Tribunal canadien des droits de la personne

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Dossier no T527/2299
Décision no 1

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE
L..R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

RODERICK LEGER

le plaignant

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

et

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

l'intimée


DÉCISION SUR LA DEMANDE D'AJOURNEMENT


Le 9 août 1986, Roderick Leger a déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne une plainte alléguant que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada avait exercé une discrimination à son endroit en contravention de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le 30 juillet 1999, la Commission a demandé au Tribunal canadien des droits de la personne d'instruire la plainte. Le Tribunal a fixé au 6 mars 2000 la date du début de l'audience.

Le CN a présenté à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il contestait le bien-fondé de la décision de la Commission de renvoyer la plainte au Tribunal et demandait à la cour de rendre une ordonnance pour interdire au Tribunal d'instruire la plainte. Le CN n'a pas demandé à la Cour fédérale du Canada de suspendre les procédures du Tribunal. Il a plutôt demandé que le Tribunal ajourne son audience jusqu'à ce que la Cour fédérale du Canada se soit prononcée sur sa demande de contrôle judiciaire.

C'est un fait avéré que ce Tribunal est maître de sa propre procédure et qu'il a pleinement le pouvoir d'ajourner une instance. Je n'ai rien trouvé dans les sources que les parties m'ont citées qui exige ou même laisse croire que le Tribunal devrait se fonder sur les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans R.J.R. MacDonald c. Canada (Procureur général) (1) pour décider s'il y a lieu d'accorder ou de refuser un ajournement.

Les critères énoncés dans R.J.R. MacDonald s'appliquent à une situation différente ¾ celle où l'on demande à un tribunal ayant le pouvoir de surveillance d'accorder une injonction interlocutoire en vertu de sa compétence inhérente ou des dispositions législatives habilitantes qui le régissent. À mon avis, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal est assujetti aux règles d'équité procédurale et de justice naturelle, ainsi qu'au régime de la Loi.

La Loi prévoit que le Tribunal doit instruire une plainte lorsque la Commission lui demande de le faire. Elle exige également que le Tribunal donne aux parties amplement l'occasion de présenter leurs arguments et de faire des observations. Selon l'article 2 de la Loi, l'intérêt public primordial implique l'élimination de la discrimination. Eu égard à l'article 2, de nombreuses décisions judiciaires ont permis d'établir que les allégations de discrimination doivent être jugées rapidement et de façon opportune. C'est au regard de cette toile de fond qu'il faut examiner la demande d'ajournement du CN.

Le CN soutient que la décision de la Cour fédérale du Canada à l'égard de sa demande de contrôle judiciaire serait nulle et sans effet s'il devait se soumettre à une audience du Tribunal. Il estime également qu'en raison de la complexité des questions en cause, il en coûterait extrêmement cher au CN de se préparer à l'audience, et que ces dépenses s'avéreraient inutiles. Les deux arguments sont fondés sur l'hypothèse que le CN aura gain de cause en ce qui concerne sa demande de contrôle judiciaire et sa demande de suspension des procédures ¾ s'il devait en présenter une.

Le troisième argument du CN veut qu'il ne serait pas en mesure de présenter une défense pleine et entière, vu le laps de temps qui s'est écoulé entre le traitement de la plainte et son audition. Rien n'empêcherait le CN de faire valoir les mêmes arguments durant l'audience du Tribunal. À ce moment-ci, le Tribunal est mieux placé pour évaluer ces arguments au regard de l'ensemble de la preuve et à mesure que celle-ci est présentée.

En fait, la Section de première instance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en est arrivée à cette conclusion dans Volvo Canada Ltd. v. Ritchie (2). En l'occurrence, Volvo avait présenté une demande de contrôle judiciaire visant à faire casser la décision de créer une commission d'enquête en matière de droits de la personne. Parmi les motifs invoqués par Volvo à l'appui de sa demande figuraient l'inéquité, le déni de justice naturelle et l'impossibilité de présenter une défense en raison du délai écoulé, motifs très similaires à ceux invoqués par le CN pour justifier sa demande de contrôle judiciaire.

La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a rejeté la demande de Volvo, jugeant que ces arguments devraient être présentés à la commission d'enquête, laquelle a le pouvoir de statuer sur ces allégations si, en fait, la preuve fait ressortir les préoccupations de l'appellant.

J'en viens à la conclusion que le CN n'a pas démontré qu'il ferait l'objet d'un déni d'équité procédurale ou de justice naturelle, ou qu'il n'aurait pas pleinement la possibilité de présenter une preuve et de faire des observations dans le cas où un ajournement serait refusé. Par conséquent, la demande d'ajournement du CN est rejetée.

1. [1984] 1 R.S.C. 311, 347-349.

2. [1989] N.S.J., No. 213. Le CN s'est fondé sur cette affaire, mais il n'a cité que la décision de la commission d'enquête.

FAIT à Ottawa, en Ontario, le 26e jour de novembre 1999.

J. GRANT SINCLAIR

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