Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER ET

FEMMES-ACTION

les plaignants

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

Bell Canada

l'intimée

DÉCISION CONCERNANT LES REQUÊTES VISANT À RÉEXAMINER
UNE DÉCISION ANTÉRIEURE, À EXCLURE UN RAPPORT D'EXPERT
ET À LIMITER LE CONTRE-INTERROGATOIRE D'UN TÉMOIN

2004 TCDP 26
2004/07/28

MEMBRES INSTRUCTEURS : J. Grant Sinclair Pierre Deschamps

TRADUCTION

A. Demande de réexamen de Bell - Contre-interrogatoire sur l'étude d'AT&T 1

B. Protocole d'entente- Étude conjointe 3

C. Formation des membres du comité conjoint 4

D. Le rapport d'expert de M. Gould au sujet du calcul des intérêts 4

E. Requête du SCEP visant à limiter le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe 5

[1] Le Tribunal est saisi de trois requêtes. Deux de ces requêtes émanent de l'intimée, Bell, tandis que l'autre a été présentée par le plaignant, le SCEP.

[2] Dans sa première requête, Bell demande que le Tribunal réexamine sa décision qui l'empêche de contre-interroger Mme Blackstaffe sur l'étude d'AT&T, le protocole d'entente de l'étude conjointe et la formation donnée aux membres du comité conjoint et du sous-comité.

[3] La deuxième requête de Bell vise à obtenir une ordonnance pour empêcher que le rapport d'expert du 25 mars 2004 de Dr Lawrence Gould sur le calcul des intérêts ne soit pas admis en preuve par le Tribunal ou sinon, pour faire retrancher certaines parties.

[4] Le SCEP demande que la durée restante du contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe par Bell soit limitée et propose plus précisément qu'on mette fin à celui-ci le 14 septembre 2004.

A. Demande de réexamen de Bell - Contre-interrogatoire sur l'étude d'AT&T

[5] Dans son interrogatoire principal, Mme Blackstaffe a affirmé que le sous-comité chargé de l'étude conjointe s'est rendu au New Jersey pour discuter avec des représentants d'AT&T et des Travailleurs en Communication d'Amérique de leur étude d'évaluation des postes. Bell s'est vigoureusement opposée à ce témoignage, car Mme Blackstaffe n'avait pas une connaissance personnelle directe de l'étude d'AT&T. Bell a également fait valoir que ce témoignage n'était pas pertinent, que l'étude d'AT&T n'a jamais été mise en uvre et qu'elle ne pouvait, par conséquent, servir à évaluer l'étude conjointe. Bell a également émis la crainte que le témoignage de Mme Blackstaffe soit fondé sur des ouï-dire, sur ce que lui avaient dit des gens ayant participé à l'étude d'AT&T qui ne pouvaient être contre-interrogés.

[6] Le Tribunal a conclu que Mme Blackstaffe pouvait être interrogée au sujet de la visite du sous-comité au New Jersey, de l'information qu'elle a obtenue et de l'usage que le sous-comité en a fait. Par la suite, Bell, faisant fi de ses objections antérieures, a demandé de contre-interroger Mme Blackstaffe au sujet de l'étude d'AT&T et plus particulièrement de l'écart entre les résultats attribués aux épisseurs de câbles par rapport aux téléphonistes d'AT&T et ceux attribués à ces deux types de poste dans l'étude conjointe. Le Tribunal n'a pas autorisé la poursuite de cet interrogatoire vu qu'il impliquait d'avoir une connaissance directe de l'étude d'AT&T et exigeait une comparaison évaluative, la compétence de Mme Blackstaffe n'ayant pas été établie ni dans un cas ni dans l'autre.

[7] Dans le document de Bell intitulé Outline of the Cross-examination of CEP Witness, Patricia Blackstaffe en date du 30 juin 2004 qui a été présenté au Tribunal, Bell indique que le contre-interrogatoire sur l'étude d'AT&T est important aux fins d'évaluation pour qu'[TRADUCTION] on puisse déterminer à juste titre qu'on ne peut absolument pas se fier aux résultats de l'étude. Cette présumée non-fiabilité doit être prouvée en comparant la démarche suivie pour l'étude d'AT&T avec celle adoptée dans le cadre de l'étude conjointe.

[8] Dans ses observations orales à ce sujet, Bell a fait valoir que le contre-interrogatoire sur l'étude d'AT&T ne comporterait aucune comparaison avec l'étude conjointe. Bell entend plutôt demander à Mme Blackstaffe ce qu'elle a appris au sujet de l'étude d'AT&T et comment elle a utilisé cette information; pourquoi elle a retenu les services d'un expert-conseil pour examiner l'étude d'AT&T; l'importance accordée à cette étude dans les négociations que Bell et le SCEP ont menées de 1988 à 1990 au sujet de la parité salariale; et, enfin, si des renseignements ont été fournis au comité conjoint à propos de l'étude d'AT&T.

[9] À notre avis, ces points que Bell a l'intention de soulever sont dans une large mesure ceux que le SCEP a abordés lors de l'interrogatoire principal de Mme Blackstaffe. Nous avons conclu que Bell peut contre-interroger Mme Blackstaffe au sujet de l'étude d'AT&T, mais que ses questions doivent porter uniquement sur les points mentionnés dans le paragraphe précédent.

B. Protocole d'entente- Étude conjointe

[10] D'après notre interprétation du document de Bell intitulé Outline for the Cross-Examination et des observations présentées de vive voix, Bell veut établir lors du contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe que le pouvoir de prendre des décisions à propos de l'étude conjointe n'appartenait pas au comité conformément à ce que prévoyait le protocole d'entente, mais qu'il était dévolu, en fait, au sous-comité. Bell allègue que ce changement a été apporté par Mme Blackstaffe afin que le SCEP puisse influencer indûment les résultats de l'étude conjointe.

[11] Le Tribunal a entendu de longs témoignages tant de la part de Linda Wu que de Mme Blackstaffe au sujet des négociations qui ont mené à l'adoption du protocole d'entente par les parties. Aspect plus pertinent, Mme Wu, et plus particulièrement Mme Blackstaffe, ont longuement témoigné au sujet des activités du sous-comité. Mme Blackstaffe a produit une documentation volumineuse, notamment des notes manuscrites, des ordres du jour de réunions des deux comités, des notes de service adressées aux dirigeants du SCEP, des procès-verbaux de réunions du sous-comité et du comité conjoint et une foule d'autres documents. Tous ces documents indiquent tous comment le sous-comité fonctionnait, les décisions qu'il a prises et le rôle qu'il a joué dans le cadre de l'étude conjointe, comparativement au rôle du comité conjoint. Mme Blackstaffe a été soumise à un contre-interrogatoire très détaillé au sujet de cette documentation.

[12] À notre avis, il n'est pas nécessaire de produire d'autres éléments de preuve à ce sujet pour que Bell puisse donner suite à ses allégations. La poursuite du contre-interrogatoire sur le protocole d'entente ne contribuerait guère, voire nullement, à permettre au Tribunal d'approfondir sa connaissance et sa compréhension de cette question.

C. Formation des membres du comité conjoint

[13] Bell affirme que les membres du comité conjoint n'ont pas reçu une formation suffisante en matière d'évaluation des postes ou de parité salariale. Selon Bell, Mme Blackstaffe avait beaucoup plus de connaissances et a utilisé celles-ci au profit du SCEP. Le Tribunal ne sait pas clairement quelle sera la nature du contre-interrogatoire de Bell. Le Tribunal déterminera la portée qu'il convient de donner au contre-interrogatoire de Bell à ce sujet si des objections sont soulevées.

D. Le rapport d'expert de Dr Gould au sujet du calcul des intérêts

[14] Bell demande que le Tribunal n'admette pas en preuve le rapport du professeur Lawrence Gould au sujet du calcul des intérêts. Dr Gould n'a pas encore été appelé à témoigner à l'audience, et le Tribunal n'a encore pas été informé de ses compétences. Nous croyons comprendre que c'est à la demande du SCEP que Bell a présenté cette requête à ce stade-ci de l'instance plutôt que d'attendre jusqu'au moment du témoignage de Dr Gould. Le SCEP a fait cette demande à Bell afin d'éviter de retarder l'audience et de pouvoir indiquer avec certitude à Dr Gould à quel moment il témoignera, le cas échéant.

[15] À notre avis, le moment choisi pour présenter cette requête est inopportun. Bell a clairement indiqué que si cette requête n'est pas accueillie, elle se réserve le droit de contre-interroger Dr Gould au sujet de sa compétence et de soulever, s'il y a lieu, d'autres objections à l'égard de son rapport d'expert. Ayant appris la chose, le Tribunal a indiqué aux parties qu'il serait préférable de statuer sur la requête après avoir entendu Dr Gould décrire sa compétence et expliquer comment celle-ci cadre avec l'objet et la portée de son rapport. Les parties ont repoussé cette suggestion.

[16] Nous ne voyons aucune utilité à entendre cette requête à ce moment-ci. Le SCEP entend appeler un certain nombre de témoins avant Dr Gould. On ne peut prévoir quand ce dernier témoignera. Bell entend contre-interroger Dr Gould sur sa compétence; par conséquent, toute économie de temps envisagée est illusoire. Enfin, il n'est pas particulièrement souhaitable que ce Tribunal se penche sur l'admissibilité d'un témoignage d'expert qui pourrait être important alors qu'il ne sait absolument rien au sujet de la compétence du témoin, si ce n'est ce qui est dit dans la version préliminaire du rapport de Dr Gould dont le Tribunal a reçu un exemplaire afin qu'il puisse le parcourir sans l'éclairage des parties.

[17] Le Tribunal a conclu que cette requête est prématuré et inopportune pour les motifs énoncés ci-dessus. Par conséquent, le Tribunal ne se prononcera pas sur cette requête à ce moment-ci. Cette décision n'empêche aucunement Bell de présenter ultérieurement cette requête ou une autre requête au sujet du témoignage prévu de Dr Gould. Elle n'empêche pas non plus le SCEP de faire valoir des arguments à l'encontre de toute requête présentée par Bell.

E. Requête du SCEP visant à limiter le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe

[18] Le SCEP demande que le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe par Bell soit limité à dix ou douze jours de plus. D'après ce que le Tribunal a entendu jusqu'à maintenant, il semble que le motif principal, voire le seul motif, de cette requête soit le désir de Mme Blackstaffe de terminer son contre-interrogatoire en raison des pressions dont elle fait l'objet au travail.

[19] Le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe a débuté le 15 décembre 2003. Au 30 juin 2004, il n'avait pas encore pris fin. Entre le 15 décembre 2003 et le 30 juin 2004, Mme Blackstaffe a été à la barre des témoins pendant environ 26 jours. Au cours de la même période, le Tribunal avait prévu 57 jours d'audience. Trente et un jours d'audience ont été annulés à la demande des parties. Ces annulations ont été motivées par divers facteurs, notamment la méprise d'un procureur quant à la date de la relâche scolaire d'hiver, la participation du témoin à d'autres réunions, les divulgations supplémentaires ou tardives de documents par un procureur, ainsi que des motifs médicaux ou personnels. Il est évident que si l'audience s'était déroulée comme prévu, ou même à la plupart des dates prévues, le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe et tout réinterrogatoire auraient pris fin le ou avant le 30 juin 2004.

[20] Comme l'ont reconnu les parties, le Tribunal est maître de sa propre procédure. Selon Brown et Evans - Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto : Canvasback Publishing, 2003) - , un [TRADUCTION] tribunal a le pouvoir discrétionnaire de limiter un contre-interrogatoire afin de maintenir la procédure à l'intérieur de limites raisonnables. Dans leur ouvrage intitulé Witnesses (Toronto : Carswell, 2004), Mewett et Sankoff reconnaissent eux aussi que le droit de contre-interroger n'est pas illimité et que les tribunaux ont le pouvoir discrétionnaire de limiter les interrogatoires répétitifs ou prolixes, mais que ce pouvoir doit être exercé avec prudence.

[21] Le SCEP a fait état d'un certain nombre de façons d'abréger la suite du contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe :

  1. maintenir la décision du Tribunal relativement à l'étude d'AT&T;
  2. restreindre le contre-interrogatoire aux questions qui n'ont pas déjà été abordées. Le Tribunal l'a fait dans le cas du protocole d'entente;
  3. les procureurs ne devraient pas revenir avec des questions qui ont déjà été posées. Le Tribunal a déjà donné cette directive, à laquelle le procureur de Bell s'est pour l'essentiel plié et continuera de se plier;
  4. le procureur de Bell devrait fournir à Mme Blackstaffe les documents au préalable afin qu'elle puisse les lire avant d'être contre-interrogée à leur sujet, ce qu'il s'est d'ailleurs engagé à faire;
  5. les procureurs devraient produire à l'avance les documents avec le consentement des parties et prendront un engagement en ce sens;
  6. le Tribunal a demandé au procureur de Bell de ne pas continuer de poser à Mme Blackstaffe des questions sur des points dont elle a dit ne pas se souvenir ou ne pas être au courant. Le procureur de Bell s'est plié à cette directive et continuera de le faire.
  7. Le SCEP soutient que si ces suggestions sont adoptées, il suffira probablement de dix à douze jours pour terminer le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe, d'où la présentation à ce moment-ci de sa requête visant à limiter le contre-interrogatoire de cette dernière.

[22] À notre avis, il ne s'agit pas d'un cas où le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire et restreindre la durée du contre-interrogatoire de Bell. Bell a retiré les 17 questions qu'elle entendait poser à Mme Blackstaffe. Cette mesure, ainsi que les limites imposées en ce qui touche le contre-interrogatoire portant sur l'étude d'AT&T, la cessation du contre-interrogatoire sur le protocole d'entente, ainsi que le respect par les procureurs des consignes émunérées ci-dessus, devraient réduire considérablement le délai nécessaire pour terminer le contre-interrogatoire de Mme Blackstaffe, délai qui pourrait peut-être même être réduit au nombre de jours indiqué par le SCEP. Par conséquent, le Tribunal n'accueille pas la requête du SCEP.

Signé par

J. Grant Sinclair, président

Signé par

Pierre Deschamps, membre

OTTAWA (Ontario)

Le 28 juillet 2004

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T503/2098

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, femmes-action c. Bell Canada

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario) Les 5, 6 et 9 juillet 2004

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 28 juillet 2004

ONT COMPARU :

Peter Engelmann
Fiona Campbell

au nom de Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier

Andrew Raven
Ceilidh Snider

au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Gary Rosen
Peter Mantas
Steve Katkin

au nom de Bell Canada

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