Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ROGER VIRK

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

BELL CANADA (ONTARIO)

l'intimée

DÉCISION CONCERNANT LA MODIFICATION DE LA PLAINTE

2004 TCDP 10
2004/02/27

MEMBRE INSTRUCTEUR : Pierre Deschamps

(TRADUCTION)

I. CONTEXTE

II. POSITION DES PARTIES

III. LE DROIT

IV. ANALYSE

V. DÉCISION

I. CONTEXTE

[1] Le 11 avril 2002, M. Roger Virk a déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne une plainte contre Bell Canada. Dans cette plainte, M. Virk allègue que Bell Canada l'a défavorisé en cours d'emploi en raison de son origine nationale ou ethnique en le rétrogradant, contrevenant ainsi à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] Le 17 septembre 2003, la Commission a renvoyé la plainte de M. Virk au Tribunal afin qu'elle soit instruite et tranchée. M. Virk demande maintenant au Tribunal de modifier sa plainte initiale afin d'y ajouter des allégations de représailles contre lui de la part de l'intimée, aux termes de l'article 14.1 de la Loi. Dans une lettre en date du 13 janvier 2004, la Commission a fait savoir au Tribunal qu'elle ne prendrait pas position à l'égard de la question préliminaire des représailles invoquée par M. Virk et qu'elle ne présenterait pas d'observations écrites.

II. POSITION DES PARTIES

[3] Dans sa plainte initiale, M. Virk affirme qu'il est d'ascendance sud-asiatique, qu'il a été affecté vers octobre 2001 à un nouveau projet à titre de gestionnaire intérimaire, et qu'on lui a dit le 30 novembre 2001 qu'il serait rétrogradé et affecté à un poste d'adjoint principal dans le cadre du même projet. M. Virk précise également qu'on lui a dit à l'époque qu'on ne nommerait plus de gestionnaires intérimaires ou de nouveaux gestionnaires au sein du service et qu'il serait remplacé par un employé d'une autre section qui était déjà gestionnaire. Sa rétrogradation devait prendre effet le 1er janvier 2002. Selon M. Virk, deux nouvelles affectations à titre de gestionnaires intérimaires sont entrées en vigueur dans son service le 2 janvier 2002.

[4] Dans sa demande de modification, M. Virk allègue qu'à la suite du dépôt de sa plainte, Bell Canada a exercé de sévères représailles à son endroit en l'informant que la compagnie mettait fin à son emploi parce qu'elle mettait un terme au projet Globe and Mail auquel il était affecté. M. Virk allègue que Bell a profité de cette situation, c'est-à-dire la fin du projet Globe and Mail, pour camoufler les représailles dont il était l'objet en raison du dépôt de sa plainte devant la Commission. M. Virk soutient que le projet a simplement été mis en veilleuse et reprendrait selon toute vraisemblance en 2004.

[5] Pour sa part, Bell prétend qu'elle n'a à aucun moment exercé de représailles contre M. Virk parce qu'il avait déposé une plainte devant la Commission. Bell soutient que la cessation d'emploi de M. Virk, qui a pris effet le 11 janvier 2004, s'inscrivait dans le cadre d'une restructuration du service et que le groupe dont M. Virk faisait partie avait alors été éliminé. Selon Bell, M. Virk était bien au fait de son droit de supplantation mais a décidé de ne pas l'exercer. S'il s'était prévalu de ce droit, il aurait pu à tout le moins prolonger sa période d'emploi, ce qui lui aurait donné plus de temps pour dénicher un autre emploi au sein de la compagnie.

[6] En réplique aux arguments de Bell, M. Virk affirme que la compagnie a omis de l'informer du changement de situation concernant le poste d'agent de ressources associé, l'empêchant ainsi d'exercer son droit de supplantation en novembre 2003. M. Virk estime que l'omission de Bell de l'informer de ce changement crucial constitue une autre mesure de représailles à son endroit.

III. LE DROIT

[7] Il est désormais incontestable que ce Tribunal est habilité à modifier une plainte afin d'y ajouter une allégation de représailles1. De façon générale, on devrait autoriser une modification, à moins qu'il soit manifeste et évident que les allégations faisant l'objet de la demande de modification ne sauraient être jugées fondées2. En tout état de cause, le Tribunal ne devrait pas s'engager dans un examen approfondi du bien-fondé d'une modification. Un tel examen devrait être fait uniquement au regard de l'ensemble de la preuve, au terme d'une audience en bonne et due forme3. Par conséquent, le critère à appliquer consiste à déterminer si les allégations de représailles sont, de par leur nature, liées, du moins par le plaignant, aux allégations qui ont donné lieu à la plainte initiale et peuvent être considérées comme soutenables4.

[8] Cela dit, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de modifier une plainte pour tenir compte d'allégations supplémentaires. Le Tribunal doit en tout temps veiller à donner à l'intimée un préavis suffisant afin de ne pas lui causer préjudice et de lui permettre de se défendre adéquatement.

IV. ANALYSE

[9] Après avoir soigneusement examiné la teneur des documents que M. Virk a déposés devant le Tribunal à l'appui de sa demande de modification, le Tribunal conclut que les allégations formulées au sujet de la question des représailles sont, en définitive, liées à la plainte initiale et peuvent être considérées comme soutenables. Ce faisant, le Tribunal ne se prononce aucunement sur le bien-fondé de la modification. Ce n'est que lors de l'audience que le Tribunal déterminera la véracité des allégations quant à l'existence de représailles. L'intimée aura alors amplement l'occasion de répliquer à ces allégations.

[10] De plus, le Tribunal est d'avis que le fait de faire droit à la demande de modification ne cause aucunement préjudice à l'intimée. Dans les documents présentés au Tribunal, le plaignant a clairement identifié les faits sur lesquels il fonde ses allégations de représailles contre l'intimée. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'intimée est bien informée des arguments qu'il devra réfuter relativement aux allégations de représailles, qu'il bénéficie d'un préavis suffisant à cet égard et qu'il pourra se défendre adéquatement contre ces allégations.

V. DÉCISION

[11] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la requête du plaignant visant à modifier sa plainte initiale pour y ajouter des allégations de représailles aux termes de l'article 14.1 de la Loi est accueillie. Le Tribunal ordonne à la Commission d'aider le plaignant à modifier sa plainte et à produire une plainte amendée.

Pierre Deschamps

OTTAWA (Ontario)

Le 27 février 2004

1 Schnell c. Machiavelli and Associates et John Micka, T594/5220, le 25 avril 2001, décision no 1; Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 6, 2003/02/13; Bressette c. Conseil de bande de la Première nation de Kettle Point et de Stony Point, 2004 TCDP 02, 2004/01/15.

2 Bressette c. Conseil de bande de la Première nation de Kettle Point et de Stony Point, précitée, note 1.

3 bidem.

4 Schnell c. Machiavelli and Associates et John Micka, précitée, note 1; Bressette c. Conseil de bande de la Première nation de Kettle Point et de Stony Point, précitée, note 1.

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T858/10803

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Roger Virk c. Bell Canada (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

le 27 février 2004

ONT COMPARU :

Roger Virk

En son propre nom

Ikram Warsame

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Johanne Cavé

Pour l'intimée

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