Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 6/98 Décision émise le 26 juin 1998

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE L.R.C. 1985, CHAP. H-6 (TELLE QUE MODIFIÉE)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

DEVANT : ELIZABETH A.G. LEIGHTON SHEILA M. DEVINE LINO SA PESSOA

ENTRE : NANCY GREEN Plaignante et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE Commission et

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA CONSEIL DU TRÉSOR DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA

Intimés _________________________________________________________________

DÉCISION DU TRIBUNAL _________________________________________________________________

TRIBUNAL : Elizabeth A.G. Leighton Sheila M. Devine Lino Sa Pessoa

COMPARUTIONS : Nancy Green, plaignante Margaret Rose Jamieson, avocate représentant la Commission canadienne des droits de la personne Josephine A.L. Palumbo, avocate représentant les intimés

AUDIENCE : du 13 au 17 janvier 1997 du 20 au 24 janvier 1997 le 21 mars 1997 du 24 au 27 mars 1997 du 27 au 30 octobre 1997 le 4 décembre 1997 Toronto, Ontario

INTRODUCTION

Le 4 septembre 1989, Nancy Green a saisi la Commission canadienne des droits de la personne de deux plaintes alléguant que, dans les deux cas, les actes discriminatoires étaient fondés sur une déficience, plus précisément la dyslexie dans le traitement des informations auditives.

Mme Green désigne le Conseil du Trésor, en tant que partie intimée, dans le premier cas, et la Commission de la fonction publique du Canada, dans le deuxième. Elle déclare dans la première plainte que l'acte discriminatoire a été commis à peu près à partir du mois d'octobre 1981. Elle explique que le Conseil du Trésor a exercé de la discrimination contre elle et les personnes de la même catégorie qu'elle en fixant une ligne de conduite susceptible d'annihiler leurs chances d'emploi et d'avancement à cause d'une déficience (la dyslexie dans le traitement des informations auditives) et ce, en contravention de l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Dans la deuxième plainte, la plaignante déclare que les actes discriminatoires ont été commis le ou vers le 30 décembre 1987 et le 5 janvier 1988. Elle allègue que la Commission de la fonction publique du Canada a exercé de la discrimination contre elle en la défavorisant dans la fourniture de services à cause d'une déficiene (la dyslexie dans le traitement des informations auditives) en contravention de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le 30 novembre 1989, cette plainte a été modifiée pour se lire en contravention de l'article 7 de la Loi sur les droits de la personne.

En mai 1996, Développement des ressources humaines Canada, ci-après appelé DRHC, était ajouté en tant que partie intimée. Cette modification a été apportée à la demande de la Commission canadienne des droits de la personne et ni DRHC ni l'avocate des parties intimées désignées, soit le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique du Canada, n'ont formulé d'objections.

Après de nombreuses années, à la suite de son enquête sur les plaintes déposées le 4 septembre 1989 et d'une tentative de conciliation, la Commission canadienne des droits de la personne a renvoyé les plaintes au tribunal des droits de la personne.

L'audience a commencé en janvier de 1997 et le tribunal désigné recevait les arguments écrits en février de 1998.

LES FAITS

En 1975, Nancy Green a commencé à travailler pour le gouvernement fédéral du Canada. L'Université de Waterloo lui avait décerné un baccalauréat ès sciences en 1973. Son premier emploi, à titre de conseillère en main-d'oeuvre à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (maintenant DRHC), se situait au niveau 2 de la catégorie PM. La désignation PM-2 fait partie d'un système de classification mis en place par le gouvernement fédéral pour son personnel.

Mme Green est restée dans la fonction publique, progressant dans sa carrière à mesure qu'elle acquérait de l'expérience. Entre juin 1980 et juin 1983, dans le cadre de son poste officiel, elle exerçait conjointement avec une autre personne les fonctions de secrétaire du Comité des besoins fédéral-provincial (Commission de l'emploi et de l'immigration). Pendant cette période, elle a reçu une affectation spéciale, à savoir un poste de gestionnaire à la Commission de l'emploi et de l'immigration, pendant une période de ralentissement économique. De juin 1983 à mars 1985, Mme Green a occupé le poste de coordonnatrice des relations intergouvernementales et extérieures et, d'avril 1985 à janvier 1987, un poste de gestionnaire dans le service de l'Intégration professionnelle à la Commission de l'emploi et de l'immigration. En février 1987, elle devenait directrice intérimaire du programme Intégration professionnelle, un poste de niveau PM-5, toujours à la Commission.

Elle a quitté son poste avant de pouvoir suivre un cours de gestion intermédiaire en raison d'un congé de maternité. C'est pendant ce congé de maternité qu'elle a appris qu'un concours interne avait été lancé pour combler le poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, un poste de niveau 6 de la catégorie PM, à la Commission de l'emploi et de l'immigration. Le poste l'intéressait. Elle a donc présenté sa candidature. Étant donné qu'il s'agissait d'un concours interne, seules les personnes déjà au service du gouvernement fédéral y étaient admissibles.

Le poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, était le poste de gestion d'un service administratif et consultatif mis sur pied par la Commission de l'emploi et de l'immigration aux fins de l'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi du fédéral en Ontario. Cette mesure ciblait les femmes, les minorités visibles, les personnes handicapées et les autochtones. Le Service avait pour objectif d'augmenter la représentation des groupes désignés à tous les niveaux d'emploi dans la province.

Le poste avait été désigné poste bilingue à nomination non impérative suivant les règlements du gouvernement fédéral, ce qui signifie que le candidat choisi n'a pas à être bilingue au départ pour occuper le poste, mais qu'il doit accepter de le devenir au niveau attribué au poste au cours d'une période prévue par la politique sur l'apprentissage d'une langue seconde. Dans le cas qui nous occupe, le poste exigeait une compétence de niveau B en français pour ce qui est de la lecture et de la rédaction et de niveau C (le niveau le plus élevé) pour ce qui est de la communication verbale. La désignation bilingue du poste avait été établie par le Ministère à un moment donné avant le concours.

La candidature de Mme Green a été retenue à la présélection. En d'autres termes, son nom a été mis sur une liste restreinte de candidats admis à une entrevue. Outre l'entrevue personnelle, elle a participé à un exercice de la corbeille et a été notée par le jury de sélection. À la fin de cette étape du concours interne, Mme Green se classait au premier rang sur le plan des connaissances, des capacités et des qualités personnelles. Deux autres personnes ayant fait l'objet d'une entrevue étaient aussi qualifiées.

Le 31 décembre 1987, on envoyait Mme Green à la séance d'orientation conçue par la Commission de la fonction publique pour vérifier si les candidats étaient en mesure de répondre aux exigences de la politique du Conseil du Trésor concernant l'apprentissage d'une langue seconde. Mme Green, n'étant pas une candidate bilingue, devait recevoir une formation lui permettant d'accéder au niveau de compétence BB/C en français. Le poste étant jugé non impératif, elle aurait la possibilité de suivre le cours conformément à la politique établie par le Conseil du Trésor. En suivant le cours avec succès, elle se qualifiait pleinement pour occuper le poste, ce qui permettait au jury de sélection de rendre une décision.

Dans la politique du Conseil du Trésor concernant l'apprentissage d'une langue seconde, l'anglais ou le français, par les fonctionnaires fédéraux, un nombre maximal d'heures de formation est prévu pour chaque niveau de compétence exigé. Parce que les cours se suivent pendant les heures ouvrables et aux frais du gouvernement, la politique a voulu concrétiser les dépenses liées à la formation en mettant une banque d'heures à la disposition du personnel visé.

Comme nous l'avons signalé antérieurement, la Commission de la fonction publique a fait subir aux candidats à l'apprentissage d'une langue seconde les tests visant à déterminer leur capacité d'apprendre dans les délais prévus. Les tests se fondent sur le test américain appelé Test d'aptitude aux langues vivantes, ci-après appelé le TALV, et deux subtests Pimsleur, tous établis expressément pour indiquer le degré probable de succès d'une personne dans l'apprentissage d'une langue seconde (suivant l'édition de 1959 du guide concernant le TALV, p. 3).

Les tests mesurent précisément ce que, John B. Carroll, créateur du TALV, a décrit comme étant des prédicteurs des capacités jugées nécessaires pour bien apprendre une langue étrangère dans un délai rentable. Ces variables prédictives précises du TALV et des subtests Pimsleur comprennent les capacités au regard de la discrimination phonèmes-symboles, de la mémoire des sons vocaux, et de la structure grammaticale. Le TALV a été créé aux États-Unis par John Carroll, Ph. D. Il est fondé sur sept éléments que celui-ci jugeait importants pour l'analyse de la capacité d'apprendre une langue étrangère d'une personne, soit :

  1. l'aptitude à la communication verbale,
  2. l'intérêt pour la langue,
  3. la mémoire associative,
  4. l'association phonèmes-symboles,
  5. la capacité d'apprentissage inductif des langues,
  6. la sensibilité grammaticale,
  7. la vitesse d'association.

Le groupe de référence initial du TALV se composait d'hommes et d'enfants américains dont la langue maternelle était l'anglais. Au moment où le Canada a acheté le TALV pour l'utiliser au pays peu après l'adoption de la Loi sur les langues officielles, le test était standardisé pour les fonctionnaires fédéraux anglophones.

Les tests auxquels Mme Green a été soumise le 31 décembre 1987 ont indiqué qu'elle n'aurait pas été capable d'apprendre le français dans le délai alloué par la politique sur l'apprentissage d'une langue seconde pour l'atteinte du niveau de compétence BB/C. À la suite d'une entrevue avec Mme Françoise Thexton, prévue pour analyser l'aptitude à apprendre une langue seconde, elle a appris que le pronostic était négatif. Mme Thexton avait vérifié ce résultat auprès de son surveillant, M. Joyal, avant d'en discuter avec elle pendant les entrevues verbales.

Pour recevoir un pronostic positif, le candidat à la formation permettant d'atteindre le niveau C doit obtenir une note globale minimale de soixante pour cent dans les tests, sans variation marquée entre les résultats obtenus dans les divers subtests. Les résultats de Mme Green la plaçaient dans le dernier cinquième des rangs-centiles. Le pronostic était donc négatif. Par conséquent, elle n'était pas admissible à participer au programme de formation à plein temps prévu pour permettre aux fonctionnaires fédéraux d'apprendre la langue seconde, exigence lui permettant de se qualifier pour occuper le poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi. En dépit de cet échec au regard de sa candidature au poste, Mme Green a été nommée gestionnaire intérimaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada en janvier 1988.

Elle a occupé ce poste jusqu'en janvier de 1989. Pendant cette période, on a essayé dans le Ministère où elle travaillait de comprendre les raisons du pronostic négatif et de trouver un moyen de trouver une solution appropriée au problème. Mme Green s'était tournée vers son Ministère employeur pour qu'il l'aide à comprendre ses résultats aux tests d'aptitude à l'apprentissage d'une langue seconde. Au cours de l'entrevue prévue par le processus d'orientation, Mme Thexton, la conseillère du processus d'orientation, lui avait dit croire qu'elle était atteinte d'un trouble d'apprentissage. C'était la première indication de la possibilité qu'elle soit atteinte d'un trouble d'apprentissage.

Mme Corinne Palmer, agente de l'Équité en matière d'emploi du Service de counsellling, Équité en matière d'emploi, a pris les mesures voulues pour faire examiner Mme Green aux frais du Ministère. L'examen visait expressément à vérifier si elle était effectivement atteinte d'un trouble d'apprentissage. En mars 1988, la docteure Bernice Mandelcorn, psychologue agréée de l'Ontario, spécialisée, entre autres, dans le domaine des troubles d'apprentissage l'a examinée et diagnostiquée comme souffrant d'un trouble d'apprentissage particulier — la dyslexie dans le traitement des informations auditives, c'est-à-dire les aptitudes concernant la discrimination auditive, la mémorisation auditive mécanique et la mémorisation auditive séquentielle (p. 6 de l'évaluation psychopédagogique établie par la docteure Mandelcorn).

Presque tout de suite après avoir reçu le rapport de la docteure Mandelcorn et le diagnostic précisant le trouble d'apprentissage dont souffrait Mme Green, le Ministère a pris des mesures en vue d'inscrire celle-ci au programme d'apprentissage d'une langue seconde malgré le pronostic négatif. Toutes ces démarches étaient fondées sur l'acceptation du diagnostic de la docteure Mandelcorn concernant le trouble d'apprentissage dont Mme Green était atteinte.

Le personnel du Ministère n'a cependant pas réussi à communiquer cette acceptation au personnel de la Commission de la fonction publique. Pour la Commission de la fonction publique, le processus d'orientation et les tests d'aptitude linguistique en particulier indiquaient tout simplement un faible degré d'aptitude à l'apprentissage d'une langue seconde, ce faible degré d'aptitude expliquant le pronostic négatif. Elle n'a pas tenu compte du rapport de la docteure Mandelcorn ou du diagnostic de trouble d'apprentissage, les considérant simplement comme une autre façon de dire que Mme Green avait un faible degré d'aptitude à l'apprentissage d'une langue seconde.

Le Ministère a donc pris des dispositions pour faire subir un autre examen à Mme Green. Le docteur W.G. Ford, un psychologue agréé de l'Ontario, spécialisé dans le domaine de la psycholinguistique, a présenté, en fin de compte, à la suite de cinq entretiens avec elle, son évaluation en date du 19 septembre 1989. Ces entretiens comprennent l'entretien initial, deux séances d'évaluation et deux séances portant sur la présentation des résultats. Toutes les séances se sont déroulées en français et comportaient des tests psychologiques et des exercices écrits, tels que la rédaction d'histoires et de résumés. Dans l'évaluation finale, le docteur Ford mentionne que Mme Green souffre d'un trouble d'apprentissage caractérisé par un trouble de la mémoire auditive séquentielle et présente une série de recommandations concernant l'apprentissage à temps plein du français en ce qui la concerne.

Le Ministère a allouée des ressources permettant à Mme Green de suivre des cours de français personnalisés à l'automne de 1988. Après janvier 1989, Mme Green a suivi des cours de français du soir payés par le Ministère. Elle a réussi à passer au deuxième semestre de cours du soir parce qu'elle avait réussi à faire le travail prévu pour le premier semestre pendant son cours de français personnalisé. Lorsqu'elle a rencontré le docteur Ford à l'automne de 1989, elle a pu participer à ses évaluations en utilisant exclusivement le français. Le docteur Ford signale dans son témoignage qu'en peu de temps, Nancy Green a acquis une compétence d'un niveau correspondant à celui d'un élève de cinquième à la septième année sur le plan de la lecture, de l'écriture et de la communication verbale en français (transcription, page 640). En d'autres termes, grâce à sa capacité d'apprendre le français, Mme Green est passée de l'ignorance totale du français au niveau d'un élève de cinquième à la septième année pendant la période de ses cours à temps partiel de français en 1988 et 1989.

Pendant la partie de l'entrevue du processus d'orientation, Mme Thexton avait conseillé à Mme Green d'essayer d'apprendre le français par ses propres moyens. Elle pensait qu'une fois que celle-ci aurait appris un peu de français, elle pourrait se présenter à une autre entrevue et obtenir, peut-être, un pronostic positif si elle connaissait suffisamment le français pour indiquer qu'elle avait des possibilités raisonnables de suivre avec succès le programme de français à temps plein. Mme Thexton a indiqué dans son témoignage que cette stratégie avait été utilisée par d'autres personnes qui avaient reçu un pronostic négatif. Elle ne pouvait toutefois se rappeler avec certitude avoir mentionné à Mme Green qu'elle n'aurait pas à subir d'autres tests si elle demandait une nouvelle entrevue après avoir suivi des cours de français à temps partiel.

Mme Green allègue pour sa part qu'elle ignorait qu'une deuxième entrevue aurait pu annuler le pronostic négatif établi à son égard si elle avait pu prouver au cours d'une entrevue qu'elle était effectivement en mesure d'apprendre le français au niveau BB/C dans le délai accordé.

Selon la preuve, le personnel du Ministère où travaillait Mme Green ne connaissait pas ou n'a pas utilisé cette stratégie dans ses démarches visant à trouver une solution à son dilemme, à savoir qu'elle ne serait pas admissible au poste de niveau PM-6 si le pronostic négatif la rendait non admissible à une participation aux cours à temps plein lui permettant de devenir bilingue, une des qualités requises pour le poste.

En décembre 1988, Mme Green obtenait la confirmation de la cessation de l'exercice de ses fonctions de gestionnaire intérimaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, et du fait que sa candidature ne serait pas retenue parce qu'elle ne pouvait satisfaire aux exigences linguistiques du poste. En février 1989, elle devenait conseillère industrielle au niveau PM-5, Services d'adaptation, DRHC.

Le 16 décembre 1988, Mme Green interjetait appel devant le comité d'appel de la Commission de la fonction publique de la décision relative au concours et de sa disqualification, alléguant une mauvaise évaluation de ses qualités. Le 23 février 1989, A.H. Rosenbaum, président du comité d'appel de la Direction générale des appels et enquêtes de la Commission de la fonction publique, autorisait son appel et recommandait de ne pas faire de nomination dans le cadre du premier concours. Compte tenu du fait qu'il s'était écoulé une année et demie depuis ce concours, il recommandait le lancement d'un nouveau concours.

La recommandation n'a pas été suivie. Au lieu de lancer un nouveau concours, DRHC a comblé le poste auquel la plaignante avait présenté sa candidature à l'automne de 1987 en nommant un employé excédentaire au poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi.

Depuis février 1989, Mme Green occupe le poste de conseillère industrielle. Même si elle a présenté sa candidature à des postes de niveau PM-6 et EX-1 qui se sont ouverts en 1996 suite à la restructuration, elle n'a atteint l'étape de l'entrevue d'aucun des concours ou processus.

Mme Green a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne en septembre de 1989. Pendant la conciliation découlant de la plainte, le docteur Ford a établi une deuxième évaluation psychopédagogique, en mars de 1995, après l'avoir rencontrée et lui avoir fait subir des tests. Cette nouvelle évaluation a été faite à la suite de quatre séances supplémentaires. Le Secrétariat du Conseil du Trésor avait demandé cette deuxième évaluation expressément pour définir les interventions et la formation précises dont Mme Green avait besoin pour apprendre le français...afin de déterminer la méthode de formation la plus efficace dans son cas et d'obtenir une opinion sur les chances de succès que lui offrait cette méthode (voir la lettre du 16 décembre 1994 à la Commission canadienne des droits de la personne).

Dans son rapport de 1995, le docteur Ford proposait dix-sept mesures. Par la suite, il a examiné les documents d'évaluation, la documentation et les vidéocassettes que M. Pierre Pronovost, directeur de Politiques - Langues officielles, une division du Conseil du Trésor, lui avait fait parvenir afin de lui permettre de comprendre mieux les méthodes utilisées par le gouvernement fédéral pour enseigner une langue seconde au personnel.

Après avoir examiné ces documents, le docteur Ford a modifié ses propositions, indiquant, qu'à son avis, Mme Green pouvait suivre avec succès, dans le délai alloué, les cours de langue seconde donnés au moyen des méthodes d'enseignement en place dans les centres de formation destinés aux fonctionnaires fédéraux. À son avis, six heures de consultation entre les moniteurs chargés de la formation de Mme Green et un orthopédagogue permettraient d'appliquer des méthodes de contrôle et d'intervention efficaces pendant la période de formation. À ce jour, Mme Green n'a suivi aucun cours de français à temps plein financé par le gouvernement fédéral. ANALYSE DU DROIT LE DROIT

La plainte déposée par Nancy Green contre le Conseil du Trésor et Développement des ressources humaines Canada à des fins correctives est fondée sur l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ci-après appelée la Loi, qui se lit comme suit :

10. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite et s'il est susceptible d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus, le fait, pour l'employeur, l'association patronale ou l'organisation syndicale :

  1. de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite;
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation, l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un emploi présent ou éventuel.

La plainte de Nancy Green, à des fins correctives, contre la Commission de la fonction publique et Développement des ressources humaines Canada est fondée sur l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui se lit comme suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d'emploi.

Dans les deux cas, le motif de distinction illicite mentionné est la déficience, savoir la dyslexie dans le traitement des informations auditives. L'article 3.(1) de la Loi se lit comme suit :

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

À l'article 25 de la Loi, la déficience est définie comme suit :

«déficience» Déficience physique ou mentale, qu'elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l'alcool ou la drogue.

Toutes les parties admettent que cette définition comprend un trouble d'apprentissage. Dans l'interprétation des questions comportant des allégations de discrimination fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne, il faut tenir compte de l'objet. Dans Action Travail des Femmes c. Canadian National Railway C., [1987] 1 R.C.S. 1114, le juge en chef Dickson signale, à la page 1134, que «Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale losqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets.»

À la page 1136 de cette décision, il cite le juge McIntyre qui, dans Winnipeg School Division No. 1 c. Craton [1985] 2 R.C.S. 150, déclare :

Une loi sur les droits de la personne est de nature spéciale et énonce une politique générale applicable à des questions d'intérêt général. Elle n'est pas de nature constitutionnelle, en ce sens qu'elle ne peut pas être modifiée, révisée ou abrogée par la législature. Elle est cependant d'une nature telle que seule une déclaration législative claire peut permettre de la modifier, de la réviser ou de l'abroger, ou encore de créer des exceptions à ses dispositions.

Citant la décision rendue dans l'affaire de la Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears [1985] 2 R.C.S. 536, il poursuit en disant à la page 1136 :

Une loi de ce genre est de nature spéciale. Elle n'est pas vraiment de nature constitutionnelle, mais elle est certainement d'une nature qui sort de l'ordinaire. Il appartient aux tribunaux d'en rechercher l'objet et de le mettre en application. Le Code vise la suppression de la discrimination.

L'objet de la Loi est énoncé clairement à l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui se lit comme suit :

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Comme l'explique le juge en chef Dickson à la page 1234 de la décision rendue dans l'affaire de Brooks c. Canada Safety Ltd [1989] 1 R.C.S. 1219 et citant un extrait de la décision rendue dans l'affaire d'Action Travail des Femmes, supra :

...la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. ...il y a discrimination directe lorsqu'un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. (Central Alberta Dairy Pool c. la Commission des droits de la personne de l'Alberta [1990] 2 R.C.S. 489, pages 505 et 506).

La discrimination indirecte ou découlant d'un effet préjudiciable se produit lorsqu'un employeur adopte, pour des raisons d'affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations et des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés. (Alberta Dairy Pool, citation tirée de la décision O'Malley, supra, pages 505 et 506.)

Aux pages 506 et 507 de la décision rendue dans l'affaire Alberta Dairy Pool (supra), la juge Wilson ajoute la précision suivante : Une condition d'emploi adoptée honnêtement pour de bonnes raisons économiques ou d'affaires, également applicable à tous ceux qu'elle vise, peut quand même être discriminatoire si elle touche une personne ou un groupe de personnes d'une manière différente par rapport à d'autres personnes auxquelles elle peut s'appliquer.

De fait, elle indique à la page 507 qu' il faut remarquer qu'il n'est pas essentiel que la règle de travail à laquelle s'applique l'obligation d'accommodement soit raisonnablement nécessaire", c'est-à-dire qu'elle soit une EPN. Il importe seulement qu'elle soit une condition ou [...] une règle qui est raisonnablement liée à l'exécution des fonctions".

NORME ET FARDEAU DE LA PREUVE

Les parties conviennent que dans un cas de cette nature, il incombe au plaignant de faire la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire de l'existence de discrimination selon toute probabilité. Dans un cas de discrimination directe, une fois cette étape franchie, la partie intiméee doit prouver que la mesure discriminatoire était justifiée selon la prépondérance des probabilités. (Voir la décision rendue dans l'affaire de la Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, page 208, et dans l'affaire de la Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley, supra, page 558.)

Dans le cas de la discrimination indirecte, une fois que le plaignant a établi l'existence de discrimination selon toute probabilité, c'est à l'employeur qu'incombe le fardeau de prouver qu'il s'est efforcé de tenir compte [de la déficience, dans le cas qui nous occupe] du plaignant, sans s'imposer de contrainte excessive. (Voir Alberta Dairy Pool, supra, à la page 520.)

À la page 558 de la décision rendue dans l'affaire O'Malley (supra), le juge explique que la preuve suffisante jusqu'à preuve du contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

Dans le cas présent, les parties intimées soutiennent dans leur argumentation écrite que trois critères permettent de vérifier si la preuve est suffisante jusqu'à preuve contraire dans un cas comme celui qui nous occupe. Il faudrait, à leur avis, adopter les critères décrits dans la décision rendue dans l'affaire Folch c. Canadian Airlines International, (1992) 17 C.H.R.R. D/261 (CHRT), dans l'affaire Shakes c. Rex Pak Ltd (1981) 3 C.H.R.R. D/1001 et dans l'affaire Grover c. le Conseil national de recherches du Canada, 92 C.L.L.C/7046 (CHRT). Ces causes indiquent que pour établir la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire de l'existence de discrimination dans le cas d'une plainte liée à l'emploi, il faut généralement prouver :

  1. que le plaignant était qualifié pour l'emploi donné;
  2. qu'il n'a pas été engagé;
  3. qu'une autre personne dont les qualités ne sont pas supérieures aux siennes et ne possédant pas la caractéristique particulière constituant le fondement de l'action liée aux droits de la personne a obtenu le poste ultérieurement.

Le tribunal préfère accepter la définition d'une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire énoncée par le juge McIntyre de la Cour suprême du Canada dans la décision concernant l'affaire O'Malley (supra), qui se lit comme suit :

La preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

ANALYSE

I Cause prima facie

La plaignante a-t-elle prouvé de façon suffisante jusqu'à preuve contraire qu'elle a fait l'objet de discrimination en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne selon ce qu'elle allègue dans la plainte?

Comme nous l'avons signalé dans l'explication des faits sur lesquels repose la plainte, toutes les parties s'entendent sur les points suivants :

  1. Nancy Green s'est portée candidate au poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, un poste bilingue à nomination non impérative de niveau 6 de la catégorie PM de la fonction publique fédérale.
  2. Antérieurement au processus d'orientation, Nancy Green se classait première parmi les candidats ayant fait l'objet d'une entrevue.
  3. Nancy Green a participé au processus d'orientation créé par la Commission de la fonction publique pour choisir les candidats dont l'aptitude linguistique permet de croire qu'ils ont de bonnes possibilités de suivre avec succès le programme d'enseignement d'une langue seconde financé par le gouvernement fédéral.
  4. Le processus d'orientation comporte deux parties. La première partie, fondée sur le TALV et les subtests Primsleur, s'est déroulée dans un local qui pourrait être décrit comme étant un laboratoire de langues type. On a utilisé un casque d'écoute et les réponses devaient être fournies verbalement et par écrit. Le test a eu lieu le 31 décembre 1987. La deuxième partie du processus d'orientation consistait en une entrevue avec un conseiller en orientation. L'entrevue s'est tenue le 5 janvier 1988.
  5. En raison du résultat qu'elle avait obtenu dans la partie du test de discrimination auditive du processus d'orientation, Nancy Green se classait parmi les candidats du dernier cinquième des rangs-centiles, bien au-dessous de la limite lui permettant d'être acceptée dans le programme d'enseignement des langues secondes suivant la politique du Conseil du Trésor. L'entrevue réalisée dans le cadre du processus d'orientation a confirmé ce rang-centile.
  6. Une fois le processus terminé, Nancy Green a reçu un pronostic négatif. Elle a été jugée non admissible au cours d'enseignement d'une langue seconde à temps plein financés par le gouvernement fédéral.
  7. Le pronostic négatif signifiait que Nancy Green ne pouvait se qualifier en vue de satisfaire à l'exigence linguistique du poste PM-6. Son nom n'a pas été inscrit sur la liste d'admissibilité établie à la suite du concours portant sur le poste en question.
  8. Quelques mois après ce pronostic négatif, la docteure B. Mandelcorn a fait subir un test à Nancy Green à la demande et aux frais du Ministère. Selon le diagnostic de la docteure Mandelcorn, Nancy Green était atteinte d'un trouble d'apprentissage, savoir la dyslexie dans le traitement des informations auditives.

Le tribunal doit examiner attentivement le processus d'orientation, car il a une grande incidence sur la décision concernant la plainte et sur le fardeau qui incombe à la plaignante de faire la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire de l'existence de discrimination selon toute probabilité.

Conformément à l'article 46 (1) de la Loi sur les langues officielles, le Conseil du Trésor est chargé de la coordination et de l'élaboration générales des principes et des programmes concernant les langues officielles dans les institutions fédérales. Une des politiques du Conseil du Trésor porte sur les cours de langue. Cette politique définit le nombre maximal d'heures allouées à un candidat pour suivre un cours de langue aux frais du gouvernement et pendant les heures ouvrables pour l'atteinte d'un niveau de compétence particulier dans la langue seconde. Les niveaux de compétence exigés dans le cas de tout poste bilingue à nomination non impérative sont désignés par les agents du ministère où se situe le poste.

Le nombre maximal d'heures représente le temps accordé pendant les heures de travail et payé au moyen de ressources attribuées à la Commission de la fonction publique à cette fin. (Voir la page 1794 de la transcription.) Cette politique a été mise en vigueur en 1977.

En 1987-1988, une période pouvant aller jusqu'à 15 mois, mais ne devant pas dépasser douze mois consécutifs, était allouée dans le cas d'un poste comportant des exigences linguistiques de niveau BB/C. Le 30 novembre 1988, le nombre des heures allouées pour l'atteinte de ce niveau avait été établi à 1 860. En outre, la politique sur l'allocation d'heures comporte une mesure discrétionnaire permettant de prolonger en tout temps, de six semaines, la période pour les élèves à temps plein arrivant à la fin de leur programme, qui ont besoin de plus de temps pour obtenir de bons résultats.

Le Conseil du Trésor a délégué à la Commission de la fonction publique l'enseignement effectif des langues secondes à l'intérieur des paramètres de cette politique. Avant de commencer leur cours, les candidats doivent faire l'objet d'une évaluation de leur aptitude linguistique visant à déterminer leurs possibilités de suivre avec succès le programme d'apprentissage de la langue seconde. Le Centre de psychologie du personnel de la Commission de la fonction publique fait subir les tests servant à déterminer si les candidats possèdent le degré d'aptitude linguistique nécessaire.

Le tribunal doit donc examiner avec soin les tests d'aptitude linguistique utilisés au cours du processus d'orientation. Mme Thexton a décrit ces tests de façon assez détaillée dans son témoignage.

TALV

  1. Apprentissage des nombres - phonèmes de la langue kurde - vérifie la mémoire à court terme des phonèmes entendus - très rapidement - exige la capacité d'établir des séries grâce à ses aptitudes auditives
  2. Transcription phonétique - phonèmes entendus dans une langue phonétique conçue expressément pour le test - mesure la capacité d'associer des phonèmes et des symboles - exige la capacité de se souvenir de phonèmes n'ayant pas de sens connu
  3. Indices orthographiques - mesure l'association de phonèmes et de symboles auxquels un sens est ajouté - test à très grande vitesse
  4. Mots dans des phrases - mesure la sensibilité à la structure grammaticale - exige une compréhension intuitive de la grammaire
  5. Association de couples - phonèmes de la langue kurde - mesure la mémoire à court terme et la mémoire sélective - exercice à fondement visuel comportant l'association de phonèmes du kurde au sens qu'ils ont dans la langue anglaise

Ces tests font l'objet d'une pondération aux fins de l'établissement du score final; les troisième et quatrième parties ont une valeur supérieure dans la notation.

TEST PIMSLEUR (subtests 5 et 6 seulement)

5) - test de discrimination des phonèmes (plus précisément du ton, - se fait au moyen d'une langue africaine.

6) - test de codage et d'association de phonèmes et de symboles, - on utilise des mots qui ne veulent rien dire.

Comme nous l'avons signalé ci-dessus, les tests semblent être centrés principalement sur la mémoire auditive séquentielle et l'association de phonèmes et de symboles. Le docteur Ford, le psychologue qui a administré la première, ainsi que la deuxième série de tests en 1995 à Mme Green, et qui a présenté un témoignage d'expert au sujet des troubles d'apprentissage et plus précisément de celui dont souffre la plaignante, a trouvé à redire aux tests d'aptitude linguistique qui donnent une définition très étroite de l'aptitude relativement à la mémoire auditive séquentielle. La définition de l'aptitude, je crois, est très limitée, donc restreinte et discriminatoire envers les personnes souffrant d'une déficience dans le traitement des informations auditives. (Transcription, à la page 686.) Il mentionne dans son témoignage que les personnes atteintes d'un trouble d'apprentissage se créent souvent des stratégies compensatoires, qui les ralentissent en situation de test ou d'apprentissage de nouvelles connaissances. (Transcription, à la page 680.) Il ajoute qu'une personne atteinte d'un trouble d'apprentissage peut même ignorer qu'elle utilise une stratégie compensatoire.

Dans ses évaluations de Mme Green, le docteur Ford laisse entendre que les stratégies compensatoires que celle-ci a créées à son insu comprennent l'éclaircissement des connaissances qui lui sont communiquées, la répétition et l'application de beaucoup de soin à l'exécution de son travail. Le docteur Ford mentionne dans son témoignage que ces stratégies se révèlent très efficaces dans les cas où le temps n'est pas un élément essentiel... il peut s'agir d'acquérir de nouvelles connaissances ou d'appliquer ses connaissances existantes au règlement de problèmes (sic). Il précise que dans les situations d'acquisition de nouvelles connaissances, il faut plus de temps pour appliquer des stratégies compensatoires, que lorsqu'il s'agit de coordonner ou d'appliquer des informations acquises, il ne faut pas une somme excessive ou supérieure de temps additionnel et que, pour acquérir de nouvelles connaissances, la personne qui peut utiliser une stratégie peut aussi réduire le temps nécessaire. (Transcription, pages 680 et 681.)

Selon le témoignage du docteur Ford, Mme Green aurait créé des stratégies lui permettant d'apprendre jusqu'à un certain point, si bien qu'elle ignorait l'existence de sa déficience ou de ces stratégies avant son évaluation de 1988.

L'entrevue constitue la deuxième partie du processus d'orientation. Mme Thexton est la conseillère en orientation que la Commission de la fonction publique a chargée de rencontrer Mme Green le 5 janvier 1988 à la suite de la partie du test d'aptitude linguistique du processus. Selon son témoignage, la partie du test de classement de l'entrevue est tout simplement un test de discrimination auditive servant à vérifier si la personne comprend le français, un test de compréhension (Transcription, à la page 555). Le degré de compréhension détermine le niveau de classement du candidat à l'apprentissage, dans le cas d'un pronostic favorable.

Mme Thexton ajoute que dans les cas d'aptitude inférieure à la moyenne, il faut s'assurer que les résultats sont exacts et qu'aucun autre élément n'a influé sur eux; si les résultats obtenus sont faibles, il faut s'assurer qu'il y a effectivement une faiblesse. (Transcription, à la page 560.)

La partie de l'entrevue est donc l'aspect du processus d'orientation qui explore les résultats du test et les éléments susceptibles d'avoir eu une incidence sur eux. Dans le cas présent, Mme Thexton est une conseillère chevronnée et compétente qui a toujours considéré son rôle comme étant à deux volets. Elle doit d'abord vérifier, pour le compte de la Commission de la fonction publique, si le candidat peut atteindre l'objectif dans le délai alloué, mais elle agit aussi en tant que conseillère et essaie d'aider le candidat... afin qu'il ne se sente pas stupide...parce qu'une difficulté de perception n'a rien à voir avec l'intelligence d'une personne et avec sa valeur en tant que personne. (Transcription, pages 561 et 562.)

Pendant l'entrevue, Mme Thexton a validé les résultats du test. Elle a confirmé qu'il fallait que Mme Green commence ses cours à la première leçon étant donné qu'elle n'avait pas suivi de cours de français auparavant et elle l'a conseillé parce qu'elle était bouleversée en raison du pronostic négatif. Elle a aussi mentionné à Mme Green que ses réponses au test semblaient indiquer qu'elle était atteinte d'un trouble d'apprentissage. Mme Thexton dit dans son témoigange avoir assez souvent rencontré des candidats aux tests présentant des difficultés similaires. (Transcription à la page 514.) M. Joseph Ricciardi, agent principal de programme de la Division des langues officielles et de l'équité en emploi de la Direction des ressources humaines et témoin cité à comparaître par le Conseil du Trésor, une des parties mises en cause, a confirmé au tribunal le rôle et les responsabilités du Conseil du Trésor en ce qui concerne les langues officielles.

M. Denis Petit a été appelé à comparaître par la Commission de la fonction publique, une des parties mises en cause. M. Petit est le chef du Service de l'Orientation. Pendant les quinze années qui ont précédé sa nomination à ce poste, il a agi en tant que conseiller en orientation, la personne chargée de la partie des entrevues du processus d'orientation. Il décrit le test d'aptitude linguistique comme suit : [...] ce n'est pas un test linguistique comme tel. C'est un test d'aptitude, un test qui évalue les capacités ou les aptitudes des clients à atteindre [...] (Transcription, à la page 1617.)

M. Petit a aussi signalé que le TALV, de même que les parties du test Pimsleur qui ont été utilisées, étudie les sons, la perception des sons, la compréhension des sons, distinction lorsqu'on parle des langues comme ça... de discrimination des sons... de vérifier l'acuité auditive des candidats, la discrimination auditive qu'on appelle, possibilité de reconnaître divers sons... capacités des candidats à l'encodage, décodage... la capacité, la réaction à la grammaire... d'identifier les fonctions d'une phrase... vise à évaluer la mémoire photographique, mémoire à court terme. (Transcription, aux pages 1620 à 1624.)

M. Petit a ajouté que les tests avaient été modifiés par le service d'orientation, il y a... la batterie correspondante au Modern Language Aptitude/Pimsleur qui est le test d'aptitude aux langues vivantes que la Commission a développé, a validé, a standardisé et dont on a vendu les droits, il y a de nombreuses années, au même propriétaire Centre de psychologie, même propriétaire que les tests Modern Language Aptitude et Pimsleur. (Transcription, à la page 1627.)

Deux témoins, appelés à comparaître par les parties intimées, ont donc confirmé la preuve présentée par la plaignante au sujet des lignes de conduite établies par le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique du Canada, intimés. MM. Ricciardi et Petit ont confirmé la preuve de la plaignante concernant le processus d'orientation et la politique sur laquelle il repose.

Le docteur Georges Sarrazin, un psychologue agréé en Ontario et au Québec, qui est professeur titulaire de psychologie à l'Université d'Ottawa, a été cité à comparaître par les parties intimées, à titre d'expert dans le domaine de la construction, l'élaboration et la notation des tests et la mesure et l'évaluation des résultats des tests. Il a présenté un témoignage d'opinion et un témoignage portant sur les faits sur tous les aspects des tests utilisés par la Commission de la fonction publique pour choisir les candidats à l'apprentissage d'une langue seconde. Comme il a été signalé antérieurement, le TALV a été conçu principalement pour indiquer le degré probable de réussite d'une personne dans l'apprentissage d'une langue étrangère, selon ce qui figure dans l'introduction du guide concernant ce test. Le docteur Sarrazin mentionne que le test est aussi utile pour déterminer les difficultés et que chacun des subtests permet de définir les déficiences. (Transcription, de la page 3055 à la page 3059.) Il conclut donc que non seulement ce test permet-il d'établir un pronostic de succès, mais il peut aussi servir, en tant qu'instrument de diagnostic, à signaler les besoins particuliers d'un élève aux enseignants, s'il y a lieu.

Le docteur Sarrazin a présenté au tribunal une série d'articles qu'il avait rassemblés pour faire un survol de l'histoire du TALV ainsi que de sa validité et de son évolution. Même s'il est d'avis que le TALV est le meilleur prédicteur du succès qu'obtiendra une personne lorsqu'il s'agit d'apprendre une langue seconde dans un délai restreint, certains des auteurs des articles cités dans sa preuve ne semblent pas partager son opinion.

Par exemple, dans l'article intitulé Prediction of Success in College Language Courses, qui a été publié en 1973, les auteurs, Jerry B. Ayers, Florinda A. Bustamante et Phillip J. Campana, signalent que la moyenne pondérée cumulative est le meilleur prédicteur du succès dans l'apprentissage d'une langue étrangère comparativement au TALV entre autres et ce, parce que les bons élèves obtiennent généralement du succès dans tout. (Transcription, à la page 3217.)

Dans leur article de 1995, intitulé Prediction of Performance in First-Year Foreign Language Courses: Connections Between Native and Foreign Language Learning, Richard L. Sparks, Leonore Ganschow et Jon Patton mentionnent que le score obtenu en anglais par les élèves de huitième année est le plus important élément de prédiction de la notation de l'apprentissage d'une langue étrangère si on le compare à la connaissance de l'orthographe et des phonèmes mesurée par le TALV. (Onglet 5, Documents présentés par les experts cités à comparaître par les intimés, R-56, page 652.)

Une étude intitulée Prediction of Foreign Language Profiency, qui a été réalisée en 1997 par Richard L. Sparks et autres, révèle que la compétence dans la langue maternelle est un prédicteur important du succès dans l'apprentissage d'une langue étrangère et ce, surtout dans le cas des populations adultes. (Onglet 6, Documents présentés par les experts cités à comparaître par les intimés, R-56.) Dans l'étude intitulée Identifying Native Language Difficulties Among Foreign Language Learners in College: A Foreign Language Learning Disability?, les auteurs, Leonore Ganschow et autres, concluent que le meilleur prédicteur du succès dans l'apprentissage d'une langue étrangère est une combinaison du TALV, du test de rendement général (WRAT), un test d'intelligence, d'un subtest portant sur l'orthographe et d'échantillons de textes. (Onglet 10, Documents présentés par les experts cités à comparaître par les intimés, R-56.)

L'étude rédigée par Anna H. Gajar, qui s'intitule Foreign Language Learning Disabilities: The Identification of Predictive and Diagnostic Variables, concorde avec l'évaluation que fait le docteur Sarrazin des résultats des personnes atteintes d'un trouble d'apprentissage dans le TALV. L'auteure mentionne que les personnes souffrant d'un trouble d'apprentissage obtiennent des résultats beaucoup plus faibles que le groupe de référence dans le TALV... [parce que les capacités que le TALV est destiné à mesurer] sont citées dans les ouvrages sur les troubles d'apprentissage comme étant des secteurs déficitaires possibles aux fins des troubles d'apprentissage. (Transcription, de la page 3234 à la page 3253 et les documents présentés par les experts cités à comparaître par les intimés, onglet 9, R-56.)

Le docteur Carroll a inscrit la capacité de codage phonétique, la sensibilité à la structure grammaticale et la capacité inductive parmi les variables prédictives de la réussite dans l'apprentissage d'une langue étrangère à l'intérieur d'un délai. Le TALV est fondé sur ces mêmes capacités.

CONCLUSION POINT I (p.11)

Le processus d'orientation a été créé par la Commission de la fonction publique à qui l'application quotidienne de la politique du Conseil du Trésor sur l'apprentissage d'une langue seconde a été déléguée. Comme nous l'avons décrit antérieurement, le processus comporte deux parties distinctes. La partie des tests d'aptitude linguistique semble toutefois la plus pertinente pour les candidats éventuels au programme de formation linguistique. Les résultats qu'obtient le candidat dans son test est un élément décisif de l'autorisation de suivre le cours. Un pronostic positif est établi quand il est probable que des cours continus à temps plein permettront d'atteindre le niveau de compétence linguistique exigé dans le temps alloué. (Transcription, à la page 537.) Un pronostic négatif est établi quand il est improbable que le niveau de compétence linguistique exigé soit atteint au moyen de cours continus à temps plein dans le délai alloué. (Transcription, à la page 537.) Le candidat qui obtient un pronostic négatif n'est pas autorisé à participer au programme de formation linguistique à temps plein.

À première vue, les tests sont construits de manière à ne pas favoriser un candidat. L'utilisation du kurde et de mots qui ne signifient rien vise à mettre les candidats sur le même pied.

Il faut donc déterminer si le fait d'utiliser presque exclusivement les tests de discrimination auditive pour vérifier l'aptitude à l'apprentissage d'une autre langue n'a pas créé de la discrimination à l'endroit des personnes atteintes d'un trouble d'apprentissage et ce, particulièrement dans le domaine de la discrimination auditive. En d'autres termes, est-ce que la Commission de la fonction publique n'a pas, dans l'application de la politique du Conseil du Trésor, adopté une norme qui, à première vue, semble objective et destinée à s'appliquer équitablement à tout le personnel, mais qui a un effet discriminatoire sur les personnes atteintes d'un trouble d'apprentissage et ce, plus précisément dans le domaine de la discrimination auditive?

La réponse est définitivement oui. La plaignante a présenté une preuve montrant que les tests d'aptitude linguistique servant à choisir, au cours du processus d'orientation, les personnes aptes à apprendre une langue seconde dans un délai alloué (les personnes obtenant un pronostic positif) au lieu des personnes ayant un faible degré d'aptitude à l'apprentissage de cette nature (les personnes obtenant un pronostic négatif) portent précisément sur les aptitudes que les personnes atteintes du trouble d'apprentissage connu plus particulièrement sous le nom de dyslexie dans le traitement des informations auditives ne possèdent pas.

La plaignante a-t-elle, par conséquent, fait une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire? Oui, Mme Green, qui a fait l'objet d'un diagnostic la déclarant atteinte du trouble d'apprentissage connu sous le nom de dyslexie dans le traitement des informations auditives a été victime de discrimination en milieu de travail parce qu'elle a été défavorisée à cause du trouble d'apprentissage dont elle est atteinte.

La politique sur laquelle repose cet acte discriminatoire a été établie par son employeur, le Conseil du Trésor, et a nui à ses chances d'avancement du fait qu'elle a été privée de la possibilité de suivre le programme à temps plein d'apprentissage d'une langue seconde. C'est le trouble d'apprentissage dont elle est atteinte qui l'a empêchée de présenter son aptitude à apprendre une langue seconde d'une manière correspondant à celle qui est utilisée par les autres fonctionnaires.

Le tribunal est donc d'avis que la preuve présentée est suffisante pour confirmer les prétentions de la plaignante, savoir l'existence de discrimination indirecte suivant les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

II Obligation d'accommodement

Ayant appris l'existence selon toute probabilité de discrimination indirecte, quelles mesures l'employeur a-t-il pris pour tenir compte du trouble d'apprentissage dont Mme Green était atteinte?

Contrairement à la possibilité qu'il a, dans les cas de discrimination directe, de justifier la règle ou le comportement discriminatoire, lorsqu'il s'agit de discrimination indirecte, (Alberta Dairy Pool, supra, pages 514 et 515)... C'est à l'employeur qu'incombe le fardeau de prouver qu'il s'est efforcé de tenir compte [de la déficience, dans le cas qui nous occupe] du plaignant, sans s'imposer de contrainte excessive. (Alberta Dairy Pool, supra, page 520.)

La contrainte excessive» peut comprendre la prise en considération d'éléments tels que le coût financier, la rupture d'une convention collective, les problèmes liés au moral des employés, l'interchangeabilité du personnel et des installations (Alberta Dairy Pool, supra, page 521.) Lorsqu'il s'agit de déterminer jusqu'où l'employeur doit aller pour tenir compte des besoins de son employé sans s'imposer de contrainte excessive, l'employeur doit peser ses préoccupations par rapport au droit de l'employé de ne pas faire l'objet de discrimination. Comme le juge Sopinka le fait remarquer dans l'arrêt concernant l'affaire de Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992], 2 R.C.S. 970 :

La jurisprudence de notre Cour a abordé la question de l'accommodement d'une manière plus fondée sur l'objet visé et a tenté de fournir un accès égal au travail aux personnes qui, autrement, seraient aux prises avec de sérieuses difficultés. Le point de vue des tribunaux canadiens est dont tout à fait différent de l'approche adoptée dans les arrêts américains. (Page 983.)

L'utilisation de l'adjectif excessive suppose qu'une certaine contrainte est acceptable; seule la contrainte excessive répond à ce critère. Les mesures que l'auteur de la discrimination doit prendre pour sembler les besoins du plaignant sont limitées par les expressions raisonnables et sans s'imposer de contrainte excessive". Il s'agit là non pas de critères indépendants, mais de différentes façons d'exprimer le même concept. (Page 984.)

La crainte de l'effet sur d'autres employés [...] est un facteur à considérer pour déterminer si l'ingérence dans l'exploitation de l'entreprise de l'employeur serait excessive. Toutefois, il faut établir l'existence de plus qu'un inconvénient négligeable pour pouvoir contrecarrer le droit de l'employé à un accommodement. L'employeur doit démontrer que l'adoption de mesures d'accommodement entraînera une atteinte réelle, non pas anodine, mais importante aux droits d'autres employés. (Pages 984 et 985.)

Il faut tenir compte de l'opposition des employés qui résulte de craintes légitimes que leurs droits soient lésés. [...], les oppositions fondées sur des attitudes incompatibles avec les droits de la personne ne sont pas pertinentes. J'inclurais dans cette catégorie les oppositions fondées sur le point de vue selon lequel une convention collective doit demeurer intacte même si elle établit, à l'encontre d'un employé en particulier, une distinction fondée [ sur un motif illicite de discrimination ] . (Page 988.)

Le simple fait que l'employeur risque d'avoir à se défendre contre un grief sans fondement ne saurait justifier l'omission de satisfaire aux besoins. (Page 988.)

[...], dans la décision Office and Professional Employees International Union, Local 267, à la p. 13, selon laquelle [TRADUCTION] La discrimination dans le milieu de travail est l'affaire de tout le monde".

Aux pages 994 et 995 de cet arrêt, le juge Sopinka poursuit en faisant un commentaire sur le devoir d'accommodement et fait remarquer que le plaignant doit participer à la mise en application de la mesure d'accommodement.

La recherche d'un compromis fait intervenir plusieurs parties. Le plaignant a également l'obligation d'aider à en arriver à un compromis convenable [...]

Selon le juge Sopinka, cela ne signifie pas qu'en plus de signaler les faits relatifs à la discrimination à l'employeur, le plaignant a l'obligation d'être à l'origine de la solution.

Lorsque l'employeur fait une proposition qui est raisonnable et, qui, si elle était mise en oeuvre, remplirait l'obligation d'accommodement, le plaignant est tenu d'en faciliter la mise en oeuvre. Si l'omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l'origine de l'échec de la proposition, la plainte sera rejetée. [...]Le plaignant est également tenu d'accepter une mesure d'accommodement raisonnable et l'employeur s'est acquitté de son obligation s'il y a un rejet d'une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances.

Dans le cas qui nous occupe, Mme Green a appris qu'elle était atteinte d'un trouble d'apprentissage après avoir subi le test de langue.

La preuve présentée au tribunal indique que les responsables du Ministère s'inquiétaient de la situation de Mme Green (avant que la question de la qualification linguistique soit réglée) et de la perte de la candidate classée au premier rang pour le poste de PM-6 ouvert dans le Ministère. En attendant qu'une solution soit trouvée, Mme Green a été nommée gestionnaire intérimaire et le concours interne a été mis en suspens.

Après sa conversation avec Mme Thexton, dans la partie de l'entrevue du processus d'orientation, Mme Green s'est demandé si elle était réellement atteinte d'un trouble d'apprentissage. Elle a demandé de l'aide presque tout de suite après l'entrevue à la directrice intérimaire d'Équité en matière d'emploi, Planification des ressources humaines et Multiculturalisme, Mme Corinne Palmer.

Mme Palmer mentionne dans son témoignage que les responsables du Ministère étaient tenus de prendre des mesures pour vérifier les indications de Mme Green, à savoir qu'elle était atteinte d'un trouble d'apprentissage, et si elle souffrait effectivement d'une déficience susceptible d'influer sur son test diagnostique, ses tests linguistiques et, le cas échéant, d'essayer de trouver un moyen de répondre à ses besoins, selon ce qui était éxigé du Ministère, en tant que ministère et employeur, par la politique sur l'Équité en matière d'emploi. (Transcription, aux pages 727 et 728.)

Mme Palmer est entrée en communication avec les gens de l'Association for Adults and Children with Learning Disabilities où elle a obtenu le nom de la docteure Bernice Mandelcorn, à qui elle a référé Mme Green. Mme Palmer lui a demandé expressément de faire une évaluation de Mme Green en mettant l'accent sur le test diagnostique et d'aptitude utilisé au cours du processus d'orientation et sur la capacité de Mme Green d'apprendre une langue seconde. Le directeur du personnel du Ministère pour lequel travaillait Mme Green a autorisé le paiement de l'évaluation et du rapport.

Dès le 24 mars 1988, la docteure Mandelcorn avait examiné Mme Green et établissait un diagnostic la déclarant être une personne atteinte d'un trouble d'apprentissage éprouvant beaucoup de difficulté à traiter les informations auditives, surtout en l'absence d'indices visuels. Son rapport a été acheminé au Ministère pour lequel travaillait Mme Green et, selon Mme Palmer, on était d'accord en général pour répondre aux besoins de Mme Green en lui fournissant la formation nécessaire, mais on s'interrogeait sur les effets d'une telle mesure sur les résultats du concours, qui était toujours en suspens. (Transcription, aux pages 732 et 733.)

Le 18 avril 1988, M. Norm Button a écrit à Mme Vera McLay, directrice du Secrétariat des langues officielles de la Direction générale des programmes de dotation de la Commission de la fonction publique, à Ottawa, joignant à sa lettre une copie du rapport établi par la docteure Mandelcorn au sujet de Mme Green. Il indiquait clairement dans sa lettre qu'il voulait trouver un moyen de permettre à Mme Green de recevoir la formation linguistique dont elle avait besoin. Il pouvait s'agir d'une méthode de formation différente et, selon la méthode, d'une période de cours. Il demandait aussi une réponse dans les plus brefs délais étant donné que les résultats du concours interne étaient en suspens en attendant une décision à ce sujet.

M. Button écrivit une deuxième lettre à Mme McLay lui demandant une réponse. En date du 29 juin 1988, Mme McLay lui a envoyé une lettre qu'il a reçue le 6 juillet 1988.

Mme McLay mentionne tout d'abord que toutes les possibilités permises par le Décret d'exemption concernant les langues officielles, l'instrument juridique autorisant la nomination de personnes unilingues à des postes bilingues, ont été explorées, ce pourquoi elle a tardé à répondre. Elle explique qu'il est possible, dans certains cas, de nommer une personne unilingue à un poste bilingue, en dépit d'un pronostic négatif. Deux mécanismes de protection existent à cette fin : une disposition d'exemption portant sur le pronostic négatif et une exemption préalable à la nomination (par opposition à une exemption postérieure à une nomination) pour des raisons humanitaires.

Mme McLay indique dans sa lettre que la politique concernant la disposition d'exemption (Circulaire 1981-29 SCT/CFP, p.7) en limite l'application à des circonstances exceptionnelles (poste isolé, poste particulier, poste exigeant une spécialité rare, etc.). Elle rejette la possibilité d'utiliser ce mécanisme étant donné que Mme Green n'est pas la seule candidate qualifiée pour le poste de gestionnaire à la fin de l'étape de l'entrevue du concours.

Elle ajoute avoir aussi examiné la possibilité d'utiliser le mécanisme de l'exemption pour des raisons humanitaires et signale que l'exemption, avant la nomination pour des raisons humanitaires permet de s'assurer que l'obligation de faire preuve de l'aptitude ne créera pas un obstacle systémique à la nomination de personnes souffrant d'un handicap physique et, moins fréquemment, d'une déficience mentale. Dans le cas d'une exemption préalable à la nomination, la Commission de la fonction publique doit donc s'assurer que la déficience du candidat l'empêche de démontrer qu'il possède une aptitude suffisante (exemple : les cas de surdité, de cécité et autres).

Compte tenu du rapport de la docteure Mandelcorn, ce raisonnement semblerait correspondre au besoin d'accommodement de Mme Green et à la demande d'aide à cet égard du Ministère pour lequel elle travaillait. La lettre de Mme McLay se poursuit cependant comme suit:

Je tiens à signaler que les programmes établis en 1981 par le gouvernement concernant les langues officielles et le Décret d'exemption concernant les langues officielles n'ont jamais eu pour objet de dispenser un candidat en raison d'un faible degré d'aptitude. J'insiste sur ce point parce que certaines personnes sont d'avis que, parce qu'un faible degré d'aptitude peut être considéré comme un genre de trouble d'apprentissage, il faudrait l'ajouter à la liste des déficiences justifiant une exemption. Le SCT et la CFP ne sont ni l'un ni l'autre de cet avis. Le fait que certains définissent un faible degré d'aptitude comme un trouble d'apprentissage n'est pas pertinent, car la question d'intérêt est l'intention des programmes gouvernementaux.

De la même manière qu'un faible degré d'aptitude aux mathématiques ne serait pas considéré comme un motif raisonnable pour dispenser un candidat de l'obligation de posséder les qualités professionnelles élémentaires exigées pour une nomination à un poste de statisticien, un faible degré d'aptitude n'est pas jugé suffisant pour dispenser un candidat de l'obligation de satisfaire aux exigences linguistiques élémentaires d'un poste.

L'examen détaillé auquel nous avons soumis le cas de Mme Green ne révèle aucune déficience qui justifierait une exemption. Le rapport de la psychologue confirme tout simplement les résultats du processus d'orientation, savoir que Mme Green a un faible degré d'aptitude à l'apprentissage d'une langue seconde (ou dans les termes de la psychologue, un trouble d'apprentissage des langues).

Le seul point figurant dans le rapport de la psychologue et dans le dossier relatif au processus d'orientation qui pourrait répondre aux critères fixés par la Commission pour définir une déficience justifiant une exemption est la mention de la faible aptitude à la discrimination auditive de Mme Green. Une mauvaise discrimination auditive n'est pas en soi un motif d'exemption, mais elle peut parfois indiquer un handicap plus grave susceptible de constituer un motif suffisant. Les résultats du test d'audition subi par Mme Green indiquent toutefois qu'elle ne souffre pas d'un tel handicap.

Par conséquent, après avoir examiné tous les éléments possibles de ce cas, nous ne trouvons rien qui nous permettrait de vous autoriser à inscrire Mme Green sur la liste d'admissibilité établie à la suite du concours no 87-EIC-CC-ON-167.

J'ajoute en terminant qu'un pronostic négatif indique tout simplement que la personne a besoin d'une plus longue période de formation linguistique (sic) que la période maximale autorisée aux frais du gouvernement pour l'atteinte du niveau cible (dans le cas présent, le niveau C). Mme Green obtiendrait peut-être un pronostic positif pour un niveau cible inférieur ou elle pourrait suivre, dans son temps libre, suffisamment de cours de langue pour obtenir un pronostic positif dans le pronostic d'orientation la prochaine fois qu'elle postulera un poste bilingue.

Mme McLay indique clairement dans sa lettre que la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor sont tous deux d'avis que les troubles d'apprentissage caractérisés par un faible degré d'aptitude manifesté au cours de l'étape des tests du processus d'orientation ne devrait pas être ajouté à la liste des déficiences à prendre en considération dans l'étude d'une demande d'exemption pour des raisons humanitaires.

M. Ricciardi, qui a précisé, dans son témoignage, la position officielle du Secrétariat du Conseil du Trésor a indiqué toutefois que le Conseil du Trésor, reconnaissait que la définition de la déficience comprenait les troubles d'apprentissage. Il n'a pas fourni plus d'explications sur les genres de troubles d'apprentissage à ne pas y inclure.

Mme Palmer a mentionné que la réponse de Mme McLay avait engendré de la déception au Ministère. On aurait souhaité que la demande de considération spéciale obtienne une réponse plus positive. Il n'est pas reconnu dans la lettre qu'un trouble d'apprentissage est effectivement une déficience selon la définition d'une personne souffrant d'une déficience. La lettre n'offre donc aucune possibilité de tenir compte de la situation de Mme Green. (Transcription, à la page 737.)

Le Ministère a toutefois poursuivi ses démarches en vue de trouver un moyen de répondre aux besoins de Mme Green, malgré l'impression qu'il s'agissait plutôt maintenant de déterminer si un trouble d'apprentissage constituait une déficience dont il fallait tenir compte.

Le Ministère a donné suite à la suggestion de Mme Thexton de faire suivre des cours personnalisés ou des cours de français à Mme Green pour lui donner une connaissance plus solide de la langue. Ceci aurait pu lui permettre d'obtenir plus tard un pronostic positif sans avoir à subir un deuxième test d'aptitude linguistique, si elle réussissait au cours. La preuve révèle toutefois que ces renseignements n'ont pas été communiqués clairement à Mme Green ou aux membres du Ministère responsable. Il faut signaler que ce n'est que beaucoup plus tard que le docteur Ford a fait l'évaluation de la compétence en français de Mme Green, mais que celle-ci n'a jamais été informée clairement et à fond de la possibilité de se qualifier pour l'apprentissage à temps plein d'une langue seconde en reprenant la partie du test de classement ou de l'entrevue du processus d'orientation après une période de cours à temps partiel.

Essentiellement, même si le Ministère pour lequel elle travaillait a essayé d'aider Mme Green en lui payant des cours de français à temps partiel, la lettre de Mme McLay a mis fin aux démarches visant à trouver des moyens de tenir compte de sa situation dans le contexte des tests d'aptitude ou de l'apprentissage à temps plein d'une langue seconde.

Il semblerait que la difficulté soit liée en partie à la structure hiérarchique de la fonction publique et aux difficultés de communication qui d'après la preuve sont généralisées.

Le témoignage de Mme Palmer fait ressortir le problème. Mme Palmer a mentionné qu'il lui revenait de prendre les mesures appropriées (en ce qui concernait Mme Green) du point de vue de l'équité en matière d'emploi, mais que les mesures de dotation prises à son égard ne relevaient pas d'elle. Elle n'était pas chargée d'établir ces directives, de prendre ces mesures ou de l'en informer. (Transcription, à la page 805.)

À la fin de l'été de 1988, le Ministère responsable de Mme Green écrivait toujours aux agents du Conseil du Trésor et de la Commission de la fonction publique pour tenter de trouver un moyen de tenir compte de sa situation. Par exemple, M. David Morley, directeur administratif d'Emploi et immigration, région de l'Ontario, a écrit à M. George Tsai, sous-secrétaire aux Langues officielles, à Ottawa, lui demandant de le conseiller et de l'aider à trouver un moyen de répondre aux besoins de Mme Green. Les agents du Ministère responsable avaient toutefois l'impression que leurs efforts étaient vains, et ils l'étaient effectivement. La liste d'admissibilité portant sur le poste de niveau PM-6 a été affichée. Le nom de Mme Green n'y figurait toutefois pas parce qu'elle avait été jugée non suffisamment qualifiée pour le poste en raison du pronostic négatif. À la fin de 1988, on lui a demandé de démissionner de son poste de gestionnaire intérimaire.

Même si beaucoup d'éléments de preuve ont été présentés au sujet du coût de la formation fournie à Mme Green suite aux recommandations de la docteure Mandelcorn et à la deuxième évaluation faite par le docteur Ford, ces considérations ne se sont présentées que plusieurs années après que Nancy Green eut cessé d'exercer les fonctions de gestionnaire intérimaire dans le cadre du poste de niveau 6 de la catégorie PM. Ces dépenses sont survenues une fois que la Commission des droits de la personne a été saisie de la plainte et a entrepris des démarches en vue de comprendre la position des parties. La preuve révèle que la question des dépenses nécessaires pour répondre aux besoins de Mme Green n'a pas été envisagée au moment où l'on a appris qu'elle était atteinte d'un trouble d'apprentissage ni à la suite des demandes d'accommodement présentées par le Ministère responsable.

La preuve indique clairement que les intimés, le Conseil du trésor et la Commission de la fonction publique n'ont à peu près pas tenu compte de la situation de Mme Green.

DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE

Dans sa plainte, Mme Green mentionne que la discrimination s'est exercée de façon continue et touchait aussi les personnes de la même catégorie qu'elle.

«... la discrimination systémique s'entend des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l'accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d'emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort... La question n'est pas de savoir si la discrimination est intentionnelle ou si elle est seulement involontaire, c'est-à-dire découlant du système lui-même. Si des pratiques occasionnent des répercussions néfastes pour certains groupes, c'est une indication qu'elles sont peut-être discriminatoires.» (Rapport de la Commission Abella sur l'égalité en matière d'emploi, page 2.)

L'assimilation du commentaire sur la discrimination systémique figurant dans le Rapport de la Commission Abella permet de bien comprendre que ce sont les pratiques et les attitudes institutionnelles qui créent le problème de la discrimination systémique.

Presque toute la preuve présentée au tribunal, par les témoins cités à comparaître par toutes les parties, donne l'impression que l'on retrouve dans les programmes et les documents écrits des théories solides et bien développées dans le domaine de l'équité en matière d'emploi et des droits de la personne.

La preuve semble indiquer que les employés intéressés, bien qu'ayant de bonnes intentions, avaient reçu peu de formation, s'ils en avaient reçu, sur la théorie de l'accommodement. La preuve révèle en outre qu'ils n'avaient pas le pouvoir de faire des recommandations et de prendre une décision concernant la nécessité de tenir compte des besoins d'une personne atteinte d'un trouble d'apprentissage dans les cas où la méthode habituelle, savoir le processus d'orientation, ne permettait pas d'établir sa capacité de suivre un cours de langue seconde.

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

Pam Ward, la conseillère en politiques de la Direction générale des programmes de dotation de la Commission de la fonction publique à Ottawa, a mentionné que la politique concernant la méthode de sélection utilisée pour les concours prévoit que les mesures nécessaires seront prises dans la mesure du possible pour tenir compte des besoins particuliers des candidats atteints d'un handicap, mais que les candidats doivent informer l'agent de dotation de leur handicap. Selon Mme Ward, dès qu'il est mis au courant du handicap, l'agent communique avec le Centre de psychologie du personnel de la Commission de la fonction publique où l'on consulte un psychologue agréé pour obtenir des recommandations sur la façon de modifier les tests. Elle précise que la politique a pour objet de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. (Transcription, pages 1371 et 1372.) Elle ajoute que dans le cas de Mme Green cela pourrait comprendre des tests spéciaux. On aurait pu aussi l'exempter de certains des subtests ou lui faire passer d'autres subtests à sa portée permettant de prouver qu'elle est qualifiée. (Voir page 1380.)

Il semble, d'après le témoignage de Mme Ward, que les agents de la Commission de la fonction publique connaissaient cette politique et la façon de procéder pour tenir compte d'un handicap au moment des tests. De fait, elle précise que l'adaptation des tests se fait depuis une vingtaine d'années. (Transcription, à la page 1404.)

Il s'est posé un problème dans l'application de cette particularité de la théorie, selon le témoignage de Mme Ward, parce qu'elle dépend du moment où le handicap est découvert. S'il est découvert avant le test, le test peut être adapté. S'il n'est découvert qu'après le test, il n'y a à peu près rien qu'il soit possible de faire parce qu'un concours ne prévoit qu'un seul test. Une personne n'a droit qu'à un seul test dans le cadre d'un concours. Si l'information arrive après le fait, et après l'établissement de la liste d'admissibilité, il est impossible d'intervenir parce qu'une liste d'admissibilité est un document valide et exécutoire, signé par un agent de dotation accrédité. (Transcription, à la page 1401.)

La position de la Commission de la fonction publique, telle qu'elle a été énoncée par Mme Ward, était qu'il était impossible de tenir compte de la situation de Mme Green après le test diagnostique parce qu'un candidat n'a droit qu'à un seul test diagnostique par concours et que les agents estimaient qu'en modifiant le test, la Commission aurait favorisé un candidat du fait qu'elle lui aurait permis de se présenter à deux tests. (Transcription, page 1503.)

En conséquence, selon la théorie exprimée par Mme Ward, la Commission est un ardent défenseur des droits de la personne et prendra toutes les mesures voulues. Toutes ses directives sont constamment révisées pour éliminer toute possibilité de discrimination. La question de l'équité en matière d'emploi dans son ensemble est prise en considération dans l'établissement de toute nouvelle politique. (Transcription, page 1415).

Dans les faits, selon la suite du témoignage de Mme Ward, dans le cas de la mesure de dotation qui nous occupe, la Commission de la fonction publique a jugé ne pas être tenue de prendre les mesures correctives permettant de tenir compte des effets négatifs [des tests diagnostiques]". (Transcription, à la page 1506.) La preuve semble indiquer qu'aucune mesure n'a été prise pour tenir compte des besoins de Mme Green parce que la découverte, après coup d'un trouble d'apprentissage, ne concorde pas parfaitement avec les politiques et procédures établies par la Commission de la fonction publilque pour gérer la politique du Conseil du Trésor. Personne à la Commission de la fonction publique ne semblait savoir comment procéder pour s'écarter des pratiques et méthodes rigoureuses afin de tenir compte de cette situation exceptionnelle.

Les droits qu'avait Mme Green en tant que personne souffrant d'une déficience — le droit à ce que l'employeur s'efforce de tenir compte de cette déficience sans s'imposer de contrainte excessive afin de lui donner des chances égales d'avancement dans sa carrière — s'inscrivaient dans la politique de la Commission de la fonction publique. Il semblerait, toutefois, selon la preuve que les attitudes et les pratiques existantes créaient une situation l'empêchant d'appliquer ses propres directives relatives aux droits de la personne et à l'équité en matière d'emploi.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

M. Ricciardi a présenté la position officielle du Conseil du Trésor. Il a fait remarquer que, si la Commission de la fonction publique établit des directives concernant la Loi sur les langues officielles et les communique aux ministères, le Secrétariat du Conseil du Trésor possède aussi un réseau officiel dans le domaine des langues officielles, des coordonnateurs des langues officielles dans les ministères et les agences à qui sont destinées les politiques et procédures. (Transcription, page 1784.) Il a ajouté qu'il n'existait toutefois pas de module de formation qui aurait pu aider le personnel dans le cas d'un pronostic négatif dans la partie des tests d'aptitude linguistique du processus d'orientation.

M. Ricciardi signale que, malgré la présence de ses coordonnateurs dans les ministères et la distribution de ses circulaires concernant les politiques, il ne revenait pas au Conseil du Trésor de dire à la Commission comment tenir un concours. (Transcription, page 2019.)

M. Ricciardi a déclaré dans son témoignage avoir eu accès au dossier de Mme Green pendant la période où celle-ci occupait le poste de gestionnaire adjoint et que, d'après lui, il existait à l'époque des mesures qui auraient peut-être pu corriger la situation. Il a souligné que le test d'aptitude linguistique aurait pu être adapté ou que Mme Green aurait pu être dispensée pour des raisons humanitaires de la nécessité d'être bilingue.

Selon M. Ricciardi, il y avait là une occasion d'intervenir après le fait plutôt qu'avant, comme cela se serait fait si la déficience avait été connue avant. M. Ricciardi a toutefois été muté dans une autre direction et l'affaire a été confiée à un autre membre du personnel. (Transcription, page 1914)

Le témoignage de M. Ricciardi indique que même s'il existait au Conseil du Trésor une ligne de conduite permettant de tenir compte des besoins de personnes telles que Nancy Green, on n'avait rien fait une fois le cas de Nancy Green connu pour tenir compte de la possibilité que le test d'aptitude constitue un obstacle systémique dans les cas où des troubles d'apprentissage sont diagnostiqués. M. Ricciardi ajoute qu'on ne modifie pas une politique du jour au lendemain tout simplement parce qu'il s'est présenté un cas. (Transcription, pages 2059 à 2063) Le problème, tel qu'il a été exprimé par M. Ricciardi, tenait au fait que les mesures d'accommodement devaient tenir compte des différents genres de candidats. De l'avis du témoin, il est impossible de garantir à l'avance qu'une mesure répondra aux besoins dans tous les cas. (Transcription, page 2098) Compte tenu de ce raisonnement, il semblerait qu'aucune mesure n'ait été prise.

Plus précisément, aucune mesure n'a été prise pour répondre aux besoins de Mme Green parce que, selon le témoignage de M. Ricciardi, la dotation s'est poursuivie et Mme Green a interjeté appel. Il fallait attendre les résultats de l'appel avant qu'il soit possible d'étudier la possibilité d'intervenir. Étant donné qu'il s'agissait d'une question de dotation suivant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le concours a été annulé et il fallait tout reprendre à partir du début. (Transcription, pages 2078-79.)

M. Denis Petit, le Chef du Service de l'orientation, semblait très convaincu de l'efficacité du processus d'orientation. Il déclare que, même s'il existe des mesures permettant de corriger la situation ou de tenir compte des besoins de Mme Green, ma responsabilité réfère à l'évaluation des aptitudes en fonction de l'apprentissage d'une langue seconde... je n'ai pas l'autorité de les empêcher... je n'ai pas plus l'autorité de leur donner des ordres ou des commandements. Notre service est une espèce de service de consultation... c'est pas nous qui fixons le cadre. (Transcription, pages 1717-18).

Il n'est pas question dans le témoignage de M. Petit de la mention de l'existence d'un service de consultation offert par le Ministère où il travaille, aux personnes essayant de trouver une manière d'aider Mme Green au moyen de directives établies ou autrement.

DRHC

Mme Jackie Akeson, Directrice intérimaire de Ressources humaines, DRHC, région de l'Ontario, a présenté la position de DRHC. Selon son témoignage, DRHC et le bureau de la région de l'Ontario ont un dossier qui peut être cité en exemple en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi et surtout pour ce qui est des déficiences. Des mesures ont toujours été prises dans la mesure du possible pour répondre aux besoins et on fait tout ce qui est possible pour garantir un traitement équitable aux gens. (Transcription, page 2650 à 2655.)

On retrouve toutefois aussi dans son témoignage les déclarations contradictoires suivantes : Si les experts affirment qu'une personne est atteinte d'un trouble d'apprentissage, nous [les agents du Ministère] acceptons cela. et À mon avis, le test ne constitue pas en soi un obstacle. C'est la déficience qui est l'obstacle. (C'est nous qui soulignons.)

Mme Akeson poursuit comme suit :

«Si je reviens à votre question du début, où vous vouliez savoir si le test d'aptitude avait nui à son avancement, il me faut répondre non. Je dis cela parce nous avons fourni des renseignements dans le cas d'une vingtaine de concours destinés à combler des postes unilingues anglais. Il y avait donc beaucoup d'autres possibilités d'avancement. Les postes de la région de l'Ontario ne sont pas tous bilingues, à nomination impérative ou non. La majorité des postes sont unilingues anglais.

Je dirais que cela n'a pas nui à son avancement. Cela a eu une incidence sur la situation qui nous intéresse, mais nous avons su cela après coup. C'est parce qu'elle n'a pas réussi au test que nous n'avons pu lui accorder le poste et elle n'a effectivement pas réussi. Le diagnostic n'était pas positif. Elle ne pouvait donc pas obtenir le poste. Je ne voudrais pas employer le mot obstacle. Il s'agit d'un cas de connaissances insuffisantes. Si une personne ne se qualifie pas du point de vue des connaissances ou des qualités personnelles ou à un autre point de vue, s'agit-il là d'un obstacle à l'obtention du poste? Je ne suis pas de cet avis. D'après moi, il s'agit d'un critère qui n'a pas été atteint. (Transcription, page 2889 à 2893.)

M. Pierre Pronovost est le Conseiller spécial du Service de la politique (langues officielles). Son témoignage porte sur le travail fait par le Conseil du Trésor en vue d'estimer le coût de la formation nécessaire pour amener Mme Green au niveau exigé pour le poste de gestionnaire (PM-6) du Service de counsellling, Équité en matière d'emploi. Ces calculs ont commencé en 1994 à la suite de l'enquête menée par la Commission des droits de la personne concernant la plainte de Mme Green.

M. Pronovost mentionne, à la page 2338 de la transcription, que ce qu'il a compris, c'est qu'il s'agissait d'un cas où le test d'aptitude linguistique indiquait que la personne ne pouvait atteindre le niveau dans le délai alloué.

Son attitude dans son interprétation du rapport de la docteure Mandelcorn et dans ses rapports avec le docteur Ford est teintée par son insistance sur le fait que les résultats des tests d'aptitude linguistique indiquaient que Mme Green ne pouvait atteindre le niveau BB/C dans le délai alloué si on l'envoyait suivre les cours de français financés par son employeur.

Quand le docteur Ford a laissé entendre après avoir fait une deuxième évaluation de Mme Green en mars 1995 que celle-ci n'aurait pas besoin de plus de temps de formation, ni d'une formation spécialisée, M. Pronovost a rejeté cet avis professionnel. Il déclare : Nous n'allions certainement pas placer Mme Green dans un milieu de formation qui est censé être destiné à des gens...qui ne sont pas atteints d'une déficience. (Transcription, p. 2330.) De fait, il est d'avis que l'opinion du docteur Ford n'est pas tellement vraisemblable dans le cas d'une personne telle que Mme Green, qui est atteinte de dyslexie auditive, quand cela est destiné aux gens qui ont subi avec succès le test d'aptitude linguistique. Cela est destiné aux gens qui sont jugés aptes à réussir. (Transcription, page 2227.)

La position de M. Pronovost semble indiquer qu'il n'a pas compris les psychologues lorsqu'ils ont décrit les capacités compensatoires, telles que des stratégies bien développées, que s'était créées Mme Green pour l'aider dans l'apprentissage de nouvelles tâches. De fait les coûts établis par M. Pronovost comprenaient le coût de la création de stratégies bien développées au cours du deuxième programme d'apprentissage d'une langue seconde. Le tribunal juge que la preuve concernant le coût des mesures à prendre pour répondre aux besoins du trouble d'apprentissage dont souffre Mme Green est fondée sur une prémisse inexacte.

M. Pronovost a déclaré (Voir la transcription, à la page 2207.) que le docteur Ford et lui ne semblaient pas se comprendre. Son témoignage confirme cela. Il ne pouvait comprendre pourquoi les résultats du test d'aptitude linguistique de Mme Green ne pouvaient prédire son succès à un cours de langue seconde à cause du trouble d'apprentissage dont elle souffrait.

La preuve semble indiquer un défaut de compréhension de la nature des troubles d'apprentissage et des mesures efficaces à prendre pour en tenir compte. Ce défaut de compréhension pourrait expliquer l'incapacité générale d'adapter les belles théories concernant les droits de la personne aux méthodes pratiques instaurées à tous les paliers pour les réaliser.

CONCLUSION

En conclusion, le tribunal est d'avis que la plaignante a établie une preuve prima facie telle qu'elle a été énoncée par la Cour suprême du Canada. Le tribunal dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour déclarer que, selon toute probabilité, les employeurs de Nancy Green, savoir le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique et DRHC ont commis des actes discriminatoires susceptibles d'annihiler ses chances d'emploi et d'avancement ainsi que celles d'individus de la même catégorie qu'elle, en raison d'un trouble d'apprentissage, ce qui constitue un motif de distinction illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Plus précisément, l'employeur a défavorisé l'employée en cours d'emploi à cause d'un trouble d'apprentissage, ce qui constitue un motif de discrimination illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La plaignante a donc établie une preuve prima facie de l'existence de discrimination dans son cas et ce, conformément aux articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Mme Green a été défavorisée de deux façons par les actes discriminatoires commis par l'employeur. Plus immédiatement, elle a été privée de la possibilité de suivre un cours de langue seconde à temps plein. À cause de cette occasion manquée, elle n'a pas été promue au poste de gestion de niveau 6 de la catégorie PM. Il s'agit là d'une autre occasion manquée.

L'effet défavorable de la discrimination sur les aspirations professionnelles de Mme Green s'est manifestée clairement pendant les années qui ont suivi.

Le témoignage présenté par les employeurs mis en cause indique que même si dans l'immédiat le Ministère axial a pris des moyens pour essayer de tenir compte du trouble d'apprentissage dont souffrait Mme Green, l'obligation d'accommodement n'a pas été remplie.

D'après les témoignages entendus par le tribunal, les actes et les attitudes des employeurs indiquent que ceux-ci font preuve de discrimination systémique à l'endroit de leurs employés atteints d'un trouble d'apprentissage.

Le tribunal conclut donc que les employeurs mis en cause n'ont pas contredit la preuve prima facie jusqu'à preuve contraire de l'existence d'une discrimination indirecte qui pourrait les aider à prouver que, selon toute probabilité, ils ont tenu compte des besoins de leur employée souffrant d'un trouble d'apprentissage sans s'imposer de contrainte excessive, ce qui leur aurait permis de se libérer de la responsabilité de l'acte discriminatoire.

MESURES CORRECTIVES

Avant d'aborder la question des mesures correctives offertes à Nancy Green personnellement en tant que personne lésée par les actes discriminatoires commis par les intimés, le tribunal examinera celle de la discrimination systémique sous-jacente que la preuve présentée au cours de l'audience a dessinée pour le tribunal.

Comme il a été signalé antérieurement, tous les intimés ont présenté au tribunal, par l'entremise des témoins, une image d'employés épousant des théories et des lignes de conduite antidiscriminatoires louables. Si les pratiques et procédures avaient été fondées sur ces lignes de conduite, dont la plupart se présentent sous forme écrite, la plaignante n'aurait jamais porté plainte. Elles auraient permis de s'assurer que le trouble d'apprentissage dont Mme Green est atteinte était pris en considération et que celle-ci était, par conséquent, une candidate pleinement qualifiée pour occuper le poste PM-6 auquel elle a présenté sa candidature à l'automne de 1987. Cela ne s'est pas produit parce que, selon les témoignages, le personnel chargé d'interpréter la politique semblait pris dans des attitudes institutionnelles à l'égard des personnes souffrant de troubles d'apprentissage et exaspéré par un système de fonctions intersectées.

La preuve révèle que certaines attitudes vont d'une mauvaise compréhension de la nature des troubles d'apprentissage avaient l'impression que la question ne relevait pas de sa compétence.

Le tribunal conclut donc que chacune des trois parties intimées doit apprendre à appliquer effectivement ses propres directives. À cette fin, le tribunal ORDONNE :

  1. que le Conseil du Trésor, en collaboration avec la Commission canadienne des droits de la personne, crée à l'intention de tout son personnel, dans les six mois suivant la date de la présente décision, un programme de formation sur les mécanismes permettant de tenir compte des besoins des personnes atteintes de troubles d'apprentissage au travail.
  2. que le Conseil du Trésor, à l'aide du programme d'enseignement et de formation professionnelle mentionné ci-dessus, fournisse, dans les dix-huit mois suivant la date de la présente décision, la formation nécessaire au personnel du Conseil du Trésor, de la Commission de la fonction publique et de Développement des ressources humaines Canada.
  3. qu'une méthode sur laquelle s'entendent les intimés, savoir le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique du Canada et DRHC, soit mise en oeuvre aux fins de la révision des cas de personne déficiente qui s'écartent des paramètres relativement à toute politique ou procédure déjà établie.
  4. que le Conseil du Trésor examine ses politiques concernant l'accès à la formation linguistique pour s'assurer qu'elles énoncent clairement et communiquent les mécanismes prévus pour tenir compte des besoins des candidats atteints de troubles d'apprentissage dans le processus d'orientation et les cours de formation linguistique, que ces candidats se déclarent avant ou suite au processus d'orientation, ET que ces directives soient intégrées au programme de formation établi suivant le point 1 énoncé ci-dessus.
  5. que la Commission de la fonction publique crée une autre méthode pour vérifier l'aptitude des personnes atteintes de troubles d'apprentissage à suivre le programme de formation linguistique dans le délai alloué, une méthode prenant en considération la nature de la déficience ET la nature des stratégies compensatoires utilisées par les personnes atteintes de troubles d'apprentissage.

Le tribunal examinera maintenant l'acte discriminatoire particulier qui a, à son avis, fait perdre une possibilité d'emploi par Nancy Green, du fait qu'il l'a défavorisée en cours d'emploi.

Le tribunal examinera le principe de la réparation intégrale restitutuio in integrum", qui est énoncé à l'article 53 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et qui constitue un mode de réparation visant à guérir la victime, à lui créer l'existence qu'elle avait envisagé d'avoir si l'acte discriminatoire n'avait pas été commis.

À la lumière de la preuve dont le tribunal a été saisi, si ce n'était de l'effet discriminatoire de la partie des tests du processus d'orientation, Nancy Green aurait reçu, selon toute probabilité, un pronostic favorable de son aptitude à apprendre une langue seconde au niveau désigné dans le délai alloué par la politique du Conseil du Trésor. D'après ce qu'indique la preuve de sa capacité d'apprendre grâce au cours personnalisé fourni par le ministère pour lequel elle travaille et le fait qu'elle ait suivi des cours de français le soir, elle est manifestement apte à apprendre le français. Elle a appris suffisamment de français pendant le cours personnalisé pour passer avec succès au deuxième semestre des cours du soir. Elle a acquis suffisamment de connaissances au cours de ces deux étapes pour être en mesure de participer à l'évaluation de l'aptitude aux deux langues officielles faite par le docteur Ford, test qui s'est déroulé en français. Le tribunal convient, après audition de la preuve et compte tenu de l'opinion d'expert du docteur Ford, que Mme Green aurait réussi à apprendre la langue seconde si elle avait suivi le cours à temps plein financé par le gouvernement et ce, dans le délai prévu par la politique du Conseil du Trésor et sans autre méthode d'enseignement spécialisé que ce qui est offert aux autres élèves inscrits.

Si ce n'était de la nature discriminatoire de la partie des tests du processus d'orientation, Mme Green aurait été nommée, selon toute probabilité, au poste PM-6, savoir le poste de gestionnaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, en janvier 1988. Selon la preuve, pendant qu'elle aurait occupé ce poste, elle aurait participé non seulement au cours de langue seconde, et serait devenue bilingue au niveau BB/C, mais aussi au cours de gestion. Ces deux occasions de même que le poste effectif de niveau PM-6 lui ont été refusées en raison de l'acte discriminatoire commis par les parties mises en cause. Compte tenu de la preuve mentionnée ci-dessus, le tribunal ORDONNE :

  1. que Nancy Green soit nommée immédiatement à un poste de niveau PM-6 pour une durée indéterminée, et sans concours. Si aucun poste de cette nature n'est libre dans l'immédiat, le salaire de Mme Green se situera au niveau de celui d'un poste PM-6 à compter de la date de la présente ordonnance.
  2. que Nancy Green reçoive de son employeur une somme globale de 69 895,25 $, à titre de compensation pour le salaire perdu en raison de l'acte discriminatoire allant jusqu'au 31 décembre 1997. De plus, Nancy Green recevra un montant calculé comme étant la somme totale des paiements, versés mensuellement, au montant de 825,66 $ chacun, pour la période du 1er janvier 1998 à la date de la présente décision.
  3. que Nancy Green reçoive de son employeur une majoration l'indemnisant des effets fiscaux négatifs attribuables à la non-réception d'un revenu annuel au niveau d'un poste PM-6 à compter de la date où l'acte discriminatoire a été commis et de la réception de la somme globale payée conformément à l'item 2 de cette ordonnance, à titre de compensation de cet acte. Cette majoration pourra être calculée par le service chargé de la rémunération à la Commission de la fonction publique. Le tribunal conservera sa compétence à cet égard. S'il est impossible d'arriver à un chiffre avec lequel Mme Green et le Ministère sont d'accord, le tribunal entendra les arguments à ce sujet.
  4. que la pension prévue par l'employeur dans le cas de Nancy Green soit rajustée pour tenir compte du salaire découlant de son emploi au niveau PM-6 du 11 février 1988 à ce jour.
  5. que Nancy Green soit admise, le plus rapidement possible et au moment qui lui convient le mieux, au programme de cours de français à temps plein financé par le gouvernement permettant d'atteindre le niveau de compétence linguistique BB/C, que sa formation se déroule à l'intérieur du programme normal et que toute mesure exigée pour tenir compte de son trouble d'apprentissage soit prise dans le contexte de ce programme.
  6. que le pronostic négatif obtenu par Nancy Green relativement aux tests d'aptitude linguistique soit retiré de tout dossier tenu par son employeur et détruit. Étant donné que, selon la preuve présentée par les intimés, il y a eu un certain manque de communication entre les ministères au sujet des dossiers établis aux fins de l'appel et de la plainte formulés par Mme Green, ou tout simplement au sujet de ses antécédents professionnels, un rapport concernant le retrait de ce pronostic négatif de tous les dossiers doit être remis à Mme Green avant le 15 septembre 1998.
  7. que Nancy Green suive le cours de gestion adapté à son poste de PM-6 et en prévision d'un avancement ultérieur à des niveaux de cadre dans la fonction publique fédérale.

La preuve présentée par les supérieurs immédiats de Mme Green au Ministère est claire. Au moment où les actes discriminatoires ont été commis, Mme Green était une employée modèle, dont les appréciations annuelles du rendement la classaient bien au-dessus de la moyenne. De fait, son avancement régulier à la Commission de l'emploi et de l'immigration à compter du moment de son premier emploi en 1987 indiquait qu'elle était une employée ayant un cheminement de carrière ascendant. En 1987, elle se définissait comme une femme avec une carrière. La plupart de ses employeurs étaient d'accord avec cette évaluation et la décrivaient comme une employée susceptible d'être promue qui devrait suivre un cours de gestion favorisant sa mobilité ascendante.

Même après l'expérience du pronostic négatif, Mme Green a continué d'être une fonctionnaire évaluée comme étant entièrement dévouée et engagée. C'est ainsi que la décrivait son supérieur dans son appréciation annuelle au moment où elle occupait le poste de gestionnaire intérimaire du Service de counselling, Équité en matière d'emploi, et où elle savait que ce poste ne lui serait pas accordé, en raison du pronostic négatif et du diagnostic de trouble d'apprentissage récent. Elle a continué de faire preuve d'une grande conscience professionnelle dans l'exercice de ses fonctions.

Cette attitude s'est maintenue même si elle a cessé d'avancer dans sa carrière après février 1989. Selon la preuve, Mme Green accomplissait une charge de travail supérieure aux prévisions et recevait des accolades non seulement de ses surveillants mais aussi des personnes avec qui elle avait travaillé en tant que conseillère industrielle.

Mme Green a dû avoir l'impression d'être coincée dans une situation sans issue favorable lorsqu'elle a constaté que des personnes qu'elle avait engagées étaient promues à des postes de PM-6 et de EX-1. En 1996-1997, sa candidature à ces postes avait été refusée à cause de son manque de formation en gestion. C'est justement la formation qui lui a été refusée à cause des actes discriminatoires commis par l'employeur qui amenait maintenant l'employeur à lui refuser de l'avancement.

Il semble qu'aucune considération n'ait été accordée au maintien d'un dossier impeccable. Le tribunal a sursauté en apprenant que la candidature de Mme Green à des postes de niveau PM-6 et EX-1 avait été refusée dans plus de trente cas et que certains de ces postes, selon Mme Akeson, étaient ouverts à tout candidat qui manifestait de l'intérêt à cet égard. Ce rejet ajouté aux commentaires faits directement à Mme Green et au témoignage de membres du Service d'équité en matière d'emploi où elle travaillait en 1986-1987, selon lesquels certaines personnes qui créaient des problèmes n'auraient jamais de promotions, indique au tribunal que selon toute probabilité, l'évaluation personnelle que faisait Mme Green, savoir que sa carrière avait pris fin, était exacte. Les actes discriminatoires commis par l'employeur ont amené la carrière de Mme Green à ne pas évoluer pendant dix ans. Sa carrière, dans ses propres mots, était devenue un simple emploi.

Elle a toutefois continué à mettre sa fierté à faire son travail. Si ce n'avait été des actes discriminatoires commis par son employeur, il est tout probable que sa carrière aurait connu un plus grand épanouissement et que des promotions l'auraient fait avancer bien au delà du niveau PM-6 dans son cheminement.

8. qu'à la première occasion raisonnable et une fois qu'elle aura terminé le cours de gestion approprié conformément à l'item 7 de cette ordonnance, Nancy Green soit nommée à un poste au niveau EX-1 pour une durée indéterminée, et sans concours.

Le tribunal prend aussi en considération la frustration et le préjudice moral que, selon ce que la preuve révèle clairement, les dix dernières années de discrimination institutionnelle ont causé à Nancy Green. Le refus de l'employeur à la plupart des paliers d'admettre le trouble d'apprentissage dont elle était atteinte et d'en tenir compte était exacerbé par son attitude et ses pratiques.

9. que, conformément à l'article 53 (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, Nancy Green reçoive une indemnité spéciale de 5 000 $ de la part des parties intimés.

Pour que Mme Green soit fermement rétablie dans une situation dans laquelle elle se serait trouvée en 1987, le tribunal ORDONNE en outre :

10. qu'un intérêt composé au taux des obligations d'épargne du Canada soit calculé à compter de la date où l'acte discriminatoire a été commis, soit le 5 janvier 1987, sur toutes les sommes dues à Mme Green, y compris l'indemnité spéciale prévue à l'article 53 (3), et versé à Nancy Green par les parties intimées.

11. que les parties mises en cause versent à Nancy Green la somme de 4 057,22 $ pour acquitter les frais liés aux conseils juridiques.

Décision rendue le 18e jour de juin 1998.

(Signature) Élizabeth A.G. Leighton Présidente du tribunal

(Signature) Sheila M. Devine Membre du tribunal

(Signature) Lino Sa Pessoa Membre du tribunal

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