Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 8/96 Décision rendue le 13 juin 1996

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, chap. H-6 (version modifiée)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE:

Stanley Moore et Dale Akerstrom les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne la Commission

- et -

Conseil du Trésor Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada Alliance de la Fonction publique du Canada Association professionnelle des agents du service extérieur les intimés

- et -

Institut professionnel de la fonction publique du Canada la partie intéressée

DÉCISION DU TRIBUNAL

Tribunal: Keith C. Norton, c.r., président Janet Ellis, membre J. Grant Sinclair, c.r., membre

Ont Comparu: Rosemary Morgan, avocate de la Commission des de la personne Brian Saunders et James Hendry, avocats du Conseil du Trésor, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada Andrew Raven, avocat de l'Alliance de la Fonction publique du Canada Catherine MacLean, avocate de l'Association professionnelle des agents du service extérieur et de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Dates et lieu de l'audience: du 10 au 13 octobre, ainsi que les 23, 24 et 26 octobre 1995, Ottawa (Ontario)

TABLE DES MATIERES

A INTRODUCTION

B. LA PREUVE

I Preuve présentée par la Commission canadienne des droits de la personne

1. Stanley Moore

2. Pierre Soucy

3. Dale Akerstrom

4. Alexander Dias

5. John Fisher de E.G.A.L.E.

II L'employeur intimé

Le Conseil du Trésor, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et Emploi et Immigration Canada

1. John Ambridge

III Le syndicat intimé dans la plainte de Dale Akerstrom

L'Alliance de la Fonction publique du Canada

1. Carole Brunt

2. Don Pease

IV Le syndicat intimé dans la plainte de Stanley Moore

L'Association professionnelle des agents du service extérieur

1. Peter Cenne

V La partie intéressée

L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

1. Steve Hindle

C. LES QUESTIONS EN LITIGE

D. ANALYSE

E. LES CONCLUSIONS

F. REDRESSEMENT

A. INTRODUCTION

Le présent Tribunal a entendu les plaintes de MM. Stanley Moore et Dale Akerstrom.

Les plaintes de M. Stanley Moore portent la date du 15 février 1994. Elles ont été déposées sur quatre formules de plaintes distinctes : deux d'entre elles désignent comme intimés à la fois Affaires étrangères et Commerce international Canada, une autre, l'Association professionnelle des agents du service extérieur et la quatrième, le Conseil du Trésor. Dans chaque plainte est alléguée une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et la situation de famille.

Les plaintes contre Affaires étrangères et Commerce international Canada allèguent que les intimés ont fait preuve de discrimination à l'endroit de M. Moore en le défavorisant en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) et en appliquant des lignes de conduite susceptibles d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'une catégorie d'individus, en violation de l'article 10 de la Loi.

Dans la plainte contre le Conseil du Trésor du Canada, il est allégué que l'intimé a appliqué des lignes de conduite et a conclu une entente susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'une catégorie d'individus, en contravention de l'article 10 de la Loi.

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La plainte contre l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) découle également de l'article 10 et renvoie au fait que l'intimée a conclu une entente susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'une catégorie d'individus (membres gais).

M. Dale Akerstrom a signé cinq formules de plaintes, le 3 février 1993. Dans une de ces plaintes, M. Akerstrom allègue que l'intimée, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, a refusé de lui accorder les avantages sociaux découlant de l'emploi prévus au Régime de soins de santé de la fonction publique en raison de son état matrimonial, de sa situation de famille et de son orientation sexuelle, en contravention des articles 7 et 10 de la Loi. Les deux plaintes déposées contre l'Alliance de la Fonction publique du Canada font état d'une entente conclue par l'intimée aux termes de laquelle les conjoints de même sexe sont privés des avantages découlant de l'emploi, en violation des articles 9 et 10 de la Loi. Les deux plaintes contre le Conseil du Trésor renvoient à la conclusion d'une entente qui prive les couples de même sexe des avantages découlant de l'emploi, en violation de l'article 10 de la Loi et au refus d'accorder les avantages, contrairement aux dispositions de l'article 7.

Au début de l'audience, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a demandé qu'on lui accorde le statut de partie intéressée. A l'appui de sa requête, l'Institut a allégué qu'il était le deuxième syndicat en importance d'employés de la fonction publique et que l'IPFPC a présenté, au nom de ses membres, des demandes visant à étendre les avantages

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sociaux aux conjoints de même sexe. Toutes les parties ayant consenti à cette requête, le statut de partie intéressée a été accordé.

B. LA PREUVE

I. Preuve présentée par la Commission canadienne des droits de la personne

1. Stanley Moore

M. Stanley Moore est un agent du service extérieur actuellement employé par l'ACDI. En avril 1990, il a commencé à vivre avec M. Pierre Soucy une relation conjugale marquée par l'engagement. L'organisation de leurs affaires économiques et de leur vie sociale reflète cet engagement et, à tous égards, ils forment un couple. De plus, en 1990, M. Moore a été informé qu'il obtiendrait vraisemblablement une affectation de deux ans à Jakarta, en Indonésie. A cette époque, il occupait un poste d'agent du service extérieur au ministère des Affaires étrangères.

En février 1991, l'affectation est devenue officielle, et, en juillet de la même année, M. Moore est arrivé à Jakarta. Il occupait le rang diplomatique de conseiller au développement, ainsi que de conseiller à l'économie, et il faisait office de directeur adjoint du Programme de développement. Il avait des

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responsabilités protocolaires et il entretenait des relations diplomatiques avec d'autres hauts dignitaires.

En 1991, M. Moore a demandé qu'on lui accorde les prestations du conjoint en application des Directives sur le service extérieur. Ces Directives traitent d'un certain nombre de coûts engagés lorsqu'un employé doit être réinstallé. M. Moore n'a pas réussi à obtenir l'aide à la réinstallation. habituellement accordée pour les conjoints. Il a expliqué dans son témoignage que les Directives sur le service extérieur énumèrent les avantages officiels, mais qu'il existe également de nombreux services informels habituellement accordés aux conjoints des employés, tels que de l'aide pour obtenir un visa.

Avant de partir en mission et, de nouveau sur place à Jakarta, M. Moore a demandé qu'on lui accorde des prestations du conjoint, laquelle demande a été refusée. A son arrivée à Jakarta, il s'est rendu compte que des employés de rang inférieur au sien occupaient un logement en meilleur état et mieux meublé que le sien. La maison que M. Moore occupait avec M. Soucy avait la surface habitable d'une maison qui aurait été assignée à un célibataire. Le montant du loyer étant fonction du salaire, M. Moore payait davantage pour moins d'espace.

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M. Soucy était employé à plein temps par la Commission de l'emploi et de l'immigration et il a obtenu de son employeur un congé sans solde d'une durée de deux ans. Il a pu continuer à participer au Régime de soins dentaires pendant cette période, mais non au Régime de soins de santé. Il a réussi à trouver un emploi à temps partiel à Jakarta. Selon les termes de cet emploi, il était rémunéré sur une base d'honoraires professionnels et il n'avait pas droit aux prestations de soins de santé ni autres avantages sociaux. La liste complète des prestations demandées figure à la pièce HR-1 et comprend les frais d'hébergement, l'indemnité différentielle de mission, les soins dentaires, les soins de santé, le programme de services récréatifs dans les missions difficiles et d'autres avantages sociaux.

M. Moore a communiqué un bon nombre de fois avec l'APASE, et M. Peter Cenne lui a été très utile en lui prodiguant des conseils et des informations. Il était clair pour le Tribunal que M. Moore a été blessé sur le plan affectif par le fait qu'on a refusé de reconnaître son conjoint. Il était déconcerté et humilié et il a trouvé toute cette situation fort pénible.

2. Pierre Soucy

M. Soucy a décrit sa relation avec M. Moore, en avril 1990, comme en étant une où il était beaucoup question d'engagement et de planification d'un

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avenir commun. M. Soucy a confirmé que, à compter de ce moment, lui et M. Moore se sont présentés comme un couple à tous ceux qui les connaissaient.

Lorsque M. Moore a reçu la confirmation de son affectation à l'étranger, M. Soucy a commencé à planifier son départ pour accompagner son conjoint en mission. M. Soucy a décrit le sentiment de stress qu'il a ressenti lorsque M. Moore s'est rendu compte qu'aucune aide financière ne lui serait accordée pour le voyage de son partenaire. Il savait que l'affectation était importante pour la carrière de son conjoint, mais il savait également que M. Moore se préoccuperait beaucoup des sentiments de son conjoint si son employeur à lui refusait de lui accorder des mesures de soutien. Il a expliqué que toute cette situation lui a causé beaucoup d'angoisse.

M. Soucy a confirmé que la maison à Jakarta se trouvait dans un état de délabrement, mais que, contrairement aux autres conjoints, il n'était pas autorisé à demander que des travaux soient faits, et que cette situation était frustrante. Même si la plupart des gens étaient courtois et tolérants, voire plus que cela, M. Soucy se souvient qu'il a eu l'impression d'avoir perdu presque toute son entité propre lorsque le personnel de l'ambassade a diffusé la liste des Canadiens en poste et de leur famille et que son nom n'y figurait pas.

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3. Dale Akerstrom

M. Dale Akerstrom a été embauché par la CEIC (aujourd'hui Citoyenneté et Immigration Canada) en avril 1990. En novembre suivant, M. Dale Akerstrom a commencé à cohabiter avec M. Alexander Dias dans le cadre d'une relation conjugale. Les deux hommes ont acheté conjointement un condominium et d'autres biens, ils ont célébré leur engagement par une cérémonie présidée par un ministre du culte en présence des membres de leurs familles et des amis et, depuis ce moment, ils se sont ouvertement présentés comme un couple. MM. Akerstrom et Dias participent au Régime de soins de santé de la Colombie-Britannique à titre de conjoints de même sexe.

En 1992, M. Akerstrom a demandé au commis de la rémunération et des avantages sociaux au travail les formulaires nécessaires pour modifier son état des prestations de la catégorie célibataire à la catégorie familiale. Il a rempli un formulaire de bénéficiaire des prestations supplémentaires de décès désignant M. Dias comme son conjoint et bénéficiaire, ainsi qu'un formulaire du Régime de soins de santé de la fonction publique sur lequel il a indiqué que sa situation en ce qui a trait aux personnes à charge avait changé en raison d'une relation conjugale (mariage). Il a reçu un appel téléphonique l'informant que sa demande ne serait pas traitée et il a envoyé une note de service demandant qu'on lui précise les motifs de ce refus.

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M. Akerstrom a reçu une réponse à sa note de service dans laquelle on lui confirmait que le Régime de soins de santé de la fonction publique ne couvrait pas les conjoints de même sexe et on l'invitait à demander une révision de la politique de l'émetteur. Il a présenté cette demande qu'il a étayée des renseignements pertinents sur sa situation de famille, a soumis des documents relatifs à la propriété du condominium ainsi qu'un faire-part de sa cérémonie d'engagement et il a expliqué qu'il faisait l'objet de discrimination. Il a témoigné que les formulaires et la demande visaient à changer la catégorie de sa couverture de célibataire à familiale et à inclure les soins dentaires ainsi que les autres avantages sociaux.

M. Akerstrom a reçu une réponse du Conseil de gestion du Régime des soins de santé de la fonction publique dans laquelle on l'informait que le régime renferme une définition qui décrit les conjoints de fait comme étant de sexe opposé. On lui a conseillé de soumettre son problème à son représentant syndical. M. Akerstrom n'a pas communiqué avec son syndicat parce que:

[TRADUCTION]

Bien, j'ai pensé que cela ne servirait à rien parce que l'Alliance de la Fonction publique avait, en quelque sorte, les mains liées. Elle avait signé une entente qui était discriminatoire à mon endroit. D'un côté, elle y avait consenti, mais de l'autre côté, je suis convaincu qu'elle ne l'a signée que parce que son refus lui aurait fait perdre les autres parties de l'entente. Je n'ai pas pensé qu'elle pourrait m'être d'aucun secours.

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(Transcription, vol. 1, page 204)

M. Akerstrom a expliqué qu'il s'était senti passablement déconcerté et déçu qu'on lui ait refusé les avantages liés à l'emploi. Il éprouvait également beaucoup de frustration au regard de tout le temps et des efforts consacrés à tenter d'obtenir quelque chose qui, à son avis, devrait aller de soi.

Un résumé de la liste des avantages réclamés par M. Akerstrom figure à la pièce HR-5. Les parties sont convenues que si le Tribunal devait trancher en faveur de M. Akerstrom, elles discuteraient des avantages sociaux réclamés et tenteraient d'en venir à une entente au sujet du montant.

4. Alexander Dias

M. Dias a témoigné qu'il entretenait une relation avec M. Dale Akerstrom depuis 1990. Il a décrit cette relation comme étant une relation conjugale fondée sur un engagement à long terme. M. Dias a affirmé qu'il est couvert par le Régime de soins de santé de la Colombie-Britannique à titre de conjoint de M. Akerstrom et que les cotisations à ce régime provincial sont payées par l'employeur de M. Akerstrom. M. Dias n'a aucune autre assurance de soins dentaires ou de soins de santé parce qu'il est étudiant à plein temps et qu'il n'occupe pas actuellement d'emploi, si ce n'est à titre occasionnel. Il a expliqué que, lorsque la demande de prestations au conjoint de

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M. Akerstrom a été refusée, il a eu le sentiment qu'on le traitait différemment, comme un citoyen de deuxième ordre.

5. John Fisher

M. John Fisher a témoigné pour le compte de la Commission canadienne des droits de la personne. M. Fisher est avocat et directeur exécutif de l'organisme de lobby fédéral : Égalité pour les gais et les lesbiennes (E.G.A.L.E.). M. Fisher a remis au Tribunal quatre-vingt-quatre documents incluant de la correspondance, des journaux et des coupures de presse représentant une partie de l'historique des démarches de lobby importantes de E.G.A.L.E. à l'échelle nationale sur des questions concernant les gais et les lesbiennes. Les membres de cet organisme ont présenté de la preuve devant les Comités de la Chambre et du Sénat et ils sont intervenus dans des affaires devant les tribunaux canadiens, y compris la Cour suprême du Canada.

Après que le rapport du Comité parlementaire sur les droits à l'égalité, Égalité pour tous, eut inclus une recommandation visant la modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour ajouter l'orientation sexuelle parmi les motifs illicites de discrimination, l'organisme E.G.A.L.E. a été constitué en 1986 pour veiller à ce que cette recommandation soit mise en oeuvre. Selon M. Fisher, la communauté des gais et des lesbiennes exerçait, à

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cette fin, des pressions depuis dix-huit ans, et le groupe E.G.A.L.E., pour sa part, faisait du lobby depuis dix ans.

Dans son témoignage, M. Fisher a souligné qu'il était devenu de plus en plus clair pour lui que, dans l'esprit de certaines personnes, il existe une différence entre les questions de discrimination individuelle fondée sur l'orientation sexuelle et la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe. Il a expliqué que, même si, au départ, E.G.A.L.E. visait l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la Loi :

[TRADUCTION]

... nous ne faisions aucune distinction entre l'insertion de l'orientation sexuelle dans la Loi et la question de la reconnaissance des unions homosexuelles. (Transcription, vol. 4, page 675)

Le numéro spécial de 1993 sur les élections de INFOEGALE renfermait un article intitulé : Relationship Recognition, We're Families too (Reconnaissance des unions, nous aussi constituons des familles) dans lequel figure le passage suivant :

[TRADUCTION]

Pour toute personne raisonnablement intelligente, il doit être évident que le fait d'entretenir une relation avec une personne du même sexe constitue par définition une partie essentielle de l'homosexualité. (Pièce HR-15, onglet 31)

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M. Fisher a témoigné qu'il y avait eu au moins dix tentatives infructueuses de présenter un projet de modification à la Loi pour y inclure l'orientation sexuelle.

E.G.A.L.E. conserve à jour une liste d'employeurs, de municipalités, de districts, d'universités et de provinces à l'échelle du Canada qui ont élargi la portée des avantages sociaux pour y inclure les conjoints de même sexe, et les données disponibles relatives aux coûts révèlent que personne n'a signalé un obstacle financier important à cet égard. M. Fisher a expliqué que, généralement parlant, ses recherches sur la question des coûts ont révélé que ceux-ci représentent de 0,5 % à 1,5 % du coût des avantages sociaux et que bon nombre d'employeurs parmi les plus importants n'ont constaté, en substance, aucune augmentation significative. Il a reconnu que E.G.A.L.E. n'a effectué aucune étude sur ce qu'il en coûte pour étendre la portée des avantages sociaux aux conjoints de même sexe, mais qu'il s'est fondé sur des renseignements déjà publiés.

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II. L'employeur intimé

Le Conseil du Trésor, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et Emploi et Immigration Canada

Juste avant la date prévue pour l'audience de ces plaintes, le Conseil du Trésor a présenté le protocole d'entente suivant au Comité exécutif du Conseil national mixte pour qu'il soit examiné par les quatorze agents négociateurs représentés au Conseil national mixte :

[TRADUCTION]

PROTOCOLE D'ENTENTE

Les parties conviennent de ce qui suit :

¨ elles modifieront l'approche à l'interprétation des dispositions suivantes des conventions collectives :

  1. Congé de décès payé
  2. Congé payé pour obligations familiales
  3. Congé de réinstallation
  4. Directives sur le service extérieur
  5. Directives sur les postes isolés
  6. Directive sur la réinstallation

¨ que les avantages sociaux auxquels a droit un employé ou une employée aux termes des dispositions susmentionnées, seront accordés à un employé ou une employée qui vit en union de fait avec une personne du même sexe;

¨ aux fins de l'application du présent protocole d'entente, une union de fait entre partenaires de même sexe existe lorsque, pendant une période

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continue d'au moins une année, une employée ou un employé a cohabité avec une autre personne dans une relation homosexuelle, l'a présentée comme étant son ou sa partenaire et continue à vivre avec cette personne à titre de partenaire;

¨ les dispositions du présent protocole d'entente entreront en vigueur à la date de sa signature.

SIGNÉ A OTTAWA, ce........ jour du mois de..................... 1995.

(Pièce R-5, onglet 1)

M. Steve Hindle, témoin pour le compte de L'IPFPC a attesté que la signature de ce protocole d'entente aurait pour effet de fournir les avantages sociaux énumérés et d'éliminer la discrimination, mais que cela ne changerait pas la définition de conjoint de fait qui figure dans les conventions collectives. Les questions visées par le protocole d'entente n'incluent pas le Régime de soins de santé ni le Régime de soins dentaires et, au moment de l'audience, le document n'avait pas été signé par les parties.

1. John Ambridge

M. Ambridge a été le seul témoin pour les employeurs intimés et son témoignage s'est limité à répondre aux questions concernant le Régime de soins de santé de la fonction publique et le Régime de soins dentaires. M. Ambridge est à l'emploi du Conseil du Trésor depuis dix-huit ans et, depuis deux ans, il occupe le poste de directeur du Groupe des régimes d'avantages.

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M. Ambridge a fait valoir que le Régime des soins de santé de la fonction publique ne fait pas partie des conventions collectives, mais qu'il est géré par un Conseil de gestion qui relève du Conseil national mixte. Il a signalé que, en définitive, le Conseil du Trésor approuve les modalités du régime, mais que les modifications aux conditions font l'objet de consultations avec les syndicats dans le cadre du processus de la révision triennale effectuée par un sous-comité du Conseil national mixte.

M. Ambridge a souligné que la question d'étendre les avantages aux conjoints de même sexe avait été soulevée et que Revenu Canada soutient que l'inclusion des partenaires de même sexe dans la définition de conjoint entraînerait le retrait d'agrément, ce qui signifierait que la contribution de l'employeur au Régime deviendrait un avantage imposable pour les employés. Au cours de l'année écoulée, toutefois, on a informé le Conseil du Trésor qu'un aménagement possible consisterait à offrir une couverture à l'extérieur du Régime établi.

Selon M. Ambridge, l'ajout au Régime de prestations aux partenaires de même sexe pourrait coûter 1,2 million de dollars pour un taux de participation de 1 % et 2,4 millions de dollars pour un taux de participation de 2 %, cette évaluation de coût étant fondée sur les taux en vigueur.

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Le Régime de soins dentaires est financé à 100 % par le Conseil du Trésor. Il existe un régime pour le Conseil national mixte, ainsi qu'un régime distinct pour les employés représentés par l'AFPC. M. Ambridge a expliqué dans son témoignage que le régime de l'AFPC découle de la conciliation tandis que l'autre régime a été élaboré dans le cadre du processus du Conseil national mixte. Selon lui, la question de la définition du terme conjoint n'a pas été soulevée pendant l'élaboration de ces deux régimes.

M. Ambridge a fait valoir que la question d'étendre aux partenaires de même sexe les avantages du Régime de soins dentaires a été soulevée et que l'évaluation des coûts fait appel aux mêmes facteurs que dans le cas du Régime des soins de santé. Pour étendre la portée des avantages, il en coûterait environ 650 000 $ par année pour un taux de participation de 1 %, et 1,3 million de dollars pour un taux de participation de 2 %.

Lors du contre-interrogatoire, M. Ambridge a reconnu que taux de participations est une expression du domaine des assurances qui décrit le nombre de personnes qui touchent des prestations du régime de sorte que si 1 % de la population passe de la catégorie de célibataire à la catégorie familiale, le taux du coût serait de 1 %. Il a ajouté que les taux de 1 % ou de 2 % ne reposent sur aucune donnée fiable et qu'il s'agit uniquement d'un éventail utilisé pour évaluer les coûts éventuels. Il a poursuivi en disant que le coût d'un taux de

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participation de 1 % correspond à environ un demi de un pour cent du coût total de chaque régime. Curieusement, le témoin a informé le Tribunal que même si certaines enquêtes avaient été effectuées dans d'autres territoires du Canada pour obtenir des renseignements concrets au sujet des coûts et des taux de participation, aucune donnée précise n'était disponible.

M. Ambridge a reconnu que, selon ces estimés, l'augmentation des coûts engendrés par le fait d'étendre les prestations aux conjoints de même sexe ne serait pas très importante comparativement aux autres augmentations que les régimes ont subies au fil des ans.

M. Ambridge a reconnu lors du contre-interrogatoire que l'objectif d'un régime de prestations est d'attirer et de conserver de bons employés. Un régime d'avantages fait partie des coûts associés à la rémunération globale d'un employé. Même si l'évaluation des coûts était à l'étude en 1994 et même si cette question figurait à l'ordre du jour des syndicats, M. Ambridge avait compris que le gouvernement, à titre d'employeur, ne pouvait se dissocier facilement de ses autres rôles dans des contextes différents, tels que les programmes sociaux, et que cela rendrait difficile la prise de la décision d'accorder les prestations aux conjoints de même sexe des employés du gouvernement.

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III. Le syndicat intimé dans la plainte de Dale Akerstrom

L'Alliance de la Fonction publique du Canada

1. Carole Brunt

Mme Carole Brunt a témoigné au nom de l'AFPC. Elle occupe le poste d'agente de recherche à l'AFPC depuis 1988. Mme Brunt a expliqué dans son témoignage que les dossiers montrent que, dès 1980, l'AFPC a commencé à présenter des revendications pour le groupe de M. Akerstrom, soit le groupe PM, afin de faire inclure dans la convention collective une clause interdisant toute discrimination, y compris la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. La première convention cadre signée en 1986 après une conciliation exécutoire renfermait une clause d'élimination de la discrimination, dont la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, telle que proposée par le syndicat.

Dans la ronde de négociation de 1987-1988, la définition de conjoint de fait proposée par le syndicat incluait spécifiquement les conjoints de même sexe, et elle a été abandonnée au bout du compte. Le syndicat a continué de proposer la même définition jusqu'à ce que la négociation collective prenne fin en 1991 par l'adoption d'une loi. Mme Brunt a témoigné que, tout au long de cette période, le syndicat a adopté la position selon laquelle la clause de

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non-discrimination devrait avoir pour effet de modifier la définition de conjoint de façon à inclure les conjoints de même sexe.

Le Régime de soins dentaires fait partie de la convention collective, mais son processus d'appel relève d'un Conseil de gestion. En juin 1988, un membre de l'AFPC a présenté une demande au Conseil pour que les prestations soient accordées aux conjoints de même sexe, laquelle demande a été, au bout du compte, rejetée. En 1990, quatre autres demandes ont été présentées : deux ont été rejetées et deux ont été laissées en suspens.

Le Régime de soins de santé de la fonction publique est administré de façon semblable par un Conseil de gestion. A ce jour, six demandes de prestations pour des conjoints de même sexe ont été présentées, dont une pour un membre de l'AFPC, et toutes ont été rejetées. Le Régime de soins de santé relève du Conseil national mixte. Le mécanisme du Conseil national mixte règle les questions qui ne relèvent pas de la négociation collective, telles que la durée du travail, les voyages, les postes isolés, etc. Mme Brunt a fait valoir que, à maintes reprises, l'AFPC a adopté au Conseil national mixte la position selon laquelle il devrait y avoir un examen des politiques du CNM de façon à donner aux conjoints de même sexe le droit aux avantages.

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2. Don Pease

M. Don Pease a témoigné pour le compte de l'AFPC. Employé de l'AFPC, il occupe depuis 1987 le poste d'agent de recherche à la Section des griefs et des arbitrages. La Section des griefs et des arbitrages représente les fonctionnaires s'estimant lésés devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique et d'autres conseils d'arbitrage et, de façon générale, elle intervient au moment où un grief est renvoyé à l'arbitrage. Depuis août 1987, trente griefs traitant des droits des conjoints de même sexe ont été soumis à la section en vue de leur renvoi à l'arbitrage. Les trente griefs mettaient en cause 22 ou 23 plaignants.

Sur les trente griefs, quatorze mettant en cause le Conseil du Trésor ont été réglés par ce dernier qui a accordé la mesure de redressement demandée sous toutes réserves pour des motifs d'ordre humanitaire, même si la convention collective ne prévoit pas le droit à un congé pour des raisons d'ordre humanitaire. Treize griefs ont été décrits comme étant en suspens, deux griefs ont été rejetés et le dernier a été accueilli.

M. Pease a témoigné que le syndicat a adopté la position selon laquelle l'article M-16 (Élimination de la discrimination) de la convention rendait inopérante la condition relative au sexe opposé contenue dans la définition de conjoint de fait, et c'est la position qu'il a soutenue à compter de 1987.

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M. Pease a également attesté qu'il existe au sein de l'AFPC six groupes de soutien régionaux, pour gais et lesbiennes, actifs à l'échelle du pays c'est-à-dire qu'ils sont reconnus par l'AFPC à titre de groupe d'équité au sein de l'organisation syndicale. Ces groupes de soutien ont été établis à compter de 1989 afin de venir en aide aux membres gais et lesbiennes. Ces groupes se consacrent à l'organisation d'activités, se prononcent sur les questions relatives aux gais et aux lesbiennes, élaborent des documents d'orientation et se consacrent à d'autres activités de soutien, telles que le remboursement des congés sans solde. De plus, il existe deux sièges réservés à des membres gais ou lesbiennes au sein du Comité de l'égalité des chances du Conseil d'administration national de l'AFPC.

IV. Le syndicat intimé dans la plainte de Stanley Moore

L'Association professionnelle des agents du service extérieur

1. Peter Cenne

M. Peter Cenne, directeur exécutif de l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) depuis 1990, a témoigné pour le compte de l'Association. L'APASE est l'agent négociateur qui représente environ 1 500 agents du service extérieur de deux ministères, notamment les Affaires extérieures et Citoyenneté et Immigration. Les agents du service extérieur de ces deux ministères sont des employés du Conseil du Trésor.

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Il existe une convention collective entre l'APASE et le Conseil du Trésor, ainsi qu'un bon nombre de Directives sur le service extérieur. Les négociations relatives aux Directives ont été décrites comme ayant été menées dans le cadre d'un autre processus de consultation, soit celui du Conseil national mixte.

Le témoignage de M. Cenne a porté sur les activités passées de l'APASE à l'égard des droits des gais et des lesbiennes de façon générale. Vers la fin de 1991 ou au début de 1992, l'APASE a constitué un comité consultatif où siégeaient des membres gais et lesbiennes afin de conseiller le comité exécutif de l'APASE. En juillet 1991, l'APASE a proposé de modifier sa convention collective en supprimant l'expression du sexe opposé de la définition de conjoint de fait dans le but de la rendre applicable aux membres gais et lesbiennes. La proposition visait la modification de la clause d'élimination de la discrimination par l'ajout de l'orientation sexuelle. La clause en question a été modifiée pour inclure l'orientation sexuelle, mais la définition de conjoint de fait est demeurée inchangée. Selon M. Cenne, l'APASE ne pouvait plus négocier en raison de l'adoption de la Loi sur la restriction des rémunérations.

Dès 1991, l'APASE ainsi que d'autres membres de la section syndicale du Comité des directives sur le service extérieur du Conseil national mixte ont

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proposé la modification des Directives à compter de 1991 pour inclure les conjoints du même sexe dans la définition de conjoint.

V. La partie intéressée

L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

1. Steve Hindle

M. Hindle est un employé du Conseil du Trésor et fonctionnaire fédéral depuis 1981. Il occupe depuis cinq ans le poste de vice-président national de l'IPFPC. Il a témoigné que l'IPFPC voudrait que la discrimination contre les gais et lesbiennes soit éliminée de toutes les conventions collectives, du Conseil national mixte et de toutes les lois. Dès 1988, des membres de l'IPFPC siégeant à un Conseil de groupes consultatifs ont travaillé à la promotion des droits des gais et des lesbiennes et, en 1992, l'IPFPC a constitué un sous-comité sur l'orientation sexuelle.

M. Hindle a expliqué que l'appui apporté par l'IPFPC aux gais et aux lesbiennes dans le milieu de travail se manifeste sous de nombreuses formes. Il a confirmé que l'IPFPC représente ses membres dans des griefs relatifs aux prestations. L'IPFPC a présenté des mémoires, a préparé des projets de modifications législatives et a parrainé des séminaires éducatifs sur l'égalité d'accès aux prestations et y a également participé. L'IPFPC a remis la somme

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de 5 000 $ à E.G.A.L.E. pour l'aider à payer les dépenses découlant de son intervention dans l'affaire Egan et Nesbitt, et le groupe CS de l'IPFPC, a remis à E.G.A.L.E. une somme additionnelle de 3 700$.

Parmi les groupes de l'IPFPC, dix-huit ont participé à la négociation de l'entente cadre avec le Conseil du Trésor et, en 1987, l'IPFPC a proposé une définition de conjoint de fait qui incluait les conjoints de même sexe. Le Conseil du Trésor a jugé cette définition inacceptable, et la convention qui a été signée en définitive par les parties ne reflétait pas la proposition de l'IPFPC, pas plus d'ailleurs que la convention signée à la suite de la ronde de 1990.

Le groupe CS de l'IPFPC n'est pas inclus dans la convention cadre et la convention collective qui le régit actuellement a été signée en 1988. En 1993, le groupe CS a demandé au Conseil du Trésor de rouvrir la convention collective afin de traiter spécifiquement de la définition de conjoint de fait et de supprimer de cette définition l'expression du sexe opposé. Il aurait fallu que le Conseil du Trésor consente à la réouverture, et ce consentement n'a pas été donné, quoiqu'une correspondance du négociateur du Conseil du Trésor laisse entendre que la question est encore à l'étude.

M. Hindle a eu connaissance de trois griefs déposés par des membres de l'IPFPC ayant des conjoints de même sexe : le premier portait sur un congé de

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mariage, le deuxième sur un congé de deuil et le troisième sur un congé pour obligations familiales. Dans le cas du congé de deuil, l'employeur a fini par accorder le congé pour des motifs d'ordre humanitaire.

C. LES QUESTIONS EN LITIGE

Plusieurs questions devront être abordées afin d'en venir à une décision dans cette affaire.

  1. L'orientation sexuelle est-elle un motif illicite de discrimination prévu à la Loi canadienne des droits de la personne (la Loi)?
  2. Le refus d'accorder les prestations de conjoint aux conjoints de même sexe qui satisfont à toutes les conditions de la définition de conjoint de fait, sauf à celle d'appartenir au sexe opposé, constitue-t-elle une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle?
  3. Les plaignants ont-ils établi une preuve prima facie de pratique discriminatoire?
  4. Si la réponse à la question 3 est oui, les intimés ont-ils répondu à cette preuve prima facie?

D. ANALYSE

1. La première question constitue maintenant un principe juridique établi depuis les arrêts de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Haig and Birch v. Canada 1992, 9 O.R. (3d) 495 (C.A.) et de la Cour suprême du Canada dans Egan et autres c. Canada (1995), 124 D.L.R. 609; [1995] 2 R.C.S. 513 (version bilingue de l'arrêt). De fait, dès le début, les avocats des intimés ont

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reconnu que l'orientation sexuelle constitue maintenant un motif illicite de discrimination en vertu de la Loi.

Dans l'arrêt Haig, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que, sur le plan de la discrimination, l'orientation sexuelle était un motif analogue à ceux énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et que, plutôt que de rendre inopérant l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, comme l'avait fait le tribunal inférieur, elle a décidé d'ajouter l'orientation sexuelle comme motif illicite au moyen de l'interprétation large et a déclaré que la Loi devait être interprétée, appliquée et administrée comme si l'orientation sexuelle figurait à l'article 3. A l'approche de l'expiration du délai d'appel, le ministre de la Justice de l'époque a publiquement annoncé que la décision ne serait pas portée en appel et qu'elle constituerait dorénavant le droit au Canada.

Dans l'arrêt Egan, la Cour suprême du Canada a conclu à l'unanimité que l'orientation sexuelle était un motif de discrimination analogue à ceux énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte. Le juge LaForest, dans ses motifs, lesquels ont été intégrés à la décision majoritaire -- bien que la cour, pour d'autres raisons, n'ait pas accueilli la demande principale de l'appelant -- précise ce qui suit à la page 528

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Dans leur pourvoi devant notre Cour, les appelants font valoir que la Loi contrevient à l'art. 15 de la Charte puisqu'elle établit une distinction sur le fondement de l'orientation sexuelle. Pour établir cette prétention, il faut d'abord démontrer que la garantie d'égalité qu'offre l'art. 15 indépendamment de toute discrimination couvre l'orientation sexuelle comme motif analogue à ceux qui y sont énumérés. Ce fardeau ne pose aucun ennui sérieux aux appelants; l'intimé le procureur général du Canada a concédé le point.

Voici qu'il ajoute dans le but d'étayer ce point:

Si j'ai habituellement des réserves quant aux concessions en matière de questions constitutionnelles, je n'ai toutefois aucune difficulté à accepter la prétention des appelants selon laquelle, qu'elle repose ou non sur des facteurs biologiques ou physiologiques, ce qui peut donner matière à controverse, l'orientation sexuelle est une caractéristique profondément personnelle qui est soit immuable, soit susceptible de n'être modifiée qu'à un prix personnel inacceptable et qui, partant, entre dans le champ de protection de l'art. 15 parce qu'elle est analogue aux motifs énumérés.

Plus loin dans ce même arrêt, le juge Iacobucci cite des décisions qui appuient sa conclusion en ce qui a trait à l'interprétation large et il cite, à la page 622, l'extrait suivant de l'arrêt Haig auquel il souscrit :

Il est également intéressant de remarquer que, dans Haig [...] les tribunaux ont ajouté Réorientation sexuelle dans les lois relatives aux droits de la personne. En fait, dans Haig, la Cour d'appel de l'Ontario a signalé qu'il était (à la p. 508) [...] inconcevable que le législateur aurait préféré qu'il n'y ait pas de loi sur les droits de la personne plutôt que d'en avoir une qui ajoute l'orientation

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sexuelle à la liste des motifs de discrimination illicites. Conclure autrement serait un affront gratuit au législateur.

Dans la décision de la Cour fédérale du Canada rendue dans l'affaire Neilsen v. Canada, no T-2994-93, 20juin 1995 (C.F. 1ère instance), le juge Joyal énonce ce qui suit à la page 2 :

[...] le 6 août 1992, soit l'arrêt Haig and Birch v. Canada, [1992] 9 O.R. (3d) 495. Dans cette décision, la Cour d'appel de l'Ontario confirmait en grande partie une décision rendue plus tôt par la section de première instance voulant que l'article 3 de la LCDP puisse être interprété comme incluant l'orientation sexuelle. Cette décision venait mettre un terme au débat interminable sur la question de l'orientation sexuelle étant- ou n'étant pas, un des motifs protégés par la loi. (Le soulignement vient s'ajouter)

Compte tenu de ces décisions, il est manifeste que l'orientation sexuelle constitue un motif illégal de discrimination, tant en vertu de l'article 15 de la Charte, que de l'article 3 de la LCDP.

NOTA: A la suite de la présente audience, pendant que cette décision était en voie de rédaction, mais avant qu'elle soit publiée, le Parlement a modifié l'article 3 de la LCDP afin d'y inclure expressément l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite.

2. La prochaine question à aborder dans la présente affaire consiste à déterminer si le refus d'accorder les prestations de conjoint aux partenaires de même sexe qui satisfont à toutes les conditions de la définition de conjoint de

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fait, sauf à celle d'appartenir au sexe opposé, constitue de la discrimination fondée sur le motif illicite de l'orientation sexuelle.

Dans l'arrêt Egan (supra), la majorité des juges a conclu que la Loi sur la sécurité de la vieillesse viole le paragraphe 15(1) de la Charte. Le juge Sopinka a conclu toutefois que, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, cette discrimination était justifiée au regard de l'article premier de la Charte. Sa décision à cet égard a joué un rôle déterminant dans la décision de la majorité qui a rejeté la prétention des appelants.

Le juge Cory, dans ses motifs, précise ce qui suit à la page 598:

En l'espèce, il ne fait pas de doute que la distinction tient dans la caractéristique personnelle qu'est l'orientation sexuelle. Il est peut-être juste de dire que le fait d'entretenir une relation avec une personne du même sexe n'est pas nécessairement la caractéristique déterminante de l'homosexualité, si ce n'est que seuls les homosexuels feront partie d'un couple de même sexe qui vit en union de fait. C'est l'orientation sexuelle des personnes concernées qui entraîne la formation d'un couple homosexuel. Cette orientation ne peut être dissociée du couple homosexuel. Conclure autrement serait tout aussi erroné que de faire valoir que la grossesse n'a rien à voir avec le fait d'être une femme.

Il poursuit ce raisonnement de la façon suivante, à la page 601:

L'orientation sexuelle est davantage que le simple statut d'un individu. C'est quelque chose qui se manifeste dans le comportement d'une personne par le choix de son partenaire. [...] L'orientation sexuelle se manifeste par le

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choix du partenaire de vie, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. (Le soulignement vient s'ajouter)

Alors qu'il s'apprête à conclure ses motifs, le juge Cory ajoute à la page 604 :

En l'espèce, si on examine la Loi du point de vue des appelants, on s'aperçoit qu'elle nie aux couples homosexuels le droit au même bénéfice de la loi. La Loi ne fonde pas ce refus sur les mérites ou les besoins des personnes concernées, mais uniquement sur leur orientation sexuelle. La définition de conjoint comme étant une personne de sexe opposé renforce le stéréotype selon lequel les homosexuels ne peuvent entretenir et, effectivement, n'entretiennent pas de relations durables où l'affection, le soutien et l'interdépendance financière se manifestent de la même façon que chez les couples hétérosexuels. [...] On peut difficilement juger que l'effet discriminatoire est négligeable alors que la loi renforce des préjugés fondés sur ces stéréotypes injustes. L'effet de la disposition contestée est manifestement contraire au but de l'art. 15 de protéger la dignité humaine et, par conséquent, la distinction équivaut à une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Les juges L'Heureux-Dubé, McLaughlin, Iacobucci et Sopinka ont souscrit à cette conclusion, et c'est ainsi que la majorité des juges de la Cour suprême du Canada a décidé que la définition du mot conjoint viole l'article 15 de la Charte et constitue de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Dans l'affaire Vogel v. Manitoba, (1995) 6 W.W.R. 513 (Man, C.A.), la Cour d'appel du Manitoba a entendu un appel traitant de questions semblables à celles dont nous sommes saisis. Il s'agissait d'un cas de refus d'accorder les

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prestations de conjoint au partenaire de même sexe vivant en union de fait avec un fonctionnaire provincial. La plainte avait été déposée en vertu du Code des droits de la personne du Manitoba.

La Cour a rendu une décision unanime, et le juge Philp, dans ses motifs, a énoncé ce qui suit à la page 517 :

[TRADUCTION]

Je reconnais [...] que la Cour suprême, dans l'arrêt Egan, a déjà répondu aux questions qui ont été soulevées dans le présent appel. Bien que leur formulation diffère de celle des dispositions contestées de la Loi, la présente Cour est tenue de conclure que le refus d'accorder au partenaire de M. Vogel les avantages du conjoint prévus au régime d'avantages sociaux de ce dernier découle de son orientation sexuelle et, par conséquent, constitue un acte discriminatoire aux termes du Code.

Le droit à cet égard est maintenant parfaitement clair : le refus d'accorder à un partenaire de même sexe les avantages découlant de l'emploi qui autrement serait accordé à des partenaires de sexe opposé vivant en union de fait est un acte discriminatoire fondé sur le motif illicite de l'orientation sexuelle.

A la lecture de ces décisions, on constate qu'il est également manifeste que l'inclusion par le gouvernement dans les lois, les conventions collectives ou les règlements d'une définition du terme conjoint qui exclut les partenaires de même sexe de façon à les priver de certains avantages viole les dispositions de la

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Charte et de la Loi canadienne sur les droits de la personne et constitue une discrimination prohibée par les deux textes.

3. Le Tribunal a examiné les faits de la présente affaire tels que présentés en preuve et il conclut, sans difficulté, que les deux plaignants, MM. Moore et Akerstrom ont établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur le motif illicite de l'orientation sexuelle. Nous appuyons cette conclusion sur les articles 7, 9 et 10 de la Loi et nous l'appliquons à toutes les plaintes.

4. Dans la réponse aux prétentions des plaignants, les avocats des intimés ont soulevé deux arguments particuliers que nous aborderons maintenant.

En premier lieu, ils ont soutenu que, eu égard à la décision du juge Sopinka dans l'affaire Egan -- celui-ci ayant conclu avec quatre autres juges que la Loi sur la sécurité de la vieillesse contrevient à la Charte, il a ensuite déterminé que la discrimination était justifiée au regard de l'article premier -- le présent Tribunal devrait adopter une approche semblable s'il devait conclure que les plaintes sont justifiées. Ils ont fait valoir qu'il faudrait donner au gouvernement le temps de mettre de l'ordre dans ses rouages.

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Il est important de comprendre la distinction entre le rôle du gouvernement à titre de responsable de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'initiatives de politique sociale et son rôle à titre d'employeur.

Tout au long de l'arrêt, on constate que le juge Sopinka voit le gouvernement dans son rôle d'initiateur de la politique sociale lorsqu'il traite de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Voici ce qu'il dit à la page 572 de l'arrêt Egan :

Tout comme le procureur général du Canada intimé, je suis d'avis que le gouvernement doit pouvoir disposer d'une certaine souplesse dans la prestation des avantages sociaux et qu'il n'est pas tenu d'adopter une attitude proactive pour ce qui est de la reconnaissance des nouvelles formes de relations dans la société. La Cour ferait preuve d'un manque de réalisme si elle présumait qu'il existe des ressources inépuisables pour répondre aux besoins de chacun. Si les tribunaux adoptaient une telle conception, les gouvernements pourraient hésiter à mettre sur pied de nouveaux régimes d'avantages sociaux [...] (Le soulignement vient s'ajouter)

Un peu plus loin, il ajoute :

Notre Cour a reconnu le droit du gouvernement de privilégier certains groupes désavantagés et de jouir d'une certaine marge de manoeuvre à cet égard.

Il fait état du rôle du gouvernement en ce qui a trait à la prestation des avantages sociaux et au fait de privilégier certains groupes désavantagés.

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Les faits de la présente instance sont nettement différents. Ici, nous traitons avec un employeur qui, par hasard, est le gouvernement. Le gouvernement, à titre d'employeur, ne peut justifier une discrimination fondée sur un motif prohibé par la Loi en s'appuyant sur l'article premier de la Charte, pas plus que ne le peut un employeur privé relevant de la compétence fédérale.

Nous parlons en l'occurrence d'avantages sociaux liés à l'emploi -- une partie de la rémunération globale des employés -- destinés à attirer, à rémunérer et à conserver les employés.

Nous ne traitons pas ici des avantages sociaux facultatifs -- il s'agit des prestations acquises.

La présente affaire ne relève pas de la Charte. Les moyens de défense dont les intimés peuvent se prévaloir sont énoncés dans la Loi. L'article premier de la Charte ne constitue pas un de ces moyens de défense.

Le deuxième argument soulevé par les intimés porte sur le redressement.

S'appuyant sur la décision rendue dans l'affaire Neilsen c. Canada (procureur général), no T-2994--93, 20 juin 1995 (C.F. 1ère instance), les avocats ont soutenu que, advenant une décision accueillant les plaintes de

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M. Moore, le Tribunal, dans la détermination de la mesure de redressement appropriée, ne pouvait remonter au-delà du 6 août 1992 et de la décision Haig, puisque c'est à partir de ce moment que l'orientation sexuelle est devenue un motif illicite.

Dans l'affaire Neilsen, une employée du gouvernement fédéral a déposé une plainte le 29 septembre 1989 en alléguant une distinction illicite fondée sur le sexe, l'état matrimonial et la situation de famille, et par la suite, l'orientation sexuelle. On avait refusé d'accorder la couverture pour soins dentaires à sa partenaire de même sexe et à l'enfant de cette dernière. La Commission canadienne des droits de la personne a gardé cette plainte ainsi que plusieurs autres en suspens en attendant qu'une décision soit rendue dans l'affaire Mossop c. Canada (Secrétariat d'État), (1993) 1 R.C.S. 554.

Avant que la Cour suprême rende une décision dans Mossop, la Cour d'appel de l'Ontario s'est prononcée dans l'affaire Haig et, au bout du compte, Mossop n'a pas eu gain de cause sur le motif de la situation de famille.

La CCDP a décidé de ne pas procéder avec les plaintes en suspens fondées sur l'orientation sexuelle dans les cas où le comportement discriminatoire reproché était antérieur à la décision Haig.

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Par conséquent, la plainte de Mme Neilsen a été rejetée et cette dernière a demandé une révision judiciaire dont elle a été déboutée le 20 juin 1995. La Cour fédérale s'est prononcée en invoquant la présomption qui existe à l'encontre de l'application rétroactive des lois.

La plainte déposée en 1989 dans Neilsen est clairement antérieure à l'affaire Haig. De plus, Mme Neilsen a quitté l'emploi du gouvernement fédéral en 1991, soit toujours avant la décision Haig.

Par conséquent, Mme Neilsen n'a jamais eu un motif légal de plainte fondée sur l'orientation sexuelle pendant qu'elle était à l'emploi du gouvernement fédéral.

Dans le cas de M. Moore, les plaintes ont été déposées en 1994 auquel moment l'orientation sexuelle constituait un motif illicite de discrimination. Il n'y a, en l'occurrence, aucune tentative d'appliquer la loi rétroactivement de façon à fournir un motif de plainte. Il s'agissait d'un cas de discrimination continue au moment de la plainte.

Dans l'affaire Miron c. Trudel, 1995, if du dossier 2274, C.S.C., les appelants étaient des conjoints de fait. M. Miron s'est retrouvé dans l'incapacité de travailler à la suite d'un accident d'automobile survenu en 1987 alors qu'il

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était passager dans un véhicule conduit par Trudel. Ni Trudel ni le propriétaire du véhicule n'étaient assurés.

Par conséquent, M. Miron a présenté à l'assureur de sa conjointe de fait une réclamation couvrant la perte de revenus et des dommages-intérêts. Aux termes de la police, le conjoint du détenteur de la police avait droit aux prestations.

La compagnie d'assurance a refusé la réclamation au motif que M. Miron n'était pas légalement marié et que, par conséquent il n'était pas un conjoint.

En 1987, les prestations étaient régies par la loi de 1980 sur les assurances et la Cour avait conclu que les dispositions relatives aux conjoints ne s'appliquaient pas aux couples de fait. En 1990, la loi a été modifiée pour inclure les conjoints de fait dans la définition du mot conjoint.

En déterminant la mesure de réparation, la Cour a interprété largement la loi de 1980 en fonction des dispositions de la loi de 1990, donnant ainsi à M. Miron un droit d'action. En effet, la Cour a appliqué de façon rétroactive l'amendement de 1990 de façon à fournir un droit d'action et une mesure de réparation.

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Dans le cas qui nous occupe, comme il a été mentionné précédemment, le motif de la plainte de M. Moore existait au moment de son dépôt. Si le Tribunal devait décider que la plainte est fondée, il serait absurdement injuste de conclure que M. Moore a fait l'objet de discrimination à un prix personnel, émotif et financier énorme, sans toutefois lui accorder une mesure de redressement aussi complète que possible.

Par conséquent, si le Tribunal conclut que la plainte est fondée, il devra, en se basant sur un raisonnement semblable à celui qui a été utilisé dans le cas Trudel, offrir un redressement qui couvrira l'ensemble de la période au cours de laquelle la pratique discriminatoire continue a eu lieu.

E. LES CONCLUSIONS

Le Tribunal conclut que chaque plainte déposée par les plaignants MM. Stanley Moore et Dale Akerstrom est fondée contre tous les intimés. Toutefois, dans le cas de l'Alliance de la Fonction publique du Canada et de l'Association professionnelle des agents du service extérieur, la conclusion est atténuée par la preuve selon laquelle elles ont fait beaucoup d'efforts au fil des ans dans leurs négociations avec l'employeur et par le biais du processus de règlement des griefs afin d'obtenir des changements qui auraient éliminé la discrimination.

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Ayant conclu à l'existence d'une pratique discriminatoire fondée sur l'orientation sexuelle, le Tribunal juge qu'il est inutile d'examiner la question de la discrimination fondée sur la situation de famille ou l'état matrimonial.

F. REDRESSEMENT

L'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne décrit l'objectif visé par le Parlement au moment de l'adoption de cette loi quasi constitutionnelle. Il s'y dégage le principe fondamental suivant :

[...] le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur [...]

Il s'agit là d'un principe noble que le présent Tribunal doit conserver à l'esprit au moment d'évaluer la preuve qui lui est présentée et, lorsque la plainte est fondée, en déterminant le moyen de réparer le tort causé par la discrimination.

Dans la présente affaire, il s'agit de deux relations établies entre personnes du même sexe que les cours décrivent aujourd'hui comme étant des unions de fait de couples de même sexe.

S'il est possible d'établir une distinction entre les structures familiales traditionnelles et les valeurs familiales traditionnelles, il devient manifeste que nous nous trouvons en présence

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de couples qui, en raison de leur orientation sexuelle, ne peuvent constituer une structure familiale traditionnelle quant à sa composition, mais qui néanmoins désirent affirmer et maintenir les valeurs familiales traditionnelles dans une relation fondée sur l'amour et le soutien mutuel dans laquelle ils partagent tous les aspects de leur vie et assument la responsabilité de leur bien-être mutuel.

Si nous voulons leur accorder, au sens de l'article 2 de la Loi l'égalité des chances d'assumer cette responsabilité, il faudra effectuer les changements qui s'imposent afin d'éliminer les obstacles.

Le Tribunal insiste particulièrement sur le fait que rien dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ou dans la présente décision ne confère aucun statut spécial ou exceptionnel à qui que ce soit. Nous avons à traiter uniquement de l'égalité des chances pour chacun de vivre une vie libre de discrimination fondée sur tous les motifs illicites énumérés dans la Loi comme l'exprime si bien le Parlement dans l'article 2 -- protection dont toute personne bénéficie de façon égale.

A la conclusion de l'audience, les avocats ont demandé au Tribunal, advenant qu'il conclue au bien-fondé des plaintes, de leur donner une orientation générale sous la forme d'une ordonnance, ainsi que l'occasion de mettre au point des détails d'un règlement pendant que le Tribunal conserverait sa compétence.

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Le Tribunal accepte cette proposition et formule l'ordonnance suivante

a) Dans le cas de M. Stanley Moore, le Conseil du Trésor et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international devront lui payer ce qui suit:

  1. un montant correspondant à tous les avantages et dépenses du conjoint auxquels lui et M. Soucy auraient eu droit n'eût été de la discrimination qui a commencé au début de son affectation à Jakarta, en juillet 1991;
  2. un montant de 5 000 $ au titre du préjudice moral, conformément à l'alinéa 53(3) b) de la Loi;
  3. toutes les dépenses liées au dépôt des présentes plaintes et qui ont été engagées en conséquence de la pratique discriminatoire;
  4. les intérêts sur les montants susmentionnés.

b) En ce qui a trait à Dale Akerstrom, le Conseil du Trésor et Emploi et Immigration Canada devront payer ce qui suit :

  1. tous les frais supplémentaires occasionnés par lui-même et par M. Dias pour obtenir d'autres services en raison de la pratique discriminatoire;
  2. la somme de 500 $ au titre du préjudice moral, conformément à l'alinéa 53(3) b) de la Loi;
  3. toutes les dépenses liées au dépôt des présentes plaintes et qui ont été engagées en conséquence de la pratique discriminatoire;
  4. les intérêts sur les montants susmentionnés.

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Le Tribunal ordonne que, dans les soixante jours qui suivent la date de la présente décision, les parties en viennent à une entente sur les montants énoncés aux paragraphes a)(1), (3) et (4) et b)(1), (3) et (4) ci-dessus. Si elles ne réussissent pas à s'entendre dans les soixante jours, les parties en informeront le greffe du Tribunal et le Tribunal se réunira afin de régler l'affaire.

c) Le Tribunal ordonne également que, conformément à l'alinéa 53 (2) a) de la Loi, les intimés cessent d'appliquer toute définition de conjoint ou autres dispositions des Directives sur le service extérieur, des conventions collectives, des politiques du Conseil national mixte, du Régime des soins de santé de la fonction publique ou du Régime des soins dentaires qui ont pour effet de maintenir la pratique discriminatoire et qu'ils interprètent toute définition ou disposition d'une façon qui soit conforme à la Loi (la Charte) en incluant les conjoints de même sexe qui vivent en union de fait.

Cette ordonnance est exécutoire immédiatement.

d) Le Tribunal ordonne également que, dans les soixante jours de la délivrance de la présente décision, les intimés, en consultation et en collaboration avec la Commission préparent :

  1. un inventaire des lois, règlements, directives, etc. contenant des définitions de conjoint de fait qui sont discriminatoires à l'égard des

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couples de même sexe ou qui, de toute autre façon au moment de leur application, continuent à représenter une discrimination dans la prestation des avantages sociaux découlant de l'emploi, et de remettre cet inventaire par écrit au Tribunal avant l'expiration du délai de soixante jours. A la demande des parties, cet inventaire ne comprendra pas les lois relatives aux prestations de pension, mais il inclura toute disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui considérerait toute prestation liée à l'emploi versée à des couples homosexuels vivant en union de fait d'une façon différente, aux fins de l'impôt, que si elle avait été versée à des couples hétérosexuels vivant en union de fait;

(2). une proposition visant l'élimination de toutes ces dispositions discriminatoires devra être présentée au Tribunal dans la période de soixante jours.

Si les parties ne réussissent pas à faire ce qui précède dans le délai imparti, elles en informeront le greffe du Tribunal et le Tribunal se réunira.

Quoi qu'il en soit, le Tribunal se réunira après avoir reçu les documents afin d'envisager avec les parties l'incorporation de ces documents dans la présente ordonnance.

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Les délais prévus dans la présente ordonnance ne seront pas prorogés par un pourvoi en appel ou par une demande d'examen judiciaire de quelque partie que ce soit, à moins que cette prorogation soit expressément prévue dans les règles de la Cour fédérale ou qu'elle soit ordonnée par la Cour fédérale.

Le Tribunal demeure saisi de l'affaire tel que demandé.

Fait à Ottawa, ce 24 mai 1996.

Keith C. Norton, c.r., président

Janet Ellis, membre

J. Grant Sinclair, c.r., membre

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