avait de nombreuses références aux politiques et procédures de l'école. Pendant cette séance, les politiques et la procédure d'appel faisaient l'objet de discussions, des exemplaires complets étant mis à la disposition des employés dans le salon du personnel afin d'être copiés ou empruntés.

[190] Ces politiques et procédure avaient été mises en place l'année précédant l'arrivée de Mme Gilmar et par conséquent, pendant la première année de travail de celle-ci et par la suite, elles ont seulement été résumées oralement au personnel enseignant. Il était possible de faire appel de toute décision du directeur, de la directrice de l'éducation ou du conseil.

[191] Mme Gilmar a affirmé qu'on ne lui avait jamais parlé de ces politiques et qu'on en avait encore moins porté certains éléments particuliers à son attention. Elle ne les avait pas vues avant de déposer sa plainte et n'était pas au courant de l'existence de dispositions relatives à une procédure d'appel interne. On n'a pas demandé à M. Kolb s'il en avait jamais expressément parlé à Mme Gilmar ou s'il les lui avait montrées. Vu qu'il n'a rien dit en ce sens quand on l'a interrogé au sujet de leur disponibilité et à la lumière du témoignage de Mme Gilmar, je conclus qu'il ne lui en a pas expressément parlé, qu'il ne les lui a pas montrées et qu'il ne lui a pas dit de les lire afin de se familiariser avec elles.

[192] M. Kolb a déclaré que quand Mme Gilmar lui a envoyé un courriel qualifiant la façon dont l'école l'avait traitée de non professionnelle, il a eu l'impression qu'elle lui manquait de respect, à lui ainsi qu'à l'école, qu'elle ne s'était pas conformée à leurs procédures et qu'elle lui avait menti au sujet de son intention déclarée de déposer une plainte alors que c'était déjà fait. Tout cela a eu une influence sur l'attitude qu'il a adoptée par la suite.

[193] M. Kolb a ajouté que Mme Gilmar n'avait postulé aucun des deux emplois qui avaient été ouverts pendant l'été et au sujet desquels elle l'avait contacté; l'école conservait toutefois le dossier de Mme Gilmar et quand celle-ci s'est informée, M. Kolb l'a découragée. Je trouve qu'il est déraisonnable que M. Kolb ait suggéré à Mme Gilmar de déposer une nouvelle candidature, étant donné qu'il avait accès à toutes les informations courantes la concernant. J'accepte le témoignage de Mme Gilmar voulant qu'elle ait clairement fait savoir à M. Kolb qu'elle souhaitait que sa candidature soit prise en considération pour l'un de ces deux postes.

[194] Le rapport de recommandation des enseignants daté du 11 mai 2006 a été présenté à M. Kolb. Il a déclaré préparer un tel rapport tous les ans au sujet de tous les enseignants dont les contrats parvenaient à échéance, de manière à ce que le comité de recrutement soit au fait de ses recommandations. Il a affirmé que ses recommandations étaient généralement suivies et qu'il jouait un rôle important dans l'embauche des nouveaux enseignants.

[195] Interrogé au sujet de la pratique consistant à offrir des contrats de trois ans, M. Kolb a déclaré que les contrats étaient généralement d'une durée d'un an, voire plus courte si la personne commençait à travailler en cours d'année scolaire. Il a affirmé qu'il était une fois arrivé qu'on offre des contrats de trois ans à un groupe d'enseignants qui avaient travaillé plusieurs années à l'école, afin de les encourager fortement à considérer faire carrière à l'école. Cette déclaration contredit le rapport daté du 11 mai 2006 qu'il a préparé, dans lequel il recommandait de donner un contrat de trois ans à une personne qui avait enseigné pendant un an en troisième année.

[196] Quand on lui a demandé de confirmer avoir engagé cinq nouveaux enseignants pour l'année scolaire 2006-2007, comme l'attestent les documents déposés en preuve en l'espèce, M. Kolb ne s'en souvenait pas. Au début, il se souvenait seulement de Mme Jones et de deux autres postes offerts, le premier en neuvième année et le second dans le cadre du programme d'approche et d'enseignement hors école.

[197] M. Kolb a ajouté qu'aucune mesure d'adaptation n'était prévue pour les enseignantes enceintes, que ce soit dans les contrats de travail ou dans les politiques de l'école. Autrement dit, rien n'était prévu pour les enseignantes partant en congé de maternité. Si une enseignante revenait de son congé de maternité pendant la durée de son contrat, elle était réintégrée dans le même poste ou un poste similaire. Toutefois, si le contrat prenait fin pendant le congé de maternité, aucune mesure d'adaptation n'était prise.

[198] En outre, M. Kolb a reconnu que même si un bon nombre d'enseignantes avait pris des congés de maternité, elles avaient généralement été autorisées à s'absenter pour leurs rendez-vous chez le médecin et ainsi de suite, mais qu'après leurs départs en congé, leurs contrats avaient normalement pris fin et avaient alors été [traduction] considérés comme expirés. On s'attendait ensuite à ce que l'enseignante pose sa candidature en vue d'obtenir un nouveau contrat. Il a également admis que de telles candidatures étaient généralement accueillies favorablement si l'enseignante en question avait déjà travaillé à l'école et côtoyé la communauté.

[199] Au sujet de Mme Jones, M. Kolb a affirmé que ce n'était qu'au mois d'août 2006 que le conseil avait pris la décision de l'engager afin qu'elle enseigne en sixième année (classe pour laquelle elle avait remplacé Mme Gilmar l'année précédente) à partir de septembre 2006. Or, je note que dans le rapport daté du 11 mai 2006, M. Kolb recommandait qu'on lui offre un contrat d'un an.

[200] M. Kolb a affirmé que la personne engagée pour enseigner en sixième année s'était occupée de la cinquième année l'année précédente. En août, celle-ci avait avisé l'école qu'elle avait accepté d'occuper d'autres fonctions dans la bande et il avait donc dû engager quelqu'un d'autre rapidement.

[201] M. Kolb a déclaré que Mme Letendre et lui avaient évoqué certains noms et choisi Mme Jones. Il n'a pas envisagé d'offrir le poste à Mme Gilmar parce qu'à ce stade, [traduction] tout s'était su, entendant par là qu'elle avait déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail.

[202] On a demandé à M. Kolb s'il avait des doutes quant à la compétence de Mme Jones. Il a répondu qu'il s'inquiétait aussi de sa capacité à gérer sa classe et que, dans son cas, du fait qu'elle mettait une certaine distance entre elle et quelques parents. Elle s'investissait beaucoup dans la communauté et les membres de la bande lui demandaient de les conduire en voiture ou de leur rendre des services. M. Kolb a déclaré qu'en ce qui concernait la participation à la vie de la communauté, Mme Jones était tout le contraire de Mme Gilmar.

[203] M. Kolb a confirmé les évaluations écrites de Mme Jones qui avaient été déposées en preuve avant que celle-ci témoigne, d'où il ressortait qu'elle répondait aux exigences dans certains domaines et que des progrès étaient attendus dans d'autres. Les propres enfants de Mme Jones sont autochtones, mais elle habitait en dehors de la réserve et ne vivait plus avec le membre de la bande avec lequel elle avait été mariée.

[204] M. Kolb n'a pas pu affirmer que Mme Jones avait fait l'objet d'une vérification quant à l'existence d'un casier judiciaire et des références, mais a ajouté que cela aurait dû être fait si ce n'avait pas été le cas.

[205] M. Kolb ne se souvenait plus de beaucoup de ses conversations avec Mme Gilmar, au sujet desquelles celle-ci a donné force détails et avait à l'époque pris des notes. Je trouve Mme Gilmar tout à fait crédible, les notes et précisions qu'elle a apportées étayant sa version des faits. Sur les points où les déclarations de Mme Gilmar et de M. Svekla différaient de celles de M. Kolb, j'accepte les témoignages de Mme Gilmar et de M. Svekla. M. Svekla m'est aussi apparu comme étant un témoin franc et crédible, et il est significatif que son témoignage n'a pas été remis en cause. Il avait une bonne mémoire des faits après avoir enseigné de nombreuses années à l'école.

[206] Lors du contre-interrogatoire, M. Kolb a admis n'avoir jamais fait part à Mme Gilmar des doutes qu'il entretenait à son sujet, que ce soit oralement ou par écrit, qu'il n'avait pas procédé à une évaluation, formelle ou informelle, de son travail entre septembre 2005 et janvier 2006 et qu'il ne l'avait pas avisée du contenu du rapport daté du 11 mai 2006.

[207] Toujours lors du contre-interrogatoire, M. Kolb a admis que plusieurs enseignants qu'il avait engagés pour l'année scolaire 2006-2007 avaient moins d'expérience de l'enseignement que Mme Gilmar, y compris l'enseignant retenu pour la deuxième et la cinquième années et un autre dont le nom commençait par K. Il se rappelait avoir dit à Mme Gilmar, lors de la conversation qu'ils avaient eue à l'été 2006, que ces enseignants étaient plus qualifiés qu'elle.

[208] À l'audience, M. Kolb a adopté la position selon laquelle le contrat de Mme Gilmar étant expiré, il n'était en rien obligé de la réengager pour l'année scolaire suivante. Il a affirmé qu'il disposait alors d'un certain nombre d'enseignants ayant différentes aptitudes et qu'il lui semblait qu'elle ne correspondait plus au profil recherché par l'école, ajoutant que ses recommandations n'étaient pas fondées sur la durée de l'expérience en enseignement.

[209] Lors du contre-interrogatoire, M. Kolb a également admis que Mme Gilmar s'était inscrite en faux contre la remarque selon laquelle elle n'était pas heureuse d'enseigner à l'école, qu'il savait qu'elle voulait revenir et qu'elle lui avait demandé de se souvenir d'elle si certains enseignants donnaient leur démission. Il a confirmé qu'il y avait eu deux démissions à l'école pendant l'année scolaire 2006-2007 et qu'il n'avait alors pas contacté Mme Gilmar.

[210] M. Kolb a confirmé qu'il pensait que Mme Gilmar était une enseignante compétente, ajoutant qu'elle pourrait sans difficulté enseigner auprès d'une autre école des Premières Nations ou d'une autre école d'un autre district, mais pas à l'école.

[211] Mr. Kolb a aussi admis qu'il était inhabituel qu'un enseignant reçoive deux RE distincts. Il a également convenu que si Mme Gilmar n'était pas tombée enceinte, son second contrat aurait pris fin en août 2006 et non en janvier.

[212] Comparant le travail de Mme Jones à celui de Mme Gilmar, M. Kolb a déclaré que Mme Jones avait effectué un travail remarquable au printemps 2006, mais qu'elle avait connu des difficultés au cours de l'année scolaire suivante. Au cours de cette année, il l'a évaluée trois fois en se rendant dans sa classe. Il a affirmé que, cette année-là, Mme Jones avait eu des problèmes personnels qui avaient eu des répercussions négatives sur son travail et il a reconnu que sa dernière évaluation avait été moins bonne que celle de Mme Gilmar. Il a déclaré qu'avec le recul, Mme Gilmar aurait pu constituer un meilleur choix pour l'école cette année-là.

[213] Toujours au cours du contre-interrogatoire, on a questionné M. Kolb au sujet de l'ampleur des interférences des considérations politiques de la bande avec les décisions que le conseil et lui prenaient. Quand on a évoqué devant lui le cas de la plainte d'un père membre de la bande ayant conduit à la suspension d'une enseignante, il a déclaré que c'était le conseil qui avait pris la décision de la suspendre et qu'il avait seulement été chargé d'enquêter au sujet de l'incident. Il a alors reconnu que les cas n'étaient pas nombreux, mais qu'il était déjà arrivé que le conseil intervienne dans un domaine relevant de sa compétence à lui.

[214] Interrogé au sujet de la façon normale de tenir les dossiers personnels des enseignants, M. Kolb a déclaré qu'il était inhabituel qu'un enseignant emporte son dossier en quittant l'école. Il pensait que ces dossiers étaient conservés dans les bureaux du conseil dans une armoire fermée à clé et que la directrice, Mme Letendre, possédait ses propres dossiers. Les enseignants peuvent en demander une copie et il savait que certains s'étaient prévalus de cette possibilité, mais non qu'on avait demandé l'original.

[215] Lors du réinterrogatoire, M. Kolb a déclaré que le temps passé à l'école et l'expérience n'étaient pas des facteurs de maintien en poste, mais que l'expérience des Premières Nations était généralement un critère majeur. Il a aussi confirmé avoir donné à Mme Gilmar la lettre de référence susmentionnée, parce qu'il lui semblait qu'elle était une enseignante compétente, qui pourrait s'accomplir dans un autre environnement et qu'il voulait l'aider dans sa carrière.

[216] Finalement, M. Kolb a admis que Mme Letendre n'avait jamais observé le travail de Mme Gilmar et qu'il n'avait jamais fait savoir à cette dernière qu'elle ne créait pas de liens avec ses élèves et leurs parents.

B. Le témoignage de Liz Letendre

[217] Mme Letendre est directrice de l'enseignement à l'école depuis 1998 et a été directrice adjointe de l'enseignement de 1994 à 1998. Elle a témoigné à titre de représentante du conseil.

[218] Mme Letendre est responsable des activités de l'école et veille à l'application des programmes, ce qui inclut de superviser le directeur, le centre d'apprentissage pour adultes et le département des langues. Elle fait partie de l'équipe de gestion, agissant pour le bien-être des élèves.

[219] Le niveau primaire comprend 60 % des élèves de l'école. La bande des Nakota d'Alexis compte environ 1500 membres, dont 900 vivent en dehors de la réserve. Au total, 55 % des membres de la bande vivant dans la réserve ont 20 ans ou moins. Aucun non autochtone ne fréquente l'école.

[220] Mme Letendre a dit que la culture autochtone était la priorité de l'école. Les résultats scolaires sont importants, mais l'identité culturelle des Premières Nations passe avant tout.

[221] L'école fonctionne comme toutes les écoles privées en Alberta, conformément à un programme d'études conçu par le gouvernement, qui prévoit des heures d'enseignement; le programme axé sur les Premières Nations vient s'y ajouter.

[222] Les aînés de la bande jouent un rôle actif dans l'éducation, contribuant à la discipline et au soutien. Les aînés [traduction] offrent la purification [aux enfants], prient en leur compagnie et discutent avec eux de l'école et des comportements à adopter. Une salle adjacente à la salle du personnel est prévue à cette fin.

[223] Mme Letendre a précisé que de nombreux enfants venaient de foyers dont les valeurs pouvaient se heurter aux règles de l'école, les aînés apportant leur aide dans les cas d'enfants en conflit avec l'autorité.

[224] Pour ce qui est de la participation des parents, Mme Letendre a déclaré qu'elle se manifestait par des discussions au sujet des relevés de notes, par leur présence aux activités scolaires comme les concerts, le thé de la fête des Mères, etc. Il revient à l'enseignant de se présenter aux parents et de les inviter à participer à la vie de leur classe. C'est un point sur lequel on insiste toujours.

[225] Mme Letendre ne participe que très peu aux activités quotidiennes de l'école. Ses tâches consistent surtout à avoir des échanges avec le directeur ou par son intermédiaire, à assister à des évènements et à contacter les parents. Sa connaissance des classes et des enseignants est fondée sur les rapports mensuels et les évaluations périodiques du directeur.

[226] Les parents critiquent souvent l'école, souvent directement auprès de Mme Letendre. Le directeur est son lien direct avec l'école.

[227] En évaluant les résultats obtenus par les enseignants, Mme Letendre regarde s'ils intéressent les enfants à apprendre, usent de méthodes variées et efficaces et créent des liens avec leurs élèves. La matière à enseigner ne permet pas toujours d'insister sur la culture des Premières Nations; il revient donc à l'enseignant de faire preuve d'ouverture et de tirer parti des ressources communautaires.

[228] Lors des entrevues d'emploi, l'école souligne qu'il s'agit d'une école des Premières Nations, que les enseignants doivent intégrer les ressources communautaires à leurs méthodes pédagogiques, que les classes vont être agitées et que l'instruction des élèves constitue par conséquent un défi. Mme Letendre a déclaré que le milieu de travail était dur, considérant que les milieux de vie des enfants étaient difficiles, plusieurs familles cohabitant souvent dans la même maison.

[229] L'école veut que les enfants soient fiers d'être issus des Premières Nations et qu'ils deviennent de fiers citoyens de cette communauté.

[230] Les aînés trônent au sommet de la hiérarchie de la bande, suivis du chef et du Conseil de bande, des parents et finalement des familles. Le conseil, actuellement constitué du chef et du conseil de bande, compte sept membres.

[231] Confrontée au risque que le stoney disparaisse, l'école s'attend également des enseignants à ce qu'ils emploient cette langue. L'école compte deux professeurs de langue, dont un artiste. Ils essaient d'amener les enseignants à intégrer le stoney aux exposés et aux travaux artistiques.

[232] Les enseignants non autochtones représentent l'écrasante majorité du corps professoral et aucun d'eux ne vit dans la réserve. À l'heure actuelle, l'école compte seulement un enseignant du primaire issu des Premières Nations, en première année, employé depuis longtemps. Mme Letendre est originaire des États-Unis, mais elle est mariée avec un membre de la bande.

[233] Les responsables de l'école avaient remarqué que les élèves éprouvaient des difficultés en lecture et en rédaction et ont donc insisté sur l'enseignement de l'anglais en huitième année. Le taux d'abandon est très élevé vers les âges de 12 et 13 ans.

[234] Avant l'établissement de l'école, les enfants fréquentaient Onaway, école publique située près de la réserve, mais un seul élève parvenait à obtenir son diplôme de fin d'études tous les quatre à cinq ans. Le conseil a donc décidé de prendre en main l'éducation des enfants des membres de la bande. Au départ, l'école assurait les classes de la première à la neuvième année, mais a finalement pris de l'expansion et a offert toutes les classes. Pendant l'année en cours, douze élèves ont été diplômés, quatre vivant dans la réserve et huit en dehors. En majorité, les diplômés continuent leurs études, mais ils doivent généralement obtenir un diplôme collégial pour être admissibles à l'université. Une ancienne élève a obtenu un baccalauréat en éducation.

[235] Lors de son interrogatoire principal, Mme Letendre a longuement témoigné au sujet de la façon dont l'école était financée ainsi que des considérations et contraintes d'ordre budgétaire. Le gouvernement donne à l'administration scolaire un montant fixe par élève, peu importe l'école fréquentée. Les fonds visent aussi bien les enfants qui vont à Onaway que ceux qui fréquentent l'école. Les paiements effectués à l'enseignement à l'extérieur consomment une grande partie du budget de l'école.

[236] Mme Letendre a confirmé qu'elle était un des trois membres du comité d'embauche des nouveaux enseignants, dont les recommandations sont généralement adoptées par le conseil (le chef et le conseil de bande). Le directeur reçoit d'abord les CV et les candidatures et les trie à la lumière de l'expérience que les candidats ont des Premières Nations. L'école ne veut pas engager d'enseignants cherchant juste un emploi, n'ayant pas d'intérêt pour les Premières Nations et n'étant pas prêts à s'investir.

[237] Du fait des contraintes budgétaires, les enseignants de l'école sont bien payés au début, mais relativement moins bien au fil du temps. De nombreux enseignants disent qu'ils n'enseignent pas forcément pour l'argent, mais parce qu'ils aiment la communauté, vivante et accueillante. Quelques enseignants se voient attribuer des noms, comme M. Wolf, appelé Shitosia ou loup, en reconnaissance de son intérêt particulier pour la communauté.

[238] Après le premier tri du directeur, les enseignants potentiels passent une entrevue. On leur dit alors de faire absolument tout ce qui leur est possible pour en apprendre davantage au sujet de la culture, de l'histoire et des coutumes de la bande des Nakota d'Alexis afin de convaincre les élèves qu'ils s'inscrivent dans une culture attrayante.

[239] Mme Letendre a dit que l'école sélectionnait ses enseignants avec soin et avait un fort taux de rétention du personnel. La continuité et la communauté sont très importantes et le conseil a le dernier mot.

[240] Une fois les offres faites et acceptées, Mme Letendre prépare les contrats d'embauche. Elle a d'abord dit que l'école n'offrait jamais de contrats à long terme, vu que certains enseignants pouvaient n'être là que pour le salaire et non pour aider les enfants. Toutefois, ses déclarations entrent en contradiction avec le rapport de recommandations du 11 mai 2006, le témoignage de M. Svetkla et les déclarations aussi bien de Mme Gilmar que de M. Kolb.

[241] Par la suite, Mme Letendre a convenu qu'au cours des dernières années, l'école avait commencé à offrir aux enseignants des contrats de trois ans si leur travail donnait pleine et entière satisfaction, ou d'un an supplémentaire s'ils ne travaillaient pas si bien.

[242] Les nouvelles offres d'emploi ou le maintien en poste s'appuient sur les recommandations du directeur faites à la fin de chaque année, lequel est censé se fonder sur l'ensemble des résultats de l'année. Cette évaluation est généralement effectuée au plus tard le 30 avril, mais peut être faite en mai pour cause d'horaires chargés.

[243] Idéalement, les nouvelles offres d'emploi ou de maintien en poste sont faites au plus tard à la fin mai. Normalement, l'enseignant reçoit l'offre sous forme de lettre et son contrat par la suite, en septembre. Habituellement, les contrats d'enseignement visent la période allant de septembre à juin, mais sont offerts pour 12 mois.

[244] Mme Letendre a dit que le second contrat de Mme Gilmar avait pris fin le 31 janvier parce qu'elle ne travaillerait plus après, du fait de son départ en congé de maternité, ce que le premier RE reflétait aussi. Mme Gilmar a reçu un second RE parce que son contrat n'a pas été renouvelé.

[245] Au cours de la première entrevue, M. Kolb a demandé à Mme Gilmar comment elle intéresserait les enfants des Premières Nations à apprendre. Elle semblait certaine de pouvoir les aider et avait une bonne compréhension de la culture des Premières Nations. Elle n'était pas la favorite, mais leur premier choix a refusé le poste. N'étant pas au fait des qualités d'enseignante de Mme Gilmar, Mme Letendre s'est fiée à l'évaluation préalable de M. Kolb.

[246] Mme Letendre a ajouté que Mme Gilmar avait alors été prévenue qu'elle recevrait un contrat d'un an et que l'école ferait des évaluations pendant l'année en vue de décider si on pouvait lui offrir un contrat de longue durée. Mme Letendre a affirmé qu'on lui a ensuite offert un nouveau contrat d'un an afin de voir s'il conviendrait de lui donner un contrat de plus longue durée par la suite.

[247] Pendant l'année scolaire 2004-2005, les échanges de Mme Letendre et de Mme Gilmar se sont limités à l'orientation de la rentrée, au concert de Noël et à quelques activités scolaires. Il fallait respecter le protocole et sa connaissance de Mme Gilmar se limitait plus ou moins à ce qu'elle apprenait de M. Kolb, en tant que directeur. Elle a confirmé la teneur du guide des politiques de l'école, l'organigramme attestant qu'elle n'avait pas à traiter directement avec Mme Gilmar.

[248] Pour ce qui est des pratiques courantes, Mme Letendre a déclaré que les contrats étaient habituellement donnés aux enseignants en septembre, après la rentrée. Ceux-ci reçoivent dix mois de salaire sur une période de 12 mois.

[249] En ce qui a trait aux évaluations, le directeur les préparait et elle en recevait copie. Habituellement, le directeur lui signalait les questions posant des problèmes et l'informait de la manière dont il comptait les aborder avec les enseignants concernés.

[250] Au sujet de Mme Gilmar en particulier, Mme Letendre se rappelait que M. Kolb lui avait demandé d'intégrer davantage de contenu relatif aux Premières Nations à ses cours, qu'elle lui avait elle-même parlé de la nécessité de respecter l'autorité de M. Kolb et aussi du fait qu'elle manquait à son obligation contractuelle de consacrer 100 heures à des activités parascolaires, en sus de son horaire de travail de 9 h à 16 h. Elle a cru que Mme Gilmar refusait de se plier à ces attentes. On s'attendait à ce qu'elle participe aux activités communautaires comme les pow-wow ou la danse ancestrale de la pluie afin de se rapprocher de l'ensemble de la communauté et non aux seules activités scolaires tenues en dehors des heures de classe. Elle a déclaré qu'il était bon que les élèves voient leurs enseignants s'intéresser ainsi à la communauté.

[251] Quand on lui a demandé si elle avait vu Mme Gilmar assister à certaines activités, Mme Letendre a déclaré qu'elle ne pensait pas que celle-ci s'en souciait. Elle a même affirmé avoir eu l'impression que Mme Gilmar [traduction] méprisait la communauté.

[252] Mme Letendre a déclaré avoir eu l'impression que Mme Gilmar mettait constamment M. Kolb dans une position difficile, mais que celui-ci voulait l'aider à aller de l'avant et lui avait offert un second contrat. Mme Letendre a affirmé qu'à la lumière de la recommandation de M. Kolb, le conseil avait décidé de s'en remettre au jugement de celui-ci, un peu à contrecur. Toutefois, elle a déclaré que les membres du conseil n'avaient rien dit au sujet de Mme Gilmar.

[253] Mme Letendre a confirmé avoir mis fin au second contrat de Mme Gilmar plus tôt que prévu en raison de sa grossesse et que ce changement ne posait pas de problème étant donné que celle-ci partirait à la date fixée, ce que reflétait le RE. Mme Letendre a convenu que le nombre de mois d'enseignement à l'école était un critère quant à l'obtention d'un nouveau contrat. La politique de l'école en matière de congé de maternité est que l'enseignante doit s'adresser à l'assurance-emploi et qu'il n'y a pas de [traduction] supplément.

[254] Se remémorant la conversation qu'elle avait eue avec Mme Gilmar quand celle-ci avait abordé la question du changement de date dans le contrat, Mme Letendre a confirmé avoir répondu qu'étant donné que Mme Gilmar ne travaillerait à l'école que jusqu'au 31 janvier, elle ne voyait pas pourquoi le contrat irait au-delà de cette date.

[255] En ce qui concerne la politique générale au sujet des contrats d'enseignement, Mme Letendre a déclaré qu'elle ne se rappelait pas qu'une enseignante soit jamais partie en congé de maternité pendant un contrat de longue durée et soit revenue avant la fin dudit contrat. Elle a mentionné plusieurs enseignantes qui avaient pris des congés de maternité et à qui on avait offert de nouveaux contrats quand elles avaient postulé de nouveau.

[256] Au sujet des contrats de longue durée, Mme Letendre a déclaré qu'un enseignant employé en vertu d'un contrat de trois ans verrait son contrat renouvelé sur recommandation du directeur et du fait d'une relation de longue durée assortie d'une bonne attitude à l'égard du travail.

[257] Dans le cas particulier de Mme Gilmar, Mme Letendre a déclaré qu'en l'informant de ses intentions, celle-ci lui avait dit qu'elle reviendrait travailler et que c'était son mari qui prendrait un congé parental. Elle avait renvoyé Mme Gilmar à M. Kolb; la décision qui avait été prise par la suite était fondée sur la recommandation de M. Kolb de ne pas réengager Mme Gilmar.

[258] Mme Lentendre a déclaré qu'à l'époque où la décision de ne pas réengager Mme Gilmar avait été prise, l'école connaissait ses besoins en personnel pour l'année suivante et savait que des postes devraient être comblés.

[259] Mme Letendre a souligné le fait que le conseil faisait toute confiance au directeur, vu que ses membres ne participent pas aux opérations quotidiennes de l'école. Toutes les informations concernant les enseignants proviennent généralement du directeur.

[260] Mme Letendre se rappelait que Mme Gilmar l'avait contactée pour lui dire qu'elle souhaitait revenir travailler et qu'elle avait été surprise parce que [traduction] la plupart des mères veulent rester à la maison avec leur bébé. Elle a ajouté [traduction] : en tant que membre de la communauté des Premières Nations, c'est comme ça que je vois les choses. Ayant pris connaissance de la demande de Mme Gilmar, Mme Letendre l'a renvoyée à M. Kolb, qui était la personne chargée de ce genre de décisions.

[261] Mme Letendre ne s'occupait pas de la publication des offres d'emplois et du recrutement des enseignants, mais elle était au courant des activités du directeur à cet égard.

[262] Quand on lui a demandé pourquoi elle avait donné un second RE à Mme Gilmar, Mme Letendre a répondu qu'il lui semblait que l'école avait une responsabilité à l'égard de celle-ci jusqu'à la fin août 2006, en dépit du fait qu'elle avait changé la date d'échéance du contrat afin qu'elle corresponde à celle du départ de Mme Gilmar à la fin janvier. Vu que le contrat de Mme Gilmar n'avait pas été renouvelé et considérant que la période de responsabilité avait pris fin, elle a pensé lui donner un nouveau RE, modifié.

[263] Mme Letendre a confirmé que l'école avait embauché cinq nouveaux enseignants pour l'année scolaire 2006-2007, pour la maternelle, la sixième et la neuvième année, la fin du secondaire et le programme d'éducation spécialisée hors école et que la candidature de Mme Gilmar n'avait été prise en considération pour aucun de ces postes parce qu'elle n'avait pas les aptitudes.

[264] Mme Letendre a déclaré que l'école voulait, dans un tel contexte, engager des enseignants capables d'aider les enfants, non enclins à se rendre chez le superviseur pour tout et pour rien. Elle a dit qu'il fallait vouloir travailler avec les enfants des Premières Nations si l'on voulait les aider à se développer, sous-entendant clairement que ce n'était pas le cas de Mme Gilmar. Elle a ajouté que l'école lui avait donné sa chance, mais qu'elle ne voyait aucune raison de lui offrir un nouveau contrat.

[265] Mme Letendre a déclaré que la plupart des informations concernant le manque d'aptitudes de Mme Gilmar venait du directeur, de ses collègues (non identifiés) et des aînés (non identifiés). Elle a déclaré qu'elle en avait déduit que Mme Gilmar n'aimait pas enseigner aux enfants de la communauté des Nakota d'Alexis. Elle a affirmé que c'est ce qu'avaient observé ces aînés non identifiés : Mme Gilmar semblait ne pas apprécier assister aux activités communautaires.

[266] Quand on lui a demandé si des parents venaient se plaindre à elle, Mme Letendre a affirmé que cela arrivait, mais qu'elle essayait de protéger le personnel et qu'elle en avisait alors M. Kolb en lui demandant d'arranger les choses. Elle a affirmé que parfois, les parents [traduction] ne pouvaient s'exprimer en termes courtois et qu'elle communiquait l'information par l'entremise de M. Kolb. Elle ne se rappelait d'aucune plainte impliquant directement Mme Gilmar.

[267] En ce qui concerne le processus d'obtention du brevet permanent d'enseignement, Mme Letendre a confirmé que quand un enseignant demandait le soutien de l'école, un évaluateur indépendant était recruté et que c'était l'école qui payait la dépense de 1500 $ à 2000 $. De telles demandes émanent des enseignants, par l'intermédiaire de M. Kolb, et c'est ensuite elle qui contacte l'évaluateur. Elle ne se rappelle pas que Mme Gilmar ait formulé une telle demande.

[268] Interrogée au sujet de Mme Jones, Mme Letendre a dit que celle-ci avait vécu dans la réserve pendant plus de 20 ans quand ses enfants, membres de la bande, étaient jeunes, mais que ce n'était plus le cas depuis qu'elle s'était séparée de son mari. Mme Jones n'habitait pas dans la réserve quand elle a enseigné pendant la période en cause. Mme Letendre connaît la communauté dans laquelle Mme Jones vit actuellement, vu qu'elle ne se trouve pas très loin de celle des Nakota d'Alexis.

[269] Quand on lui a demandé si elle était au fait des mesures ordonnées par le Tribunal dans le cadre de l'instance et des conférences téléphoniques, elle a répondu que oui. Elle savait que le Tribunal avait ordonné la production des documents relatifs à l'embauche et au travail de Mme Jones ainsi que son dossier personnel, mais elle n'a pas cédé parce qu'il lui semblait qu'il s'agissait de renseignements personnels et qu'elle devait d'abord obtenir l'autorisation de Mme Jones. Toutefois, au début, elle n'avait pas son numéro de téléphone et ne savait pas comment la joindre. Quand elle a obtenu le numéro de cellulaire de Mme Jones, celle-ci ne l'a pas rappelée.

[270] Quand elle a pris connaissance de la décision du Tribunal, qui avait d'abord été signifiée à M. Kolb, Mme Letendre est allée chercher le dossier personnel de Mme Jones, mais il était introuvable. Elle n'a pu trouver que ses contrats de travail et ses évaluations.

[271] Mme Letendre a alors déclaré avoir rencontré Mme Jones par hasard le lundi précédent, à Glenevis, une localité voisine, et lui avoir demandé si elle pouvait lui fournir son dossier personnel, ce à quoi Mme Jones a consenti. Mme Letendre a prétendu que Mme Jones lui avait dit avoir demandé à M. Kolb tous les documents la concernant quand elle a quitté l'école et qu'il n'a pas gardé de copies. Après cette rencontre fortuite, Mme Jones est rentrée chez elle et a rapporté une copie des documents à l'école, les laissant dans le bureau de Mme Letendre. Elle a également laissé une note donnant son numéro de cellulaire.

[272] Mme Letendre a affirmé avoir dit à Mme Jones qu'elle avait besoin de ses renseignements personnels, de ses antécédents scolaires, d'informations relatives à l'obtention de son brevet, etc. en raison d'une plainte déposée à l'encontre du conseil par une autre enseignante, ajoutant qu'on avait l'impression que Mme Jones n'était pas agréée ou qualifiée pour le poste qu'elle avait occupé. Elle a déclaré que Mme Jones avait été déconcertée, ne comprenant pas pourquoi ses renseignements personnels et professionnels étaient pertinents. Elle a dit que Mme Jones l'avait appelée pour se plaindre du fait que l'avocate de Mme Gilmar l'avait alors contactée et qu'elle voyait cela comme du harcèlement. Mme Jones a rappelé Mme Letendre, lui disant qu'elle coopérerait avec le Tribunal en fournissant son dossier au complet. Mme Letendre n'a pas dit à Mme Jones que l'avocate de Mme Gilmar l'avait citée à comparaître, ni qu'elle devait assister à la présente audience.

[273] Lors du contre-interrogatoire, Mme Letendre a confirmé que c'était M. Kolb et non pas elle qui interagissait avec les enseignants et que celui-ci venait la voir s'il se trouvait face à une question outrepassant sa compétence. Le bureau de Mme Letendre se trouve en face de l'école et elle ne se rend jamais dans les salles de classe. L'information dont elle dispose au sujet des enseignants lui vient exclusivement de M. Kolb.

[274] Mme Letendre est notamment chargée de décider à quels enseignants on peut faire confiance pour s'occuper des enfants des Premières Nations.

[275] Mme Letendre a déclaré ne pas avoir pris de notes sur les faits relatifs à la plainte de Mme Gilmar et avoir déjà produit tous les documents qu'elle possédait.

[276] La communauté des Nakota d'Alexis compte environ 800 personnes. Habituellement, environ de 80 à 90 personnes prennent part aux activités communautaires. Lors des fêtes cérémonielles, de 100 à 200 personnes sont présentes et environ 150 lors des cérémonies de remise de diplômes. Mme Letendre ne pouvait pas toujours y assister du fait de son horaire chargé.

[277] Mme Letendre assiste à la messe de Noël et aux cérémonies de remise des diplômes chaque année et elle a confirmé que Mme Gilmar avait assisté à la messe de Noël les deux années où elle avait travaillé à l'école, mais elle ne se rappelait pas si elle était présente aux cérémonies de remise des diplômes. Elle a dit qu'il se pouvait qu'elle n'ait pas vu Mme Gilmar en diverses occasions. Elle se rappelait que celle-ci avait participé à la marche de l'Action de grâce en mémoire des membres de la communauté décédés des suites d'abus d'alcool et de drogues. Elle ne se rappelait pas que Mme Gilmar eût assisté le professeur de musique à la messe de Noël.

[278] Mme Letendre n'était pas au courant du fait que Mme Gilmar avait mis sur pied et développé un club de course, pas plus que du rôle actif qu'elle avait joué dans la compétition de cross-country entre Premières Nations, comme M. Kolb l'a souligné dans sa lettre de recommandation. En fait, Mme Letendre a mis en doute jusqu'à l'existence du club de course, affirmant que s'il avait existé, elle n'était pas certaine que Mme Gilmar l'ait dirigé. Elle ne savait pas non plus que celle-ci avait participé à un tirage au sort, seulement qu'un enseignant issu des Premières Nations en était responsable depuis longtemps. Elle a minimisé les fêtes et les activités auxquels elle savait que Mme Gilmar avait pris part.

[279] Mme Letendre a admis ne pas connaître l'étendue des activités auxquelles Mme Gilmar avait participé, pas plus que l'ampleur des efforts que celle-ci avait fournis afin d'intégrer des éléments de la culture des Premières Nations à son enseignement. M. Kolb ne l'a pas informée des diverses initiatives de Mme Gilmar à cet égard et Mme Letendre n'était généralement pas au courant des modalités de l'enseignement au quotidien. Le professeur de langues des Premières Nations ne lui a pas dit que Mme Gilmar prenait des cours de langue stoney.

[280] Mme Letendre a appris avec beaucoup de réticence que Mme Gilmar avait de fait intégré des éléments de la culture des Premières Nations à son enseignement, insinuant que M. Kolb l'aurait mentionné dans ses évaluations et que, comme il ne l'avait pas fait, elle n'y croyait pas.

[281] Mme Letendre a admis qu'un enseignant agissant de cette manière pourrait avoir les qualités requises pour travailler à l'école, mais que pour convenir parfaitement, il devrait travailler avec son cur. Elle a admis que le fait d'intégrer des éléments de la culture des Premières Nations à l'enseignement en classe serait une composante d'une bonne évaluation. Un enseignant qui adopterait sincèrement la culture serait un enseignant exceptionnel.

[282] Pour ce qui est du CV de Mme Gilmar et de sa candidature initiale, Mme Letendre a minimisé l'expérience que celle-ci avait acquise auprès des Premières Nations. Elle a refusé de corroborer les propos positifs qui avaient été tenus sur le comportement et les aptitudes de Mme Gilmar.

[283] Mme Letendre se rappelait à peine que Mme Gilmar ait formulé l'intention de revenir enseigner en septembre 2006, sa visite à l'école avec son bébé alors qu'elle était en congé de maternité ou son courriel et sa lettre d'intention d'avril 2006. Quand on lui a demandé avec insistance si elle avait reçu ce courriel en avril, Mme Letendre a répondu que non, laissant entendre que cela pouvait s'expliquer par le fait qu'à l'époque, l'accès à Internet de son bureau avait été affecté par un virus et que sa boîte de courrier était pleine.

[284] Mme Letendre ne se rappelait pas vraiment avoir lu la réponse que M. Kolb avait envoyée par courriel le 2 mai 2006, pas plus que la lettre de recommandation qu'il avait fournie à Mme Gilmar et elle ne se rappelait pas non plus que Mme Gilmar ait dit depuis le début de l'année scolaire qu'elle souhaitait revenir travailler en septembre. Elle a ouvertement remis en question les raisons pour lesquelles une mère voudrait retourner travailler avant que son bébé ait un an, affirmant que ce n'était pas à son goût. Dans son rapport du 11 mai 2006, M. Kolb n'a pas recommandé que Mme Gilmar obtienne un nouveau contrat; à la suite de cela, lorsque Mme Glimar l'a appelée afin de discuter de la situation, Mme Letendre lui a dit de s'adresser à M. Kolb.

[285] Mme Letendre a nié que la plainte déposée par Mme Gilmar en vertu du Code canadien du travail l'ait poussée à émettre le second RE, mais elle l'a effectivement fait après avoir entendu parler de la plainte. Le conseil a adopté la position selon laquelle le contrat de Mme Gilmar avait expiré, affirmant que c'était son droit de ne pas le renouveler.

[286] Mme Letendre a déclaré ne pas se souvenir de conversations téléphoniques qu'elle aurait eues avec Mme Gilmar aux alentours du mois de mai et de la mi-juillet 2006, tout en niant par ailleurs lui avoir dit certaines choses. Elle a admis avoir changé la durée du contrat de Mme Gilmar parce que celle-ci était enceinte.

[287] Mme Letendre a confirmé qu'elle s'attendait à ce que le directeur traite et évalue les enseignants en toute équité et qu'elle s'attendrait à ce qu'il fasse part de ses réserves à ceux-ci. Quand on lui a fait part des déclarations de M. Kolb voulant qu'il n'ait pas fait part de ses réserves à Mme Gilmar, Mme Letendre a convenu que ce n'était pas juste. Elle a ajouté que si M. Kolb avait soumis un bon rapport et qu'elle avait vu Mme Gilmar s'intégrer à la communauté, elle lui aurait demandé de revenir enseigner à l'école.

[288] Pour l'essentiel, Mme Letendre a affirmé avoir entendu des aînés à l'école dire de Mme Gilmar, pendant sa première année de travail, qu'elle ne convenait pas vraiment et qu'elle semblait ne pas se plaire à son travail. Quand on lui a demandé d'identifier ces aînés ou de donner des détails, elle a refusé ou en a été incapable.

[289] Du fait de l'insistance de Mme Letendre sur les commentaires négatifs formulés par les aînés et les parents de la communauté à l'endroit de Mme Gilmar, le Tribunal a demandé à Mme Letendre d'apporter à l'audience les notes qu'elle avait prises au sujet de ces plaintes, notes qu'elle prétendait garder dans son bureau. On lui a donné jusqu'au lendemain pour les trouver; or, le lendemain, elle a déclaré qu'elle ne les avait pas et ne parvenait pas à se rappeler les noms de ces personnes ni quelque commentaire ou objection précis que ce soit formulé au sujet de Mme Gilmar.

[290] Mme Letendre était au courant des difficultés d'ordre comportemental d'une élève de la classe de Mme Gilmar et du fait qu'il s'agissait d'une enfant particulièrement difficile. Mme Letendre avait eu des conversations avec le père de l'élève, qui lui avait expliqué que sa fille avait des problèmes et qu'elle entretenait une relation avec un garçon/homme plus âgé. Mme Letendre a souligné que ce père n'était pas venu pour soutenir sa fille, juste pour expliquer sa conduite.

[291] Mme Letendre n'a pas voulu démordre de l'opinion qu'elle s'était faite selon laquelle Mme Gilmar ne respectait pas la communauté des Nakota d'Alexis. Il lui semblait que son désir ardent d'enseigner à l'école venait probablement de la crainte qu'elle ne pourrait pas enseigner ailleurs et non d'un intérêt réel pour les élèves de l'école.

C. Le témoignage de Georgeann Jones

[292] Georgeann Jones est l'enseignante qui avait remplacé occasionnellement Mme Gilmar, à la suggestion de M. Kolb, pendant la grossesse de cette dernière, et qui s'était ensuite occupée de sa classe de sixième année quand elle était partie en congé de maternité, de février à juin 2006. Mme Jones a alors été engagée pour enseigner en sixième année pendant l'année scolaire suivante, de septembre 2006 à juin 2007.

[293] Mme Jones a suivi une formation similaire à celle de Mme Gilmar, à la différence près qu'elle a à son crédit six cours de plus portant sur des questions autochtones. Toutefois, elle n'avait pas travaillé depuis plusieurs années. Elle avait enseigné de nombreuses années auparavant, et quand ses enfants étaient nés, elle avait exploité une entreprise à domicile pendant qu'elle élevait ses deux enfants. La candidature qu'elle avait posée à l'école visait un poste d'enseignante de troisième année et s'inscrivait dans sa tentative de réintégration du monde de l'enseignement.

[294] Mme Jones a déclaré que le statut de Mme Gilmar n'avait jamais été discuté avec elle. De février à juin 2006, elle n'avait pas de contrat, étant donné qu'elle était considérée comme étant une suppléante. Elle n'était pas responsable de la planification par exemple et elle aurait pu être remplacée.

[295] En 2006, à la fin de l'année scolaire, M. Kolb lui a appris qu'il recommanderait qu'elle obtienne un nouveau contrat, mais il lui a clairement dit que la décision finale appartenait au conseil de bande. Il lui a dit qu'on la recontacterait si un poste était disponible.

[296] Mme Jones a été contactée à la fin août/début septembre 2006 pour occuper de nouveau le poste d'enseignante de sixième année (avec un nouveau groupe d'élèves) après que l'ancienne enseignante de cinquième année, alors chargée de la classe de sixième année, eut quitté l'école pour tenter de devenir membre du conseil de bande. Il est impossible d'occuper un emploi tout en siégeant au conseil de bande.

[297] Mme Jones a déclaré avoir participé à de nombreuses activités communautaires, dont elle a dressé la liste, et entretenir des liens avec la bande, pas avec la communauté dans son ensemble, mais avec certains de ses membres.

[298] Mme Jones a confirmé que Mme Letendre avait essayé de la joindre, mais on lui avait dit que c'était au sujet d'un futur emploi, et vu qu'elle n'était pas intéressée, elle ne l'a pas rappelée. Mme Letendre ne l'avait pas appelée directement et n'avait pas son numéro. Elles communiquaient par l'entremise de connaissances communes.

[299] Mme Jones a aussi confirmé avoir rencontré Mme Letendre par hasard, comme celle-ci l'a déclaré, le lundi ou le mardi de la semaine de l'audience, autrement dit le 8 ou le 9 juin. Aucune des deux n'a semblé se souvenir du jour exact. Mme Jones a corroboré qu'elles s'étaient bien croisées à l'endroit dont Mme Letendre a parlé et a confirmé la teneur de la demande de celle-ci.

[300] Mme Jones a également affirmé ne pas avoir emporté son dossier personnel au moment de quitter l'école, mais en avoir demandé copie à l'employé de bureau, qui la lui a fournie. Elle procède toujours ainsi quand elle quitte un emploi.

[301] Mme Jones a confirmé que la classe à laquelle elle a enseigné pendant l'année scolaire 2006-2007 comptait quatre élèves difficiles. Ils étaient extrêmement dissipés pendant la classe et leur faculté de concentration était faible. Elle a affirmé qu'à la fin de l'année, M. Kolb lui avait demandé si elle voulait revenir travailler, mais qu'il ne lui avait pas offert de nouveau contrat.

[302] Au sujet de son dossier, Mme Jones a confirmé que Mme Letendre lui avait dit que l'école avait perdu son dossier, lui demandant de lui apporter une copie en vue d'un poste bientôt disponible. Mme Letendre lui a également demandé d'apporter des copies de ses diplômes aux fins d'une plainte à laquelle l'école faisait face. Elle n'a entendu parler de la présente instance que le mardi 9 juin, jour où on lui a demandé de comparaître.

[303] Mme Jones a affirmé avoir obtenu son baccalauréat ès arts (B.A.), son baccalauréat en éducation (B.Ed.) et un certificat constitué de cours qu'elle a suivis sur une période de six ans. Ces cours, donnés par la faculté d'éducation, portaient notamment sur les autochtones, l'enseignement de l'anglais comme langue seconde et la psychologie des enfants défavorisés.

[304] En 2005, elle a passé une entrevue à l'école en vue d'un poste d'enseignante de troisième année et s'est renseignée au sujet des postes de suppléant. On lui a dit que l'école cherchait un suppléant en sixième année parce que l'enseignante partait en congé de maternité. Après qu'elle eut commencé à enseigner, personne ne lui a parlé de Mme Gilmar.

[305] Mme Jones a confirmé que pendant le semestre où elle a remplacé Mme Gilmar, la classe était structurée et organisée. Les plans de cours étaient définis pour le reste de l'année. Certains manuels d'enseignement avaient disparu de la classe, mais Mme Jones a qualifié cette situation d'habituelle. Elle a reconnu que Mme Gilmar avait bien organisé et tenu sa classe. Elle a souligné que celle-ci voulait encourager les élèves à faire preuve d'ambition et d'initiative. Les suppléants ne planifient aucun cours et elle avait par ailleurs compris pendant toute la suppléance qu'il ne s'agissait pas d'un poste permanent.

[306] Les enfants de Mme Jones sont membres de plein droit de la bande et elle a ainsi conservé certains liens avec la communauté au fil des années.

VI. ANALYSE ET CONCLUSION

[307] Comme je l'ai déjà mentionné, la plaignante ayant établi une preuve de discrimination prima facie, c'est à l'intimé qu'incombe dès lors le fardeau de la preuve. La Cour fédérale a récemment donné la définition d'une preuve prima facie de discrimination dans la décision Vilven c. Air Canada, 2009 CF 367, au paragraphe 34, où elle a déclaré :

Selon la Cour suprême, une preuve prima facie de discrimination est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence de réplique raisonnable de la part de l'intimé. Une fois que la preuve prima facie de discrimination a été établie par un plaignant, c'est alors à l'intimé qu'il incombe de fournir une explication raisonnable.

[308] Pour conclure sa plaidoirie, l'avocate de l'intimé s'est essentiellement appuyée sur les dispositions du second contrat, abrégé, de Mme Gilmar. Elle a souligné que même si elle l'avait remis en question, Mme Gilmar l'avait signé. L'avocate de l'intimé n'a fourni aucune réponse aux arguments portant sur l'organisation et sur la nature de la plainte.

[309] En ce qui concerne les critères, l'avocate de l'intimé a fait valoir qu'il n'était pas tant question de la compétence de Mme Gilmar, qu'elle reconnaît, que du fait que Mme Jones n'avait pas été réellement engagée pour la remplacer, vu que le contrat de Mme Gilmar (le second) avait pris fin. Elle a ajouté que nonobstant toute conclusion à ce sujet, Mme Jones était plus qualifiée que Mme Gilmar, compte tenu de son certificat en éducation interculturelle.

[310] L'avocate de l'intimé a prétendu que son client n'avait pas réengagé Mme Gilmar pour des raisons d'aptitude et de compatibilité essentiellement. Elle a soutenu que l'employeur avait toujours le droit, exercé à titre de prérogative, de juger de qui était apte et compatible. Elle n'a pas abordé la question du refus de considérer la candidature de Mme Gilmar pour les cinq postes qui ont été comblés pendant l'année scolaire 2006-2007.

[311] L'avocate de l'intimé n'a pas non plus abordé la non-communication à Mme Gilmar de critiques au sujet son travail, pas plus que la question de la remise de deux RE. L'argument de la contrainte excessive n'a pas été avancé.

[312] L'avocate de l'intimé a convenu que, dans le cas où elle aurait gain de cause, les demandes présentées par Mme Gilmar, soit les pertes de salaire subies antérieurement (compensées par le salaire gagné), les honoraires d'avocat et les pertes de salaire découlant de sa présence à l'audience, étaient toutes raisonnables. Elle a fait valoir que l'indemnité pour préjudice moral et l'indemnité spéciale demandées par Mme Gilmar du fait de la conduite de l'intimé ne devraient pas être calculées sur la base de l'échelon supérieur de la fourchette, étant donné que la plaignante n'a pas établi que de telles indemnités se justifiaient.

[313] À la lumière de l'ensemble de la preuve présentée à l'audience, il est clair que le conseil n'a pas de politiques concrètes en matière de congés de maternité et qu'il n'a consacré aucun effort à en instaurer. J'ai trouvé que Mme Letendre, qui a déposé au nom du conseil, s'est montrée hostile à la procédure et a dépassé la mesure en condamnant personnellement Mme Gilmar sans par ailleurs produire de notes ou donner de précisions et de détails le justifiant. Elle a admis à plusieurs reprises qu'elle n'était pas en position de formuler des observations personnelles au sujet du travail de Mme Gilmar, mais elle s'est pourtant forgée une très mauvaise opinion à son égard.

[314] Tout au long de son témoignage, M. Kolb a oscillé entre essayer de paraître juste et objectif à l'égard du travail et des aptitudes de Mme Gilmar en tant qu'enseignante et vouloir être au diapason du conseil et de ses décisions finales. Son influence sur les conditions d'embauche, le maintien en poste et le fait de ne pas renouveler le contrat des enseignants est certaine et largement incontestée. Néanmoins, M. Kolb tenait clairement à être en accord avec le conseil et le comité d'embauche, Mme Letendre faisant partie des deux.

[315] La principale critique que M. Kolb a fini par formuler à l'endroit de Mme Gilmar, reprise par Mme Letendre, était qu'elle gérait mal sa classe. Cette critique a semblé reposer sur les difficultés que Mme Gilmar a connues avec une élève en particulier, dont les parents étaient membres du conseil de bande et qui n'hésitait pas à user d'un langage vulgaire et à menacer Mme Gilmar de représailles de la part de sa famille.

[316] M. Kolb et Mme Letendre étaient tous deux au courant des problèmes de comportement de cette élève et aucun d'eux n'a été capable de la maîtriser en dépit de leurs efforts directs. La critique formulée à l'égard de Mme Gilmar était donc injuste, mettant inutilement en doute ses aptitudes d'enseignante.

[317] Le rapport de M. Kolb daté du 11 mai 2006 tout comme son témoignage à l'audience portaient aussi sur le manque d'énergie de Mme Gilmar pendant sa seconde année d'enseignement, alors qu'elle était enceinte, et sur le fait qu'elle assistait à moins d'activités communautaires, même s'il a déclaré que cela ne le surprenait pas de par sa grossesse et le long trajet qu'elle avait à faire tous les jours pour venir travailler et rentrer chez elle. Je suis d'avis que ces raisons ne sont que des prétextes et qu'elles ne reposent pas sur de vraies observations ou évaluations, mais sur des motifs inconnus ou non précisés. M. Kolb a profité de la grossesse de Mme Gilmar et je conclus que c'est délibérément qu'il ne l'a pas évaluée pendant son dernier semestre à l'école et qu'il l'a dissuadée d'entreprendre le processus menant à l'obtention de son brevet, en prenant le prétexte commode de sa grossesse et du stress additionnel que cela lui causerait.

[318] La principale critique que Mme Letendre a formulée à l'endroit de Mme Gilmar, tout en admettant qu'elle n'avait aucune connaissance directe de ses qualités, de ses méthodes ou de son comportement en tant qu'enseignante, était qu'elle méprisait la communauté et qu'elle ne voulait pas y travailler. C'est l'argument de l'aptitude et de la compatibilité invoqué par l'avocate de l'intimé. La LCDP ne prévoit aucune exception pour des motifs d'aptitude et de compatibilité. Encore une fois, hors de tout contexte et vu l'incapacité totale de Mme Letendre à fournir des détails, je conclus que l'opinion qu'elle s'est forgée de Mme Gilmar venait directement de l'état de grossesse de celle-ci et de son incapacité, pendant la brève période allant de septembre 2005 à janvier 2006, d'être aussi physiquement active et présente qu'avant. De plus, Mme Letendre a semblé nourrir un ressentiment personnel à l'égard de la manière dont Mme Gilmar concevait sa grossesse et la manière de s'occuper de son bébé.

[319] Mme Letendre a été incapable de donner des détails, n'a pu faire part d'aucune observation directe, n'a pas été en mesure d'identifier les aînés et les autres enseignants qui lui avaient apparemment fait part de leurs impressions et n'avait aucune note relative aux plaintes. Elle a déclaré n'avoir reçu aucune plainte de la part de parents.

[320] Mme Letendre était largement ignorante de la participation de Mme Gilmar à la vie de la communauté, dépendant pour cela de M. Kolb. Le fait que celui-ci ne lui ait pas fait de commentaires à ce sujet l'a conduite à penser, faussement, que Mme Gilmar n'avait pas participé aux activités communautaires dans lesquelles elle s'était pourtant investie.

[321] Quand on a donné plusieurs exemples de cette participation à Mme Letendre, elle a minimisé la participation de Mme Gilmar en disant que l'activité avait été organisée par quelqu'un d'autre, qu'elle avait eu lieu pendant les heures de classe ou dans l'heure suivant immédiatement la classe, ou encore elle a affirmé qu'elle n'était pas du tout au courant, comme en ce qui concerne le club de course et le tournoi des Premières Nations. Je n'accepte pas la description que Mme Letendre a faite de Mme Gilmar, description qui n'avait aucun fondement. Bien qu'elle ait dit que le conseil suivait généralement les recommandations de M. Kolb, je conclus que le conseil exerçait également une influence sur celui-ci, que ce soit ouvertement ou en lui faisant comprendre ce que les membres du conseil voulaient. Je conclus que, quoique le rapport de M. Kolb daté du 11 mai 2006 semble avoir été rédigé en vue d'être présenté au conseil, il était déjà teinté par la position que le conseil avait adoptée à l'égard de Mme Gilmar.

[322] En ce qui concerne les contrats de travail offerts par le conseil, tous les enseignants commençaient avec un contrat d'un an. Certains se voyaient offrir des contrats d'un an la seconde année et par après. Les possibilités qu'une enseignante tombe enceinte, prenne un congé de maternité et revienne avant la fin de son contrat étaient minces. M. Kolb a affirmé que si une enseignante revenait d'un congé de maternité avant la fin de son contrat, elle serait réintégrée dans ses fonctions, mais cette affirmation était fallacieuse parce qu'un tel cas de figure était peu probable. Il ne pouvait se souvenir d'un seul cas semblable.

[323] Au sujet des offres d'emploi, la version de M. Kolb différait de celle de M. Svekla. Ce dernier a déclaré que la façon de faire avait changé au fil du temps où il avait enseigné à l'école, et que depuis, il est classique qu'un enseignant commence avec un contrat initial d'un an et se voie ensuite offrir un contrat de trois ans si l'école a l'intention de le garder.

[324] M. Kolb a déclaré que les contrats étaient généralement d'une durée d'un an, voire plus courts si les enseignants arrivaient en cours d'année, et qu'il y avait eu un groupe d'enseignants d'une certaine ancienneté qui s'étaient vu offrir des contrats de trois ans parce qu'il avait reconnu leur valeur et souhaitait qu'ils fassent carrière à l'école. Les contrats de trois ans visaient à encourager et à renforcer la loyauté.

[325] Le témoignage de M. Kolb est venu contredire la recommandation qu'il avait faite dans son rapport de recommandations au sujet des enseignants daté du 11 mai 2006, dans lequel il suggérait qu'un contrat de trois ans soit offert à un membre du personnel enseignant qui travaillait à l'école depuis un an.

[326] Il ressort clairement des témoignages qu'une politique de contrats de court terme visant à limiter les obligations du conseil envers le personnel enseignant en général était en vigueur à l'école. En forçant les enseignants à reposer leur candidature année après année, le conseil avait l'impression qu'il ne s'établissait pas de responsabilité envers eux. Il avait commencé à offrir quelques contrats de trois ans afin de nourrir un sentiment de loyauté chez ses enseignants. Or, la prérogative de l'école de dicter les conditions des contrats ne lui permet pas d'échapper à ses obligations en vertu de la LCDP. Je conclus que le conseil a agi de manière discriminatoire à l'égard de Mme Gilmar en raison de sa grossesse et de la façon dont elle la gérait. Son impatience à revenir travailler semble avoir en fait joué contre elle pour ce qui est de l'opinion que les responsables de l'école avaient d'elle. Le fait que Mme Gilmar ait enseigné moins longtemps au cours de la deuxième année, ajouté au fait qu'elle soit partie en congé de maternité, a donné à l'école l'occasion de mettre ses plans en uvre en faisant peu de cas de Mme Gilmar. M. Kolb a affirmé sans ambages que si elle n'avait pas été enceinte, elle aurait enseigné à l'école pendant toute l'année scolaire.

[327] Au fil du témoignage de M. Kolb, il est devenu évident qu'il avait fait preuve d'un manque de franchise sidérant à l'égard de Mme Gilmar du temps où elle enseignait à l'école, ou que ses critiques avaient été formulées après qu'elle eut quitté l'école, alors qu'il disposait d'une enseignante qu'il jugeait adéquate pour occuper son poste, ou après que cette affaire eut fait l'objet d'une plainte en vertu du Code canadien du travail, puis en matière de droits de la personne. Il a convenu que la procédure correcte consistait à faire part de ses réserves à l'enseignant concerné afin de lui permettre de réagir et il a admis qu'il ne l'avait pas fait.

[328] M. Kolb a déclaré que pendant tout le temps où Mme Gilmar avait enseigné à l'école, il n'avait pas consigné à son dossier les commentaires qu'il lui faisait oralement. Il a finalement admis ne jamais avoir directement fait part à Mme Gilmar du genre de réserves dont il a fait état dans le rapport interne qu'il a présenté à l'école le 11 mai 2006 ni de ceux qu'il a exprimés à l'audience. Plus particulièrement, il n'a pas discuté avec elle du contenu du rapport du 11 mai 2006. Je n'accepte pas ses déclarations voulant qu'il ait été trop occupé pour l'évaluer pendant sa seconde année d'enseignement. Je conclus que c'est délibérément qu'il n'a pas évalué Mme Gilmar, parce qu'elle était enceinte et aurait bientôt quitté l'école, ce qui permettrait à M. Kolb de régler son cas de la manière qu'il jugeait appropriée, sans qu'elle soit présente pour la remettre en question.

[329] Quand Mme Gilmar a demandé à M. Kolb pourquoi il ne prenait pas sa candidature en considération pour d'autres postes, les raisons qu'il lui a données ont changé plusieurs fois. Quand elle a posé la même question à Mme Letendre, cette dernière l'a renvoyée à M. Kolb ou lui a donné des raisons contrevenant clairement à la LCDP. L'opinion personnelle de Mme Letendre au sujet de la durée du congé de maternité qu'une mère devrait prendre n'est pas pertinente, mais elle a influé sur la manière dont le conseil a finalement traité Mme Gilmar.

[330] À la lumière de l'ensemble de la preuve et compte tenu de l'attitude de Mme Letendre sur le sujet, il était évident que le conseil n'avait pas de politiques concrètes en matière de congé de maternité et qu'il n'était ni au courant de ses obligations d'employeur découlant de la législation fédérale en matière de droits de la personne ni disposé à s'en acquitter. En outre, je conclus que le conseil offre des contrats d'une durée d'un an délibérément, en partie de manière à contourner les obligations qu'il a en vertu de la LCDP envers ses employées qui tombent enceintes, ce qui contrevient à l'article 10 de la LCDP.

[331] L'article 10 de la LCDP est ainsi rédigé :

Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

  1. de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

[332] De manière analogue aux circonstances ayant entouré la décision Martin, précitée, au paragraphe 75, l'intimé a affirmé que la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme Gilmar n'était pas fondée sur sa grossesse, mais sur certaines réserves concernant son rendement. Tout comme le Tribunal dans la décision Martin, je conclus qu'il faut donc de toute évidence examiner minutieusement la preuve relative aux prétendus problèmes que présentait le rendement de Mme Gilmar afin d'établir si sa grossesse a été un critère dans la décision de ne pas renouveler son contrat. Je conclus que les raisons avancées par l'intimé ne sont que des prétextes. Pendant la période en cause, le travail de Mme Gilmar, selon l'évaluation faite par l'intimé, soit était conforme aux exigences, soit allait au-delà des attentes. Elle était qualifiée et faisait preuve d'engagement suivant la description de tâches qu'on lui avait donnée. M. Kolb a clairement dit qu'il avait l'impression qu'elle avait une belle carrière d'enseignante devant elle, y compris comme enseignante auprès d'une autre école des Premières Nations. Il lui a écrit une excellente lettre de recommandation. Je conclus que les critiques formulées à l'égard du travail de Mme Gilmar sont soit infondées, soit fondées sur sa grossesse, comme le fait qu'elle ait eu moins d'énergie à certains moments ou son incapacité à rester tard afin d'assister à des activités communautaires ayant lieu en soirée, alors qu'elle devait aussi conduire pendant une heure pour rentrer chez elle après sa journée de travail, en plus du long trajet pour se rendre à l'école le matin.

VII. LES RÉPARATIONS

A. La réparation organisationnelle

[333] J'ordonne à l'intimé de cesser toute conduite discriminatoire à l'égard de ses employées enceintes et de mettre en place, en consultation avec la CCDP et conformément à l'alinéa 53(2)a) de la LCDP, un plan visant à prévenir les plaintes fondées sur les pratiques discriminatoires fondées sur la grossesse.

B. La perte de salaire et la perte de revenu subie par suite de la présente audience

[334] L'intimé a convenu du caractère raisonnable des montants demandés par la plaignante à ce titre. Par conséquent, j'ordonne au conseil d'indemniser Mme Gilmar de la perte de revenu qu'elle a subie (calculée en tenant compte des prestations d'assurance-emploi et des autres revenus reçus), selon sa demande établie à 15 506,64 $. Mme Gilmar a fondé son calcul sur la probabilité qu'elle travaillerait encore à l'école si sa grossesse n'était pas entrée en ligne de compte. Elle aurait fini son deuxième contrat d'un an et à ce stade, en septembre 2007, se serait très vraisemblablement vu offrir un nouveau contrat, de trois ans.

[335] En ce qui a trait à la perte de salaire que Mme Gilmar a subie pour assister à l'audience, la jurisprudence est partagée en ce qui concerne la question de savoir si le Tribunal est compétent en la matière. L'avocate de l'intimé a toutefois convenu que la demande était raisonnable et Mme Gilmar a eu gain de cause en l'espèce. Conformément au raisonnement suivi dans la décision Milano c. Triple K Transport, 2003 TCDP 30, au paragraphe 70, Mme Gilmar n'aurait pas eu à comparaître si elle n'avait pas été victime de discrimination. Par conséquent, je fais droit à la demande de Mme Gilmar et ordonne également que le conseil l'indemnise de la perte de salaire qu'elle a subie pour assister à l'audience en lui versant la somme de 2212,44 $.

C. L'indemnisation générale pour préjudice moral

[336] Le témoignage de Mme Gilmar a clairement montré que la conduite discriminatoire qui a motivé sa plainte lui a causé un préjudice sur le plan personnel, a affecté sa confiance personnelle et professionnelle et a entaché sa réputation professionnelle.

[337] Mme Gilmar a été choquée et profondément affectée par la manière dont l'école l'a traitée. Il lui a semblé avoir été traitée injustement dès le départ et elle a été déstabilisée du fait des raisons changeantes, voire de l'absence de raisons, que l'école lui a données pour expliquer son refus de lui offrir un nouveau contrat ou de prendre sa candidature en considération pour de futurs postes.

[338] Mme Gilmar a déclaré que sa confiance avait été affectée et elle a évoqué les répercussions négatives que la situation avait eues sur elle en tant qu'enseignante, tout comme l'angoisse et le stress que lui avait causés le retard qu'elle avait pris dans sa progression de carrière en se voyant refuser l'occasion d'obtenir son brevet d'enseignement.

[339] Au fil de l'audition des plaintes de Mme Gilmar, celle présentée en vertu du Code canadien du travail et ensuite celle présentée au Tribunal, des documents et des déclarations critiquant ou mettant en doute son engagement, sa manière de gérer sa classe et son désir d'enseigner à l'école ont fait surface. Mme Gilmar s'en est trouvée encore plus stressée, découragée et affectée sur le plan de la confiance.

[340] J'accorde la somme de 14 000 $ à Mme Gilmar au titre du préjudice moral qu'elle a subi, en application de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP.

D. L'indemnité spéciale

[341] Le paragraphe 53(3) de la LCDP permet au Tribunal d'accorder une indemnité spéciale pouvant s'élever à un maximum de 20 000 $ à la victime d'un acte délibéré ou inconsidéré. Bien que le Tribunal ait déjà accordé l'indemnité maximale avant la modification de la LCDP en 1998, quand les indemnités prévues au titre du préjudice moral et les indemnités spéciales étaient moins élevées, je me fonde encore sur le caractère raisonnable de la décision Martin, précitée, dans laquelle le Tribunal a suivi le raisonnement de la décision Premakumar c. Air Canada, 1re inst., 03/02, et de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Morgan, [1991] 2 C.F. 401 (C.A.F.), selon lequel l'octroi du maximum doit être réservé pour les affaires les plus graves.

[342] Je conclus que le plus clair du temps, l'intimé a adopté une attitude arbitraire, empreinte d'hostilité et de rejet à l'égard de Mme Gilmar. Tout en sachant qu'elle était la principale pourvoyeuse de revenu de son foyer et que son mari avait l'intention de rester à la maison avec le bébé, l'intimé n'a pas hésité à se servir du fait qu'elle était enceinte contre elle et à émettre des critiques de son travail qui ne semblaient pas exister avant l'annonce de sa grossesse. Quand l'intimé a appris que Mme Gilmar était enceinte, celle-ci a été largement ignorée et marginalisée, privée de soutien : son travail n'a pas fait l'objet d'évaluations; on l'a activement découragée d'entreprendre le processus menant à l'obtention de son brevet; on l'a ignorée à la fin de son congé de maternité, alors qu'il y avait des postes disponibles pour lesquels elle était qualifiée; on a ouvertement remis en question sa manière d'élever son enfant; et on lui a donné plusieurs raisons différentes et changeantes pour justifier la décision de ne pas la réengager.

[343] En l'espèce, compte tenu de l'ensemble des circonstances, j'accorde 10 000 $ à Mme Gilmar au titre de l'indemnité spéciale.

E. Les intérêts

[344] En application du paragraphe 53(4) de la LCDP, j'accorde à Mme Gilmar des intérêts sur les sommes qu'elle reçoit en vertu de la présente décision au titre de l'indemnité spéciale et de la perte de revenu subie, et ce, du 1er septembre 2006, soit la date à laquelle le contrat suivant de Mme Gilmar aurait dû débuter, à la première journée de l'audience, soit le 9 juin 2009.

F. Les dépens sur la base avocat-client

[345] À partir de janvier 2009, alors qu'elle s'était jusque-là chargée de toutes les questions relatives à sa plainte, Mme Gilmar a retenu les services d'une avocate. Mme Gilmar a déclaré avoir engagé une avocate lorsque les complexités de l'affaire et les exigences relatives à la préparation de l'audience se sont faites sentir. Elle a demandée à être remboursée de ses frais, débours et taxes s'élevant à un total de 25 982,25 $, demande qu'elle a présentée et déposée sous la cote C-6 au cours de la procédure. L'avocate de l'intimé a convenu que les frais étaient raisonnables.

[346] Me Chotalia est avocate-conseil et spécialiste des questions de droits de la personne. Elle a travaillé selon un taux horaire de 400 $ et facturé en sus 10 heures de travail pour les services d'un parajuriste, rémunéré au taux horaire de 50 $. La CCDP n'ayant pas été présente à l'audience, je considère que Mme Gilmar a engagé une dépense nécessaire. Considérant l'expérience et le bagage de Me Chotalia, le temps qu'elle a consacré à la présente affaire et les résultats obtenus, j'ordonne que Mme Gilmar soit indemnisée du plein montant qu'elle a demandé, soit 25 982,25 $.

G. Le maintien de la compétence

[347] Je demeurerai saisi de l'affaire pendant six mois au cas où les parties seraient incapables de s'entendre au sujet de la mise en uvre des réparations accordées.

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1327/5708

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Melanie Gilmar c. Le conseil scolaire de la nation sioux des Nakota d'Alexis

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 9 au 12 juin 2009

Edmonton (Alberta)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 28 octobre 2009

ONT COMPARU :

Shirish P. Chotalia, c.r.

Pour la plaignante

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Suzanne Thomas

Pour l'intimé

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