Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

PAWEL KOWALSKI

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

RYDER INTEGRATED LOGISTICS

l'intimée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2009 TCDP 22
2009/07/29

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[1] L'intimée, Ryder Integrated Logistics (Ryder), a déposé une requête en radiation de plusieurs passages de l'exposé des précisions du plaignant. Ryder prétend que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) n'a jamais renvoyé pour instruction les questions soulevées dans ces passages au Tribunal.

[2] Dans sa plainte, datée du 20 avril 2007, le plaignant, Pawel Kowalski, a décrit plusieurs situations de discrimination dont il aurait censément été victime au cours de son emploi chez Ryder. Les allégations sont les suivantes :

  1. Le gestionnaire de M. Kowalski a utilisé de façon répétée une insulte portant sur son origine nationale ou ethnique ;
  2. M. Kowalski a été victime de harcèlement de la part d'un autre employé de Ryder en raison de sa déficience ;
  3. Un autre employé (que je ne désignerai que sous les initiales M.O. dans la présente décision) a fait des remarques désobligeantes envers M. Kowalski ;
  4. Deux autres employés (T.B. et D.S.) ont usé de discrimination à l'encontre de M. Kowalski en lui refusant une possibilité d'emploi en raison de sa déficience.

[3] Le 30 avril 2008, la Commission a rendue une décision, en vertu de l'article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), au sujet de la question de savoir si elle devait [traduction] statuer l'ensemble ou une partie des allégations dans la plainte. La décision a été rendue par écrit et a été envoyée aux parties. La Commission a conclu que les allégations nos 1 et 2 étaient fondées sur au moins un des motifs de discrimination illicite établis à l'article 3 de la Loi et que, par conséquent, elle enquêterait au sujet de ces allégations. Cependant, la Commission était aussi [traduction] d'avis que M. Kowalski n'avait pas établi que les deux autres allégations (nos 3 et 4) étaient liées à un motif de distinction illicite. En conséquence, la Commission a déterminé que ces deux allégations ne [traduction] seraient pas l'objet de plus amples considérations.

[4] Le 21 janvier 2009, la Commission a rendu une autre décision écrite. Il y était déclaré que la Commission demanderait au président du Tribunal d'instruire la plainte parce que, en fonction de la preuve que l'enquêteur de la Commission avait amassée au sujet des allégations nos 1 et 2, [traduction] une instruction supplémentaire [était] nécessaire. La décision comprenait aussi une référence à la politique contre le harcèlement, la discrimination et les représailles de Ryder. Apparemment, l'enquêteur de la Commission chargé de la plainte avait conclu que la politique était plutôt inadéquate. Ryder a présenté une observation en réponse à la Commission, alléguant que la politique respecte la Loi. Dans sa décision du 21 janvier, la Commission a écrit qu'elle [traduction] acceptait l'observation de Ryder.

[5] La Commission a envoyé une copie de cette décision aux parties. Cependant, je note que la Commission n'a jamais fait parvenir de copie de l'une ou l'autre de ses décisions au Tribunal. Dans la lettre de renvoi de la Commission, datée du 9 février 2009, la Commission a demandé au président du Tribunal d'instruire la plainte parce qu'elle était [traduction] convaincue, en [se] fondant sur toutes les circonstances de la plainte, qu'une instruction [était] justifiée. La lettre comprenait une copie de la plainte. Rien dans la lettre ne donne à penser que la Commission avait décidé de ne traiter que deux des quatre allégations de la plainte.

Les paragraphes 23, 29, 30 et 31 de l'exposé des précisions de M. Kowalski

[6] Le 8 juin 2009, M. Kowalski a déposé son exposé des précisions, conformément aux Règles de procédure du Tribunal. Aux paragraphes 29 à 31, sous la rubrique [traduction] Questions en litige, M. Kowalski a décrit les incidents des allégations nos 3 et 4 de sa plainte, en des termes pratiquement identiques à ceux utilisés dans la plainte. Au paragraphe 23, M. Kowalski a mentionné deux employés de Ryder (M.O. et T.B.) en lien avec les allégations nos 3 et 4. Ryder soutient que les paragraphes 29 à 31 et les références à ces employés au paragraphe 23 doivent être radiés parce que, compte tenu des deux décisions de la Commission, le Tribunal n'a pas compétence pour instruire ces questions.

[7] Le Tribunal tire sa compétence pour instruire des plaintes de l'article 49 de la Loi, en vertu duquel le président du Tribunal doit instruire une plainte sur réception de la demande de la Commission (paragraphe 49(2)). La portée des instructions du Tribunal est ainsi limitée aux questions soulevées dans les plaintes qui accompagnent une telle demande.

[8] La Commission a-t-elle renvoyée toute la plainte de M. Kowalski au Tribunal en l'espèce? La Commission n'a pas mentionné, dans sa lettre au président du Tribunal, qu'elle avait décidé de limiter la portée de la plainte. Cela donne donc à penser que la Commission a renvoyé au Tribunal la plainte complète, comme M. Kowalski l'a présentée le 20 avril 2007.

[9] J'ai eu à trancher une question semblable dans l'affaire Côté c. Procureur général du Canada, 2003 TCDP 32. Dans cette affaire, la lettre de la Commission au président du Tribunal ne donnait aucune indication permettant de supposer que seulement certaines parties de la plainte étaient renvoyées. Par conséquent, j'ai conclu que le Tribunal était saisi de la plainte entière. Cependant, il n'existait aucune preuve dans l'affaire Côté au sujet d'une décision officielle de la Commission de restreindre la portée de l'instruction. En fait, deux enquêteurs de la Commission assignés au dossier avaient simplement exprimé l'opinion, dans leur correspondance avec les parties avant le renvoi, que la Commission n'avait pas compétence pour enquêter au sujet de certains éléments de la plainte, parce qu'ils ne relevaient pas de la portée de la Loi.

[10] En l'espèce, la Commission a précisément décidé de ne pas traiter deux des quatre allégations dans la plainte et a fait parvenir aux parties des décisions écrites à ce sujet, qui portaient toutes les deux le titre [traduction] Décision de la Commission. Par conséquent, il est clair que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire, en vertu de l'article 41, de ne pas traiter ces allégations. Compte tenu des décisions explicites de la Commission à ce sujet, je suis convaincu que la Commission n'a pas renvoyé ces parties de la plainte au Tribunal.

[11] Dans sa réponse à la requête de Ryder, M. Kowalski a soutenu que le contenu des paragraphes 29 à 31, ainsi que les références à M.O. et à T.B., étaient inclus [traduction] simplement à titre de [traduction] renseignements généraux. Il ne s'agit pas d'allégations pour lesquelles M. Kowalski demande au Tribunal une conclusion de discrimination. Il a fait remarquer que c'est la raison pour laquelle ces paragraphes ne font pas partie de la section de son exposé des précisions intitulée [traduction] Thèse de la plainte, y compris les liens factuels.

[12] L'argument de M. Kowalski ne me convainc pas. Comme je l'ai déjà mentionné, les passages en question sont pratiquement identiques aux paragraphes correspondants dans la plainte. Ces faits ont clairement été mentionnés dans la plainte à titre d'allégation de discrimination et non de simples renseignements généraux. De plus, M. Kowalski a qualifié ces faits de pratiques discriminatoires dans l'exposé des précisions même. Au paragraphe 31, il a déclaré [traduction] qu'on ne lui avait jamais offert le poste qu'il demandait et que, par conséquent, [traduction] on avait agi de façon discriminatoire envers lui. Il est donc évident que ces références ne sont pas que de simples renseignements généraux, mais constituent en fait une tentative de faire instruire des questions que la Commission a décidé de ne pas renvoyer au Tribunal. De plus, si M. Kowalski ne soutient pas que les faits décrits dans les allégations nos 3 et 4 constituent des pratiques discriminatoires, ils sont, à mon avis, non-pertinents aux autres allégations de la plainte qui ont été renvoyées au Tribunal.

[13] Les paragraphes 29 à 31 de la plainte de M. Kowalski, ainsi que les références à M.O. et à T.B., sont donc radiés de son exposé des précisions.

Le paragraphe 38 de l'exposé des précisions de M. Kowalski

[14] Ryder soutient aussi dans sa requête que le paragraphe 38 de l'exposé des précisions de M. Kowalski devrait être radié. Dans ce paragraphe, M. Kowalski fait valoir que [traduction] [l]a preuve démontre que la politique de l'intimée, à première vue, n'est pas conforme à la Loi canadienne sur les droits de la personne . Ryder prétend que, comme la Commission a déclaré dans sa décision du 21 janvier 2009 qu'elle [traduction] acceptait son observation au sujet de la conformité de la politique à la Loi, le fait de permettre à M. Kowalski de poursuivre cette allégation [traduction] serait inapproprié et outrepasserait la compétence du Tribunal.

[15] Je ne suis pas du même avis. En traitant les deux allégations de la plainte qui ont été renvoyées au Tribunal (les allégations nos 1 et 2), il est pertinent et il relève de la compétence du Tribunal d'enquêter au sujet du caractère adéquat de toutes politiques et mesures prises par l'employeur. Le Tribunal peut aussi examiner des questions portant sur les politiques de l'employeur lorsqu'il définit la réparation appropriée, conformément à l'article 53, s'il conclue que Ryder a fait preuve de discrimination envers M. Kowalski. De plus, dans sa décision du 21 janvier 2009, la Commission a simplement déclaré qu'elle acceptait les observations de Ryder en réponse aux conclusions de l'enquêteur. Il s'agit de l'opinion de la Commission. Je ne considère pas que cette remarque constitue l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission de ne pas renvoyer au Tribunal certaines allégations particulières de la plainte.

[16] La requête de Ryder en radiation du paragraphe 38 est donc rejetée.

Le paragraphe 74 de l'exposé des précisions de M. Kowalski

[17] Dans le paragraphe 74 de son exposé des précisions, M. Kowalski déclare qu'il cherche à obtenir, parmi les réparations qu'il demande au Tribunal, une réparation spéciale au sens du paragraphe 53(3) de la Loi, parce qu'il soutient que les contraventions de Ryder à la Loi étaient délibérées et inconsidérées. Ryder soutient dans sa requête que M. Kowalski n'a pas donné de détails au sujet de [traduction] faits importants ou d'une position juridique à l'appui de sa demande.

[18] Cependant, je souscris à la réponse de M. Kowalski à la requête, selon laquelle l'exposé des précisions mentionne plusieurs faits ou incidents qui peuvent appuyer l'allégation que les contraventions étaient délibérées ou inconsidérées. Le Tribunal prendra une décision à ce sujet en fonction de la preuve présentée à l'audience et des observations finales des parties.

[19] La requête de Ryder en radiation du paragraphe 74 est donc rejetée.

Les autres ordonnances sollicitées

[20] Dans sa requête, Ryder a aussi sollicité d'autres ordonnances, y compris la présentation de précisions supplémentaires au sujet de l'allégation de M. Kowalski portant sur la perte de salaire et la présentation d'un sommaire des dépositions plus complet au sujet de plusieurs témoins. Je crois comprendre que ces questions ont été traitées lors de la téléconférence de gestion d'instance tenue par le président du Tribunal le 9 juillet 2009.

Ordonnance

[21] En conséquence, la requête de Ryder n'est accueillie qu'en partie. J'ordonne la radiation des paragraphes 29 à 31 de l'exposé des précisions du plaignant et des mentions des noms des employés de Ryder (dont les initiales sont M.O. et T.B.) au paragraphe 23.

Signée par

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)
Le 29 juillet 2009

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1385/1109

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Pawel Kowalski v. Ryder Integrated Logistics

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE
DU TRIBUNAL :

Le 29 juillet 2009

ONT COMPARU :

Paul Brooks

Pour le plaignant

(Aucune représentation)

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

S. Jodi Gallagher

Pour l'intimée

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