Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE, L.R.C. (1985), ch. H-6, ET SES MODIFICATIONS

ET une audience tenue devant un tribunal des droits de la personne constitué en application du paragraphe 49(1.1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

ENTRE:

SAFI SYED

Plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et - MINISTERE DU REVENU NATIONAL (DOUANES ET ACCISE)

Intimé

TRIBUNAL :

SYDNEY N. LEDERMAN Président MARVIN N. STARK Membre JENNY C. WONG Membre

DÉCISION DU TRIBUNAL

ONT COMPARU :

PETER C. ENGELMANN Avocat de la Commission

MARY A. HUMPHRIES Avocate de l'intimé

DATES DE L'AUDIENCE: Les 4, 5 et 6 décembre 1989

LIEU DE L'AUDIENCE: Vancouver (Colombie-Britannique)

TRADUCTION

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1) La plainte

M. Safi Syed (Syed), un Indo-canadien, était un employé nommé pour une période déterminée travaillant comme conseiller subalterne en gestion pour Revenu Canada (Douanes et Accise). Son contrat de travail a pris fin le 31 mai 1985. Il soutient que son contrat n'a pas été renouvelé de manière à lui permettre de se présenter à un concours interne relatif à un poste doté pour une période indéterminée et ce, en raison de sa race, de sa couleur et de son origine nationale ou ethnique en violation de l'alinéa 7a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

2) L'embauche de Syed

En 1984, un projet d'évaluation du rendement était en cours au ministère du Revenu national (Douanes et Accise). Ce projet avait été mis en branle à la suite des critiques formulées par le vérificateur général au sujet de l'inefficacité du Ministère et de sa recommandation d'établir des normes de mesure du travail.

M. Romeo Poirier (Poirier) était responsable du projet au sein du Ministère. Il avait mis sur pied diverses équipes de conseillers en gestion chargés d'effectuer des études sur le fonctionnement du Ministère dans les régions de l'Atlantique, de Toronto, de Montréal, de Niagara et de Vancouver. Il projetait

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d'avoir recours aux services de 22 personnes pour effectuer les travaux préparatoires et, une fois les études terminées, de n'utiliser que 10 personnes pour continuer le programme.

En juin 1984, Poirier disposa d'un poste vacant à Montréal, poste qui a été postulé par Syed. Une connaissance parfaite de la langue française constituait une exigence fondamentale. La candidature de toute personne ne satisfaisant pas à cette exigence ne pouvait même pas être retenue. Même si Syed avait indiqué dans sa demande qu'il parlait français, il est devenu évident lors de son entrevue avec Poirier que sa capacité linguistique ne satisfaisait pas aux exigences du poste. Normalement, l'affaire aurait dû en rester là. Cependant, Poirier avait été impressionné par la formation et l'expérience de Syed en tant qu'ingénieur des méthodes et, par hasard, Poirier avait besoin de personnel pour son équipe de la région de Vancouver où il lui manquait un employé. Par conséquent, il a demandé à Syed s'il accepterait un emploi éventuel à Vancouver, ce à quoi celui-ci a répondu oui. Poirier l'a cependant averti qu'il ne pouvait pas lui garantir cet emploi parce que le concours tenu dans ce domaine était restreint et qu'il devrait tout d'abord obtenir une dispense de la part de la Commission de la fonction publique.

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Poirier a continué à interroger Syed et il a conclu qu'il n'était pas (TRADUCTION) "aussi bon que prévu", en raison principalement d'un problème de communication. Syed avait réussi l'entrevue mais il (TRADUCTION) "ne s'était pas montré sensationnel". Néanmoins, l'équipe de la région de Vancouver commençait à peine ses activités et Poirier avait besoin d'aide, en particulier parce qu'il devait accomplir ses tâches dans un délai relativement court.

Poirier s'est ensuite donné du mal pour obtenir une dispense de la part de la Commission de la fonction publique en ce qui concerne le poste de Vancouver. Il devait démontrer qu'il ne pouvait compléter ses effectifs avec des candidats qualifiés résidant dans la région de Vancouver. La dispense lui a été accordée.

Il a discuté avec Syed de la nature du poste doté pour une période déterminée. Le moins qu'on puisse dire est qu'il s'agit d'un emploi incertain parce que rien ne garantit qu'un poste sera offert une fois la période écoulée. De plus, Syed devait lui-même acquitter les dépenses engagées pour déménager avec sa famille à Vancouver.

Syed devait également franchir un autre obstacle, une entrevue avec M. Bill Adamson (Adamson). Poirier tenait Adamson en haute estime et lorsqu'il a mis sur pied le programme à

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Vancouver, il lui a demandé d'accepter d'y être muté afin de former l'équipe. Poirier a téléphoné à Adamson à Vancouver et lui a dit qu'il avait peut-être un candidat à lui proposer au sujet duquel il entretenait certaines réserves mais qu'il croyait compétent. Il a demandé à Adamson s'il voulait rencontrer Syed en entrevue. Poirier a déclaré dans son témoignage qu'il n'a nullement imposé la candidature de Syed à Adamson. Ce dernier s'est rendu à Toronto à cette fin. Poirier a payé les dépenses engagées par Syed pour aller rencontrer Adamson à Toronto. Il était plutôt inhabituel que de telles dépenses soient remboursées. Après avoir rencontré Syed, Adamson, agissant indépendamment de Poirier, a décidé de l'engager.

Une offre d'emploi écrite a été envoyée à Syed aux environs du 20 août 1984. En voici un extrait :

(TRADUCTION)

"Si vous acceptez la présente offre, votre emploi prendra fin le 31 mai 1985. Votre date d'entrée en fonction sera confirmée au moment de votre arrivée à Vancouver. Pendant cette période, vous serez en stage et vous devrez satisfaire aux exigences du service.

Cette période d'emploi pourra être réduite si vos services ne sont plus nécessaires faute de travail ou par suite de la suppression de vos fonctions. Veuillez prendre note que la présente lettre ne constitue

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pas une offre d'emploi pour une période indéterminée ni ne vous assure un emploi continu dans la fonction publique."(Pièce HR-3)

Syed croyait qu'il serait engagé pour une période commençant en août 1984 et se terminant en novembre 1985. Il a cependant constaté, lorsqu'il a reçu de Revenu Canada une lettre datée du 4 septembre 1984 confirmant son emploi, que celui-ci prendrait fin plus tôt, soit le 31 mai 1985. Il a été déçu, mais il a néanmoins signé la lettre pour signifier son acceptation et l'a renvoyée à Ottawa.

3) État de services

Voici maintenant un aperçu des états de service de Syed pendant les 9 mois de son emploi et des divers incidents qu'il invoque pour prouver qu'il a été victime de discrimination fondée sur la race de la part d'Adamson.

Syed s'est présenté au travail le 28 août 1984; au lieu d'y être bien accueilli, il a été informé par un employé qu'il devait revenir le lendemain. Cette directive a été donnée à l'employé après une conversation téléphonique avec Adamson qui n'était pas au bureau ce jour-là. Comme nous l'avons indiqué plus haut dans les présents motifs, la lettre de Revenu Canada offrant l'emploi à Syed portait :

(TRADUCTION)

"Votre date d'entrée en fonction sera confirmée au moment de votre arrivée à Vancouver."

A notre avis, le fait qu'Adamson ait décidé que Syed devait commencer à travailler le lendemain du jour où il s'est présenté au bureau est sans importance. La déception de Syed à ce sujet semble avoir découlé d'un malentendu de sa part et rien de plus.

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Syed s'est présenté le lendemain et il a immédiatement été désigné pour travailler avec Nadir Amarshi (Amarshi) qui effectuait une étude sur le trafic des passagers aux douanes de l'aéroport de Vancouver. Syed a connu quelques difficultés dès le départ. Adamson a déclaré qu'Amarshi s'était plaint que Syed gênait son programme en manipulant inutilement les marchandises qui avaient été saisies. Lors de son contre-interrogatoire, Amarshi a admis qu'il avait peut-être formulé des critiques à l'endroit de Syed parce qu'il posait trop de questions et qu'il a soumis ce problème à Adamson au début du projet. Il est évident que Syed a eu quelques problèmes, quelle que soit leur nature exacte.

Amarshi et Jack Sterling (Sterling) étaient également des conseillers subalternes en gestion qui avaient été engagés plus tôt et avaient commencé à travailler à la fin de juillet 1984. Leurs contrats devaient prendre fin le 1er avril 1985. Après avoir assisté Amarshi pendant deux semaines, Syed a commencé à travailler avec Sterling qui effectuait des études du rendement au travail à la section du fret aérien de l'aéroport de Vancouver. Il y a travaillé pendant quatre semaines. L'étude de mesure du travail à laquelle il participait était simple et elle consistait en grande partie à rassembler des statistiques en utilisant un chronomètre. Elle comportait finalement la rédaction d'une description de l'emploi en cause et l'élaboration de normes de mesure du travail pour l'exécution des tâches de cet emploi.

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Le 25 octobre 1984, Syed a été chargé de mesurer le rendement des employés des douanes et de l'accise au bureau de poste de Vancouver. Son travail consistait essentiellement à observer les employés et à recueillir des statistiques. Toutefois, Syed ne s'est pas contenté de cela et il a préparé un organigramme pour le traitement et l'examen par les employés des douanes et accise des articles sujets à des droits dans le courrier international. Même si cela ne faisait pas partie de son travail de mesure du rendement, Syed a pensé qu'il serait bon de préparer un tel organigramme car celui-ci pourrait être utile du point de vue de l'organisation scientifique du travail. Il estimait que les employés du service étaient trop nombreux, mais il n'a pas soulevé ce point étant donné qu'il s'agissait de la période précédant Noël et qu'on prévoyait une augmentation considérable de la charge de travail dans un court délai.

Moins d'une semaine après son arrivée au bureau de poste, Syed a été amené à l'écart par Adamson qui lui a indiqué qu'il y avait un problème. Adamson lui a dit qu'il avait un problème de communication et que des plaintes avaient été formulées à cet effet. Cette tâche a donc été retirée à Syed et elle a finalement été complétée par un autre conseiller. Adamson a déclaré qu'il avait reçu quelques plaintes de la part d'autres personnes indiquant que Syed ennuyait le personnel en lui posant trop de questions.

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Syed a déclaré pour sa part que le personnel n'aime pas la présence de conseillers en gestion. C'était le cas au bureau de poste et c'est généralement le cas étant donné que les études entreprises pour mesurer le rendement suscitent naturellement des inquiétudes et de la défiance. Les employés craignent que l'on réduise le personnel pour assurer l'efficacité et, par conséquent, ils se sentent vulnérables. Les conseillers en gestion doivent donc être conscients de cette situation, en particulier lorsqu'ils cherchent à obtenir des renseignements et qu'ils interrogent le personnel, de manière à ne pas indisposer les employés ni à les amener à s'inquiéter inutilement. Adamson a déclaré que l'étude n'avait pas pour but de réduire le nombre d'employés et qu'il avait indiqué aux membres du personnel qu'elle n'aurait aucune incidence sur le nombre d'années-personnes. L'équipe effectuant l'étude n'avait pas le pouvoir de recommander une coupure du nombre d'années-personnes et sa mission consistait seulement à recueillir des renseignements à des fins de gestion.

Adamson a informé Poirier des problèmes de Syed au bureau de poste et Poirier lui a demandé de lui en faire part par écrit. Adamson était peu disposé à le faire, mais il a finalement envoyé une lettre à Poirier. Il y déclarait :

(TRADUCTION)

"Le 24 octobre 1984, un projet d'évaluation du rendement a été présenté à la gestion des services hiérarchiques des opérations postales de Vancouver, le projet no 6783. L'analyste affecté au projet était M. Syed qui en a entrepris l'organisation le 25 octobre 1984.

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M. G. MacLaine, gestionnaire adjoint du district métropolitain, m'a téléphoné le 31 octobre pour se plaindre au sujet de la capacité de M. Syed de réaliser un tel projet, étant donné qu'il avait reçu des plaintes de la part du gestionnaire des services hiérarchiques en ce qui concerne les capacités de M. Syed de communiquer avec les superviseurs ou les opérateurs effectuant leurs tâches.

J'ai accepté de rencontrer les administrateurs locaux du bureau de poste pour essayer de régler cette crise. Lors d'une consultation avec le gestionnaire des services hiérarchiques et deux (2) de ses superviseurs, on m'a clairement indiqué que M. Syed éprouvait de grandes difficultés à comprendre les renseignements qui lui étaient transmis même si ceux-ci lui avaient été fournis à plus d'une reprise antérieurement. On se demandait donc quels résultats M. Syed pourrait obtenir dans le cadre du projet s'il n'arrivait pas à comprendre ces renseignements.

On m'a indiqué que les superviseurs du bureau de poste n'étaient pas disposés à accepter la présence de M. Syed pour mener à bien ce projet. Pour éviter tout effet préjudiciable pour l'acceptation et la crédibilité du groupe chargé du projet et du Ministère, j'ai décidé d'annuler le projet dans l'intervalle.

M. Syed a été mis au courant de la décision et des inquiétudes des administrateurs locaux.

J'ai rencontré personnellement M. Syed afin de discuter avec lui de ce qui, à mon avis, clochait dans l'exécution de ses tâches de conseiller. Je pense que je dois signaler que c'est la deuxième fois depuis que M. Syed fait partie de l'équipe que j'ai l'occasion de lui souligner certaines de ses faiblesses afin de lui permettre d'y remédier.

Voici les éléments au sujet desquels j'ai discuté avec M. Syed et qui nécessitent une amélioration :

  1. La technique chronométrique
  2. Les responsabilités d'un conseiller
  3. La capacité de communication
  4. La prise de décisions (esprit d'initiative) e) Les qualités personnelles (Pièce R-1, onglet 5)

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Même s'il était habituel de remettre à l'employé une copie des critiques formulées à son endroit par son superviseur, ni Adamson ni Poirier n'ont remis un tel document à Syed. Adamson l'a toutefois informé personnellement des points dont il était question dans la lettre. Syed a déclaré qu'il estimait que ces critiques étaient injustifiées car il croyait avoir bien exécuté ses fonctions au bureau de poste.

Un autre incident mettant en cause Adamson concernait le besoin de Syed de se rendre à une mosquée musulmane le vendredi pour y effectuer ses prières du sabbat. La mosquée était située à dix minutes de son lieu de travail et il voulait s'y rendre pendant la pause du midi. Syed a déclaré qu'il avait demandé l'autorisation de s'y rendre dès sa première semaine de travail mais qu'Adamson avait refusé de le lui permettre. Syed a ajouté qu'il avait alors obtenu une note de service du ministère de la Justice, qu'il l'a montrée à Adamson et qu'il en a parlé avec Poirier et qu'il a été par la suite autorisé à se rendre à la mosquée. Les témoignages d'Adamson et de Poirier sont différents. Adamson a déclaré que la pause-repas de Syed durait une demi-heure seulement et non une heure, et qu'il ne pouvait donc pas effectuer sa pratique religieuse pendant son temps libre. Cette question a fait l'objet de négociations entre Syed et Adamson, et un accord a finalement été conclu en vertu duquel Syed pouvait prendre une heure pour sa pratique religieuse mais devait rattraper le temps ainsi perdu à la

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fin de la journée. Une fois cette question résolue, il n'y a eu aucun autre problème à cet égard. Il faudrait signaler que Poirier a semblé plus rigide sur cette question. Il a déclaré dans son témoignage :

(TRADUCTION)

"Il a été engagé pour travailler pendant une semaine complète et il doit travailler pendant une semaine complète et s'acquitter de ses obligations religieuses après les heures de travail." (Notes sténographiques, vol. 3, page 476)

Il semble néanmoins qu'Adamson a décidé de son propre chef de prendre cet arrangement avec Syed.

En novembre 1984, Syed a été envoyé à Burnaby pour y effectuer des études au bureau des Douanes et Accise du United Terminal. Il a fallu environ trois mois à Syed pour effectuer ce travail et Adamson semblait satisfait de son rendement. Syed s'est toutefois plaint du fait qu'il n'avait pas reçu une avance pour payer ses fins de déplacement. Il a eu l'impression qu'il avait fait l'objet d'une discrimination étant donné qu'il pensait que chaque conseiller affecté aux Douanes et Accise avait reçu 1 500 $ à titre d'avance. Sterling et Amarshi avaient reçu cette avance. Syed a déclaré qu'il avait demandé celle-ci à Adamson qui la lui avait refusée. Il faut signaler qu'Amarshi est également un Indo-canadien.

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Pour sa part, Adamson a déclaré que les indemnités de déplacement étaient accordées aux employés qui devaient parcourir une distance de plus de 10 milles pour se rendre à leur lieu de travail. Il a ajouté que le millage parcouru par Syed jusqu'au United Terminal lui était remboursé et qu'il recevait également une allocation de repas. Cette dernière allocation n'était généralement pas accordée, mais Adamson l'a donnée à Syed parce qu'il savait que celui-ci avait des problèmes financiers.

En ce qui concerne les avances de voyages, elles étaient accordées aux employés qui devaient se rendre en avion à des endroits situés à l'extérieur de la Colombie-Britannique pour des séjours de trois semaines et Syed n'a pas été affecté à un tel projet.

La question des frais de déplacement a donné lieu ultérieurement à un autre différend lorsque Adamson a demandé à Syed de se rendre à Port Coquitlam pour y recueillir des statistiques à la place d'un autre collègue. Cela ne faisait pas partie du travail de Syed, mais il s'y est rendu en automobile et il y a recueilli les statistiques demandées. Il a demandé à Adamson s'il pourrait obtenir un remboursement pour le millage parcouru mais il n'en a jamais obtenu.

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Syed a très souvent demandé à Adamson de participer à des projets extérieurs comme ceux qui devaient être menés à Victoria, Calgary, etc. Syed a déclaré qu'il aimait voyager, mais Adamson a toujours affecté d'autres personnes à ces tâches.

En outre, selon Syed, Adamson avait une préférence marquée pour Sterling, le seul blanc parmi les trois conseillers. Lorsque Adamson est parti en congé, il a désigné Sterling pour agir comme superviseur suppléant même si, à l'époque, celui-ci effectuait des études à Calgary. Par contre, Syed était à Vancouver et il estimait qu'il n'y avait aucun motif de ne pas le nommer à cette fonction. Syed n'a reçu aucune explication de la part d'Adamson à ce sujet. Adamson a déclaré dans son témoignage qu'il avait confié ses responsabilités à Sterling pour une période de deux semaines. Sterling n'a reçu aucune rémunération supplémentaire et son rôle se limitait à s'occuper des problèmes pouvant découler de la gestion des services hiérarchiques. Syed et Amarshi ont été expressément informés que s'ils rencontraient la moindre difficulté, ils pouvaient s'adresser directement à Poirier.

Après les problèmes initiaux auxquels il a dû faire face, Syed a effectué efficacement son travail. Il a même reçu les félicitations d'Adamson qui aurait dit, selon Syed, qu'il était (TRADUCTION) "un génie" lorsqu'il a découvert une erreur mathématique

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dans le guide utilisé par les conseillers pour effectuer leurs études d'évaluation du rendement. A la suite de la résolution du problème par Syed, le guide a été révisé.

En mars 1985, Syed a écrit à Perrin Beatty, qui était alors ministre du Revenu national, et à son député pour leur faire part de ses inquiétudes en tant qu'employé nommé pour une période déterminée et de son désir d'obtenir un emploi permanent au moment de la phase de maintien du programme. Il craignait que les postes permanents ne soient pas attribués à des membres du personnel local effectuant l'évaluation du rendement mais à des candidats provenant d'autres provinces, dont l'installation à Vancouver serait faite aux frais des contribuables. Il craignait également que l'embauche se fasse en fonction de l'ancienneté. Le 24 mai 1985, Beatty lui a assuré que sa candidature serait prise en considération dans tout processus de sélection auquel il était admissible et que l'ancienneté ne constituerait pas un facteur dont on tiendrait compte dans ce processus.

Syed a déclaré qu'Adamson lui avait affirmé qu'il le garderait jusqu'en novembre 1985 et qu'il serait ensuite envoyé à Victoria. Il était enchanté par cette idée. Dans son témoignage, Adamson a déclaré qu'il avait espéré dès le début pouvoir obtenir la prolongation des contrats de tous ses analystes mais que, malheureusement, cela ne s'était pas passé ainsi.

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Le contrat d'Amarshi a pris fin en avril 1985 et n'a pas été prolongé. A l'époque, Amarshi a déclaré à Syed qu'il serait le prochain à partir.

Au printemps 1985, Poirier a envoyé des conseillers de Toronto pour aider Adamson dans la région de Vancouver. A leur arrivée, Syed a été chargé d'assister un ou deux de ceux-ci dans certains projets. Il était évident que le conseiller de Toronto agissait comme responsable et que Syed jouait un rôle secondaire.

Les espoirs de Syed de voir son contrat prolongé ont pris fin lorsqu'il a reçu une lettre datée du 29 avril 1985 de Lucien Lacasse, un conseiller supérieur en gestion qui était l'adjoint de Poirier. Il a informé Syed que son contrat prendrait fin le 31 mai 1985 et il a ajouté :

(TRADUCTION)

"En raison des restrictions apportées au programme d'évaluation du rendement pour lequel vous avez été engagé et de la réduction qui s'ensuit des ressources affectées audit programme, nous sommes incapable de prolonger votre contrat au-delà du 31 mai 1985." (Pièce HR-7)

Syed a demandé à Lucien Lacasse s'il serait possible de prolonger son contrat au moins jusqu'à la tenue du concours pour lui permettre d'y présenter sa candidature. Lacasse lui a indiqué qu'il était impossible de prolonger son contrat pour une période de

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quelques mois. Ironiquement, l'affichage du concours a en fait eu lieu le 12 juin 1985, quelque temps après la fin du contrat de Syed.

Juste avant son départ, Syed a reçu une évaluation de son rendement remplie par Adamson. La cote globale obtenue était "satisfaisant". Cela n'a pas plu à Syed. Il estimait qu'il aurait dû recevoir une cote plus élevée comme "entièrement satisfaisant" ou "supérieur". Adamson et Poirier ont tous les deux déclaré qu'il était tout à fait normal d'attribuer une cote "satisfaisant" à un employé sans expérience nommé pour une période déterminée et qu'il était admis qu'il s'agissait d'un bon résultat.

Syed a tout le temps eu l'impression qu'Adamson faisait preuve de favoritisme à l'égard de Sterling. C'est Sterling qui a été choisi pour effectuer le travail à l'aéroport de Winnipeg ce qui lui a permis d'obtenir une prolongation de son contrat de travail et, par conséquent, ce qui lui a donné l'occasion de postuler un poste permanent. C'est également Sterling qui a été affecté à l'aéroport de Winnipeg plutôt qu'Amarshi qui avait commencé à travailler aux Douanes et Accise en même temps que lui. Syed estimait qu'Amarshi avait plus d'expérience que Sterling en matière d'aéroport et que, malgré tout, c'est ce dernier qui a été affecté à l'aéroport de Winnipeg et non Amarshi. En conséquence, même si Amarshi et Syed était tous les deux disponibles et qu'ils étaient capables d'effectuer ce

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travail, Adamson a choisi le blanc plutôt que les ressortissants des Indes orientales; de plus, en étant affecté à Winnipeg, Sterling était sûr d'obtenir une prolongation de son contrat et de pouvoir présenter sa candidature au poste doté pour une période indéterminée. Pour se justifier, Adamson a déclaré que Sterling avait déjà travaillé à l'aéroport de Calgary et qu'il était disponible pour se rendre à Winnipeg. L'expérience de Syed en matière d'aéroport était négligeable et limitée, celui-ci ayant joué le rôle d'un assistant. Même si Amarshi avait de l'expérience en matière d'aéroport, Adamson a pensé qu'il était peu disposé à voyager et à se trouver loin de sa famille pendant de longues périodes.

4) Les déclarations d'Adamson

Deux exemples de preuves directes alléguées de la discrimination fondée sur la race sont ressortis des dépositions de témoins.

Contre-interrogé par Mme Humphries, Syed a déclaré qu'Adamson avait fait une remarque raciste directe à son égard. Il a affirmé qu'Adamson lui aurait dit qu'il n'aimait pas qu'il y ait des ressortissants des Indes orientales au bureau. Fait étrange, cette déclaration n'a pas été soulevée au cours de l'interrogatoire principal de Syed; ce dernier ne l'a pas mentionnée dans la plainte

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qu'il a adressée à la Commission canadienne des droits de la personne; il n'en a pas été non plus question dans les déclarations qu'il a faites aux enquêteurs des droits de la personne. M. Engelmann n'a nullement insisté sur cet élément de preuve dans son argumentation. La seule conclusion possible est que cette preuve n'est pas crédible.

Le deuxième exemple ressort du témoignage de Man Mohan Khanna (Khanna). Celui-ci a été affecté au bureau de la région de Vancouver au cours de l'été 1985, supplantant ainsi Adamson dans son poste de chef suppléant. Syed était déjà parti, mais Khanna l'avait connu en 1982 lorsqu'ils travaillaient tous les deux pour Canadair. Il a été question dans le témoignage de Khanna d'une discussion qu'il avait eue avec Adamson au cours de l'été 1986, un an après son arrivée à Vancouver. Adamson lui a alors appris que Syed avait déposé une plainte contre lui devant la Commission canadienne des droits de la personne et il a ajouté qu'il n'avait aucune chance de gagner sa cause. Khanna a demandé à Adamson quelle était la nature du problème vu qu'il ne connaissait pas vraiment le rôle de la Commission des droits de la personne. Il a ensuite déclaré dans son témoignage :

(TRADUCTION)

J'ai dit, "J'ai travaillé avec ce type et, voyez-vous, je ne vois aucune raison pour laquelle il a pris une telle mesure extrême.

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Et il a dit "Oh, vous savez, je ne l'aimais pas et je ne voulais pas qu'il travaille ici" quoiqu'il en soit. Et il a ensuite dit quelque chose qui m'a vraiment fâché. Il a affirmé qu'il préférait travailler avec les gens de son espèce.

J'ai dit "Que voulez-vous dire, travailler avec d'autres conseillers?" Vous savez, il est aussi un conseiller. Et il a alors dit "Non, non, je ne veux pas dire ça", vous savez, "il est différent". Et alors, je ... je me suis mis en colère; je lui ai dit "Que voulez-vous dire, il est différent; je suis également différent. Ne suis-je pas différent?"

Ensuite, il était ahuri et tout le reste, et je me suis vraiment fâché. J'ai dit "Écoutez, sortez, laissez-moi seul, d'accord? Ne prononcez plus de telles absurdités devant moi car, vous savez, je vais prendre des mesures sévères à votre égard; je n'aime pas ce genre d'attitude; je ne permets jamais ce genre de choses, ne me parlez plus jamais."

Et il est parti. Et par la suite, il n'a jamais fait allusion à cette affaire devant moi. (Notes sténographiques, vol. 2, page 249)

Avant même d'avoir entendu le témoignage d'Adamson sur cet aspect de l'affaire, nous avons arraché à Khanna certains faits qui militent contre la possibilité qu'Adamson ait pu faire une telle déclaration et qui permettent de douter de la véracité du témoignage de Khanna. Tout d'abord, Khanna est lui-même originaire des Indes orientales et Adamson le savait. Adamson savait également qu'une enquête de la Commission canadienne des droits de la personne était en cours. En outre, Khanna était le superviseur immédiat d'Adamson et il pouvait prendre des mesures disciplinaires à son égard pour avoir formulé de telles remarques. Pour sa part, même s'il a été blessé et fâché par ces commentaires, Khanna n'a pris aucune mesure disciplinaire ou mesure de représailles de quelque nature que ce soit. Qui plus est, dans les évaluations qu'il a faites au sujet d'Adamson, Khanna a indiqué une fois que la cote globale obtenue

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par celui-ci était "satisfaisant" et une autre fois "entièrement satisfaisant", même si cette dernière cotation était artificielle et généreuse selon Khanna lui-même.

Il semblerait en outre que Khanna entretenait une certaine animosité à l'égard d'Adamson, ce dernier ayant témoigné contre lui auparavant lors d'une audience en matière de discipline tenue devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Khanna a tout d'abord été congédié en raison d'une fausse déclaration alléguée au sujet des heures de travail dans une formule qu'il avait remplie, mais il a par la suite été réintégré dans son poste, avec une suspension, après l'audition d'un appel devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. De toute manière, il est évident que Khanna a accusé Adamson d'avoir menti lorsqu'il a témoigné contre lui devant la Commission et il est certain que cela doit, dans une certaine mesure, influencer ses sentiments actuels à l'égard d'Adamson.

Adamson a admis dans son témoignage qu'il avait affirmé à Khanna qu'il préférait travailler avec les gens de son espèce, mais que cela signifiait qu'il préférait travailler avec son personnel local plutôt qu'avec des conseillers provenant de Toronto. Il a ajouté qu'il aurait préféré garder ses employés et prolonger leur contrat de six mois plutôt que d'avoir recours aux analystes de Toronto, mais Poirier lui avait indiqué que des personnes étaient

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disponibles dans l'Est et qu'il devait utiliser leurs services. Poirier a confirmé qu'Adamson lui avait fait part de son désir d'utiliser son propre personnel et qu'il avait accepté à contrecoeur les conseillers provenant de l'Est du pays.

Compte tenu des points faibles du témoignage de Khanna, de l'animosité qu'il entretient à l'égard d'Adamson et des explications fournies par ce dernier au sujet de sa remarque, nous croyons que la déclaration d'Adamson était dénuée de racisme. En outre, il est illogique de penser que la remarque d'Adamson pouvait contenir un tel sous-entendu étant donné, en particulier, qu'il avait contribué à faire embaucher des ressortissants des Indes orientales comme Syed et Amarshi.

5) Nature de la preuve circonstancielle

Il nous reste maintenant à déterminer s'il existe une preuve circonstancielle probante de l'existence d'une discrimination fondée sur la race. Le fait particulier souligné par l'avocat de la Commission est que, des trois conseillers subalternes en gestion dont les contrats pouvaient être prolongés, c'est-à-dire Syed et Amarshi qui sont originaires des Indes orientales et Sterling qui est blanc, seul le contrat de Sterling a été prolongé. M. Engelmann a prétendu que Syed et Amarshi étaient tous les deux plus compétents que Sterling et que la race doit donc

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avoir constitué un facteur ayant mené à la décision qui a été prise, même si elle n'a peut-être pas été le facteur déterminant.

Le problème créé par cette théorie est que Poirier doit avoir collaboré avec Adamson ou, tout au moins, avoir été la dupe involontaire du plan d'Adamson. M. Engelmann a clairement indiqué dans son argumentation qu'il ne laissait pas entendre que Poirier avait fait quoi que ce soit pour établir une distinction fondée sur un motif illicite ou que le système mis sur pied par celui-ci aurait pu être meilleur ou plus équitable. Ainsi, il n'y a pas eu complicité de la part de Poirier.

Poirier avait été engagé comme gestionnaire de projet pour rattraper le retard pris par le programme. Il a engagé beaucoup plus de conseillers subalternes pour effectuer l'évaluation du rendement et il a préparé de nouveaux calendriers de travail. Poirier a déclaré que le projet national devait prendre fin à l'automne 1985. Il s'est rendu compte au printemps 1985 qu'il était inutile de garder tous les employés déjà engagés pour la durée complète du projet. Il est devenu évident pour Poirier qu'étant donné que le travail était déjà terminé ou sur le point de l'être dans les provinces du Centre du Canada, la charge de travail qu'il restait à effectuer dans l'Ouest ne justifiait pas de garder tous les conseillers engagés. Le travail à accomplir diminuait au fur et à

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mesure que les projets individuels prenaient fin et, par conséquent, il a jugé qu'il devait commencer à réduire les effectifs.

Une fois les normes mises en place, son plan consistait à passer à la phase de maintien du programme qui nécessiterait seulement 10 conseillers dans l'ensemble du pays : 4 à Toronto, 3 à Montréal et 3 à Vancouver pour s'occuper de l'Ouest canadien.

Il ne faut pas oublier que c'est Poirier et non Adamson qui a décidé de laisser les contrats prendre fin. Poirier a décidé de laisser partir certains conseillers et la méthode qu'il a utilisée à cette fin était un ordre inverse du mérite. Poirier a ainsi estimé qu'Amarshi et Syed, même s'ils étaient compétents, avaient un rendement inférieur à celui d'autres conseillers qu'il avait à sa disposition dans l'ensemble du pays et leurs contrats n'ont donc pas été renouvelés. De même, dans la région de Toronto, il a laissé partir M. William Surphlis qui n'était pas originaire des Indes orientales.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, Poirier a déclaré et confirmé dans son témoignage qu'Adamson aurait préféré au départ garder ses employés en faisant prolonger leurs contrats. Il aurait voulu garder Amarshi et Syed en plus de Sterling et il n'était pas enchanté par la perspective que des conseillers provenant d'autres régions viennent terminer son travail. Le premier choix d'Adamson

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était de garder son personnel; mais Poirier a indiqué dans son témoignage qu'il a expliqué à Adamson qu'il devait commencer à réduire son personnel et à renvoyer certaines personnes en raison des restrictions concernant les années-personnes et des fonds limités dont il disposait. En dernière analyse, il s'agissait d'une décision imposée à Adamson par Poirier.

Poirier s'est fié à Adamson lorsqu'il a été question de classer Sterling avant Syed et Amarshi. Cependant, Poirier était d'avance favorable à Sterling ayant siégé au jury de sélection l'ayant choisi. Il avait une bonne opinion de ses capacités. En outre, lors du concours qui a eu lieu plus tard en 1985 pour doter pour une période indéterminée des postes vacants à Vancouver, Sterling s'est finalement classé deuxième et Adamson a terminé cinquième ou sixième seulement. Il est donc évident que Sterling était très doué.

C'était Poirier et non Adamson qui croyait qu'une réduction du personnel était nécessaire en raison de la diminution de la charge de travail, des restrictions apportées au nombre d'années-personnes et des fonds limités. Même si M. Engelmann a allégué que ces raisons étaient spécieuses, il ne faut pas oublier qu'elles ont été fournies par Poirier contre qui aucune plainte de discrimination n'a été portée. Poirier était au courant de la difficulté de communication de Syed, y ayant lui-même fait face lors de l'entrevue initiale avec le jury de sélection et ayant entendu parler du problème s'étant posé lorsque Syed a travaillé au bureau de

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poste. En fait, les anciens employeurs donnés comme références par Syed avaient signalé ce point faible à Poirier. Par conséquent, Poirier avait de bonnes raisons d'accepter l'avis d'Adamson voulant que Syed, même s'il s'acquittait de ses fonctions d'une manière satisfaisante, ne travaillait pas aussi bien que Sterling. En outre, nous sommes incapables de conclure en nous fondant sur la preuve que Poirier et Adamson ont eu absolument tort d'en arriver à une telle conclusion.

Tous les conseillers en gestion nommés pour une période déterminée dans la région de Vancouver savaient qu'un concours serait prochainement ouvert pour deux postes d'une période indéterminée dans ce secteur. Ce sujet revenait constamment dans leurs discussions. Évidemment, cela intéressait au plus haut point Syed, Amarshi et Sterling. En outre, cela revêtait une importance considérable pour Adamson lui-même étant donné qu'il savait qu'il serait remplacé par Khanna qui exercerait le droit de le supplanter vu qu'il exerçait ses fonctions à titre de remplaçant. Adamson savait donc qu'il devrait lutter avec les trois autres conseillers en gestion locaux pour obtenir l'un des deux postes disponibles. La thèse de M. Engelmann était qu'Adamson avait profité de la décision de Poirier de réduire le nombre de ses conseillers pour éliminer ses concurrents locaux. Il va même plus loin en soutenant que l'omission d'affecter Syed et Amarshi à des projets qui, en fait, auraient entraîné une prolongation de leurs contrats de travail reposait en partie sur des motifs raciaux.

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Il est vrai qu'Adamson était manifestement en conflit d'intérêts. Il avait le pouvoir d'affecter Syed et Amarshi à des projets qui, en raison de leur nature, entraînerait une prolongation de leurs contrats de travail et les rendrait ainsi admissibles à un concours visant à remplir des postes d'une durée indéterminée si ledit concours était ouvert pendant qu'ils travaillaient à ces projets. En fait, en affectant Sterling au projet de l'aéroport de Winnipeg, Adamson lui a sciemment permis de devenir admissible à un concours pour le poste. Il se peut qu'Adamson ait considéré qu'Amarshi et Syed étaient des candidats plus compétents que lui-même ou Sterling et qu'il a donc choisi de ne pas les placer dans une situation avantageuse afin d'éliminer deux concurrents sérieux pour le poste qu'il convoitait. Même à cela, Adamson s'est pratiquement surpassé en finesse étant donné que Sterling s'est classé bien avant lui dans le concours, comme l'ont fait d'ailleurs deux ou trois autres candidats, et que ce n'est que par chance que ces autres candidats ont refusé le poste. Ces actes, s'ils peuvent vraiment être attribués à Adamson, étaient probablement injustes ou incorrects de sa part. Mais cela ne constitue pas une violation de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme l'a déclaré le président John D. McCamus siégeant à une commission d'enquête de l'Ontario dans l'affaire Ingram v. Natural Footwear (1980) 1 C.H.R.R. D/59, à la page D/61 :

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(TRADUCTION)

Un tel congédiement, bien qu'il constitue une mesure sévère et qu'il ne pourrait être maintenu en vertu des modalités d'une convention collective ordinaire, ne pourrait être contesté en vertu du Human Rights Code à condition que les motifs à son origine n'aient absolument aucun rapport avec les motifs de discrimination interdits par le Code. Si nous devions accéder à la demande de l'avocat de la commission, cela équivaudrait à faire du Ontario Human Rights Code, qui est une loi interdisant la discrimination, une loi qui interdit en général le congédiement abusif ou injustifié des employés. A mon avis, il s'agit d'une interprétation qui ne peut raisonnablement être donnée au Ontario Human Rights Code.

De même, dans l'affaire Bremer v. Board of School Trustees, School District No. 62 (Sooke) and Pullinger (décision non publiée, 10 juin 1977), une commission d'enquête de la Colombie-Britannique a déclaré à la page 10 :

(TRADUCTION)

Il existe, par la force des choses, d'autres limites à la portée du Code. L'égalité que celui-ci cherche à assurer n'est nullement une forme parfaite et abstraite d'égalité. Par exemple, une personne qui représente à tous les égards la norme d'une collectivité et est donc à l'abri de toute forme de discrimination fondée sur la race, la religion, ses opinions politiques, etc., pourra échouer à un concours tenu relativement à un emploi parce que la personne menant l'entrevue a mal à la tête et est peu impressionnée par la tendance du candidat à parler trop et trop fort. Par ailleurs, cette personne est peut-être le candidat idéal pour l'emploi postulé. Que la personne menant l'entrevue souffre ou non d'un mal de tête, il est clair que le Human Rights Code ne peut s'appliquer au traitement injuste subi par le candidat non reçu. Cependant, le fait est qu'une évaluation particulière des qualifications du candidat a été faite et, compte tenu de ces circonstances, le Code ne peut s'appliquer pour le simple motif que le candidat aurait obtenu un résultat injuste.

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M. Engelmann a admis que si M. Adamson avait pour seul objectif d'éliminer les candidats supérieurs sans motif racial, sa demande doit alors être rejetée. Nous avons examiné la preuve attentivement et nous éprouvons énormément de difficultés à y trouver des faits qui, séparément ou cumulativement, permettraient de conclure que la manière dont Adamson a traité Syed reposait sur des motifs raciaux. En fait, nous doutons même qu'une preuve prima facie a été établie à cet égard. Mais même si tel était le cas, nous sommes convaincus que l'intimé a réussi à prouver qu'il n'y avait eu aucune violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans cette affaire. Et il en est ainsi, que le fardeau de la preuve incombant à l'intimé consiste simplement à fournir une explication qui n'est pas un simple prétexte (voir Ingram v. Natural Footwear, précité; Almeida v. Chubb Fire Security (1984) 5 C.H.R.R. D/2104) ou à prouver, selon la balance des probabilités, qu'il n'y a pas eu de discrimination (voir, par exemple, Kearns v. P. Dickson Trucking Limited (1989) 10 C.H.R.R. D/5700; Pelletier v. Brazeau Transport (1987) 8 C.H.R.R. D/4045; Morisette v. CEIC (1987) 8 C.H.R.R. D/4390; Thiffault v. Quebecair (28 juillet 1989, TD 11/89)).

Pour tous ces motifs, nous croyons que la plainte doit être rejetée.

En date du 5 février 1990.

Sidney N. Lederman

Marvin N. Stark

Jenny C. Wong

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