Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 9/95 Décision rendue le 24 mai 1995

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, Chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE:

G.S. SEHMI

le plaignant

-et-

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

-et-

VIA RAIL CANADA INC.

l'intimée

DÉCISION DU TRIBUNAL

TRIBUNAL: Marie-Claude Landry, présidente du tribunal

ONT COMPARU: Me Odette Lalumière, avocate de la Commission Me Chantal Lamarche, avocate pour l'intimée G.S. Sehmi, plaignant

DATES ET LIEU DE L'AUDIENCE: Les 24 et 25 mai 1994 et 5 juillet 1994, Montréal (Québec)

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NATURE DE LA PLAINTE:

Le Président du Comité du tribunal, Keith C. Norton, c.r. B.A. L.L.B., a désigné la soussignée Me Marie-Claude Landry le 3 novembre 1993 pour, en premier lieu tenir une conférence préparatoire le 3 février 1994 et par la suite, procéder à l'examen de la plainte déposée par le plaignant.

En date du 16 juin 1989, Monsieur G.S. Sehmi a signé une plainte dans laquelle il allègue que l'intimée a commis des actes discriminatoires à son égard en ce qu'il aurait été suspendu et ensuite rétrogradé en raison de sa religion et de ses origines ethniques, le tout contrairement à l'article 7 b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S.R.C. 1985, c.H-6) (la loi).

L'audition de la plainte a eu lieu à Montréal les 24 et 25 mai 1994 et le 5 juillet 1994.

LES FAITS:

Le plaignant a été appelé à témoigner et à exprimer au tribunal les faits au soutien de sa plainte. Celui-ci est né au Kenya en Afrique de l'Est. Il témoigne être originaire de l'est de l'Inde et être de religion sikh.

Il a commencé à travailler chez Via Rail en 1978 d'abord comme électricien pour ensuite, en 1985, être promu comme mécanicien itinérant et ce, jusqu'en 1987 où le poste qu'il occupait aurait été aboli. Le plaignant témoigne également avoir appliqué et obtenu un second poste de mécanicien itinérant en 1987.

A la page 9 des notes sténographiques, volume 1, il indique que Monsieur Gregory James Guitard est devenu son supérieur immédiat chez l'intimée en 1988. Il ajoute qu'un jour où il avait à se rendre au bureau de Monsieur Guitard pour les fins de son travail, celui-ci aurait tenu les propos suivants: Quand vas-tu enlever ce morceau de guenille de sur ta tête?. Monsieur Sehmi explique qu'il aurait en premier lieu pris cela pour une blague à son égard, paroles cependant que Monsieur Guitard aurait, selon le plaignant, répétées à quelques reprises.

Monsieur Sehmi témoigne au tribunal avoir fréquemment été victime de harcèlement par la suite mais sans plus de détails. On se situerait à ce moment en décembre 1988.

C'est à compter de ce moment que le plaignant aurait demandé à Monsieur Guitard de mettre dorénavant par écrit ses griefs ou remarques à son égard. Le plaignant témoigne n'avoir jamais eu de griefs ou de remarques de ses supérieurs précédants chez l'intimée. Plus tard, le plaignant explique que Monsieur Guitard lui a demandé de se présenter à son bureau où il lui aurait dit avoir une plainte contre lui, soit d'avoir utilisé des coupons de taxis pour ses fins personnelles. A cet effet, une lettre du poste de

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taxis a été produite au dossier de la Cour. Monsieur Sehmi mentionne alors qu'il s'agissait d'une politique normale lorsque le train entrait plus tard à la gare. La lettre mentionnait également que le plaignant aurait tenté de vendre un livret de coupons de taxis. Le plaignant témoigne que Monsieur Guitard aurait également dit qu'il s'assurerait qu'il serait mis à la porte de la compagnie et qu'il ne retrouverait pas ce genre de travail, page 14 des notes sténographiques, volume 1.

Il ressort du témoignage du plaignant que Monsieur Guitard lui aurait demandé à nouveau le ou vers le 3 avril 1989 de se présenter à son bureau vers 9H00 le matin. Ce n'est que vers 16H30 que Monsieur Sehmi, suite à un appel de Monsieur Guitard lui indiquant qu'il devait venir au rendez-vous et rapporter ses outils de travail temporairement, s'est rendu au bureau de celui-ci. Il aurait alors reçu une lettre lui indiquant qu'il était suspendu pour une période de trois jours. Toujours selon le témoignage du plaignant, Monsieur Guitard lui aurait remis une seconde lettre que l'on retrouve d'ailleurs au cahier d'exhibits de la Commission à l'onglet 17, lettre à l'effet qu'il était suspendu pour une période additionnelle de deux semaines et qu'il était rétrogradé de ses fonctions.

Plus loin, sur la question des coupons de taxis, le plaignant explique qu'un carnet de cinquante coupons leur était remis et qu'il devait être utilisé pour le transport entre les points de travail. Il avoue de plus avoir utilisé pour se rendre chez lui à Brossard deux coupons de taxis, page 51 du volume 1 des notes sténographiques. Il explique avoir eu des problèmes la journée où il a utilisé ces coupons soit d'être arrivé après minuit à la gare et d'avoir dû alors utiliser deux coupons afin de se rendre chez lui. Il indique également au tribunal qu'il pense être le premier employé démis de ses fonctions et suspendu pour avoir utilisé de la sorte des coupons de taxis à des fins personnelles.

Il ressort également du témoignage du plaignant qu'il y a d'autres employés de la compagnie intimée qui sont issus de minorités visibles.

Quant aux dommages, le plaignant expose qu'il aurait souffert du fait que ses enfants ont eu connaissance des événements suite à un appel qu'aurait fait Monsieur Guitard à sa résidence. Il dit avoir été accusé comme un criminel et que de ce fait, ses collègues de travail ne lui parlent plus. Il mentionne également avoir dû payer pour des consultations légales et subir différentes pertes salariales.

Force est de constater par le tribunal que la preuve du plaignant au titre des dommages n'est pas précise.

En contre-interrogatoire du plaignant, le procureur de l'intimée a fait ressortir les points suivants:

  1. Le fait qu'en 1987, lorsque le plaignant a été promu de nouveau comme mécanicien itinérant, Monsieur Guitard faisait partie du comité de sélection (page 44, vol. 1 des notes sténographiques). A cet effet, une lettre de confirmation d'emploi a été produite au cahier d'exhibits de l'intimée à l'onglet 1;
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  3. Le fait que les coupons de taxis devaient être utilisés uniquement pour le travail, soit de la station centrale au centre de maintenance et inversement, ce que le plaignant savait;
  4. Le plaignant a effectivement admis avoir utilisé des coupons de taxis pour se rendre chez lui à Brossard;
  5. Que même si le plaignant allait à Brossard, cette destination n'était pas inscrite sur les coupons, ce que le plaignant explique en disant avoir préparé les coupons à l'avance;
  6. Qu'il s'agissait de la première fois que le plaignant utilisait des coupons de taxis;
  7. Que le plaignant devait avoir une rencontre avec son supérieur Monsieur Guitard le 3 avril 1989 en avant-midi et qu'il s'est présenté qu'en après-midi suite à l'insistance de celui-ci;
  8. Que le plaignant a refusé de rapporter ses outils de travail;
  9. Qu'avant l'arrivée en poste de Monsieur Guitard, il n'y avait pas de coupons de taxis, ce système n'étant alors pas en place à la compagnie intimée.

Monsieur G.S. Sehmi fut le seul témoin entendu pour la Commission.

En contre-preuve, le procureur de l'intimée a fait témoigner en premier lieu Monsieur Paolo Mancuso qui en 1989 était Directeur administratif de Pontiac Taxi. Celui-ci témoigne sur la méthode de l'utilisation des coupons de taxis et leur utilité. A la page 69 du volume 1 des notes sténographiques, celui-ci rapporte qu'il y avait des rumeurs à l'effet que des employés qui travaillent chez l'intimée vendaient des coupons. Il ajoute qu'il a lui-même travaillé dans le secteur pour tenter de trouver les fautifs.

Il affirme de plus connaître Monsieur Sehmi comme client et l'avoir reconduit à quelques reprises ailleurs qu'au point de travail. Il nous dit se rappeler plus précisément d'un événement où il aurait ramené le plaignant à Brossard. A la page 73 du volume 1 des notes sténographiques, le témoin soutient que le plaignant lui a dit qu'il avait un livret de coupons à vendre. Le lendemain, ils se seraient donné rendez-vous, rendez- vous auquel il mentionne s'être rendu mais témoigne ne pas avoir pris contact avec le plaignant afin de tenter de lui acheter un livret de coupons de taxis en question.

Suite à cet événement, le témoin affirme avoir communiqué avec le responsable chez Via Rail, Monsieur Michel Bourdon, et l'avoir informé de la situation. Le témoin ne connaît pas le nom de l'employé en question chez Via Rail mais l'identifie selon ses termes avec turban blanc et veston bleu. A l'audition, à la question du procureur de l'intimée, volume 1 des notes sténographiques, page 76, ligne 7, le témoin dit:

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Q.: La personne dont vous parlez, est-ce que c'est la personne qui est assise là-bas présentement?

R.: C'est bien cette personne là. Il avait une barbe plus prononcée.

En deuxième lieu, le procureur de l'intimée a fait témoigner un des principaux intéressés, Monsieur Grégory James Guitard soit le supérieur immédiat du plaignant. Celui-ci est donc venu exposer au tribunal sa version des faits. Il témoigne avoir été en poste permanent en tant que supérieur de Monsieur Sehmi à compter du mois d'octobre 1988. Celui-ci expose qu'il avait donné ses directives au plaignant quant à l'utilisation des coupons de taxis et que celui-ci lui aurait même demandé à une certaine époque de lui donner l'autorisation d'utiliser les coupons de taxis pour aller de la station centrale à sa résidence située à Brossard. A ce moment précisément, Monsieur Guitard affirme avoir avisé le plaignant qu'il était formellement interdit d'utiliser des coupons de taxis pour aller à Brossard ou pour d'autres fins personnelles. Il ajoute que ces informations ont été transmises à tous les autres mécaniciens itinérants. Le témoin souligne avoir exceptionnellement autorisé à une ou deux reprises l'utilisation de coupons pour des fins personnelles de ses employés. Il mentionne cependant que l'autorisation avait belle et bien été spécifiquement et exceptionnellement donnée. Monsieur Guitard confirme de plus avoir convoqué Monsieur Sehmi à une rencontre, première rencontre à laquelle Monsieur Sehmi ne s'est pas présenté faisant ainsi, selon lui, preuve d'insubordination à son égard. Il poursuit en disant avoir communiqué à nouveau avec le plaignant et avoir insisté afin qu'il se présente à son rendez-vous et ramène ses outils, ce à quoi le plaignant aurait répondu qu'il ne ramènerait pas ses outils.

Il expose que le plaignant lui aurait dit vouloir consulter un avocat et le témoin ajoute que l'attitude du plaignant en général l'a rendu à ce moment suspicieux. page 14 des notes sténographiques, volume 1.

A la question du procureur de l'intimée quant aux propos de la nature discriminatoire allégués par le plaignant, le témoin nie catégoriquement avoir porté de tels propos et a mentionné à plusieurs reprises avoir eu d'autres employés issus de minorités visibles.

A la page 106 des notes sténographiques, volume 1, Monsieur Guitard mentionne que suite aux quatre reproches faits au plaignant que l'on retrouve énumérés dans la lettre produite à l'onglet 6 du cahier d'exhibits de l'intimée, la première décision des représentants de la compagnie intimée avait été de congédier le plaignant, ce qui appert être la politique générale de la compagnie. Cependant, il mentionne que pour éviter des problèmes éventuels, ce qui sera d'ailleurs confirmé plus tard par le témoignage de Monsieur Georges Cyr, ils ont décidé de suspendre le plaignant pour deux semaines et le rétrograder dans les fonctions d'électricien.

Le témoin explique qu'en février 1991, tous les postes de mécaniciens itinérants ont été comblés par des superviseurs, postes selon les

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témoignages abolis définitivement et complètement en 1994.

Le témoin indique également avoir donné préséance à la version de Monsieur Mancuso puisqu'il a, selon ses termes, utilisé un témoin indépendant et impartial.

En contre-interrogatoire, le procureur de l'intimée a également fait témoigner Monsieur Georges Cyr, Officier principal aux ressources humaines chez l'intimée. Monsieur Cyr est venu confirmer au tribunal que la politique de l'intimée en matière de fraude et vol était le congédiement immédiat sans égard au montant en jeu puisque le lien de confiance était rompu. Il indique également que la mesure disciplinaire imposée est la même pour tous.

Le témoin expose avoir fait partie du comité qui a discuté des mesures disciplinaires appropriées eu égard au plaignant. Il poursuit en indiquant que les motifs pour décider de rétrograder le plaignant au lieu de le congédier ont été le fait qu'il fasse partie d'une minorité visible. A la page 161 des notes sténographiques, volume 1, à une question de la soussignée, le témoin ajoute que sa recommandation était de congédier mais qu'il faisait partie de ses fonctions d'informer l'intimée des conséquences du congédiement, ce qui a motivé leur décision de seulement rétrograder le plaignant. Le témoin indique également que l'intimée a une politique contre le harcèlement et la discrimination depuis 1985 et ajoute qu'il y a des employés issus de minorités visibiles chez Via Rail dans tous les endroits et tous les postes.

Quant à l'abolition du poste de mécanicien itinérant en 1991, Monsieur Cyr corrobore en tout point le témoignage de Monsieur Guitard et confirme que le plaignant se serait retrouvé au poste d'électricien qu'il occupait au moment de l'audition n'eut été des événements reprochés. Il poursuit en ajoutant à la page 163 des notes sténographiques, volume 1, qu'il s'agit selon lui de la première fois où il décide d'opter pour une rétrogradation au lieu d'un congédiement immédiat. La dernière partie du témoignage de Monsieur Cyr a porté sur une plainte qui aurait été faite par Monsieur Sehmi antérieurement. A cet effet, une lettre du 14 septembre 1987 a été déposée au tribunal par le procureur de l'intimée sous la cote R-2 et le témoin a indiqué que Monsieur Sehmi n'a pas été le seul rétrogradé en 1987.

Finalement, le procureur de l'intimée a appelé à témoigner Monsieur Michel Bourdon qui en 1989 était superviseur, budget et contrôle des coûts pour le centre de maintenance de Montréal. Celui-ci a expliqué au tribunal le fonctionnement des billets de taxis et indiqué que les coupons utilisés par le groupe de Monsieur Guitard ont été faits sur mesure pour ses employés afin qu'ils soient utilisés seulement entre la station centrale et le centre de maintenance de Montréal. Selon son témoignage corroborant celui de Monsieur Guitard, il aurait été difficile si l'employé décidait de vendre un carnet, de détecter ce fait. Il confirme également la version de Monsieur Guitard à l'effet que seulement les superviseurs et employés cadres, dont Monsieur Sehmi, avaient des livrets complets de billets de taxis.

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A une question du procureur de la Commission, Monsieur Bourdon témoigne que le système de coupons de taxis avait été adopté pour éviter les abus des employés qui les utilisaient pour leurs fins personnelles. Le tribunal à cet effet réfère à la page 193 du volume 2 des notes sténographiques.

CONSIDÉRATIONS PARTICULIERES:

Finalement, il y a lieu de souligner comme faits pertinents, deux lettres du plaignant produites au dossier, entre autres une signée par une avocate dont le plaignant avait retenu les services et qui ne font état d'aucune discrimination. Il est important de mentionner que lors de la deuxième journée d'audition, le procureur de la Commission a indiqué qu'elle attendait des instructions de sa cliente et qu'elle était à s'interroger sur le fait qu'il y ait une preuve prima facie de discrimination. Par la suite, celle-ci a informé le tribunal qu'elle avait reçu instruction de sa cliente de retirer la cause en regard de l'affaire Kamani et Commission canadienne des droits de la personne et Société canadienne des postes, D.T. 20/93.

Suite à ces indications, Monsieur Sehmi ayant requis de poursuivre l'audition, celle-ci s'est poursuivie le 5 juillet 1994.

Le rapport de l'enquêteuse a également été déposé lors de la dernière journée d'audition, rapport que le tribunal trouve éloquent à plusieurs égards et confirmé dans son contenu par les témoignages. L'enquêteuse indique également dans ses conclusions à la page 5 au paragraphe 33 ... aucune preuve ne peut être recueillie supportant l'allégation que le plaignant avait été l'objet de remarques inappropriées.

QUESTION EN LITIGE ET LE DROIT:

Le tribunal doit statuer sur la question de savoir si l'intimée a commis dans les faits un acte discriminatoire contraire à la Loi. La preuve qui a été présentée au tribunal et qui devait servir à déterminer les faits comporte des éléments contradictoires. Après avoir soigneusement soupesé la preuve, le tribunal accorde une plus grande force probante à la version de l'intimée ainsi qu'aux témoignages soumis par celle-ci. En conséquent, compte tenu de la preuve soumise par chaque partie et compte tenu des témoignages, le tribunal ne peut qu'en venir à la conclusion que ni la religion ni l'origine ethnique n'ont été un motif d'agissement de l'intimée. Le tribunal ne peut que relever la bonne foi de l'employeur qui devant une situation où sa politique générale lui indiquait un congédiement, a fait preuve de discernement pour éviter de punir le plaignant par la peine maximale, soit le congédiement. L'intimée a prouvé de façon non-équivoque et non-contredite que lorsqu'un employé vole ou fraude, elle le congédie. Le tribunal ne peut porter foi au témoignage du plaignant quand il allègue qu'il a été suspendu et démis de ses fonctions à cause de sa religion et son origine. La preuve est claire qu'il s'agit

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plutôt d'une mesure disciplinaire face à un employé travaillant pour l'intimée, mesure disciplinaire qui n'est reliée à aucune discrimination et ne relève pas de la juridiction du tribunal.

A cet égard, la jurisprudence est non-équivoque. Lorsqu'il n'y a pas de preuve de discrimination ou lorsque l'employeur démontre que la mesure disciplinaire imposée était la même (dans le présent moindre), qu'il aurait imposé à d'autres employés dans la même situation, il n'y a pas lieu de retenir la plainte. Nous référons à cet égard à la décision de Bailey v. The Right House Limited. C.H.R.R. D/998.

PAR CES MOTIFS, LA PLAINTE EST REJETÉE.

OBITER DICTUM:

Le tribunal désire par ailleurs exprimer son regret puisqu'il n'a pu que constater qu'un examen rapide du dossier aurait permis de conclure qu'il s'agissait d'une mesure disciplinaire et non d'un acte en contravention de la Loi. Il ressort du rapport même de Madame Fecteau, l'enquêteuse de la Commission qu'il n'y avait entre autres aucune preuve supportant les allégations de remarques inappropriées de Monsieur Guitard à l'égard du plaignant et qu'au surplus, le contenu dudit rapport confirme les témoignages et la preuve au dossier.

La Commission a l'obligation d'analyser la preuve au dossier afin de déterminer si une audition est justifiée. A cet égard, nous nous référons à la cause Shainul Kamani et Commission canadienne des droits de la personne et Société canadienne des postes. D.T.20/93. Le président du tribunal, Monsieur Sidney N. Lederman. c.r. indique à juste titre, aux pages 16 et 17, de la décision:

Le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire de renvoyer une plainte à un tribunal a été examiné dans l'arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), (1989) 2 R.C.S. 879, (1990), 11 C.H.R.R. D/1. Dans cet arrêt, la Cour Suprême du Canada a été appelée à déterminer si la Commission canadienne des droits de la personne rendait une décision judiciaire ou quasi-judiciaire lorsqu'elle décidait de rejeter une plainte. Examinant le rôle de la Commission à cet égard, le juge Sopinka a déclaré ce qui suit aux pages 898 et 899 (p. D/13):

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Le paragraphe 36 (3) (maintenant le par. 44(3)) prévoit deux possibilités sur réception du rapport (...). L'autre possibilité est le rejet de la plainte. A mon avis, telle est l'intervention sous-jacente à l'al. 36(3) b) pour les cas où la preuve ne suffit pas pour justifier la constitution d'un tribunal en application de l'art. 39. Le but n'est pas d'en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; La Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante.

Un examen rapide et approprié de la preuve en l'espèce aurait dû permettre de conclure qu'il n'y avait aucun motif raisonnable de renvoyer cette affaire devant un tribunal. De plus, l'obligation pour la Commission d'analyser minutieusement la preuve ne prend pas fin avec l'examen du rapport de l'enquêteur. En effet, la Commission doit continuer d'examiner si une audience devant un tribunal est justifiée.

Le président du tribunal ajoute à la page 19 ce qui suit:

La Commission possède des pouvoirs extraordinaires et elle doit les exercer de manière responsable dans l'intérêt public. Le simple fait qu'une allégation de discrimination raciale soit soulevée contre un particulier et une personne morale est nuisible et porte atteinte à leur réputation. Le préjudice est manifestement plus important lorsque ces allégations persistent pendant une période de cinq ans. La Commission est tenue d'examiner avec soin à toutes les étapes du processus la preuve qui donne lieu à une allégation de discrimination raciale.

Pour terminer, vu la teneur du rapport de l'enquêteuse, de la preuve soumise au tribunal et des éléments qui auraient pu être vérifiés avant la tenue de l'enquête, le tribunal est d'avis qu'une audition aurait pu être évitée dans ce dossier.

__________________________________________ ME MARIE CLAUDE LANDRY Présidente du tribunal

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