Tribunal canadien des droits de la personne

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TD 4/ 85 Décision rendue le 24 juillet 1985

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE (S. C. 1976- 77, C. 33) (Modifiée par 1977- 78, C. 22; 1980- 81- 82- 83, C. 111, 143)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE LITIGE OPPOSANT :

DAVID C. RODGER plaignant et LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA, mis en cause

DEVANT : SIDNEY N. LEDERMAN, C. R.

DÉCISION DU TRIBUNAL

ONT COMPARU : RENÉ DUVAL, JOSÉE TOUCHETTE Avocats de la Commission canadienne des droits de la personne et du plaignant PAUL ANTYMNIUK, DONAL KRUK Avocats du mis en cause

DATES DES AUDIENCES : 10 et 11 juin 1985 >

I. LES FAITS

Le 25 juin 1975, le plaignant, David C. Rodger, fut embauché par le CN à un titre d’agent de train et d’agent de triage. Il aimait ce travail et envisageait de faire carrière dans les chemins de fer. Toutefois, le 12 avril 1979, ses ambitions devaient recevoir un dur coup. A trois heures et demie du matin, il était réveillé par sa femme qui lui apprenait qu’il venait de subir une attaque au cerveau dans son sommeil et qu’elle avait appelé l’ambulance. Il ne partit toutefois pas pour l’hôpital à ce moment- là et replongea dans le sommeil. Une seconde crise le terrassa à six heures et demie. On le transporta alors à l’hôpital où il fut examiné par le Dr Thorsteinson. Le diagnostic du médecin

concluait à deux attaques de grand mal (épilepsie). Le Dr Thorsteinson prescrivit à M. Rodger un médicament anti- convulsif connu sous le nom de dilantin. Un électro- encéphalogramme fit ressortir sous la tempe gauche la trace d’une crise cérébrale. Toutefois, une scanographie et un gamma- encéphalogramme révélèrent un état normal. M. Rodger fut néanmoins prévenu qu’il ne devait ni conduire ni consommer d’alcool.

M. Rodger n’avait jamais subi d’attaque au cerveau avant cet incident et, comme nous le verrons, il ne devait pas avoir de rechute.

> Les deux attaques se sont produites aux petites heures du matin, le jeudi 12 avril 1979. Le mardi 10 avril, M. Rodger avait effectué le poste du soir, travaillant de 16 h à minuit. Il était ensuite allé jouer au hockey vers 1 h 30 du matin, le 11 avril, puis avait consommé quelques bières. Rentrant chez lui vers 3 h 30 du matin, il se coucha et dormit jusqu’à midi. Il passa tout l’après- midi à la maison, but du vin au repas du soir et alla se coucher vers minuit. C’est aux petites heures, durant son sommeil, que les crises se produisirent.

Le Dr Thorsteinson émit l’avis qu’elles avaient pu être causées par une combinaison de trois facteurs :

  1. Environ un mois auparavant, en pratiquant le surf au cours de vacances au Mexique, M. Rodger avait fait une chute et s’était heurté la tête et un bras. L’incident parut mineur et ne devait pas laisser de trace apparente. Toutefois, le Dr Thorsteinson fut d’avis que le léger traumatisme subi pouvait avoir joué un rôle dans les attaques.
  2. La tension et la fatigue accumulées au cours du travail en soirée, puis pendant la partie de hockey, à quoi il faut ajouter la consommation d’alcool, auraient également joué un rôle.

> 3. Enfin, il arrive parfois, comme cela semble avoir

été ici le cas, que le sommeil entraîne une crise. Suivant les recommandations du Dr Thorsteinson, M. Rodger prit deux semaines de repos. Après quoi il reprit sans histoire ses fonctions habituelles d’agent de train et d’agent de triage jusqu’au 2 juillet 1979, date à laquelle il fut relevé. On fit alors une enquête à son sujet, prétextant qu’il aurait manqué à ses tâches de signaleur. Cela était sans rapport avec les attaques survenues plus tôt. Toutefois, à la fin de l’enquête on l’informa qu’il devrait se soumettre à un examen médical fixé au 9 juillet 1979.

Entre temps, les responsables des services de santé du CN reçurent du chef des machinistes une lettre signalant que M. Rodger avait récemment souffert de convulsions cérébrales, qu’il était

sous traitement depuis lors et qu’il devrait être vu par le personnel médical pour qu’on puisse vérifier son aptitude à remplir ses fonctions d’agent de train.

Le 9 juillet, il rencontra donc le Dr Rempel, médecin chef attaché au CN. Tous deux discutèrent de l’attaque d’épilepsie subie par M. Rodger et, selon ce dernier, le Dr Rempel lui aurait dit en substance :

"Vous avez déjà travaillé dans un bureau? Vous ne pouvez plus travailler sur les voies ferrées. Il vous faudra passer deux années sans attaque avant de pouvoir y retourner."

> Les responsables des services de santé décidèrent que, en raison des crises subies et des effets secondaires possibles des médicaments (concentration diminuée, vision déformée et étourdissements), M. Rodger n’était plus en état d’assumer ses fonctions d’agent de train et d’agent de triage et qu’il devait être confiné à un poste qui le mettrait, lui, ainsi que les autres, à l’abri du risque. En outre, il lui était interdit de conduire tout véhicule ou voiture du CN. Il ne devait pas à avoir à travailler en hauteur ou à proximité des véhicules lourds en déplacement, ni grimper, ni se mettre en situation d’avoir à travailler seul.

De toute évidence, ces restrictions étaient faites dans la crainte que, s’il devait subir une nouvelle attaque, il ne se blesse ou ne mette en danger la sécurité des autres, ou bien qu’il ne perturbe de quelque façon que ce soit le fonctionnement du chemin de fer.

Le 28 août 1979, le CN recevait du Dr Thorsteinson une lettre confirmant que M. Rodger souffrait d’épilepsie.

C’est au cours de ce mois d’août qu’étaient signifiées à M. Rodger les restrictions qui le frappaient; on le déclarait toutefois apte au travail d’opérateur de frein de voie ou à celui d’aiguilleur.

> Finalement, le 28 septembre 1979, M. Rodger commençait à exercer les fonctions d’aiguilleur, emploi assorti de réserves d’ordre médical. A ce titre, il travaillerait en position assise, soit seul, soit en association avec un agent de triage, au sommet d’une de deux tours. L’aiguilleur travaillant dans la première tour, appelée tour S, a la responsabilité du contrôle de toute la circulation dans la cour de triage. Il est à noter qu’en permettant à M. Rodger de travailler dans cette tour S, le CN se trouvait à lever la restriction lui interdisant de travailler seul. Le point de vue du Dr Eggerston était que si M. Rodger devait perdre conscience au poste, la sécurité des personnes n’en serait pas compromise, mais que la seule conséquence pourrait en être un retard dans les opérations. Même si dans la tour il se trouvait à travailler dans un environnement physique bien supérieur à celui qui était le sien à son poste d’agent de train et d’agent de triage, où il devait subir les caprices des éléments, il ne se sentait pas particulièrement heureux dans son nouveau poste, étant donné que ses aspirations allaient aux fonctions d’agent de train et d’agent de triage.

Son nouveau poste lui paraissait manquer de prestige et M. Rodger y ressentait en outre un manque de liberté. De plus, il trouvait matériellement plus avantageux de travailler au poste d’agent de train et d’agent de triage parce que, au moment des mises à pied, il était souvent possible de passer dans d’autres régions où des emplois semblables étaient disponibles, alors que les aiguilleurs ne bénéficiaient pas du même genre de mobilité.

>Il s’avéra néanmoins que le salaire de M. Rodger comme aiguilleur se comparait favorablement à celui de ses collègues ayant les mêmes états de service et qui assumaient les fonctions d’agent de train et d’agent de triage.

Enfin, M. Rodger éprouvait de l’humiliation du fait d’être confiné au poste d’aiguilleur. Il a rapporté un incident au cours duquel un opérateur de frein de voie lui avait dit que le mal dont il souffrait était au cerveau et non dans les jambes et qu’il n’avait pas droit à l’emplacement de stationnement privilégié qu’on lui réservait.

A plusieurs reprises, M. Rodger s’adressa au Dr Eggerston (médecin chef du CN dans la région) pour lui demander d’être réintégré à son poste antérieur, mais chaque fois celui- ci lui répondait que la décision ne pouvait venir que du médecin chef au siège de la société, à Montréal. M. Rodger dit toutefois que le Dr Eggerston était encourageant en ce qui concernait son éventuel retour à un poste exempt de restriction médicale.

Entre temps, les médecins de M. Rodger adressaient périodiquement au CN les rapports de santé de leur client. Dès le mois d’août 1979, les résultats étaient positifs :

  1. une lettre du Dr Thorsteinson au Dr Eggerston, datée du 28 août 1979, informait le CN que, grâce au dilantin, l’état de M. Rodger était stabilisé et
  2. > que les résultats de son dernier électro- encéphalogramme étaient normaux;

  3. en octobre 1980, les responsables des services de santé recevaient un autre rapport du Dr Thorsteinson les informant que M. Rodger n’était plus sous médication et qu’il n’avait pas subi d’autre attaque;
  4. le 28 novembre 1980, le Dr Gomori confirmait au personnel médical du CN le fait que M. Rodger n’avait pas subi de nouvelle crise : il en concluait que si celui- ci était reconnu apte à conduire un véhicule motorisé, il était en conséquence tout aussi apte à accomplir un travail de serre- frein.

Dans son témoignage, le Dr Eggerston a déclaré avoir

réexaminé les restrictions imposées à M. Rodger, à la lumière de ces rapports médicaux, mais avoir décidé d’en maintenir l’application, d’une part parce que le Dr Gomori disait également dans sa lettre que M. Rodger était sujet à rechute et, d’autre part, parce qu’il ne partageait pas la conclusion du Dr Gomori que M. Rodger était prêt à reprendre ses fonctions antérieures sans restriction.

M. Rodger continua d’accomplir son travail d’aiguilleur jusqu’en juin 1981. A ce moment, il demanda à reprendre ses

>fonctions d’agent de train et il rencontra le Dr Eggerston pour déterminer si les restrictions pouvaient être levées. Le Dr Eggerston l’aida à accéder à un poste de bagagiste, dont les tâches font partie des fonctions de l’agent de train. A ce poste, il aurait à manutentionner les bagages et le courrier express et il participerait au chargement et au déchargement des wagons, mais seulement en terrain à circulation contrôlée, où il n’aurait pas à faire de signaux ni à courir le long du train ou à sauter des voitures en mouvement. L’administration accepta de l’affecter à un tel poste en juin 1981, et le syndicat y donna également son accord. M. Rodger travailla donc comme bagagiste durant trois mois au bout desquels il fut mis à pied. Par la suite, il reprit son poste d’aiguilleur mais ne retourna jamais à celui de bagagiste.

Pendant ses années au service du CN, il demanda à deux reprises à suivre le cours de chef de triage. La première fois, cela lui fut refusé parce qu’il n’avait pas assez d’ancienneté. Lorsqu’il fit sa seconde demande, il avait suffisamment d’ancienneté mais il essuya un nouveau refus à cause des crises qu’il avait subies et en raison des restrictions qui lui étaient imposées à l’égard des véhicules lourds.

> Les rapports médicaux subséquents ne comportaient aucune notation négative, bien au contraire. En juin 1981, le Dr Thorsteinson indiquait dans son rapport au CN que son client n’avait subi aucune rechute. En juillet 1981, M. Rodger se soumit à l’examen semestriel qui est de règle au CN et le rapport indiquait qu’il n’avait subi aucune crise et qu’il était sans médication depuis seize mois. M. Rodger discuta de nouveau avec le Dr Eggerston de la possibilité que soient levées les restrictions qui le frappaient, mais le médecin estimait que cela était prématuré. Lorsqu’il rencontra de nouveau M. Rodger en octobre 1981, il lui dit que, étant donné qu’il était sans médication depuis dix- huit mois, il discuterait de la question avec le directeur des services de santé. Cette démarche ne devait toutefois produire rien de neuf et M. Rodger fut informé qu’aucun changement ne pouvait être apporté à son cas. Pour ce qui nous intéresse, ici s’arrêtent les discussions entre le Dr Eggerston et M. Rodger et ils n’eurent pas d’autres rencontres à ce sujet. Toutefois, en juillet 1982 le CN recevait encore un rapport du médecin de M. Rodger confirmant son parfait rétablissement. Pas plus que les rapports antérieurs, celui- ci ne devait avoir d’effet sur sa situation au travail. En proie à la frustration, M. Rodger démissionna de son poste le 23 décembre 1982.

Il travailla ensuite pendant quelques mois pour une agence immobilière où il gagna environ 14 000 $. En octobre 1983, il déménagea à Vancouver et y trouva, dans un restaurant, un emploi de serveur à mi- temps qu’il occupe toujours.

>II. FONCTIONS DE L’AGENT DE TRAIN ET DE L’AGENT DE TRIAGE

Des témoignages ont été entendus relativement aux responsabilités et aux exigences physiques d’un poste comme celui d’agent de train et d’agent de triage. Une équipe de triage se compose habituellement d’un contremaître, de trois aides et du mécanicien aux commandes de la locomotive. Les membres de l’équipe ont la responsabilité de former le train en aiguillant les voitures sur différentes voies. Ils ont pour tâche de déplacer les wagons chargés (parfois remplis de substances dangereuses) et les wagons vides, et d’aiguiller les locomotives. Ce travail s’effectue sous toutes conditions climatiques, beau temps mauvais temps. Le sol d’une cour de triage est accidenté, encombré de voies et de roc concassé. On est généralement contraint de s’y déplacer avec précaution.

En outre, on doit marcher beaucoup. Celui qui travaille dans une cour de triage peut avoir à parcourir toute la longueur d’un train comprenant 50 wagons dont chacun mesure entre 15 et 20 mètres de long. Il n’est donc pas inhabituel qu’un agent de triage doive parcourir un kilomètre pour raccorder les wagons.

> Le travail dans une cour de triage exige aussi que l’employé puisse sauter à bord de wagons en mouvement pour se déplacer d’un point à un autre de la voie en vue d’effectuer diverses tâches. Il doit souvent s’accrocher et grimper à une échelle verticale pour monter sur le toit d’un wagon haut de quelque 8 mètres, afin de serrer ou de desserrer un frein à main.

Tout autour, du matériel lourd est en mouvement. Le travailleur doit constamment monter à bord de véhicules en déplacement ou en descendre, au milieu des wagons qu’on est en train de relier l’un à l’autre. Il n’est pas rare non plus qu’une autre rame en formation circule parallèlement et tout près du wagon auquel le cheminot se trouve accroché.

Si un employé faisait son travail de façon négligente ou n’y apportait pas suffisamment d’attention, le contenu des wagons pourrait subir des avaries, un déraillement pourrait se produire ou d’autres personnes être blessées.

Le poste est d’une durée de huit heures. Celui qui débute à minuit peut être particulièrement exténuant. Lorsqu’un agent de triage est en attente, il doit se tenir prêt durant huit heures à se présenter au poste sur appel. Parfois même, il peut devoir effectuer deux postes d’affilée.

> Certaines tâches sont physiquement exigeantes, notamment lorsqu’un employé est appelé à transporter sur une certaine

distance une mâchoire d’attelage destinée à en remplacer une devenue hors d’usage. Les mâchoires d’attelage, qui pèsent près de 25 kilos, sont fixées aux extrémités des wagons et sont un élément essentiel du système de couplage.

L’agent de train se déplace habituellement dans la locomotive ou dans le fourgon de queue et il est responsable des mouvements du train. S’il y a des wagons à raccrocher ou à décrocher en certains points, il effectue alors les tâches de l’aiguilleur. Si l’on compare la tâche de l’agent de triage à celle de l’agent de train, celle du premier est plus exigeante physiquement parce qu’il doit marcher beaucoup et constamment monter et descendre des voitures en mouvement.

Au nombre des responsabilités de l’agent de train, il y a aussi celle de descendre, en cas de problème technique, pour se rendre à l’avant ou à l’arrière du train faire les signaux d’usage afin de prévenir ou faire stopper les convois arrivant en sens contraire. Si le signaleur manquait à ses responsabilités, il pourrait y avoir danger de collision.

En outre, l’agent de train peut avoir à se déplacer sur le toit d’un wagon lorsque le train circule sur une voie secondaire

>pour entrer dans une zone industrielle où les dégagements sont insuffisants. En pareille situation, il y a toujours des risques pour la personne, et l’agent doit prendre garde non seulement à lui- même, mais aussi aux autres travailleurs qui peuvent se trouver à proximité.

Le tribunal a entendu le témoignage de M. Walter R. Thomas, responsable de la prévention des accidents pour le CN dans la région des Prairies. A ce titre, c’est à lui qu’il incombe de veiller à la mise en oeuvre des directives de la société en matière de sécurité. M. Thomas a donné un aperçu statistique des accidents subis par les agents de train/ agents de triage au cours des quelques dernières années. A l’égard des blessures subies, on distingue les accidents mineurs (qui n’entraînent pas de perte de temps ouvrable), les accidents entraînant incapacité (lorsqu’il y a perte de temps ouvrable) et les accidents mortels. Les chiffres cités par M. Thomas sont les suivants :

1983 - 139 accidents mineurs 47 accidents entraînant incapacité 1 accident mortel

> 1984 - 184 accidents mineurs

67 accidents entraînant incapacité O accident mortel

1985 (janvier à juin) - 66 accidents mineurs 20 accidents entraînant incapacité 1 accident mortel

Les propos de M. Thomas nous apprennent qu’en général les accidents étaient dûs au fait qu’on s’était écarté du code de sécurité et qu’ils avaient pour cause immédiate une négligence ou une faute d’attention. Toutefois, le témoin n’avait pas en main les données lui permettant de dire si certains des accidents résultaient de l’incapacité soudaine d’un employé. En outre, son témoignage n’a pas permis de conclure qu’un agent de train ou un agent de triage du CN avait à faire face à des risques plus grands que la moyenne des employés du secteur industriel au Canada. Il est toutefois certain qu’un agent de train ou un agent de triage du CN est exposé à des risques ou dangers beaucoup plus grands que la personne qui travaille dans un bureau.

>III. L’ÉPILEPSIE ET LES CRISES CÉRÉBRALES

Le tribunal a entendu le témoignage du Dr Neelan Pillay, neurologue et spécialiste de l’épilepsie au centre médical de l’Université du Manitoba.

Le Dr Pillay a expliqué dans son témoignage que l’épilepsie et les crises cérébrales sont deux choses différentes. L’épilepsie est une affection cérébrale chronique causée par des décharges électriques incontrôlées en provenance des cellules du cerveau. Pour employer des termes accessibles au profane, on pourrait dire qu’il y a court- circuit dans le cerveau. Les manifestations de l’épilepsie sont multiples, les plus aiguës étant les convulsions et l’agitation spasmodique, le mordillement de la langue, la perte du contrôle vésical et la perte de conscience. A la suite de l’une de ces manifestations, l’épileptique se retrouve dans un état de confusion et souffre de maux de tête.

Selon le Dr Pillay, on peut subir une crise cérébrale sans être épileptique. Après étude du dossier, le Dr Pillay en est venu à la conclusion que M. Rodger avait déjà subi deux crises au cours d’une certaine nuit, mais il ne partage pas le diagnostic du Dr Thorsteinson qui en fait un épileptique. Selon lui, les crises subies par M. Rodger s’expliquent par des

>facteurs de stress, à savoir un traumatisme mineur pendant qu’il faisait du surf au Mexique peu de temps auparavant, puis la fatigue causée par la partie de hockey et la consommation d’alcool au cours d’une même nuit, et enfin l’abandon au sommeil, dès lors susceptible d’entraîner les crises.

Le Dr Pillay a expliqué qu’une crise cérébrale revêt les mêmes aspects physiologiques que l’épilepsie, mais que la probabilité de récurrence est beaucoup moindre étant donné qu’on peut contrôler les facteurs qui en sont à l’origine. Quant à l’épilepsie, elle consiste en un désordre interne de l’organisme et son contrôle est plus problématique.

Le diagnostic ou l’opinion du Dr Pillay suivant lesquels M. Rodger ne souffrirait pas d’épilepsie mais aurait simplement subi une crise cérébrale diffèrent nettement de ceux du médecin traitant, le Dr Thorsteinson. Le Dr Pillay reconnaît qu’il

pourrait être dans l’erreur, mais cela lui paraît peu probable. Le Dr Thorsteinson était au courant des restrictions imposées à M. Rodger sur le plan professionnel. Au moment où elles furent décrétées, il était d’accord avec ces restrictions car il jugeait raisonnable d’interdire à M. Rodger la conduite de véhicules et de lui imposer de se tenir loin du matériel roulant par crainte d’un accident s’il devait subir une attaque.

>Toutefois le Dr Thorsteinson estimait qu’il s’agissait là de restrictions temporaires.

Ne pas subir d’attaque quand on est sous médication et ne pas subir d’attaque sans médication sont deux situations différentes. En mars 1980, M. Rodger cessa l’usage du dilantin. Il passa un nouvel électro- encéphalogramme dont les résultats se révélèrent normaux. Le Dr Thorsteinson décida de prolonger la période d’observation pour s’assurer de la stabilité de l’état de son client en l’absence de toute médication. Il estimait que si M. Rodger passait encore toute une année sans médication et sans subir de rechute, il pourrait alors réintégrer ses fonctions antérieures.

Le Dr Thorsteinson et le Dr Pillay ont tous les deux parlé des risques de récidive. Ils ont expliqué qu’il demeure un certain risque dans le cas d’une personne ayant déjà subi deux attaques, si elle est exposée à un stress indu. Un tel stress peut avoir pour origine la contrainte physique, les pressions mentales, l’alcool, un désordre du cerveau, le fait de cesser de prendre un médicament, l’effet d’une drogue, et tous ces facteurs pourraient éventuellement déclencher une attaque. Toutefois, à mesure que le temps passe, le risque décroît. Ainsi, une personne qui n’a pas subi d’attaque depuis trois ans est moins exposée à récidive qu’une autre qui en n’a pas eu depuis deux ans.

> Le Dr Pillay n’a pas pu dire s’il croyait que le CN avait eu raison d’imposer des restrictions aux fonctions de M. Rodger en juillet 1979, car il n’était pas suffisamment au courant de la complexité du travail effectué par les agents de train et les agents de triage. Il estime toutefois raisonnable qu’en pareille circonstance une personne soit assujettie à certaines mesures restrictives dans son travail durant une année. Au- delà d’une telle période, l’application des mesures est peut- être encore raisonnable, mais non nécessaire.

En contre- interrogatoire, le Dr Pillay a convenu qu’un emploi dont le titulaire pouvait couramment et presque sans préavis être appelé à se présenter au travail pour l’un ou l’autre de trois postes horaires de huit heures n’était sans doute pas des plus indiqués pour une personne sujette aux crises cérébrales. Celle- ci aurait plutôt intérêt à travailler suivant un horaire stable lui permettant de dormir à des heures régulières.

Après avoir examiné les diverses facettes du travail de l’agent de train et de l’agent de triage, le Dr Pillay a conclu que celui qui est sujet aux crises cérébrales peut effectuer un tel travail s’il a été une année complète sans en subir. Il estime

qu’il y a peu de risque de récidive après cette période. Il convient que si l’on étend cette période à trois ans, on est

>en mesure de faire un pronostic plus sûr. Toutefois cette période d’un an est une règle empirique fondée sur l’expérience et que les médecins appliquent couramment sans qu’elle soit expressément définie dans les ouvrages de médecine.

Le Dr Pillay estime en outre que l’on doit tenir compte du cas particulier de l’individu en établissant la durée d’application des restrictions. Si M. Rodger avait été frappé de paralysie ou avait subi une lésion au cerveau, ou encore s’il y avait eu dans sa famille des cas d’épilepsie ou de crises cérébrales ou de tumeur au cerveau, alors on aurait pu considérer le risque de récurrence plus élevé. Toutefois, dans le cas qui nous intéresse, les seuls facteurs de risque retenus sont contrôlables, qu’il s’agisse de l’alcool, du sommeil, de la fatigue physique ou mentale.

Le Dr Pillay admet qu’il doit y avoir une part de subjectivité dans l’évaluation du risque, mais il juge essentiel de prendre en considération la personne comme telle et ses caractéristiques particulières.

Dans une lettre datée du 6 octobre 1982 (pièce R- 1), le Dr Pillay affirmait n’avoir trouvé chez M. Rodger aucun symptôme laissant prévoir de nouvelles crises. Son avis demeure toutefois nuancé lorsqu’il ajoute que lorsqu’il y a tendance à la

>récurrence, on doit chercher à éviter certains types d’emplois. Il croit même que M. Rodger aurait intérêt à travailler comme agent de train plutôt que comme agent de triage. Le passage de la lettre du Dr Pillay qui nous intéresse ici est le suivant :

(traduction)

"Il y a toujours un risque de récidive pour la personne ayant subi des crises cérébrales répétées, et le risque d’une nouvelle crise est plus grand pour elle que pour la population en général. Toutefois, lorsque la crise a été provoquée par la présence de certains facteurs déterminants comme cela semble être le cas dans le dossier qui nous occupe, la suppression de ces facteurs réduit considérablement le risque. Près de trois ans et demi ont passé depuis la double crise et, sauf durant les six premiers mois, le patient n’a reçu aucun médicament anti- convulsif sans que des symptômes de rechute se soient manifestés. En outre, les pronostics sont toujours plus encourageants si les crises se sont produites seulement durant la nuit que si elles ont eu lieu durant le jour ou durant le jour et durant la nuit.

On constate ici que les Chemins de fer nationaux du Canada se préoccupent très sérieusement de la sécurité de l’employé et de ses compagnons de travail, ainsi que de la sécurité des opérations. C’est là un fait à l’encontre duquel personne ne voudra formuler d’objection; toutefois

> il convient d’examiner aussi la situation dans la perspective de l’individu en cause. J’estime pour ma part qu’une personne entièrement à l’abri des crises cérébrales devrait avoir accès à n’importe quel cadre de travail, alors qu’une autre qui serait exposée aux rechutes devrait éviter les emplois exigeant qu’elle conduise des véhicules motorisés, qu’elle fasse fonctionner de la machinerie lourde, qu’elle grimpe ou qu’elle travaille en altitude. Pour répondre de façon plus précise à votre question, sans savoir si M. Rodger possède les compétences requises pour l’emploi d’agent de train, pour ma part je lui recommanderais, s’il en avait le choix, un tel poste plutôt que celui d’agent de triage."

S’il existe de nombreuses études traitant de la récurrence des attaques chez les épileptiques, la plupart d’entre elles portent sur les cas particuliers constituant les échantillons observés, mais aucune ne traite directement de cas analogues à celui de M. Rodger. Une étude faisant autorité a été publiée dans le New England Journal of Medicine du 26 août 1982, sous le titre Seizures Recurrence After A First Unprovoked Seizure; toutefois, elle traite de crises cérébrales non reliées à des facteurs concrets comme l’alcool, un traumatisme ou le stress physique. On y conclut que le risque de rechute est minime après une période de trois ans sans attaque. Le Dr Pillay estime toutefois que le cas de M. Rodger ne s’apparente pas à ceux qui

>sont étudiés ici car son dossier indique que sa crise a dû être provoquée par des facteurs extérieurs. Quant à lui, une fois ces facteurs éliminés, le Dr Pillay ne voit aucune raison d’étendre la période d’observation au- delà d’une année. Le Dr Pillay a toutefois admis s’être parfois trompé dans le passé en évaluant le risque de rechute chez certains de ses patients.

Le témoin a ajouté que si M. Rodger avait eu des responsabilités à l’endroit du public ou avait dû veiller à la sécurité des passagers, il n’aurait peut- être pas voulu limiter la période de risque à une année. A cet égard, il a voulu faire une comparaison avec les exigences du Manitoba pour la délivrance du permis de conduire. Pour pouvoir conduire une voiture particulière, une personne sous médication doit avoir été un an sans rechute. Toutefois, la personne reconnue épileptique par les médecins se voit interdire formellement la conduite d’un taxi, d’un petit autobus, d’une ambulance ou d’un autobus scolaire. On estime certainement que celui qui exerce un tel emploi a entre ses mains la vie d’autres personnes et que cela ne convient pas à un individu ayant fait l’objet d’un diagnostic d’épilepsie.

IV PLAIDOYERS

Dans son plaidoyer, M. Duval, avocat de la Commission canadienne des droits de la personne, a reconnu que le débat

>autour de ces faits pouvait en réalité se limiter à une seule question importante : quel aurait dû être la durée d’application des restrictions imposées à M. Rodger? Il a soutenu que, en maintenant ces restrictions pendant une durée démesurément longue et bien au- delà de ce qu’on pouvait estimer raisonnable dans les circonstances, le CN avait eu à l’encontre de M. Rodger une attitude discriminatoire fondée sur la déficience, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ou encore avait appliqué à son endroit une ligne de conduite discriminatoire interdite à l’article 10.

M. Duval considère que, par leur attitude et dans leurs actions, les responsables des services de santé du CN ont totalement ignoré les indices qui auraient dû les inciter à lever les restrictions imposées à l’encontre de M. Rodger bien avant que celui- ci, mû par la frustration, fût amené à démissionner en décembre 1982. Il souligne les points suivants :

  1. les services de santé du CN ont acceptés, sans examiner M. Rodger et sans s’enquérir de ses antécédents médicaux personnels et familiaux, le diagnosic du Dr Thorsteinson qui le déclarait épileptique;
  2. les services de santé du CN ont ignoré les rapports périodiques indiquant que M. Rodger avait été environ
  3. > un an sans rechute sous médication et qu’il avait continué à bien se porter sans médication pendant une période subséquente de huit ou neuf mois;

  4. les services de santé du CN ont totalement refusé de tenir compte de l’opinion autorisée d’un spécialiste reconnu, le Dr Gomori. Ses responsables ont préféré se reposer sur des données statistiques discutables plutôt que de faire une évaluation personnelle de l’état de santé de M. Rodger;
  5. le Dr Eggerston, qui n a pas de compétence particulière en la matière, s’est trouvé en désaccord avec un spécialiste de l’épilepsie, le Dr Gomori, mais il n’a pas cherché à s’appuyer sur une contre- expertise;
  6. les responsables des services de santé du CN n’ont pas suffisamment tenu compte du fait que M. Rodger avait continué à exercer ses fonctions d’agent de train pendant les trois mois qui ont suivi les crises et alors qu’il était normalement plus exposé aux rechutes;
  7. > le CN a négligé d’informer M. Rodger de la durée

prévue d’application des restrictions, lui donnant ainsi l’impression qu’elles pourraient être permanentes.

Toutefois, M. Duval reconnaît d’emblée que l’imposition de restrictions était au départ tout à fait indiquée. Il admet ainsi que, même si l’imposition de restrictions constitue en général un acte discriminatoire, il s’agissait dans les circonstances d’une exigence professionnelle justifiée au sens que donne à l’expression l’alinéa 14a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le passage se lit comme suit :

"Ne constituent pas des actes discriminatoires a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;"

Selon le CN, rien ne prouve qu’il y a eu discrimination à l’encontre de M. Rodger et personne n’a affirmé que les restrictions ne s’imposaient pas. Le mis en cause poursuit en disant que le moment choisi pour la levée des restrictions est affaire de jugement et qu’on ne saurait non plus considérer comme discriminatoire la façon dont ce jugement est exercé. Ou bien, affirme encore l’avocat, s’il y a eu discrimination, le CN se voit par le fait même déchargé de l’obligation d’établir que la

>période durant laquelle les restrictions ont été maintenues relevait d’une exigence professionnelle justifiée attachée au poste d’agent de train ou d’agent de triage.

V. CONSTATATIONS

(1) Bien- fondé de la plainte

Dans la plainte qu’il a rédigée (pièce C- 3), M. Rodger situe au 10 juillet 1979, ou aux environs de cette date (c’est- à- dire trois mois après les crises cérébrales), la discrimination qu’il dénonce, mais il s’est avéré lors de l’audience que la seule question en litige était celle de la légitimité de poursuivre l’application des restrictions au- delà d’une ou deux années suivant l’incident. L’avocat de la Commission a concédé sans discussion que pendant cette période l’application des restrictions répondait à une exigence professionnelle justifiée. En conséquence, la question sur laquelle le tribunal s’est penché n’est pas celle qui faisait à l’origine l’objet de la plainte.

Toutefois, un vice dans l’établissement d’une plainte n’entraîne pas nécessairement un refus du tribunal d’entendre la cause. Si le tribunal détermine que les parties en cause ont été dûment notifiées et équitablement traitées, il peut ne pas tenir compte de vices même sérieux entourant la plainte. (Tarnopolsky, Discrimination and the Law, 1982, p. 444.)

>-

Dans le cas présent, les deux parties étaient au courant des enjeux et, a été consacré, lors de l’audience, beaucoup d’effort à déterminer la durée de la période sans rechute qui pouvait constituer une exigence professionnelle justifiée pour un emploi d’agent de train ou de triage. Du reste, comme la question du bien- fondé de la plainte n’a pas été soulevée, il est inutile de s’y attarder ici plus longuement.

(2) Fardeau de la preuve de discrimination En général, il incombe au plaignant d’établir qu’il semble, à première vue, y avoir eu discrimination. S’il y parvient, le mis en cause doit alors justifier l’activité présumée discriminatoire. Le plus couramment, la preuve s’établit en fonction de la prépondérance des probabilités. (La Commission ontarienne des droits de la personne c. la municipalité d’Etobicoke (1982) 132 DLR (3rd) 14 (SCC) p. 19; Ward c. Messageries du CN (1982) CHRR D 689 (tribunal constitué en vertu de la LCDP paragraphe 6193.) Toutefois dans le cas présent, étant donné que le plaignant a reconnu que les restrictions constituaient une exigence professionnelle justifiée au moment de leur imposition, certains pourraient soutenir que c’est à lui de démontrer qu’au moment qui nous intéresse (un ou deux ans après les crises cérébrales), il ne s’agissait plus d’une exigence professionnelle justifiée. Cela aurait pour effet de décharger le CN du fardeau de la preuve lui incombant normalement.

> On ne doit pas se rendre à un tel argument. C’est une règle infrangible de l’interprétation des lois que la partie qui plaide l’exception doit en faire la démonstration. M. Rodger a effectivement admis avoir subi une incapacité et il concède que pendant une certaine période les restrictions qui l’ont frappé constituaient une exigence professionnelle justifiée, mais de telles concessions ne sauraient l’empêcher de soutenir qu’elles étaient devenues discriminatoires à une date plus tardive. En mettant en évidence la durée de la période qui s’est écoulée sans rechute et en démontrant que le risque de récurrence diminue avec son allongement, il conteste le bien- fondé du maintien par l’employeur de l’exigence professionnelle justifiée et c’est dès lors à ce dernier qu’incombe le fardeau d’établir qu’il est dans son droit.

Il est incontestable que les restrictions apportées au travail du plaignant étaient de prime abord discriminatoires. Mais on constate que la Commission ainsi que le plaignant reconnaissent qu’à l’origine de telles restrictions constituaient une exigence professionnelle justifiée. Toutefois, si cette exigence professionnelle en venait à perdre sa justification, les restrictions en question constitueraient un acte discriminatoire aux termes de l’article 7, puisque la déficience de M. Rodger est l’unique motif pour lequel on l’a écarté de son poste.

> Une certaine confusion a pu découler d’un arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. la Commission canadienne des droits de

la personne et Bhinder (1983), C. H. R. R. D/ 1404, qui précisait que dans certains cas l’intention discriminatoire doit être démontrée. Toutefois, le tribunal fut unanime pour déclarer que lorsqu’il y a différence de traitement, comme c’est ici le cas, nulle preuve d’intention n’est requise (Bhinder, paragraphe 1203; 12142).

Ayant démontré qu’il a fait l’objet d’un traitement particulier pour un motif de distinction illicite et ayant expliqué sa reconnaissance du fait que lesdites restrictions constituaient une exigence professionnelle justifiée à l’origine, mais non au terme d’une certaine période, M. Rodger estime être purement et simplement victime de discrimination.

Deux questions se dégagent donc : Le tribunal peut- il se pencher sur la durée d’application d’une exigence professionnelle justifiée pour déterminer s’il y a discrimination? Dans l’affirmative, le CN a- t- il démontré qu’après la fin de la période où l’on concède qu’elles étaient justifiées, les rstrictions qui frappaient M. Rodger constituaient toujours une exigence professionnelle justifiée?

>3) La durée en tant qu’élément constitutif d’une exigence professionnelle justifiée

En prétendant que la durée de la période pendant laquelle on impose à une personne une exigence professionnelle justifiée doit être laissée à la discrétion de l’employeur, le CN donne à penser que le seul fait de reconnaître que des restrictions ont pu s’imposer à un certain moment empêche à tout jamais d’en contester la nécessité. On ne saurait admettre une telle prétention.

C’est un fait établi que pour invoquer l’existence d’une exigence professionnelle afin de justifier un acte discriminatoire, il faut démontrer qu’il est raisonnablement nécessaire de l’imposer à l’intéressé (cf. Etobicoke plus haut, pp. 19 et 20). On peut concevoir deux façons dont l’exigence puisse cesser d’être raisonnablement nécessaire : soit que le travail lui- même subisse des modifications telles qu’une personne qui auparavant n’avait pas toutes les qualités requises pour l’exécuter réponde désormais à tous les critères, soit que la condition de la personne elle- même ait pu changer de telle sorte qu’elle satisfasse maintenant aux critères. C’est dans le cadre de cette dernière hypothèse que la question de la durée se pose ici et que, loin d’être sans rapport avec le fondement des restrictions, elle en devient même l’élément essentiel.

> Comme il est clair qu’il appartient aux tribunaux de décider, en cas de contestation, si une restriction constitue bien une exigence professionnelle justifiée (Cameron v. Nel- Gor Castle Nursing Home & Nelson (1984), CHRR D/ 2170 (commission d’enquête ontarienne); Villeneuve c. Bell Canada, 31 mai 1985 (décision encore inédite - tribunal canadien des droits de la personne), dans le cas présent, il me revient de déterminer si le CN était fondé d’exiger de M. Rodger, à titre d’exigence professionnelle justifiée, la prolongation de la période sans rechute consécutive à la crise cérébrale subie en avril 1979.

4) Application de l’exigence professionnelle justifiée La Cour suprême du Canada a défini dans l’affaire Etobicoke, plus haut pp. 19 et 20, les critères d’une exigence professionnelle justifiée :

"Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction comme la retraite obligatoire à un âge déterminé doit être imposée honnêtement, de bonne foi et dans la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d’assurer la bonne exécution du travail en question d’une manière raisonnablement diligente, sûre et économique, et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d’aller à

> l’encontre de ceux du Code. Elle doit en outre se rapporter objectivement à l’exercice de l’emploi en question, en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l’exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l’employé, ses compagnons de travail et le public en général.

La réponse à la seconde question dépend en l’espèce, comme dans tous les cas, de l’examen de la preuve et de la nature de l’emploi concerné.

Ces critères ont depuis été appliqués à l’alinéa 14a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (cf. affaires Bhinder et Villeneuve, citées plus haut) et aux passages correspondants de la plupart des lois provinciales sur les droits de la personne.

Dans le cas présent, nous n’examinerons que le critère objectif car il ne fait aucun doute que les restrictions imposées par le CN l’ont été uniquement en vue d’assurer la sécurité du public. Deux questions se posent lorsqu’il s’agit d’établir objectivement que des restrictions constituaient une exigence professionnelle justifiée. Tout d’abord, dans quelle mesure le CN était- il tenu d’évaluer individuellement l’état de santé de M. Rodger? Deuxièmement, quand un risque est- il assez important pour justifier l’application de restrictions?

> En ce qui a trait à la première question, on lit dans Tarnopolsky (ouvrage cité plus haut, à la page 311) :

(traduction)

"Les lois antidiscriminatoires ne contraignent pas les employeurs ou les fournisseurs de moyens d’hébergement, de services et d’installations à ignorer les déficiences des personnes handicapées ou à effectuer d’importantes modifications pour s’ouvrir à la participation de celles- ci. Elles exigent toutefois qu’on accorde aux personnes atteintes de déficience une évaluation et un traitement individualisés et qu’on fasse à leur égard des efforts d’adaptation raisonnables."

(C’est nous qui soulignons.) Cette position se trouve confirmée dans les décisions Ward (paragraphe 6223- 4) et Cameron (paragraphe 18508), évoqués cidessous, mais le cas qui nous occupe ici est différent. Dans les deux affaires en question, les plaignants étaient atteints d’invalidité permanente à la main et leur employeur pouvait facilement constater par simple observation leur aptitude à effectuer leur tâche. Le témoignage des médecins sur leur capacité n’a pas été contredit. Ici par contre, on ne peut pas être aussi affirmatif quant aux risques de récurrence d’une crise cérébrale.

> Les principes énoncés dans les décisions Etobicoke, déjà citée, et Air Canada c. Carson et al. (décision de la Cour d’appel fédérale rendue le 15 février 1985 mais non encore publiée, qui avaient trait au critère de l’âge, s’appliquent davantage au cas qui nous occupe. Dans les deux décisions en question, on a reconnu qu’il existe des situations où il est difficile, sinon impossible, de traiter sur une base individuelle de considérations relatives à la sécurité. Dans la décision Air Canada, la majorité des juges ont exprimé l’opinion que lorsqu’un employeur veut justifier l’application d’une mesure globale, il doit démontrer l’impraticabilité de l’évaluation individuelle. Dans la décision Etobicoke, on lit (p. 22) :

"Dans un métier où, comme en l’espèce, l’employeur cherche à justifier la retraite par la sécurité publique, le commissaire enquêteur et la Cour doivent, pour décider si on a prouvé l’existence d’une exigence professionnelle réelle, se demander si la preuve fournie justifie la conclusion que les personnes qui ont atteint l’âge de la retraite obligatoire présentent un risque d’erreur humaine suffisant pour justifier la mise à la retraite prématurée dans l’intérêt de l’employé, de ses compagnons de travail et du public en général."

L’employeur qui veut justifier l’absence d’évaluations individuelles doit donc faire valoir que de telles évaluations

>étaient inapplicables et que, d’une manière générale, les risques de défaillance sont suffisamment connus pour justifier l’imposition d’une restriction globale.

Dans le cas qui nous intéresse, le CN affirme avoir accordé à M. Rodger un traitement individuel parce qu’il n’existait pas de politique établie qu’on pût lui appliquer. Toutefois, les mesures prises paraissent avoir tendu davantage à définir une telle politique qu’à déterminer les capacités particulières de M. Rodger. Le CN n’a pas retenu les évaluations faites par les médecins de ce dernier concernant les risques suscités par son état, préférant s’en remettre à des études médicales de portée plus générale pour juger que l’employé n’était pas en état de s’acquitter de ses tâches de façon sécuritaire. Rien n’indique que le mis en cause ait sérieusement pesé les caractéristiques particulières du cas de M. Rodger : les causes apparentes de la crise cérébrale, la durée de la période sans rechute malgré l’absence de médication,

l’absence de crises cérébrales antérieures dans la famille ou chez l’intéressé, l’exécution satisfaisante du travail au cours des trois mois qui ont suivi les attaques, etc.

S’il est vrai que le CN n’ a pas évalué individuellement M. Rodger, on peut estimer qu’il lui était virtuellement impossible de le faire en raison de l’absence d’information médicale sérieuse permettant d’évaluer la probabilité de

>récurrence. D’après le critères objectif énoncé dans la décision Etobicoke, il suffit que la restriction soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement du travail, toute la question portant sur l’importance du risque couru.

Il est certain que lorsque la sécurité du public est en jeu, le fardeau imposé à l’employeur est moins lourd qu’en des circonstances plus ordinaires. Dans l’affaire Ward, le tribunal canadien des droits de la personne a énoncé ce qui suit (paragraphe 6213) :

"Les causes sont nombreuses où il a été dit que le fardeau de la preuve imposé à l’employeur pour justifier une exigence professionnelle est sensiblement moindre lorsque celui- ci peut invoquer des considérations de sécurité intéressant l’employé lui- même, ses camarades de travail ou le grand public. Toutefois, même si le fardeau se trouve allégé du fait qu’un travail est dangereux ou que la sécurité entre en jeu, l’exigence professionnelle justifiée n’en doit pas moins être interprétée de façon stricte."

(Voir aussi Cameron, paragraphe 18510; Little v. St. John Shipbuilding and Drydock Co. Ltd. (1980), CHRR D/ 7 (commission d’enquête du N.- B., p. D/ 8).

> En ce qui concerne le travail dont il est ici question, la préoccupation de l’employeur pour la sécurité du plaignant et de ses compagnons de travail est tout à fait légitime. Il est indiscutable que le CN a, à l’égard du public, la responsabilité de mener ses opérations dans les conditions les plus sécuritaires.

Bien qu’il soit évidemment impossible de fixer des règles précises (cf. Etobicoke, citée plus haut, p. 22), les causes déjà entendues permettent de conclure qu’il suffit que la sécurité publique soit très légèrement menacée pour justifier une restriction fondée sur la déficience. Ainsi, dans l’affaire Foucault c. Chemins de fer nationaux du Canada 1982, CHRR D/ 677, un tribunal des droits de la personne a jugé, devant l’impossibilité de prédire les rechutes dans le cas d’une lésion lombaire traitée, que le CN était justifié de refuser au plaignant l’emploi physiquement exigeant de préposé à l’entretien des ponts. Dans l’affaire Manitoba Human Rights Commission and Loveday v. Baker Manufacturing Ltd. (1984), 5 W. W. R., 704 (Man. Q. B.), la cour a rejeté le pourvoi contre la décision d’un conseil d’arbitrage ayant statué que l’absence de problèmes lombaires constituait une exigence professionnelle justifiée pour un emploi de

manutentionnaire. Même s’il est précisé qu’une telle exigence doit avoir un fondement réel et substantiel, on a considéré que le danger qui menaçait le plaignant lui- même constituait un risque suffisant :

> (traduction)

"Aucun employé n’a le droit de courir le risque de se blesser sérieusement, et aucun employeur ne devrait être contraint d’embaucher une personne que sa condition physique expose à un risque plus sérieux qu’une blessure sans gravité." (p. 709)

La difficulté consiste à déterminer jusqu’où on peut s’avancer avec une assurance raisonnable pour permettre sans trop de risque à une personne dans la situation de M. Rodger de réintégrer son ancien emploi. Il semble qu’on doive laisser aux médecins le soin de préciser cette limite.

La position prise par le CN à l’endroit de M. Rodger au moment qui nous intéresse était- elle déraisonnable? Ne disposait- on pas de suffisamment d’indices clairs et fiables permettant de conclure que le maintien des restrictions mises à son emploi constituait en fait une forme de discrimination fondée sur la déficience?

Le débat semble tourner en grande partie autour du diagnostic à porter sur l’état de santé du plaignant : souffre- t- il d’épilepsie ou a- t- il simplement subi une crise cérébrale? Même si leurs manifestations sont identiques, ce sont là deux problèmes différents et le risque de récurrence apparaît plus grand si la personne est atteinte d’épilepsie car il s’agit alors d’une maladie latente, beaucoup plus difficile à

>contrôler que les crises cérébrales dont les causes sont connues. Dans l’avis professionnel qui fut à l’origine communiqué au CN, le médecin traitant de M. Rodger déclarait que son patient souffrait d’épilepsie. Ce diagnostic fut confirmé par les Drs Thorsteinson et Gomori et admis par le Dr Eggerston. Ce n’est que le Dr Pillay qui, dans son témoignage et en y réfléchissant après coup, est arrivé à la conclusion que M. Rodger avait subi des crises cérébrales, mais n’était pas épileptique.

Pour ce qui est de la durée d’application des restrictions, l’opinion des médecins diffère également. Le Dr Pillay estime qu’une année est raisonnable. De son côté, le Dr Thorsteinson a conseillé au CN l’application de restrictions pendant une période de deux ans.

Les études médicales traitant de ce sujet se fondent sur l’examen de patients qui, pour la plupart, présentent un cas différent de celui de M. Rodger. Le Dr Eggerston s’est appuyé sur des études existant en 1981, qui estimaient à 70 p. 100 la possibilité qu’une personne atteinte d’épilepsie subisse une rechute et selon lesquelles celle- ci était susceptible de se produire au cours des cinq années suivant la première attaque. Le CN a donc opté pour une période d’attente de cinq ans, mais cette décision n’a pas été communiquée à M. Rodger.

> Le Dr Eggerston a reconnu sans hésitation la valeur scientifique de l’article paru en août 1982 dans le New England Journal of Medicine. Selon cet article, les patients présentant certaines caractéristiques dont on a fait l’étude sont relativement à l’abri du risque s’ils connaissent une période de trois ans sans attaque. La conclusion que l’on tire est la suivante :

(traduction)

"Du point de vue clinique, le principal résultat de cette étude est de démontrer que, contrairement à l’impression obtenue en clinique, sur trois patients ayant subi une attaque non provoquée, un seul aura une rechute, et lorsqu’il s’écoule trois ans sans qu’un patient subisse une nouvelle attaque, il y a peu de probabilité de rechute. A l’égard du risque de rechute, les patients ayant subi une première attaque diffèrent grandement. Des antécédents familiaux positifs, un complexe pointe- onde ou un problème cérébral antérieur augmentent le risque de récidive après une première attaque non provoquée."

Pour sa part, le Dr Pillay réplique que les conclusions de cette étude ne s’appliquent pas à M. Rodger car, dans son cas, il ne s’agissait pas d’attaque non provoquée mais d’une crise causée par les facteurs de stress déjà signalés.

> Au moment qui nous intéresse, il n’existait donc pas de règle médicale bien arrêtée permettant d’établir la durée d’application des restrictions à l’emploi d’une personne comme M. Rodger. Tous les témoignages et toutes les études médicales convenaient qu’il y avait un risque d’attaque cérébrale plus grand chez une personne qui en avait déjà subi une que chez les autres. En outre, il paraissait indiscutable que, pour celui qui avait déjà subi une attaque, plus la période sans rechute s’était prolongée, moindre était le risque de récurrence. Le risque diminue à mesure que le temps passe. Les témoignages des médecins entendus par le tribunal différaient non seulement en ce qui a trait au diagnostic porté sur le cas de M. Rodger, mais aussi sur la durée nécessaire d’application des restrictions. Un autre passage du récent article du New England Journal of Medicine consacré à la récurrence des attaques cérébrales se lit comme suit :

(traduction)

"Quatre études antérieures ont déjà traité du risque de récidive après une première attaque, mais aucune d’elles ne peut guider le pronostic de façon certaine. Les échantillons étaient trop restreints et le suivi incomplet ou la durée de celui- ci non précisée." (C’est nous qui soulignons.)

>L’article précise encore :

(traduction)

"La littérature spécialisée fournit peu d’information utile sur le risque de récidive chez un patient subissant une première attaque".

(5) Conclusion Il s’agit donc d’appliquer ces principes au cas qui nous intéresse. Il est impossible de prédire de façon certaine la récurrence des attaques cérébrales, et les médecins entendus par le tribunal ont conclu que M. Rodger était plus exposé aux attaques qu’une autre personne puisqu’il avait déjà subi deux crises. Le spécialiste le plus autorisé, le Dr Pillay, qui affichait les vues les plus positives concernant la capacité de M. Rodger, a aussi indiqué que celui- ci serait plus en mesure d’occuper un poste d’agent de train que d’agent de triage. Il s’agit d’un travail manuel exigeant beaucoup d’attention et qui se fait par roulement horaire. Une attaque survenant au travail pourrait facilement avoir ici des conséquences très sérieuses mettant en jeu des vies humaines et des biens matériels, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Sandiford v. Base Communications Limited (1984) 5 CHRR D/ 2237. Dans cette affaire, une commission d’enquête de la Saskatchewan a estimé que le plaignant était en mesure d’occuper son poste malgré son épilepsie, et qu’on ne pouvait raisonnablement faire de l’absence

>d’épilepsie une condition d’exercice de l’emploi de téléphoniste au secrétariat téléphonique du mis en cause. La commission d’enquête a considéré que ( traduction) si une perturbation devait se produire dans le travail par suite d’une attaque d’épilepsie, on pourrait faire face à la situation de la même face que lorsque n’importe quel standardiste tombe subitement malade ou se voit forcé de quitter précipitamment son poste pour se rendre à l’école auprès de son enfant malade. (Paragraphe 18917) Toutefois, la nature de la tâche et les responsabilités attachées aux postes d’agent de train et d’agent de triage diffèrent matériellement des responsabilités qui incombaient au plaignant dans l’affaire Sandiford.

Dans l’absence de toute information sûre concernant le risque de récidive chez des personnes dans la situation de M. Rodger, et parce que la nécessité de tenir compte de la sécurité publique restreint inévitablement le niveau de risque acceptable, on ne saurait juger déraisonnable la position prise par le CN. Rien ne semble donc justifier la contestation du jugement du mis en cause à cet égard et, en conséquence, la plainte doit être rejetée.

On ne saurait trop insister sur la nécessité d’évaluer chaque cas individuellement, étant donné surtout les généralisations préconçues en ce qui a trait à des maladies comme l’épilepsie, et qu’il importe de combattre. Le fait qu’on ait

>admis dans le cas présent comme constituant une exigence professionnelle justifiée l’application des restrictions pendant une période de cinq ans, ou même de trois ans et demi (au moment où M. Rodger a quitté le CN), ne signifie pas qu’il pourra en être de même à l’avenir. L’article du New England Journal of Medicine penche dans un autre sens pour certains types de cas et le Dr Eggerston se rallie à cette conclusion. En conséquence, celui- ci

serait maintenant disposé à réduire de deux années la période de cinq ans qu’il avait d’abord prescrite.

Si elle ne peut laisser aucune menace le moindrement sérieuse peser sur la sécurité publique, la société ne saurait accepter les généralisations hâtives en ce qui a trait à la capacité des personnes atteintes d’une déficience. Les employeurs doivent donc appuyer l’imposition d’exigences professionnelles sur des données médicales et statistiques à jour, faisant autorité, et adaptées à chaque cas.

Lors de son témoignage, le Dr Eggerston a affirmé que le CN était disposé à réexaminer le cas de M. Rodger dans une perspective nouvelle. Il a précisé que s’il constatait que M. Rodger n’avait pas subi de nouvelle crise depuis 1979 et qu’il était par ailleurs en bonne forme physique, il serait prêt à le reconnaître médicalement apte à occuper le poste d’agent de train et d’agent de triage, en s’appuyant particulièrement sur l’article du New England Journal of Medicine qui, estime- t- il,

>devrait s’appliquer de façon générale. Même si le tribunal a estimé devoir rejeter la plainte de M. Rodger, le moment pourrait être venu pour celui- ci de soumettre une nouvelle demande au CN pour l’obtention d’un poste d’agent de train ou d’agent de triage.

Fait à Toronto, ce 16e jour de juillet 1985. SIDNEY N. LEDERMAN, C. R.

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