Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 8/95 Décision rendue le 7 mars 1995

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L.R.C. (1985), ch. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL D'APPEL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

BOBBI STADNYK la plaignante (appelante)

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL D'APPEL

TRIBUNAL : S. Jane Armstrong, présidente Barry M. Gelling, membre Subhas Ramcharan, membre

ONT COMPARU : Alan McIntyre, avocat de la plaignante (appelante)

Myra Yuzak, avocate de l'intimée

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE : le 9 janvier 1995, Régina (Saskatchewan)

TRADUCTION

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Un tribunal d'appel a été constitué conformément au paragraphe 56(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour examiner l'appel formé par Bobbi Stadnyk, le 24 août 1993, contre la décision rendue par le tribunal le 27 juillet 1993 relativement à la plainte qu'elle avait portée contre la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.

L'audience a eu lieu à Regina, le 9 janvier 1995.

A l'audience, l'intimée, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, et l'appelante, Bobbi Stadnyk, étaient représentées par un avocat. La Commission canadienne des droits de la personne n'y était pas représentée.

Dans son avis d'appel original, l'appelante invoquait quatorze motifs de révision de la décision rendue le 27 juillet 1993 par Raymond William Kirzinger.

A l'audience devant le tribunal d'appel, l'appelante a indiqué qu'elle ne soumettrait qu'un seul point à l'examen du tribunal d'appel et que les autres motifs d'appel étaient abandonnés.

Aucune demande n'a été faite relativement au dépôt de nouveaux éléments de preuve et le tribunal d'appel n'a pas reçu de nouveaux éléments de preuve; ce sont les transcriptions de la première audience ainsi que la doctrine et la jurisprudence invoquées par les parties qui ont servi aux débats.

QUESTION SOUMISE AU TRIBUNAL D'APPEL

La seule question que l'on a demandé au tribunal d'appel d'examiner est celle de savoir si Mme Stadnyk a été victime de harcèlement sexuel lors de son entrevue avec Susan Hogarth, le 25 janvier 1989.

Par conséquent, le tribunal d'appel n'a pas eu à déterminer si on avait privé la plaignante de l'occasion de décrocher un emploi pour un motif de distinction illicite et si l'appelante avait été défavorisée.

LA PORTÉE DE L'EXAMEN LORS DE L'APPEL

Le paragraphe 56(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit ce qui suit :

Le tribunal d'appel peut entendre les appels fondés sur des questions de droit ou de fait ou des questions mixtes de droit et de fait.

Les avocats de l'appelante et de l'intimée ont tous les deux admis que, même si les motifs ou le droit d'appel énoncés au paragraphe 56(3) semblent

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avoir une portée assez large, en réalité, la jurisprudence a considérablement limité la compétence d'un tribunal d'appel; ils ont invité le tribunal d'appel à se reporter notamment à l'affaire Cashin c. S.R.-C, [1988] 3 C.F. 494, où la Cour fédérale a adopté la norme proposée dans l'affaire Brennan c. R., [1984] 2 C.F. 799, qui reposait sur le critère formulé dans l'arrêt Stein c. Le navire Kathy K, ([1976] 2 R.C.S. 802) :

Il ne fait aucun doute que, dans une situation de ce genre où la preuve portée à la connaissance du tribunal d'appel est exactement la même que celle dont disposait le tribunal des droits de la personne, le premier doit, conformément aux principes bien connus, adoptés et appliqués dans Stein et al. c.

Le navire Kathy K, ([1976] 2 R.C.S. 802; 62 D.L.R. (3d) 1), accorder tout le respect qui convient à l'opinion du tribunal des droits de la personne quant aux faits, en raison particulièrement de l'avantage qu'a eu ce dernier de pouvoir évaluer la crédibilité des témoins puisqu'il les a vus et entendus. Toutefois, cela dit, le tribunal d'appel avait néanmoins le devoir d'examiner la preuve et de substituer sa propre conclusion sur les faits s'il était convaincu que la conclusion du tribunal des droits de la personne était entachée d'une erreur évidente ou manifeste. (Cashin c. S.R.-C., [1988] 3 C.F. 494, à la p. 500)

et à la page 501 :

L'intention du Parlement, selon mon interprétation, semble en fait être que l'audition ne soit menée comme une audition de novo que dans le cas où le tribunal d'appel reçoit des éléments de preuve ou des témoignages additionnels. Dans les autres cas, il devrait être lié par les conclusions du tribunal antérieur en vertu du principe énoncé dans l'arrêt Kathy K.

Les conclusions de l'arbitre doivent donc être maintenues à moins qu'elle n'ait commis une erreur manifeste et dominante.

Le critère qui a été formulé dans l'arrêt Kathy K se trouve aux pages 806 et 807 de la décision :

Dans de telles circonstances, il est généralement admis qu'une cour d'appel doit se prononcer sur les conclusions tirées en première instance en recherchant si elles sont manifestement erronnées et non si elles s'accordent avec l'opinion de la Cour d'appel sur la prépondérance des probabilités.

Pour en arriver à cette conclusion, la Cour dans l'arrêt Kathy K a examiné la décision rendue dans S.S. Honestroom (Owners) v. S.S. Sagaporack (Owners), [1927] A.C. 37, aux pages 47 et 48, et en particulier les extraits suivants :

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[TRADUCTION]

Pour infirmer cette décision, nous devons non seulement douter de son bien-fondé, mais également être convaincus qu'elle est erronée.

La Cour n'a pas l'intention de s'écarter de la règle qu'elle a elle-même établie à l'effet qu'elle ne doit pas infirmer la décision d'une cour d'instance inférieure sur une question de fait au sujet de laquelle le juge a eu l'avantage de voir les témoins et d'observer leur comportement, à moins que la Cour ne découvre un fait dominant qui, en regard des autres, a créé une fausse impression.

En reconnaissant la portée limitée de la compétence du tribunal d'appel, les avocats des deux parties ont confirmé que le rôle du tribunal d'appel ne consistait pas à remettre en question les conclusions de fait tirées par le tribunal de première instance, mais plutôt à accepter les conclusions de fait de M. Kirzinger et à déterminer, en se fondant sur celles-ci, s'il a commis une erreur manifeste dans les déductions et la décision auxquelles il en est arrivé.

En examinant les conclusions du tribunal de première instance, nous n'oublions pas la décision de la Cour d'appel du Manitoba Anderson v. Anderson, [1994] 4 W.W.R. 272 :

[TRADUCTION]

Il ne suffit pas pour une cour d'appel d'affirmer qu'elle préférerait tirer une conclusion différente. Elle doit être capable de cerner une erreur concrète dans l'opinion du juge de première instance. Moins la crédibilité des témoins entre en ligne de compte et plus grande est la liberté d'intervention de la cour d'appel. Mais, tout bien considéré, même dans le cas le plus évident, le juge de première instance a droit au respect de sa conclusion.

et la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Mongrain, [1992] 1 C.F. 472, à la page 482 :

Il est exact d'affirmer que les pouvoirs d'intervention d'un tribunal d'appel constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont analogues à ceux exercés par une Cour d'appel dans l'hiérarchie judiciaire ordinaire. Conséquemment, le procureur général a raison d'affirmer que le tribunal d'appel ne pouvait intervenir qu'en cas d'erreur de droit ou d'erreur manifeste dans l'appréciation des faits.

EXAMEN DES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

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Dans sa décision du 27 juillet 1993, M. Kirzinger examine en détail les antécédents de la plaignante ainsi que les événements qui ont précédé l'entrevue du 25 janvier 1989.

Il faut, pour les fins du présent examen, souligner les points suivants. Toutefois, pour en arriver à notre décision, nous souscrivons à toutes les conclusions de fait tirées par M. Kirzinger, conformément aux arguments présentés et par l'appelante et par l'intimée.

Madame Stadnyk a commencé à travailler pour le gouvernement fédéral en 1981. Elle a alors été victime de harcèlement et, par la suite, congédiée injustement. A la suite des plaintes qu'elle a déposées devant la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission de la fonction publique et l'Alliance de la fonction publique du Canada, elle a finalement été réintégrée dans ses fonctions.

La situation au travail était encore intolérable pour Mme Stadnyk et, par conséquent, la Commission de la fonction publique lui a cherché un emploi ailleurs au gouvernement fédéral.

Au cours de ses recherches, la Commission de la fonction publique (CFP) a appris que le bureau de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (CEIC) à Regina cherchait à obtenir l'autorisation de doter deux postes d'agent d'information (IS-2). La CFP a demandé que Mme Susan Hogarth, directrice régionale des affaires publiques de la CEIC, rencontre Mme Stadnyk afin de déterminer notamment si elle avait les compétences requises pour l'un de ces postes.

Un agent classé IS-2 doit notamment s'occuper de la planification et de la production de documents d'information et de promotion, renseigner les employés de la CEIC sur les programmes et les politiques d'information concernant le public et communiquer avec des représentants d'autres ministères (à tous les paliers de gouvernement) et des médias ainsi qu'avec des membres du public.

Il faut aussi signaler que, par suite des difficultés qu'elle a eues et de l'expérience traumatisante qu'elle a vécue dans son premier emploi au sein du gouvernement fédéral, l'appelante a eu de nombreux contacts avec les médias et a atteint une certaine notoriété en parlant dans les médias et sur la place publique du harcèlement sexuel dont elle avait été victime dans son emploi au gouvernement fédéral.

C'est dans ce contexte, comme l'a conclu le président du tribunal, que la rencontre ou entrevue du 25 janvier 1989 s'est déroulée.

Le 17 janvier 1989, environ une semaine avant la rencontre de Susan Hogarth et de l'appelante, un article est paru dans le Regina Leader Post. Cet article, qui a été déposé en preuve en première instance, portait sur

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les problèmes de harcèlement sexuel qu'avait eus la plaignante dans le cadre de son emploi au gouvernement fédéral. L'article avait été rédigé par une journaliste du nom d'Anne Kyle qui couvrait le domaine des relations de travail pour le Regina Leader Post.

Le tribunal de première instance a retenu la version de Susan Hogarth au sujet de sa rencontre avec Mme Stadnyk et de l'ordre selon lesquels les événements se seraient déroulés. Nous ne remettons pas en question l'appréciation de la crédibilité qui a été faite par le président du tribunal ni sa préférence pour une version plutôt que pour une autre.

Comme la personne qui occupe le poste d'agent d'information à la direction des affaires publiques de la CEIC est le porte-parole du gouvernement fédéral et est chargée d'exposer la position de celle-ci au public et aux médias, il était évident que, pour que la candidature de Mme Stadnyk à ce poste soit envisagée, il fallait examiner de près ses intentions en ce qui concernait ses rapports avec les médias et ses critiques permanentes à l'endroit du gouvernement.

Comme le reconnaît Mme Stadnyk, la question du conflit d'intérêts relativement au poste IS-2 a été abordée lors de sa rencontre avec Mme Hogarth. Madame Stadnyk ne semble pas avoir compris les difficultés auxquelles elle devrait faire face en travaillant comme agent d'information et en continuant dans sa vie privée, après les heures de travail, à critiquer auprès des médias le même employeur que, pendant ses heures de travail, elle serait chargée de représenter. Par conséquent, nous concluons, comme l'a fait le président du tribunal, qu'il était nécessaire de déterminer quelles mesures prendrait à l'avenir Mme Stadnyk si elle se retrouvait face à une situation de harcèlement sexuel.

Comme l'a indiqué le président du tribunal, Mme Hogarth a soumis deux scénarios de harcèlement sexuel à Mme Stadnyk. Dans un cas, il s'agissait d'un employé occupant un poste subalterne tandis que dans l'autre l'employé occupait un poste supérieur à celui de la prétendue victime de harcèlement.

Nous acceptons les conclusions du tribunal de première instance selon lequel ces scénarios ont été présentés à Mme Stadnyk afin de vérifier quelles mesures elle prendrait si elle devait faire face à une situation de harcèlement sexuel dans le futur. Il s'agissait de vérifier si la première réaction de Mme Stadnyk serait de communiquer avec les médias ou plutôt si elle suivrait la procédure prévue dans la politique de son employeur en matière de harcèlement sexuel pour traiter les plaintes de harcèlement sexuel.

Selon nous, Mme Stadnyk a mal interprété les questions qui lui ont été posées et elle a conclu à tort qu'on lui demandait d'approuver une situation de harcèlement sexuel dans le cadre de son emploi plutôt que

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d'indiquer quelles mesures elle prendrait si elle se retrouvait dans une telle situation.

Nous avons examiné l'analyse faite par le président du tribunal de la jurisprudence pertinente qui lui avait été soumise et nous sommes d'accord pour dire qu'il est clair qu'il n'est pas nécessaire de démontrer l'intention d'agir de manière discriminatoire mais que, de même, il est nécessaire d'élaborer une norme qui permettra d'évaluer un comportement pour déterminer s'il est discriminatoire.

Tant l'intimée que l'appelante ont invoqué dans leurs arguments l'affaire Ellison v. Brady (1991), 924 F. 2b 872 (9th C.L.R.) et ont reconnu que la norme pour apprécier la preuve du harcèlement devrait être celle de la femme raisonnable comme cela avait été le cas dans cette décision.

Le tribunal de première instance a adopté cette norme (pages 46 et 47), et nous considérons que le président du tribunal n'a commis aucune erreur en appliquant cette norme à la preuve et aux faits tels qu'il les a constatés.

Par conséquent, nous souscrivons expressément au raisonnement du président du tribunal qui a conclu que le fait de soumettre à l'appelante des scénarios décrivant des situations de harcèlement sexuel ne constituait pas en soi du harcèlement sexuel à l'endroit de l'appelante.

Le président du tribunal a adopté la norme de la femme raisonnable et il est allé jusqu'à dire que, même du point de vue d'une femme raisonnable ayant déjà été victime de harcèlement sexuel, il en arrivait à la conclusion que le déroulement de l'entrevue n'était pas offensant.

Nous considérons que les conclusions tirées par le président du tribunal ne comportent aucune erreur; par conséquent, nous estimons que le président du tribunal n'a commis aucune erreur manifeste ou dominante dans ses conclusions de fait ni aucune erreur de droit en appliquant les principes juridiques à ses conclusions.

Après avoir examiné la décision du tribunal de première instance, la preuve et les conclusions de fait tirées par le président du tribunal de première instance ainsi que son analyse de la jurisprudence et du droit, nous ne pouvons conclure que ses conclusions de fait étaient entachées d'une erreur manifeste et dominante; nous estimons en outre qu'il n'a commis aucune erreur de droit dans son application de ses conclusions de fait.

En résumé, nous ne considérons pas que le tribunal a commis une erreur en concluant que Mme Stadnyk n'avait pas fait l'objet de harcèlement sexuel lorsqu'elle a été reçue en entrevue par Susan Hogarth le 25 janvier 1989.

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Pour en arriver à cette conclusion, nous avons examiné les questions précises soulevées par l'appelante et nous aimerions faire les commentaires suivants :

1. L'appelante, Mme Stadnyk, conteste la conclusion du président du tribunal selon lequel elle fait partie de ces quelques employées hypersensibles (Ellison v. Brady (1991), 924 F. 2b 872 (9th C.L.R.)). Elle soutient que rien dans la preuve ni dans la décision du tribunal ne permet d'en arriver à une telle conclusion. Nous estimons que le président du tribunal énonce dans sa décision des conclusions de fait qui permettraient une telle conclusion. Le président du tribunal considère que la plaignante a formulé à l'endroit du gouvernement fédéral des critiques qui avaient été largement publicisées et, de plus, qu'en raison de ce qu'elle a vécu au sein du gouvernement fédéral et du fait qu'elle était en chômage au moment de l'entrevue, elle était angoissée et souffrait de divers maux imputables au stress. Il croit que l'état de la plaignante semble avoir eu des répercussions importantes sur sa réaction et sur les souvenirs qu'elle a gardés de l'entrevue.

Le président du tribunal conclut en outre :

Mme Stadnyk vivait des moments très difficiles sur le plan personnel à l'époque de l'entrevue. Elle était sans emploi depuis passablement longtemps et semblait angoissée. Sa relation de l'entrevue ainsi que sa déposition ont d'ailleurs semblé trahir l'état dans lequel elle se trouvait à ce moment, dans la mesure où elle n'est parvenue à se souvenir que des choses qui l'avaient irritée et qu'elle a décrites lors de son témoignage (probablement selon son interprétation des faits à l'époque) comme des atteintes inadmissibles à sa dignité et à sa personne. (Décision du tribunal, à la page 49)

De plus, il semblerait que l'état de Mme Stadnyk à l'époque a considérablement influencé sa perception de l'entrevue et son interprétation des questions et des scénarios qui lui ont été soumis.

2. L'appelante affirme que, même si l'on s'appuie sur le témoignage de Mme Hogarth et sa version de ce qui s'est passé à l'entrevue, le fait de lui avoir posé des questions et présenté des scénarios ayant trait au harcèlement sexuel constituait du harcèlement sexuel.

Pour les motifs énoncés plus haut, nous sommes d'accord avec le président du tribunal pour conclure qu'il était justifié pour Mme Hogarth de poser ces questions à Mme Stadnyk afin de vérifier si cette dernière continuerait à entretenir ses mêmes rapports avec les

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médias lorsqu'elle travaillerait comme agent d'information et porte-parole du gouvernement fédéral.

3. L'appelante prétend que la question du conflit d'intérêts n'est qu'une diversion et qu'il n'était nullement justifié de soulever la question du harcèlement sexuel lors de l'entrevue.

Le tribunal de première instance a examiné en détail le code régissant les conflits d'intérêts dans la fonction publique fédérale ainsi que les codes d'éthique professionnelle de la SCRP et de la PRSA (organismes dans les milieux du journalisme et des relations publiques).

Le président du tribunal a préféré retenir le témoignage de Nicholas Russell plutôt que celui de Gerald Sperling en ce qui concerne les obligations des agents d'information et des journalistes, notamment qu'il est important et souhaitable d'éviter les conflits d'intérêts et de tendre à l'objectivité.

Comme l'a constaté le président du tribunal, même le témoin de l'appelante, le professeur Sperling, reconnaît qu'il serait difficile pour une personne telle l'appelante de défendre le point de vue du gouvernement sur le harcèlement sexuel et de critiquer en même temps ce point de vue à titre personnel, même si elle le faisait en dehors de l'exercice de ses fonctions. Nous convenons avec le tribunal ... [qu']il est difficile de concevoir comment une personne critiquant le gouvernement fédéral sur la place publique pourrait aussi être un agent d'information efficace, crédible et fiable. Par conséquent, nous sommes d'accord pour conclure avec le tribunal de première instance qu'à l'entrevue, l'intimée était motivée par une préoccupation légitime qui n'avait rien d'offensant pour une femme raisonnable.

Nous ne voyons aucun motif de ne pas retenir, comme l'a fait le président du tribunal, le témoignage du professeur Nicholas Russell selon lequel l'éthique revêt de l'importance aux yeux des agents d'information et des journalistes et qu'il est important et souhaitable d'éviter les conflits d'intérêts et de tendre à l'objectivité.

4. L'appelante prétend qu'aucun emploi au gouvernement fédéral ne peut vous demander d'approuver le harcèlement sexuel. On n'a pas demandé à Mme Stadnyk d'approuver le harcèlement sexuel, mais on l'a simplement interrogée sur ce qu'elle ferait si elle devait faire face à une situation de harcèlement sexuel.

Les directives du gouvernement fédéral en matière de harcèlement sexuel ont été produites à l'audience et on n'a jamais laissé entendre

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que Mme Stadnyk n'aurait pas recours à ces directives et procédures dans l'éventualité où il serait nécessaire de prendre des mesures pour remédier au harcèlement sexuel.

5. L'appelante prétend que le fait de lui avoir soumis des situations hypothétiques de harcèlement sexuel sans contexte constituait du harcèlement sexuel.

Nous faisons nôtres les conclusions du tribunal de première instance quant au contexte dans lequel ces scénarios ont été soumis à la plaignante et nous considérons que la présentation de ces scénarios dans un tel contexte ne constituait pas du harcèlement sexuel.

Il semblerait que les scénarios ont été présentés aux trois-quarts de l'entrevue. Il semblerait en outre que le propre témoin de l'appelante, la professeure Hayford, reconnaît qu'il pourrait être approprié de poser des questions au sujet du harcèlement sexuel dans certaines circonstances (si cela a un lien avec le poste en cause).

En l'espèce, comme Mme Stadnyk s'était déjà exprimée sur cette question et que cela expliquait ses relations avec les médias, les questions sur le harcèlement sexuel et sur les mesures qu'elle prendrait si elle devait faire face à une telle situation étaient pertinentes et nécessaires, et elles ne constituaient pas du harcèlement sexuel.

6. Enfin, l'appelante conteste les scénarios qui lui ont été soumis parce que ceux-ci n'ont pas été présentés à des candidats pour des postes IS-1 et IS-2.

Madame Hogarth n'avait appris qu'une semaine seulement avant sa rencontre avec Mme Stadnyk que cette dernière avait acquis une certaine notoriété dans les médias, et nous sommes d'accord pour dire avec le président du tribunal qu'il était nécessaire pour Mme Hogarth d'interroger Mme Stadnyk sur le harcèlement sexuel afin de déterminer si elle avait l'intention de continuer à entretenir ses relations avec les médias advenant le cas où elle devrait faire face à une situation de harcèlement sexuel ou si elle appliquerait les lignes de conduite de son ministère et du gouvernement fédéral. Ces questions n'ont pas été posées aux autres candidats parce qu'ils ne s'étaient pas exprimés dans les médias sur la question du harcèlement sexuel.

Comme l'a conclu le président du tribunal, si l'appelante avait contesté, par exemple, les politiques environnementales du gouvernement et avait été candidate à un poste en relations publiques, on l'aurait sans doute questionnée au sujet de son recours aux médias et du fait qu'elle discute sur la place publique de questions d'environnement.

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Comme le président du tribunal, nous considérons que :

Les questions et la discussion portant sur le harcèlement sexuel étaient nécessaires et ne faisaient que découler de la préoccupation légitime de l'intimée au sujet du fait que la plaignante s'était servie des médias pour critiquer le gouvernement, puisque ces critiques portaient sur le harcèlement sexuel.

Comme le tribunal de première instance, nous concluons qu'une femme raisonnable ne jugerait pas objectivement que, dans les circonstances, la manière dont Mme Hogarth a mené l'entrevue constituait un grave affront à sa dignité.

DÉCISION DU TRIBUNAL D'APPEL

Par conséquent, nous concluons que le président du tribunal n'a commis aucune erreur manifeste et dominante ni aucune erreur de droit; nous souscrivons à la décision du président du tribunal qui a jugé que l'intimée n'avait commis aucun acte discriminatoire à l'égard de l'appelante et qui a ordonné que, son bien-fondé n'ayant pas été démontré, la plainte doit être rejetée.

Nous savons gré aux avocats pour leur aide inappréciable dans la présente affaire.

S. Jane F. Armstrong

Barry M. Gelling

Subhas Ramcharan

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