Tribunal canadien des droits de la personne

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TD- 7/ 83 Décision rendue le 25 avril 1983

DANS L’AFFAIRE DE LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE, S. C. 1976- 77, C.- 33, telle que modifiée

Et dans l’affaire d’une audition devant un tribunal des droits de la personne constitué en vertu de l’article 39 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

ENTRE: Jane Kotyk et Barbara Allary, plaignantes, et La Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada intimée, et Jack Chuba, partie intéressée.

Entendu par: Susan M. Ashley Tribunal

Ont comparu: R. Juriansz, Procureur des plaignantes
R. MacLean, Procureur de l’intimée
K. Wasylyshen, Procureur de la partie intéressée. >

I. Introduction

La présente affaire a trait à des plaintes portées par Barbara Allary et Jane Kotyk contre la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S. C. 1976- 77, C- 33).

Les plaintes qu’ont signées Jane Kotyk (Pièce C- 2) et Barbara Allary (Pièce C- 11) sont identiques, et allèguent:

Au cours de mon emploi auprès de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, j’ai fait l’objet d’un traitement défavorable de la part du Directeur CEC, Jack Chuba.

Les deux plaignantes alléguaient avoir été victimes de discrimination fondée sur le sexe et la situation de famille depuis le mois de juillet 1980. Les deux plaintes étaient datées du 8 février 1981, à Yorkton, Saskatchewan.

Selon la preuve déposée à l’audition, les allégations de harcèlement sexuel des deux plaignantes visaient M. Chuba. Toutefois, les plaintes étaient portées contre la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (ci- après appelée la CEIC), et non pas contre l’individu en question. Le procureur des plaignantes indiquait que celles- ci cherchaient non seulement à démontrer que l’employeur était responsable en vertu du principe de la responsabilité déléguée, mais à prouver que l’employeur avait négligé de prendre toutes les mesures raisonnables de sorte qu’aucun harcèlement ne vicie l’atmosphère de travail, et que la responsabilité > 2 de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada découle de ses propres actions plutôt que de celles de M. Chuba comme tel. (Vol. 1, p. 11). Elles cherchaient à prouver que l’employeur n’avait pas de mécanisme adéquat pour donner suite aux plaintes des employés, et que la méthode utilisée face à ces plaintes ne procurait pas aux femmes une protection suffisante contre le harcèlement.

Avant d’aborder la plainte elle- même, je vais vider les objections préliminaires qui ont été soulevées. Le premier jour de l’audition, M. Wasylyshen demandait que son client soit partie aux procédures, et que toute l’affaire soit rejetée pour les raisons mentionnées dans les présentes. Il s’agissait de demandes orales lors de l’audition. La demande visant M. Chuba était accordée, et celle visant le rejet était refusée. Je vais consigner par écrit les motifs de mes décisions sur ces questions. L’objection relative à la juridiction du tribunal aux différents motifs indiqués, était soulevée dans l’argumentation finale par écrit. Il est à remarquer que suite à l’arrivée de M. Chuba en tant que partie, la nature du cas changea en ce que les allégations des plaignantes contre M. Chuba lui- même entrèrent en cause.

II. Requêtes préliminaires et objections

a) Demande de M. Chuba de devenir partie à l’audition Au début de l’audition, M. Chuba demanda d’être ajouté comme partie à la plainte. Les procureurs des plaignantes et de l’intimée ne soulevèrent aucune objection, bien que M. Juriansz, procureur des plaignantes, expliquait que la plainte n’avait pas été formulée contre M. Chuba personnellement, mais contre l’employeur

> 3 pour les raisons susmentionnées. Néanmoins, il est évident que même si la plainte n’était fondée que sur ce point, le dénouement de la cause était susceptible d’affecter la réputation de M. Chuba et sa qualité de fonctionnaire fédéral, puisqu’il était allégué qu’il était l’auteur d’incidents de conduite déplacée contre lesquels l’employeur était censé protéger les plaignantes et les autres employées.

L’article 40( 1) de la Loi stipule que: Le tribunal doit, après avis conforme à la Commission, aux parties et, à sa discrétion, à tout intéressé, examiner l’objet de la plainte pour laquelle il a été constitué; il doit donner à ceux- ci la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des éléments de preuve et des arguments, même par l’intermédiaire d’un avocat.

A sa demande, M. Chuba devenait partie aux procédures en qualité de partie intéressée, et avait l’occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments tel que l’exige l’article. Etant devenu partie, il était évident qu’il devait pouvoir préparer sa cause, et une remise de deux mois était accordée à cette fin.

b) Demande de rejet (i) A la première audition, M. Wasylyshen, procureur de M. Chuba, faisait une demande de rejet de la cause fondée sur le déni de justice naturelle, au motif que son client n’avait pas eu l’occation de se défendre devant le tribunal.

> 4 M. Chuba n’avait pas été avisé de l’audition tout simplement parce que la plainte ne le visait pas; elle visait son employeur. Néanmoins, une fois qu’il fut convenu d’ajouter M. Chuba, à sa propre demande, en qualité de partie intéressée, un ajournement fut accordé afin de lui permettre de préparer sa cause. Toutes les mesures nécessaires pour répondre aux exigences de la justice naturelle ayant été prises, l’argument est rejeté.

(ii) M. Wasylyshen demandait également le rejet de la plainte au motif que la Commission canadienne des droits de la personne (ci- après appelée la Commission) ne se serait pas conformée à l’article 36( 4) a) de la Loi qui énonce les devoirs de celle- ci après réception du rapport de l’enquêteur. L’article stipule:

Après réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission

a) doit informer par écrit les parties à la plainte de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3); et

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu’elle juge indiquée, de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

M. Wasylyshen faisait référence à une lettre qui lui avait été adressée par Ms Lorna Leader, enquêteuse de la Commission, datée du 12 mai 1981. Se référant d’abord aux plaintes de Kotyk et Allary contre la CEIC, la lettre débute comme suit:

> 5 Tel que nous en avons discuté par téléphone le 27 avril 1981, j’ai complété l’enquête des plaintes déposées par Barbara Allary et Jane Kotyk contre la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada alléguant des pratiques discriminatoires fondées sur le sexe et la situation de famille. J’ai recommandé que les plaintes soient tenues comme fondées...

Puis, elle décrit ses recommandations et termine en disant: ... Si vous ou votre client, Jack Chuba, désirez soumettre d’autre matériel à la Commission pour ses délibérations, vous pouvez le lui faire parvenir directement ou l’expédier à notre bureau de Winnipeg. La Commission se réunira le 25 ou 26 mai 1981.

Vous serez avisé de la décision de la Commission environ trois semaines après sa réunion.

M. Wasylyshen n’en a jamais été avisé, et il prétend que l’audition est nulle de ce fait. La Loi exige que la Commission avise ... les parties à la plainte de la décision qu’elle a prise suite au rapport de l’enquêteur. Ce qui fut fait. A ce moment, les parties, Ms Kotyk, Ms Allary et la CEIC, furent avisées qu’un tribunal serait constitué. En vertu de l’article 36( 4) b) la Commission a la discrétion d’aviser toute autre personne qu’elle juge indiquée. Rien n’exige qu’elle informe toute autre personne que les parties mentionnées à l’alinéa a), et bien que M. Chuba aurait pu être informé en vertu de l’alinéa b), étant donné l’utilisation du mot peut, je ne puis conclure que le défaut de ce faire soit fatal. Le fait que l’enquêteuse ait avisé M. Wasylyshen qu’il serait avisé de la décision de la Commission et qu’il ne l’ait pas été, démontre un manque de courtoisie et rien de plus.

> 6 (iii) M. Wasylyshen soutient également que son client n’a pas eu l’occasion de se faire entendre suffisamment devant l’enquêteuse (Vol. 1, page 23). Je m’en reporte à la décision Prior c. Canadian National (Tribunal de révision en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, décision publiée le 10 février 1983) quant au rôle de l’enquêteur. Il ne fait pas le procès des faits. L’enquêteur n’a aucun pouvoir décisionnel. Son rôle consiste à recommander à la Commission que la plainte soit portée devant un tribunal ou qu’aucune autre action ne soit prise. La Commission n’est pas tenue d’accepter la recommandation de l’enquêteur. Le rôle de celui- ci est de regarder les faits et de décider s’il y a une possibilité que les allégations soient fondées. L’enquêteur n’exerce aucune fonction judiciaire ou même quasi judiciaire, et il ne conduit pas d’audition, ni ne tient compte des règles de preuve. Il parle aux parties de façon non formelle afin d’établir si, d’après les faits, il pourrait y avoir eu violation de la Loi. La décision quant à savoir si des dispositions de la Loi auraient été violées sur les points qui n’ont pas été vidés, relève du tribunal, indépendamment de la recommandation de l’enquêteur, du conciliateur ou de la Commission. Les devoirs de l’enquêteur sont prévus à l’article 35 de la Loi. L’alinéa a) de cet article prévoit que le gouverneur en conseil peut faire des règlements pour établir la procédure d’enquête que devront suivre les enquêteurs, et autoriser la manière de procéder à l’enquête des plaintes. Jusqu’à date, aucun règlement n’a été fait en vertu de cet article prévoyant un cours d’action spécifique que doivent suivre les enquêteurs.

> 7 De toute façon, l’enquêteuse a interviewé M. Chuba ainsi que d’autres gens, et elle a rapporté ses constatations. Elle s’est acquittée des devoirs que lui impose la Loi et je ne puis rien trouver dans sa conduite qui aurait pu priver M. Chuba d’une audition juste.

c) Juridiction du tribunal (i) La Loi est une loi pénale et doit être interprétée restrictivement M. Wasylyshen a soulevé le point sans doute pour guider le tribunal dans son interprétation de la Loi, et aussi pour établir, qu’étant donné qu’il s’agit d’une loi pénale, les dispositions de la Charte des droits entrent en jeu. Je n’accepte pas une telle position. Je m’en reporte à la décision Attorney- General of Canada c. Canadian Human Rights Commission (Federal Court, (1980) I C. H. R. R. D/ 91) dans laquelle l’Honorable juge Thurlow souligne que ... La Loi (Loi canadienne sur les droits de la personne) est formulée dans des termes larges et que son objet et son but stipulé portent à croire qu’elle ne doit pas être interprétée étroitement ou restrictivement.

Ce point est également en cause dans la décision Hufnagel c. Osama Enterprises Ltd. (1982) 3 C. H. R. R. D/ 922, dans laquelle il y a désaccord sur la nature pénale de la Loi qui appellerait une interprétation stricte dans son ensemble, et sur les peines imposées suite à une conduite discriminatoire.

> 8 En outre, l’article 2 prévoit que la Loi a pour objet ... de compléter la législation canadienne actuelle en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, aux principes suivants:

a) tous ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, la situation de famille ou l’état de personne graciée ou, en matière d’emploi, de leurs handicaps physiques...

Sans aucune hésitation, j’en conclus que la Loi canadienne sur les droits de la personne, compte tenu de la formulation spécifique de l’article 2, de la référence de la cause citée et de l’impression qui ressort d’une lecture de la Loi dans son ensemble, est une Loi qui se veut plutôt réparatrice que pénale, et, comme telle, doit s’interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de ses objets. (Loi d’interprétation, S. R. C. 1970, 1- 23, art. 11)

(ii) Le mot doit dans l’article 36( 4) rend la disposition péremptoire; par conséquent, toute action subséquente faite en vertu de la Loi est nulle et non avenue.

Dans son argumentation écrite, M. Wasylyshen soutenait que l’utilisation de l’impératif doit dans l’article 36( 4) a) implique que le défaut de la Commission d’informer M. Chuba de sa décision sur réception du rapport de l’enquêteuse avait eu pour > 9 effet de rendre toute procédure subséquente nulle et non avenue. Tel que déjà indiqué, je rejette cet argument, puisque M. Chuba n’était pas l’une des parties à la plainte à ce moment là. La CEIC était la personne concernée. En utilisant le mot peut l’article continue en donnant à la Commission une discrétion d’informer toute autre personne, de la manière qu’elle juge indiquée de la décision qu’elle a prise. Je ne suis pas d’avis que l’utilisation du mot doit dans l’alinéa a) s’applique également à l’alinéa b), étant donné que le terme discrétionnaire peut est utilisé spécifiquement dans ce dernier alinéa. La Commission n’a pas informé M. Chuba parce qu’il n’était pas une partie, et je ne suis pas d’accord que du fait qu’elle ne l’ait pas avisé en vertu de l’alinéa b) où il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, les procédures sont nulles.

(iii) Dispositions de la Charte des droits M. Wasylyshen prétend que le défaut de la Commission d’informer M. Chuba en vertu de l’article 36( 4) constitue une violation de son droit de répondre aux accusations portées contre lui et de s’en défendre pleinement, et aussi parce qu’il n’a pas été jugé dans un délai raisonnable tel que l’exige l’article 11 b) de la Charte.

J’ai déjà traité la question des devoirs de la Commission en vertu de l’article 36, et en suis venue à la conclusion que son défaut d’informer une personne qui n’était pas une partie ne constituait pas un vice. M. Wasylyshen soutient (Argumentation, > 10 Page 7) que le fait que M. Chuba s’est joint aux procédures, à sa propre demande, en tant que partie intéressée seulement n’était pas pertinent. Encore une fois, je soutiens que la Commission a nommé un tribunal des droits de la personne pour enquêter sur des plaintes contre la CEIC, telles qu’en font foi les formules de plaintes (Pièces C- 2 et 11) ainsi que la formule de nomination du tribunal (Pièce C- 1). La Commission s’est conformée à l’article 36( 4) en informant par écrit la personne contre laquelle la plainte avait été faite (CEIC) de sa décision en vertu de l’article 36( 3) et de la nomination d’un tribunal en vertu de l’article 39( 1). M. Chuba s’est joint aux procédures en qualité de partie intéressée en vertu de l’article 40( 1) à sa propre demande, après quoi il a participé pleinement à toutes les procédures.

Quant à l’argument portant sur le délai raisonnable, il est à noter que dans l’article 11 de la Charte qui traite de ce droit, il est question des droits de tout inculpé d’une infraction. Pris dans le contexte de la partie de la Charte qui traite des Garanties juridiques. Il est à remarquer que les articles 7, 8, 9, 10 et 12 font référence aux droits de chacun; l’article 13 au droit d’un témoin de ne pas s’incriminer, et l’article 14 parle des droits d’une partie ou d’un témoin à un interprète. La formulation tout inculpé d’une infraction ne se retrouve que dans l’article 11, et il n’accorde certains droits spécifiques qu’à cette catégorie de personnes. La > 11 formulation générale des articles 7 à 10 et 12 fait contraste avec la formulation spécifique des articles 11, 13 et 14, et indique l’intention de faire une distinction entre les différents groupes de droits. En outre, le fait que l’article 11 se trouve sous l’intitulé Les garanties en matière de procédure et de peines, est une autre indication qu’il ne vise pas des procédures comme celles- ci. Je m’en reporte aussi à Juric c. Ivankovic, (décision non rapportée) dans laquelle l’Honorable juge Legg de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta traite de la question de savoir si les droits accordés a tout inculpé d’une infraction... en vertu de l’article 11 de la Charte prévalent dans des procédures en vertu de l’Alberta Maintenance and Recovery Act. Il en venait à la conclusion qu’il s’agissait de procédures de nature civile qui ne tombaient pas sous l’empire du mot infraction, et que, par conséquent, l’article 11 de la Charte ne s’appliquait pas.

De toute façon, je ne vois pas le bien- fondé de l’argument à l’effet que le délai entre le dépôt de la plainte et le début de l’audition du tribunal ait été déraisonnable. Les plaintes déposées par Ms Kotyk et Ms Allary étaient datées du 8 février 1981. La nomination du tribunal par M. Gordon Fairweather, le Commissaire en chef, (Pièce C- 1) est datée du 8 avril 1982. La première audition était fixée pour le 13 juillet 1982, et, à la demande de l’intimée, fut remise au 17 août. Lorsque M. Chuba se joignit aux procédures en qualité de partie intéressée le 17 août, l’affaire fut de nouveau remise au 25 octobre 1982, afin de permettre > 12 à ce dernier et à son procureur de préparer pleinement leur cause. Bien qu’il puisse être soutenu qu’il s’agissait d’une période de temps assez longue, je ne vois pas qu’elle ait été déraisonnable compte tenu de la nature complexe de la cause. Il ne peut être soutenu que la période de temps entre la date à laquelle M. Chuba s’est joint aux procédures comme partie intéressée (le 17 août 1982) et la date réelle de la première audition au mérite (le 25 octobre 1982) constituait une période de temps déraisonnable.

(iv) Le harcèlement sexuel est ultra vires du Parlement Le procureur de l’intimée et la partie intéressée soutiennent que le Parlement n’a pas de compétence législative sur des matières de harcèlement sexuel en tant que sous- catégorie de la discrimination fondée sur le sexe, qui, de par sa nature, appartient au domaine de la propriété et droits civils, et, par conséquent, tombe dans le champ de compétence législative exclusif aux provinces. Ils soutiennent que le Parlement peut seulement légiférer dans ce domaine lorsqu’il s’agit d’une partie accessoire à un ouvrage, commerce ou entreprise fédéral ou qui fait partie intégrale de tel ouvrage, commerce ou entreprise. A cet effet, ils citent Construction Montcalm Inc. et al (1979) 1 S. C. R. 754 à 755, et Reference re Validity of Industrial Relations and Disputes Investigation Act etc. (1955) 3 D. L. R. 721 à 722 (S. C. C.) > 13 Dans la cause Montcalm on ne dit pas que les provinces ont juridiction première en matières de relations ouvrières, mais que le Parlement a juridiction sur les conditions d’emploi dans une entreprise fédérale, c’est- à- dire, une entreprise dont les activités normales et habituelles constituent une matière fédérale. La décision Reference re Validity of Industrial Relations etc. confirme la compétence du Parlement du Canada à légiférer en matière de négociation collective visant les relations ouvrières des employés et employeurs dont les exploitations tombent dans les ouvrages, entreprises, commerce ou activités appartenant aux catégories d’objets que l’A. A. N. B. attribuent au Parlement. On continue en disant que telle législation ne relève pas de la compétence provinciale relative à la propriété et aux droits civils dans la province, et, à l’avenant, que la législation provinciale est inopérante lorsque le Parlement a déjà légiféré.

Je m’en reporte également à la décision Re Canadian Human Rights Commission, Cooligan and McKenny et al c. British American Bank Note Co. Ltd., en appel devant la Cour fédérale du Canada (décision no A- 182- 81, datée du 7 février 1983) dans laquelle l’Honorable juge LeDain dit que:

(Traduction)

La matière des relations employeurs et employés est de juridiction législative fédérale lorsque l’entreprise, le service ou le commerce qu’ils exploitent est fédéral au sens où il fait l’objet de réglementation générale par le Parlement en vertu de l’une des matières de juridiction fédérale, générale ou spécifique.

> 14 La Loi canadienne sur les droits de la personne touche à plusieurs aspects de la relation employeur et employé en ce qui concerne la réglementation des ministères gouvernementaux et autres entreprises fédérales. A mon avis, des allégations de discrimination fondée sur le sexe, et plus spécifiquement de harcèlement sexuel comme un genre de discrimination fondée sur le sexe, par des employés d’entreprises qui relèvent de la compétence législative fédérale, contre leurs employeurs ou surveillants, sont intra vires du Parlement.

(v) Le harcèlement sexuel n’est pas un genre de discrimination interdit par la Loi canadienne sur les droits de la personne

M. MacLean pour l’intimée et M. Wasylyshen pour M. Chuba ont tous les deux soulevé cette objection juridictionnelle. Ils soutiennent que la distinction illicite fondée sur le sexe que la Loi interdit ne comprend pas le harcèlement sexuel.

Au soutien de cet argument, il était maintenu que le fait que le Parlement ait introduit des modifications spécifiques à la Loi qui traitent de harcèlement (Bill C- 141 (1è session, 32 è Parlement, 29- 30- 31 Eliz. II 1980- 81- 82)) dénote que la Loi ne couvrait pas le sujet. Au contraire, selon mon interprétation, le Bill visant les modifications a pour but de clarifier la loi quant à ce genre de discrimination, de sorte qu’il ne subsiste aucun doute, si jamais il y a eu doute, que ce genre de discrimination est couvert par la Loi. La clause 7 du Bill traite de > 15 harcèlement dans les motifs de distinction illicite (race, religion, sexe, etc.) et pour plus de clarté, et sans restreindre la généralité de cette disposition, ajoute que le harcèlement sexuel sera présumé du harcèlement constituant un motif de discrimination illicite. Le fait que le Bill mentionne le harcèlement sexuel, ne signifie pas nécessairement qu’il faille en conclure qu’il n’était pas antérieurement couvert par la Loi.

Le procureur soutient également que le harcèlement sexuel n’est pas essentiellement basé sur le sexe d’une personne, mais est relié au sexe seulement dans la mesure où différentes personnes ont des préférences sexuelles différentes; ils soutiennent que le harcèlement sexuel, en tant que concept, ne peut s’appliquer seulement à un sexe et que, par conséquent, ne constitue pas de la discrimination fondée sur le sexe. Au soutien de l’argument que sexe dans sa signification normale dans le présent contexte réfère au sexe d’une personne, non pas à ses activités, inclinations ou orientation sexuelles, le procureur de l’intimée cite la cause Re Board of Governors of the University of Saskatchewan et al and the Saskatchewan Human Rights Commission (1976) 66 D. L. R. (3è) 561.

La première décision canadienne qui a traité de la définition du harcèlement sexuel et de la question de savoir s’il s’agissait de discrimination fondée sur le sexe interdite par la législation sur les droits de la personne, était celle de Bell and Korczak c. Ladas and The Flaming Steer Steak House (1980) 1 C. H. R. R. D/ 155 (Ontario Board of Inquiry, per O. B. Shime, Q. C.). La Commission > 16 était appelée à interpréter l’article 4 de l’Ontario Act qui se lisait alors comme suit:

4( 1) Personne ne doit (No person shall) ... g) défavoriser un employé à l’égard d’un terme ou condition d’emploi quelconque à cause du ... sexe ... de cet ... employé.

(discriminate against any employee with regard to any term or condition of employment because of ... sex ... of such ... employee.)

(Il ne semble y avoir aucune différence substantielle entre la signification des mots discriminate against (Ontario) et adversely differentiate (Canada).) Tenant pour acquis que le harcèlement sexuel était compris dans l’interdiction de faire une distinction fondée sur le sexe, la Commission s’exprimait dans les termes suivants: (para. 1388 et suivants)

(Traduction) Sous réserve de l’exception prévue à l’article 4( 6), le Code interdit la distinction fondée sur le sexe. Par conséquent, pour le même travail, il est interdit de payer une rémunération moins élevée à une personne du sexe féminin qu’à une personne du sexe masculin, ou de congédier un employé en raison de son sexe. Mais que dire du harcèlement sexuel? Il ne fait aucun doute qu’une personne qui est défavorisée à cause de son sexe est victime de discrimination dans son emploi lorsque l’employeur lui refuse des récompenses financières, ou exige qu’elle se soumette à une activité sexuelle quelconque pour améliorer ou maintenir ses bénéfices existants. Le mal à combattre est l’utilisation du pouvoir économique ou de l’autorité pour restreindre la garantie de chances égales d’avancement > 17 d’une femme dans son travail, et tous les bénéfices qui en découlent, libre de toute pression extérieure relative au simple fait qu’elle est une femme. Lorsqu’une femme se voit refuser l’accès égal ou lorsque ses termes et conditions d’emploi diffèrent de ceux des employés du sexe masculin, la femme est victime de discrimination. Les formes de comportement interdites qui, selon moi, sont discriminatoires couvrent toute une gamme d’activités, à partir d’actes flagrants basés sur la différence de sexe, tels que des rapports sexuels par contrainte, jusqu’aux contacts physiques non provoqués, aux propositions persistentes, au comportement plus subtil, comme les insultes et le sarcasme d’une personne du sexe opposé, qui pourraient, dans une mesure appréciable, être perçus comme créant une atmosphère de travail psychologiquement et émotivement négative. Il n’y a aucune raison pour que la loi, qui vient protéger les lieux de travail contre la pollution physique ou chimique ou les températures extrêmes, ne protège pas aussi les employés des effets psychologiques et mentaux défavorables lorsque le comportement d’un membre du personnel de direction peut, dans une mesure raisonnable, être interprété comme une condition d’emploi d’une personne du sexe oppose.

L’interdiction d’une telle conduite comporte toutefois des dangers. Nous devons nous garder de faire en sorte que la loi interdise le comportement social normal entre la direction et les employés, ou les discussions normales entre ceux- ci. Qu’un surveillant s’engage socialement avec un employé, n’est pas une activité anormale, ni ne devrait être interdit. Une invitation à dîner n’est pas une invitation à une plainte. Le danger ou le mal qu’il faut éviter est le contact social forcé où le refus de l’employé de s’y soumettre peut entraîner une perte de bénéfices d’emploi. Une telle contrainte peut être flagrante ou subtile, mais si dans une mesure raisonnable, un avantage d’emploi dépend de la réciprocité d’une relation sociale offerte par un membre de la direction, alors l’offre devient une condition d’emploi et peut être perçue comme discriminatoire.

Encore une fois, le Code ne doit pas être perçu comme un instrument gênant la liberté de parole. Si le sexe ne peut pas faire l’objet de discussions entre un surveillant et un employé, les autres valeurs comme la race, la couleur ou la religion, dont il est question dans le Code, ne pourraient pas le faire non plus. Or, lorsque le sexe est en cause dans une discussion, l’employé qui diffère d’opinion n’est pas nécessairement victime d’une violation > 18 du Code. C’est seulement lorsque le langage ou les mots utilisés peuvent, dans une mesure raisonnable, être interprétés comme constituant une condition d’emploi que le Code fournit un remède. Par exemple, des sarcasmes fréquents et persistents de la part d’un surveillant à l’endroit d’un employé en raison de sa couleur constitue une pratique discriminatoire en vertu du Code, et il en est de même des sarcasmes fréquents et persistents de la part d’un surveillant à l’endroit d’un employé en raison de son sexe.

Un tribunal canadien des droits de la personne adoptait cet énoncé dans Robichaud et al, c. Brennan et al (1982) 3 C. H. R. R. D/ 977, bien que, d’après les faits, il n’a pas conclu qu’il y avait eu discrimination fondée sur le sexe. Un tribunal de révision a renversé cette conclusion. Le tribunal de révision (décision non rapportée, rendue le 21 février 1983, par Dyer, Mullins et Robson) ne s’est pas penché sur les mérites de la question, disant simplement que la plaignante avait établi un cas de harcèlement sexuel prima facie, ce qui serait une indication qu’un tel comportement était interdit par la Loi.

Les Commissions d’enquête ontariennes ont adopté les énoncés de la cause Bell dans les décisions suivantes: Hughes and White c. Dollar Snack Bar and Jeckel (1982) 3 C. H. R. R. D/ 1014, Mitchell c. Traveller Inn (Sudbury) Ltd. (1981) 2 C. H. R. R. D/ 590, Cox and Cowell c. Jagbritte Inc. and Gadhoke (1982) 3 C. H. R. R. D/ 609, Torres c. Royalty Kitchenware Ltd. and Guercio (1982) 3 C. H. R. R. D/ 858, Macpherson, Ambo and Morton c. Mary’s Donuts and Doshoian (1982) 3 C. H. R. R. D/ 961, et Aragona c. Elegant Lamp Co. Ltd. and Fillipitto (1982) 3 C. H. R. R. D/ 1109.

> 19 Une commission d’enquête albertaine, en vertu de dispositions semblables de l’Individual’s Rights Protection Act, adoptait la décision Bell dans Deisting c. Dollar Pizza (1978) Ltd., Papa- constantiou and Nickolakis (1982) 3 C. H. R. R. D/ 898. Une commission manitobaine l’adoptait également, en soulignant que la législation pertinente était virtuellement identique: Hufnagel c. Osama Enterprises Ltd. (1982) 3 C. H. R. R. D/ 922. Elle était adoptée par une commission d’enquête du Nouveau- Brunswick dans Doherty and Meehan c. Lodger’s International Ltd. (1982) 3 C. H. R. R. D/ 628, qui interprétait des dispositions semblables.

Dans au moins deux causes ontariennes, il était jugé que le harcèlement ou les insultes relatifs à la race d’une personne étaient interdits par une disposition générale visant la discrimination fondée sur la race: Singh c. Domglas (1980) 2 C. H. R. R. D/ 285, et Dhillon c. F. W. Woolworth Ltd. (1982) 3 C. H. R. R. D/ 743. Je ne puis voir aucune différence dans l’analyse, qu’il s’agisse de discrimination fondée sur la race ou le sexe.

Dans la cause Cox and Coxwell (supra), on a discuté de diverses décisions américaines dans lesquelles le harcèlement sexuel était en question. De façon générale, il était convenu qu’elles démontraient une évolution de la loi aux États- Unis à peu près semblable à celle en Ontario établie dans la décision Bell. Une révision similaire de la loi américaine à travers des causes visant l’insulte raciale était entreprise dans la décision Dhillon, et les conclusions étaient semblables.

> 20 Dans la cause Robichaud (supra), la seule cause à date qui traite de harcèlement sexuel en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on faisait une revue de la jurisprudence et résumait les éléments nécessaires à la justification d’une plainte de harcèlement sexuel en vertu de l’article 7 b) de la Loi. (Le tribunal de révision, bien qu’il ait renversé la décision de première instance, ne s’est pas objecté à cette analyse.) Le paragraphe 8717 se lit comme suit:

(Traduction)

Mon opinion, formée principalement d’après le survol des causes citées antérieurement dans la présente décision, est à l’effet que les caractéristiques distinctes et pertinentes aux rencontres sexuelles qui doivent être tenues comme étant interdites par l’article 7 b) de la Loi, sont, premièrement, qu’elles soient non provoquées par la personne qui s’en plaint, qu’elles soient non bienvenues de celle- ci, et que l’intimé sache expressément ou implicitement qu’elles ne sont pas bienvenues. (Ce sont les facteurs qui singularisent la situation, es relations sociales, du flirt ou même des rapports intimes normaux desquels le Parlement n’avait pas l’intention de priver les surveillants et les personnes qu’ils surveillent dans les lieux de travail.) Deuxièmement, l’auteur des avances sexuelles doit avoir persisté malgré les protestations de la victime, ou, dans l’alternative, encore que la conduite n’ait pas persisté, le refus doit avoir entraîné des conséquences défavorables dans l’emploi. Troisièmement, si le ou la plaignant( e) s’est montré( e) coopérant( e) face au harcèlement allégué, il peut encore s’agir de harcèlement sexuel s’il est possible de démontrer que cette coopération a été obtenue par des menaces relatives à l’emploi ou, peut- être par des promesses.

> 21 Dans la cause Robichaud, le Professeur Abbott trouvait que d’après les faits, il n’y avait pas eu de harcèlement sexuel. Le tribunal de révision n’a pas, contredit son analyse, mais en est arrivé à une conclusion de faits différente. Il est allé plus loin, et a trouvé que l’intimé avait fait du harcèlement sexuel du fait que son comportement avait eu pour effet d’empoisonner l’atmosphère de travail. Point que j’aborderai plus tard.

Dans Hughes and White (supra), la commission ontarienne, dans un énoncé général, s’exprimait dans les termes suivants (au paragraphe 9022):

(Traduction)

... le harcèlement fondé sur un facteur à l’égard duquel la discrimination est illégale, constitue par le fait même une violation du Code ontarien des droits de la personne (Ontario Human Rights Code), puisqu’une victime visée doit être traitée en fonction de ce facteur. Par conséquent, le fait que d’autres employés soient traités de façon semblable ne constitue pas une défense."

Il y a maintenant suffisamment de précédents pour soutenir que le harcèlement sexuel constitue de la discrimination fondée sur le sexe ou une distinction défavorable fondée sur le sexe, et qui, par conséquent, est un comportement interdit en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Or, j’en conclus que le tribunal est compétent pour juger la plainte qui lui est soumise.

> 22 Preuve: a) contre Jack Chuba

(i) Jane Kotyk Jane Kotyk est une employée du Centre d’emploi du Canada à Yorkton, Saskatchewan, depuis le mois de février 1979. Le 6 juin 1979, elle assumait son poste courant à titre de conseillère à l’emploi. Ce poste était assujetti à une année de probation, qui se terminait le 1 juin 1980. M. Chuba était directeur du Centre de Yorkton pendant la période pertinente à ces plaintes. Tôt en 1980, M. Gary Enmark devenait le supérieur immédiat de Ms Kotyk.

Au moment de son emploi, Ms. Kotyk était séparée de son mari et se trouvait dans des circonstances très difficiles. La preuve révélait que M. Kotyk avait un problème d’alcoolisme, et que lorsqu’il était ivre appelait son ex- épouse à la maison et au bureau faisant des commentaires et suggestions abusives. M. Chuba connaissait bien les difficultés de Ms Kotyk avec son mari, étant donné que M. Kotyk avait exprimé à M. Chuba l’accusation à l’effet que son ex- épouse avait obtenu son poste de façon inconvenable. Selon M. Chuba, lui- même et Ms Kotyk reçurent pareilles appels tout au long de la période 1979- 1980.

En juillet 1980, un incident survint qui, plus tard, avait des conséquences sur l’allégation de harcèlement sexuel. Tout au long des procédures, Ms Kotyk a allégué que M. Chuba cherchait > 23 constamment à connaître ses problèmes personnels, en lui posant des questions sur sa vie sexuelle, lui suggérant de s’ouvrir à lui. Elle relate un nombre de conversations au cours desquelles semblables propos étaient tenus, et auxquels elle répondait que ses problèmes personnels ne nuisaient pas a son travail et qu’elle ne voulait pas discuter de choses aussi personnelles. Elle relie son refus de s’engager dans ces discussions avec M. Chuba au fait qu’une lettre, une légère réprimande, fut placée dans son dossier personnel.

M. Enmark, son supérieur immédiat, a témoigné à l’effet que M. Chuba lui avait demandé de parler à Ms Kotyk et de placer la lettre dans son dossier. (III- 329). Bien que la performance de Ms Kotyk ait connu des problèmes mineurs, M. Enmark était d’avis qu’il ne s’agissait de rien de suffisamment sérieux pour justifier les mesures prises. La lettre était datée du 22 juillet 1980, signée par M. Enmark, et on y lisait, entre autres:

... Nous avons discuté du fait que vous avez des problèmes personnels. Il vous incombe de mettre de l’ordre dans vos affaires personnelles de sorte que la performance des fonctions rattachées à votre poste n’en soit pas affectée. En raison de vos problèmes, et probablement d’autres circonstances, des frictions se profilent entre vous et d’autres membres du personnel. Tel que je vous le recommandais, vous auriez avantage à être plus ouverte et plus honnête dans vos relations avec les autres membres du personnel ... Vous comprenez que cette copie sera placée dans votre dossier personnel et une copie vous sera remise. Veillez y trouver des directives pour votre avenir. (Pièce C- 4)

> 24 M. Chuba nie avoir donné ordre que cette réprimande soit placée dans son dossier (V- 651), bien qu’il ait admis en contre- interrogatoire qu’il avait dit à Ms Kotyk qu’elle devrait être plus ouverte et honnête, comme le relate le memo. Evaluation faite de la preuve concernant cet incident, j’accepte les témoignages de Ms Kotyk et M. Enmark à l’effet que la réprimande fut placée dans le dossier de Ms Kotyk sur les directives de M. Chuba. En ce qui touche l’effet de cette réprimande, la question sera abordée plus tard.

Peu après cet incident, Ms Kotyk dit que M. Chuba la fit venir dans son bureau et lui posa des questions assez personnelles au sujet de sa situation de famille, et à savoir si elle était encore en contact avec son ex- mari, dans le cours de conversations sur les affaires du bureau. Elle dit que leurs conversations semblaient toujours en arriver à sa vie personnelle. Elle dit qu’il lui demanda si elle avait encore des rapports sexuels avec son ex- mari. Elle en fut choquée, répondant qu’elle ne voulait pas parler de sa vie personnelle. M. Gil Johnson, Directeur régional de la CEIC, avait fait une visite au bureau le 11 août 1980, et parlé à Ms Kotyk d’un appel téléphonique qu’il avait reçu de son mari. Elle dit qu’après cette visite, M. Chuba lui dit que si elle avait des problèmes, elle devrait en discuter avec lui et non pas avec M. Johnson; en quittant son isoloir après cette conversation, il lui avait saisi la cuisse, en colère. Ce témoignage n’a pas été contredit.

> 25 A la fin de juillet 1980, elle demanda à M. Enmark de compléter son évaluation, afin qu’elle puisse terminer sa période de probation. M. Enmark exprima l’opinion que M. Chuba devrait faire son évaluation, étant donné qu’il n’avait pas été son surveillant durant toute la période. (Elle était sous l’impression qu’elle restait sous probation jusqu’à ce que son évaluation soit complétée, bien que, de toute évidence, tel n’était pas le cas.) L’évaluation ne fut pas faite à ce moment. Elle disait:

Parce qu’à ce moment, je croyais encore que j’étais sous probation, et c’était important que je passe la période de probation, et j’avais l’impression qu’une fois la probation terminée j’aurais un peu plus de sécurité d’emploi que j’en avais. (III- 208)

Au barbecue du personnel le 21 août 1980, Ms Kotyk allégua que M. Chuba lui avait dit: qu’il croyait que le temps d’une liaison était venu. (II- 64) Elle refusa. Elle dit que, après avoir manipulé la situation en vue de la conduire chez elle, il lui fit des avances sexuelles dans le véhicule. Sa réponse fut:

Je lui avais dit non, que je n’étais pas intéressée. Je lui ai dit qu’il était marié et que je ne m’impliquerais pas avec lui. Il n’acceptait pas mon refus, alors je lui ai dit que s’il ne me conduisait pas chez moi, je retournerais à la maison et que la situation serait gênante pour nous tous. Alors il me conduisit chez moi et me laissa descendre. (II- 66)

> 26 La description de cet incident par M. Chuba est bien différente. Il dit:

... Nous nous sommes retrouvés dans l’auto ensemble; elle m’a dit qu’elle désirait une liaison avec moi depuis longtemps, qu’elle voulait être ma maîtresse. Je n’avais pas d’objection; je dis: Eh bien, peut- être que ce serait une bonne idée ... Nous sommes allés chez Nadine; nous sommes restés assis là un petit moment. Nous sommes partis et avons retourné chez Jaycee Beach; nous sommes restés stationnés jusqu’à, je dirais, minuit ou même plus tard. Elle voulait vraiment avoir une liaison ce soir- là, et je lui ai dit que nous pourrions trouver un meilleur moment et un meilleur endroit. (V- 623)

M. Chuba allégua que le soir du barbecue, ils avaient fixé une rencontre future à son chalet dans le but d’entamer la liaison. Aucun témoin ne fut appelé par Ms Kotyk ou M. Chuba pour prêter crédibilité à l’un ou l’autre récit.

Ms Kotyk dit que durant les mois d’août et de septembre, M. Chuba l’aborda plusieurs fois, la pressant de s’engager dans une liaison. Elle décrit plusieurs invitations à aller prendre un café, fréquemment durant les heures de bureau, pour dicuter de certaines choses. A l’une de ces occasions, peu de temps après le barbecue, il dit qu’il pourrait lui obtenir des faveurs spéciales, comme, par exemple, ne l’obligeant pas à utiliser des journées de congé annuelles pour des traitements médicaux lorsque ses congés de maladie seraient épuisés. (II- 69)

A ces allégations, M. Chuba répond que durant cette période, lui et Ms Kotyk étaient engagés dans une romance de bureau; il ne nie pas être allé prendre un café à plusieurs reprises et > 27 avoir été vu souvent avec elle dans le bureau. Il n’a pas répondu, ni en interrogatoire principal ni en contre- interrogatoire, à la présumée promesse de faveurs spéciales, bien qu’il ait admis qu’il avait promis à Ms Kotyk de ne jamais la congédier. Ses mots étaient:

... Elle venait me voir, ou j’allais la voir au sujet des appels qu’il (M. Kotyk) faisait; dans le bureau, oui. J’avais de la peine pour elle et je lui ai promis de ne jamais la congédier; je lui ai fait cette promesse. (V- 622)

Il a continué à expliquer en contre- interrogatoire: (M. Juriansz) Q. ... vous avez promis à Jane Kotyk de ne jamais la congédier.

Comment un bon directeur peut- il faire pareille promesse? Qu’arrive- t- il si la performance de l’employée se détériore?

R. Sa performance n’était pas très bonne à ce moment- là, parce qu’elle avait ces problèmes personnels. Elle m’apparaissait encore comme la fille la plus innocente que j’aie jamais connu.

Q. Avez- vous fait cette promesse parce que vous aviez une liaison avec elle?

A. Non, j’ai fait cette promesse, j’en suis certain, avant d’avoir une liaison avec elle.

Q. ... Pourquoi un directeur promettrait- il à une employée de ne jamais la congédier?

A. Parce qu’elle disait continuellement: il essaie de vous indisposer pour que vous me congédiiez. Et j’ai dit: Bien, rassure- toi, il ne m’indisposera pas au point où je vais te congédier, un point, c’est tout. (V- 689)

> 28 Ms Kotyk allègue que durant les mois d’août et septembre, M. Chuba avait commencé à me harasser au sujet de ma stabilité et mon état mental (II- 72), en faisant des commentaires comme Comment pouvais- je avoir tant de problèmes et être malgré tout une personne si agréable et polie, et qu’il y avait une façon de soulager tous ces problèmes.

Q. Quelle était la façon de les soulager? R. Sexe, et je lui ai dit que je n’étais pas intéressée. Je n’étais pas intéressée dans les hommes. Que je savais comment régler mes problèmes, que le travail était une thérapie pour moi. (II- 72)

Elle le cite également à d’autres occasions lui disant que le sexe soulagerait ses problèmes. Ces discussions avaient souvent lieu dans son isoloir, ou dans le bureau de M. Chuba. Voici un exemple de sa réaction à ces propositions: ... Lorsqu’il aurait essuyé assez de refus, il finirait par s’offenser et se fâcher, il me disait que je pouvais vivre en ermite toute ma vie; et qu’est- ce qui n’allait pas avec moi... (II- 72) de plus Je lui avais dit non, que je n’étais pas intéressée, qu’il était marié, que je n’allais pas m’engager avec lui. Je ne voulais pas être une tierce partie. Il s’offusquait et allait jusqu’à m’humilier, comme pour qui je me prenais pour lui refuser. Il s’immisçait dans mon travail. Il passait beaucoup de temps dans mon isoloir. Il est même allé jusqu’à me demander pourquoi il y avait tant de beaux jeunes hommes parmi mes clients. Nous travaillons en rotation. Il me faisait me sentir très inférieure. Il devenait > 29 très fâché et bouleversé et sortait à toute vitesse de mon isoloir quand je lui disais que je n’étais pas intéressée.

M. Chuba nie ne s’être jamais engagé dans des conversations avec Jane Kotyk, au cours desquelles il lui aurait dit que le sexe soulagerait ses problèmes. (VI- 704) Il est à remarquer que Barbara Allary dit que des commentaires semblables lui avaient été faits, ce que M. Chuba nie également. J’accepte le témoignage de Ms Kotyk à l’effet que ces conversations ont eu lieu.

Un autre incident survint au chalet de M. Chuba à Good Spirit Lake, tôt en septembre 1980. Ms Kotyk relata que, sous prétexte d’aller prendre un café pour discuter de son évaluation, M. Chuba s’était engagé vers le nord jusqu’à son chalet. Elle dit qu’il persista à parler de ses problèmes personnels et de sa stabilité; de nouveau il commenta que le sexe lui serait bénéfique. (II- 74) Elle dit que sur la route menant à son chalet:

... il s’était arrêté et voulait qu’ils se cajolent, et j’ai dit non, et il m’a saisi. Je lui ai dit de me relâcher et qu’il serait mieux que nous repartions, et il s’est excusé de ce qu’il avait fait. (II- 79)

D’un autre côté, M. Chuba maintient que le rendez- vous au chalet était fixé d’avance, qu’ils sont en fait allés au chalet, qu’ils s’apprêtaient à avoir des rapports sexuels, mais qu’il refusa d’avoir des rapports avec elle de crainte que sa femme découvre qu’ils étaient allés au chalet. Il dit que c’est à cette occasion > 30 qu’ils fixèrent un autre rendez- vous à Foam Lake. Encore une fois, aucun autre témoin n’a semblé corroborer l’une ou l’autre des versions des événements de cette occasion. Il a été mis en preuve que Ms Suzanne Gray, une travailleuse sociale à Yorkton, avait commencé à voir Ms Kotyk en octobre 1980, au sujet de ses problèmes matrimoniaux. Au cours de leurs discussions, Ms Kotyk lui avait confié qu’elle avait l’impression d’être harassée par son directeur, qu’elle sentait qu’elle se faisait pousser dans une liaison, que son travail était en quelque sorte menacé, et que son rapport de probation était retenu en vue de l’intimider. (III- 268) Il est à remarquer que Gary Enmark a témoigné que Ms Kotyk était venue le voir en octobre et novembre concernant son rapport de probation. Il dit Elle était bouleversée. Elle a dit qu’elle voulait que son évaluation soit complétée parce qu’elle avait l’impression d’être sous pression.

(M. Juriansz) Q. A- t- elle dit de qui venait cette pression? R. Non. Q. Avez- vous demandé? R. Bien, non, je n’ai pas demandé parce que j’ai présumé que je savais qui la pressait. Q. Pourquoi avez- vous présumé qu’une certaine personne faisait pression sur elle? > 31

R. A cette époque, il n’y avait que moi- même et une autre personne dans le bureau qui auraient pu faire pression sur elle du côté travail; ce n’était pas moi, alors j’ai présumé qu’il devait s’agir du directeur. (III- 333)

L’incident suivant survint à l’occasion d’un voyage aller et retour à Wadena et Wynyard, que Ms Kotyk devait faire afin de rencontrer quelques- uns de ses clients. Elle avait reçu l’autorisation de passer la nuit à Foam Lake, plutôt que de revenir à Yorkton et retourner le lendemain. Les autorisations de voyage relevaient de M. Chuba. Avant le voyage, M. Chuba avait de nouveau indiqué que ce serait une bonne occasion de passer quelque temps ensemble, et j’avais dit non. Elle indiquait que M. Chuba était venu au motel où elle restait. Son témoignage:

... Il m’avait saisi une ou deux fois et je m’assis dans le coin près de la table. Il poussa les papiers de côté et dit qu’il n’était pas intéressé dans le travail, que tout ce qu’il voulait c’était du sexe. Je lui avais dit que je n’étais pas de genre à m’engager dans des liaisons, des liaisons avec un homme marié. Je lui avais demandé de me ficher la paix, que nous pouvions discuter du travail qu’il voulait discuter. Je lui avais demandé ce que dirait sa femme si elle savait qu’il était là, et il avait simplement fait semblant d’en rire. Nous nous sommes chamaillés un peu.

Q. Qu’est- ce que vous voulez dire par chamaillés un peu?

R. Il ne voulait pas me laisser tranquille. Il me prenait les seins. A cause de lui, je me sentais sale, laide, bouleversée et fâchée, et je n’ai jamais été capable de le dire à personne. Je le jure sur la Bible. Il m’a forcée à avoir des rapports sexuels. Je me sens tellement malpropre; je voudrais pouvoir couper chaque partie de mon corps qu’il a touchée. Je suis une personne honnête. Je me sens encore sale partout où il m’a touchée.

> 32 ... R. M. Chuba ne voulait pas arrêter de me harasser. Je lui ai dit de me laisser tranquille. Je lui ai de nouveau parlé de sa femme; il dit qu’il ne pouvait pas rentrer à la maison parce qu’il lui avait dit qu’il allait à Regina. Ma préoccupation première était de ne pas m’engager avec lui, et je ne savais pas comment je m’en sortirais. Mon travail était très important pour moi. Il m’a harcelée pendant un bon moment.

Q. Qu’est- ce que vous voulez dire par m’a harcelée? R. Me saisir, me dire que le sexe me ferait du bien, qu’il ne savait pas comment je pouvais m’en priver aussi longtemps, que je ne pouvais pas être normale. (II- 80- 1)

M. Chuba explique ces événements en soutenant que la rencontre était arrangée d’avance et que les activités sexuelles étaient consensuelles. Il indiquait que quelques jours après l’incident de Foam Lake, ils s’étaient parlés, et, dans ses propres mots:

Elle disait, Je ne me sens pas très comfortable dans une liaison avec un homme dont je connais la femme. Je lui ai dit C’est très bien. Je jure de ne plus jamais te toucher sexuellement. Sexuellement voulait dire avoir des rapports sexuels. Mais elle a dit, Je veux continuer d’une façon différente, sans sexe. Je lui ai dit, c’est très bien. ... Après Foam Lake, elle était l’agresseur, si l’on peut dire. (V- 627)

Encore là, étant donné la nature de l’incident, ni l’une ni l’autre des deux versions n’a pu être corroborée.

Ms Kotyk a témoigné qu’à la mi- septembre, son ex- mari avait pris son fils sans qu’elle le sache ou sans sa permission. Son fils > 33 était éventuellement retrouvé à Saskatoon. Elle a témoigné que M. Chuba lui répétait qu’elle devait parler de ses problèmes. Il dit qu’il la conduirait à la ferme de sa parenté pour essayer de retrouver son fils. Elle dit:

Il s’est acheminé vers P. V. Mart, puis a fait demi- tour et est revenu en ville. Je lui ai dit que je voulais rentrer au bureau. Je serais très bien là. Il est sorti de la ville. En conduisant, il essayait de me convaincre que j’avais besoin d’une épaule sur laquelle pleurer; que j’avais besoin de la sympathie de quelqu’un et que j’avais besoin de sexe pour soulager toutes mes tensions.

Je lui ai dit que je n’en avais pas besoin. Il m’a dit qu’aussi longtemps que je serais au bureau que je n’avais rien à craindre. Puis, il m’a dit qu’il ne comprenait pas comment je me tirais si bien d’une situation pareille, et il buvait sur la route vers Churchbridge. Il est arrivé à Langenberg et s’est arrêté à un champ de boule. Il m’a prise par le cou et voulait m’embrasser; je ne voulais pas et il m’a de nouveau pris les seins. Je lui ai dit de me laisser tranquille. Je ne pouvais pas me dégager de sa ceinture de sécurité et il s’est fâché encore une fois.

Puis je me suis dégagée de la ceinture et suis sortie de la voiture. Je lui ai dit de me ramener, sinon que je rentrerais à pied. Je suis descendue de l’auto et suis restée là un moment. Puis, il est sorti. En colère, il est retourné s’asseoir dans l’auto. Il a dit, Si tu veux retourner, monte. Nous sommes rentrés, et presque tout le long du voyage, personne ne parlait. Environ à mi- chemin, il s’est excusé de ce qu’il avait fait. Il m’a fait descendre près du bureau et a dit qu’il ne voulait pas me conduire jusqu’au bureau parce que sa femme était censée être là. Je me suis rendue au bureau à pied, et me suis dirigée vers mon isoloir. (II- 8405)

Ce témoignage n’a pas été contredit, et M. Chuba ne l’a pas commenté en interrogatoire principal ou en contre- interrogatoire.

> 34 Ms Kotyk a relaté comment elle évitait M. Chuba au bureau (II- 87), et qu’après un certain temps il a commencé à redevenir amical; je restais très distante à son égard, puis il s’immisçait de plus en plus dans mon travail. Mes placements étaient habituellement plus nombreux que ceux des hommes, parfois plus nombreux que tous les hommes ensemble, mais cela ne semblait pas encore assez, quant à lui. Puis, il devenait plus doux et me demandait de songer à assumer le premier poste de surveillance. Il a commencé à me presser pour que je m’occupe d’affaires d’immigration touchant mes employeurs, alors qu’en fait c’était Keith Elliott qui s’occupait de toute l’immigration... En octobre ou novembre, M. Chuba a essayé très fort de tourner le personnel de l’emploi contre moi.

Elle a témoigné qu’elle travaillait souvent en soirée au bureau, et qu’il venait fréquemment discuter de la possibilité d’une liaison. Elle a arrêté de travailler le soir pour l’éviter, et a commencé à entrer tôt le matin. Elle a relaté un incident qui est survenu tôt un matin:

Oui, il essayait d’être gentil. Je ne savais pas qu’il était dans le bureau. J’étais en train d’enlever mon manteau et il m’a coincée contre la garde- robe. Il m’a dit que j’étais très belle ce jour- là et qu’il voulait un baiser pour commencer la journée, ou quelque chose du genre. Je ne me souviens pas, mais Mme Young était entrée et nous avait surpris, alors il est retourné dans son bureau.

Une autre fois c’était dans la salle du personnel. Q. Qu’est- ce qui est arrivé dans la salle du personnel? R. J’étais allée faire du café; je me suis retournée et il était debout juste à côté de moi et il m’a coincée contre l’armoire. Mme Young est entrée encore une fois. (II- 89- 90)

> 35 Ms Kotyk décrit son état émotif après tous ces incidents:

A ce moment- là, j’étais réellement mal en point. J’attendais que mon évaluation soit complétée. Au fond, j’avais peur de perdre mon emploi. J’aimais mon travail et je ne voulais pas quitter. J’aimais faire ce que je faisais et j’avais besoin d’argent parce que je pourvois seule à l’entretien de mes enfants. (II- 90)

Ms Gray et M. Enmark ont corroboré son témoignage quant à son état émotif et au fait qu’elle était anxieuse au sujet de son rapport de probation.

Son rapport d’évaluation (Pièce C- 6) était éventuellement complété et signé par M. Enmark le 24 novembre, et par Ms Kotyk le 17 décembre. Vers la fin de décembre ou le début de janvier, M. Chuba la fit venir à son bureau présumément pour discuter de son évaluation et la signer. Encore une fois, il parla de sexe. C’était apparemment l’incident culminant qui a conduit à la présente plainte, et je vais relater la discussion en entier:

(à II- 93) ... M. Chuba m’a fait venir dans son bureau et voulait savoir pourquoi j’étais si distante et impolie à son endroit.

(M. Juriansz) Q. A- t- il mentionné pourquoi il vous faisait venir à son bureau? R. Oui, il voulait discuter de mon évaluation. Il a dit qu’il voulait encore que nous soyons amis et que je pourrais me détendre et arrêter de faire l’ermite et la recluse, que je devais être anormale. Je lui ai dit que c’était mon style de vie; que je voulais rester propre... et je lui ai parlé des dix commandements. Il y avait une Bible sur son étagère et je lui ai dit que tous les commandements étaient pareilles;

>- 36 qu’on ne pouvait pas manquer à un et croire que tout était correct. Il m’a dit de jeter cela dans le coin.

Q. Cela étant...? R. La Bible. Puis, il m’a de nouveau traitée d’ermite. Il a sorti l’évaluation et l’a signée. Je ne sais pas s’il l’a datée à ce moment- là. Je sais qu’il l’a signée et me l’a lancée, et il m’a dit que je ferais bien de penser à me soumettre, sans quoi j’aurais de la difficulté avec mon emploi.

Q. Vous souvenez- vous de ses mots exacts, ou est- ce que c’était ses mots exacts?

R. Ses mots étaient très semblables, je me souviens pas. Je lui ai dit que je ne pouvais pas changer mon style de vie, que j’étais comme j’étais; que je réglerais mes problèmes moi- même et qu’en autant qu’ils n’affectaient pas mon travail au bureau, je ne croyais pas que c’était de ses affaires de me harasser avec cela. Je lui ai dit que s’il y avait quelque difficulté quant à mon travail, qu’il n’avait qu’à me le dire et que je verrais à améliorer la situation.

Je lui ai également dit que j’entendais bien faire mon travail, et que je ne voulais aucun harcèlement de sa part. Il continuait à me traiter d’ermite et d’anormale. Il l’a répété environ trois fois et, finalement, je n’en pouvais plus et me suis mise à pleurer. Je suis restée assise là pendant à peu près cinq minutes parce que je ne pouvais pas sortir et faire face à tout le personnel administratif.

M. Chuba nie que la conversation était telle que Ms Kotyk l’a décrite, bien qu’il a admis en contre- interrogatoire que la Bible faisait souvent surface dans les conversations, et il a relaté une conversation particulière:

R. Oui, pour ce qui est de la Bible, elle venait dans le bureau pour discuter de quelque chose. Je lui demandait quelque chose, et elle disait Tenez, lisez la Bible. J’ai dit Qu’est- ce que cela a à voir avec notre conversation? Elle a dit Bien, je ne veux pas avoir... je suis les dix commandements.

> 37 J’ai dit, Qu’est- ce que j’essaie de faire qui soit contraire à tes dix commandements? J’étais en train d’avoir une conversation; elle présumait automatiquement que si je lui parlais, je voulais du sexe. J’ai dit qu’après le 9 septembre je n’aurais plus jamais de rapports sexuels avec elle. et plus loin Au cours de la conversation de décembre, elle a dit, je pense qu’elle a dit, Je ne veux pas avoir de sexe avec vous. Je lui ai dit, Est- ce que je t’ai fait venir ici pour avoir du sexe. Je t’ai dit il y a des mois que je n’aurais pas de rapports avec toi. A mon avis, chaque fois que je lui parlais, elle présumait que je voulais du sexe. Je ne sais pas ce qu’elle croyait avoir que les autres femmes n’ont pas; de toute évidence, elle croit que tout le monde veut avoir du sexe avec elle. (VI- 718)

Ces citations semblent confirmer que le dialogue au sujet de la Bible a, en fait, eu lieu, et semblent aussi contredire la déclaration antérieure de M. Chuba à l’effet qu’après Foam Lake, Ms Kotyk était l’agresseur. Le fait que Ms Kotyk ait quitté le bureau de M. Chuba en pleurant a été corroboré par Barbara Allary. Sur la balance des probabilités, j’accepte l’interprétation de Ms Kotyk des événements lors de cette rencontre.

Il est à remarquer que durant la période de temps entre le mois de juillet et décembre 1980, M. Chuba n’a jamais avisé Ms Kotyk qu’elle n’était plus sous probation, même alors qu’il savait qu’elle ne l’était plus et que la sécurité de son emploi la préoccupait.

(M. Juriansz) Q. ... Vous nous avez dit qu’en juillet 1980, vous aviez promis à Jane Kotyk de ne jamais la congédier, et je vous ai demandé, pourquoi vous ne l’aviez pas assurée, rassurée, en lui disant qu’elle n’était plus sous probation.

> 38 Vous m’avez dit qu’elle était toujours sous probation vous souvenez- vous de cela?

R. Je n’ai même jamais pensé à la probation; cela ne m’est jamais venu à l’esprit, je n’ai jamais pensé que la probation la préoccupait. Elle n’a jamais soulevé le sujet de la probation avec moi. Elle a soulevé le sujet de perdre son emploi... parce qu’avant la probation, on peut perdre un emploi avant ou après la probation.

... Q. ... Je vous montre une copie de l’évaluation de Jane Kotyk; elle indique la date de nomination à son poste comme étant le premier jour de juin ’79, donc, elle aurait fini sa période de probation le premier jour de juin?

R. C’est exact. Q. En ’80? R. C’est exact. Q. Donc, lors de votre conversation en juillet, elle n’aurait plus été sous probation? R. Monsieur, je vous ai dit que j’aurais pu lui dire; je n’y ai pas pensé; dois- je vous le répéter dix fois. La participation de Gary Enmark à ces plaintes a été mise en preuve. Après que M. Chuba fut avisé que des allégations de harcèlement sexuel avaient été faites et que M. Enmark avait parlé à Ms Kotyk à ce sujet, M. Chuba fit diverses demandes à M. Enmark sous forme de memos (Pièce C- 14). Ces huit memos lui étaient envoyés entre le 23 et le 28 janvier, et visaient des questions comme:

... Veuillez me fournir un rapport écrit, avant 4: 30 aujourd’hui, en ce qui concerne votre liaison avec la coordination de Extension... (23 jan.)

> 39 (re Demande de participation à la formation pour 1981- 82) ... J’aimerais que vous me soumettiez la participation susmentionnée d’ici lundi, 26 janvier, afin que je puisse la réviser avant la préparation du texte final qui sera soumis au bureau régional ... (23 janvier) (re Extension autochtone) ... Dans votre rapport du 30 janvier à mon intention, veuillez indiquer le progrès du personnel de Extension en ce qui concerne les connaissances qu’il a acquises de nos programmes. ... Veuillez aussi y joindre les feuilles de données jusqu’à la fin de décembre 1980. (23 janvier) (re Révision du manuel) ... Il est devenu évident qu’aucune session de Révision du manuel n’a eu lieu depuis longtemps. ... Je vous commande de mettre sur pied immédiatement des sessions de révision du manuel E A, chaque vendredi de 8 a. m. à 9 a. m. ... Vous commencerez par les chapitres 1 et 2... (27 janvier)

M. Chuba avisa le personnel que dorénavant, en son absence du bureau, M. Gaitens serait en charge plutôt que M. Enmark, tel que c’était le cas antérieurement (Pièce C- 15). Le procureur de l’intimée ne voit dans ce comportement qu’une adhésion stricte aux règles du jeu, plutôt que d’y voir simplement une réaction hostile envers M. Enmark à cause de son implication dans les plaintes. Nous devons regarder ces memos en fonction du contexte en cause. Bien qu’il relevait du pouvoir de M. Chuba de les envoyer, il n’avait pas l’habitude de le faire sur une base régulière, surtout pas un tel nombre de memos dans une si courte période de temps. M. Chuba avait l’impression que M. Enmark avait manipulé la situation dans le bureau parce qu’il voulait le poste de directeur. Le moral était très bas dans le bureau au mois de janvier, même extrêmement bas. En plus des accusations de harcèlement sexuel, des plaintes relatives à la fraude > 40 et à la mauvaise administration contre M. Chuba, étaient sur le point d’être déposées.

Rien dans la preuve ne révèle que M. Enmark avait été l’ingénieur des événements, ou qu’il avait orchestré le renvoi de M. Chuba du bureau. Je trouve que M. Enmark a fait preuve d’honnêteté dans ses rapports avec M. Chuba, et je suis satisfaite en ce qui touche sa crédibilité.

Après avoir entendu toute la preuve, et observé le comportement des témoins, j’accorde la balance des probabilités au témoignage de Ms Kotyk qui s’est révélé plus crédible que celui de M. Chuba dans lequel il y avait contradiction. En particulier, j’en conviens que les avances de M. Chuba à Ms Kotyk n’étaient ni provoquées ni bienvenues, et qu’elle craignait que son emploi serait en danger si elle les refusait.

(ii) Barbara Allary Barbara Allary était conseillère à l’emploi autochtone au CEC de Yorkton durant la période pertinente aux présentes plaintes, et M. Chuba était le directeur durant toute la période en question. Sa plainte concernant le harcèlement sexuel découle de trois incidents particuliers qui eurent lieu alors qu’elle voyageait avec M. Chuba par affaires. Le premier survint en juillet 1980, au cours d’un voyage qu’elle fit avec M. Chuba dans le but de visiter un groupe d’Autochtones à Langenberg. Elle dit qu’en > 41 rentrant de Yorkton ... il m’a demandé comment ça allait dans le travail, et je lui ai parlé des frustrations inhérentes au poste. Il dit, "Bien, peut- être que certaines de ces frustrations sont dues au fait que tu n’as pas assez de sexe; j’ai dit non. Il m’a demandé si je voulais avoir des rapports sexuels et je lui ai dit non. Or, il m’a reconduite au bureau à environ midi moins quart ce même matin. (III- 276)

Le second incident survint dans le mois qui suivit, dans des circonstances similaires. En rentrant d’une réunion à Kamsack, ... Nous avions déjeuner dans un restaurant après notre réunion, et en rentrant à Yorkton il y eut un orage assez violent. De nouveau il me demanda comment allait le travail, et de nouveau je lui répondit: Les frustrations habituelles inhérentes au poste, et il a dit, Bien, certaines de ces frustrations ne seraient- elles pas causées par un manque de sexe? Je lui ai dit non. Il a dit, Bien, il pleut plutôt fort. Personne ne va nous voir. Pourquoi ne pas monter à l’arrière de la camionnette et avoir des rapports sexuels? Et j’ai dit non. Il a arrêté de pleuvoir et nous sommes rentrés à Yorkton. (III- 277)

Le troisième incident survint en décembre 1980, en rentrant d’une réunion à la réserve indienne de Poor Man. Elle dit ... Nous sommes partis, avons monté dans l’auto. Il s’est tourné vers... tourné de côté, a mis sa main sur ma cuisse et dit, N’est- il pas temps que nous ayons une liaison?, et j’ai dit, Non, je veux juste rentrer à Yorkton et me remettre au travail. Nous sommes rentrés à Yorkton. Rien d’autre n’est arrivé. (III- 277)

> 42 Elle explique l’écart entre les incidents de juillet et celui de décembre du fait que durant cette période, elle faisait ces voyages avec sa propre auto plutôt que de voyager seule avec M. Chuba. Elle réclame un montant de $50 à $60 d’essence pour son auto, parce que M. Chuba ne voulait pas approuver son millage, étant donné que la politique voulait que lorsque plusieurs personnes voyageaient à un même endroit, elles devaient utiliser une seule auto. En décembre, croyant qu’il avait eu suffisamment de temps pour réfléchir, elle décida de faire une autre tentative. Avant le début de janvier 1981, elle n’était pas au courant des problèmes de Jane Kotyk avec M. Chuba.

Ms Allary a témoigné qu’elle avait raconté à Ruth Matheson, une compagne de travail, ce qui s’était passé durant le voyage à Langenberg, ce que Ms Matheson a confirmé par son témoignage. (IV- 469) M. Chuba nie la survenance de ces événements, mais n’a avancé aucune explication valable de la raison pour laquelle Ms Allary aurait inventé l’histoire. D’après le témoignage de Ms Allary et la corroboration de certains détails par Ms Matheson, j’en conviens que ces incidents ont réellement eu lieu, tels que les a décrits Ms Allary.

Aucune représentation n’a été faite à l’effet qu’il y aurait eu des représailles relatives à l’emploi ou des menaces découlant du refus de Ms Allary de s’engager dans des activités sexuelles avec M. Chuba, bien qu’elle ait indiqué que leur travail était surveillé de plus près suite au dépôt des plaintes. Il semble > 43 toutefois que la surveillance résultait de la détérioration sérieuse de la situation dans le bureau, plutôt que des plaintes faites par elle- même et Ms Kotyk. Selon le témoignage, la seule conséquence relative à l’emploi était le coût de l’essence du fait qu’elle utilisait sa propre auto plutôt que de voyager avec M. Chuba. La preuve ne révèle pas que M. Chuba aurait fait des propositions ou avances d’ordre sexuelles à Ms Allary dans le bureau, ou en toute autre occasion que celles mentionnées.

b) contre la CEIC (i) Jane Kotyk Les plaignantes soutiennent que la CEIC est responsable en vertu de la responsabilité déléguée de l’employeur des actes de ses employés dans certaines circonstances, et également parce qu’elle n’a pas pris des mesures raisonnables suite aux plaintes de Jane Kotyk et Barbara Allary pour libérer les lieux de travail de tout harcèlement.

Jane Kotyk a premièrement fait valoir sa plainte de harcèlement sexuel à son surveillant, Gary Enmark, le 5 ou 6 janvier 1981, lui demandant conseil sur ce qu’elle devait faire. M. Enmark devait assister à un colloque à Regina la semaine suivante, et lui dit qu’il en discuterait avec les personnes appropriées dans le bureau régional de Regina. A peu près au même temps, Ms Kotyk avait contacté Chris Lane, de la Commission de la Fonction publique, et M. Enmark avait aussi parlé à Ms Lane. Le 12 ou 13 janvier, Gary Enmark parla à Owen Brophy, agent des relations de > 44 travail au bureau régional, des plaintes de Kotyk et Allary. C’était la première fois que le bureau régional entendait parler des plaintes de harcèlement. M. Brophy arrangea une rencontre entre M. Enmark et Carol Porter, la représentante de l’Office de la promotion de la femme au bureau régional, rencontre qui avait lieu le jour suivant. Le 19 janvier, Carol Porter se rendit à Yorkton pour discuter avec Kotyk et Allary, et évaluer leur plainte. De retour à Regina après la rencontre, elle fit immédiatement rapport à Owen Brophy, et le lendemain au directeur général, Gil Johnson. Sans en conclure qu’il y avait, en fait, eu harcèlement sexuel, elle recommanda l’intervention personnelle de M. Johnson auprès de Jack Chuba. Johnson dit qu’il arrangerait une rencontre avec lui à l’aéroport, étant donné que M. Chuba arrivait par avion d’Edmonton. A cette étape, Ms Kotyk et Ms Allary voulaient seulement que le harcèlement cesse, sans représailles envers elles- mêmes ou Gary Enmark, et que les plaintes soient vidées sans bruit. Peu de temps après ces rencontres, Ms Porter appela Jane Kotyk afin de savoir si la conduite en cause avait cessé, et elle était convaincue qu’elle avait, en fait, cessé.

Entre le 23 et le 30 janvier, M. Chuba envoya la série des huit memos à M. Enmark. Le 23 janvier, M. Enmark téléphona à Owen Brophy au sujet de la situation dans le bureau. Ms Kotyk et Ms Allary ont cru voir dans l’envoi de ces memos que des représailles étaient exercées envers Gary Enmark, et, de dire Carol Porter: des représailles envers lui (Enmark) commençaient à devenir > 45 évidentes. (V- 534) Le 30 janvier, M. Enmark et M. Gaitens à Yorkton, s’entretinrent par appel conférence avec Murray Hooker, Directeur du personnel au bureau régional, et Owen Brophy. Le même jour, Gil Johnson téléphona à M. Enmark, lui disant qu’il avait parlé à Jack Chuba à l’aéroport au sujet des allégations de harcèlement, et il recommanda que lui (Enmark) et M. Chuba se rencontent le lundi pour essayer de diminuer quelque peu la tension dans le bureau.

M. Johnson n’a pas témoigné, mais Carol Porter, M. Chuba lui- même et Murray Hooker ont relaté au cours de leurs témoignages, les circonstances de sa rencontre avec M. Chuba à l’aéroport. Ce dernier retrace l’entrevue dans les termes suivants: ... Le 20 ou 21 janvier, je crois, je suis allé à Edmonton par avion. A l’aéroport, Gil m’a rencontré. Il m’a dit qu’il voulait me parler, alors nous nous sommes assis et il a dit Jane Kotyk se plaint à l’effet que tu essaies de te rapprocher d’elle plus qu’elle ne le désire. J’ai dit, oh, mon Dieu. Il a dit, Elle prétend que tu lui fais des avances sexuelles. Or, je lui ai raconté l’histoire, pas depuis les débuts, mais je lui ai raconté exactement ce qui s’était passé. Il m’a dit qu’elle ne voulait plus continuer ... il n’a rien dit au sujet de Jane ou Barbara Allary ce soir là, ni aucun autre soir. Il a dit que tout ce qu’elle voulait était que je garde mes distances; J’ai dit, C’est très bien, c’est très bien, c’est ce que je vais faire. J’ai dit, Mais qui va s’occuper d’elle quand elle sera toute bouleversée par ces appels qu’elle reçoit au bureau. Il a dit, Son surveillant, peut- être. Je lui ai dit que je ne pouvais pas voir son surveillant le faire; ils étaient toujours en querelle, ils n’étaient pas du tout amis; et c’était vrai, ils ne l’étaient pas. Un autre soir, j’ai reçu un > 46 autre appel de Gil à la maison à l’effet que moi- même et Enmark pourrions peut- être nous rencontrer et essayer de faire la paix; j’imagine qu’il avait eu vent de ces memos que j’avais écrits... (V- 644- 5)

Le lundi, 2 février, Jack Chuba et Gary Enmark se rencontrèrent pour essayer de rétablir la paix dans le bureau. La Pièce C- 16 signée par Jack Chuba et Gary Enmark, est un résumé de la rencontre, et fait mention du fait que chacun craignait que c’était l’autre qui instaurait la conspiration dans le bureau:

Jack Chuba a assuré Gary que ses doutes d’une conspiration entre Jack et Walter St. Cyr visant à éliminer Gary afin que Walter puisse revenir à Yorkton, n’étaient pas fondés.

... Gary a également assuré Jack qu’il n’avait jamais essayé de se gagner l’appui d’aucun membre du personnel pour agir contre Jack. ...

Le 2 février également, une rencontre avait lieu à Regina entre MM. Brophy, Hooker, et Johnson. Murray Hooker a témoigné à l’effet que toute la question avait été discutée, et qu’ils avaient décidé de ne pas s’immiscer dans les affaires du bureau à ce moment- là. (V- 551) Il indiqua que lui- même et M. Brophy étaient d’avis qu’ils devraient envoyer quelqu’un, mais que le directeur général n’était pas d’accord. C’est seulement après l’entrée en scène du syndicat, que le directeur général envoya M. Stephan, Directeur de l’emploi et de l’assurance au bureau régional de Yorkton.

> 47 Le 5 février, John Grabowski, le représentant syndical, remettait à M. Chuba les plaintes relatives au harcèlement sexuel, déposées par Jane Kotyk et Barbara Allary, ainsi que des plaintes relatives à la fraude et à la mauvaise administration. Le même jour, Joe Stephan rencontrait M. Chuba au bureau de Yorkton, et le relevait de ses fonctions.

La réaction officielle du bureau régional aux allégations de harcèlement fut de mettre sur pied, le 13 février, un Comité administratif d’enquête, composé de trois membres, dont Murray Hooker était président. Le Comité avait le mandat, non seulement de se pencher sur le harcèlement sexuel, mais également sur les allégations de fraude et de mauvaise administration, et sur des questions générales de dynamisme à l’intérieur du bureau. Les constatations rapportées au personnel de Yorkton le 31 mars, étaient à l’effet que la plainte de Jane Kotyk était fondée, alors que celle de Barbara Allary ne l’était pas, bien que l’on croyait que M. Chuba lui avait fait les avances qu’elle alléguait dans sa cause. En ce qui concerne le harcèlement, le Comité faisait les recommandations suivantes: (des pages 6 et 7 de la Pièce C- 18)

1. Dans les meilleurs intérêts de M. Chuba, des plaignantes et des employés du CEC de Yorkton, M. Chuba devrait être muté immédiatement.

... 8. Le Directeur général ou le Directeur de l’emploi et de l’assurance, ou les deux, ainsi que le président du Comité devraient se réunir au CEC de Yorkton en vue de discuter du rapport. Néanmoins, les détails des plaintes de harcèlement sexuel ne devraient pas être divulgués, étant > 48 donné que la question ne concerne essentiellement que les deux parties.

9. Une politique régionale sur la question de harcèlement sexuel devrait être élaborée et, une fois complétée, discutée avec la direction et le personnel du bureau régional et du CEC.

10. Du counselling professionnel devrait être mis à la disposition de M. Chuba afin d’assurer qu’il connaît les besoins, aspirations et sentiments des femmes, qu’il est sensibilisé à ces besoins, aspirations et sentiments, et qu’il est capable de faire face à leurs conséquences. Si nécessaire, les deux femmes impliquées devraient pouvoir se prévaloir d’un appui semblable...

La Pièce C- 9 datée du 8 avril 1981, est la réponse de M. Johnson à la plainte de Jane Kotyk, la décision ayant été prise sur la base des constatations du Comité et de la preuve soumise à l’audition de la plainte le 17 mars. Elle indique qu’il fut convenu que sa plainte de harcèlement sexuel était fondée. Les mesures correctives recommandées étaient les suivantes: (de la page 3 de la Pièce C- 9)

  1. Que le directeur soit immédiatement enlevé de son lieu de travail habituel pour une période de trois mois.
  2. Durant la période de son autre affectation, que le directeur ait l’occasion, sur le temps et aux dépens du gouvernement, de se prévaloir d’une forme quelconque de counselling que la direction juge appropriée afin d’assurer qu’il comprend la nature de l’infraction qu’il a probablement commise, et d’assurer qu’il comprend bien les conséquences probables en cas de récidive.
  3. Que vous, et les autres membres du personnel qui pourraient ressentir le besoin d’une assistance spéciale, puissiez vous prévaloir de counselling en vue de faire un réajustement et de vous intégrer convenablement au CEC de Yorkton.

> 49 4. Que la direction discute clairement et ouvertement de la question de harcèlement sexuel à des colloques de la direction et autres réunions, pour assurer que la direction et le personnel de surveillance comprennent les implications du harcèlement sexuel au travail.

5. Que le CEC de Yorkton, par l’intermédiaire de son directeur, obtienne l’aide spéciale pour son personnel, sous forme de counselling, en vue de rétablir des relations de travail efficaces dans un cadre de comportement axé sur la tâche.

6. Que, après une période de trois mois, la direction ré- évalue sa position en ce qui touche tous les points susmentionnés, et, en consultation avec les représentants syndicaux, qu’elle fasse tous les autres changements jugés nécessaires afin d’assurer que la plainte est vidée de façon satisfaisante.

Il est à noter que les plaintes visant la fraude et la mauvaise administration ont été rejetées, et aussi que les plaintes déposées par Kotyk et Allary devant la Commission canadienne des droits de la personne étaient datées du 8 février 1981.

(ii) Barbara Allary Les événements qui survinrent après la visite de Carol Porter le 19 janvier, quant à la plainte de Barbara Allary, sont très semblables à ceux relatés dans la cause de Jane Kotyk. Ms Allary a témoigné que lorsqu’elle fut mise au courant de la plainte de Ms Kotyk, elle discuta avec les femmes du bureau du harcèlement sexuel et de la situation générale dans le bureau. Il se peut qu’elle l’ait fait en sa qualité de présidente de son local syndical; suite à ces rencontres, le syndicat fut appelé à participer. Elle témoigna également qu’elle avait appelé Owen Brophy à Regina le 5 février, à environ 9h30, le même jour du dépôt des > 50 plaintes, disant que si M. Chuba n’était pas parti du bureau à midi, qu’elle irait à la presse. Elle témoigna que Joe Stephan était arrivé à 11h30 et avait avisé tout le personnel que M. Chuba était pour être relevé de ses fonctions.

Les événements relatés dans le témoignage de Jane Kotyk contre la CEIC valent également pour Barbara Allary. Néanmoins, alors que le Comité administratif d’enquête en arriva à la conclusion que les allégations de Ms Kotyk étaient fondées, il rejeta celles de Barbara Allary. A la page 260 de la Pièce C- 18 qui contient le rapport d’enquête du Comité, celui- ci s’exprime comme suit:

Le harcèlement sexuel allégué dans cette plainte reposait sur le fait que le directeur avait fait des avances sexuelles en trois occasions distinctes, alors qu’ils voyageaient ensemble par affaires. Le Comité n’a pas pu conclure que le directeur était coupable de harcèlement sexuel. Il en conclut néanmoins que son comportement n’était pas digne d’un agent de la Commission.

A l’appendice E du rapport (page 245), le Comité examine les faits de la plainte plus en détails. Bien que les membres du Comité aient cru ses déclarations quant à la survenance des incidents, ils étaient d’avis que ses refus n’avaient peut- être pas été assez clairs pour M. Chuba, et, selon leurs propres paroles, ... M. Chuba pourrait en être arrivé à la conclusion que le Non de Ms Allary n’était pas sans équivoque, et qu’il pourrait en avoir conclu qu’il valait la peine d’essayer une seconde et même troisième fois. Ils disent:

> 51 La façon dont Ms Allary a traité ses avances indique simplement qu’elle ne voulait pas se placer dans une situation qui lui permettrait de poursuivre la question. Par conséquent, elle s’est servie d’excuses pour ne pas qu’ils voyagent ensemble. Il n’avait toutefois aucun moyen de savoir qu’elle fabriquait des excuses pour ne pas voyager avec lui. Son refus de lui payer son millage pour des voyages qu’ils auraient pu faire ensemble était justifié, étant donné la politique régionale à l’effet que les employés doivent voyager dans le même véhicule lorsque faire se peut.

Il est également à remarquer que la plainte de Barbara Allary était rejetée, la raison étant indiquée dans la réponse à la plainte signée par Gil Johnson le 8 avril 1981, et qui fait partie de la Pièce C- 18 (page 231):

... Bien que selon l’information à ma disposition il n’est pas impossible qu’il y ait eu harcèlement sexuel, elle n’est définitivement pas suffisante pour confirmer la probabilité d’une telle survenance.

Constatations Ayant déjà décidé que le harcèlement sexuel constitue une activité interdite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la première question qui se pose est la suivante: Jack Chuba a- t- il sexuellement harcelé Jane Kotyk et Barbara Allary?

Bien qu’il ait été établi dans des décisions comme Bell et Torres en Ontario que l’interdiction de harcèlement sexuel peut aller très loin, la question de la ligne à tirer entre harcèlement et interactions sociales normales s’est avérée, dans une mesure plus > 52 ou moins grande, la pierre d’achoppement dans la plupart des causes. La décision Bell traite ce point spécifique, au paragraphe 1390 du rapport déjà cité.

Dans la décision Hufnagel c. Osama Enterprises Ltd. (supra), la commission manitobaine adoptait des critères semblables au paragraphe 8222:

(Traduction)

Je me dois de faire une mise en garde immédiatement. La Loi ne vise pas à interdire les discussions ou contacts normaux entre la direction et les employés, même s’ils sont de nature sociale. Il va sans dire que les relations interpersonnelles sont complexes et peuvent souvent être teintées de motivations subjectives. Chaque situation doit être examinée avec soin d’après les faits, pour établir si la conduite reprochée mérite sanction...

Dans Aragona c. Elegant Lamp Co. and Fillipitto (supra), la commission ontarienne faisait la proposition suivante:

(Traduction)

... Or, les références sexuelles grossières ou de mauvais goût ne constituent pas nécessairement une violation de l’article 4 du Code (ontarien) sur la base du sexe. La ligne du harcèlement sexuel est franchie seulement lorsque la conduite peut être perçue, dans une mesure raisonnable, comme une condition d’emploi apte à créer une atmosphère de travail qui appelle une intrusion non justifiée de la dignité sexuelle d’un employé en tant qu’homme ou femme.

Les facteurs qui distinguent l’idylle de bureau du harcèlement sexuel desquels il est question dans la cause Robichaud c. Brennan (supra), ont déjà été cités dans la présente décision.

> 53 Il est bien évident que la conduite de M. Chuba envers Jane Kotyk dépassait de beaucoup les limites de l’idylle de bureau. Elle couvrait toute la gamme d’activités interdites que décrit M. Shime dans Bell: ... actes flagrants basés sur la différence de sexe, tels que les rapports sexuels par contrainte, jusqu’aux contacts physiques non provoqués, aux propositions persistentes, au comportement plus subtil, comme les insultes et le sarcasme. En outre, M. Chuba a exploité la vulnérabilité de Ms Kotyk découlant de ses problèmes matrimoniaux, et sachant qu’elle avait peur de perdre son emploi, il a persisté dans son comportement sans l’aviser qu’elle avait alors la sécurité d’emploi. En sa qualité de directeur, sa conduite sur ce point était inexcusable. La question de savoir si Ms Kotyk avait réellement demandé à M. Chuba de compléter son évaluation reste en doute. Néanmoins, il a admis qu’il savait qu’elle se sentait dans l’insécurité face à son emploi; qu’elle avait peur de le perdre. Il alla jusqu’à lui promettre de ne jamais la congédier, mais n’a pas pris la mesure évidente de l’aviser, en tant que son directeur, qu’elle n’avait rien à craindre étant donné que sa période de probation était terminée. Il est évident que s’ils avaient une liaison sexuelle, comme il veut le faire croire, ou s’ils étaient des amis intimes, il l’aurait rassurée sur ce point.

L’incident de décembre ou du début janvier au cours duquel il signa éventuellement son évaluation, illustre de façon significative qu’il se servait de son évaluation pour la tenir en échec.

> 54 Elle a témoigné que le rapport de probation était sur son bureau, qu’il faisait des commentaires sur le sexe et quand elle lui a dit qu’elle n’était pas intéressée, il signa la formule en colère, et qu’elle quitta le bureau en pleurant. Cet incident, et d’autres relatés dans les témoignages, portent à croire qu’il y avait un lien entre ses demandes à Ms Kotyk et l’évaluation de travail de celle- ci. La conclusion évidente à tirer, est que lors de cette rencontre il s’est finalement rendu compte qu’elle ne voulait pas s’engager sexuellement avec lui, et qu’il signa l’évaluation réalisant qu’il ne gagnerait pas son point.

Sauf lorsqu’il la conduisit à Saskatoon pour retrouver son enfant qui avait été enlevé par son ex- mari, les tactiques de M. Chuba en rapport avec Ms Kotyk étaient insensibles, brusques et persistentes. Ses refus étaient constants et sans équivoque.

Le fait que Ms Kotyk se soit engagée dans des rapports sexuels avec lui à Foam Lake n’affaiblit pas la conclusion que la conduite de M. Chuba était discriminatoire. Son consentement était fondé sur la crainte de perdre son emploi, et avait été précédé par une ligne de conduite dont l’objet était de la gagner à l’usure, et qui avait atteint son but. La conduite s’était étendue sur une période de six mois, de façon constante et délibérée. Par ses méthodes, il semblait croire qu’en la diminuant et lui faisant des suggestions sexuelles constamment, il finirait par gagner sa confiance. Il ne fait aucun doute que la conduite de M. Chuba était relié au travail et qu’elle a entraîné des conséquences défavorable du côté travail. Je réfère spécifiquement à > 55 la lettre de réprimande et aux circonstances entourant l’évaluation.

Même si je devais en conclure qu’il n’y a eu aucune conséquence concrète sur l’emploi, il ne fait aucun doute que son atmosphère de travail a été empoisonnée. C’est dans la cause américaine Bundy c. Jackson, 641 F. (2d) 934 (U. S. Court of Appeals), que la théorie de l’atmosphère de travail empoisonnée a premièrement été énoncée. La cour a étendu au sexe la théorie de l’atmosphère discriminatoire des causes où la race était visée, en soutenant que le fait d’assujettir une femme à un stéréotype sexuel, aux insultes et aux propositions dégradantes empoisonnait illégalement son atmosphère de travail. Ce raisonnement a été suivi dans des décisions traitant de l’affront racial comme Dhillon (supra) et du harcèlement sexuel comme Brennan (supra) ainsi que dans d’autres décisions provinciales traitant de harcèlement. Dans le présent cas, l’atmosphère de travail était telle, qu’il aurait été presque impossible de continuer à travailler de façon normale. A cause des pressions de M. Chuba, le cadre de travail de Ms Kotyk devint intimidant, hostile et offensif. Du fait qu’elle n’ait pas quitté son emploi ou demandé d’être mutée, Ms Kotyk a fait preuve de ténacité et de force de caractère admirables. La conduite de M. Chuba à l’égard de Jane Kotyk constitue du harcèlement sexuel et, par conséquent, une distinction illicite fondée sur le sexe interdite par l’article 7 de la Loi.

> 56 Le cas de Barbara Allary contre Jack Chuba est moins clair. Dans les trois incidents dont elle a fait mention, son refus des avances de M. Chuba a été suffisant pour le décourager. J’ai accepté la version des faits de Ms Allary plutôt que celle de M. Chuba, y compris le fait qu’elle lui ait dit clairement et directement qu’elle ne voulait pas de ses avances. Le fait qu’il ait tenté de nouveau sa chance après l’incident de juillet est significatif. Après ces deux incidents, plutôt que de s’exposer à avoir à refuser une autre fois, sa réaction a été de fuir les situations où M. Chuba pourrait lui faire des propositions sexuelles. Celui- ci devait connaître la signification ordinaire du mot non. Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation du Comité administratif d’enquête à l’effet qu’il aurait pu ne pas se rendre compte que son non était sans équivoque et qu’il aurait pu se sentir justifié de tenter sa chance une seconde et même troisième fois. Les gens dans des positions comme celle de M. Chuba, directeur d’un bureau du gouvernement, doivent savoir que de prendre avantage de leurs employées comporte des risques énormes. C’est précisément ce genre de comportement que la Loi cherche à empêcher. Je réfère encore une fois à l’article 2 de la Loi, qui stipule que tous ont droit à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur ... le sexe.

Le refus de Ms Allary d’accepter les avances de M. Chuba a eu des conséquences d’emploi. Son emploi n’a pas été mis en danger, mais elle a été forcée de faire d’autres arrangements de voyage, >- 57 et ce, à ses propres dépens, afin d’éviter de voyager avec M. Chuba. C’était la bonne chose à faire dans les circonstances. Il n’a pas été mis en preuve que son atmosphère de travail ait changé, sauf pour ce qui est de la détérioration générale de l’atmosphère dans le bureau, ce qui n’est pas attribuable directement à la conduite de M. Chuba envers elle.

La conduite de M. Chuba en rapport avec Barbara Allary consistait en des propositions sexuelles non bienvenues et non provoquées à trois occasions différentes, et entraînait des conséquences défavorables sur l’emploi. Cette conduite constitue du harcèlement sexuel et, par conséquent, une violation de l’article 7 de la Loi.

Le cas des plaignantes contre l’intimée, la CEIC, comporte deux volets: 1) celle- ci est responsable, en tant qu’employeur, des activités de harcèlement sexuel de son personnel de surveillance; et 2) elle n’a pas pris les mesures pour fournir à ses employés un cadre de travail libre de harcèlement, ce qui est sa responsabilité directe.

La question de la responsabilité de la CEIC de la conduite de M. Chuba en tant qu’employeur de celui- ci, est difficile, et les causes antérieures sur le harcèlement sexuel dans les cours provinciales et fédérales ne nous aident pas beaucoup. Le procureur de l’intimée à soulevé la décision Nelson et al. c. Byron Price and Associates Ltd. 2 C. H. R. R. D/ 385 (B. C. C. A.), dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie- Britannique s’est penchée sur la > 58 question de la responsabilité déléguée en vertu du Code de la Colombie- Britannique sur les droits de la personne (British Columbia Human Rights Code). La cour a renversé la Commission d’enquête qui avait constaté la responsabilité déléguée d’un agent de location pour la conduite d’un concierge. Bien qu’une partie du fondement de la décision reposait sur le fait que le concierge n’était apparemment ni l’agent ni l’employé de l’intimé, la cour a dit qu’il n’y avait aucune preuve à l’effet que ce dernier aurait chercher à excuser la conduite, de sorte que si sa responsabilité était retenue, elle le serait en vertu du principe de responsabilité déléguée, et étant donné que le Code de la Colombie- Britannique ne prévoit pas de responsabilité déléguée à l’employeur pour les actions d’un employé, la réclamation devait être rejetée. La cour ajoutait que la question d’établir si l’employeur devrait être lié par une responsabilité stricte dans ces cas, relevait de la législature et non des cours.

Toutefois, il convient de noter les différences de formulation entre le Code de la Colombie- Britannique et la Loi canadienne. L’article 4 de la Loi canadienne prévoit que toute personne reconnue coupable d’actes discriminatoires peut faire l’objet des ordonnances prévues aux articles 41 et 42. L’article 7 de la Loi stipule: Constitue un acte discriminatoire le fait de défavoriser un employé, directement ou indirectement, pour un motif de distinction illicite. Dans son argumentation, M. MacLean, le procureur de l’intimée, s’exprimait comme suit: > 59 que les mots directement ou indirectement de l’article 7 soient ou non suffisants pour appliquer la responsabilité stricte à l’employeur, qu’ils introduisent ou non dans la loi le principe de la responsabilité déléguée, qu’en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il puisse ou non y avoir de responsabilité attribuable à l’employeur lorsque celui- ci n’a pas activement ou sciemment participé à l’acte discriminatoire. (page 9)

M. Juriansz ferait une distinction entre la décision Nelson et la présente cause, du fait que la cour n’a rien vu dans la loi qui puisse permettre d’appliquer le principe de responsabilité déléguée à l’employeur, alors qu’ici, le mot indirectement permet de le faire.

Plusieurs décisions rendues en vertu de la Loi fédérale stipulent que le mot indirectement implique qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’intention de discriminer pour établir une violation de la Loi. En autres mots, s’il s’agissait d’une accusation criminelle, la mens rea ne serait pas un élément nécessaire. Ce qui signifie que même si un intimé ne s’était pas rendu compte que ses actions étaient discriminatoires, mais qu’en fait elles l’étaient, il aurait enfreint la Loi. Les faits de la présente cause doivent être examinés en fonction de ce facteur. M. Chuba était le directeur du bureau de Yorkton, la personne directement responsable au bureau régional, le représentant de l’organisme dans la région de Yorkton. Ms Kotyk et Ms Allary étaient des employées, non pas de M. Chuba, mais de la CEIC. M. Chuba mettait à exécution, tant bien que mal, les politiques de la CEIC relatives à la probation, l’évaluation, les autorisations et remboursements de voyage. C’était > 60 dans l’exécution de ses fonctions qu’il voyageait en dehors de la ville avec Barbara Allary et Jane Kotyk; c’était dans l’exécution de ses fonctions qu’il devait surveiller la probation de Jane Kotyk et préparer son rapport d’évaluation.

L’intention du Parlement de rendre l’employeur responsable des actes discriminatoires de son personnel de surveillance se trouve dans l’article 7 de la Loi, sans nécessité de s’engager dans un processus d’interprétation tortueux, bien qu’il n’existe aucun précédent clair. Dans la plupart des causes où la responsabilité de l’employeur était retenue à cause des actes de ses surveillants ou employés, l’employeur et l’auteur de la conduite discriminatoire étaient la même personne. (Coutroubis c. Sklavos Printing, Mitchell c. Traveller Inn (Sudbury) Ltd., Cox and Cowell c. Jagbritte et al., Deisting c. Dollar Pizza et al., Torres c. Royalty Kitchenware Ltd. and Guercio, MacPherson et al. c. Mary’s Donuts and Doshoian, etc.) Dans la cause Brennan c. Robichaud, le tribunal de révision a retenu la responsabilité du Ministère de la Défence nationale ainsi que celle du contrevenant, mais il est à remarquer que dans cette décision les actions du Ministère en rapport avec la plaignante étaient pour le moins douteuses. Il n’avait pas fait enquête sur la plainte et avait pénalisé la plaignante pour avoir soulevé l’affaire. La question de la responsabilité de l’employeur est présentement devant la Cour fédérale.

Au paragraphe 1393 de la décision Bell and Korczak c. Ladas and The Flaming Steer Steak House (supra) l’énoncé à l’effet que l’employeur devrait être tenu responsable est clair:

> 61 (Traduction)

Si un contremaître ou suveillant discrimine au motif du sexe, la compagnie sera- t- elle tenue responsable? La loi ne laisse aucun doute que les compagnies sont responsables lorsque des membres de la direction, quel que soit leur rang, s’engagent dans d’autres formes d’activités discriminatoires. Les compagnies ont été tenues responsables lorsque des membres de la direction de rang inférieur se sont engagés dans des activités anti- syndicales ou ont fait une distinction illicite fondée sur la race ou la couleur. La même loi générale qui retient la responsabilité dans ces cas doit s’appliquer lorsque des membres d’un personnel de direction font une distinction illicite fondée sur le sexe. Par conséquent, je n’hésiterais nullement à trouver l’intimée corporative responsable d’une violation du Code si l’un de ses officiers s’était engagé dans un comportement interdit, en fait, la même responsabilité serait retenue s’il s’agissait d’un membre de la direction à un échelon inférieur.

Toutefois, dans cette décision, la question n’a pas été décidée étant donné que la plainte fut rejetée.

Le procureur des plaignantes cherche aussi à retenir la responsabilité de la CEIC pour n’avoir pas fourni un cadre de travail libre de harcèlement. Il souligne particulièrement le fait que la CEIC n’avait aucune politique ou directive en place visant le harcèlement sexuel, qu’elle n’avait pris aucune mesure pour aviser ses employés ou son personnel supérieur que le harcèlement sexuel était interdit, que l’attitude collective face à la plainte était de protéger le directeur plutôt que de prendre des mesures agressives pour que le comportement offensif cesse, et qu’elle n’a prévu aucune protection contre les représailles. La négligence peut- être la plus flagrante est la constatation qu’après que Ms Porter eut visité les plaignantes à Yorkton, après que M. Brophy et M. Hooker eurent commencé à s’occuper de l’affaire, > 62 après que les trois en eurent discuté avec M. Johnson, recommandant qu’une enquête soit faite sur les plaintes étant donné que M. Chuba semblait s’être comporté de façon inconvenable, M. Johnson décida de ne pas faire enquête. Sa réaction fut une rencontre officieuse à l’aéroport avec M. Chuba pour lui dire que s’il était engagé de quelque façon que ce soit avec Jane Kotyk, il devrait laisser tomber. Il est important de noter que c’est seulement après, que le syndicat entra dans l’affaire, et après l’appel téléphonique de Barbara Allary le 5 février menaçant d’aller à la presse, que Joe Stephan fut envoyé au bureau. Cette décision fut prise, non pas à cause des plaintes de harcèlement (bien qu’elles constituaient un facteur), mais à cause des plaintes relatives à la fraude et la mauvaise administration, et de la situation générale désespérante du bureau. C’est seulement après tout cela, lorsque la situation était nettement devenue hors contrôle, que le Comité administratif d’enquête fut mis sur pied pour enquêter sur toutes les plaintes.

Il est évident que M. Johnson, la personne directement responsable du déclenchement d’une enquête, n’avait pas l’impression que les plaintes de harcèlement sexuel étaient sérieuses, en dépit des recommandations de son personnel. Je ne veux pas insinuer que la conduite de l’employeur aurait nécessairement été à l’abri de tout reproche s’il avait enquêté sur les plaintes et trouvé qu’elles n’étaient pas fondées. Néanmoins, la décision de ne pas s’en occuper du tout est un point à relever. Cette décision porte à croire que le directeur du bureau régional trouvait la conduite > 63 de M. Chuba excusable. Les comptes rendus de la rencontre avec M. Johnson à l’aéroport confirment que M. Chuba n’a pas du tout pris les plaintes au sérieux. Par contre, en dépit de certains commentaires défavorables dans les témoignages quant à l’attitude de M. Hooker et Ms Porter, ceux- ci se sont rendus compte que les plaintes devraient faire l’objet d’une enquête et en ont faite la recommandation à M. Johnson.

Dans quelle mesure un employeur est- il responsable de fournir aux employés un cadre de travail libre de la crainte de harcèlement sexuel? En premier lieu, les directeurs et surveillants doivent eux- mêmes savoir que le harcèlement sexuel est interdit en vertu de la Loi. Lorsqu’une plainte est faite, elle doit être traitée comme une question sérieuse qui ne se règle pas avec une petite tape sur les doigts, mais qui pourrait être une violation de la loi. Les employeurs devraient aviser leurs employés que les idylles sexuelles qui ont, ou qui, dans une mesure raisonnable, pourraient sembler avoir, des conséquences sur l’emploi, soit directement, comme le congédiement, la perte de bénéfices, etc., ou indirectement, comme un effet défavorable sur l’atmosphère de travail, ne sont pas convenables. La distinction entre le flirt et le harcèlement devrait être clarifiée. Des mécanismes de plaintes devraient être mis en place, de sorte que les plaintes restent confidentielles sans crainte de représailles. Les employeurs ont la responsabilité d’informer leur personnel de surveillance et leurs employés de l’importance et des conséquences du harcèlement sexuel. C’est dans l’intérêt de tous, employeur et employé, qu’un comportement comme celui du présent cas ne > 64 puisse plus se reproduire. En résumé, j’en conclus que l’intimée doit accepter une responsabilité à la fois directe et indirecte, la première en vertu du fait qu’elle est responsable de la conduite discriminatoire d’un membre de son personnel de direction aux motifs énoncés, et la seconde à cause du défaut de fournir un cadre de travail libre de harcèlement ou de la crainte de harcèlement.

Le harcèlement sexuel, par sa nature même, est difficile à définir. Toutefois, l’énoncé suivant pourrait faire partie d’une définition, selon les causes canadiennes. Le harcèlement sexuel est un comportement fondé sur le sexe duquel découlent des conséquences défavorables sur l’emploi du plaignant ou de la plaignante. Les conséquences défavorables peuvent se traduire par un déni à l’égalité des chances d’épanouissement... (art. 2) à cause de la perte d’un bénéfice tangible qui est disponible à d’autres personnes dans des circonstances semblables, ou par la création d’une atmosphère de travail émotionnellement ou psychologiquement négative ou désagréable. Dans le cadre des termes susmentionnés, le harcèlement sexuel que fait un employeur lui- même, ou qu’il excuse ou permet dans un lieu de travail, constitue un acte discriminatoire en vertu des dispositions de la Loi. La question de savoir si les avances étaient non provoquées ou non bienvenues est objective, en ce qu’elle dépend des limites raisonnables et habituelles de l’interaction sociale compte tenu des circonstances du cas. Le plaignant ou la plaignante ne devrait pas avoir à prouver une résistance active ou autre réaction explicite à l’activité

> 65 dont il ou elle se plaint, mais seulement le refus ou le déni, à moins que, dans une mesure raisonnable, il n’ait été nécessaire de le faire pour persuader le contrevenant que l’activité était en fait importune ou excédait les limites de l’interaction sociale normale. Un seul acte non répété ne constitue vraisemblablement pas du harcèlement, à moins qu’il n’en résulte un déni ou une perte de bénéfice tangible disponible ou offert à d’autres personnes dans des circonstances semblables, ou à moins que l’acte n’équivaille à un assaut, ou que la proposition ne soit d’une nature si grossière ou obscène qu’elle pourrait raisonnablement être perçue comme ayant créé une atmosphère de travail émotionnellement ou psychologiquement négative ou désagréable. Une proposition ou suggestion normale n’aurait probablement pas cet effet. Dans cette mesure, j’adopte le dernier paragraphe qui a été cité de la décision Bell. Toutefois, un acte répété qui n’est pas nécessairement punissable, peut constituer du harcèlement lorsqu’il peut raisonnablement être perçu comme ayant créé un cadre de travail empoisonné.

Dommages L’article 4 de la Loi stipule que

Les actes discriminatoires prévus aux articles 5 à 13 peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de la Partie III et toute personne reconnue coupable de ces actes peut faire l’objet des ordonnances prévues aux articles 41 et 42. (l’emphase est ajoutée)

La partie pertinente de l’article 41 stipule: > 66

(2) A l’issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l’article 42, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire... (l’emphase est ajoutée)

Les exceptions prévues aux articles 41( 4) et 42 n’ont aucune incidence sur la présente cause.

Or, il semble qu’un tribunal ait le pouvoir d’émettre une ordonnance contre quiconque est reconnue coupable d’un acte discriminatoire, indifféremment de la qualité formelle ou désignée de cette personne dans la plainte originale ou dans les procédures mêmes.

Ce pouvoir apparemment illimité est, bien sûr, assujetti aux restrictions qu’imposent les règles de la justice naturelle, particulièrement celle qui veut qu’une personne bénéficie d’une audition juste. Avant d’émettre une ordonnance contre la personne, le tribunal est tenu de lui donner l’occasion d’entendre la preuve et les arguments présentés au nom du plaignant ou de la plaignante et de présenter sa propre preuve et ses arguments.

Dans le présent cas, M. Chuba est devenu partie à l’action à sa propre demande et après une discussion extensive sur la question. Il était représenté par avocat et a participé pleinement à toutes les procédures. Les exigences de la justice naturelle ont été satisfaites, et en vertu des articles 4 et 41( 2), le tribunal est compétent pour émettre une ordonnance contre lui, puisqu’il

> 67 a été reconnu coupable de conduite discriminatoire. Le pouvoir du tribunal d’accorder des dommages est prévu au troisième paragraphe de l’article 41, qui stipule:

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le tribunal, ayant conclu

a) que la personne a commis l’acte discriminatoire de propos délibéré ou avec négligence, ou

b) que la victime a souffert un préjudice moral par suite de l’acte discriminatoire, peut ordonner à la personne de payer à la victime une indemnité maximale de cinq mille dollars.

L’article 41( 3) de la Loi donne à un tribunal le choix d’accorder une compensation soit en vertu de l’alinéa a) pour la commission d’un acte discriminatoire avec négligence, ou en vertu de l’alinéa b) pour avoir infligé à la victime un préjudice moral. Il est impossible d’accorder les deux. Dans sa plainte, Jane Kotyk réclame des dommages de Jack Chuba en vertu de l’article 31( 3) a) pour la commission d’un acte discriminatoire avec négligence et de propos délibéré, au montant de $5,000; de Jack Chuba en vertu de l’article 41( 3) b) pour lui avoir infligé un préjudice moral, au montant de $5,000; et de la CEIC en vertu de l’article 41( 3) b), au montant de $5,000.

Il est évident de la preuve que Jane Kotyk a souffert un préjudice moral, particulièrement en ce qui touche sa dignité humaine.

> 68 J’ai relaté des passages du témoignage de Ms Kotyk qui décrivaient ses sentiments pendant et après ces incidents. J’ai qualifié la conduite de M. Chuba comme étant persistente, écrasante, délibérée et dégradante. Il s’agissait d’une conduite soutenue malgré des refus constants. Il devait savoir qu’elle était importune. Dans la décision Foreman c. ViaRail (1980) 1 C. H. R. R. D/ 223, le tribunal de révision expose les circonstances dans lesquelles les dommages de l’article 41( 3) b) devraient être accordés, et conclut en disant qu’ils devraient normalement être accordés, à moins qu’il n’existe une bonne raison de ne pas le faire. Dans la présente cause, il y a de bonnes raisons d’ordonner à M. Chuba de payer des dommages considérables. Il est pertinent de souligner que, en dépit de l’impact de la conduite de M. Chuba sur l’atmosphère de travail de Ms Kotyk, elle n’a ni perdu ni quitté son emploi en conséquence de cette conduite, et qu’elle n’a pas souffert de désavantage financier. Par contre, la sévérité et la nature désespérante de la conduite en question, semblerait annuler ces facteurs. En l’absence de directives, les compensations sont forcément arbitraires. Ayant pris en considération toutes les circonstances, ainsi que la nature des compensations accordées dans les décisions provinciales, j’établis le montant des dommages de Ms Kotyk contre M. Chuba en vertu de l’article 41( 3) b) à $2500.

Il est de mise que la CEIC soit responsable à Ms Kotyk pour le même montant, à cause de sa responsabilité indirecte pour la conduite de M. Chuba, et à cause de sa responsabilité directe > 69 d’avoir négligé de fournir un cadre de travail libre de la crainte de ce genre de conduite. S’il avait existé une forte politique ou pratique visant le harcèlement sexuel, les incidents qui ont conduit à ces plaintes ne seraient probablement pas survenus. Il est à espérer que, avec des exemples comme ceux- ci, les employeurs prendront les mesures appropriées pour empêcher que des choses semblables arrivent dans l’avenir.

Dans sa plainte, Barbara Allary demandait un remboursement de dépenses de voyage en vertu de l’article 41( 2) c); des dommages de Jack Chuba en vertu de l’article 41( 3) a) au montant de $1000, et en vertu de l’article 41( 3) b) au montant de $1000; et de la CEIC en vertu de l’article 41( 3) b) au montant de $1000. Je souligne de nouveau que les réclamations en vertu de l’article 41( 3) ne peuvent viser qu’un alinéa. Les dépenses de voyage réclamées représentent approximativement $60 en essence pour des voyages à l’extérieur de la ville, pour éviter le contact avec M. Chuba. Ces dépenses sont justifiées et la CEIC devrait les rembourser.

Il n’a pas été mis en preuve que Barbara Allary avait souffert un préjudice moral ou que sa dignité humaine avait été bafouée. Il est possible qu’elle ait souffert, mais il n’y a simplement rien dans la preuve pour justifier une compensation en vertu de l’article 41( 3) b). Néanmoins, je suis convaincue que M. Chuba s’est rendu coupable de la conduite dont il est question dans l’article 41( 3) a), de propos délibéré ou avec négligence, du fait > 70 qu’il savait ou aurait dû savoir que ses avances étaient importunes, mais a persisté malgré les refus de Ms Allary.

Les faits de la plainte de Barbara Allary sont beaucoup moins sérieux que ceux de celle de Ms Kotyk. Ms Allary n’a pas été victime du même sarcasme, intrusions personnelles, ou rapports sexuels forcés. Néanmoins, le fait qu’elle ait dû changer ses pratiques de voyage pour se rendre à l’extérieur de la ville est une preuve d’une atmosphère de travail empoisonnée, étant donné que ces voyages faisaient partie de son travail et que les changements qu’elle a dû faire pour éviter la conduite discriminatoire lui ont causé un désavantage financier. Le fait demeure que la CEIC n’avait aucune politique visant ce problème, et qu’elle a décidé de ne pas faire enquête, comme nous l’avons relaté plus tôt. Il reste quand même que les conséquences de ce manque de directives de la part du bureau régional n’ont pas été aussi sérieuses pour Barbara Allary que pour Jane Kotyk.

En vertu de l’article 41( 2) a), un tribunal peut, comme partie de son ordonnance, inclure une directive à une personne de mettre fin à l’acte et de prendre des mesures destinées à prévenir les actes semblables, et ce, en consultation avec la Commission relativement à l’objet général de ces mesures... Il s’agit ici d’un cas approprié pour une telle ordonnance.

Par conséquent, le tribunal ordonne que: > 71 1. Jack Chuba

  1. paie à la plaignante Jane Kotyk un montant de $2500 de dommages en vertu de l’article 41( 3) b) de la Loi;
  2. paie à la plaignante Barbara Allary un montant de $100 de dommages en vertu de l’article 41( 3) a) de la Loi.

2. la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (i) paie à la plaignante Jane Kotyk un montant de $2500 de dommages en vertu de l’article 41( 3) b) de la Loi; (ii) paie à la plaignante Barbara Allary un montant de $60 en remboursement de dépenses de voyage en vertu de l’article 41( 2) c) de la Loi;

(iii) entreprenne de mettre sur pied les politiques et pratiques nécessaires pour assurer que ses employés soient mis au courant de la loi en ce qui concerne le harcèlement sexuel.

Datée à Halifax, Nouvelle- Écosse, ce 20è jour d’avril 1983. Susan M. Ashley, tribunal

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