Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

SURESH KHIAMAL

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

GREYHOUND CANADA TRANSPORTATION CORPORATION

l'intimée

DÉCISION

2007 TCDP 34
2007/08/09

MEMBRE INSTRUCTEUR : Kerry-Lynne D. Findlay, c.r.

I. INTRODUCTION

II. LES FAITS

III. APERÇU DE LA PLAINTE ET DES ALLÉGATIONS

IV. LE DROIT

A. Les motifs de distinction illicite

B. Le fardeau du plaignant et le fardeau de l'intimée

C. L'article 7

D. L'article 14

E. L'article 10

F. L'évaluation de la preuve

V. ANALYSE DES ALLÉGATIONS DU PLAIGNANT

A. PREMIÈRE ALLÉGATION - L'AVIS D'EMPLOI POUR LE POSTE DE CONTREMAÎTRE DE LA MAINTENANCE POUR LE QUART DE NUIT, JUILLET 2002

B. DEUXIÈME ALLÉGATION - HARCÈLEMENT PASSÉ ET PRÉSENT COMMIS PAR LES COLLÈGUES ET LES GESTIONNAIRES

C. TROISIÈME ALLÉGATION - LE REFUS DE PERMETTRE DE RECEVOIR DE LA FORMATION ET DE SUIVRE DES COURS

VI. DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1] Le 15 août 2003, Suresh Khiamal (le plaignant) a déposé une plainte relative aux articles 7, 10 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) contre Greyhound Canada Transportation Corporation (l'intimée). Le plaignant allègue que l'intimée a commis un acte discriminatoire fondé sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, l'âge et la déficience dans une affaire en matière d'emploi.

[2] Le plaignant et l'intimée étaient représentés par un avocat. La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) n'était pas présente.

II. LES FAITS

[3] Le plaignant, né le 4 décembre 1948, a 58 ans. Il est un citoyen canadien originaire de l'Inde. Il a immigré au Canada en 1979 depuis l'Afrique du Sud. Il a travaillé comme mécanicien breveté de 1970 à 1979 en Afrique du Sud et il a commencé à travailler chez l'intimée le 20 février 1980 à titre de mécanicien de deuxième classe. Après quelques mois, le plaignant a obtenu son brevet au Canada et il a été promu mécanicien de première classe. Au cours de l'audience, son poste a été désigné sous le nom de mécanicien de machinerie lourde.

[4] Les faits à l'origine de la plainte se sont produits au garage de l'intimée à Edmonton, en Alberta (le garage d'Edmonton). Le garage d'Edmonton comporte deux aires de travail où les mécaniciens de machinerie lourde accomplissent leurs tâches. La première est l'aire de service, où les autobus Greyhound sont entretenus, c'est-à-dire où se fait l'inspection pour savoir si les autobus sont en état de rouler, où les autobus sont lavés, où se fait le plein d'essence et où se fait la maintenance générale. La deuxième est l'aire de levage, où les autobus font l'objet d'une révision complète et sont placés sur un palan pour qu'y soient faites les réparations mécaniques plus importantes, comme la réparation des freins, l'alignement des roues, etc. Le travail des mécaniciens de machinerie lourde travaillant dans l'aire de levage est plus exigeant physiquement.

[5] Durant les années de service du plaignant chez l'intimée, il y a eu plusieurs changements au sein du personnel et dans le style de gestion. Il y avait parfois plus d'un contremaître et d'autres fois il n'y en avait aucun. Le rôle du superviseur, et des employés ayant agi à titre de superviseur, a également changé au fil des ans.

[6] Au cours de son emploi chez l'intimée, depuis 1980, le plaignant a souvent été nommé au poste de chef d'équipe pour de longues périodes. Ses talons de chèque de paie montrent que, lorsqu'il était chef d'équipe, il recevait un dollar l'heure de plus. Bien qu'il ait travaillé tant dans l'aire de service que dans l'aire de levage, il a travaillé principalement dans l'aire de service, particulièrement au cours des dernières années.

[7] Les tâches du chef d'équipe ressemblent à celles du contremaître, c'est-à-dire que le chef d'équipe supervise les autres mécaniciens pour veiller à ce que le travail nécessaire soit fait, qu'il distribue les ressources et qu'il assigne certaines tâches aux mécaniciens, qu'il communique avec le répartiteur, qu'il utilise le système informatisé de maintenance MCMS et qu'il est responsable de veiller à ce que les autobus soient prêts à rouler et que l'horaire soit respecté. Les principales différences entre les deux postes est que le chef d'équipe n'a pas de pouvoir disciplinaire, n'a pas de tâches liées à la paie et n'a pas affaire aux superviseurs occupant un poste plus élevé dans l'administration. Des compétences en leadership sont essentielles.

[8] Le garage d'Edmonton est un milieu de travail syndiqué. Le plaignant est membre du Syndicat uni du transport (le syndicat) et a occupé le poste de délégué syndical pendant de nombreuses années. Pendant son emploi, le plaignant a déposé de nombreux griefs, certains en son nom et plusieurs au nom d'autres travailleurs; il connaissait donc bien la procédure de règlement des griefs. Une convention collective, modifiée au fil du temps, a été en vigueur tout le long de la période en cause.

[9] Au moment où la présente plainte a été déposée, le plaignant était le mécanicien ayant le plus d'ancienneté au garage d'Edmonton. L'ancienneté est un facteur donnant la priorité pour le choix des vacances et peut être un facteur pour choisir les employés qui recevront de la formation ou des cours donnés par l'intimée ou le syndicat. Elle est aussi un facteur pris en compte, sans qu'il soit déterminant, dans la promotion d'un employé du poste de mécanicien de machinerie lourde à celui de contremaître.

[10] Quand un mécanicien est promu au poste de contremaître, il n'appartient plus au syndicat et il n'a plus le droit d'utiliser les outils d'un mécanicien, sauf en cas de réelle urgence. Selon la convention collective en vigueur au moment où la plainte a été déposée, un contremaître pouvait reprendre ses tâches de mécanicien, tout en conservant son ancienneté, s'il perdait son poste de contremaître, mais pas s'il était mis fin à son emploi chez l'intimée.

III. APERÇU DE LA PLAINTE ET DES ALLÉGATIONS

[11] Les allégations contenues dans la plainte peuvent être classées ainsi :

  1. La première allégation concerne la demande d'emploi du plaignant pour le poste de contremaître de la maintenance pour les quarts de nuit et la décision de l'intimée de ne pas l'embaucher à ce poste. Le plaignant allègue que la décision de l'intimée est un acte discriminatoire fondé sur la déficience, l'âge, la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique.
  2. La deuxième allégation concerne une série d'incidents, ou de traits caractéristiques de ce que le plaignant a vécu au travail, qui constituent, selon le plaignant, du harcèlement fondé sur la race.
  3. La troisième allégation porte principalement sur les incidents mentionnés ci-dessus (c'est-à-dire le refus de l'intimée de permettre au plaignant de suivre de la formation et des cours) et soutient que ce refus le défavorise et annihile ses chances d'emploi en raison de sa race.

IV. LE DROIT

A. Les motifs de distinction illicite

[12] L'article 3 de la LCDP énonce que la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, l'âge et la déficience constituent des motifs de distinction illicite.

B. Le fardeau du plaignant et le fardeau de l'intimée

[13] Il incombe d'abord au plaignant d'établir prima facie qu'il y a eu acte discriminatoire. La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence de réplique de l'employeur intimé (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (O'Malley)).

[14] La Cour d'appel fédérale a établi dans l'arrêt Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, que le Tribunal ne doit pas tenir compte de la réponse de l'intimée pour décider si une preuve prima facie a été établie.

[15] Si le plaignant établi prima facie qu'il y a eu acte discriminatoire, il incombe à l'intimée de fournir une explication raisonnable et d'établir qu'il ne s'agit pas d'un simple prétexte lui permettant de commettre des actes discriminatoires (Lincoln, au paragraphe 23).

C. L'article 7

[16] Selon l'article 7, constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects : a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu; b) de le défavoriser en cours d'emploi.

[17] Selon la décision rendue par la Commission d'enquête de l'Ontario dans Shakes c. Rex Pak Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/1001, où l'intimée aurait refusé d'employer la plaignante pour un motif discriminatoire, l'acte discriminatoire est établi prima facie si la preuve établit ceci :

  1. le plaignant était qualifié pour l'emploi en question;
  2. le plaignant n'a pas été embauché;
  3. une autre personne, qui n'était pas plus qualifiée, mais qui ne possédait pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte, a subséquemment obtenu le poste.

[18] Cela dit, le critère adopté dans Shakes n'est pas une règle de droit, mais uniquement un exemple de l'application du principe établi dans O'Malley. Le critère énoncé dans Shakes ne doit pas être appliqué de façon rigide ou arbitraire dans chaque affaire portant sur l'embauchage (Lincoln, au paragraphe 18; C.C.D.P. c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154, aux paragraphes 25 et 26).

D. L'article 14

[19] Aux termes de l'article 14 de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d'emploi.

[20] Lorsque le plaignant allègue qu'il y a eu harcèlement au sens de l'article 14, il doit démontrer que la conduite reprochée :

  1. était liée à un motif de distinction illicite;
  2. était non sollicitée;
  3. était assez persistante et sérieuse pour avoir un effet défavorable sur le milieu de travail.

(Voir Morin c. Procureur général du Canada, 2005 TCDP 41, au paragraphe 246.)

E. L'article 10

[21] L'article 10 de la LCDP vise l'employeur qui applique des lignes de conduite fondées sur un motif de distinction illicite et susceptibles d'annihiler les chances d'emploi d'un individu.

F. L'évaluation de la preuve

[22] Pour que la plainte soit jugée fondée, il n'est pas nécessaire que seuls des motifs discriminatoires soient à l'origine des actes reprochés. Il suffit qu'un des facteurs à l'origine de la décision de l'employeur soit de nature discriminatoire (Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (C.A.F.)).

[23] Il peut être conclu à la discrimination à partir d'une preuve circonstancielle, à la condition que la preuve présentée à l'appui rende cette conclusion plus probable que toute autre conclusion ou hypothèse possible (voir Chopra c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social) (2001), 40 C.H.R.R. D/396 (TCDP), au paragraphe 286).

[24] Finalement, dans la décision Kasongo c. Financement agricole Canada, 2005 TCDP 24, aux paragraphes 29 et 30, le Tribunal a souligné la nécessité de procéder de manière objective; les arbitres doivent faire preuve de prudence avant de se fier aux perceptions des parties, lesquelles perceptions peuvent être déformées en raison de caractéristiques de la personnalité, comme un degré élevé de sensibilité ou des réflexes défensifs importants.

V. ANALYSE DES ALLÉGATIONS DU PLAIGNANT

A. PREMIÈRE ALLÉGATION - L'AVIS D'EMPLOI POUR LE POSTE DE CONTREMAÎTRE DE LA MAINTENANCE POUR LE QUART DE NUIT, JUILLET 2002

[25] Le plaignant a soutenu que :

  1. sa déficience,
  2. son âge,
  3. sa race, sa couleur ou son origine nationale ou ethnique

ont joué un rôle dans la décision prise par l'intimée de refuser de l'employer au poste mentionné ci-dessus.

[26] Pour faciliter l'analyse, les motifs ci-dessus seront examinés à tour de rôle, afin de savoir si le plaignant a établi une preuve prima facie.

[27] Dans les cas où une preuve prima facie aura été établie, les explications de l'intimée seront prises en compte.

(a) Le refus d'embaucher fondé sur la déficience - la preuve prima facie

[28] Le plaignant a affirmé dans son témoignage qu'il a le diabète. Il a témoigné souffrir de neuropathie aux pieds. Cependant, à l'audience, aucune preuve n'a été soumise relativement à la gravité de son diabète, à ses répercussions sur sa santé, au moment où la maladie a été diagnostiquée ni au traitement suivi.

[29] La plaignant a déclaré dans son témoignage qu'il croit que Steven Watson, ainsi que tout le monde au travail, sait qu'il a le diabète parce qu'il l'aurait vu prendre de l'insuline. Cependant, il n'a pas précisé quand et où les deux superviseurs (Chuck Seeley et Steven Watson) qui ont mené l'entrevue pour le poste de contremaître l'auraient vu prendre de l'insuline avant que soit affiché l'avis d'emploi en juillet 2002 ou pendant que se déroulait le processus de sélection. Il a avancé qu'ils auraient pu le voir dans la salle à manger ou dans la salle de toilettes des hommes. Toutefois, la preuve révèle que M. Seeley, qui se déplaçait en chaise roulante, prenait rarement son repas dans la salle à manger et qu'il utilisait habituellement une autre salle de toilettes.

[30] Le plaignant a de plus témoigné qu'il n'avait pas soulevé la question de son diabète pendant l'entrevue pour le poste de contremaître, pas plus qu'il ne l'avait fait lors des brèves conversations qu'il a eues avec Steven Watson sur le plancher de travail au sujet des tâches à faire. En d'autres termes, le plaignant n'a pas déclaré avoir une déficience pendant la période en cause et il n'a pas demandé à l'intimée de prendre des mesures d'accommodement à cet égard.

[31] La preuve du plaignant à ce sujet était évasive, faible et vague. Pour ces motifs, je conclus qu'il n'a pas établi prima facie que sa déficience a joué un rôle dans la décision prise par l'intimée de ne pas l'embaucher au poste de contremaître de la maintenance pour le quart de nuit en juillet 2002.

(b) Le refus d'embaucher fondé sur l'âge - la preuve prima facie

[32] À l'audience, le plaignant a déclaré qu'il est né le 4 décembre 1948, donc qu'il avait 53 ans en juillet 2002 quand l'avis d'emploi a été affiché. M. Kenneth Mullan (le candidat retenu) a affirmé qu'il est né le 19 janvier 1959, donc qu'il avait 43 ans en juillet 2002 quand l'avis d'emploi a été affiché. Le certificat de naissance de M. Mullan a été déposé en preuve et corrobore son témoignage quant à son âge.

[33] Dans sa lettre de candidature, le plaignant n'a pas mentionné son âge ou sa date de naissance, pas plus qu'il n'a déclaré à l'entrevue ou à tout autre moment pertinent en l'espèce qu'il voulait obtenir un accommodement pour ce motif.

[34] Aucune preuve donnant à penser que l'âge a été un facteur pris en compte dans le choix du contremaître de la maintenance au garage d'Edmonton n'a été introduite. À 53 ans, le plaignant était encore à de nombreuses années de l'âge normal de la retraite. Le plaignant n'a pas tenté de porter son âge à l'attention de l'intimée lors de l'entrevue pour le poste ni à tout autre moment pertinent en l'espèce. Rien ne prouve que la question de l'âge a été abordée lors de l'entrevue avec le plaignant ou lors de celle avec M. Mullan et rien ne prouve non plus que la différence d'âge entre les deux hommes était apparente à l'époque.

[35] Je conclus que le plaignant n'a pas établi prima facie que son âge a joué un rôle dans la décision prise par l'intimée de ne pas retenir sa candidature.

(c.1) Le refus d'embaucher fondé sur la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique - la preuve prima facie

[36] Le plaignant a témoigné que c'était la première fois qu'il postulait pour un poste de contremaître depuis son arrivée au garage d'Edmonton en 1980. Il a affirmé qu'il ne l'avait pas fait avant parce qu'il ne croyait pas que l'intimée était prête à avoir [traduction] un contremaître de couleur maintenant et parce qu'il était en forme, il pouvait donc facilement faire le travail d'un mécanicien de machinerie lourde, et parce qu'il pouvait gagner plus d'argent qu'un contremaître en raison des heures supplémentaires.

[37] Quand on lui a demandé ce qui avait changé pour qu'il postule en 2002, le plaignant a répondu : [traduction] ma santé, mon âge et a dit ne pas être au courant de l'existence de programmes d'équité en matière d'emploi en vigueur au garage d'Edmonton. Il a également affirmé dans son témoignage qu'il accepterait le poste s'il lui était offert aujourd'hui et que, au moment où avait lieu l'audience, un poste de contremaître était libre.

[38] Le plaignant a affirmé que, lorsqu'il a postulé, il a d'abord posé des questions à Steven Watson au sujet du salaire, des avantages sociaux [traduction] et de tout le reste, mais que M. Watson n'en savait rien. Il a quand même décidé de postuler, car il croyait que le travail serait moins dur pour lui, puisqu'il avançait en âge et que sa santé n'était plus ce qu'elle était.

[39] Une copie de la demande écrite soumise par le plaignant a été introduite en preuve. Une partie de son contenu a été lue et confirmée par le plaignant :

[traduction]

Après 22 ans de travail comme mécanicien/chef d'équipe, je fais une demande pour obtenir le poste de contremaître de la maintenance.

[40] En fait, à l'époque, le plaignant avait 32 ans d'expérience, parce qu'il avait accumulé 10 ans d'expérience en Afrique du Sud avant d'être embauché par l'intimée.

[41] Il était également déclaré dans la demande écrite :

[traduction]

J'ai examiné les qualifications qu'il faut avoir pour le poste et je suis qualifié pour tous les éléments énumérés dans l'avis d'emploi. Si vous avez besoin de plus de renseignements, je les fournirai à votre demande.

[42] Le plaignant n'a pas présenté d'autre curriculum vitae ou preuve de ses qualifications et les superviseurs qui ont mené l'entrevue, Chuck Seeley et Steven Watson, ne le lui ont pas demandé.

[43] Quand il a été interrogé à propos du manque de renseignements fournis, le plaignant a déclaré que les superviseurs savaient tout à son sujet parce qu'il avait passé 22 ans au garage d'Edmonton et que M. Watson savait quels diplômes il détenait.

[44] À mon avis, il aurait été étonnant que M. Watson ait pu se souvenir de tous les brevets que lui avait montrés le plaignant en 1989, treize ans avant l'entrevue. Cela dit, j'estime que M. Watson aurait été parfaitement au courant de la qualité du travail accompli par le plaignant au cours de ses nombreuses années d'emploi en tant que mécanicien de machinerie lourde, tant dans l'aire de service que dans l'aire de levage, de ses relations avec ses collègues et de ses habiletés en tant que chef d'équipe.

[45] Le plaignant a également témoigné que l'entrevue n'a duré qu'environ trois minutes et que, bien que M. Seeley ait eu du papier et un crayon devant lui (les superviseurs et le plaignant étaient assis de part et d'autre d'un bureau), il n'a pris aucune note en sa présence.

[46] Le plaignant a cité M. Mullan à témoigner. Dans son témoignage, M. Mullan a affirmé que son entrevue n'avait pas duré longtemps non plus, soit moins d'une demi-heure. Il se rappelle s'être fait demander comment il se conduirait s'il était gestionnaire, mais qu'il s'agissait d'une entrevue non officielle, car il connaissait les superviseurs, pour avoir été à l'emploi de l'intimée depuis cinq ans à l'époque. Il se rappelle vaguement que Chuck Seeley a pris des notes pendant l'entrevue, mais on lui avait demandé peu de choses au sujet de son expérience de travail. Comme le plaignant, il a affirmé qu'il croyait que les superviseurs menant l'entrevue le connaissaient assez bien pour que son expertise ne soit pas mise en question et ne soit pas mentionnée pendant la discussion.

[47] Le plaignant est originaire de l'Inde. M. Mullan est blanc.

[48] Comme je l'ai mentionné ci-dessus, selon le critère de Shakes, la preuve prima facie peut être établie en démontrant que le plaignant était qualifié pour l'emploi en question, que le plaignant n'a pas été embauché et qu'une autre personne, qui n'était pas plus qualifiée, mais qui ne possédait pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte, a subséquemment obtenu le poste.

[49] Puisqu'il est clair que, en l'espèce, le plaignant n'a pas été embauché et que M. Kenneth Mullan, le candidat retenu, ne possède pas la caractéristique distinctive constituant le fondement de la plainte, la question est de savoir si le plaignant était qualifié pour l'emploi de contremaître et si M. Mullan n'était pas plus qualifié que le plaignant.

[50] M. Mullan a témoigné qu'il était représentant syndical au moment où il a postulé, mais qu'il n'avait jamais été chef d'équipe chez l'intimée. Il a affirmé avoir commencé à travailler pour l'intimée en 1997 et y avoir travaillé comme mécanicien de classe A1 jusqu'à sa promotion au poste de contremaître en août 2002.

[51] Il n'avait que cinq années d'expérience comme mécanicien breveté, en comparaison des 32 années d'expérience du plaignant. Tout le monde a convenu que le contremaître n'a plus à accomplir les tâches d'un mécanicien. Cependant, j'accepte le témoignage du plaignant selon lequel il est essentiel de connaître les tâches du mécanicien pour bien faire le travail de contremaître, puisque ce dernier a toujours affaire à des mécaniciens, à des conducteurs et à des répartiteurs qui ont besoin de supervision, de conseils et d'aide.

[52] La collaboration avec les collègues de travail et les dirigeants constituait également, de l'avis général, une partie importante du travail du contremaître. De nombreux témoins ont affirmé que le plaignant travaillait bien avec ses collègues. En fait, il entretenait des rapports très amicaux avec certains d'entre eux et il conservait de saines relations de travail avec d'autres. Pour ce qui est de la direction, il n'a fait état de tensions qu'avec son superviseur, Steven Watson. Gary Peach, qui est aujourd'hui à la retraite, mais qui était à l'époque en cause répartiteur au centre-ville d'Edmonton, communiquait quotidiennement par téléphone avec le plaignant alors qu'il était chef d'équipe. Il n'a eu que des bons mots à dire au sujet des connaissances du plaignant et de la coopération dont celui-ci a fait preuve quotidiennement durant de nombreuses années d'interaction.

[53] Nizar Dalla (un gestionnaire de la maintenance de Calgary), Richard Baker (à une certaine époque, contremaître au garage d'Edmonton), Steven Pejkovic, Gary Peach et Jace Loewen ont tous témoigné que le plaignant était hautement qualifié et très consciencieux dans son travail, qu'il interagissait bien avec ses collègues et qu'il avait des aptitudes de leadership. Par contre, Richard Baker, Gary Peach et Steven Pejkovic ont affirmé dans leur témoignage que M. Mullan n'avait pas autant de connaissances que le plaignant, qu'il ne se montrait pas aussi coopératif et qu'il n'était pas aussi compétent.

[54] M. Mullan a commencé à travailler pour l'intimée en 1997. Il avait donc 17 ans d'ancienneté de moins que le plaignant au garage d'Edmonton. Avant de travailler pour l'intimée, M. Mullan n'a pas accumulé d'expérience de travail pertinente. Au moment du concours pour l'emploi, M. Mullan était délégué syndical depuis environ un an et demi. Le plaignant avait également été auparavant délégué syndical pendant plusieurs années.

[55] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve est suffisante pour établir que le plaignant était qualifié pour le poste de contremaître et que M. Mullan était moins qualifié ou n'était pas plus qualifié que le plaignant.

L'usage inapproprié du dossier disciplinaire

[56] Le plaignant a également introduit un élément de preuve selon lequel, malgré ses qualifications égales ou supérieures, son dossier disciplinaire passé a été pris en compte de manière inappropriée et que cela a nui à sa candidature pour l'emploi. À ce sujet, il a affirmé dans son témoignage que, selon lui, l'intimée avait pris en compte de façon inappropriée un conflit en milieu de travail pour examiner s'il avait les habiletés en communication interpersonnelles nécessaires pour être contremaître.

[57] Le 11 mars 1992 (dix ans avant le concours pour le poste de contremaître en cause), le plaignant et son superviseur, Steven Watson, ont eu un différent. Selon le plaignant, le ton a monté, mais il n'y a pas eu de contact physique. Au moment du conflit, le plaignant venait d'utiliser un couteau japonais pour enlever de la fenêtre d'un autobus une vignette autocollante attestant une inspection.

[58] M. Watson a déposé une plainte officielle contre le plaignant à la suite de ce conflit. Le plaignant a témoigné que, dans cette plainte, M. Watson l'a accusé à tort de l'avoir menacé, en lui enfonçant le doigt dans la poitrine pendant la querelle et en étant en possession de couteaux, ce que M. Watson a considéré comme étant de l'intimidation.

[59] Des éléments de preuve révèlent que cet incident a joué contre le plaignant dix ans plus tard, au cours du processus d'embauche d'un contremaître, et qu'il a été considéré comme un exemple des mauvaises relations qu'entretenait le plaignant avec ses supérieurs hiérarchiques. La preuve donne à penser que cet incident a constitué un facteur dans la décision de l'intimée de ne pas embaucher le plaignant, bien qu'elle aurait dû ne pas en tenir compte vu qu'il s'était produit il y a si longtemps. Le plaignant semble affirmer que, en raison de sa race, l'intimée a fouillé loin dans ses antécédents professionnels afin de trouver une raison de ne pas retenir sa candidature. De cette manière, sa candidature pouvait ne pas être retenue pour le poste bien qu'il possédât des qualifications supérieures.

Conclusion

[60] Je conclus, à partir de tout ce qui précède, que le plaignant a établi prima facie l'existence d'un acte discriminatoire fondé sur la race relativement au concours pour le poste de contremaître en 2002.

(c.2) Le refus d'embaucher fondé sur la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique - l'explication de l'intimée

[61] L'intimée a fourni un certain nombre de raisons expliquant pourquoi le poste de contremaître a été offert à M. Kenneth Mullan à la suite du concours de juillet 2002.

(1) M. Mullan était, malgré la preuve du plaignant, le meilleur candidat pour le poste;

(2) L'embauche de M. Mullan au poste de contremaître permettait à l'intimée de s'adapter à sa déficience physique;

(3) La décision d'embaucher M. Mullan a été prise par des individus du bureau de Calgary, lesquels ne connaissaient vraisemblablement pas les candidats personnellement;

(4) À supposer que le plaignant ait été traité injustement au cours du processus de sélection pour le poste, cela était dû à l'animosité personnelle entre le plaignant et Steve Watson et il ne s'agissait pas d'un cas de discrimination.

[62] L'intimée a également présenté en preuve des explications concernant l'allégation du plaignant selon laquelle l'altercation survenue au travail en 1992 a été retenue contre lui lors du processus de sélection.

[63] Toutes ces explications seront examinées une par une.

M. Mullan était, malgré la preuve du plaignant, le meilleur candidat pour le poste

[64] En comparant l'expérience de travail du plaignant à celle de M. Mullan, l'intimée note que ce dernier n'a soumis qu'une courte lettre de candidature, sans donner de détails sur ses qualifications ou son expérience, dans laquelle il déclare n'avoir que 12 ans d'expérience chez l'intimée en tant que chef d'équipe. Cependant, encore une fois, la preuve soumise à l'audience n'étaye pas cette affirmation, puisque le plaignant avait été nommé chef d'équipe plusieurs fois au cours de ses 22 années de service chez l'intimée, et j'ai conclu que le plaignant avait plus de 12 ans d'expérience à titre de chef d'équipe chez l'intimée.

[65] L'intimée a voulu contester l'allégation du plaignant selon laquelle il n'a pas eu droit à une entrevue équitable. Un document présentant les questions qui auraient été posées au plaignant lors de l'entrevue a été introduit un preuve. M. Chuck Seeley a affirmé qu'il avait écrit ce document à la main pendant l'entrevue avec le plaignant. Les questions qui y figuraient ressemblaient à celles que comportaient d'autres documents introduits en preuve, lesquels seraient les notes prises lors des entrevues menées avec d'autres candidats pour le poste de contremaître en cause et pour d'autres postes de contremaîtres. L'avocate du plaignant a mis en question l'auteur du document et le moment où le document a été créé.

[66] Finalement, compte tenu de la preuve concernant tant l'entrevue du plaignant que celle de M. Mullan, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un élément essentiel. J'estime que le document censé représenter les notes prises lors de l'entrevue avec le plaignant a bel et bien été écrit par Chuck Seeley. Bien qu'il soit possible que ces notes aient été prises durant l'entrevue, il est tout aussi possible qu'elles aient été écrites par la suite. Par conséquent, le document ne constitue pas une preuve permettant de conclure que le plaignant a été traité équitablement lors du processus de sélection.

[67] L'intimée a également essayé de contester la supériorité des qualifications du plaignant par rapport à celles de M. Mullan en mettant en cause ses connaissances en informatique. Plusieurs témoins ont affirmé que, environ un an auparavant, l'intimée avait mis en place un nouveau système informatique appelé MCMS visant à gérer la maintenance au garage d'Edmonton. Tous les mécaniciens ont dû apprendre à l'utiliser afin d'exécuter les commandes, d'obtenir leur emploi du temps, de remplir leurs fiches de présence électroniques et de consulter certains manuels d'instructions sur la maintenance. Tant le chef d'équipe que le contremaître devaient utiliser ce système. M. Mullan a affirmé dans son témoignage qu'il avait été question de ce système au cours de son entrevue, que ses superviseurs avaient laissé entendre que, selon eux, il connaissait le système aussi bien que n'importe qui d'autre devant travailler avec le nouveau programme et que, s'il éprouvait des difficultés, ils pouvaient l'aider.

[68] M. Watson a affirmé dans son témoignage qu'il doutait de la compétence du plaignant avec le système MCMS à l'époque et qu'il croyait qu'il était plus lent et moins habile avec le MCMS que d'autres employés. Cependant, le plaignant a témoigné qu'il était parfaitement capable d'utiliser le système puisqu'il s'en servait quotidiennement en tant que chef d'équipe. À cet égard, j'accepte le témoignage du plaignant selon lequel il connaissait suffisamment le système MCMS pour accomplir le travail du contremaître et qu'il était au moins aussi compétent que M. Mullan.

[69] M. Watson a également témoigné au sujet de l'expérience de travail de M. Mullan. Il a reconnu que M. Mullan était mécanicien de classe A1 au garage d'Edmonton et qu'il n'avait jamais été chef d'équipe. Il a de plus affirmé que M. Mullan avait été apprenti mécanicien de machinerie lourde immédiatement avant d'entrer chez l'intimée, qu'il avait été apprenti mécanicien général avant cela et qu'il avait été préposé à l'entretien chez Edmonton Transit avant cela. Bref, l'intimée a été incapable de démontrer que M. Mullan était plus qualifié que le plaignant, donc la première explication doit être rejetée.

L'embauche de M. Mullan au poste de contremaître permettait à l'intimée de s'adapter à sa déficience physique

[70] L'intimée a également avancé l'explication selon laquelle la Loi sur l'équité en matière d'emploi lui conférait l'obligation de prendre des mesures d'accommodement envers ses employés ayant une déficience. Nommer M. Mullan, qui souffre d'arthrite, au poste moins exigeant physiquement de contremaître était une façon de s'adapter à sa déficience.

[71] À l'époque où l'avis d'emploi a été affiché, Ken Mullan était en congé d'invalidité en raison de son arthrite. Il était évident qu'il souffrait d'arthrite, car il avait plusieurs fois dû prendre congé pendant plusieurs mois consécutifs. De toute évidence, l'intimée était au courant de sa maladie. Cependant, dans son témoignage à l'audience, M. Mullan a affirmé catégoriquement que son arthrite ne l'empêchait pas d'accomplir toutes les tâches incombant au mécanicien de machinerie lourde et a dit expressément ne pas se considérer comme une personne ayant une déficience et n'avoir pas demandé le poste de contremaître à titre d'accommodement. Il a témoigné qu'il voulait réellement le poste et qu'il a bien fait part de son enthousiasme lors de l'entrevue, car il voulait obtenir la promotion.

[72] M. Mullan a de plus affirmé que, lorsqu'il a été mis fin à son emploi de contremaître chez l'intimée après avoir occupé ce poste pendant environ un an et demi, il voulait reprendre son travail de mécanicien de machinerie lourde. Il a déclaré que, à l'époque, il se sentait parfaitement capable d'accomplir les tâches de mécanicien de machinerie lourde, mais qu'on ne lui a pas donné la chance de retourner [traduction] sur le plancher. Depuis, il a changé d'emploi d'après la recommandation de son médecin, mais, à l'époque en question, il voulait reprendre son ancien travail et se croyait capable de le faire.

[73] Le témoignage de M. Mullan à cet égard n'a été contredit par ni l'un ni l'autre des superviseurs ayant mené l'entrevue, Steven Watson et Chuck Seeley. Aucun représentant du bureau de Calgary de l'intimée n'a témoigné.

[74] Par conséquent, j'estime que cette autre explication de l'intimée - selon laquelle elle a embauché M. Mullan au poste de contremaître dans le but de s'adapter à sa déficience - n'est qu'un prétexte.

La décision d'embaucher M. Mullan a été prise par des individus du bureau de Calgary, lesquels ne connaissaient vraisemblablement pas les candidats personnellement

[75] L'intimée a également tenté de démontrer que ses actes n'étaient pas discriminatoires en soutenant que la décision finale d'embaucher M. Mullan plutôt que le plaignant a été prise par des personnes du bureau de Calgary, et non par une personne du garage d'Edmonton. Toutefois, j'estime que la décision a été véritablement prise par Steven Watson, avec l'accord de Chuck Seeley. L'intimée a choisi de ne faire témoigner que Steven Watson pour sa défense et personne du bureau de Calgary n'a comparu pour témoigner. Il ressort clairement des preuves apportées par M. Seeley et par M. Watson, lorsqu'elles sont examinées conjointement, qu'ils avaient choisi avant d'appeler le bureau de Calgary d'offrir le poste à M. Mullan et qu'ils ont fait part de leurs conclusions tirées à la suite des entrevues de manière à ce que ce soit bien M. Mullan qui soit embauché.

[76] Je suis d'avis qu'il ne s'agit pas d'une explication convaincante ou raisonnable.

À supposer que le plaignant ait été traité injustement au cours du processus de sélection pour le poste, cela était dû à l'animosité personnelle entre le plaignant et Steven Watson et il ne s'agissait pas d'un cas de discrimination

[77] L'intimée affirme que le superviseur Steven Watson et le plaignant ont eu des différends par le passé. Pour illustrer ses propos, elle affirme que le plaignant s'est plaint de M. Watson auprès d'autres employés et qu'il a mis en doute ses capacités de gestionnaire, ce qui a causé des tensions entre les deux hommes. L'intimée insiste sur le fait que les tensions entre M. Watson et le plaignant ne sont pas fondées sur un motif de distinction illicite, mais plutôt sur un conflit de personnalité.

[78] M. Watson et le plaignant déclarent dans leur témoignage que, à une certaine époque, ils ont été des amis proches, tant au travail qu'à l'extérieur du travail. Bien que M. Watson ait commencé à travailler au garage d'Edmonton en 1973 et que le plaignant ait commencé en 1980, M. Watson a dû travailler pour gravir les échelons de la hiérarchie. Le plaignant est entré au garage d'Edmonton en tant que mécanicien breveté. M. Watson a été apprenti avec le plaignant et M. Watson a déjà travaillé sous la supervision du plaignant. Le plaignant a consacré de son propre temps à aider M. Watson à obtenir son brevet de mécanicien. Ils ont souvent travaillé ensemble sur des voitures à la ferme d'un ami et ils sortaient manger ensemble. Leur relation personnelle s'est cependant aigrie après que M. Watson fut devenu le supérieur du plaignant.

[79] Compte tenu de leurs liens personnels étroits, la prépondérance de la preuve donne à penser que les tensions survenues entre eux n'étaient pas de nature discriminatoire.

[80] J'estime que le conflit de personnalité entre le plaignant et Steven Watson a influencé de manière inappropriée la façon dont M. Watson a géré le processus de sélection pour le poste de contremaître de nuit à l'été 2002. L'entrevue qu'ont menée M. Watson et M. Seeley avec le plaignant a été très brève. M. Watson a posé les questions; il n'a pas abordé comme il l'aurait fallu les qualifications du plaignant et il ne lui a pas demandé les renseignements supplémentaires que le plaignant avait proposé de fournir. M. Watson a exagéré, avec la participation de M. Seeley, les qualifications de M. Mullan quand il a fait part des résultats des entrevues aux personnes de Calgary devant prendre la décision.

[81] De même, je crois que M. Watson a tenté de nuire à la candidature du plaignant en utilisant contre lui le conflit survenu au travail en 1992. Steven Watson a affirmé que tout employé, s'il le désire, a le droit d'examiner son propre dossier dans le bureau de M. Watson. Après examen de son dossier personnel, l'employé a le droit de détruire ou de faire détruire toute trace de mesure disciplinaire ou document semblable après cinq ans. Par conséquent, bien qu'un conflit se soit véritablement produit, il a eu lieu dix ans avant que le plaignant ne demande le poste de contremaître; l'incident s'était donc produit longtemps auparavant et n'était pas pertinent dans le cadre du concours. Malgré cela, des éléments de preuve démontrent que Steven Watson en voulait encore personnellement au plaignant en raison de cet incident. Compte tenu de leur amitié aigrie, il est plus que probable que ce soit le cas.

[82] La preuve étaye la conclusion selon laquelle M. Watson ne voulait pas avoir affaire au plaignant plus souvent, ce qui aurait été le cas si ce dernier avait été nommé contremaître, en raison du conflit survenu plusieurs années auparavant entre les deux hommes ainsi que de la suspicion et de l'animosité qui en ont découlé. Le plaignant, pour sa part, a l'impression d'avoir été victime de l'animosité que le superviseur Steven Watson lui témoignait, ce qui semble justifié, compte tenu de la preuve.

[83] Cependant, il faut qu'il y ait un lien entre l'acte à l'étude et un motif de distinction illicite. Le lien peut être déduit à partir d'une preuve circonstancielle, mais la conclusion de discrimination doit être plus probable que toute autre conclusion possible. À défaut de cela, le plaignant peut utiliser les autres recours qu'offrent le milieu de travail, le syndicat ou les tribunaux civils, mais il n'a pas satisfait au critère permettant de prouver le bien-fondé de sa plainte en matière des droits de la personne.

[84] La protection prévue par la LCDP ne peut pas être invoquée lorsque les difficultés qu'a subies le plaignant au travail ne sont dues qu'à un conflit de personnalité avec un superviseur (voir Hill c. Air Canada (2003), 45 C.H.R.R. D/456 (T.C.D.P.), aux paragraphes 132, 164, 165, 169 et les décisions qui y sont mentionnées).

[85] En l'espèce, j'estime que l'animosité personnelle entre le plaignant et M. Watson explique de manière convaincante l'acte discriminatoire prima facie qui se serait produit lors du processus de sélection. Cette animosité est issue de l'interaction entre les deux hommes ainsi que de leurs cheminements de carrière différents et n'a rien à voir avec la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique du plaignant - ni d'ailleurs avec son âge ou sa déficience. Il est plus probable que l'animosité personnelle soit fondée sur les tensions passées liées au travail que sur un motif illicite de distinction.

[86] Puisque l'intimée a fourni une explication raisonnable, la première allégation est rejetée.

B. DEUXIÈME ALLÉGATION - HARCÈLEMENT PASSÉ ET PRÉSENT COMMIS PAR LES COLLÈGUES ET LES GESTIONNAIRES

[87] Le plaignant a présenté des éléments de preuve relativement à huit incidents ou traits caractéristiques illustrant ce qu'il a vécu au travail, lesquels, selon lui, constituent du harcèlement fondé sur la race, au sens de l'article 14 de la LCDP. Ces huit incidents ou traits caractéristiques seront examinés un à la fois.

(i) Le harcèlement en milieu de travail que lui a fait subir le contremaître de l'époque, Bruce Morrison, à partir de 1984

[88] Le plaignant a introduit des éléments de preuves relativement à du harcèlement qu'il aurait subi au travail du fait du contremaître de l'époque, Bruce Morrison, lequel harcèlement aurait commencé en 1984 et se serait poursuivi pendant plusieurs années. Le plaignant a déposé une plainte officielle relative aux droits de la personne, également fondée sur l'âge, la race et la déficience, contre l'intimée en 1990, laquelle plainte a fait l'objet d'une enquête et a finalement été rejetée par la Commission canadienne des droits de la personne en 1994. Le plaignant a témoigné que M. Morrison était celui qui l'avait rétrogradé de chef d'équipe à mécanicien, qu'il avait proféré des remarques à connotation raciale dans son dos et qu'il avait refuser de le laisser suivre les cours [traduction] que recevaient les mécaniciens blancs.

[89] Le plaignant est d'avis que, bien que sa plainte relative aux droits de la personne déposée en 1990 ait été rejetée, il faudrait encore la prendre en compte dans le cadre de la présente audience en tant qu'élément prouvant que la discrimination a commencé dix-neuf ans avant le dépôt de la présente plainte. À cet égard, je suis d'accord avec l'intimée et j'estime que cette affaire s'est produite il y a trop longtemps par rapport à la présente plainte pour qu'il convienne de la considérer comme étant un facteur dans la présente instruction. Par conséquent, je ne peux la prendre en compte ni en tant qu'incident isolé ni en tant qu'acte parmi d'autres constituant du harcèlement.

(ii) Les fausses accusations d'avoir proféré des menaces contre M. Watson le 11 mars 1992

[90] Comme je l'ai mentionné précédemment, le 11 mars 1992, le plaignant et Steven Watson ont eu un conflit au travail le 11 mars 1992. Selon M. Watson, lors de cet incident, le plaignant l'a menacé en lui enfonçant deux doigts dans la poitrine de manière menaçante alors qu'il avait à la main un couteau japonais. En fin de compte, Steven Watson a déposé une plainte en bonne et due forme contre le plaignant, ce qui l'a beaucoup tourmenté, car ils avaient déjà été bons amis. Il affirme avoir été influencé dans sa décision par ses supérieurs, qui l'ont convaincu qu'il devait prendre ces mesures officielles afin d'assurer le maintien du respect qui lui était dû et qui était dû à son rang. Selon ce qui était écrit dans la plainte officielle, le plaignant avait [traduction] des petits couteaux en sa possession, ce qui a intimidé M. Watson. Cependant, au cours de l'audience, M. Watson a confirmé que le plaignant avait dans la main un couteau japonais, dont il se servait pour travailler, et non [traduction] des petits couteaux.

[91] Deux documents en particulier ont été soumis relativement à cet incident. L'un d'eux, introduit par l'intimée, a été présenté comme contenant des documents administratifs (appelés formulaires 6) montrant que des mesures disciplinaires ont été prises contre le plaignant relativement à cet incident et décrivant l'incident comme M. Watson l'avait fait, sauf la référence aux petits couteaux qu'aurait possédés le plaignant. Le formulaire 6 est un formulaire utilisé fréquemment au garage d'Edmonton pour diverses raisons. Il est indiqué sur le formulaire à qui des copies doivent être envoyées. Dans le cas de mesures disciplinaires, la personne visée reçoit normalement une copie du formulaire. Selon le formulaire 6 produit, le plaignant en aurait reçu une copie.

[92] Cependant, dans son témoignage, le plaignant a déclaré n'avoir pas reçu de mesure disciplinaire et n'avoir jamais reçu le formulaire 6 faisant état de la réprimande produit en preuve. Le formulaire 6 a été soumis au plaignant lors du contre-interrogatoire et l'avocate du plaignant s'est opposée à son introduction. Elle a soutenu que l'intimée était tenue de divulguer tout le dossier d'emploi du plaignant et qu'elle n'avait pas divulgué auparavant les documents en question.

[93] J'ai permis que les documents soient présentés au plaignant parce que les documents du formulaire 6 rempli relativement à l'incident s'étant produit en 1992 peuvent ne pas avoir été jugés pertinents avant l'audience. Dans la mesure où le plaignant a fait sous serment des déclarations que les documents tendent à réfuter, j'autorise l'avocat de l'intimée à les introduire, car la question de la crédibilité a été abordée à l'audience. Lors du contre-interrogatoire, les documents ont été introduits en tant que pièce uniquement afin de les identifier, car rien ne prouvait que le plaignant les avait vu auparavant et il a donc témoigné qu'il ne les reconnaissait pas.

[94] Par la suite, les documents ont été introduits en tant que documents administratifs, gardés dans le cours normal des activités par Steven Watson.

[95] L'autre document relatif à cet incident a été introduit par le plaignant, lequel document serait une copie d'une plainte écrite rédigée à la même époque, dans laquelle le superviseur du plaignant, Steven Watson, présente les détails de l'incident. Cette plainte a été déchirée, puis récupérée dans la poubelle par le plaignant et d'autres personnes. Le plaignant a conservé ce document depuis ce temps.

[96] Steven Pejkovic a témoigné pour le plaignant au sujet de l'incident du 11 mars 1992. Il a affirmé n'avoir jamais vu le plaignant être agressif physiquement envers qui que ce soit au garage au cours des années. Toutefois, il a également affirmé qu'il n'était pas présent au moment où s'est produit l'incident du 11 mars 1992 et qu'il ne pouvait donc pas confirmer ce qui s'était produit. L'intimée n'a pas cité de témoin (autre que M. Watson) à comparaître relativement à l'incident.

[97] Je préfère le témoignage de Steven Watson. Il s'est montré assez émotif lorsqu'il a raconté avoir longuement hésité avant de signaler un incident qui entraînerait des mesures disciplinaires contre le plaignant, en raison de leur ancienne amitié. Il a admis que la mention des [traduction] petits couteaux, qui apparaît dans le premier document, était une erreur et il a affirmé qu'il se souvenait clairement des détails. Cela faisait contraste avec la dénégation totale du plaignant. J'estime que l'incident s'est bien produit comme l'a décrit Steven Watson et que le plaignant a reçu une réprimande.

[98] Cependant, je ne souscris pas à la position du plaignant selon laquelle il a été faussement accusé et qu'il s'agit d'un exemple du harcèlement continu de la part de la direction, harcèlement dont il serait victime pour des motifs de discrimination. La preuve révèle que cet incident n'avait rien à voir avec la race du plaignant et qu'il découlait plutôt de l'animosité personnelle entre le plaignant et Steven Watson. À l'audience, l'un et l'autre ont nié l'existence de toute animosité entre eux, mais elle ressort clairement de leur témoignage respectif. En conséquence, je ne peux accorder d'importance à cet incident dans mon analyse relative au harcèlement.

(iii) L'horaire des vacances du plaignant en 2000

[99] Le plaignant soutient que sa demande de vacances d'été en 2000 a été modifiée à son insu. L'établissement de l'horaire des vacances au garage d'Edmonton est régi par la convention collective. Le plaignant a affirmé lors de son contre-interrogatoire qu'il n'a pas déposé de grief relativement à l'incident en question. Il a déclaré qu'il ne s'était pas produit d'autre incident concernant les vacances depuis ce temps. Il a par contre affirmé qu'il y avait eu des incidents concernant les vacances avant celui en question, mais il n'a pas donné de détails ou de dates et aucune preuve corollaire n'a été produite à l'appui. Par conséquent, le seul incident sur lequel je dois me pencher est celui s'étant produit en 2000.

[100] En avril 2000, le plaignant a demandé des vacances du 17 juin au 30 juin 2000. En raison de son ancienneté, il aurait dû avoir droit à son premier choix. Il avait déjà acheté des billets d'avion et fait des projets pour passer ses vacances aux États-Unis. Il ne fait aucun doute que la demande a été modifiée. Une copie de la demande écrite à la main a été introduite en preuve, laquelle copie montre clairement que l'année 2000 a été biffée et remplacée par 2001. Aucune preuve n'a été produite concernant la personne qui pourrait être responsable de la modification. Le plaignant a témoigné qu'il ne l'a pas fait et j'accepte son témoignage à ce sujet. Il n'aurait pas pris le risque de gâcher ses vacances et de permettre à quelqu'un d'autre de se voir attribuer la période de vacances qu'il préférait.

[101] Le plaignant a bien déclaré que, à l'époque en question, il a remis sa demande à celui qui était alors le deuxième superviseur au garage d'Edmonton, Chuck Seeley. Il a également affirmé dans son témoignage que Steven Watson lui avait téléphoné pour lui signaler qu'il avait demandé des vacances pour la mauvaise année. Bien qu'il n'ai pas déposé de grief par l'intermédiaire de son syndicat, le plaignant a par contre consulté Keith Hutchings, alors dirigeant syndical, ainsi qu'un directeur principal des relations avec les employés. Après leur intervention, le plaignant a reçu les vacances qu'il avait demandées, mais il semble qu'il ne les aurait pas obtenues sans leur intervention. Cette période de vacances avait déjà été accordé au deuxième employé ayant le plus d'ancienneté et il a fallu revenir sur cette décision.

[102] Le plaignant affirme qu'il s'agit d'un exemple de harcèlement en milieu de travail que lui fait subir la direction. Puisque le plaignant avait donné sa demande à son superviseur, Chuck Seeley, et que la preuve devant moi révèle que la seule autre personne ayant eu la demande entre les mains était le superviseur Steven Watson, je conclus que la demande de vacances a été modifiée par une personne de la direction.

[103] En outre, la direction n'a pas agi convenablement pour remédier à la situation quand elle a découvert que le plaignant n'avait pas modifié sa demande. L'intimée a bel et bien donné au plaignant les vacances auxquelles il avait droit en fin de compte, mais uniquement après qu'il eut demandé l'aide de personnes occupant un rang plus élevé au sein de l'entreprise. Ses superviseurs directs ont refusé de lui accorder ce à quoi il avait droit, bien qu'il soit vite apparu clairement que sa demande de vacances comportait une erreur. Quelqu'un a délibérément modifié sa demande et ses supérieurs immédiats, soit Steven Watson et Chuck Seeley, n'ont pas réagi comme il le fallait quand ils ont été informés du problème. Cette situation n'aurait pas dû nécessiter l'intervention du syndicat pour être corrigée.

[104] Cependant, afin de constituer du harcèlement au sens de l'article 14, l'incident doit être fondé sur un motif de distinction illicite. Rien dans la preuve ne laisse croire que la modification de la demande de vacances du plaignant, ou la réaction de la direction à la situation, était fondée en tout ou en partie sur la race du plaignant.

(iv) La menace de Steve Watson, le 23 juillet 2003, de congédier le plaignant s'il obtenait le poste de contremaître

[105] Le plaignant affirme que, au moment où il a pris des renseignements au sujet du concours pour le poste de contremaître de la maintenance pour le quart de nuit, le superviseur Steven Watson lui a dit qu'il le congédierait s'il obtenait le poste, parce qu'il ne serait plus membre du syndicat. M. Watson nie avoir dit cela. Cependant, le témoin du plaignant, Euclide Plamondon, un mécanicien d'entretien au garage d'Edmonton, a affirmé dans son témoignage que M. Watson avait dit cela au plaignant en sa présence. Selon ce que M. Plamondon se rappelle, M. Watson a déclaré : [traduction] Si tu obtiens le poste, je vais de congédier. Tu ne seras plus membre du syndicat. J'accepte le témoignage de M. Plamondon à ce sujet. Il se souvenait clairement des circonstances dans lesquelles les paroles ont été dites, de sa réaction et de la réaction du plaignant.

[106] À l'audience, beaucoup de temps a été consacré à la question de savoir si, en fait, le plaignant aurait pu être congédié ou mis à pied s'il avait obtenu le poste de contremaître. Qu'il ait pu être en fait congédié ou non une fois qu'il n'aurait plus été membre du syndicat n'est pas pertinent dans le cadre de la plainte, laquelle est fondée sur ce qui a été dit au plaignant. J'accepte les témoignages du plaignant et de M. Plamondon selon lesquels Steven Watson a proféré la menace et qu'il l'a fait publiquement, sur le plancher de travail, en présence de M. Plamondon.

[107] Cependant, la suite du témoignage du plaignant à ce sujet était curieuse. M. Plamondon a affirmé qu'il ne croyait pas que Steven Watson faisait une farce quand il a formulé la remarque; il croyait que M. Watson était sérieux. Toutefois, le plaignant a affirmé dans son témoignage qu'il ne croyait pas que M. Watson était [traduction] vraiment sérieux et qu'il croyait que M. Watson [traduction] faisait une farce. Si le plaignant a considéré la remarque comme étant une farce, on peut douter qu'il l'ait vraiment perçue comme étant [traduction] malvenue. Il a néanmoins postulé pour le poste.

[108] Cela dit, même si le plaignant a considéré la menace de M. Watson comme étant des paroles malvenues qui empoisonnaient le milieu de travail, il n'a pas été démontré que la menace était liée à la race du plaignant ou qu'elle était fondée sur un autre motif de distinction illicite. Par conséquent, l'incident ne peut être considéré comme étant un exemple de harcèlement.

(v) L'incident impliquant Ken Pauli, le 4 octobre 2005

[109] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que, le 4 octobre 2005, un autre mécanicien, Ken Pauli, l'a harcelé au travail en lui lançant des insultes comme [traduction] stupide, [traduction] paresseux et [traduction] tout le reste. Il était chef d'équipe, c'était une journée fériée et M. Watson n'était pas au travail cette semaine-là. Nizar Dalla, une gestionnaire de Calgary, était en devoir plus tard cette journée-là. Le plaignant a affirmé que [traduction] M. Watson avait pris une semaine de vacance et j'avais l'impression qu'il avait permis à Ken Pauli de me harceler. Pour s'expliquer, il a ajouté qu'il croyait que [traduction] [M. Watson] avait fait en sorte que Ken Pauli me harcèle. Son raisonnement est qu'il n'avait jamais eu de problème avec Ken Pauli auparavant.

[110] Marcia Reynold, du service des ressources humaines de l'intimée, a conseillé au plaignant de déposer une plainte écrite au sujet de l'incident, ce qu'il a fait. Par la suite, il a été mis au courant que Mme Reynolds avait procédé à une enquête et il a reçu une lettre de Mme Reynolds dans laquelle M. Pauli reconnaissait l'avoir harcelé et avoir agi contrairement à la politique sur les relations de l'intimée, laquelle politique est affichée bien en vue au garage d'Edmonton et dans d'autres lieux de travail appartenant à l'intimée. L'enquête n'a pas porté sur la racisme, seulement sur le harcèlement. Il a affirmé dans son témoignage qu'il avait senti que la race était en cause, mais il ne l'a pas signalé au moment où il a déposé la plainte à son travail. Il a également senti que la conduite de M. Pauli était une mesure de représailles de la part de M. Watson pour avoir déposé une plainte relative aux droits de la personne. (Cependant, il n'a pas allégué formellement à l'audience, ni avant, qu'il y avait eu représailles au sens de l'article 14.1 de la Loi.)

[111] Le plaignant a témoigné qu'il s'agissait du [traduction] seul incident qu'il avait eu avec qui que ce soit sur le plancher au garage et qu'il s'agissait d'un [traduction] incident isolé. Dans son témoignage, M. Watson a nié avoir été informé auparavant de la conduite de M. Pauli et il a confirmé qu'il était en vacances au moment où l'incident s'est produit. Rien ne prouve que M. Watson a été impliqué dans cet incident, que ce soit en l'ayant encouragé ou en l'ayant approuvé. L'enquête suivant la plainte déposée au travail par le plaignant n'a pas visé M. Watson. Au mieux, l'impression du plaignant selon laquelle M. Watson a poussé M. Pauli à le harceler pendant que M. Watson était en vacances n'est que pure hypothèse.

[112] En outre, la seule preuve présentée par le plaignant donnant à penser que la race a joué un rôle dans la conduite de M. Pauli était la déclaration du plaignant selon laquelle il croyait que la race était en cause, bien qu'il ne l'ait pas déclaré à l'époque dans sa plainte déposée au travail.

[113] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le plaignant n'a pas démontré que cet incident peut être considéré comme étant un exemple de harcèlement au sens de l'article 14.

(vi) Le refus de permettre de suivre de la formation et des cours

[114] Le plaignant a affirmé dans son témoignage que, en de nombreuses occasions, il a demandé à suivre des cours spécialisés, mais il n'en a pas reçu l'autorisation. La question des cours et de la formation peut faire l'objet d'un grief régi par la convention collective, mais le plaignant n'en a pas déposé, bien qu'il ait témoigné en avoir parlé à un dirigeant syndical, Nelson Holst.

[115] Le plaignant prétend s'être vu refuser la chance de suivre les cours ou de recevoir la formation qui ont été offerts aux autres employés et que, au fil des années, ces refus ont nui à l'avancement de sa carrière et ont eu des répercussions directes sur sa capacité d'accomplir certaines tâches spécialisées. En plus d'allégations générales de discrimination relativement à l'inscription aux cours, le plaignant a affirmé que, en 2001, il s'était vu refuser la chance d'obtenir son permis de classe 2 (une amélioration par rapport à son permis de classe 3) et que, en 2003, quand il a suivi et échoué le cours sur l'air climatisé devenu récemment obligatoire, il a soupçonné le superviseur Steven Watson d'avoir influencé l'instructeur pour qu'il ne lui donne pas la note de passage.

[116] Le plaignant a produit peu d'éléments de preuve montrant qu'il n'a pas reçu la formation adéquate au cours de ses années d'emploi. Cependant, la preuve révélait qu'il n'avait pas eu droit aux cours les plus longs qu'il avait demandés ou dont il croyait avoir besoin pour maintenir son niveau de compétence dans son travail. En particulier, en 2000 ou vers cette date, une nouvelle exigence est entrée en vigueur, laquelle obligeait les mécaniciens ayant un permis de classe 3 à obtenir un permis de classe 2 pour pouvoir transporter un passager lorsqu'ils testent les autobus. Il est nécessaire de pouvoir transporter des passagers quand le mécanicien souhaite emmener un apprenti ou un autre passager avec lui quand il teste l'autobus pour les vibrations ou quelque trouble semblable. Il n'est pas contesté que plusieurs mécaniciens ont obtenu leur permis de classe 2 et que, lorsque le plaignant a demandé à Steven Watson de suivre le cours, ce dernier lui a répondu qu'il avait suffisamment d'employés ayant la nouvelle classification. Il n'a jamais reçu cette formation et, encore aujourd'hui, il ne peut tester les autobus à moins qu'un employé ayant un permis de classe 2 l'accompagne. En tant que mécanicien ayant le plus d'ancienneté au garage, et agissant souvent à titre de chef d'équipe, il s'agit véritablement d'une restriction à sa capacité d'accomplir les tâches qu'il pouvait accomplir auparavant. Plusieurs mécaniciens, dont le plaignant en tant que chef d'équipe est le superviseur, possèdent maintenant ce permis de classe 2.

[117] Le plaignant a également affirmé dans son témoignage que, lorsqu'il travaillait principalement dans l'aire de levage, il travaillait sur des moteurs, mais qu'il n'a jamais reçu de cours sur les moteurs. Il a également mentionné un cours sur l'électronique offert en 2003 portant sur analyseur informatisé permettant de déceler ce qui ne fonctionne pas dans les moteurs d'autobus. Il a affirmé que les employés devaient utiliser cet analyseur, qu'ils travaillent dans l'aire de service, dans l'aire de levage ou n'importe où ailleurs. On lui a refusé cette opportunité.

[118] Le plaignant a également donné l'exemple d'un cours sur l'air climatisé (AC) qu'il demandait à suivre depuis 1999, mais qu'il n'a suivi qu'en 2003 après avoir dit à un dirigeant syndical qu'on lui refusait ce cours. Il avait beaucoup travaillé sur les appareils d'AC des autobus. Il estime que le cours est très pertinent et essentiel pour sa carrière. Selon les règlements provinciaux de l'Alberta actuellement en vigueur, une personne ne peut travailler sur un appareil d'AC que si elle a réussi ce cours et si elle détient le certificat nécessaire de l'ICCCR.

[119] Il s'agissait d'un cours d'une semaine, comportant un examen final où la consultation de toute documentation était permise, et le plaignant a échoué ce cours. Un certain Peter Jasmin, qui ne travaillait pas pour l'intimée, a enseigné ce cours. Le plaignant a vu Steven Watson parler avec Peter Jasmin et, bien qu'il n'ait pas entendu ce qu'ils disaient, il a cru qu'ils parlaient de lui. Le plaignant prétend qu'il a échoué le cours à cause de l'interférence de Steven Watson. Il n'a pas déposé de grief par l'intermédiaire du syndicat et il ne s'est pas plaint auprès de l'intimée, parce qu'il était embarrassé. Il en est résulté que, bien qu'il ait travaillé sur les appareils d'AC depuis 1970, il ne peut plus le faire.

[120] Le plaignant n'a pas apporté de preuve montrant qu'il avait demandé à reprendre le cours ou à refaire l'examen. D'après son témoignage, on peut conclure qu'il n'a fait ni l'un ni l'autre.

[121] Je ne souscris pas à l'affirmation du plaignant selon laquelle Steven Watson est intervenu auprès de l'instructeur du cours sur l'AC et qu'il a fait pression sur lui pour qu'il fasse échouer le plaignant. Par conséquent, je conclus que le plaignant n'a pas prouvé prima facie qu'il y avait harcèlement à cet égard.

(vii) Les heures supplémentaires refusées

[122] Le plaignant a affirmé dans son témoignage qu'on lui avait refusé la chance de faire des heures supplémentaires. Selon ce qu'il a prétendu, il a dit à Steven Watson il y a quelque temps qu'il souhaitait prendre sa retraite bientôt et qu'il voulait d'abord améliorer sa pension en faisant des heures supplémentaires. Il a affirmé que M. Watson lui a répondu : [traduction] Non. Il n'y a pas d'heures supplémentaires. Il a ensuite affirmé que les autres mécaniciens blancs pouvaient faire des heures supplémentaires. Il a précisé que, avant que M. Watson devienne contremaître, il avait fait une bonne quantité d'heures supplémentaires.

[123] Quand on lui a demandé d'apporter des précisions sur les refus, il a affirmé que, s'il avait demandé à faire des heures supplémentaires il y a deux ans, M. Watson le lui aurait refusé, mais que la situation avait changé il y a environ un an ou un an et demi. Il a affirmé qu'il y a une pénurie de mécaniciens, donc que les heures supplémentaires ne sont pas un problème à l'heure actuelle.

[124] Malgré le fait que plusieurs personnes, qui travaillaient à l'époque en cause chez l'intimée et qui travaillent encore chez elle, aient été appelées à témoigner pour le plaignant, aucune d'entre elles n'a témoigné au sujet de leurs propres heures supplémentaires ni sur la possibilité de faire des heures supplémentaires en général au garage d'Edmonton. La seule preuve à cet égard a été apportée par le plaignant et Steven Watson.

[125] Bien qu'il soit possible que le plaignant se soit parfois vu refuser la permission de faire des heures supplémentaires lorsqu'il l'avait demandé, son témoignage n'est pas clair quant aux dates et aux périodes en cause. Le plaignant n'a pas présenté de preuve suffisante pour établir prima facie que la race a joué un rôle dans les décisions de lui refuser l'occasion de faire des heures supplémentaires.

(viii) Le harcèlement passé et présent au travail

[126] Le plaignant a apporté peu d'éléments de preuve à ce sujet autre que ce qui a trait aux allégations et aux incidents particuliers déjà soulignés. Il a affirmé que [traduction] toute la situation est de la discrimination raciale en raison de ma race, de mon âge et de ma déficience. Sa preuve se résumait à [traduction] il y a de la discrimination partout et à partout où il y a du travail de col bleu, c'est la même chose. Il a affirmé : [traduction] C'est la même sorte de comportement, la même mentalité, la même culture, c'est pareil. Il semble que ce soit le filtre défensif par lequel le plaignant voit tout milieu de travail, y compris le garage d'Edmonton où il a travaillé pendant 26 ans.

[127] Quand on lui a posé des questions sur le harcèlement actuel allégué dans sa plainte, le plaignant a affirmé : [traduction] On m'insulte dans mon dos. Ce n'est jamais fait ouvertement... Il dit être au courant parce que [traduction] des gens m'en parlent. Cependant, le témoignage du plaignant à cet égard manque de détails : il n'a pas précisé qui lui en avait parlé ni quand on lui en avait parlé et il n'a apporté aucune précision quant à la nature de la discussion ou quant à ce qui lui a été dit à ce sujet.

[128] Je conclus que le plaignant n'a pas établi de preuve prima facie relativement à l'allégation générale de harcèlement. La preuve n'est pas complète ou suffisante.

[129] Je n'estime pas non plus que les huit incidents ou traits caractéristiques de son milieu de travail, lorsqu'ils sont considérés dans leur ensemble, constituent du harcèlement au sens de l'article 14 de la LCDP. Comme je l'ai mentionné plus haut, pour qu'il y ait harcèlement, il doit y avoir un lien entre les actes malvenus et un motif de distinction illicite. Un lien semblable n'a été établi pour aucun des huit incidents ou caractéristiques. Rien dans la preuve ne permet de déduire à l'existence d'un tel lien relativement à l'ensemble des huit incidents ou traits caractéristiques ni relativement à un sous-groupe de ces incidents ou traits caractéristiques.

[130] La deuxième allégation doit être rejetée.

C. TROISIÈME ALLÉGATION - LE REFUS DE PERMETTRE DE RECEVOIR DE LA FORMATION ET DE SUIVRE DES COURS

[131] J'ai déjà rejeté l'allégation du plaignant selon laquelle Steven Watson l'aurait harcelé en faisant pression sur un instructeur pour qu'il lui fasse échouer le cours sur l'AC. Cependant, de manière plus générale, le plaignant affirme également que la conduite de l'intimée relativement au refus de lui permettre de recevoir de la formation et de suivre des cours constitue un acte discriminatoire tant au sens de l'alinéa 7b) que de l'alinéa 10a) de la LCDP.

[132] Cette allégation est étayée par le fait que le plaignant n'a pu suivre les cours pour obtenir un permis de classe 2 et sur l'analyseur électronique et que, pendant plusieurs années, il s'est vu refuser l'autorisation de suivre le cours sur l'AC. Tous ces cours sont essentiels au plaignant pour qu'il conserve son niveau de compétence ou pour lui permettre de faire avancer sa carrière. En fait, le manque de cours avait compromis la capacité du plaignant à faire son travail au garage d'Edmonton malgré son ancienneté et son expérience. Tous les cours en question ont été offerts à d'autres mécaniciens du garage d'Edmonton, souvent à ceux qui ont continué à travailler sous la supervision du plaignant.

[133] Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu'il est prouvé prima facie que l'intimée a défavorisé le plaignant relativement à l'approbation pour les cours et la formation. De même, il est établi prima facie que l'intimée, en la personne de Steven Watson, a bel et bien agi, relativement aux cours et à la formation, d'une manière susceptible d'annihiler les chances d'emploi du plaignant.

[134] Toutefois, afin de s'acquitter du fardeau de la preuve prima facie, la preuve doit être complète et suffisante pour justifier une décision en faveur du plaignant. En l'espèce, aucune preuve ne relie le traitement défavorable ou l'annihilation de chances d'emploi à un motif de distinction illicite. La preuve révèle plutôt que le conflit de personnalité entre le plaignant et Steven Watson a influencé de manière inappropriée les décisions que M. Watson a prises relativement à la formation et aux cours offerts au plaignant. Comme je l'ai affirmé précédemment, selon la preuve, je conclus que ce conflit de personnalité n'a rien à voir avec la race, l'âge ou la déficience du plaignant.

[135] À la lumière de ce qui précède, la troisième allégation doit être rejetée.

VI. DÉCISION

[136] Pour tous les motifs qui précèdent, la plainte est rejeté. L'intimée n'a droit à aucuns dépens, car la LCDP ne le prévoit pas.

Kerry-Lynne D. Findlay, c.r.

OTTAWA (Ontario)
Le 9 août 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1099/8005

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Suresh Khiamal c.

Greyhound Canada Transportation Corporation

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 4 au 8 décembre 2006

Edmonton (Alberta)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 9 août 2007

ONT COMPARU :

Shirish P. Chotalia

Pour le plaignant

Aucun représentant

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Michael Ford

Pour l'intimée

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