Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

BARBARA TANZOS

la plaignante

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AZ BUS TOURS INC.

l'intimée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 32
2007/08/08

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

[1] À l'audience, la plaignante, Barbara Tanzos, a demandé que soient introduits en preuve la transcription et l'enregistrement d'une conversation téléphonique qu'elle a eue, le 24 mars 2001, avec M. Ron Roffey, directeur de l'exploitation chez l'intimée, AZ Bus Tours Inc., ainsi que ceux d'une rencontre avec Terry Barnett, le directeur général de l'intimée, qui a eu lieu le 6 septembre 2001.

[2] L'intimée s'est opposée à l'introduction de la transcription et de l'enregistrement de ces conversations. Elle a soutenu que ces conversations ont été enregistrées à l'insu de M. Barnett et de M. Roffey et sans leur consentement. L'intimée a ajouté que l'acte de la plaignante constituait un enregistrement de conversations privées entre individus sans leur consentement. Elle a de plus soutenu que l'enregistrement de ces conversations contrevenait à l'alinéa 7b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5, et aux paragraphes 5(1) et 5(2) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5. L'avocate de l'intimée a finalement ajouté que la valeur probante des renseignements contenus dans ces enregistrements ne compense pas l'effet préjudiciable que leur introduction aurait sur l'intimée, bien qu'elle n'ait jamais précisé quel serait cet effet préjudiciable.

[3] J'ai examiné le droit à ce sujet et j'en suis venu à la conclusion que les enregistrements et les transcriptions devraient être admis en preuve pour les motifs suivants.

[4] Dans l'arrêt R. c. Pleich (1980), 55 C.C.C.(2d) 13, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu qu'une conversation enregistrée doit être traitée comme le témoignage d'un témoin ayant entendu une conversation et ayant pris des notes fidèles. Les enregistrements sonores sont des éléments de preuve originaux qui peuvent apporter une preuve pertinente et convaincante. Un enregistrement n'a pas de trou de mémoire et peut rapporter les mots utilisés et le ton avec lesquels ils ont été prononcés plus exactement qu'un témoin ayant pris part à une conversation il y a de nombreuses années.

[5] Au criminel, des dispositions légales régissant l'autorisation d'intercepter des communications privées et leur admissibilité subséquente en preuve s'appliquent. Ce n'est pas le cas au civil. Si la plaignante avait été considérée comme étant un agent du gouvernement pour l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, l'introduction de cet élément de preuve enregistré en secret aurait pu être contestée pour le motif que le droit de l'intimée, conféré par la Charte, d'être protégée contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives aurait été enfreint. Cependant, en l'espèce, la Charte ne s'applique pas puisque les parties ne sont pas des agents du gouvernement.

[6] Outre les affaires criminelles, la plupart des affaires dont la preuve comporte une conversation enregistrée en secret sont des affaires en matière de relations de travail. Les commissions du travail ont depuis longtemps conclu à l'inadmissibilité de ce type de preuve en raison de l'importance capitale du maintien de la confiance et de la cordialité dans les relations à long terme entre les parties. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Il ne s'agit pas d'un litige en matière de relations de travail et il ne s'agit certainement pas d'une affaire où il existe encore une relation de confiance et de cordialité entre les parties.

[7] J'ai examiné les dispositions législatives portées à mon attention par l'avocate de l'intimée et j'ai conclu qu'elles ne s'appliquent pas à la décision que j'ai à prendre sur la question de l'admissibilité. Je renvoie les parties à l'alinéa 50(3)c) et au paragraphe 50(4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui sont libellés ainsi :

50 (3) Pour la tenue de ses audiences, le membre instructeur a le pouvoir :

c) de recevoir, sous réserve des paragraphes (4) et (5), des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire;

(4) Il ne peut admettre en preuve les éléments qui, dans le droit de la preuve, sont confidentiels devant les tribunaux judiciaires.

[8] L'intimée n'a présenté ni décision ni argument qui montrerait qu'une telle preuve serait inadmissible devant les tribunaux judiciaires. Conformément à la règle de la meilleure preuve, les enregistrements, dans tous les cas où ils ne concorderont pas avec la transcription, prévaudront.

Michel Doucet

OTTAWA (Ontario)
Le 8 août 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T832/8203

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Barbara Tanzos c. AZ Bus Tours Inc.

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 5 au 7 février 2007

Barrie (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 5 février 2007

ONT COMPARU :

Barbara Tanzos

Pour elle-même

Aucun représentant

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Natalia Chang

Pour AZ Bus Tours Inc.

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