Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

JOHN WISEMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

l'intimé

DÉCISION

2009 TCDP 19
2009/06/26

MEMBRE INSTRUCTEUR : J. Grant Sinclair

I. INTRODUCTION

II. DÉCISION

A. Le témoignage de Paul Durber

B. La réponse de l'intimé

III. CONCLUSION

I. INTRODUCTION

[1] John Wiseman est le plaignant en l'espèce. Il est le vice-président régional de l'Association canadienne des surveillants correctionnels. Il dépose la présente plainte au nom des chefs d'équipe adjoints travaillant dans les pénitenciers pour femmes.

[2] M. Wiseman est employé par le Service correctionnel du Canada (SCC). Le SCC est l'organisme du gouvernement fédéral chargé de l'incarcération et de la prise en charge des délinquants qui ont été condamnés à des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus.

[3] Le SCC gère 58 établissements correctionnels ayant divers niveaux de sécurité, 16 centres correctionnels communautaires et 71 bureaux de libération conditionnelle. Sur les 58 pénitenciers, cinq sont réservés aux délinquantes au Canada.

[4] M. Wiseman a travaillé en tant que surveillant correctionnel (SC) auprès d'un pénitencier pour hommes. Au sein du SCC, les emplois de SC sont majoritairement occupés par des hommes. Les chefs d'équipe adjoints (CEA) travaillent dans les prisons pour femmes administrées par le SCC. Ces emplois sont principalement occupés par des femmes. Ces deux postes sont des emplois de supervision exercés dans leurs établissements respectifs.

[5] En 2003, aussi bien les SC que les CEA étaient classés au niveau CX-3 selon la norme de classification du groupe Services correctionnels. Les SC travaillaient sous les ordres du gestionnaire d'unité (AS-6) et les CEA sous ceux du chef d'équipe (AS-6).

[6] En 2007, le SCC a procédé à la réorganisation de sa structure de gestion, ce qui a donné lieu à l'apparition de nouvelles descriptions de travail pour les postes de SC et de CEA, lesquels se sont vu attribuer de nouvelles responsabilités. Un nouveau poste a été créé, celui de gestionnaire correctionnel (CX-4), regroupant les anciens postes de SC et de CEA. Les gestionnaires correctionnels (GC) travaillent maintenant sous l'autorité des titulaires des nouveaux postes de directeur adjoint, opérations. Les postes de gestionnaire d'unité et de chef d'équipe ont été supprimés.

[7] Les nouvelles descriptions de travail des CEA et des SC font état de responsabilités et d'imputabilité accrues, de telle sorte que les GC sont maintenant chargés des tâches et des responsabilités qui relevaient des anciens SC et CEA en plus de certaines des responsabilités qui incombaient aux gestionnaires d'unité et aux chefs d'équipe dans leurs fonctions de gestionnaires d'unité. Quand le poste de GC a été mis en place, il a été classé CX-4 du fait de ces responsabilités additionnelles.

[8] Le plaignant, M. Wiseman, soutient que les titulaires des postes de CEA font l'objet de traitements discriminatoires se traduisant par un salaire moindre pour un travail de valeur égale. La norme de classification CX, qui relève de la responsabilité du Conseil du Trésor du Canada et que le SCC applique, n'est pas conforme à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP); elle n'évalue pas le travail des CEA à la lumière des critères de qualifications, d'efforts, de responsabilités et de conditions de travail, et elle ne se compare pas avec les autres postes de la classification CX majoritairement occupés par des hommes.

[9] Les emplois de CEA, principalement occupés par des femmes, n'ont par conséquent pas été évalués de manière équitable et non sexiste, ce qui contrevient aux articles 7, 10 et 11 de la LCDP.

[10] M. Wiseman n'a pas comparu à l'audience. Il a été représenté par Elizabeth Millar. Celle-ci a cité un témoin, Paul Durber, qui a témoigné pendant la première matinée de l'audience. Quand M. Durber eut fini de déposer, Mme Millar a informé le Tribunal que le plaignant n'avait pas les moyens financiers de participer plus longtemps à l'audience (le plaignant avait déjà demandé à plusieurs reprises au Tribunal de retarder l'audition de la plainte, et ce, pour diverses raisons, y compris des raisons financières (voir 2008 TCDP 37)). Mme Millar s'est alors retirée et personne d'autre n'a comparu ou ne s'est présenté au nom du plaignant pendant le reste de l'audience.

[11] L'intimé a déposé une requête en non-lieu, demandant au Tribunal de rejeter la plainte. Le Tribunal a avisé le plaignant de cette requête, mais ce dernier a refusé de comparaître. Après avoir entendu les arguments de l'intimé, le Tribunal a rejeté sa requête et l'a invité à présenter des preuves sur le fond de la plainte.

II. DÉCISION

[12] Pour les motifs suivants, le Tribunal conclut que la plainte n'est pas fondée et la rejette.

A. Le témoignage de Paul Durber

[13] M. Durber travaille comme consultant principal chez Opus Mundi Canada depuis 1998. Avant cela, de 1989 à 1998, il était directeur, groupe de la parité salariale, à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). M. Durber a été cité à comparaître dans un certain nombre d'affaires de parité salariale devant le Tribunal ainsi que devant la Cour fédérale. Il a fourni des conseils à divers organismes au sujet de l'évaluation des emplois et de leur comparaison à la lumière du principe voulant que les titulaires de postes de valeur égale reçoivent un salaire égal.

[14] Quand la présente plainte a été déposée, la CCDP a retenu les services de M. Durber afin qu'il étudie les faits et prépare une recommandation dont la CCDP se servirait pour décider si la plainte devait être réglée par voie de médiation, rejetée ou renvoyée devant le Tribunal. À cet égard, M. Durber a joué le même rôle qu'un enquêteur de la CCDP aux fins des articles 43 et 44 de la LCDP.

[15] M. Durber a comparu à titre d'expert pour le plaignant. Il n'a pas rédigé de rapport d'expert aux fins de la présente audience. Au lieu de cela, il a fondé son témoignage sur le rapport qu'il avait préparé pour la CCDP en 2006.

[16] Dans ce rapport, M. Durber avait étudié quatre questions :

la conformité de la norme CX avec la LCDP;

le fait de savoir si les emplois cités dans la plainte sont des groupes professionnels aux fins de la parité salariale;

l'étude de la valeur, c'est-à-dire des éléments nécessaires établissant la valeur du poste à comparer;

les indicateurs d'un écart salarial.

[17] Le plan d'évaluation de travail que M. Durber a examiné est la norme de classification CX pour le groupe Services correctionnels. Il a souligné le fait qu'il ne s'agissait pas d'un plan quantitatif semblable à n'importe quel autre plan d'évaluation de travail. Les plans quantitatifs consistent en une série de critères auxquels on assigne un coefficient, une valeur numérique étant attribuée à chaque emploi pour chacun de ces critères, à savoir les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail, tels qu'ils sont énoncés dans la LCDP. On définit ainsi un dosage des composantes du poste.

[18] En revanche, le plan de la norme de classification CX ne fonctionne pas ainsi. Comme M. Durber l'a expliqué, cette norme comprend quatre classifications et niveaux de rémunération et ne fournit qu'une description des exigences du poste pour chaque niveau. Ces exigences sont alors illustrées par des points de référence énonçant les tâches à accomplir, mais sans que les exigences en tant que telles ne soient définies.

[19] Dans son analyse, M. Durber a étudié si la norme CX tenait compte de tous les aspects du travail et si elle pouvait produire un dosage des composantes au sens de l'article 11 de la LCDP et de l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale.

[20] M. Durber a conclu que la norme CX ne mesurait pas les quatre critères que sont les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail et qui permettent l'évaluation des postes aux fins de la LCDP. La norme omet d'examiner un certain nombre de particularités du travail qui devraient être mesurées en vertu de l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, plus particulièrement les aptitudes physiques, les efforts physiques et les conditions de travail. La norme ne permet pas de faire ressortir les particularités des emplois occupés dans les prisons pour femmes, lesquelles sont alors susceptibles d'être sous-évaluées.

[21] En outre, le plan ne permet pas d'effectuer un dosage des composantes des emplois, contrairement à ce qu'exige la LCDP. Ainsi, conclut M. Durber, on ne peut avoir recours à la norme CX en vue d'évaluer la valeur du travail et de trancher la plainte, autrement dit pour savoir si les emplois de CEA sont sous-évalués et sous-payés.

[22] La question qui se pose à l'égard des groupes professionnels est la suivante : le plaignant est d'avis que le poste de CEA appelle des comparaisons de valeur avec d'autres emplois indépendamment du fait qu'il relève du groupe CX. Ainsi, les postes de CEA sont distincts et se prêtent à une analyse aux fins de la parité salariale. Autrement, les titulaires de postes majoritairement occupés par des femmes, tels que les CEA, se verraient privés de la protection qu'offre la LCDP lorsqu'ils travaillent dans des milieux où les emplois sont principalement exercés par des hommes.

[23] L'intimé est d'avis contraire. Il affirme que les CEA ne constituent pas un groupe distinct. Leur travail est essentiellement le même que celui des SC et est au fond très semblable à celui des autres membres du groupe Services correctionnels.

[24] L'intimé fait valoir qu'une comparaison entre les postes de CEA, majoritairement occupés par des femmes, et les postes de SC, principalement occupés par des hommes, révèle que ces deux postes sont de valeur égale. Ces postes sont évalués à la lumière de la même norme CX et leurs titulaires reçoivent le même salaire. Par conséquent, il ne peut être question de discrimination sexuelle.

[25] M. Durber a présenté sous forme de tableau plusieurs exigences des emplois, telles qu'elles apparaissent dans les descriptions de travail des CEA et des SC. Il convient que la grande majorité de ces exigences sont similaires. Il a également souligné le fait que les énoncés des critères de mérite des deux postes sont identiques, si ce n'est que les CEA doivent avoir une connaissance des besoins particuliers des délinquantes autochtones. Certains postes de SC exigent de satisfaire à une condition analogue relativement aux autochtones.

[26] Toutefois, il affirme que les descriptions de travail énoncent 15 particularités; il en associe sept aux emplois de SC et huit à ceux de CEA. Les particularités associées aux SC sont les suivantes : la connaissance de certains procédés techniques comme l'analyse des urines, la compréhension de certains processus techniques détaillés de supervision, la connaissance de la dynamique des pénitenciers et des comportements criminels, la connaissance des installations, la connaissance du manuel des mises en situation, la connaissance de techniques de gestion du stress (après une urgence par exemple), la connaissance des efforts à déployer pour préserver son propre équilibre à l'occasion des échanges avec le personnel et les détenus.

[27] Pour ce qui est des huit particularités des CEA, M. Durber énumère : la capacité à faire des résumés oraux, la connaissance des principes régissant le comportement humain, la connaissance des détenues sous responsabilité fédérale, la connaissance de l'établissement permettant d'agir à titre de responsable, la connaissance des priorités et du mandat des prisons pour femmes, la connaissance des questions liées à la protection de l'enfance et de la législation connexe ainsi que du programme mère-enfant, les efforts à déployer pour communiquer avec le personnel et les détenues (pour donner des explications par exemple) et la responsabilité de présider des audiences interactives portant sur des questions de discipline mineures.

[28] M. Durber conclut que dans la mesure où l'emploi de CEA se distingue, qu'il présente des particularités propres aux emplois occupés par des femmes, il devrait être utilisé comme élément de référence dans le cadre de toute comparaison de la valeur des emplois.

[29] Le troisième point porte sur l'approche de la détermination de la valeur. Pour M. Durber, la première question est de savoir comment établir la valeur relative des emplois visés par les comparaisons dont il est question à l'article 11 de la LCDP. Cet élément pose problème dans la mesure où l'employeur, le SCC, n'a pas de plan unique d'évaluation des emplois, ce qui favoriserait une bonne compréhension de la situation. En outre, la norme du SCC pour les postes de CEA est de SC contrevient à l'article 11 de la LCDP. Selon M. Durber, la meilleure option consisterait à se servir des descriptions de travail actuelles. Il se fonde sur le fait que les parties acceptent ces descriptions de travail, lesquelles sont raisonnablement à jour.

[30] L'étape suivante est de savoir quel est le plan d'évaluation des emplois dont on peut se servir aux fins de l'évaluation des postes. M. Durber a envisagé certaines possibilités telles que le plan Hay ou le plan Willis, mais il les a écartées pour des questions de droits d'auteur et parce qu'il n'était pas clair que ces plans reflètent actuellement les valeurs de la fonction publique.

[31] Il envisage alors d'avoir recours à la Norme générale de classification (NGC), mais il souligne que l'intimé s'y est opposé, faisant valoir que les évaluations de la NGC n'ont jamais été ni validées ni révisées en vue de garantir leur cohérence et qu'on ne devrait par conséquent pas les utiliser pour comparer les valeurs de différents emplois.

[32] M. Durber effectue une analyse partielle des commentaires formulés par diverses entités gouvernementales au sujet de la NGC et il en conclut que la NGC est un plan d'évaluation des emplois raisonnable, mais imparfait. Il recommande le recours à la NGC comme pont vers la question suivante, soit les indicateurs d'un écart salarial.

[33] M. Durber opte pour une telle solution en admettant qu'à l'heure actuelle, la NGC s'impose comme la seule option envisageable. Toutefois, il impose une énorme restriction à l'utilisation de cette norme : n'importe quelle valeur obtenue en passant par la NGC devrait être considérée uniquement à titre indicatif du fait que la plainte pourrait nécessiter d'autres étapes, comme la médiation ou un règlement par une tierce partie.

[34] En ce qui concerne l'univers de comparaison évoqué par M. Durber, le plaignant demande instamment que les éléments de référence soient des emplois de la fonction publique fédérale principalement occupés par des hommes. Le plaignant reconnaît toutefois que, dans le but de vérifier si les allégations de la plainte sont fondées, les comparaisons devraient se limiter au SCC. M. Durber a remarqué qu'il était également instructif que la plupart des références de la plainte renvoient au groupe CX et à sa norme.

[35] M. Durber est alors allé de l'avant et a établi une liste de cinq emplois majoritairement occupés par des hommes susceptibles de servir d'éléments de comparaison. Il s'agit des postes de gestionnaire d'unité (AS-6), d'agent de correction (CX-2), de surveillant des services correctionnels (CX-3), de chef des services correctionnels (CX-3) et de coordonnateur, Opérations correctionnelles (CX-4).

[36] En se fondant sur la NGC, M. Durber a alors attribué des points à chacun de ces emplois et mis le salaire maximum actuel pour chacun en regard; il est ainsi parvenu aux résultats suivants : AS-6, 2 800 points et 73 765 $; CX-2, 2 441 points et 53 137 $; CX-3, 2 480 points et 57 785 $; CX-4, 2 435 points et 62 842 $. Pour le poste de CEA, à la lumière de la NGC, il est arrivé à un total de 2 500 points pour un salaire maximum de 57 785 $.

[37] Ces valeurs numériques figurent dans la lettre datée du 20 février 2006 que le Secrétariat du Conseil du Trésor a envoyée à la CCDP, répondant ainsi à la demande de celle-ci d'obtenir des données relatives à la NGC aux fins de son enquête.

[38] M. Durber a établi qu'il s'agissait d'éléments de comparaison admissibles en appliquant une marge de plus ou moins 15 % aux 2 500 points attribués au poste de CEA. Il a estimé qu'il était raisonnable de fixer le pourcentage de variation de la marge à 15 %. Il a convenu que cette marge avait été fixée de façon arbitraire, et il a fait remarquer que les autres plans d'évaluation des emplois avaient recours à une marge de plus ou moins 7 %. Il a ainsi qualifié sa propre approche de très libérale.

[39] En se fondant sur le total de 2 500 points attribué au poste de CEA et en appliquant un pourcentage de plus ou moins 15 %, on obtient une marge comprise entre 2125 et 2875 points. Les cinq emplois majoritairement occupés par des hommes qui servent d'éléments de comparaison entrent dans cette marge.

[40] M. Durber a calculé que le salaire moyen de ces cinq emplois s'élevait à 61 063 $. On se retrouve avec un écart salarial de 3 278 $ (61 063 $ - 57 785 $), soit plus de 6 % du salaire des CEA.

[41] Pour voir la plainte qu'il a déposée en vertu de la LCDP accueillie, le plaignant doit apporter une preuve prima facie de discrimination. Si je me fie au témoignage de M. Durber, je pense qu'il y est parvenu. Il revient maintenant à l'intimé de fournir une explication raisonnable.

[42] Le plaignant et l'intimé ont exprimé leur désaccord sur un certain nombre de points. Premièrement, comme je l'ai dit plus tôt, le plaignant fait valoir que les emplois de CEA constituent un groupe professionnel distinct, indépendamment du fait qu'ils relèvent du groupe CX et qu'ils devraient être traités en conséquence aux fins de la comparaison. L'intimé rétorque que les emplois de CEA ne constituent pas un groupe distinct. Leur travail est essentiellement le même que celui des SC et ils reçoivent le même salaire que ces derniers. En l'espèce, afin de définir la valeur, il faudrait procéder à une comparaison des deux emplois. Cette comparaison montre que les deux emplois ont une valeur égale et que leurs salaires sont les mêmes.

[43] Deuxièmement, l'intimé conteste le fait que la NGC soit une norme adéquate aux fins de l'évaluation. Elle n'a jamais été validée. M. Durber lui-même hésitait à s'y fier. Comme ce dernier l'a dit, la NGC s'imposait comme la seule option offerte. Et on ne devait y recourir qu'[traduction] en tant qu'indicateur de la valeur comparée des emplois aux fins du traitement de la plainte et dans l'état actuel des choses.

[44] L'intimé prétend également que le poste de gestionnaire d'unité (AS-6) ne devrait pas faire partie des postes majoritairement occupés par des hommes utilisés comme éléments de comparaison. Les titulaires des postes AS-6 supervisent les titulaires des postes CX, et on ne peut donc pas considérer le poste de gestionnaire d'unité comme étant un emploi susceptible de servir d'élément de comparaison.

[45] Finalement, une marge de plus ou moins 15 % n'est fondée ni en théorie ni en pratique quand il s'agit de définir la marge de variation des valeurs. Si la marge de 15 % était réduite de manière à être plus acceptable, ou si le poste de gestionnaire d'unité (AS-6) ne faisait pas partie des emplois utilisés comme éléments de comparaison, il ne serait pas question d'un écart salarial.

B. La réponse de l'intimé

[46] L'intimé à cité trois témoins à l'appui de sa position : Patricia Power, Fraser McVie et Nan Weiner.

[47] Mme Power travaille dans le domaine de la classification des postes au sein de la fonction publique depuis 1988. Actuellement, elle est la conseillère spéciale du vice-président, Infrastructure stratégique, organisation et classification, à l'Agence de la fonction publique du Canada. Elle a déjà été directrice générale par intérim, Politiques de classification et stratégies. Dans le cadre de ces fonctions, elle était chargée des politiques de classification, de la conception des normes de classification, de la structure des groupes professionnels et des stratégies de classification de rechange.

[48] En tant que directrice des politiques de classification de 2000 à 2007, ses fonctions avaient directement trait à la présentation faite au Conseil du Trésor en 2002, qui approuvait la politique de classification qui est actuellement en vigueur et qui expose les grandes lignes du programme de modernisation de la classification.

[49] Mme Power a affirmé que la norme CX a été mise en place entre 1989 et juin 1991. Cette norme mesure les qualifications, les efforts et les responsabilités, mais pas les conditions de travail. Cela s'explique par le fait que le SCC croit que tous les emplois relevant du groupe professionnel CX sont essentiellement semblables quand il est question des conditions de travail. La définition du groupe précise que tous les titulaires de ces postes travaillent dans un même type d'établissement correctionnel géré par le gouvernement fédéral.

[50] Mme Power a été interrogée au sujet de la NGC. Elle a expliqué qu'il y avait eu deux tentatives de conception d'une NGC pour la fonction publique, en 1990-1992 et en 1995. Le gouvernement fédéral y a renoncé officiellement en 2002.

[51] La norme avait été fondée sur les quatre critères dont il est fait mention dans la LCDP, soit les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail. Ces quatre critères avaient été subdivisés en un certain nombre de sous-critères, chaque sous-critère étant pondéré et associé à une valeur numérique en vue d'un dosage. Mme Power a expliqué que la pondération était l'attribution ou l'allocation de points à toutes les composantes de la norme en vue de mesurer chaque exigence particulière du travail définie dans la description de travail.

[52] Mme Power a déclaré que la NGC n'avait jamais vu le jour. Cela s'explique par un certain nombre de raisons, la principale étant que les pondérations n'ont jamais été achevées. Les données de vérification n'ont jamais eu le niveau de fiabilité requis pour que l'on puisse conclure que les ministères étaient capables d'évaluer des emplois similaires de manière homogène.

[53] On a consulté Mme Power au sujet des cinq emplois majoritairement occupés par des hommes dont M. Durber s'est servi aux fins de son analyse ainsi qu'à la valeur numérique qu'il leur a attribuée en se fondant sur la NGC. Mme Power a déclaré que les valeurs numériques n'étaient pas fiables. Par exemple, il est possible qu'un emploi d'AS-6 au sein du SCC se voie attribuer 2 800 points tandis que des emplois d'AS-6 similaires exercés dans d'autres ministères et consistant à accomplir des tâches similaires se voient attribuer des valeurs très différentes. Ces valeurs n'ont jamais été rationnalisées; elles n'ont jamais été analysées en vue d'une explication des différences entre les ministères. Mme Power a conclu que les valeurs numériques que M. Durber a attribuées en se fondant sur la NGC n'étaient pas du tout valides.

[54] Mme Power a déclaré que l'Agence avait consacré beaucoup de temps à mettre en place des occasions pour les ministères de comparer leurs résultats, de parvenir à une interprétation commune et d'assurer l'homogénéité des valeurs numériques. Toutefois, les ministères n'y sont jamais parvenus. Ainsi, les données se sont trouvées déformées dans des marges de grande amplitude.

[55] Mme Power a été invitée à consulter la lettre datée du 20 février 2006 que le Secrétariat du Conseil du Trésor avait envoyée en réponse à la CCDP, sur laquelle M. Durber s'est fondé pour attribuer une valeur numérique aux emplois servant d'éléments de comparaison. Elle a expliqué que ces données étaient mises à la disposition de toute personne ayant le besoin légitime de les analyser à des fins de comparaison. Quand la CCDP a demandé à voir ces données, le Conseil du Trésor lui a permis de les consulter, en dépit du fait qu'elles n'avaient aucune validité. La CCDP a été également informée du fait que ces données n'étaient pas fiables, ce qui apparaît dans la correspondance.

[56] Les ministères ont été encouragés à communiquer toutes leurs données aux fins de leur évaluation par le Conseil du Trésor, les données étant conservées dans une base centrale appelée cube de données. Il s'agissait simplement d'une liste d'emplois, des points accordés pour chaque critère dans l'ensemble de la fonction publique et du total des points. Ces informations ont été communiquées aux ministères afin qu'ils puissent tous avoir accès à l'ensemble des données.

[57] Mme Power a convenu que M. Durber pouvait se référer aux valeurs numériques attribuées en vertu de la NGC pour conseiller la CCDP au sujet de la question de savoir si elle devait faire progresser la plainte. Toutefois, Mme Power a déclaré que l'on ne pouvait se fier à la NGC pour obtenir des résultats significatifs.

[58] Fraser McVie a récemment pris sa retraite, après avoir travaillé 35 ans pour le SCC dans les régions de l'Ontario et du Pacifique et au niveau national. Au cours de ces années, il a occupé des postes variés, y compris de sous-directeur et de directeur adjoint. En dernier lieu, il a occupé un poste intérimaire de commissaire adjoint, Opérations et programmes.

[59] M. McVie a affirmé que les tâches et responsabilités des SC et des CEA étaient essentiellement les mêmes. Quand le SCC a créé l'emploi de CEA, les concepteurs du poste se sont servis de la description de travail des SC pour rédiger celle des CEA. Les descriptions des deux postes se différenciaient l'une de l'autre par leur intitulé et par le fait que dans la description du travail de CEA, il était expressément fait mention des programmes destinés aux femmes.

[60] En 2003, le comité de classification a conclu que les emplois de SC et de CEA devraient se trouver au niveau CX-3. Par la suite, le comité d'examen des griefs du SCC a étudié cette évaluation et convenu qu'aussi bien les SC que les CEA relevaient du niveau CX-3 si on se fiait aux descriptions de travail de 2003.

[61] Le concept de gestion d'unités mis en uvre par le SCC voulait que chaque unité puisse opérer de manière semi-autonome et que chacune d'elles compte un gestionnaire principal responsable aussi bien des opérations quotidiennes que de la planification à long terme des activités de l'unité.

[62] Ce gestionnaire principal n'était autre que le gestionnaire d'unité (AS-6). Dans les établissements pour femmes, il s'agissait du poste de chef d'équipe, qui avait essentiellement la même description et la même classification AS-6. Le titulaire du poste AS-6 était la personne responsable des opérations de l'unité et des détenus relevant de son unité. Son supérieur hiérarchique était le sous-directeur.

[63] Nan Weiner est titulaire d'un doctorat en relations industrielles, matière interdisciplinaire composée de la psychologie industrielle, de la sociologie industrielle et de l'économie du travail. Elle s'est spécialisée dans les questions de parité salariale. Elle a fourni des conseils à un grand nombre de ministères fédéraux au sujet de la parité salariale et de questions liées à leurs systèmes d'évaluation des emplois. Elle a comparu à de nombreuses reprises à titre de témoin expert devant les tribunaux des droits de la personne aussi bien fédéraux que provinciaux dans le cadre d'affaires portant sur des questions de parité salariale et d'évaluation des emplois. Elle a fourni des conseils à la CCDP et a travaillé avec de nombreux organismes, les conseillant au sujet des questions de conformité aux législations fédérale et provinciales en matière d'équité salariale.

[64] Mme Weiner donne des cours sur la rémunération et la parité salariale à l'Université de Toronto. Elle a publié un certain nombre de livres et d'articles portant sur la parité salariale et l'évaluation des emplois. Mme Weiner est parfaitement qualifiée pour témoigner à titre d'experte en l'espèce, et c'est ainsi que le Tribunal la considère.

[65] Mme Weiner a convenu avec M. Durber que la norme CX ne mesurait pas l'ensemble des critères requis par la LCDP et par l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale. Toutefois, à ses yeux, la question essentielle consiste à savoir si les CEA ont reçu un salaire égal pour un travail égal, et ce, même si la norme CX ne mesure pas toutes les exigences de la LCDP.

[66] Mme Weiner a d'abord envisagé la question de savoir si les CEA et les SC accomplissaient des tâches de valeur égale et s'ils touchaient des salaires différents. Les postes de SC et de CEA ont tous deux été classés au niveau CX-3. Ils étaient régis par la même échelle salariale. Par conséquent, les titulaires de ces postes touchaient un salaire égal.

[67] Quant à la question de savoir si les deux postes ont la même valeur, Mme Weiner a conclu que c'était le cas. Pour ce faire, elle a eu recours à trois approches distinctes : une comparaison du poste de CEA et du poste de SC l'un par rapport à l'autre, une étude des différences dans les compétences requises pour les deux postes et une analyse de la comparaison des deux descriptions de travail effectuée par M. Durber. Elle a souligné le fait que la question portait ici sur la valeur des emplois, et non sur la différence entre les tâches à effectuer. Les emplois peuvent avoir une valeur équivalente tout en étant différents.

[68] Quand elle a comparé les deux postes l'un par rapport à l'autre, Mme Weiner a d'abord conçu un tableau faisant état de tous les éléments apparaissant dans les deux descriptions de travail. Elle a ensuite affiné son travail et ajouté ce qu'elle considérait être des différences entre les emplois (autrement dit les tâches qui ne leur étaient pas communes) pour chacun des critères qualifications, efforts, responsabilités et conditions de travail. Pour chaque critère, elle a relevé les différences entre les deux descriptions de travail en se servant des sous-critères énoncés dans l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale.

[69] Pour ce qui est des aptitudes intellectuelles exigées, sur le plan du contenu du travail, les descriptions de travail exigeaient des titulaires des postes de CEA qu'ils aient une connaissance du rapport La création de choix et puissent donner de la formation à d'autres employés sur ce sujet, et qu'ils aient également une connaissance du programme mère-enfant. Les SC doivent connaître le Modèle de gestion de situations. Ainsi, les titulaires des deux postes doivent connaître certains programmes, même si le contenu de ceux-ci peut différer.

[70] En ce qui concerne les aptitudes à communiquer, la description de travail des SC était beaucoup plus fournie. Toutefois, le fait de travailler avec des prisonniers de sexe masculin n'exige aucune aptitude singulière, et il est vraisemblable que le poste de CEA exigera les mêmes qualifications. Ainsi, même si on constate certaines différences, rien n'indique que les deux emplois ne sont pas de valeur égale.

[71] En ce qui a trait aux efforts, il existe une différence sur le plan de l'effort physique. Les SC doivent parcourir diverses distances pendant 30 à 45 minutes alors que le poste de CEA n'exige que 10 à 15 minutes de marche. Mme Weiner n'a pas trouvé qu'il s'agissait d'un élément significatif.

[72] Pour ce qui est des responsabilités, les catégories pertinentes des descriptions de travail faisaient référence aux responsabilités sur le plan des ressources techniques. À ce niveau, Mme Weiner a constaté quelques différences, mais elle a conclu qu'elles n'étaient pas significatives à la lumière de toutes les autres responsabilités.

[73] Finalement, pour ce qui est des conditions de travail, bien qu'elles ne soient mentionnées dans ni l'une ni l'autre description de travail, Mme Weiner a déclaré que compte tenu de la nature intrinsèque des deux emplois, ce que l'on inclurait dans la description de l'un se retrouverait dans la description de l'autre. Par exemple, la description du poste de CEA prévoit que le titulaire du poste est susceptible de se trouver exposé à des conditions météorologiques peu clémentes lorsqu'il se rend à des postes de garde et qu'il répond à des situations d'urgence. Bien que cela ne soit pas précisé dans la description de travail des SC, il s'agirait aussi d'une de leurs conditions de travail, compte tenu de la nature du poste.

[74] En se fiant aux informations rassemblées à partir des descriptions de travail, Mme Weiner a conclu que les deux emplois étaient de valeur égale à la lumière de chacun des quatre critères, considérant toute l'information contenue dans les descriptions de travail et après avoir analysé les différences constatées pour chaque critère.

[75] Mme Weiner a également étudié les aptitudes prises en considération pour l'embauche des CEA dans la mesure où, comme elle l'a déclaré, cela serait susceptible de faire ressortir les différences entre les deux emplois aux fins de la dotation. Elle s'est alors demandé si les aptitudes exigées aux fins de la dotation faisaient ressortir des différences dans la valeur du travail.

[76] Elle a analysé deux documents contenant de l'information au sujet des différences aux fins de la dotation. Le premier de ces documents est l'énoncé des qualités des CEA datant du 30 octobre 2003. Le second document date de décembre 2003 et porte sur les critères de mutation des surveillants correctionnels dans des postes de CEA.

[77] Elle a examiné les exigences du poste de CEA et a relevé certaines différences. Par exemple, les candidats sont évalués à la lumière de leur connaissance des questions féminines et de leur sensibilisation à ces questions ainsi que de leur capacité à travailler dans un environnement où l'accent est mis sur les femmes. Si le ou la titulaire d'un poste de SC souhaite occuper un emploi de CEA, il ou elle recevra une formation axée sur les femmes et fera l'objet d'un contrôle de ses références.

[78] Ainsi, si le processus de dotation des deux postes est différent, cela signifie-t-il que ces emplois n'ont pas la même valeur? Mme Weiner a conclu qu'ils étaient bien de valeur égale. Elle a adopté le raisonnement voulant que bien que le fait de travailler avec des délinquantes puisse exiger des aptitudes, approches et sensibilités différentes, il n'y a aucune raison de croire que ces aptitudes ont plus de valeur pour le SCC que celles nécessaires pour travailler avec les délinquants de sexe masculin qu'exige le poste de SC. Les SC doivent connaître la dynamique du travail avec des hommes détenus tandis que les CEA doivent connaître la dynamique du travail avec des femmes détenues. Ces différences sont de valeur égale.

[79] Mme Weiner a étudié avec minutie l'opinion avancée par M. Durber selon laquelle les deux emplois sont séparés par 15 caractéristiques distinctes. Dans son analyse, Mme Weiner conclut que 12 de ces 15 caractéristiques sont en fait communes aux postes de CEA et de SC. Sur les trois caractéristiques restantes, la connaissance des priorités et du mandat des prisons pour femmes ne fait clairement pas partie des exigences du poste de SC. Toutefois, cette exigence équivaut aux connaissances que les SC doivent avoir des prisons pour hommes.

[80] Mme Weiner reconnaît que les deux caractéristiques distinctes sur lesquelles M. Durber a mis l'accent, à savoir la connaissance du Modèle de gestion de situations pour les SC et la connaissance des questions liées à la protection des enfants et de la législation connexe dans le cadre du programme mère-enfant pour les CEA, différencient les deux postes. Toutefois, Mme Weiner ne s'accorde pas à dire que cette seule différence ne suffit pas à appuyer l'idée voulant que la valeur des deux emplois soit inégale.

[81] Finalement, Mme Weiner a examiné l'approche adoptée par M. Durber à l'égard de la valeur des postes et des indicateurs d'écart salarial. Elle a convenu avec Mme Power que les résultats obtenus à partir de la NGC n'ont jamais été achevés et ne sont pas fiables. Elle a également formulé trois autres critiques à l'égard des conclusions de M. Durber selon lesquelles on était en présence d'un écart salarial. Premièrement, elle a souligné que même si on considérait les valeurs exprimées en points de la NGC comme étant valides, les CEA obtiennent 2 500 points et les SC 2 480. Dans un système de cotation numérique ayant une amplitude de 5 000 points, une différence de 20 points est négligeable. Cela indique que les deux postes sont de valeur égale.

[82] Deuxièmement, pour ce qui est de la marge de plus ou moins 15 % dont M. Durber s'est servi pour repérer des éléments de comparaison, Mme Weiner a déclaré qu'elle équivalait dans les faits à une marge de 30 %. En outre, elle est d'avis que non seulement l'utilisation d'une marge de 15 % n'est pas fondée, mais qu'il est peu orthodoxe d'avoir recours à une marge permettant plus ou moins de variation en vue de définir si des emplois sont de valeur égale.

[83] Troisièmement, si on examine les valeurs numériques attribuées aux emplois majoritairement occupés par des hommes dont M. Durber s'est servi à titre d'éléments de comparaison, quatre de ces emplois obtiennent autour de 2 400 points. Le cinquième emploi obtient un résultat significativement plus élevé avec 2 800 points.

[84] Mme Weiner en a déduit que le poste utilisé comme élément de comparaison qui a obtenu 2 800 points n'appartient pas au même ensemble que les emplois qui obtiennent autour de 2 400 points. Le poste ayant obtenu 2 800 points n'est autre que celui de gestionnaire d'unité (AS-6). Le titulaire de ce poste supervise les CEA et les SC. Mme Weiner est d'avis qu'il serait vraiment peu orthodoxe que dans un organisme aussi hiérarchisé que le SCC, la valeur d'un poste de supervision soit égale à celle des emplois que le titulaire de ce poste supervise.

[85] Mme Weiner a conclu que le recours à une marge de plus ou moins 15 % était injustifié. En outre, il est tout à fait inhabituel de faire figurer un emploi de supervision dans le même ensemble que les postes supervisés. Mme Weiner a ainsi été conduite à remettre en question les calculs de moyenne effectués par M. Durber. Il est inutile de calculer des moyennes de salaires étant donné que la valeur des postes de CEA et de SC est égale. Ces postes sont régis par la même échelle salariale. Par conséquent, on peut affirmer qu'à travail égal, il y a salaire égal. Le principe de la parité salariale a été respecté.

III. CONCLUSION

[86] M. Durber et Mme Weiner conviennent tous deux que la grande majorité des exigences des deux postes sont similaires. Là où ils ne s'entendent pas, c'est sur la question de savoir si le poste de CEA est distinct et devrait donc être comparé à d'autres postes du groupe CX (M. Durber) ou si on doit comparer les deux emplois l'un à l'autre (Mme Weiner).

[87] Je me suis penché sur les caractéristiques des descriptions de travail que M. Durber a qualifiées de distinctes tout comme j'ai examiné la réponse apportée par Mme Weiner ainsi que son analyse. J'accepte la conclusion de Mme Weiner selon laquelle, bien qu'il y ait quelques différences dans les descriptions de travail, les emplois de CEA et de SC sont égaux et reçoivent un salaire égal.

[88] Il existe une autre raison permettant de conclure qu'aucun acte discriminatoire n'a été posé. Cette raison est la suivante : comme Mmes Power et Weiner l'ont toutes deux fait remarquer, les valeurs numériques attribuées en ayant recours à la NGC n'ont jamais été validées et ne peuvent être utilisées pour obtenir des résultats significatifs.

[89] Et même si on tient momentanément pour acquis que ces résultats sont valides, à la lumière de la différence entre les postes de CEA (2 500 points) et de SC (2 480 points) sur une échelle de 5 000 points, soit une différence de 0,02 % très négligeable, force est de conclure, à l'instar de Mme Weiner, que les deux postes sont de valeur égale.

[90] Je ne peux pas non plus accepter la méthode employée par M. Durber consistant à se servir d'une marge de plus ou moins 15 % pour réunir des éléments de comparaison, soit les cinq emplois majoritairement occupés par des hommes, et à ensuite calculer la moyenne de leurs salaires pour conclure qu'il y a un écart salarial. Les témoignages de M. Durber et de Mme Weiner permettent tout à fait de conclure que le choix d'une marge de 15 % ne se justifie pas.

[91] Finalement, il est clair que le poste de gestionnaire d'unité (AS-6) ne devrait pas faire partie des emplois majoritairement occupés par des hommes susceptibles de servir d'éléments de comparaison. Comme le souligne Mme Weiner, il est hautement inhabituel qu'un emploi de supervision serve d'élément de comparaison à l'emploi qu'il doit superviser. S'il est exclu de la liste des emplois servant d'éléments de comparaison comme de juste, que les valeurs numériques attribuées par la NGC ne soient pas utilisables et que la marge de 15 % s'avère inadéquate aux fins de la comparaison, alors la conclusion de M. Durber selon laquelle il y a écart salarial ne peut être retenue.

[92] À titre de remarque additionnelle, j'ajouterai qu'il n'est pas surprenant que les conclusions de M. Durber n'aient pas été jugées fondées, et ce, en dépit du fait qu'elles constituent une preuve prima facie de discrimination. Son témoignage en l'espèce découlait entièrement des rapports d'enquête qu'il avait préparés pour la CCDP en 2006.

[93] Le mandat que la CCDP lui avait alors confié consistait à mener une enquête relativement à la plainte afin d'établir s'il était indiqué d'aller de l'avant, notamment par voie de médiation ou de règlement par une tierce partie, autrement dit d'instruction devant le Tribunal. Son témoignage ne portait pas sur la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, les titulaires des postes prétendument sous-évalués de CEA ont été traités de manière discriminatoire sur le plan du salaire qu'ils ont reçu; c'est là la question dont le Tribunal est saisi.

[94] Pour ces motifs, je conclus que le plaignant n'est pas parvenu à prouver que les postes de CEA ont été sous-évalués et sous-payés. L'intimé a fourni une explication raisonnable, sans faux-fuyant, pour contrer la preuve prima facie de discrimination. Je conclus que la plainte n'est pas fondée et je la rejette par conséquent.

J. Grant Sinclair

OTTAWA (Ontario)
Le 26 juin 2009

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1162/4406

INTITULÉ DE LA CAUSE :

John Wiseman c. Procureur général du Canada

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 11 et 12 septembre 2008
Les 15, 16, 17 et 19 septembre 2008

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 26 juin 2009

ONT COMPARU :

Elizabeth Millar

Pour le plaignant

Aucune représentation

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Robert MacKinnon

Pour l'intimé

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